2025-77. Des Bienheureux Clément d’Osimo et Augustin Novello que nous fêtons le 8 avril.
8 avril,
Fête des Bienheureux Clément d’Osimo et Augustin Novello, prêtres et confesseurs de l’Ordre des Ermites de Saint Augustin ;
En Carême, mémoire de la férie.
Martyrologe propre des Ermites de Saint Augustin :
« A Orvieto, le Bienheureux Clément de Saint-Elpide, vulgairement dit d’Osimo, confesseur de notre Ordre, personnage d’une grande clémence et d’une grande piété : après avoir rempli plusieurs fois avec éclat les fonctions de supérieur général, il refondit et augmenta les règles de l’Institut de Saint Augustin pour remettre en vigueur la discipline régulière, et il en est regardé comme le second fondateur ; il reposa en paix plein de jours et de vertus ».
« A Sienne, en Toscane, le Bienheureux Augustin Novello, confesseur de notre Ordre, dont l’humilité fut si grande que, abandonnant, après deux ans, la direction générale de l’Ordre qu’il n’avait acceptée que sur l’ordre du Souverain Pontife, il se retira dans l’ermitage de Saint Léonard, où comblé de vertus, il s’endormit dans le Seigneur ».
Le Bienheureux Clément de Saint-Elpide, ou d’Osimo,
fresque de la chapelle du Saint-Sacrement
dans la basilique de Saint-Augustin au Champ de Mars, à Rome
On ne sait ni à quelle date précise ni exactement en quelle ville de la Marche d’Ancône et né le Bienheureux Clément d’Osimo on peut simplement dire que ce fut au début du XIIIème siècle et que deux cités revendiquent d’avoir été sa patrie terrestre, Sant’Elpidio al Mare (près d’Ancône) et Osimo. A l’heure actuelle cependant, les historiens de l’Ordre inclinent plutôt à penser qu’il serait né à Sant’Elpidio et qu’il aurait passé ensuite plusieurs années à Osimo.
On n’en sait pas davantage sur ses origines, sa famille, sa formation originelle, la maturation de sa vocation et la date exacte de son entrée dans la vie religieuse ; on n’en sait pas beaucoup plus sur sa carrière dans l’Ordre avant son élection comme Prieur général, si ce n’est qu’il appartenait originellement à une congrégation, dite des Ermites de Brettino (voir la note 1), laquelle, en 1255-1256, fusionna avec la première réunion d’Ermites augustiniens – au départ dans les provinces d’Ombrie et du Latium – qui, à partir de 1243, avaient commencé la constitution d’un Ordre religieux mendiant sous la direction du pape Innocent IV (+ 1254).
Le 9 avril 1256, la bulle Licet Ecclesiæ Catholicæ consacra cette fusion de plusieurs anciennes communautés d’ermites vivant sous la Règle de Saint Augustin en Ordre des Ermites de Saint Augustin.
Le Père Clément d’Osimo fut rapidement remarqué parce qu’il était doté d’un remarquable bagage de culture et de spiritualité : d’abord élu provincial pour la Province d’Ancône, en 1269, il fut, en 1271, choisi par le chapitre général pour devenir Prieur général de l’Ordre.
Il occupa cette charge pendant trois années, au terme desquelles il retourna à la vie retirée dont il était épris.
Mais, en 1284, il fut réélu à l’unanimité, et reconduit en 1287 et 1290.
Il s’éteignit saintement au couvent des Augustins d’Orvieto le 8 avril 1291, quelques mois après le début de son quatrième mandat.
Orvieto : portail de l’église du couvent des Augustins
qu’a connue me Bienheureux Clément d’Osimo et dans laquelle il fut inhumé en 1291
[actuellement cette église est transformée en espace d'exposition].
Les historiens de l’Ordre ont souligné ses qualités dans le gouvernement : prudence, prévenance, bienveillance paternelle, sollicitude, travail inlassable. Tous s’accordent à affirmer que Clément fut indubitablement le plus grand des prieurs généraux des premiers temps de l’Ordre.
Ce n’est pas un hasard s’il lui a été confié la tâche de reformuler et de promulguer les Constitutions de l’Ordre (dites « Constitutions de Ratisbonne », parce que c’est à ce chapitre général qu’elles furent définitivement adoptées et promulguées), une œuvre monumentale à laquelle il s’est consacré inlassablement aidé de son frère d’âme et ami le Bienheureux Augustin Novello, dont il est question ci-dessous.
Outre son rôle de promoteur déterminé et efficace de l’unité de l’Ordre, par la promulgation des premières Constitutions, il prit soin d’enraciner profondément la formation des novices dans la spiritualité augustinienne, imposa une liturgie unique pour tout l’Ordre, ouvrit des maisons d’études dans les grands centres intellectuels de l’époque : Paris, Rome, Bologne, Padoue et Naples. C’est sous son priorat que commença la fondation de maisons de moniales augustiniennes.
Animé lui-même par une profonde dévotion mariale il en fit une tradition de l’Ordre.
Ses biographes ont mentionné plusieurs miracles qu’il accomplit de son vivant (comme de l’eau changée en vin).
A ses derniers moments, assistèrent le pape Nicolas IV (pape de 1288 à 1292), qui résidait à Orvieto, ainsi que la Curie. Sa mort fut aussitôt suivie de nombreux miracles, si bien que le Souverain Pontife, affirmant qu’il était indigne que la terre de cachât un corps d’une telle sainteté, ordonna que l’on différât sa sépulture de plusieurs semaines, pendant lesquelles il ne montra aucun signe de corruption.
Il y avait même une telle foule qui se pressait pour vénérer cette dépouille mortelle que la municipalité d’Orvieto ordonna de démolir plusieurs maisons afin d’élargir la rue qui conduisait au couvent des Augustins et d’en faciliter l’accès.
Le cardinal Benedetto Caetani, qui avait le Père Clément d’Osimo pour confesseur et qui – malgré cela – devint plus tard le terrible pape Boniface VIII, a témoigné de l’exquise odeur céleste que répandait le corps du saint religieux au lieu de l’habituelle odeur de putréfaction.
En 1761, le pape Clément XIII confirma le culte « ab immemorabili » du Bienheureux Clément d’Osimo.
D’abord inhumé dans l’église du couvent d’Orvieto, son corps fut translaté au XVIIIème siècle dans la basilique de Saint Augustin au Champ de Mars, à Rome, puis a été transféré le 4 mai 1970 dans la chapelle de la Curie généralice de l’Ordre.
Sienne : statue du Bienheureux Augustin Novello (vers 1755)
attribuée à Giuseppe Silini (1724-1814)
Cet autre bienheureux de l’Ordre des Ermites de Saint Augustin est né vers 1240. Sa ville de naissance est incertaine : on l’appelle parfois Augustin de Tarano ou Augustin de Terranova, deux villes de la province de Rieti qui revendiquent d’être celle de sa naissance, mais il y a aussi plusieurs cités de Sicile qui le réclament pour l’un des leurs : Termini Imerese, Trapani, Taormina ou même Palerme.
Au saint baptême il avait reçu le prénom de Matteo (Matthieu). Certains auteurs prétendent qu’il était issu d’une famille noble de Catalogne, mais cela semble plus hypothétique que certain.
Ce dont nous sommes sûrs, en revanche, c’est qu’il fit des études de droit à l’université de Bologne, où il fut reçu docteur « in utroque jure » (littéralement : « en l’un et l’autre droits », c’est-à-dire en droit canonique et en droit civil).
Il semble qu’il enseigna quelque temps, puis il fut embauché à la chancellerie du royaume de Sicile, à la cour du roi Manfred de Hohenstaufen (voir la note 2).
Grièvement blessé lors de la bataille de Bénévent (26 février 1266) au cours de laquelle le roi Manfred fut défait et perdit la vie, Matteo avait été laissé pour mort sur le champ de bataille.
Cette « opportunité » lui permit de changer radicalement de vie car, revenu à la santé mais surtout touché par une grâce de conversion, ayant quitté la Sicile, il se présenta à l’ermitage augustinien de Sainte-Lucie, au hameau de Rosia, sur le territoire de la petite ville de Sovicille, près de Sienne, pour y mener la vie de consécration et de service d’un simple frère convers, sous le nom d’Augustin.
Il pouvait être certain que personne ne le rechercherait, puisqu’on le croyait mort, et que nulle attache humaine ne viendrait le tirer de sa thébaïde.
Ruines de l’ermitage augustinien de Sainte-Lucie, au hameau de Rosia,
commune de Sovicille, près de Sienne (état actuel).
En une occurrence où les droits du couvent furent attaqués, l’humble frère Augustin s’autorisa de faire connaître ses compétences de juriste pour se mettre au service de la défense de la communauté : c’est à cette occasion que sa véritable identité fut découverte.
Le Prieur général de l’Ordre, qui n’était autre que le Bienheureux Clement d’Osimo, prenant conscience de ses aptitudes et de sa science, qui étaient en outre étayées par de solides vertus, le transféra à Rome, où, désormais connu sous le nom de « Agostino Novello » (nouvel Augustin), il lui fit recevoir le sacerdoce.
Peu de temps après, le pape Nicolas IV (pape de 1288 à 1292) le choisit pour confesseur et le nomma pénitencier apostolique (voir la note 3), fonction qu’il exerça pendant une dizaine d’années, puisqu’il le fut également sous les pontificats de Saint Pierre Célestin V et de Boniface VIII.
Durant la même période, il collabora à la rédaction des Constitutions de Ratisbonne de 1290.
En mai 1298, les capitulaires réunis à Milan pour le Chapitre général de l’Ordre, bien qu’il n’y fût pas présent et sans lui demander son consentement, l’élurent Prieur général. Boniface VIII lui donna l’ordre d’accepter cette charge : le Père Augustin se soumit humblement, par pure obéissance.
Toutefois, au bout de deux ans, durant lesquels il gouverna l’Ordre avec une grande humanité et beaucoup de sagesse, il convoqua de manière anticipée, à Naples, le Chapitre général au cours duquel il résilia sa charge. Les capitulaires ne parvinrent pas à le faire changer d’avis.
Ermitage Saint-Léonard, sur la commune de Monteriggioni, près de Sienne :
c’est là que le Bienheureux Augustin Novello passa les dernières années de sa vie (de 1300 à 1309)
Le législateur le plus prestigieux de l’Ordre se retira dans l’ermitage de Saint-Léonard au bord du lac (San-Leonardo al Lago), à Monteriggioni, près de Sienne, « se reposant à l’ombre de la contemplation divine » comme l’a magnifiquement écrit l’un de ses biographes, il ne se consacra plus qu’à la prière et aux œuvres de charité (il soutint la fondation de l’hôpital Santa-Maria della Scala situé en face de la cathédrale de Sienne, et lui donna ses premiers statuts juridiques).
Il mourut en 1309, âgé d’environ 69 ans, peut-être à la date du 19 mai (qui était le lundi de Pentecôte) mais ce n’est pas absolument certain).
Comme de nombreux miracles se produisirent sur sa tombe, l’évêque de Sienne fit transférer son corps dans l’église de Saint-Augustin à Sienne.
Entre 1324 et 1328, le célèbre peintre Simone Martini (1284-1344) réalisa un retable (à la tempera sur bois) pour l’église des Augustins de Sienne représentant le Bienheureux Augustin Novello et les miracles qu’il accomplit : notre Bienheureux y est représenté avec un ange qui lui murmure à l’oreille. Dès lors « l’ange chuchoteur » – symbole de l’inspiration divine – sera une constante dans l’iconographie du Bienheureux Augustin Novello.
Le Bienheureux Augustin Novello avec « l’ange chuchoteur »
détail du « Triptyque de Saint Augustin » de Simone Martini (1284-1344)
[Pinacothèque nationale de Sienne]
En 1759, le pape Clément XIII approuva son culte immémorial, et l’inscrivit au catalogue des bienheureux.
En 1620, accédant à la demande des fidèles de Termini Imerese, en Sicile, qui assuraient qu’il était né chez eux, le Grand Duc de Toscane avait fait don à la cathédrale de cette ville des ossements de l’un des bras du Bienheureux Augustin ; puis, en 1977, ce fut le corps tout entier qui y fut translaté, et qui s’y trouve désormais, entouré d’une très grande piété populaire.
Chapelle du Bienheureux Augustin Novello
dans la cathédrale de Termini Imerese, en Sicile :
les restes mortels du Bienheureux se trouvent enfermés à l’intérieur d’un gisant
et sont au centre d’une grand mouvement de ferveur populaire.
Note 1 :
Les ermites de Brettino : Brettino était un endroit solitaire à environ une lieue et demi de Fano (région des Marches). Au début du XIIIème siècle, quelques hommes pieux se réunirent autour d’une petite église dédiée à saint Blaise, afin d’y mener une vie de prière et de pénitence. En 1227, cette petite congrégation reçut la protection du pape. La vie des ermites de Brettino était très austère, la pauvreté y était très rigoureuse et les jeûnes plus nombreux que ceux imposés de manière générale aux fidèles par l’Eglise. Le pape Innocent IV favorisa leur essaimage en de nouvelles fondations et les protégea des ingérences ecclésiastiques locales.
Après la réunion des différentes communautés d’ermites d’Ombrie et du Latium, en 1243, en un début d’Ordre constitué, les ermites de Brettino furent pressentis en 1255 pour rejoindre ce qui allait devenir l’Ordre des Ermites de Saint Augustin, ce qui fut accompli par la bulle pontificale du 9 avril 1256.
Note 2 :
Manfred de Hohenstaufen : né en 1232, ce fils adultérin de l’empereur Frédéric II de Hohenstaufen fut légitimé lorsque l’empereur, veuf, épousa sa maîtresse. Il étudia à Paris et à Bologne, fut, à la mort de son père (1250), régent de Sicile pour son frère Conrad IV puis du fils de ce dernier, à la mort duquel il s’empara du royaume de Sicile. Chef du parti gibelin, il eut de nombreux démêlés avec les Pontifes romains et fut excommunié. Les papes qui se succédèrent en ces temps troublaient étaient hostiles à la Maison de Souabe et soutenaient la Maison d’Anjou pour le trône de Sicile. Manfred fut tué à la bataille de Bénévent, le 26 février 1266, et Charles Ier d’Anjou, frère puiné de Saint Louis, devint roi de Sicile, jusqu’à son expulsion en 1282 à la suite des « Vêpres siciliennes ».
Note 3 :
Pénitencier apostolique : fondée vers 1200, la Pénitencerie apostolique est à l’origine un organisme présidé par un cardinal (le Pénitencier majeur) assisté de Pénitenciers mineurs qui reçoivent les confessions au nom du pape (et ont donc le pouvoir d’absoudre les péchés dont l’absolution est réservée au Saint Siège Apostolique). Au XIIIème siècle les Pénitenciers apostoliques étaient préposés à entendre les confessions dans les basiliques majeures à Rome et à répondre par écrit, au nom du Souverain Pontife, aux suppliques adressées à ce dernier.
La Pénitencerie apostolique a été réorganisée à plusieurs reprises depuis lors, et elle constitue aujourd’hui le premier des trois tribunaux de la Curie romaine.
Composition contemporaine réunissant sur une même image les
Bienheureux Clément d’Osimo (à droite) et Augustin Novello (à gauche)
