12 décembre,
Fête de Notre-Dame de Guadalupe (cf. > ici) ;
Mémoire du 5ème jour dans l’octave de l’Immaculée Conception (cf. > ici) ;
Mémoire du Bienheureux Calixte II, pape et confesseur ;
Mémoire de la férie de l’Avent.
Le Bienheureux Calixte II est le sixième des dix-sept papes issus du territoire de notre chère France (même si, lorsqu’ils naquirent, leur lieu de naissance n’appartenait pas encore au Royaume des Lys).
Quoique court (cinq ans dix mois et onze jours), son pontificat revêt une importance de premier ordre et le place parmi les plus grands pontifes du Moyen-Age.
Vitrail à l’effigie du pape Calixte II
dans le chœur de l’abbatiale de Saint-Antoine en Dauphiné
dont il a célébré la dédicace le 20 mars 1119
Fils de Guillaume le Grand (1020-1087) dit Tête-Hardie, comte palatin de Bourgogne [note : la puissante famille des comtes palatins de Bourgogne, dite aussi Maison d’Ivrée ou encore dynastie des Anscarides est alors apparentée à toutes les Maisons royales de l’époque, elle a des ascendances chez les Mérovingiens et les Carolingiens ; enfin c’est d’elle que sont issus les rois de Castille], et d’Etiennette, comtesse de Vienne, Guy de Bourgogne est né au milieu du XIème siècle (certains historiens avancent la date de 1050 mais le plus grand nombre pense plutôt que ce serait en 1060), au château de Quingey, entre Besançon et Salins, qui était alors l’un des mieux fortifiés et des plus considérables de la Comté de Bourgogne (appelée aussi Franche-Comté de Bourgogne ou encore Bourgogne palatine, qui, depuis 1032 constituait un état du Saint-Empire et le restera jusqu’en 1679).
Avant sa naissance, la comtesse Etiennette avait reçu une sorte de révélation lui prédisant les hautes destinées que Dieu réservait à son fils : elle voua donc son nouveau-né au service divin, lui donnant le nom de Guy (en latin Vitus) au saint baptême.
L’enfant se montra dès ses premières années à la hauteur des grandes espérances qu’on avait placées en lui : intelligence précoce et prompte, adonné avec plaisir aux études, il s’attachait avec le même zèle à la piété et à l’exercice des vertus. Placé à l’école que l’archevêque Hugues de Salins avait fondée, à Besançon, sous le patronage du chapitre de Saint-Etienne, il y fit de tels progrès, en science comme en vertu, qu’il fut élevé au sacerdoce avant d’avoir atteint l’âge fixé par les canons.
Dès lors les dignités vont s’accumuler : rapidement nommé chanoine de la cathédrale Saint-Jean, puis chambellan de l’archevêque, en 1088 (il a donc alors 28 ans) il est nommé archevêque-comte de Vienne, en Dauphiné.
« En acceptant le gouvernement de cette Eglise, Guy prit rang, malgré sa jeunesse, parmi les prélats les plus illustres et les plus influents de son siècle. Ses vertus, son caractère, son grand nom, les alliances de sa famille, contribuaient à attirer sur lui les regards de ses contemporains. Il était proche parent de l’empereur d’Allemagne et du roi d’Angleterre ; une de ses sœurs avait épousé Humbert II, comte de Maurienne, et leur fille Adélaïde devint reine de France par son mariage avec Louis VI dit le Gros. Ce n’était pas trop de tout ce que peuvent donner de plus glorieux la noblesse, la fortune, le génie et la piété, pour conjurer, par ces moyens réunis, les périls qui menaçaient l’Europe » (in « Les Petits Bollandistes » tome XIV p. 228).
Le pape Pascal II et le roi Philippe 1er de France
[miniature des "Grandes chroniques de France" XIVème siècle - BNF]
La querelle des investitures, appelée aussi lutte du Sacerdoce et de l’Empire, connaissait alors l’un de ses multiples rebondissements. Le pape Pascal II, qui avait succédé à Urbain II en 1099, fut emmené captif, avec la Curie, par l’empereur Henri V en février 1111. Des concessions réciproques furent convenues ; Pascal II fut libéré au bout de deux mois et Henri V couronné à Saint-Pierre du Vatican le 13 avril.
Toutefois, voyant qu’Henri V ne tenait pas ses promesses et se faisait plus arrogant, l’archevêque de Vienne convoqua un concile dans sa métropole pour octobre 1111. Il y fut rappelé que c’était une hérésie de croire qu’on peut recevoir des mains d’un laïque l’investiture canonique sur les abbayes, les évêchés et pour les autres dignités ecclésiastiques et Henri fut solennellement excommunié.
« Le coup était d’autant plus hardi, que le siège de Vienne était fief de l’empire, comme dépendance de l’ancien royaume de Bourgogne, et que les ambassadeurs de Henri, présents au Concile, montraient des lettres du Pape à leur maître pour faire croire que Sa Sainteté était contente de lui » (ibid.).
L’archevêque Guy de Bourgogne envoya à Pascal II les décrets de l’assemblée, le priant de les confirmer, ce que fit le Souverain Pontife qui convoqua à son tour en mars 1112 un concile à Rome qui frappa de nullité les investitures impériales.
La mort de la célèbre comtesse Mathilde de Toscane, qui léguait ses terres au Saint-Siège, relança le conflit, car Henri V les revendiquait arguant du fait qu’il s’agissait de fiefs impériaux. L’empereur marcha une fois de plus sur Rome, obligeant Pascal II à fuir. Il n’y put revenir qu’au début de l’année 1118, après le départ des troupes impériales, et mourut quelques jours après (21 janvier 1118).
Gélase II, pape du 24 janvier 1118 au 29 janvier 1119
Son éphémère successeur, Gélase II, est élu dès le 24 janvier mais, presque aussitôt fait prisonnier par les Frangipani (puissante famille aristocratique qui prétendait régir la Ville et les élections pontificales), puis libéré par le peuple, il doit s’enfuir devant les troupes d’Henri V qui voulait que l’intronisation du Pontife se fît en sa présence, ce qui était une manière de marquer la tutelle de l’empereur sur le Siège apostolique. Devant le refus de Gélase II, Henri V, qui, selon l’expression d’un contemporain, regardait l’Eglise romaine comme un fief mouvant de son royal caprice, marcha encore une fois sur Rome pour se saisir de Gélase, et fit élire un antipape dans la personne de Maurice Bourdin, archevêque de Prague, qui prit le nom de Grégoire VIII.
Pendant ce temps-là, Gélase II, moine bénédictin qui n’était pas prêtre, fut ordonné prêtre puis consacré évêque à Gaète, sa ville natale. Il excommunia (une fois de plus) Henri V et Grégoire VIII, put revenir brièvement à Rome en juillet 1118, mais s’y trouva en butte aux persécutions des Frangipani qui soutenaient Grégoire VIII.
« Cette persécution obligea Gélase à quitter l’Italie ; il partit pour les Gaules et s’arrêta quelque temps à Vienne, où l’archevêque le reçut avec autant de magnificence que de respect. Le Pape se rendit ensuite à Cluny, où il se proposait de fixer son séjour, Il avait dessein d’assembler un grand concile pour terminer le différend qui durait depuis tant d’années entre le sacerdoce et l’empire. Mais la Providence en ordonna autrement. Gélase, surpris par la maladie, fut mis en peu de jours aux portes du tombeau ; après avoir reçu les derniers sacrements avec les sentiments de la foi la plus vive, il (…) mourut le 29 janvier 1119 » (ibid.).
Les cardinaux, qui faisaient partie de la curie papale à Cluny, savaient qu’ils devaient élire un nouveau pape immédiatement après le décès de Gélase, de crainte qu’Henry n’utilisât le temps de l’élection pour étendre son pouvoir à Rome et sur l’Eglise. L’élection se fit donc lieu à l’endroit où le pape était mort, c’est-à-dire à Cluny, et le jour même de sa mort, bien que le Sacré-Collège ne fût pas au complet (il n’y avait que dix cardinaux) : Guy de Bourgogne, qui n’était pas présent, fut élu à l’unanimité (il avait été recommandé par Gélase II mourant) et apprit son élection alors qu’il était en chemin pour assister aux funérailles de son prédécesseur. Il était âgé d’environ 59 ans.
On raconte que lorsque les gens d’armes de l’archevêque-comte de Vienne apprirent son élection au Souverain Pontificat, ils s’insurgèrent contre, car ils ne voulaient pas qu’il les quittât !
L’élection fut signifiée au prélat que Gélase II avait laissé comme vicaire à Rome, lequel monta au Capitole pour en informer le peuple, qui acclama et se réjouit de cette élection.
Le couronnement de celui qui prit alors le nom de Calixte II, fut célébré dans la cathédrale Saint-Maurice de Vienne le dimanche de la Quinquagésime, 9 février 1119.
Parmi les premières décisions de Calixte II il y eut la convocation d’un concile, à Reims, pour la mi-octobre ; d’ici là, il présida un concile provincial à Toulouse, à la mi-juin, où il condamna les erreurs des manichéens qui commençaient déjà à répandre leurs idées subversives dans les provinces méridionales ; il fut aussi à Paris, encouragea la réforme de Cluny, et la fondation des Prémontrés par Saint Norbert de Xanten qu’il rencontra à Laon, célébra les consécrations solennelles de plusieurs églises abbatiales ou cathédrales…
Le 20 octobre 1119, Calixte ouvrit le concile de Reims : quinze métropolitains, plus de deux cents évêques d’Italie, d’Allemagne, de France, d’Angleterre et de toutes les provinces de l’Occident et un nombre équivalent d’abbés. Le nouveau pape y dénonça avec force les nominations aux charges ecclésiastiques qu’il assimila à de la simonie.
L’empereur Henri V avait promis de venir au concile, mais il ne se présenta finalement pas, malgré les tentatives de Calixte II pour le rencontrer ; il comprit même que le dessein d’Henri était de s’emparer de sa personne ! Il mit donc fin aux travaux du concile de Reims le 30 octobre en renouvelant les excommunications d’Henri et de Grégoire VIII, et, en vertu de son autorité apostolique, délia les sujets de Henri de leur serment de fidélité, à moins qu’il ne vînt à résipiscence et qu’il ne satisfît à l’Eglise.
Il s’attacha ensuite à rétablir la concorde entre son filleul et parent, le Roi d’Angleterre Henri 1er Beauclerc, et le Roi de France Louis VI le Gros, dont l’épouse, Adélaïde de Savoie, était une fille de sa sœur, Gisèle de Bourgogne.
Le pape Calixte II et le roi Louis VI dit le Gros
[miniature des "Grandes chroniques de France" XIVème siècle - BNF]
Ayant mené à bien cette mission de pacification, Calixte prit alors la route de l’Italie, réglant plusieurs affaires sur sa route : en Bourgogne, à la prière de Saint Etienne Harding, abbé de Cîteaux, il confirma les règlements de cet Ordre par une bulle du 23 décembre 1119 ; deux jours après, il célébra les fêtes de Noël à Autun où il reçut la visite de Brunon, archevêque de Trêves, qui obtint le renouvellement des privilèges de son Eglise ; enfin, voulant distinguer l’Eglise de Vienne, dont il avait été l’archevêque, il lui conféra le titre de primatiale avec juridiction sur les provinces de Vienne, de Bourges, de Bordeaux, d’Auch, de Narbonne, d’Aix et d’Embrun.
« Il traversa les Alpes et entra ensuite en Lombardie et en Toscane. Le clergé et le peuple, pressés sur son passage, ne pouvaient se rassasier de le voir. A Lucques, la milice vint à sa rencontre, et le conduisit en procession au palais de l’évêque. A Pise, il consacra solennellement la grande église que l’on venait d’élever dans cette ville. La nouvelle de son arrivée étant parvenue à Rome excita dans la ville la plus grande joie. Les citoyens, en armes, vinrent au-devant de lui jusqu’à trois journées. Les enfants, portant des branches d’arbres et semant des fleurs sur ses pas, le reçurent avec des acclamations de louanges. Il entra dans Rome la tête ceinte de la tiare, et parcourut comme un triomphateur les rues et les places, ornées de riches tapisseries. Les grecs et les latins chantaient de concert autour de lui ; les juifs mêmes applaudissaient à sa venue. Les processions étaient si nombreuses qu’elles durèrent depuis le matin jusqu’au soir. Enfin, au milieu de ces chants d’allégresse, le Pape fut conduit et installé par les magistrats au palais de Latran » (ibid.).
Calixte ne tarda cependant pas à s’apercevoir qu’il ne serait pas en sûreté à Rome tant que son compétiteur, Grégoire VIII, continuerait ses menées. Guillaume de Normandie, duc des Pouilles et de Calabre, qu’il confirma dans ses possessions, s’offrit pour l’aider à en venir à bout : les troupes pontificales assiégèrent la forteresse de Sutri où s’était retranché l’antipape, et se saisirent de lui. Calixte II le fit enfermer dans un monastère jusqu’à sa mort (en 1122).
Enfin, il mit un terme à la querelle des investitures : Henri V commençait à sentir le poids et les conséquences des anathèmes ecclésiastiques et accepta la négociation : ce fut la diète de Worms où, après douze jours de conférences, les plénipotentiaires parvinrent à concilier les droits et usages de l’Empire avec les droits et la liberté de l’Eglise. L’empereur renonça à l’investiture par la crosse et l’anneau, et laisserait désormais les élections libres ; mais l’évêque ou l’abbé, librement élu et sacré, devrait, en qualité de prince temporel, recevoir de l’empereur l’investiture des régales ou droits royaux par le sceptre, qui est l’attribut de la puissance humaine. Le Concordat de Worms du 23 octobre 1122, aussi appelé Pactum Calixtinum, scella cette paix retrouvée.
Parchemin du Concordat de Worms (archives vaticanes)
Calixte II, au carême 1123, réunit un concile général : c’est le premier concile du Latran (du 18 mars au 11 avril 1123), neuvième œcuménique, auquel participèrent environ cinq-cents évêques, abbés ou prélats – Suger, abbé de Saint-Denis, y assista et représentait le Roi Louis VI -, qui ratifièrent le Concordat de Worms, et qui promulguèrent des canons disciplinaires notamment contre la simonie et la mainmise des laïcs sur les biens ecclésiastiques, contre le concubinage des clercs, mais aussi pour préciser les modalités des ordinations, maintenir la trêve de Dieu, octroyer des indulgences aux croisés… etc.
Calixte II réussit également à donner à la Ville éternelle une paix qu’elle ne connaissait plus depuis longtemps. Il lutta efficacement contre le brigandage dans les Etats de l’Eglise où ils avaient pullulé en raison des désordres ; il s’imposa aux familles aristocratiques romaines, toujours trop promptes à vouloir imposer leurs ambitions au Siège apostolique ou à s’en emparer. Il remit en honneur les monuments antiques, fit édifier des aqueducs pour amener l’eau à plusieurs quartiers de la Ville, ramenant ainsi dans Rome une abondance et une splendeur oubliées.
Les pèlerins, qui craignaient moins d’être rançonnés ou maltraités par les brigands des campagnes, revinrent plus nombreux, et leurs offrandes furent employées à la restauration et à l’embellissement de la basilique Saint-Pierre qui avait beaucoup souffert pendant les années de troubles.
« La vie privée de Calixte fut, comme sa vie publique, un modèle de sagesse et de régularité. Ses mœurs étaient si pures, que, malgré la corruption du temps, aucun soupçon ne put les atteindre. Ses contemporains louent sans restriction sa piété, son zèle, sa patience et son désintéressement. Saint Norbert, fondateur de l’ordre des Prémontrés, Saint Bernard, abbé de Clairvaux, Saint Oldegaire, archevêque de Tarragone, Pierre le Vénérable et l’abbé Suger, si célèbres, l’un dans les annales de Cluny, l’autre dans l’histoire de France, entretinrent avec lui des relations fréquentes et témoignèrent autant d’estime pour sa personne que de vénération pour sa dignité. Avec de tels auxiliaires, il n’était rien qu’un si grand Pape ne fût capable d’entreprendre et de réaliser pour le bien du monde. Et, de fait, en moins de six ans de pontificat, il avait pacifié l’univers, rétabli l’autorité de la chaire de saint Pierre et toute la splendeur de l’ordre hiérarchique, fait connaître et bénir son nom dans toutes les parties du globe » (ibid).
Sur la fin de l’année 1124, Calixte fut pris par une fièvre violente, qui l’emporta au bout de quelques jours. Il rendit son âme à Dieu le 12 décembre, au milieu des larmes de son clergé et de son peuple.
Quoique n’ayant jamais fait l’objet d’une cérémonie formelle de béatification, son nom fut bientôt inscrit, avec le titre de Bienheureux, dans plusieurs documents dont l’autorité est admise par le Saint-Siège, qui autorise son culte en plusieurs diocèses et lieux, ainsi que chez les Bénédictins qui le considèrent comme membre de leur Ordre, bien qu’il n’ait jamais porté la bure des fils de Saint Benoît.
Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur.