2025-102. Ce n’est pas le Sacre qui fait le Roi !
17 juillet,
Fête de Sainte Thérèse de Saint-Augustin et de ses 15 compagnes, carmélites de Compiègne, vierges & martyres (cf. > ici) ;
Mémoire de Saint Alexis de Rome, confesseur ;
Anniversaire du Sacre de Sa Majesté le Roi Charles VII (17 juillet 1429 – cf. > ici) ;
Anniversaire du massacre de la famille impériale russe (17 juillet 1918 – cf. > ici).
Le Sacre de Charles VII figuré sur une chromolithographie du début du XXème siècle
pour la diffusion populaire
Combien de fois faudra-t-il dire, redire et rappeler que ce n’est pas le Sacre qui fait le Roi de France ?
Combien de fois faudra-t-il dire, redire et rappeler que le Roi de France n’est pas roi en vertu du Sacre mais en vertu de la coutume royale exprimée par les Lois fondamentales du Royaume ?
Combien de fois faudra-t-il dire, redire et rappeler que le Sacre royal de Reims n’est pas constitutif de la royauté, mais qu’il est déclaratif ?
Combien de fois faudra-t-il dire, redire et rappeler que le Roi de France ne tient pas son pouvoir de l’Eglise et de ses rites, mais qu’il le tient immédiatement de Dieu en raison de l’hérédité et des règles de primogéniture mâle, d’indisponibilité de la Couronne et d’instantanéité de sa dévolution ?
Et pourtant, on entend encore de manière récurrente des personnes, au demeurant plutôt favorables à la monarchie, affirmer péremptoirement – et d’autant plus péremptoirement qu’elles semblent ignorantes des principes solides et pérennes de la royauté capétienne traditionnelle – qu’un Prince qui remplit toutes les conditions de la royauté ne sera en vérité Roi de France que le jour où il recevra les onctions du Sacre.
Et pourtant, on entend encore de manière récurrente des personnes au demeurant plutôt favorables à la monarchie (et je l’ai même entendu de la bouche de prêtres !!!), mais désireuses de ne pas s’engager dans le soutien d’un Prince qui remplit pourtant toutes les conditions de la royauté, qu’ils se soumettront à celui d’entre les prétendants « qui arrivera le premier à Reims ».
Il y en a même qui, faisant du tri dans les paroles de Sainte Jeanne d’Arc et ne retenant que celles qui vont dans le sens de leur théorie, prétendent qu’elle n’a reconnu Charles VII comme Roi qu’une fois qu’il a reçu à Reims son « digne Sacre », et que, auparavant, elle ne l’aurait jamais appelé que « gentil Dauphin ».
C’est en effet un abus total car ils se gardent bien de relever que, dès l’entrevue de Chinon, la Pucelle a affirmé sans détour à Charles VII qu’elle lui était envoyée « de par le Roi du Ciel » afin de lui « faire assavoir » qu’il était « bien Roi et vrai fils de Roi » : non pas seulement « vrai fils de Roi », qui sera un jour Roi lui aussi, mais qu’il est bien déjà véritablement Roi.
Et lors de l’acte que l’on appelle par simplification « triple donation », près d’un mois avant le Sacre (cf. > ici), elle l’appelle « Sire » et demande de lui un acte qui n’est pas d’un futur roi mais bien d’un roi véritable.
Certes, pendant une période, au Moyen-Age – et il semblerait que Sainte Jeanne d’Arc participait encore à certains moments de cette approximation populaire -, beaucoup de petites gens s’imaginaient que c’était le Sacre qui faisait le Roi ; mais dans le même temps, les juristes royaux, les savants, les théologiens, ainsi que les rois eux-mêmes étaient formels et catégoriques : ce n’est pas le Sacre qui est constitutif de la royauté.
Sous le Roi Charles VI, en 1403 et 1407, des ordonnances royales viendront rappeler la doctrine monarchique traditionnelle et, en particulier, que l’héritier du trône doit être fermement tenu pour roi dès la mort de son prédécesseur.
C’est ce que résument de manière laconique et sans ambiguité les adages suivants : « Le Roi est mort, vive le Roi ! » et « En France, le roi ne meurt pas », formules qui excluent explicitement l’existence d’un interrègne entre la mort d’un souverain et le Sacre de son successeur.
D’ailleurs, si c’était le Sacre qui était constitutif de la royauté, il faudrait retirer tous les Mérovingiens de la liste de nos Rois, puisque l’histoire n’a retenu l’existence de Sacre pour aucun d’entre eux.
Ce serait même le cas pour Clovis 1er le Grand lui-même qui a reçu les onctions du saint baptême avec le chrême miraculeux de la Sainte Ampoule (cf. > ici), mais dont il n’est dit nulle part que Saint Remi l’a sacré roi en une autre cérémonie que celle du baptême.
Qu’apporte donc le Sacre à la royauté franque puis française, si ce n’est pas lui qui « fait le Roi » ?
Il adjoint à la légitimité dynastique une légitimité spirituelle ; il élève la royauté naturelle à un degré surnaturel ; il retire le souverain du domaine profane pour le revêtir d’une sacralité quasi sacramentelle (certains théologiens médiévaux ont tendance à considérer que le Sacre serait un huitième sacrement : la Sainte Eglise néanmoins ne les suivra pas jusque-là mais rangera le Sacre dans la catégorie des plus élevés parmi les sacramentaux) ; par les onctions saintes, il élève celui qui est déjà roi par la force de la coutume, à un état particulier de consécration qui l’établit à une degré intermédiaire entre l’état laïc et l’état clérical, fait de lui un médiateur entre Dieu et le peuple sur lequel il a été établi roi, et lui confére des grâces spirituelles très spéciales pour l’accomplissement de sa mission royale (y compris pour ce qui concerne la gestion temporelle de l’Eglise dans son royaume).
Attenter au Roi sacré devient dès lors, au sens propre et plénier, un sacrilège.
Dans une société profondément religieuse, profondément spirituelle, profondément catholique, le Sacre, en vertu de l’infaillibilité de l’Eglise, scelle la légitimité indubitable du souverain et assure aux yeux de ses peuples la pleine authenticité de sa charge.
Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur.
La façade occidentale de la cathédrale de Reims
lors de l’une des scènes du spectacle son et lumière intitulé « Regalia »
