Archive pour la catégorie 'Prier avec nous'

2025-79. Point n’est besoin ni utile de se monter le bourrichon…

Lettre mensuelle aux membres et amis de la 

Confrérie Royale

 - 25 avril 2025 -

Sa Majeté le Roi - Copie

Jeudi de Pâques 24 avril 2025.

Chers membres et sympathisants de la Confrérie Royale,

    De tout cœur, j’ose espérer que vous avez passé une fervente Semaine Sainte, un fervent Triduum Sacré, une fervente fête de Pâques : fête que l’octave en laquelle nous sommes nous donne de célébrer pendant huit jours comme s’il s’agissait d’un unique jour – « haec dies quam fecit Dominus » -, et que nous prolongerons encore jusqu’à la fête de l’Ascension dans les richesses inouïes de notre belle liturgie catholique authentique.

   Les trois fondateurs de cette humble Confrérie étaient réunis en mon ermitage depuis la fête de la Compassion de Notre-Dame (le vendredi de la Passion) jusqu’au matin du mardi de Pâques : occasion de célébrer ensemble, dans le déploiement liturgique maximal qu’il nous a été possible d’accomplir, les accomplissements du mystère de notre salut en ces diverses phases.
Est-il utile de préciser que les membres de la Confrérie étaient spirituellement présents dans nos prières ?

A – Le pèlerinage annuel auprès de Notre-Dame du Puy aux jours de l’Ascension :

   La quarantaine d’allégresse qui succède à la quarantaine de pénitence est pour nous, en particulier, une préparation au pèlerinage annuel auprès de Notre-Dame du Puy : en ma qualité de Prieur, je demande instamment à tous les membres de la Confrérie, même s’ils ne peuvent participer physiquement à ce pèlerinage (les inscriptions ont été closes le 19 mars, je le rappelle, et il n’y a désormais plus de possibilité d’accepter des « retardataires ») de prier quotidiennement, ne serait-ce qu’un « Ave Maria » à l’intention de cette démarche spirituelle qui est celle de la Confrérie tout entière, par la médiation de ses représentants participant « en chair et en os » à ces trois journées de prière et d’approfondissements spirituels.

   Je rappelle que l’intention fondamentale qui nous porte aux pieds de la Mère de Dieu dans sa « cathédrale angélique » est de la prier d’une manière particulière pour notre Roi légitime et pour la France.
Cela n’empêche évidemment pas d’y apporter aussi des intentions secondaires, que, si vous le souhaitez, vous nous pouvez confier…

B – L’anniversaire de la naissance de Sa Majesté le Roi :

   La date du 25 avril ramène avec elle l’anniversaire de la naissance de Sa Majesté le Roi, qui, vous le savez, a vu le jour exactement sept-cent-soixante ans après son ancêtre direct et saint patron, le Roi Saint Louis IX (25 avril 1214 – 25 avril 1974).

   Par son engagement – qu’il soit simple ou par vœu -, chacun des membres de cette Confrérie a contracté devant Dieu un devoir sacré et impérieux de prier chaque jour (et plusieurs fois par jour) à l’intention de Sa Majesté.
Notre dévotion envers notre Roi légitime se nourrit d’un effort quotidien dont Dieu, qui voit tout, dans le secret des cœurs comme dans les lieux les plus éloignés de la société des hommes (cf. Matth. VI, 6), recueille avec délicatesse les mérites de fidélité et de générosité, afin de les transformer en grâces qu’Il répand sur l’âme de Sa Majesté, sur sa famille, et sur la France, quand bien même nous ne le voyons pas.

   En priant aujourd’hui avec encore davantage de ferveur et de zèle qu’à l’accoutumée, n’omettons pas de fortifier notre prière par l’offrande de quelque sacrifice.
La « monnaie du sacrifice » est indubitablement la devise la mieux cottée à la bourse spirituelle pour faire croître les capitaux de la grâce surnaturelle !

C – Situation de l’Eglise en ce jour :

   La mort de celui qui occupait depuis le 13 mars 2013 le trône pontifical et la prochaine réunion d’un conclave dans l’enceinte du Vatican afin de lui élire un successeur, ne doit en aucune manière nous distraire de l’essentiel.
Je suppose que les radios, chaînes télévisuelles « d’information » (ou prétendues telles) et « fils d’actualité » sur certains réseaux de l’Internet doivent faire leurs choux gras en cette occurrence, en les assaisonnant d’une quantité astronomique d’approximations, de supputations, d’erreurs, d’interprétations ou de tentatives d’influences de l’opinion publique.
Ne cédons pas aux tentations multiformes de la curiosité et de la superficialité, et attachons-nous avant tout, là encore, à l’essentiel.

   Les membres de la Confrérie Royale sont des enfants aimants de la Sainte Eglise catholique romaine.
Mais, être un enfant aimant ne dispense pas d’être lucide, ne dispense pas de faire preuve d’esprit de prudence et de discernement, ne dispense pas de se prémunir contre ses propres impressions personnelles subjectives, contre le sentimentalisme, et – par-dessus tout – contre le fatras des pseudo prophéties et autres écrits « mystiques à deux balles » (si vous me permettez cette expression familière) que l’on ne manque pas de ressortir de derrière les fagots et de commenter avec une excitation malsaine née de ces prurits d’oreille que dénonçait Saint Paul (2 Tim. IV, 3) : foin donc de la « prophétie de Saint Malachie » (qui n’est pas une prophétie et n’est jamais jaillie de la plume de ce digne évêque du XIIème siècle qui mérite bien autre chose que l’attribution de vaticinations grotesques), des interprétations alambiquées des stances de Nostradamus, ou de je ne sais quelle autre sibylline prédiction !

La fin des temps… et le jugement.

   Point n’est besoin ni utile de se monter le bourrichon, car les Saints Apôtres nous l’ont dit depuis déjà quelque deux mille ans : nous sommes entrés dans « la fin des temps » depuis le moment de l’Ascension de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Elle est plus proche de nous aujourd’hui qu’elle ne l’était hier, et chaque jour nous en rapproche inexorablement.
Est-ce à dire qu’elle est imminente ? Point du tout !
Relisez dans vos catéchismes les signes certains du retour du Christ enseignés par les Apôtres… et tenez-vous en à cela, vous attachant sereinement et inébranlablement à votre devoir d’état, ainsi qu’à l’accomplissement des engagements auxquels vous avez souscrit.
Le reste ne nous appartient pas.

   Vôtre, in Corde Iesu & Mariae,

Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur,
Prieur.

Blason de la Confrérie Royale

2025-76. « Nous entrons dans les jours de deuil où nous pleurons l’Epoux divin ».

Samedi de la 4ème semaine de Carême.

 Avertissement préalable :

   Nous reproduisons ci-dessous une texte de Dom Pius Parsch (1884-1954), chanoine régulier de Saint Augustin de l’abbaye de Klosterneuburg, en Basse Autriche.
La citation que nous faisons aujourd’hui ne signifie pas que nous adhérons à toutes les idées et hypothèses développées par ce Révérend Père dans le cours de son ministère : nous savons bien, en effet, que l’on trouve en germe – voire parfois mises en pratique – chez cet auteur, acteur du « mouvement liturgique » de la première moitié du XXème siècle, des théories qui exerceront une influence pernicieuse quelques décennies plus tard (cf. l’article qui lui a été consacré sur le site de la FSSPX > ici).
Néanmoins, le passage que nous publions ci-dessous est juste, et il présente un réel intérêt parce qu’il éveille les fidèles à une compréhension spirituelle authentiquement propre à leur permettre de mieux vivre le temps de la Passion : c’est cela qui importe.

Diptyque ivoire 1ère moitié du XVe siècle - Musée métropolitain de New-York - crucifixion - blogue

Diptyque d’ivoire de la première moitié du XVème siècle (France ou Pays-Bas) :
Crucifixion
[Musée métropolitain d'art de New-York]

croix et couronne d'épines - vignette

Nous entrons dans les jours de deuil

où nous pleurons l’Epoux divin

       « Au terme de la quatrième semaine du carême, avec la célébration des premières vêpres du premier dimanche de la Passion, nous entrons dans les jours de deuil où nous pleurons l’Epoux divin. L’Eglise prend ses voiles de veuve.

   Le temps de la Passion est la troisième et dernière étape de la préparation pascale : l’avant Carême, temps de la Septuagésime (voir > ici), nous faisait entrer dans les dispositions du Carême ; le Carême a été le temps de la conversion et du renouvellement de la vie spirituelle ; le temps de la Passion est spécialement consacré au souvenir des souffrances du Christ.

   Ce souvenir est exprimé de manières différentes dans la liturgie :

a) Dans l’église, les croix et les statues sont voilées. Par cet usage séculaire, l’Eglise veut manifester son deuil. Les croix ornées de pierres précieuses et de métal précieux doivent voiler leur éclat (autrefois les croix ne portaient pas l’image du crucifié) ; les images et les statues doivent disparaître pour ne pas nous distraire de la pensée de la Passion du Christ.

b) Les derniers chants joyeux cessent de se faire entendre : le « Gloria Patri » disparaît à l’Introït, au Lavabo et dans les répons de l’Office divin.

c) De même, le psaume 42 des prières au bas de l’autel n’est plus récité jusqu’à Pâques. On voit dans cette omission une expression de deuil, comme pour la messe des morts (le véritable motif, c’est que ce psaume est chanté à l’Introït et que la liturgie évite ces répétitions).

   Cependant, plus encore que par ces signes extérieurs, la liturgie exprime son deuil par son contenu même, en parlant de la Passion du Seigneur : dans les leçons des nocturnes (aux matines), nous prenons congé des livres de Moïse pour entendre la voix du Prophète Jérémie, l’une des plus importantes parmi les figures du Messie souffrant. Le thème de la Passion, qui déjà, dans les dernières semaines, était de plus en plus accentué, domine désormais seul.

   Cette transformation se remarque surtout dans les chants psalmodiques de la messe et les répons du bréviaire. On n’entend plus parler autant la communauté des pénitents et des catéchumènes ; le Christ souffrant prend lui-même la parole.

   Ce qui mérite une attention particulière, c’est l’ordinaire du temps de la Passion, c’est-à-dire les prières communes des Heures (les offices du Bréviaire), comme les hymnes, les capitules, les répons, les antiennes ; c’est dans ces morceaux que l’Eglise exprime de la manière la plus précise ses pensées sur le temps de la Passion. Elle y a rassemblé les plus beaux textes scripturaires sur la Passion du Seigneur.

   Voici les pensées principales de la semaine qui va commencer.

1) La liturgie s’entend magistralement à mêler le thème de la Passion avec celui du Baptême. On le voit surtout dans les trois messes anciennes :
Lundi : C’est encore le contraste, si goûté, entre les Ninivites (les catéchumènes) qui font pénitence et les Juifs qui veulent tuer le Christ. « Que celui qui a soif vienne à moi et boive ! »
Mercredi : C’est le jour d’examen, pour les catéchumènes, sur les commandements qu’ils ont reçus quinze jours auparavant. Les loups entourent l’Agneau de Dieu, qui, par sa mort, va donner « la vie éternelle » aux brebis. -
Vendredi : Jérémie, la figure du Christ, se lamente sur les Juifs qui ont « perfidement abandonné le Seigneur, la source d’eau vive ». « Jésus meurt pour le peuple et les enfants de Dieu dispersés, qu’il rassemble et réunit ».
Mardi : C’est encore le thème des mardis précédents : la leçon nous donne une image de l’activité de la charité. Le thème de la Passion parcourt toute la messe. -
Jeudi : C’est la dernière messe de pénitence, avec les images de la captivité de Babylone et de la Pécheresse.
Le Samedi est une vigile du dimanche des Rameaux.

2) Aujourd’hui, l’Église commence à rappeler, d’une manière plus accentuée, à ses enfants, la mort rédemptrice du Christ.
D’une manière plus accentuée. En effet, à proprement parler, le souvenir de la mort du Christ est l’objet principal du culte chrétien. Saint Paul ne dit-il pas : « Toutes les fois que vous mangerez de ce pain et boirez de ce calice, vous annoncerez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne » ? Le saint sacrifice de la messe est donc l’annonce de la mort du Christ. Toutes les fois que nous venons à la messe, nous annonçons notre foi : Le Christ est mort pour nous et le sang de son sacrifice coule encore aujourd’hui pour nos âmes, et la chair de son sacrifice est notre nourriture pour notre vie éternelle.

   D’une manière plus accentuée. En effet, pendant le Carême, le thème de la Passion s’est maintes fois fait entendre. Sans doute la liturgie diffère ici entièrement de notre piété courante. Il s’agit du combat du Christ contre l’enfer. Il lutte contre le diable pour conquérir les âmes que son Père lui a données. C’est là une des pensées principales que nous rencontrons à travers toute la sainte quarantaine.

   Examinons les trois dimanches principaux qui sont comme les piliers du Carême :
- Ier Dimanche : Le Christ et le diable, le Christ est sur la défensive ;
- IIIème Dimanche : le fort et le plus fort ; le Christ passe à l’offensive ;
- Dimanche des Rameaux : Le Christ vainqueur et Roi dans sa Passion. Songeons aussi qu’il ne s’agit pas seulement d’une bataille livrée il y a 1900 ans, cette bataille se continue dans tous les temps. Le Christ qui lutte, combat et triomphe est le Christ mystique dans son corps, l’Eglise, et dans ses membres, les chrétiens.

   Le temps de Carême est donc un « noble tournoi » dans lequel nous ne sommes pas de pieux spectateurs, mais des chevaliers qui entrent dans la lice. Dans ce sens, le Carême est donc aussi le temps où nous nous souvenons de la mort du Christ.

Diptyque ivoire de la Passion - blogue

Diptyque d’ivoire de la première moitié du XVème siècle (France ou Pays-Bas) :
[Musée métropolitain d'art de New-York]

   Aujourd’hui, nous entrons dans le temps de la Passion, nous penserons davantage aux souffrances du Christ. C’est le temps dont Jésus a dit : « Quand l’Epoux leur sera enlevé, alors ils jeûneront «  (Matth. IX, 15). Que doit donc être ce souvenir de la Passion ?

   Il importe de nous rappeler la profonde différence entre les sentiments des anciens chrétiens et ceux des chrétiens d’aujourd’hui. Comment la piété populaire pense-t-elle à la Passion du Christ ? Elle s’en tient aux souffrances historiques du Seigneur, elle essaie de se représenter d’une manière imagée les scènes particulières des « amères souffrances », elle analyse les sentiments et les pensées du Sauveur souffrant, elle a compassion et elle pleure. Elle se demande quelles vertus le Seigneur a exercées à chaque phase de sa Passion. Comment l’imiter ? Que devons-nous apprendre de lui ? C’est pour elle la question la plus importante. Elle fait enfin de la Passion le principal motif du changement de vie : « Il est mort pour moi sur la Croix et moi, je l’ai si gravement offensé ! »

   Telles sont les pensées de la piété populaire au sujet du Seigneur souffrant. 
Quelles étaient les pensées de l’antique piété chrétienne que la liturgie nous a conservée ?
Elle prenait de tout autres chemins. Sans doute, elle place, au centre, la Passion historique du Christ, mais elle ne s’y arrête pas ; elle s’attache davantage à l’idée et au but de la Passion et ne place le revêtement historique qu’au second plan. Le Christ nous a rachetés par ses souffrances, il a fait de nous des enfants de Dieu. C’est là le fait le plus heureux du christianisme.
C’est pourquoi la piété liturgique verse moins de larmes amères ; elle peut même se réjouir. Au moment qui est apparemment le plus triste de l’année, le Vendredi-Saint, quand on adore la Croix, elle va jusqu’à chanter une hymne de jubilation : « Voici que par le bois est venue la joie dans le monde entier ».
C’est pourquoi la liturgie ne parle pas volontiers des souffrances amères, mais de la Beata Passio, de la Passion heureuse ou qui rend heureux…
Elle voit moins le côté humain que le but de la Passion, notre salut. C’est pourquoi l’art chrétien antique ne s’est guère occupé de l’aspect douloureux, mais a exprimé surtout les pensées de la Rédemption.
Depuis le Moyen-Age, on représente de préférence Jésus attaché à la colonne de la flagellation ou bien cloué sur la Croix, le corps tordu par les angoisses de la mort. Il n’en était pas de même dans l’Eglise ancienne : on élevait la Croix comme un signe de victoire et de Rédemption. C’était la crux gemmata, la croix de métal précieux, ornée de pierreries.
Cette Croix ne portait pas de crucifix. Ces deux croix sont justement devenues les symboles des deux conceptions de la Passion et des deux types de piété.

   Quand nous entrons aujourd’hui dans l’Eglise, nous voyons la Croix voilée. Nous cherchons en vain quel peut être le motif de cette manière de faire. Pourquoi, au moment même où l’on pense davantage à la mort du Christ, doit-on voiler l’image de la Croix ?
On comprendrait mieux le procédé contraire : la Croix voilée pendant le reste de l’année et découverte au temps de la Passion. Or ce que nous faisons maintenant sans le comprendre est un écho de l’antique piété. Quand la Croix était encore sans crucifix et brillait d’or et de pierres précieuses, il convenait d’en voiler l’éclat à l’époque où l’Epoux est enlevé. L’Eglise revêt ses voiles de veuve. Et c’est là un souvenir plus délicat de la Passion que l’image d’un corps torturé et suspendu à la Croix.
En tout cas, la première conception correspond mieux à la noble attitude des anciens.

   On le voit donc, la piété objective porte, elle aussi, le deuil de la Passion, mais d’une autre manière. Creusons encore la différence entre la piété populaire et la piété liturgique.
La première est doctrinale et sentimentale ; la seconde vise à l’action. Elle se demande moins quelles vertus et quelles doctrines doit nous enseigner la méditation de la flagellation, mais elle nous fait sentir que nous sommes les membres du corps du Christ et, dans nos épreuves terrestres, nous fait voir une participation à sa Passion.
Que dit saint Paul, le docteur de la piété objective ? « De même que les souffrances du Christ abondent en nous, de même aussi, par le Christ, abonde notre consolation » (2 Cor. I, 5). Il va même jusqu’à voir dans ses propres souffrances un complément de la Passion du Christ (Col. I, 24). C’est là une magnifique conception de la Passion. Toute la vie des chrétiens est unie au Christ ; nos souffrances et nos joies sont les souffrances et les joies du Christ.
Aujourd’hui, au moment où j’écris ces lignes, nous célébrons la fête des saintes Perpétue et Félicité et je lis dans leurs Actes : « Dans la prison, Félicité était sur le point de mettre au monde un enfant. Comme elle souffrait les douleurs de l’enfantement, un soldat lui dit en raillant : « Si tu souffres tant maintenant, que feras-tu donc quand tu seras jetée devant les bêtes sauvages ? » – « Maintenant », répondit-elle, « c’est moi qui souffre, mais alors un autre sera en moi qui souffrira pour moi, parce que, moi aussi, je dois, souffrir pour lui ».

   Saint Paul pousse ce cri de joie : « Avec le Christ je suis attaché à la Croix : aussi ce n’est plus moi qui vis, mais c’est le Christ qui vit en moi. Tant que je vis encore dans la chair, je vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi ».
La piété objective n’est donc pas dépourvue de sentiments, elle connaît même une puissante mystique de la Passion, parce qu’elle se sait en union avec le Christ.

   Et maintenant que devons-nous faire ? Faut-il abandonner nos méditations sur la Passion auxquelles nous sommes habitués depuis notre jeunesse, pour nous tourner vers la piété objective ? Cela n’est pas nécessaire. Approfondissons plutôt nos exercices précédents, en nous inspirant des conceptions de la Passion qu’avait la primitive Eglise. « Eprouvez tout et gardez ce qui est bon », dit l’Apôtre (1 Thess. V, 27).
Dans l’Eglise, les deux conceptions sont en usage et, par conséquent, recommandables. Mon intention était de marquer les différences, non pas pour critiquer une conception, mais pour mieux faire comprendre le point de vue liturgique.

   Lorsque, vendredi prochain, nous célébrerons la fête des Sept Douleurs de la Sainte Vierge et chanterons le beau Stabat Mater, nous nous rendrons compte immédiatement que nous sommes en face de pensées de la piété subjective. Mais quand, aujourd’hui, à la messe, nous voyons, à l’Epître, le divin Grand Prêtre, revêtu de ses ornements, entrer dans le Saint des saints du ciel avec son propre sang et accomplir la Rédemption éternelle, nous savons que la liturgie nous présente une méditation objective de la Passion.
L’Eglise est semblable au père de famille de l’Evangile qui tire de son trésor « de l’ancien et du nouveau ». Encore une fois, « examinez tout et gardez le bon ».

Dom Pius Parsch (1884-1954)
in « Le guide dans l’année liturgique »

Diptyque ivoire 1ère moitié du XVe siècle - Musée métropolitain de New-York - mise au tombeau - blogue

Diptyque d’ivoire de la première moitié du XVème siècle (France ou Pays-Bas) :
Mise au tombeau

[Musée métropolitain d'art de New-York]

2025-74. Conclusion du mois de Saint Joseph : la relique du manteau de Saint Joseph de la basilique Sainte-Anastasie à Rome.

31 mars,
Dernier jour du mois de Saint Joseph
(toutes nos publications en l’honneur de Saint Joseph sont répertoriées > ici).

Rome basilique Sainte-Anastasie

Rome : basilique Sainte-Anastasie au Palatin

       A Rome, la basilique Sainte-Anastasie, édifiée sur les pentes du Mont Palatin à l’époque de Saint Constantin 1er le Grand, quoique fort ancienne donc n’est toutefois pas l’une des plus connues ni des plus fréquentées par les pèlerins.
Elle est dédiée à Sainte Anastasie de Sirmium, une veuve, martyrisée sous Dioclétien (25 décembre 304), malheureusement bien oubliée de nos jours par les chrétiens d’Occident, alors qu’elle fut des plus populaires dans l’antiquité chrétienne en raison des miracles accomplis par son intercession, au point d’être surnommée par les Grecs Anastasie la « Pharmacolytria », ce que nous pourrions traduire par « la thaumaturge ».
La station de la Sainte Messe de l’Aurore, le 25 décembre, est à Sainte Anastasie, et, dans le Missel traditionnel, on célèbre immanquablement sa mémoire à cette Messe de la Nativité de Notre-Seigneur célébrée aux premiers rayons du soleil.

   Toutefois, si, en ce jour conclusif du mois de Saint Joseph, je vous viens parler de cette basilique romaine, c’est parce qu’elle conserve un précieux reliquaire, très rarement exposé, dans lequel sont renfermées deux reliques insignes : d’une part le fragment d’un voile de la Très Sainte Vierge Marie, et d’autre part un morceau du manteau de Saint Joseph.

   La vidéo ci-dessous (qui, à ma connaissance, n’existe qu’en langue italienne), vous montre l’ouverture de l’armoire sécurisée dans laquelle, derrière une vitre blindée, se trouve le reliquaire (faire un clic droit sur l’avatar ci-dessous, puis « ouvrir dans un nouvel onglet ») :

Image de prévisualisation YouTube

   Selon la tradition, ces fragments de vêtements de Notre-Dame et de Saint Joseph ont été apportés de Terre Sainte à Rome par Saint Jérôme de Stridon (vers 347 – 420) et ont toujours été conservés à Sainte-Anastasie depuis lors.
Le reliquaire actuel n’est pas celui des origines, mais une pièce d’orfèvrerie du XVIIème siècle.

   Le fragment de Voile de la Très Sainte Mère de Dieu est très différent du Saint Voile conservé à la cathédrale de Chartres qui, lui, est fait de fine soie blanche. Ici nous nous trouvons en présence d’une toile tissée plus rustique, ornée de rayures colorées.
Quant au fragment du manteau de Saint Joseph, il est lui aussi de facture assez rustique, épais, et de couleur marron clair.
A ma connaissance, le reliquaire n’a pas été ouvert depuis le XVIIème siècle et il n’a pas été réalisé d’études scientifiques sur ces deux morceaux de tissu.

Exposition du reliquaire en 2021

Reliquaire du voile de la Très Sainte Vierge Marie (au-dessus)
et du manteau de Saint Joseph (en-dessous)
provenant de la basilique Sainte-Anastasie au Capitole
exposé exceptionnellement en décembre 2021
dans la basilique Saint-Joseph du quartier Trionfale, près du Vatican
(basilica San-Giuseppe al Trionfale).

   Ces insignes reliques sont très rarement exposées à la vénération des fidèles. Elles leur ont été présentées de manière tout-à-fait exceptionnelle pendant quelques jours en décembre 2021, et pour l’occasion, elles avaient été transportées dans la basilique Saint-Joseph du quartier Trionfale (basilica San-Giuseppe al Trionfale) proche du Vatican. C’est à cette occasion qu’on été réalisés les clichés que nous vous présentons ici.

Transport du reliquaire en 2021

Transport du reliquaire, composé de deux parties distinctes.

le manteau de Saint Joseph

Le fragment du manteau de Saint Joseph.

Bon Saint Joseph, notre soutien, notre défenseur et notre puissant intercesseur, gardez-nous toujours sous la protection de votre manteau tutélaire.

Ainsi soit-il !

2025-73. Marie, protectrice de la France royale.

Fête de l’Annonciation de Notre-Dame.
Célébrée 25 mars, ou bien, en cas d’occurrence avec la Semaine Sainte, le premier jour libre après l’octave de Pâques.

       Le texte qui suit constitue la lettre mensuelle du mois de mars 2025, adressée aux membres et amis de la Confrérie Royale, à l’occasion de la fête de l’Annonciation de la Bienheureuse Vierge Marie.

   Il est bon de rappeler, encore une fois, que, sous l’Ancien Régime, la fête de l’Annonciation était une fête chômée au Royaume de France, et que donc l’accomplissement des tâches serviles y était rigoureusement interdit (d’où, en particulier, le miracle de l’osier sanglant – cf. > ici -, le 25 mars 1649, en Dauphiné, pour donner une leçon mémorable à ce huguenot fanatique qui travaillait ce jour-là nonobstant l’interdiction légale).
Sanctifions donc du mieux que nous le pouvons sous ce régime de prétendue laïcité qui n’est en réalité que le règne de l’impiété, cette fête si chère aux âmes fidèles.

Annonciation - Philippe de Champaigne 1644

Philippe de Champaigne (1602-1674) : Annonciation (1644)
[Musée métropolitain d'Art, New-York]

fleur de lys gif2

Marie, protectrice de la France royale

            En cette fête de l’Annonciation, nous commémorons la plus belle annonce faite par Dieu à l’humanité tout entière. Enfin, en ce jour béni, s’est concrétisée la promesse multiséculaire reçue par les prophètes et communiquée au Peuple élu de l’Ancienne Alliance : Dieu vient habiter parmi les hommes en prenant chair de la plus belle et la plus sainte de toutes les créatures, la Vierge Marie. Neuf mois plus tard, le plus beau des enfants des hommes, l’Emmanuel, « Dieu avec nous », apparaîtra aux yeux des pasteurs de Judée, dans la pauvre mangeoire de Bethléem.

            L’Annonciation a longtemps été une fête majeure de la France royale. Ainsi, jusqu’au règne de Charles IX, le premier jour de l’année était fixé à cette date. C’était d’ailleurs la coutume dans la plupart des pays de la Chrétienté. Pour la plupart des auteurs chrétiens, il convenait tout à fait que chaque nouvelle année commençât le jour où le Christ, Sauveur de l’humanité, qui a récapitulé toute l’histoire du monde, est entré dans l’histoire des hommes. Ce n’est qu’après la promulgation du calendrier grégorien, par le pape Grégoire XIII, que la date du 1er janvier s’est progressivement imposée en Europe, sauf dans les pays protestants qui ont longtemps refusé d’accepter un calendrier émanant de l’autorité pontificale.

            La fête de l’Annonciation, disions-nous, était particulièrement fêtée par les princes de la dynastie capétienne. N’est-ce pas ce jour-là, en 1252, que le grand saint Louis, approchant de la ville de Nazareth, lors de la septième croisade, « descendit de cheval, se mit à genoux pour adorer de loin ce saint lieu où s’était opéré le mystère de notre rédemption [1] ». Le 25 mars 1267, comme le rappelait le grand historien Louis-Sébastien Le Nain de Tillemont, le saint roi, la sainte couronne d’épines entre les mains, exhorta les chevaliers à prendre la croix à l’occasion de la huitième croisade. N’est-ce pas aussi en l’honneur de cet épisode fondamental du mystère de la Rédemption, que sainte Jeanne de Valois, reine de France, fille de Louis XI et épouse de Louis XII, institua, en 1501, une communauté de religieuses – l’ordre des Annonciades – qui fut si florissante dans le royaume des lys ? Le roi Henri III, en 1583, n’a-t-il pas fondé une confrérie, la « Congrégation des pénitents blancs de l’Annonciation Notre-Dame », et sollicité du pape son approbation et des indulgences ? Le juste Louis XIII ne fit-il pas ce jour-là, en 1643, son ultime confession générale avant de mourir, le 14 mai suivant ?

            Un bel évènement eut lieu aussi sous le règne du jeune Louis XIV. Le 25 mars 1650, étant reçu en la ville de Dijon, il renouvela le vœu de son père « à l’honneur de cette Souveraine Dame de l’Univers, par une nouvelle déclaration qu’il en fit, où il confessa être redevable à ses intercessions, des faveurs et bénédictions du Ciel […], et confirma par cette déclaration celle de son père, y témoigna les mêmes reconnaissances, et y fit une pareille soumission et offrande de sa Personne, de sa Couronne et de ses Sujets à la Reine des Anges, ordonnant de continuer la même dévotion et procession générale et très solennelle le jour de l’Assomption, et de faire exhorter tous ses sujets d’avoir une dévotion particulière à la sainte Vierge, d’implorer à ce jour sa protection, et de redoubler l’ardeur de leurs prières pour impétrer par son intercession la continuation des faveurs et bénédictions célestes sur sa Personne et sur son Royaume [2]. » Certes, cet acte royal rappelle que la grande fête mariale du royaume est l’Assomption, mais le choix du jour de l’Annonciation indique que la piété mariale des princes de France s’étend à toutes les fêtes célébrées en l’honneur de la Vierge Marie, et particulièrement ce jour où elle reçut en son sein le Verbe divin.

            Aux marges du royaume, nous ne pouvons pas ne pas mentionner la création, par le duc Charles III de Savoie, en 1518, de l’Ordre suprême de la Très Sainte Annonciade [3], principal ordre chevaleresque de la Maison de Savoie, dont le prestige immense l’équipara, pendant plusieurs siècles, aux ordres de la Jarretière, de la Toison d’or et du Saint-Esprit. Les chevaliers de l’Annonciade, consacrés à Marie, étaient invités à méditer les mystères du Rosaire – à l’origine, d’ailleurs, il n’y avait que quinze chevaliers, le duc-grand-maître compris, pour rappeler les quinze mystères du Rosaire [4].

            Cette grande fête de l’Annonciation était ainsi solennellement célébrée par la plupart des princes chrétiens d’Europe. Nous aussi, à quelques siècles de distance, fidèles à notre foi et à notre pays, nous avons le devoir de rendre hommage à la Reine du Ciel et d’implorer son assistance dans les tribulations que connaît la pauvre France, en ces temps bien tragiques de violence et d’apostasie. Marchons dans les traces des pieux princes qui ont gouverné ce grand royaume. En ce même jour du 25 mars, la Providence a permis que fût fondée la Confrérie royale, dont nous célébrons, cette année, le 10e anniversaire. Dix ans de grâces pour tous ses membres. Dix ans de fidélité à nos engagements spirituels de prier pour la France et pour le retour de sa grandeur et de son prestige. Dix ans de soutien à la Couronne multiséculaire et à son héritage porté, depuis plus de 35 années, par S. A. R. Mgr le duc d’Anjou, de jure S. M. le roi Louis XX. Ayons donc bien à cœur, en cette Année jubilaire, de renouveler nos engagements, nos motivations, nos convictions, au service de cette belle œuvre. Profitons bien de ces grandes fêtes de l’année liturgiques, en particulier les « fêtes royales », comme en ce jour de l’Annonciation, pour puiser les grâces nécessaires pour maintenir intacte notre foi, au milieu des tempêtes, et garantir notre fidélité aux principes et aux valeurs communiqués par la Confrérie royale.

Que la Vierge sainte de Nazareth
nous garde sous sa puissante protection !

   + Mathias Balticensis


[1] Richard Girard de Bury, Histoire de Saint Louis, Roi de France, Paris, Audot, 1817, p. 232. L’historien d’ajouter ce commentaire édifiant : « Il y communia de la main du légat, qui y fit à cette occasion un sermon fort touchant : de sorte que, suivant la réflexion que fait le confesseur de ce saint prince, dans un écrit qui nous apprend ce détail, on pouvait dire que, depuis que le mystère de l’Incarnation s’était accompli à Nazareth, jamais Dieu n’y avait été honoré avec plus d’édification et de dévotion qu’il le fut ce jour-là. »
[2] R. P. Balthazar de Riez, Suite de l’incomparable piété des très-chrétiens Rois de France de la Race de S. Louis, Aix, Charles David, 1674, l. II, p. 810.
[3] Cet ordre succédait à l’ancien ordre du Collier, fondé en 1364 par le comte Amédée VI.
[4] Les statuts de l’Ordre leur demandaient de réciter, chaque matin, quinze Pater Noster et quinze Ave Maria, sous peine de devoir payer « quinze sols pour être distribués pour l’honneur de Dieu ».

Trois lys blancs

2025-71. Commentaire de Saint Augustin sur la parabole du « fils prodigue ».

Samedi de la 2ème semaine de Carême.

       La parabole de « l’enfant prodigue » que la liturgie traditionnelle nous fait approfondir et méditer au samedi de la deuxième semaine de Carême, a été commentée des centaines de milliers de fois : la plupart des prédicateurs profitent le plus souvent de cette péricope évangélique pour insister sur l’aspect personnel de la conversion et sur la confiance en la miséricorde de Dieu qu’elle nous doit inspirer, ce qui n’est évidemment pas faux.
Notre Bienheureux Père Saint Augustin, lui, dans son ouvrage « Questions sur les Evangiles », a adopté une approche bien différente cependant : il développe un commentaire moral dont le pivot est l’histoire du salut et où les deux fils symbolisent d’une part le peuple des païens, infidèles, et le peuple israélite, qui a gardé la foi au vrai Dieu mais qui a lui aussi besoin d’une conversion profonde.

Saint Augustin méditant les Ecritures - style impressionniste Fr.Mx.M. - blogue

Saint Augustin méditant les Saintes Ecritures

frise

Commentaires de

notre Bienheureux Père Saint Augustin

sur la parabole de L’enfant prodigue 

(Luc, XV, 11 -32)

[in "Questions sur les Evangiles" livre II, § XXXIII]

       Cet homme qui a deux fils, c’est Dieu, père de deux peuples qui sont comme les deux branches de la race humaine, le peuple des hommes demeurés fidèles au culte d’un seul Dieu, et le peuple des idolâtres, qui abandonnèrent le Seigneur. Mais il faut remonter à l’origine de la création de l’homme pour approfondir cette histoire.

1 - James Tissot départ du fils prodigue

James Tissot (1836-1902) : le départ du fils prodigue (vers 1880)
[musée des Beaux-Arts de Nantes]

- Saint Augustin va faire un commentaire moral de la parabole et il détaille le sens qu’ont tous les détails donnés par le texte évangélique :

   Le fils aîné est le type de la fidélité au culte du vrai Dieu.
L
e plus jeune part pour une contrée lointaine. Il a demandé à son père la portion d’héritage qui lui revient. Telle est l’âme que la jouissance de son pouvoir a séduite. Son patrimoine, c’est-à-dire la vie, l’intelligence, la mémoire, la sublimité et la promptitude du génie, tous ces dons de la munificence divine sont mis à sa disposition par le libre arbitre ; c’est pourquoi « le père distribua son bien à ses enfants ».
Le plus jeune partit pour un pays lointain. Il abusa des dons naturels, il abandonna son père, délaissant le Créateur pour se livrer à la jouissance des créatures. Il est représenté, « peu de jours après rassemblant tout ses biens, et s’en allant dans une contrée lointaine ».
C’est qu’en effet, peu de jours après la création du genre humain, l’âme, cette créature raisonnable, voulut être, par son libre arbitre, maîtresse absolue d’elle-même et de ses facultés, et se détacher de son Créateur pour s’appuyer sur ses propres forces. Mais plus elle s’éloigna de Celui qui était la source de sa vie, plus elle fut promptement épuisée. C’est pourquoi l’Evangile appelle une vie de débauche et d’excès la vie répandue et dissipée dans les pompes extérieures et vide au dedans : l’homme qui s’y livre poursuit 
les vanités qu’elle enfante, et abandonne Dieu qui est au dedans de lui.
Cette région lointaine, c’est donc l’oubli de Dieu. La famine survenue dans ce pays, c’est la privation de la parole de vérité. L’habitant de la contrée désigne quelque prince de l’air, faisant partie de la milice de Satan. Sa maison de campagne figure le genre de pouvoir qu’il exerce, et les pourceaux les esprits immondes qui sont au-dessous de lui. Les cosses dont il nourrissait les pourceaux figurent les maximes du siècle, vides et sonores, dont retentissent les poèmes et les divers discours consacrés à la louange des idoles ou aux fables des dieux des Gentils, et qui font la joie des démons. C’est pourquoi ce jeune homme voulant se rassasier cherchait dans cette vile pâture un aliment qui fût substantiel et sain, et qui procurât le bonheur, et il ne le trouvait pas. De là cette parole : « Et personne ne lui en donnait ».

- Il analyse maintenant la démarche intérieure de la conversion du prodigue :

   « Mais étant rentré en lui-même », c’est-à-dire s’arrachant aux trompeuses illusions et aux entraînements des vanités du monde extérieur et recueillant ses pensées dans l’intérieur de sa conscience, « combien de mercenaires, s’écrie-t-il, ont du pain en abondance dans la maison de mon père ». Comment ceci pourrait-il être connu de l’homme plongé, comme les idolâtres l’étaient, dans un si grand oubli de Dieu ? Ces paroles ne désigneraient-elles point le réveil de l’âme à la prédication de l’Evangile ?
On vit alors en effet de nombreux prédicateurs de la vérité, parmi lesquels plusieurs étaient guidés, non par l’amour de la vérité elle-même, mais par le désir des avantages terrestres. C’est d’eux que l’Apôtre disait : Que plusieurs qui annoncent l’Evangile, ne le font pas avec pureté (cf. Philip.1, 17), faisant de la piété un trafic (1 Tim. VI, 5). Ils ne prêchaient pas un autre Evangile comme les hérétiques, ils prêchaient l’Evangile de Paul, mais dans un autre esprit que celui de cet Apôtre. C’est pourquoi ils sont très justement appelés des mercenaires. Ils dispensent le même pain de la parole et dans la même maison, toutefois ils ne dont point appelés au céleste héritage, mais ils travaillent pour une récompense temporelle. C’est d’eux qu’il est dit : « En vérité, je vous le dis, ils ont reçu leur récompense » (Matt. VI, 2).
Il s’écrie donc : « Je me lèverai » - car il était étendu dans un état de prostration -, « et j’irai » - il était en effet 
bien éloigné -, « vers mon père », il était devenu le serviteur de celui à qui appartenaient les pourceaux.
Les autres paroles indiquent la disposition d’un âme qui se prépare à la pénitence par l’aveu de ses péchés, mais qui ne la fait pas encore. Il ne s’ouvre pas encore à son père, mais il promet de s’ouvrir à lui, quand il le reverra.
Comprenez donc maintenant ce que signifie venir vers son père : c’est être établi dans l’Eglise par la foi, et pouvoir y trouver, dans la confession de ses fautes, l’accomplissement du devoir et la récompense qui en est le fruit.

   Qu’est-ce donc qu’il se propose de dire à son père ? « Mon père, j’ai péché contre le ciel et contre vous, et je ne suis plus digne d’être appelé votre fils : traitez-moi comme l’un de vos mercenaires ».

   « J’ai péché contre le ciel » : ce mot a-t-il la même signification que « j’ai péché contre vous » ? Alors il faudrait entendre par « le ciel » la souveraine majesté du Père : c’est en ce sens que le Psalmiste a dit : « Il s’élance des hauteurs du ciel » (Ps. XVIII, 7), c’est-à-dire du sein du Père Lui-même.
Ou plutôt « j’ai péché contre le ciel » ne veut-il pas dire : en présence des âmes saintes, qui sont le trône de Dieu ; « et contre vous » : jusque dans le sanctuaire intime de la conscience ?

2 - James Tissot le fils prodique en pays étranger

James Tissot (1836-1902) : le fils prodigue en pays étranger (vers 1880)
[musée des Beaux-Arts de Nantes]

- Attitude du père et évolution de la contrition du fils prodigue :

« Et se levant, il vint vers son père. Et lorsqu’il était encore bien loin » - avant qu’il eût de Dieu une véritable idée, mais néanmoins dans le moment où il Le cherchait déjà de bonne foi -, « son père le vit ».
L’expression est donc juste, quand on dit de Dieu qu’Il ne voit pas les impies et les superbes, qu’Il ne les a pas en quelque sorte devant les yeux : car être devant les yeux, ne s’entend d’ordinaire que des personnes aimées.
« Et il fut touché de compassion : et courant à lui, il se jeta à son cou » : le Père n’a pas quitté Son Fils unique, par qui Il a fait cette course lointaine et S’est abaissé jusqu’à nous ; car Dieu était dans le Christ « se réconciliant le monde » (cf. 2 Cor. V, 19) ; et le Seigneur l’a déclaré Lui-même : « Mon Père, qui demeure en moi, fait lui-même les œuvres que Je fais » (Jean, XIV 10).
Or, que signifie « se jeter à son cou », si ce n’est incliner et abaisser son bras pour l’étreindre ? « Et à qui le bras du Seigneur a-t-il été révélé ?» (Is. LIII, 1). Ce bras n’est autre assurément que Notre-Seigneur Jésus-Christ.

   « Et il lui donna un baiser » : Etre consolé par la parole de la grâce divine, qui fait naître l’espérance du pardon des péchés, c’est obtenir du Père, au retour de longs égarements, le baiser de charité.
Alors commence pour celui qui est établi dans l’Eglise la confession de ses péchés. Le prodigue ne dit pas tout ce qu’il s’était promis de dire ; il va seulement jusqu’à ces paroles : « Je ne suis pas digne d’être appelé votre fils », car Dieu veut opérer par la grâce ce dont il se reconnaît indigne à cause de ses fautes. Il n’ajoute pas ce qu’il s’était proposé d’abord dans sa première résolution : « Traitez-moi comme l’un de vos mercenaires ». Quand il était privé de pain, il allait jusqu’à souhaiter la condition de mercenaire ; mais après que son père l’a embrassé, il n’a plus pour elle qu’un noble et généreux dédain.

- Le sens mystique de détails qui marquent la réconciliation avec Dieu :

   La première robe symbolise la dignité perdue par Adam ; les serviteurs qui l’apportent sont les prédicateurs du pardon. L’anneau placé au doigt de la main, gage du Saint-Esprit, figure bien la participation à la grâce. Les chaussures aux pieds marquent la préparation à la prédication de l’Evangile par le détachement des biens de la terre. Le veau gras, c’est le Seigneur Lui-même, mais rassasié d’opprobres selon la chair. L’ordre est donné d’amener le veau gras : qu’est-ce à dire, sinon qu’il faut annoncer le Seigneur, et en L’annonçant, Le faire entrer dans les entrailles du fils exténué par la faim ?
L’ordre est donné aussi d’immoler la victime, de répandre le souvenir de la mort du Sauveur : or, Il est immolé réellement pour chacun de nous, lorsque nous croyons que pour nous Il est mort.

   « Et réjouissons-nous », ajoute le texte sacré ; ceci a trait aux motifs d’allégresse qui vont être allégués : « Parce que mon fils que voici était mort, et il est ressuscité ; il était perdu, et il est retrouvé ».
Et maintenant ce festin et cette fête se célèbrent dans tout l’univers, où l’Eglise est répandue et disséminée. Car ce veau gras figure le Corps et le Sang du Seigneur qui S’offre au Père céleste et nourrit toute Sa famille.

- Le fils aîné est la figure d’Israël qui, d’une autre manière que le prodigue, s’est aussi éloigné de la miséricorde de Dieu :

   Le fils aîné, qui n’est pas parti pour une région lointaine, mais qui n’est pas néanmoins dans la maison, c’est le peuple d’Israël selon la chair. Il est aux champs, c’est-à-dire, qu’au sein même de l’héritage et des richesses de la Loi et des Prophètes, il se livre de préférence aux œuvres de la terre et à toutes sortes d’observations judaïques. Il s’est trouvé parmi eux un grand nombre d’hommes animés de ces sentiments, et souvent encore on en rencontre de semblables.
Revenant des champs, il s’approche de la maison : en d’autres termes, occupé sans amour d’un travail tout terrestre, il considère d’après les Saintes Ecritures la liberté faite à l’Eglise. Il entend la musique et la danse, c’est-à-dire, les hommes remplis de l’Esprit-Saint, qui annoncent l’Evangile d’une commune voix, suivant la recommandation de l’Apôtre : « Je vous a conjure, mes frères, leur dit-il, par le nom de Jésus-Christ Notre-Seigneur, de faire en sorte que vous n’ayez qu’un même langage » (1 Cor. I, 10).
Il entend aussi les concerts de louanges qui s’élèvent vers Dieu, comme d’un seul cœur et d’une seule âme. Il appelle un des serviteurs et lui demande ce qui se passe, en d’autres termes il ouvre un des livres des Prophètes, et, le compulsant, il l’interroge en quelque sorte pour savoir ce que signifient les fêtes qu’on célèbre dans cette Eglise, en dehors de laquelle il se trouve placé.
Le serviteur de son père – le prophète – lui répond : « Votre frère est revenu, et votre père a tué le veau gras, parce qu’il l’a recouvré en santé ». Votre frère était, en effet, aux extrémités de la terre. Mais ce qui augmente l’allégresse de ceux qui chantent au Seigneur un cantique nouveau, c’est que ses louanges viennent des extrémités du monde (Is. XLII, 10) ; et, pour célébrer le retour de celui qui était absent, on a mis à mort l’homme de douleur et sachant l’infirmité (Is. LIII, 3) ; et ceux auxquels Il n’avait point été annoncé, L’ont vu ; et ceux qui n’ont point entendu parler de Lui, L’ont contemplé (Is. LII, 15).
Et maintenant encore Israël s’indigne et refuse d’entrer. Lors donc que la plénitude des nations sera entrée, son Père sortira au moment opportun, afin que tout Israël soit sauvé ; ce peuple est tombé en partie dans l’aveuglement, que figure l’absence du fils aîné à la campagne, jusqu’à ce que la plénitude du plus jeune revienne de son long égarement au milieu de l’idolâtrie des nations, pour manger le veau gras dans la maison paternelle (Rom. XI, 25). Car, un jour, la vocation des Juifs au salut, qui vient de l’Evangile, sera manifestée. Or, c’est ce que signifie la démarche du père pour appeler son fils aîné.

3 - James Tissot le retour du prodigue

James Tissot (1836-1902) : le retour du prodigue (vers 1880)
[musée des Beaux-Arts de Nantes]

- Israël, symbolisé par le fils aîné, n’est pont tombé dans l’idolâtrie, mais cependant il n’est plus dans une communion aux dispositions du cœur de Dieu :

   La réponse de ce dernier, fait naître deux questions : Comment peut-on dire du peuple Juif qu’il n’a jamais transgressé les ordres de Dieu ? et qu’est-ce à dire qu’il n’a jamais reçu de chevreau, pour se réjouir avec ses amis ?
En ce qui concerne le premier point, on devine facilement qu’il n’est pas question de tous les commandements, 
mais seulement de celui qui est le plus nécessaire, je veux parler, de celui qui défend d’adorer aucun autre Dieu que le souverain Créateur de toutes choses (Ex. XX, 3) : on comprend d’ailleurs que ce fils ne personnifie pas tous les Israélites indistinctement, mais ceux d’entre eux qui n’ont jamais quitté le culte du vrai Dieu pour celui des idoles. En effet, quoique ce fils, en quelque sorte placé aux champs, désirât les choses terrestres, cependant c’est du Dieu unique qu’il attendait ces biens, qui lui étaient communs avec les animaux.
Aussi la synagogue est-elle bien personnifiée dans ce psaume d’Asaph : « Je suis devant vous comme une bête ; mais néanmoins je suis toujours vous » (Ps. LXXII, 23). C’est ce que corrobore également le témoignage du père lui-même, formulé en ces termes : « Vous êtes toujours avec moi ».
Il ne reproche pas à son fils une sorte de mensonge, mais faisant l’éloge de sa persévérance à demeurer avec lui, il l’invite par là même à prendre une part plus grande et plus parfaite à la joie.

- Saint Augustin essaie de comprendre ce que symbolisent le chevreau et les reproches du fils aîné au père :

   Quel est maintenant ce chevreau, qu’il n’a jamais eu pour faire un festin ?
Il est certain d’abord que le chevreau est ordinairement le symbole du pécheur. Mais loin de moi de reconnaître ici l’Antéchrist. Car je ne vois pas comment on pourrait appliquer jusqu’au bout cette interprétation. Il serait trop absurde que le fils, à qui il est donné d’entendre ces paroles : « Vous êtes toujours avec moi », eût exprimé à son père le désir de croire à l’Antéchrist.
Il n’est pas non plus permis de voir dans ce fils la personnification de ceux d’entre les Juifs qui croiront à l’Antéchrist. Dans l’hypothèse où ce chevreau serait la figure de l’Antéchrist, comment ce fils pourrait-il en manger puis qu’il ne mettrait pas en lui sa foi ? Ou bien, si manger du chevreau ne signifie rien autre chose que la joie causée par la perte de l’Antéchrist, comment le fils, que le père accueille si bien, dit-il que cette joie ne lui a pas été accordée, tandis que tous les enfants de Dieu applaudiront à la condamnation de son adversaire ?

   A mon sens (et ce que je vais dire, dans une matière aussi obscure, ne doit pas empêcher un examen plus attentif,) il se plaint donc de ce que le Seigneur Lui-même lui a été refusé pour son festin, attendu que le Seigneur est un pécheur à ses yeux.
Ce peuple considérant le Sauveur comme un chevreau, 
en d’autres termes, voyant en Lui un violateur du sabbat et un profanateur de la Loi, n’a pas mérité de prendre part à Ses joies ; ainsi : « Vous ne m’avez jamais donné un chevreau pour en manger avec mes amis », reviendrait à dire : celui qui était à mes yeux un chevreau, vous ne me l’avez jamais donné pour me réjouir, et vous ne me l’avez point accordé, précisément parce que je le considérais comme un chevreau.
« Avec mes amis », s’entend des chefs en union avec le peuple, ou du peuple de Jérusalem assemblé avec les autres peuples de Juda.
Quant aux femmes perdues, avec lesquelles le plus jeune fils est accusé d’avoir dissipé son patrimoine, elles désignent très bien les passions honteuses, qui ont fait abandonner l’alliance unique et légitime du vrai Dieu, pour rechercher dans les superstitions païennes l’union adultère avec la foule des démons.

- Saint Augustin s’interroge sur ce « tout » dont le père dit qu’il est au fils aîné :

D’où vient ensuite que le père, après avoir dit : « Vous êtes toujours avec moi », — paroles expliquées, — continue en ces termes : « Et tout ce qui est à moi est à vous » ?
Gardez-vous d’abord de croire que ces mots : « Tout ce qui est à moi est à vous », signifient que le frère n’y a point de part, comme vous vous demanderiez avec anxiété, pour un héritage de ce monde, comment l’aîné pourrait avoir tout, dans le cas où le plus jeune aurait sa part.
Les enfants parfaits, d’une pureté très grande et déjà dignes du ciel, possèdent tout, de façon que chaque chose est à tous, et que tout est à chacun. Car la charité ignore les angoisses inséparables de la cupidité.

   Mais comment ce fils possède-t-il tout ?
Est-ce que Dieu – dira quelqu’un – met au-dessous de lui et les Anges, et les Vertus sublimes, et les puissances, et tous les esprits célestes, exécuteurs de ses volontés ?
Si l’on entend possesseur, dans le sens de maître, il est évident que Dieu ne lui a pas donné tout. Car ceux dont il est dit : « Ils seront comme les Anges de Dieu » (Matt. XXII, 30), ne seront point les maîtres, mais plutôt les cohéritiers des Anges. Que si la possession s’entend dans le sens, d’ailleurs légitime, attaché à cette phrase : les âmes en possession de la vérité, je ne vois pas pour quel motif nous ne pourrions pas admettre ici le mot tout, dans son sens vrai, propre et absolu. En effet, quand nous disons des âmes qu’elles sont en possession de la vérité, notre intention n’est pas d’affirmer qu’elles en sont les maîtresses.
Enfin, s’il nous est 
interdit d’entendre la possession en ce sens, mettons encore cela de côté. Car le père ne dit pas : Je vous donnerai tout en possession, ou : Vous possédez, vous possèderez tous mes biens ; mais : « Tout ce qui est à moi est à vous ». Tout cela cependant n’est pas à lui comme à Dieu.
En effet ce qui est dans notre bourse peut servir pour la nourriture ou le vêtement de notre famille, ou pour tout autre usage analogue. Et certes, comme il était en droit de l’appeler son père, je ne vois pas ce qu’il n’aurait pu appeler sien, dans ce qui appartenait à ce père, puisque c’était à lui mais à des titres différents.
Car quand nous aurons obtenu l’éternelle félicité, les choses élevées au dessus de nous seront à nous pour les voir ; nous vivrons avec ce qui sera près de nous, et ce qui sera au dessous nous appartiendra aussi pour le dominer. Que le frère aîné prenne donc part à la joie dans une sécurité parfaite, « parce que son frère était mort, et qu’il est ressuscité ; il était perdu, et il est retrouvé ».

4 - James Tissot - le veau gras

James Tissot (1836-1902) : le veau gras (vers 1880)
[musée des Beaux-Arts de Nantes]

2025-70. Litanies de Saint Benoît de Nursie.

21 mars,
Fête de Saint Benoît de Nursie, abbé et confesseur, co-patron de l’Europe ;
Mémoire de Saint Nicolas de Flüe, confesseur ;
Mémoire de la férie de Carême ;
Anniversaire de l’assassinat du Duc d’Enghien (cf. > ici) ;
Anniversaire de la mort de Sœur Marie Marthe Chambon (cf. > ici).

Saint Benoît de Nursie - blogue

Litanies de Saint Benoît de Nursie

(pour la récitation privée)

Seigneur, ayez pitié de nous.
Jésus Christ, ayez pitié de nous.
Seigneur, ayez pitié de nous

Jésus-Christ, écoutez-nous.
Jésus-Christ, exaucez-nous.

Dieu le Père, ayez pitié de nous.
Dieu le Fils, rédempteur du monde, ayez pitié de nous.
Dieu, Saint-Esprit, ayez pitié de nous.
Trinite Sainte, qui êtes un seul Dieu, ayez pitié de nous.

Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous.

Saint Benoît, priez pour nous.
Saint Benoît, homme de Dieu, priez pour nous.
Saint Benoît, serviteur de Jésus-Christ, priez pour nous.
Saint Benoît, rempli de l’Esprit-Saint, priez pour nous.
Saint Benoît rempli de l’esprit de tous les justes, priez pour nous.
Saint Benoît sage législateur, priez pour nous.
Saint Benoît, patriarche des moines d’occident, priez pour nous.
Saint Benoît, père d’un grand nombre de saints, priez pour nous.
Saint Benoît, maître de vie spirituelle, priez pour nous?
Saint Benoit, invincible dans la foi, priez pour nous.

Saint Benoît, inébranlable dans l’espérance, priez pour nous.
Saint Benoît, animé de l’amour de Dieu, priez pour nous.
Saint Benoît, ferme appui des malheureux, priez pour nous.
Saint Benoît, toujours prêt à secourir, priez pour nous.
Saint Benoît, très bon pour les pauvres, priez pour nous.
Saint Benoît, très bon pour les malades, priez pour nous.
Saint Benoît, très bon pour les enfants, priez pour nous.
Saint Benoît, modèle de pureté, priez pour nous.
Saint Benoît, modèle d’humilité, priez pour nous.
Saint Benoît, modèle de charité, priez pour nous.
Saint Benoît, modèle de piété, priez pour nous.
Saint Benoît, vertueux dès la jeunesse, priez pour nous.
Saint Benoît, vainqueur du démon, priez pour nous.
Saint Benoît, doué du don des miracles, priez pour nous.
Saint Benoît, fidèle à recevoir les sacrements, priez pour nous.
Saint Benoît, mort debout dans l’église, priez pour nous.
Saint Benoît, retourné à Dieu en priant, priez pour nous.
Saint Benoît, protecteur de ceux qui vous invoquent, priez pour nous.
Saint Benoît, patron céleste de l’Europe, priez pour nous.

Agneau de Dieu, qui effacez les péchés du monde, pardonnez-nous Seigneur.
Agneau de Dieu, qui effacez les péchés du monde, exaucez-nous Seigneur.
Agneau de Dieu, qui effacez les péchés du monde, ayez pitié de nous Seigneur.

V./: Priez pour nous saint Benoît.
R./: Afin que nous soyons dignes des promesses de Jésus-Christ.

Prions :

Père des miséricordes et Dieu de toute consolation, qui avez façonné le cœur de saint Benoît à votre image et à votre ressemblance, envoyez votre Saint-Esprit et créez en nous un cœur pur selon le cœur de votre fils Jésus-Christ.

Ainsi soit-il.

Revers de la médaille de Saint Benoît

2025-69. Prière à Saint Joseph, développée à partir de celle de Saint François de Sales.

       Vous trouverez ci-dessous le texte de la prière à Saint Joseph qui a été récitée le 19 mars 2025 - dans l’Oratoire du Mesnil-Mariedevant la statue de Saint Joseph après qu’elle a été couronnée : elle reprend, mais en la développant, la prière de Saint François de Sales (que l’on trouve déjà dans les pages de ce blogue, en deuxième position > ici).

Textes relatifs à la statue de Saint Joseph au Mesnil-Marie :
- Appel pour l’acquisition de la statue > ici
- Remerciements aux bienfaiteurs après l’installation de la statue > ici
- Présentation de la couronne de Saint Joseph > ici

Saint Joseph couronné au Mesnil-Marie

La statue de Saint Joseph couronnée
dans l’oratoire du Mesnil-Marie

Prière à Saint Joseph

(développée à partir de celle de Saint François de Sales)

       Glorieux Saint Joseph, époux de Marie, accordez-nous votre protection paternelle, nous vous en supplions par le Sacré-Cœur de Jésus et le Cœur Douloureux et Immaculé de Marie. 

   O vous dont la puissance s’étend à toutes nos nécessités et qui savez rendre possibles les choses les plus impossibles, ouvrez vos yeux de père sur les intérêts de vos enfants.
Lorsque l’embarras et la peine nous presseront, nous recourrons à vous avec confiance ; daignez dès à présent prendre sous votre charitable conduite toutes nos affaires, de quelque importance qu’elles soient, et quelque difficiles qu’elles puissent être : nous ne voulons plus nous en inquiéter ni les laisser instaurer le moindre trouble dans nos âmes, certains de votre sollicitude et de votre puissance d’intercession.
Nous vous demandons seulement qu’en toutes occurrences, leur issue concoure à la gloire de Dieu et au bien de ses dévoués serviteurs.

   O vous que l’on n’a jamais invoqué en vain, aimable saint Joseph ! Vous dont le crédit est si puissant auprès de Dieu qu’on a pu dire : Au ciel, Joseph commande plutôt quil ne supplie ; vous, notre Patriarche plein de tendresse, priez pour nous Jésus, priez pour nous Marie.
Soyez notre avocat auprès de ce divin Fils dont vous fûtes ici-bas le père nourricier si attentif, si chérissant et le protecteur fidèle.
Soyez notre avocat auprès de Marie dont vous fûtes l’époux si aimant et si tendrement aimé.
Ajoutez à toutes vos gloires celle de gagner les causes et les intentions que nous vous confions [ici on peut citer les grâces particulières que l'on sollicite de l'intercession de Saint Joseph].

   Nous croyons, oui, nous croyons que vous pouvez exaucer nos vœux en nous délivrant des peines qui nous accablent et des amertumes dont notre âme est abreuvée ; nous avons, de plus, la ferme confiance que vous ne négligerez rien en faveur des affligés qui vous implorent.
Humblement prosternés à vos pieds, bon Saint Joseph, nous vous en conjurons, ayez pitié de nos gémissements et de nos larmes ; couvrez-nous du manteau de vos miséricordes et bénissez-nous.

Ainsi soit-il.

Toutes les publications de ce blogue relatives à Saint Joseph > ici

Monogramme Saint Joseph vignette

2025-67. Récapitulatif de tous les textes de ce blogue relatifs à Saint Joseph et à son culte :

       Veuillez trouver ci-dessous le récapitulatif – avec les liens pour les atteindre – de toutes les publications de notre blogue relatives à Saint Joseph et à son culte :

Saint Joseph (tableau de rétable)

A – Prières :

- Prières de Léon XIII, de Saint François de Sales et du Bienheureux Pie IX > ici
- Prière à Saint Joseph développée à partir de celle de Saint François de Sales > ici
Prière à Saint Joseph prescrite pour le mois du saint rosaire > ici
- Neuvaine à Saint Joseph (en particulier pour préparer sa fête) > ici
- Courts éléments de méditation pour commencer le mois de Saint Joseph > ici
- Cantique « Saint Joseph, ô pur modèle » > ici
- Salutations à Saint Joseph composées par Saint Jean Eudes > ici
- Méditations sur les sept douleurs de Saint Joseph > ici

B – Bandes dessinées :

- « Ite ad Joseph » > ici
« Saint Joseph et le Carême » > ici

C – Pour la fête du 19 mars :

- Pour entrer dans la neuvaine préparatoire à la fête du 19 mars : méditation sur la vie de foi de Saint Joseph > ici
- Neuvaine préparatoire à la fête de Saint Joseph ici

Saint Joseph

D – Pour la solennité de Saint Joseph (mercredi de la deuxième semaine après l’octave de Pâques) :

- Historique de la fête de la solennité de Saint Joseph et décret d’institution par le Bienheureux Pie IX > ici
- Messe de la solennité de Saint Joseph > ici
- Méditation pour la solennité de Saint Joseph > ici
-

E – Pèlerinages et lieux de dévotion à Saint Joseph :

- Saint Joseph de Bon Espoir à Espaly-Saint-Marcel (à côté du Puy) > ici
- La relique du manteau de Saint Joseph, à Rome > ici

F – Textes divers :

- Les exemples de Saint Joseph adaptés à tous les fidèles (Benoît XVI) > ici
- Saint Joseph et le Sacré-Cœur de Jésus > ici
- 23 janvier : les épousailles de Notre-Dame avec Saint Joseph > ici
- L’introduction du nom de Saint Joseph au canon romain > ici
- Saint Joseph et Sainte Thérèse de Jésus > ici
- La consécration de la France à Saint Joseph par Henri V (19 mars 1871) > ici
-  

E – Saint Joseph au Mesnil-Marie :

- Appel pour l’acquisition de la statue ici
- Remerciements aux bienfaiteurs après l’installation de la statue ici
- Présentation de la couronne de Saint Joseph ici
- Prière récitée après le couronnement de la statue de Saint Joseph (19 mars 2025) > ici

St Joseph patron de l'Eglise - église Saint-Joseph de Chambérat 03

2025-65. Les saintes reliques des instruments de la Passion à Notre-Dame de Paris.

Vendredi de la 2ème semaine de Carême,
Fête des Saints Clous et de la Sainte Lance de la Passion (cf. > ici et > ici).

croix et couronne d'épines - vignette

       Nous reproduisons ci-dessous dans son intégralité (et en conservant la graphie originelle) une « Notice abrégée sur les reliques et les instruments de la Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ qui se conservent aujourd’hui dans le trésor de l’église métropolitaine de Paris », qui est le résumé d’une autre notice, plus développée, « publiée, avec les pièces justificatives, par ordre de Mgr l’Archevêque – 1 vol. in-8°, orné de cinq gravures en taille-douce : prix, 3 francs, chez Adrien Le Clère et Cie », que – malheureusement – nous ne possédons pas.

   Le texte publié ci-dessous, lui, se trouve en introduction d’un ouvrage intitulé « Exercice de dévotion en l’honneur de la Passion de N.S. Jésus-Christ et de la compassion de la Ste Vierge, établi dans l’église métropolitaine de Paris et dans les paroisses du diocèse pour les vendredis du carême » [nouvelle édition - chez Adrien Le Clère éditeur, Paris - 1846]. 

Reliques de la Passion à Notre-Dame

Basilique cathédrale Notre-Dame de Paris
exposition de la Sainte Couronne d’Epines avec une parcelle de la Croix et un Clou de la Passion

   « Les principales Reliques de la Passion de notre Seigneur Jésus-Christ qui se conservent aujourd’hui dans le trésor de l’Eglise Métropolitaine de Paris, sont : 1° plusieurs portions considérables de la vraie Croix ; 2° la sainte Couronne d’épines ; 3° deux portions considérables des Clous qui ont servi au crucifiement.

I. Du bois sacré de la Croix.

I. Découverte miraculeuse de la sainte Croix, sous l’empereur Constantin.

   La Croix de notre Seigneur Jésus-Christ, après avoir été longtemps inconnue aux hommes, fut miraculeusement découverte sous l’empereur Constantin, l’an 326 de l’ère- chrétienne. Voici comment le fait est rapporté par les auteurs contemporains.

   Depuis l’empereur Adrien, les païens n’avoient rien oublié pour profaner les saints lieux consacrés par les mystères de la vie et de la Passion de Notre-Seigneur. Ils avoient fait du Calvaire en particulier un lieu d’idolâtrie et de superstition. Ils avoient comblé la grotte du saint Sépulcre, élevé une grande terrasse au-dessus, et bâti en cet endroit un temple à Vénus, afin que les chrétiens parussent adorer cette fausse divinité, lorsqu’ils viendroient y rendre leur culte à Jésus-Christ.
Constantin, résolu de rétablir l’honneur de ce saint lieu, donna ordre d’y construire une église.
Il écrivit pour cet objet à saint Macaire, évêque de Jérusalem, et à Dracilien, gouverneur de la province, leur recommandant de ne rien négliger pour la magnificence de l’édifice.

   Sainte Hélène, mère de l’Empereur, et convertie au christianisme par ses soins, voulut se charger elle-même de veiller à l’exécution. Elle se transporta donc à Jérusalem, vers la fin de l’année 326, s’informa exactement de l’endroit où Jésus-Christ avoit été crucifié, et de toutes les autres circonstances de sa Passion. D’après ces informations, elle fit abattre l’idole et le temple de Vénus qui profanoient les lieux consacrés par la mort et la résurrection du Sauveur. On enleva ensuite les terres, et l’on creusa si avant, que l’on découvrit enfin le saint Sépulcre. On trouva aussi tout auprès trois croix de même grandeur et de même forme, avec les clous qui avoient percé les pieds et les mains du Sauveur, et le titre qui avoit été attaché au haut de sa croix. Il étoit naturel de penser que l’une des trois croix étoit celle qu’on cherchoit, et que les deux autres étoient celles des malfaiteurs au milieu desquels Jésus-Christ avoit été crucifié. Mais on ne savoit comment les distinguer, le titre étant, à ce qu’il paroît, séparé des trois croix. Dans cet embarras, on consulta saint Macaire, évêque de Jérusalem, à qui Dieu inspira un moyen de lever la difficulté : et il se fit à cette occasion un miracle dont les circonstances furent si éclatantes et si publiques, qu’elles ne laissèrent plus aucun doute sur celle des trois croix qui avoit servi d’instrument au salut du monde.

Agnolo Gaddi invention de la Sainte Croix

Agnolo Gaddi (1350-1396) : la découverte de la Sainte Croix -1385-87)
Basilique Sainte-Croix, à Florence

II. Ce que devint la Croix de Jésus-Christ depuis sa découverte miraculeuse.

   La pieuse impératrice, ravie de joie d’avoir trouvé le riche trésor qu’elle souhaitoit si ardemment, le partagea en deux parties principales, dont elle envoya l’une à l’empereur son fils, et laissa l’autre à Jérusalem. Elle fit enchâsser cette dernière portion, qui étoit la plus considérable, dans une boîte d’argent, qu’elle remit entre les mains de saint Macaire, patriarche de Jérusalem, pour conserver à la postérité ce précieux monument du grand mystère de la rédemption des hommes. On le garda soigneusement dans l’Eglise du saint Sépulcre, qui fut alors bâtie avec toute la magnificence dont nous avons parlé plus haut ; et où l’on accourut bientôt de tous côtés pour vénérer ce bois sacré. Les pèlerins les plus distingués regardoient comme une insigne faveur d’en obtenir quelque parcelle. L’évêque seul avoit le pouvoir d’accorder cette grâce ; mais il l’accordoit dès ces premiers temps à un si grand nombre de personnes, qu’au témoignage de saint Cyrille de Jérusalem, qui écrivoit environ vingt-cinq ans après la découverte de la sainte Croix, ce précieux trésor fut en peu de temps répandu par tout le monde.

   Constantin de son côté reçut avec beaucoup de vénération la partie du bois sacré que sa pieuse mère lui avoit envoyée ; et aussitôt qu’on eut achevé la nouvelle ville de Constantinople, c’est-à-dire, vers l’an 33o, il fit mettre une portion de la sainte Relique dans sa statue élevée au milieu de la grande place sur une colonne de porphyre, persuadé que ce pieux monument seroit, pour la ville impériale, une sauvegarde assurée contre toutes sortes de dangers. Le concours des pèlerins pour vénérer la sainte Croix n’étoit guère moindre à Constantinople qu’à Jérusalem ; et les empereurs chrétiens, à l’exemple des Patriarches de Jérusalem, ne faisoient pas difficulté d’en accorder assez souvent quelques portions à d’illustres personnages.
Constantin lui-même en fit porter un morceau considérable à Rome, pour être placé dans l’église de Sainte-Croix de Jérusalem, qui fut bâtie à cette époque.

   Environ trois siècles après la découverte miraculeuse de la sainte Croix, la ville de Jérusalem eut la douleur de se voir privée pour un temps de la sainte Relique, qu’elle regardoit comme son plus précieux trésor. Chosroès, roi des Perses, ayant pris cette ville, emporta avec lui toutes ses richesses, qui consistoient principalement en vases sacrés et en reliques. Parmi celles-ci, étoient plusieurs morceaux de la vraie Croix, enfermés dans une boîte d’argent sous le sceau du patriarche de Jérusalem, et qui demeurèrent ainsi au pouvoir des Perses pendant l’espace de quatorze ans. Mais après la mort de Chosroès, Héraclius les recouvra des mains de Siroès, son fils et son successeur, par un traité de paix qu’il fit avec lui l’an 628. A cette époque, on trouva la sainte Relique dans l’état où elle avoit été enlevée, les Perses n’ayant pas même ouvert la boîte qui la renfermoit, comme on s’en assura par l’inspection des sceaux qui furent trouvés entiers.

Palma le Jeune - Héraclius rapportant la Croix au mont Calvaire

Palma le Jeune (vers 1548-1628) :
Héraclius rapportant la Croix au Mont Calvaire (vers 1620-1625),

église Santa Maria Assunta, Venise.

   Après cette vérification, la sainte Croix fut solennellement replacée dans l’église du Saint-Sépulcre. L’empereur lui-même voulut porter sur ses épaules et nu-pieds, jusqu’au sommet du Calvaire, le bois sacré qu’il regardoit comme le plus glorieux trophée de ses victoires. Cette imposante cérémonie fut un sujet de joie pour toute l’Eglise, qui en célèbre encore la mémoire le 14 septembre, jour de l’Exaltation de la sainte Croix.

   L’apparition miraculeuse de la sainte Croix à Constantin , et la découverte de la Croix par sainte Hélène, avoient déjà fait établir cette fête, qui devint beaucoup plus solennelle depuis l’événement important que nous venons de rapporter.

   Les différentes portions de la vraie Croix que l’on a vénérées dans les diverses églises de la chrétienté, depuis la découverte de ce bois sacré, y sont venues, directement ou indirectement, de l’une des deux grandes églises de Jérusalem ou de Constantinople.
Parmi les nombreuses reliques de ce genre que la France possédoit avant la révolution, la principale se conservoit à la Sainte-Chapelle de Paris, où elle avoit été apportée de Constantinople en 1241. L’empereur Baudouin II, ayant été réduit à la triste nécessité d’engager aux Templiers plusieurs morceaux considérables de la vraie Croix, avec d’autres reliques de la chapelle impériale, pour remplir le vide occasionné dans son trésor par le fléau de la guerre, saint Louis, instruit de la résolution qu’il avoit prise, lui envoya des personnes de confiance, avec l’argent nécessaire pour retirer ces précieux objets.

   Ils furent apportés en France en 1241, et solennellement transférés dans la chapelle du Palais, le 14 septembre de la même année. L’église de Paris célèbre encore aujourd’hui la mémoire de cette translation le 14 septembre, jour même de l’Exaltation de la sainte Croix.

Sainte-Chapelle Paris - Ciborium de la grande châsse

Paris, la Sainte Chapelle :
le ciborium sous lequel était placée la Grande Châsse
qui renfermait, entre autres, les reliques de la Passion.

III. Origine des portions considérables de la vraie croix qui se conservent aujourd’hui dans l’Eglise métropolitaine de Paris.

   L’Eglise métropolitaine de Paris possède aujourd’hui plusieurs portions considérables de la vraie Croix, dont nous allons exposer en peu de mots l’origine.

   1) La première est la vraie Croix d’Anseau, ainsi nommée parce qu’elle fut envoyée en  à l’évêque et au Chapitre de Paris, par un ancien chanoine de cette Eglise, nommé Anselle ou Anseau, alors grand-chantre de l’Eglise du Saint-Sépulcre de Jérusalem. Anseau lui-même, dans les lettres qu’il écrivit à Galon, évêque de Paris, et à son chapitre, en leur envoyant cette précieuse Relique , nous apprend qu’il la tenoit immédiatement de la supérieure des religieuses Géorgiennes de Jérusalem, qui, avant de venir habiter cette ville, avoit été mariée à David, roi de Géorgie. Cette pieuse reine, en quittant sa patrie après la mort de son époux, avoit emporté avec elle une partie de ses trésors, et spécialement la portion de la vraie Croix dont il s’agit, et qui provenoit de la partie du bois sacré que sainte Hélène avoit laissée à Jérusalem.

   Anseau envoya donc à l’évêque et au chapitre de Paris ce riche présent par un clerc de cette Eglise nommé Anselme. Celui-ci étant arrivé à Fontenay, près Bagneux, fit avertir de son arrivée l’évêque et les chanoines, qui se rendirent auprès de lui, et accompagnèrent solennellement la sainte Relique dans l’Eglise de Saint-Cloud, où ils la déposèrent le vendredi 3o juillet 1109. De là ils la transportèrent avec beaucoup de pompe, le dimanche suivant, dans l’Eglise cathédrale. Les évêques de Meaux et de Senlis , avec les processions des paroisses voisines, assistèrent à cette translation, dont l’Eglise de Paris célèbre encore aujourd’hui la mémoire le premier dimanche du mois d’août, jour de la Susception de la sainte Croix.

   En 1793 , lorsque la Municipalité de Paris eut fait enlever les objets précieux qui se conservoient dans le trésor de l’Eglise métropolitaine, M. Guyot de Sainte-Hélène, alors président du Comité révolutionnaire de la section de la Cité, obtint la permission de garder la Croix d’Anseau, qu’il partagea avec M. l’abbé Duflost, gardien au trésor de Notre-Dame. De la partie qu’il s’étoit réservée, M. Guyot de Sainte-Hélène forma depuis quatre croix différentes, dont trois seulement ont été rendues jusqu’ici à l’Eglise métropolitaine.
Avant cette Restitution, M. Guyot de Sainte-Hélène eut la précaution de faire reconnoitre les débris de l’ancienne Croix d’Anseau par plusieurs anciens chanoines et dignitaires de la Métropole, et spécialement par un ancien trésorier du Chapitre, qui avoit des notions exactes sur la sainte Relique et de toutes les circonstances qui pouvoient servir à en attester la conservation. Ce ne fut qu’après ces précautions que Mgr le cardinal de Belloy, archevêque de Paris, prononça lui-même en 18o3 l’authenticité des trois croix rendues à la Métropole, et permit de les exposer de nouveau à la vénération des fidèles.

Trésor de Notre-Dame reliquaires de la Croix

- Paul Brunet (actif 1871-1913) d’après Jules Astruc (1862-1955) :
Croix du reliquaire de la Vraie Croix de Saint-Claude avec fragments de la croix d’Anseau (1900).
- François Isaac Bertrand, dit Bertrand-Paraud (1774-1832) :
Croix reliquaire avec parcelles du bois de la Croix et de la Couronne d’épines (vers 1820 et entre 1843 et 1869 pour le pied).
- Maurice Poussielgue-Rusand (1861-1933) :
Monstrance avec portion de la croix d’Anseau (1901).

   2) Parmi les différentes portions de la vraie Croix qui se conservent aujourd’hui dans le trésor de l’Eglise métropolitaine, la plus considérable provient de la riche collection des Reliques de la Passion de Notre-Seigneur, conservées autrefois à la Sainte-Chapelle de Paris.

   A l’époque de la révolution, l’Assemblée nationale ayant supprimé tous les chapitres, la Municipalité de Paris fit mettre les scellés sur le trésor de la Sainte-Chapelle ; mais bientôt après, Louis XVI, voulant pourvoir à la conservation des saintes Reliques, donna ordre à M. Gilbert de la Chapelle, conseiller du Roi en ses conseils, de les retirer du trésor de la Sainte-Chapelle, et de les transporter provisoirement à l’abbaye de Saint-Denis. Cet ordre fut exécuté le 12 mars 1791, par M. de la Chapelle et M. l’abbé de Fénelon, aumônier du Roi, en présence de M. le président de la Chambre des Comptes, de M. Lourdet, commissaire particulier de ladite Chambre pour la Sainte-Chapelle de Paris, et du trésorier de la même Eglise. Les commissaires de la municipalité de Paris y furent aussi appelés pour reconnoitre et lever les scellés qu’ils y avoient mis.
Au sortir de la Sainte-Chapelle, M. l’abbé de Fénelon et M. de la Chapelle allèrent au château des Tuileries pour montrer les Reliques au Roi, qui avoit demandé à les voir ; et le même jour, ils les transportèrent et les déposèrent au trésor de l’abbaye de Saint-Denis, où elles demeurèrent jusqu’au lundi 11 novembre 1793. Dans la nuit qui suivit ce jour, les saintes Reliques furent enlevées par la Municipalité de Saint-Denis, et apportées à Paris, pour en faire hommage à la Convention, suivant l’expression du temps, comme d’objets servant d’aliment à la superstition. La Convention envoya les Reliques à son Comité des Inspecteurs de la salle, qui chargea un de ses membres, nommé Sergent, de les porter à l’Hôtel des Monnoies. Là on brisa les reliquaires, qui, aux yeux d’un gouvernement impie, étoient la partie la plus précieuse des richesses enlevées aux églises ; après quoi on fit porter les Reliques à la Commission temporaire des Arts, qui fut alors établie pour examiner les objets enlevés aux divers établissemens publics, et pour faire le discernement de ceux qui méritoient d’être conservés.
Ce fut pendant cet examen que M. Jean Bonvoisin, peintre, membre de la Commission, eut le bonheur de sauver en grande partie la portion de la vraie Croix que l’on avoit coutume d’exposer en certains jours à l’adoration des fidèles dans l’église de la Sainte-Chapelle. Comme on paroissoit faire très-peu de cas de ces objets sacrés, dépouillés de leurs riches ornemens, M. Bonvoisin eut la liberté de prendre sur la table où ils étoient rassemblés, la précieuse Relique dont nous venons de parler. Il s’empressa de la porter à sa mère, qui étoit une dame recommandable par sa piété, et qui, après l’avoir conservée religieusement pendant la révolution, se fit un devoir de la remettre en 1804 au Chapitre de Paris. M. Bonvoisin et sa pieuse mère attestèrent depuis avec serment, chacun pour ce qui les concernoit, la vérité des faits que nous venons de rapporter.
D’après cette déclaration , qui eut lieu le 13 avril 1808, Mgr le cardinal de Belloy, alors archevêque de Paris, fit enfermer, avec toutes les précautions convenables, cette précieuse portion de la vraie Croix dans le reliquaire de cristal où on la voit aujourd’hui.

Placide Poussielgue-Rusand d'après Eugene Viollet-le-Duc - reliquaire croix et clou

Placide Poussielgue-Rusand (1824-1889) d’après Eugène Viollet-le-Duc (1814-1879) :
Reliquaire réalisé pour exposer ensemble le saint Clou et le bois de la Croix (1862).

   3) L’Eglise métropolitaine a été enrichie, à la fin de l’année dernière, d’une nouvelle portion de la vraie Croix, non moins authentique que celles dont nous venons de parler. C’est de la Croix palatine, ainsi appelée parce qu’elle a autrefois appartenu à Anne de Gonzague de Clèves, princesse palatine, qui la laissa par testament à l’église de l’abbaye de Saint-Germain des Prés, à Paris (note : La princesse palatine dont il est ici question est la même dont Bossuet prononça l’oraison funèbre en 1685).

   Voici ce qu’on lit à ce sujet dans l’Histoire de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, publiée en 1724, par dom Bouillart : « L’église de l’Abbaye fut enrichie en 1684 de plusieurs Reliques très-considérables que Mme Anne de Gonzague de Clèyes, princesse de Mantoue et de Montferrat, veuve du prince Edouard de Bavière, prince Palatin du Rhin , lui avoit laissées par son testament, en date du 8 juin 1683, dont voici le contenu : Je donne le Clou de Notre-Seigneur, avec Il tous les papiers qui en autorisent la vérité et la permission de l’adorer, aux Pères Bénédictins de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés. Je donne encore ma croix de pierreries avec la sainte vraie Croix, que j’atteste avoir vue dans les flammes sans brûler. Cette Croix est double comme celles de Jérusalem, et il y a une double Croix d’or  avec des gravures de lettres grecques. Je donne encore à l’abbaye de Saint-Germain les Reliques que j’ai de saint Casimir, etc. etc. »
Ces Reliques , et les lettres authentiques qui en prouvent la vérité, avoient été examinées en 1673 par le sieur Benjamin, grand-vicaire du diocèse de Paris, chargé de cette commission par M. de Harlay, archevêque de Paris. Nonobstant cela, dom Claude Bretagne, prieur de l’Abbaye, fut encore délégué par le même archevêque, pour procéder à une seconde vérification, qu’il fit le 22 septembre de la présente année 1684. Les exécuteurs testamentaires lui remirent les Reliques entre les mains, et après les avoir examinées, dom Jean Barré les reçut au nom des religieux de Saint-Germain, qui l’avoient chargé de leur procuration. On lui donna aussi le procès-verbal du sieur Benjamin, où il est fait mention des mêmes Reliques et des papiers qui en certifient la vérité.

   Ce qu’il y a de plus remarquable dans la Croix dont nous venons de parler, c’est une inscription grecque qui se lit dans le revers, laquelle est composée de deux vers iambiques, dont le premier et la moitié du second sont sur la ligne droite, et l’autre moitié sur le travers du grand croisillon. Sur le petit il y a d’un côté IHS, c’est à-dire Jésus, et de l’autre, Xpistôs, c’est-à-dire Christus.
Le nom de Manuel Comnène, empereur de Constantinople, qui y est inséré, fait certainement connoître que cette Croix vient de lui. L’on prétend qu’il en fit présent à un prince de Pologne, et qu’elle a été conservée précieusement dans le trésor de la couronne.
On en peut voir la gravure dans l’Histoire de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés.

Croix Palatine

Jean-Pierre Famechon (1787-1856) d’après Adrien Louis Lusson (1784-1864) :
Reliquaire de la « Croix Palatine » (1827-1828).

   Cette Croix est haute de huit pouces, sans y comprendre son pied de vermeil de pareille hauteur, et orné de pierreries en divers endroits.
Elle a deux travers, comme les croix de Jérusalem, qui sont remplis de bois de la vraie Croix.
Elle est bordée partout de diamans et d’améthystes.
La princesse palatine l’avoit reçue en présent de Jean-Casimir, roi de Pologne, qui l’avoit tirée du trésor de la couronne, et apportée avec lui lorsqu’il se retira en France.

   Il se trouve peu de portions de la vraie Croix plus considérables et mieux attestées ; car, outre les procès-verbaux et les autres titres, vus et examinés par le sieur Benjamin, les lettres grecques marquent l’antiquité de l’inscription et la vérité de la Relique.
Ce qui l’autorise encore davantage, c’est le miracle évident dont parle la princesse dans son testament, et qu’elle témoigna en mourant avoir vu de ses yeux, que cette Croix ayant été jetée dans le feu, y resta du temps sans en recevoir aucun dommage.
Madame la duchesse de Brunswick, fille de madame la princesse palatine, a aussi assuré que ce prodige étoit arrivé en présence de plusieurs princes et princesses, et de quelques personnes de qualité.

   Des Reliques si considérables laissées à l’abbaye Saint-Germain par une si pieuse princesse, et délivrées avec l’agrément et par les ordres de mesdames les duchesses d’Anguien et de Brunswick, demandoient qu’on les transférât de l’hôtel de la princesse à l’église de l’Abbaye avec toute la solennité convenable.
Le jour de saint Michel, 29 septembre, fut choisi pour cette cérémonie. Le Père dom Claude Bretagne, prieur de Saint-Germain, supplia, au nom de la communauté, M. de Harlay, archevêque de Paris, de faire cette translation par une procession solennelle. Tout le clergé séculier ou régulier du faubourg y assista ; les religieux de l’Abbaye tinrent le chœur, et M. l’Archevêque, revêtu de ses habits pontificaux, officia. Quand la procession fut arrivée dans l’église de l’abbaye, les saintes Reliques furent déposées sur un petit autel préparé au milieu du sanctuaire ; puis il entonna le Te Deum, qui fut chanté par les religieux, et à la fin il donna la bénédiction.

La Croix Palatine - détail 1

La « Croix Palatine » – détail.

   A l’époque de la révolution, c’est-à-dire au mois de novembre 1793, huit jours avant la spoliation du trésor de l’Abbaye, M. Roussineau, ancien curé de la Sainte-Chapelle de Paris, alors curé constitutionnel de l’église de Saint-Germain-des-Prés, et qui revint ensuite un des premiers à l’unité catholique, retira ces précieux objets du riche reliquaire où ils étoient enchâssés, et les enveloppa soigneusement de rubans scellés de son sceau, et de celui de dom Lièble, prêtre, ancien maître des cérémonies et bibliothécaire de l’Abbaye.
Non content de ces précautions, il fit reconnoître ces objets en 1797 par M. de Dampierre, vicaire-général de Paris, et aujourd’hui évêque de Clermont. Après cette vérification, M. de Dampierre renferma les saintes Reliques dans une boîte de bois, qu’il scella des sceaux de M. de Juigné, alors archevêque de Paris.
Cette boîte ainsi scellée fut conservée depuis par M. Roussinau, jusqu’à sa mort, qui arriva le 2 octobre 1827 à Dourdan, diocèse de Versailles, où il étoit curé. Il avoit plusieurs fois manifesté le désir de remettre cette boîte à M. de Quelen, archevêque de Paris, et elle lui fut en effet remise par ses héritiers le 25 octobre du même mois, scellée des mêmes sceaux de M. de Juigué, que M. de Dampierre y avoit apposés en 1797.

   M. l’archevêque de Paris, après avoir vérifié les sceaux, les avoir reconnus sains et entiers, a de nouveau constaté l’authenticité de la Relique : il l’a ensuite fait placer dans une riche croix de vermeil élégamment travaillée, fermée de deux cristaux, en sorte que l’on peut distinguer parfaitement d’un côté le bois de la vraie Croix, et de l’autre les lames d’or dont elle est demeurée revêtue, ainsi que l’antique inscription grecque qui se lit sur le revers.

   Le 22 février 1828, jour de la fête des Cinq Plaies de Notre-Seigneur, on fit une translation solennelle de cette précieuse Relique dans l’église de Notre-Dame, où elle fut confiée à la garde du Chapitre métropolitain.

Hyacinthe Louis de Quelen archevêque de Paris

Hyacinthe Louis de Quelen (1778-1839)
archevêque de Paris
sous le pontificat duquel la plupart des reliques de la Passion
rejoignirent le trésor de Notre-Dame

II. De la Sainte Couronne d’Epines.

I. Histoire de la sainte Couronne d’Épines avant la révolution.

   Ce fut en 1238 que Baudouin II, empereur de Constantinople, fit don à saint Louis de cette insigne Relique, qui se conservoit de temps immémorial dans la chapelle des empereurs grecs. Etant venu en France pour chercher du secours contre les Bulgares, il apprit que ses ministres, pour subvenir aux besoins extrêmes de l’Empire, songeoient à engager la sainte Couronne à des étrangers. A cette nouvelle, soit qu’il se piquât de générosité pour les bienfaits dont saint Louis l’avoit déjà comblé, soit qu’il espérât qu’un si riche présent lui attireroit infailliblement de nouvelles marques de la munificence du saint Roi, il le supplia de vouloir bien accepter la sainte Couronne. « Je sais certainement, lui dit-il, que les seigneurs enfermés dans Constantinople sont réduits à une telle extrémité, qu’ils seront obligés de vendre la sainte Couronne à des étrangers, ou du moins de la donner en gage. C’est pourquoi je désire ardemment de vous faire passer ce précieux trésor, à vous, mon cousin, mon seigneur et mon bienfaiteur, et au royaume de France, ma patrie. Je vous prie donc de vouloir bien le recevoir en pur don ».
Saint Louis accepta cette offre avec tout l’empressement d’une piété aussi tendre que solide et généreuse, et il ne perdit pas un moment pour s’assurer un dépôt si précieux, qui pouvoit lui être enlevé par divers contre-temps. 
Il envoya aussitôt à Constantinople deux religieux Dominicains, Jacques et André, dont l’un ayant été prieur dans un couvent de cette ville, avoit vu plus d’une fois la sainte Couronne, et étoit bien instruit de tout ce qui la concernoit.
Baudoin fit partir avec eux un de ses officiers, avec des lettres patentes par lesquelles il ordonnoit aux seigneurs de délivrer la sainte Relique aux envoyés du Roi.
Ceux-ci, étant arrivés à Constantinople, trouvèrent que les ministres de l’Empereur, pressés par une extrême nécessité, avoient déjà engagé la sainte Couronne aux Vénitiens, pour une grosse somme d’argent, à condition que, si on ne la retiroit de leurs mains dans le terme convenu, qui étoit assez court, elle appartiendroit aux Vénitiens, et qu’en attendant elle seroit transportée à Venise.
Les ministres de l’empereur, ayant lu ses lettres, convinrent avec les Vénitiens que la sainte Couronne seroit portée à Venise par les envoyés du Roi, accompagnés des ambassadeurs et des principaux citoyens de Constantinople ; qu’étant arrivés à Venise , les envoyés du Roi paieroient aux Vénitiens les sommes convenues, et se chargeroient ensuite de transporter en France le sacré dépôt.

La Sainte Couronne d'épines

La Sainte Couronne d’Epines dans son actuel reliquaire de cristal

   Avant de quitter Constantinople, toutes les précautions furent prises pour constater l’authenticité et la conservation de la sainte Relique. La caisse qui la renfermoit fut scellée des sceaux des seigneurs français. La confiance de ceux qui devoient la transporter éleva leur âme au-dessus de la crainte de tous les périls ; car ils ne firent pas difficulté de s’embarquer vers Noël de l’année 1238, c’est-à-dire, dans la saison la moins propre à la navigation. Cette confiance fut pleinement justifiée, et le danger des tempêtes ne fut pas le seul auquel ils échappèrent heureusement. L’empereur grec Vatace, étant instruit de cette translation, mit en mer plusieurs galères pour surprendre le vaisseau des Latins avec le sacré dépôt qu’il portoit ; mais la main qui le conservoit depuis tant de siècles le fit arriver à Venise sans aucun fâcheux accident.

   Aussitôt qu’on y fut arrivé, on déposa la sainte Couronne dans le trésor de la chapelle de Saint-Marc.
André, l’un des envoyés de saint Louis, resta pour la garder, tandis que Jacques, son compagnon, se rendit promptement auprès du Roi, pour l’informer de l’état des choses.
Le religieux monarque, ravi de joie à cette nouvelle, ne balança point à confirmer l’accord fait avec les Vénitiens ; et de concert avec l’empereur Baudouin, il renvoya Jacques à Venise, avec des ambassadeurs chargés d’ordonner aux marchands français qui se trouvoient dans cette ville, de payer les sommes promises.
Sa précaution alla jusqu’à demander à Frédéric, empereur d’Allemagne, une escorte pour protéger le transport de la sainte Couronne en France. Les Vénitiens eussent bien voulu s’y opposer ; mais, ne pouvant aller contre le traité, ils consentirent à l’exécution, et les ambassadeurs du Roi, ayant reconnu les sceaux, reprirent le chemin de la France.
Gauthier, archevêque de Sens, que le Roi chargea dans la suite d’écrire l’histoire de cette translation, rapporte à ce sujet une particularité que nous ne devons pas omettre : c’est que, pendant tout ce voyage il ne tomba pas une seule goutte d’eau sur ceux qui portoient ou qui accompagnoient la sainte Relique, quoique le ciel fût extrêmement chargé, et qu’il plut très souvent, lorsqu’ils étoient arrivés aux lieux où ils devoient s’arrêter.

   Quand ils furent à Troyes en Champagne, ils en donnèrent avis au roi, qui partit en diligence, accompagné de la Reine sa mère, des princes ses frères, de plusieurs prélats et seigneurs de sa cour.

Saint Louis portant la Sainte Couronne d'Epines à Notre-Dame de Paris le 19 août 1239

Saint Louis portant la Sainte Couronne d’Epines à Notre-Dame de Paris le 19 août 1239
[gravure de Jules David (1860) colorisée en 2012 par Jérôme Dumoux]

   Ce fut le 10 août 1239, jour de saint Laurent, qu’on rencontra la sainte Couronne, à Villeneuve-l’Archevêque, à cinq lieues de Sens. On ouvrit d’abord la caisse de bois qui renfermoit la sainte Relique, et l’on en vérifia les sceaux, avec les actes qui en établissoient l’authenticité. On ouvrit ensuite la châsse d’argent, puis le vase d’or qui renfermoit la sainte Couronne, et on la fit voir au Roi et à tous les assistans.
L’archevêque de Sens, qui étoit présent, dit qu’on se figureroit difficilement les vives émotions que le Roi, la Reine, et tant d’illustres personnages qui assistoient à l’ouverture de la châsse, éprouvèrent en ce moment, par l’impression religieuse que ce spectacle excitoit dans leurs âmes.

   Le lendemain, onzième jour d’août, la Relique fut portée à Sens. A l’entrée de la ville, le Roi et Robert son frère, comte d’Artois, la prirent sur leurs épaules, étant l’un et l’autre nu-pieds, et vêtus d une simple robe de laine. Ils étoient suivis des prélats et des seigneurs, qui marchoient aussi nu-pieds. Un clergé nombreux les précédoit avec les Reliques des églises voisines, et environné d’un peuple infini qui ne respiroit que la modestie et la componction. On eût dit que les sentimens du Roi avoient passé dans tous les assistans. On porta ainsi la sainte Couronne à l’Eglise métropolitaine, où elle fut exposée le reste du jour à la vénération du peuple.
Le lendemain, le Roi partit pour Paris, où se fit, huit jours après, la réception solennelle de la sainte Relique. On avoit dressé dans la campagne, près l’église de Saint Antoine, une estrade fort élevée, d’où l’on montra la châsse à tout le peuple.
Le Roi et son frère la portèrent ensuite sur leurs épaules à l’Eglise cathédrale, avec les mêmes marques d’humilité et de respect qu’ils avoient fait à Sens. Après avoir chanté l’office, on alla déposer la châsse dans la chapelle du Palais, qui étoit alors sous l’invocation de saint Nicolas. Depuis cette époque, l’Eglise de Paris célèbre chaque année la mémoire de cette translation solennelle le onzième jour d’août.

Reliquaire de la Sainte Couronne d'Epines de 1862

Placide Poussielgue-Rusand (1824-1889) d’après Eugène Viollet-le-Duc (1814-1879) :
Reliquaire réalisé pour la Sainte Couronne d’Epines en 1862.

II. Histoire de la sainte Couronne d’épines depuis la révolution.

   On a vu plus haut qu’à l’époque de la révolution, les Reliques de la Sainte-Chapelle, après avoir été d’abord portées à Saint-Denis, au mois de mars 1791, avoient été transférées, en 1793, à l’Hôtel des Monnoies. Là on dépouilla la sainte Couronne de son reliquaire ; on la rompit en trois parties à peu près égales, et on en porta les débris, avec les autres Reliques de la Sainte-Chapelle et de Saint-Denis, à la Commission temporaire des Arts, où ils furent mis sous la garde du secrétaire de cette Commission, nommé Oudry. Ce fut des mains de ce dernier que l’abbé Barthélemy, un des conservateurs des médailles antiques de la Bibliothèque nationale, obtint, en 1794, les débris de la sainte Couronne, pour les conserver parmi les objets confiés à sa garde.

   La sainte Couronne demeura ainsi à la Bibliothèque nationale jusqu’au mois d’octobre 1804. A cette époque, Mgr le cardinal de Belloy, archevêque de Paris, ayant été bien instruit de tous ces détails, et jugeant les circonstances favorables pour réclamer la sainte Couronne, avec plusieurs autres Reliques déposées dans le même établissement, s’adressa pour cet objet à M. Portalis, alors ministre des cultes, et en même temps ministre de l’intérieur par intérim.
Celui-ci donna ordre à M. Millin, conservateur des médailles antiques, de remettre les Reliques à l’église Notre-Dame, et M. Millin les remit en effet, le 26 octobre 18o4, à M. l’abbé d’Astros, grand-vicaire de Paris, maintenant évêque de Bayonne.

   Après le recouvrement de cette précieuse Relique, M. l’archevêque de Paris, avant de l’exposer de nouveau à la vénération publique, se procura tous les renseignemens propres à en certifier la conservation.
Le transport de la sainte Couronne à Saint-Denis en 1791, et l’identité de la couronne remise en 1804 avec celle qui avoit été déposée en 1791 au trésor de l’abbaye de Saint-Denis, furent établis par les témoignages uniformes de plusieurs personnes d’une sagesse et d’une probité à l’abri de tout soupçon.
Tant de témoignages réunis ayant pleinement dissipé tous les doutes, et ne permettant même plus de former à ce sujet la moindre difficulté, Mgr le cardinal de Belloy ne balança plus à rendre à la vénération publique une Relique si précieuse, et elle fut transférée avec une grande pompe dans l’église de Notre-Dame, le dimanche 10 août 1806.

Reliquaire de la sainte Couronne d'Epines de 1806

Jean-Charles Cahier (1772-1857) : 
Châsse reliquaire de la sainte Couronne d’Epines réalisée en 1806
pour la restitution de la relique

III. Des Clous qui ont percé les pieds et les mains du Sauveur.

   On a vu plus haut que sainte Hélène avoit trouvé, avec la Croix de Jésus-Christ, les Clous qui avoient servi à le crucifier. Les auteurs contemporains qui rapportent ce fait ne disent pas quel étoit le nombre des clous ; mais on convient généralement qu’il n’y en avoit pas moins de trois, et plusieurs savans, qui ont soigneusement examiné cette question, pensent qu’il devoit y en avoir quatre, soit parce que les plus anciennes images du crucifix représentent le Sauveur attaché à la Croix avec quatre clous, soit parce qu’il seroit difficile de supposer que les deux pieds eussent été attachés à la Croix avec un seul clou, sans qu’il se brisât quelqu’un des os ; ce qui seroit contraire à cette parole de l’Ecriture : Vous ne briserez aucun de ses os.

   L’Eglise métropolitaine de Paris possède aujourd’hui deux portions différentes des saints Clous ; l’une provenant du trésor de l’ancienne abbaye de Saint-Denis, et l’autre du trésor de l’abbaye Saint-Germain-des-Prés.

   1) Une tradition très-ancienne regardoit le premier comme un présent fait à l’abbaye de Saint-Denis par l’empereur Charles-le-Chauve, qui l’avoit tiré d’Aix la Chapelle.
Cette tradition, qui remonte bien au-delà du dixième siècle, est d’ailleurs confirmée par l’histoire, qui nous apprend que la chapelle de Charlemagne avoit été enrichie de plusieurs précieuses Reliques de la Passion de Notre-Seigneur, dont le patriarche de Jérusalem lui avoit fait présent.
Quoi qu’il en soit de l’ancienneté de cette tradition, il est constant par l’histoire que le saint Clou conservé de temps immémorial à Saint-Denis, s’y voyoit encore à l’époque de la révolution, dans un magnifique reliquaire, dont on peut voir le dessin dans l’Histoire de l’abbaye de Saint-Denis par Félibien, p. 537.

   En 1793, le saint Clou ayant été apporté à Paris avec tes autres objets de ce genre provenant du trésor de l’abbaye de Saint-Denis, fut présenté à la Commission temporaire des Arts, dont nous avons déjà parlé. M. Le Lièvre, membre de l’Institut et inspecteur-général des mines, qui faisoit partie de cette commission, obtint la permission de prendre le saint Clou, comme un objet de minéralogie, qu’il vouloit examiner et analyser. L’ayant par ce moyen sauvé de la destruction et de la profanation, ainsi que plusieurs morceaux de la vraie Croix, qu’il lui fut aussi permis d’emporter, et qu’il partagea entre plusieurs personnes, il le conserva soigneusement jusqu’au mois d’avril 1824 ; à cette époque il le remit à M. l’archevêque de Paris, en lui assurant avec serment que c’étoit véritablement le saint Clou provenant du trésor de l’abbaye de Saint-Denis, qu’il avoit ainsi sauvé de la profanation en 1793. D’après ce témoignage, et d’après les enquêtes et examens préalables, M. l’archevêque reconnut la sainte Relique, et la fit placer dans le reliquaire où on la voit aujourd’hui.

le Saint Clou Notre-Dame de Paris provenant de Saint-Denis

Saint Clou de Notre-Dame de Paris
qui appartenait au trésor de l’abbaye de Saint-Denis avant la révolution

   2) Nous avons aussi rapporté plus haut l’origine du saint Clou provenant de l’abbaye Saint-Germain-des-Prés.
Il avoit été légué en 1684 à cette abbaye par la princesse Palatine, qui l’avoit reçu, quelques années auparavant, du roi de Pologne Jean-Casimir. Ce prince lui-même l’avoit tiré du trésor de sa couronne, avec le morceau de la vraie Croix dont nous avons parlé ailleurs.

   Voici ce qu’on lit en particulier sur le saint Clou dans l’Histoire de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés : « La pointe d’un des clous dont notre Seigneur Jésus-Christ fut attaché à la croix, n’est pas moins avérée. Elle venoit aussi du trésor de la couronne de Pologne, et le roi Jean-Casimir, qui l’avoit apportée avec lui en France, en avoit gratifié la princesse Palatine. Le roi Michel, son successeur, le lui redemanda, comme une relique appartenant à sa couronne, et lui fit même des offres très-considérables ; mais la princesse en faisoit plus d’estime que de toutes les richesses du monde, et elle abandonna sans peine ces avantages temporels pour conserver un si précieux trésor ».

   Le saint Clou fut examiné et reconnu avec la vraie Croix en 1673 et en 1674 par les vicaires généraux de Paris, que M. de Harlay avoit chargés de cet examen. Depuis cette époque jusqu’à la révolution, il fut conservé avec la vraie Croix dans un magnifique reliquaire.

   Nous ne répéterons pas ici ce que nous avons dit au même endroit, sur la conservation de ces précieuses Reliques pendant la révolution, et sur la remise qui en a été faite à M. l’archevêque de Paris au mois d’octobre dernier, au nom de M. Roussineau.
Cette Relique déplacée par ordre de M. l’archevêque dans un reliquaire de cristal en forme de clou, dont la tète et la pointe sont garnies de vermeil. Réunie à la Croix Palatine, elle a été également transférée à l’église métropolitaine, et confiée à la garde du Chapitre, le 22 février 1828.

Fragment du Clou de la Passion provenant de la Princesse Palatine

Fragment du Clou de la Passion
aujourd’hui inséré dans le reliquaire de la Croix Palatine (voir supra)
et provenant de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés

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