19 octobre,
Fête de Saint Théofrède de Carméri, abbé et martyr (cf. > ici) ;
Mémoire de la Bienheureuse Agnès de Jésus ;
Mémoire de Saint Pierre d’Alcantara.
Si le calendrier liturgique de l’Eglise universelle fait aujourd’hui mention de Saint Pierre d’Alcantara (qui est l’une des très rares personnes dont il fut révélé à Sainte Thérèse d’Avila – qui l’avait eu pour confesseur et conseiller – qu’il était allé au Ciel sans passer par le Purgatoire), j’aimerais toutefois vous écrire quelque chose au sujet de la Bienheureuse Agnès de Jésus, plus souvent appelée Agnès de Langeac, du nom de la petite ville où elle fut moniale et où son corps repose dans l’attente de la résurrection.
En effet, Frère Maximilien-Marie a exposé aujourd’hui l’une de ses reliques dans notre oratoire du Mesnil-Marie parce c’est aussi le jour où les calendriers propres de l’Ordre des Prêcheurs et du diocèse du Puy marquent la célébration de sa fête.
Vous le savez, les chats monastiques ne consacrent pas tout leur temps à la chasse, mais ils ont aussi des moments d’étude et de lecture spirituelle… C’est ainsi que j’ai découvert avec émerveillement la vie de la Bienheureuse Agnès que je vais vous résumer ici.
Agnès Galand est née au Puy-en-Velay, le 18 novembre 1602, dans une famille de modestes artisans, pauvres de biens matériels mais riches d’une foi profonde et d’une pratique religieuse exemplaire.
Agnès fut donc élevée dans une piété simple, sans affectation, qui impliquait un véritable engagement du cœur et de la volonté.
Dès sa plus tendre enfance, elle aimait à passer de longs moments dans les églises du Puy, pour y adorer le Très Saint Sacrement ou pour se recueillir auprès des images de la Vierge Marie, et très spécialement dans la fameuse cathédrale où l’on vénère la statue miraculeuse de la Vierge Noire.
Habituée à se confesser très régulièrement dès l’âge de cinq ans, elle fut – fait tout à fait exceptionnel pour l’époque – admise à la Sainte Communion, qu’elle put dès lors recevoir une ou deux fois par quinzaine, à huit ans !
Profondément attirée par la retraite et la contemplation, elle a alors le désir de se consacrer totalement à Dieu dans la vie religieuse et prononce le vœu de virginité.
A partir de ce moment, sa vie intérieure s’intensifie et elle reçoit des grâces mystiques signalées, accompagnées de vexations diaboliques, de persécutions diverses, d’incompréhensions douloureuses et de calomnies…
Mais elle a aussi la grâce de voir son Ange gardien et de vivre dans sa compagnie familière.
Reçue dans le Tiers-Ordre de Saint Dominique à l’âge de 19 ans, il lui faudra encore attendre deux années – remplies de difficultés et d’obstacles – avant de pouvoir réaliser son désir d’entrer au couvent.
Enfin, le 4 octobre 1623, elle fut reçue comme novice converse, sous le nom de Sœur Agnès de Jésus, dans le monastère de dominicaines contemplatives placé sous le vocable de Sainte Catherine de Sienne qui venait d’être fondé dans la ville de Langeac, ville située à une dizaine de lieues du Puy, mais qui se trouvait alors dans le territoire de l’évêché de Saint-Flour.
Les grâces mystiques s’intensifièrent encore : si les saints et les anges lui apparaissaient familièrement pour l’encourager et éclairer sa conduite, le démon multipliait aussi les attaques – jusqu’aux coups physiques – pour l’empêcher d’accomplir son office.
A l’approche de sa profession solennelle (les vœux temporaires n’existaient pas en ce temps là et on faisait la profession perpétuelle à l’issue du noviciat), le diable déploya même des industries incroyables pour semer le trouble dans l’esprit de ses supérieures et la faire renvoyer.
Cependant le Ciel intervint lui aussi de manière si sensible qu’en définitive Sœur Agnès de Jésus, novice converse, fut non seulement admise à la profession solennelle mais le fut en tant que religieuse de chœur !
Le 28 septembre 1624, elle échangea donc le scapulaire noir des converses contre le blanc des choristes ; elle dut accomplir quelques mois supplémentaires de noviciat pour recevoir la formation des religieuses de chœur, et fit profession solennelle en la fête de la Purification de Notre-Dame, 2 février 1625.
D’abord chargée de la porte et de la distribution des aumônes, elle fut ensuite promue maîtresse des novices et finalement élue prieure à la fin de l’année 1626, à l’âge de 24 ans !
Son gouvernement fut plein de sagesse et très profitable à la communauté, on s’en doute bien. Mais le renom de sa vertu et des grâces particulières qui lui étaient départies ne manquèrent pas non plus d’exciter l’incrédulité, l’incompréhension, la suspicion, voire la jalousie ou même la haine : cela aussi est malheureusement inévitable, car même dans l’univers des âmes pieuses il en est qui se révèlent soudain incroyablement mesquines et capables de méchanceté !
Elle fut même un temps déposée de son priorat et suspectée, avant d’être rétablie dans sa charge.
Outre les apparitions des Saints, le commerce familier de son Ange gardien, et les tourments diaboliques devenus habituels, Mère Agnès de Jésus eut la grâce de lire dans les consciences, de prédire certains évènements à venir, de recevoir la communion de manière miraculeuse, de subir la transverbération mystique, de biloquer …etc.
Son intervention fut particulièrement remarquable auprès d’un jeune clerc, qui sans avoir encore été ordonné prêtre avait reçu à dix-huit ans l’abbaye de Pébrac en commende et avait commencé par vivre une vie confortable d’abbé mondain : il se nommait Jean-Jacques Olier de Verneuil.
L’abbaye de Pébrac ne se trouve pas très loin de Langeac, mais évidemment Mère Agnès de Jésus n’en connaissait pas l’abbé commendataire, qui vivait à Paris.
Cependant elle reçut de la Sainte Vierge elle-même la mission de prier pour la conversion de Jean-Jacques Olier, de le soutenir dans sa préparation aux Ordres Sacrés (préparation qu’il fit sous la conduite de Saint Vincent de Paul), de lui obtenir toutes les grâces de sanctification nécessaires à sa mission future – pendant trois années – et elle lui apparut même dans la cellule qu’il occupait dans la maison de Saint-Lazare.
Quand, après sa retraite à Saint-Lazare, Monsieur Olier vint à Pébrac pour s’occuper de son abbaye et évangéliser les paysans qui en dépendaient, il entendit vanter la vertu de la Prieure des Dominicaines de Langeac et il résolut de lui rendre visite.
Après plusieurs demandes restées sans réponse, Monsieur Olier obtint finalement un entretien avec Mère Agnès.
Conformément à l’usage, Mère Agnès de Jésus vint au parloir et commença à s’entretenir avec lui en ayant le voile baissé sur le visage.
Le jeune abbé – attentif au son de sa voix – osa lui demander de relever son voile, et jeta un cri de surprise : « Ma Mère, je vous ai vue ailleurs ! »
« Il est vrai, répondit humblement la moniale, vous m’avez vue deux fois à Paris dans votre retraite à Saint-Lazare où je vous suis apparue parce que j’avais reçu de la Très Sainte Vierge l’ordre de prier pour votre conversion, Dieu vous ayant destiné à jeter les fondements des premiers séminaires du Royaume de France. »
Dès lors, entre ces deux âmes, s’établit une relation privilégiée.
Mère Agnès, durant les six mois que Monsieur Olier resta en Auvergne, paracheva son éducation dans les voies spirituelles, le forma pour sa mission, lui prédit les grandes étapes de son avenir, et toutes les croix qu’il aurait à porter.
Le 12 octobre 1634, Monsieur Olier, rappelé à Paris, vint faire ses adieux à Mère Agnès.
Cette dernière sut alors que sa mission terrestre était achevée. Le soir même de ce jour, elle fut saisie par un mal violent et de fortes fièvres qui la mirent rapidement à toute extrémité.
Elle expira le jeudi 19 octobre 1634, vers dix heures du matin, et son corps apparut alors à tous ceux qui étaient là, resplendissant d’une beauté surnaturelle, tandis que pendant les cinq jours où il fut exposé à la grille du chœur des moniales, des milliers de témoins – attirés par la nouvelle de son bienheureux trépas et sa réputation de sainteté – purent constater que son corps répandait une chaleur merveilleuse et une odeur céleste.
Au moment même de cette mort, Monsieur Olier qui chevauchait vers Paris fut renversé de son cheval d’une manière inexplicable. Il était porté à s’humilier devant Dieu en pensant que cette chute incompréhensible était peut-être un châtiment pour quelque négligence, quand il vit fondre sur lui un ange d’une impressionnante majesté qui l’enveloppa de ses ailes, en même temps qu’il entendait la voix de son propre ange gardien lui dire : « Honore bien cet ange car c’est un des plus grands qui soit donné à la créature sur terre… »
Mais il ne comprit pas le sens de cette vision. Il n’en eut l’explication que quelques jours plus tard, arrivé à Paris, quand il reçut une lettre lui annonçant le décès de Mère Agnès.
Pénétré de douleur, il alla devant le Saint-Sacrement pour se recueillir, et là il entendit distinctement la voix de la sainte moniale qui lui disait : « Ne t’afflige donc pas, je t’ai laissé mon ange! »
Ainsi donc, la Bienheureuse Agnès de Langeac, du fait de la mission qui lui fut confiée auprès de Monsieur Olier, a-t-elle une grande part dans la réforme du clergé au XVIIème siècle, par la fondation des séminaires et, pour les siècles suivants, on peut ajouter que nous lui devons une bonne part de la solidité de la formation spirituelle et apostolique que dispensèrent « ces Messieurs de Saint-Sulpice » tant qu’ils furent fidèles à l’esprit de leur vénérable fondateur.
En achevant de vous faire partager le résumé de mes lectures, ce soir, je ne puis que relever les points de comparaison qui existent entre la décadence du clergé de France au début du XVIIème siècle et la situation actuelle et, par suite, appeler de mes vœux la présence en notre temps d’âmes ferventes comme le furent celles de la Bienheureuse Mère Agnès et de Monsieur Olier, pour travailler au relèvement spirituel de ce Royaume et de toute la Sainte Eglise.
Lully.
Prière et litanies en l’honneur de la Bse Agnès de Jésus > ici
Châsse renfermant les restes mortels de la Bienheureuse Agnès de Jésus
au monastère des dominicaines de Langeac