Archive pour la catégorie 'Chronique de Lully'

2023-162. « Claudio Monteverdi, la voix des émotions ».

29 novembre,
Vigile de Saint André, apôtre (cf. > ici) ;
Mémoire de Saint Saturnin, martyr ;
Anniversaire de la mort de Don Claudio Monteverdi (+ 29 novembre 1643).

Don Claudio Monteverdi

Don Claudio Monteverdi
sur un manuscrit du Musée Correr à Venise :
le compositeur y est représenté en habit sacerdotal
puisque il fut ordonné prêtre en 1632 à l’âge de 65 ans

       Nous reproduisons ci-dessous de larges extraits d’un bel article de la musicologue Catherine Duault qu’elle avait publié à l’occasion du 450ème anniversaire de la naissance du compositeur (source) :

Claudio Monteverdi, la voix des émotions

       « [...] On imagine mal aujourd’hui le profond oubli dans lequel était tombé Claudio Monteverdi (1567-1643), un des compositeurs les plus inventifs de l’histoire de la musique. Ce n’est qu’au début du XXème siècle que l’on redécouvre ce musicien, d’abord identifié comme le maître incontesté du madrigal. Puis en passant de l’oubli à une renaissance éclairée par l’admiration la plus fervente, celui qui fut appelé le « divin Claudio » est propulsé au rang de véritable « révolutionnaire », comme seul pouvait l’être le génial inventeur de l’opéra. Avec La Favola d’Orfeo, créée en 1607, à Mantoue, Monteverdi donne naissance au théâtre lyrique tel que nous le connaissons encore aujourd’hui. En réalité, c’est parce qu’il se tient à la croisée des chemins que le compositeur poursuit avec succès un long processus entamé bien avant lui. Dans le sillage de la création de l’Euridice (1600) de Jacopo Peri, Monteverdi réalise la synthèse de différentes traditions musicales avec la volonté de subordonner la forme à l’expression des sentiments. La musique se met au service de la parole poétique. Toutes les ressources du théâtre et de la poésie, du chant et de la musique instrumentale sont mobilisées dans cette aventure esthétique commencée avec la pratique de l’art du madrigal, porté à son plus haut degré de raffinement par Monteverdi. Un des principaux traits de son génie, qui se manifeste aussi bien dans ces œuvres religieuses que profanes, est son étonnante capacité à donner une voix à tous les sentiments.

   Dès ses premières compositions de jeunesse, Monteverdi s’attache à développer son talent pour restituer en musique la variété et la subtilité des affects humains afin d’émouvoir ses auditeurs. Cette exigence esthétique conduit le musicien à expérimenter et à modifier constamment son vocabulaire musical dans une totale liberté d’invention. Avec Monteverdi la musique sort des limites du divertissement et de la pure virtuosité pour devenir un moyen d’expression exceptionnel. Brillant héritier et génial novateur, le musicien aura su jusqu’à la fin de sa très longue carrière concilier passé et modernité en faisant le lien entre la fin de la Renaissance et le commencement du Baroque.

Claudio Monteverdi - portrait de cour

Claudio Monteverdi (portrait de cour)

« Le produit d’un autre moi » :

   Longue, studieuse et sans grand relief, la vie de Claudio Monteverdi semble s’effacer devant celle de son œuvre, pleine de passion, de modernité et d’audace. Le musicien a laissé près de cent vingt-six lettres qui n’éclairent qu’en partie une personnalité assez insaisissable. Le manque d’argent est un sujet récurrent dans cette correspondance. Le musicien y parle de musique mais aussi beaucoup des diverses maladies qui l’empêchent de faire face à ses commandes. Nulle confidence vraiment intime ne vient émailler cet ensemble épistolaire qui s’étend sur plus de quarante années, c’est-à-dire de 1601 à la veille de sa mort en 1643.

   Doit-on en conclure qu’une relative misère et un surmenage excessif ont dominé la vie de Monteverdi ? Etait-il une sorte d’hypocondriaque que le succès ne parvenait pas à apaiser ? Ses plaintes constantes sont-elles nourries par sa difficulté à accepter l’état de courtisan que lui imposait sa place de musicien au service de l’imprévisible Duc de Mantoue ? [...] Conscient de sa valeur, le musicien n’hésite pas à reprocher à un employeur de l’avoir « bien peu payé en retour de l’honneur qu’il lui a fait en lui offrant le fruit de son travail et de ses méditations ». Comment accepter qu’un créateur aussi fécond et éblouissant ait été un homme assez ordinaire qui se plaint de n’être jamais payé dans les délais et qui s’invente parfois des prétextes pour justifier ses propres retards ?

   Quoi qu’il en soit, on peut vouloir se dispenser de rechercher une concordance parfaite entre la vie personnelle de Monteverdi et son œuvre qui n’en serait que le reflet. Ce qu’écrivait Marcel Proust dans Contre Sainte-Beuve peut être aisément transposé de la littérature à la musique : « un livre est le produit d’un autre moi que celui que nous manifestons dans nos habitudes, dans la société, dans nos vices »C’est la vie intérieure de l’artiste qui se manifeste dans son œuvre. L’activité créatrice puise son origine et sa force dans le moi profond et il n’est pas nécessaire de parer Monteverdi de toutes les vertus pour être touché par la lumineuse beauté de sa musique.

Crémone - place de la cathédrale

Crémone : la place de la cathédrale

Enfance – Adolescence – Jeunesse :

   Monteverdi est né à Crémone où sa famille était fixée depuis le début du XVème siècle. Le registre paroissial de l’église Saint-Nazaire et Saint Celse porte mention de son baptême le 15 mai 1567. Claudio est l’aîné des cinq enfants de Baltazar Monteverdi, un médecin dont la correspondance laisse percevoir un homme cultivé, aussi impliqué dans l’exercice de son métier que dans l’éducation de ses enfants. La famille Monteverdi a compté quelques facteurs d’instruments et Baltazar aime sincèrement la musique. On ne sait rien en revanche de la personnalité de la mère de Claudio qui devait disparaître très jeune.

   Monteverdi manifeste rapidement de véritables dons musicaux. Il est initié à la musique dès son plus jeune âge, ainsi que son frère cadet Giulio-Cesare destiné lui aussi à une carrière musicale : ce dernier aura toujours une grande admiration pour son frère aîné auquel il manifestera une fidélité exemplaire. La vocation de Monteverdi fut encouragée par son père qui le confia à un professeur réputé, Marc’Antonio Ingegneri (vers 1550-1591), Maître de chapelle de la cathédrale de Crémone. Ce remarquable pédagogue était un des premiers polyphonistes de son époque : il a laissé une œuvre importante regroupant des messes, des motets et des madrigaux, ces chansons polyphoniques profanes caractérisées par une écriture très savante, dont le style s’est développé durant le XVIème siècle sous l’impulsion d’éminents musiciens comme Roland de Lassus (1532-1594).

   Guidé par Ingegneri, le jeune Claudio acquiert une solide formation. Il apprend l’orgue et le violon avec une attention particulière aux timbres de chaque instrument, ce dont il se souviendra dans ses futures créations marquées par le rôle grandissant de l’orchestre. Le musicien s’attachera à employer les instruments pour caractériser les différentes situations dramatiques, ce qui fera de lui le premier compositeur véritablement soucieux du coloris orchestral et de l’instrumentation. Monteverdi apprend également à cultiver sa voix comme cela se fait à une époque où les compositeurs savaient chanter. Il se révèlera d’ailleurs fin connaisseur des voix comme le montrent ses exigences dès qu’il s’agit du choix de ses interprètes. A l’instar de son maître, Claudio excelle dans l’art du contrepoint. Enfin, pour compléter et parfaire cet enseignement musical, le jeune homme reçoit une culture humaniste classique.

   L’adolescent s’adonne à l’étude avec toute l’application et la rigueur qui caractérisent déjà sa personnalité si bien qu’en 1582, à l’âge de 15 ans, il publie son premier ouvrage, les Sacrae Cantiunculae, un recueil de vingt motets à trois voix, bientôt suivi des Madrigali spirituali (1583) et des Canzonette d’amore (1584). En 1587, le Premier Livre de madrigaux marque le véritable début de la carrière publique de Monteverdi.

   Le Second Livre de Madrigaux (1590) porte encore la mention « discepolo del Signor Marc-Antonio Ingegneri », qui sera absente du Troisième Livre, paru en 1592. C’est qu’entre-temps Monteverdi a obtenu un poste de joueur de viole à la cour du Duc de Mantoue et il s’est désormais totalement affranchi de l’influence de son maître pour trouver son propre style dont l’évolution portera en germe l’invention de l’opéra.

Frans Pourbus le Jeune - Portrait de Vincent 1er de Gonzague duc de Mantoue

Vincent 1er de Gonzague, duc de Mantoue
(portrait par Frans Pourbus le Jeune)

A la cour de Mantoue :

   C’est à Mantoue, à  la cour des Gonzague, que Monteverdi va cultiver l’art du madrigal qu’il portera à son plus haut point de perfection. Le musicien doit son nouveau poste à la protection d’un noble milanais, le seigneur Ricciardi, qui lui a ouvert les portes de cette cour prestigieuse où règne Vincent 1er de Gonzague (1562-1612), duc de Mantoue, un homme très cultivé mais aussi très fantasque.

   Mantoue a vu se succéder tous les plus grands noms de la musique, de Palestrina (vers 1525-1594) à Luca Marenzio (1553-1599). Mécène fastueux et collectionneur passionné, le duc sait s’entourer de peintres comme Rubens (1577-1640) ou de poètes comme le Tasse (1544-1595). Monteverdi a grandement bénéficié de l’effervescence intellectuelle et artistique qui faisait la réputation de la cour de Mantoue, même s’il semble y avoir mené une existence assombrie par les tracas financiers. Le compositeur a épousé Claudia Cattaneo, une chanteuse, fille d’un musicien du duc. Claudio et Claudia auront deux fils, Francesco et Massimiliano dont Monteverdi surveillera l’éducation avec la plus grande attention.    

   Romain Rolland notait que la Renaissance se caractérise par une volonté d’introduire « la vie sous les formes glacées et architecturales du Moyen-Age ». L’art collectif et anonyme fait place aux aspirations individuelles de l’artiste qui crée et suit ses propres lois. Monteverdi s’inscrit d’emblée dans ce mouvement. Il souhaite faire de la musique un art de l’expression en s’affranchissant du formalisme. C’est pour atteindre une plus grande expressivité qu’il transforme l’héritage de ses devanciers en rompant avec la complexité de la polyphonie. Une grande liberté d’écriture faisait du madrigal une forme musicale idéale pour l’artiste qui cherchait à exprimer sa sensibilité en s’inspirant d’un texte poétique. Pendant près d’un siècle, le madrigal règnera sans partage jusqu’à ce qu’il disparaisse progressivement avec l’avènement de l’opéra, un genre nouveau dont il avait lui-même préparé la venue.

   Nommé Maître de la Chapelle ducale, Monteverdi publie en 1603 son Quatrième Livre de madrigaux où il propose pour la première fois aux interprètes l’accompagnement d’« une basse continue », une des pratiques fondamentales de la musique baroque. Le compositeur n’écrit pas toute l’harmonie de l’accompagnement de la voix, il n’en livre qu’une épure et c’est aux musiciens de la reconstituer librement selon leur propre inspiration. Le Quatrième Livre remporte un immense succès.

Frontispice de la première édition de l'Orfeo

Frontispice de la première édition de l’Orfeo

Naissance de l’opéra :

   Un certain mystère entoure la première représentation de l’Orfeo de Monteverdi dont le rôle fut déterminant dans l’histoire de l’art lyrique. Le 6 octobre 1600 on donne à Florence, au Palazzo Pitti, l’Euridice de Jacopo Peri (1561-1633) qu’on considère comme le premier opéra. 

   Monteverdi assiste à cette création. L’ouvrage accompagne les festivités du mariage  d’Henri IV et de Marie de Médicis. Le 24 février 1607, l’Orfeo de Monteverdi voit le jour dans un contexte bien différent. La représentation est destinée à un public d’amateurs très éclairés, les membres de la prestigieuse « Accademia degli Invaghiti », un cercle d’érudits et d’aristocrates présidé par le prince héritier François de Gonzague qui est le véritable commanditaire de l’Orfeo. C’est lui qui a souhaité que Monteverdi rivalise avec Jacopo Peri en s’emparant du même sujet que lui, le mythe d’Orphée. La commande de François de Gonzague apparaît clairement comme un geste politique : il s’agit de poursuivre l’entreprise initiée par Peri avec son Euridice et de se mesurer ainsi aux Médicis qui ont su faire de Florence une ville moderne, acquise aux idées nouvelles [...].

   Cependant on ignore si l’Orfeo a vraiment été joué sur scène car les témoignages de l’époque ne commentent que la musique. On est sûr cependant que le succès fut retentissant. L’exceptionnelle qualité de l’œuvre séduisit d’emblée les spectateurs, ce qui détermina le Duc de Mantoue à organiser une seconde représentation « devant les dames de la ville »Avec La Favola d’Orfeo l’opéra quitte le champ de l’expérimentation pour trouver sa structure, sa cohérence dramatique et son langage musical d’où découle son inépuisable potentiel émotionnel.

   Malgré la mort de sa jeune femme en septembre 1607, Monteverdi se lance dans la composition d’un nouvel opéra à la demande du Duc de Mantoue. En 1608, à l’occasion du mariage de François de Gonzague, est créé Arianna, un « dramma per musica » dont ne nous est parvenu que le Lamento, dont l’immense retentissement entraîna de nombreuses imitations. Le musicien a mis tout son art de l’expressivité au service de ce qu’il appelle lui-même le jeu des « passions opposées à mettre en musique ». Arianna est accompagné d’un autre ouvrage, Il Ballo delle Ingrate (1608).

La basilique Saint-Marc de Venise au coucher du soleil

Venise : la basilique patriarcale Saint-Marc au coucher du soleil

La tentation de Venise

   L’atmosphère se détériore peu à peu à la cour de Mantoue. Monteverdi aspire à une vie plus sereine et confortable auprès d’un mécène plus généreux. C’est dans cet espoir que Monteverdi compose une Messe et des Vêpres de la sainte Vierge qu’il offre  au pape Paul V en 1610. En février 1612, la mort du duc va changer le cours des événements car son successeur ne souhaite pas garder le musicien à son service. Monteverdi retrouve sa ville natale avec pour tout bagage « vingt écus après vingt et un ans de service ». Heureusement, en août 1613, le compositeur est nommé maître de chapelle à la basilique Saint-Marc de Venise. En accédant à cette charge prestigieuse, Monteverdi s’installe durablement dans l’aisance et la célébrité.

   Pendant trente ans le musicien se consacrera essentiellement à la musique religieuse sans pour autant abandonner la musique profane. Il honore des commandes publiques ou privées et dispense son enseignement à ses élèves au nombre desquels figurent Francesco Cavalli (1602-1676) ou Heinrich Schütz (1585- 1672). Monteverdi publie encore quatre nouveaux recueils de madrigaux. Dans le Livre VII, le compositeur répertorie les moyens musicaux permettant d’exprimer toute une palette de sentiments : la douleur et la joie, la jalousie et la colère, ou encore l’impatience et le courage [...].

   En 1631, Monteverdi perd son fils Francesco lors de la grande épidémie de peste qui ravage Venise. Est-ce la douleur qui le pousse à entrer dans les ordres en 1632 ? Son inspiration demeure pourtant toujours aussi féconde comme en témoigne le Huitième Livre de madrigaux guerriers et amoureux (1638) dont plusieurs pages se présentent comme autant de scènes d’opéra, tel Le Combat de Tancrède et Clorinde.

Tombe de Claudio Monteverdi

Tombe de Don Claudio Monteverdi dans la basilique « Santa Maria Gloriosa dei Frari », à Venise

Le « couronnement » de Monteverdi

   Jusqu’à sa mort survenue à soixante-seize ans, le 29 novembre 1643, la grande préoccupation de Monteverdi reste l’opéra. L’évolution et le potentiel de ce genre en pleine éclosion stimulent son inspiration. Malheureusement la plupart de ses ouvrages ont été perdus et trois seulement nous sont parvenus : OrfeoLe Retour d’Ulysse dans sa patrie (1640) et Le Couronnement de Poppée (1643), le dernier composé et le premier à s’inspirer de personnages et d’événements historiques.

   Couronnement de la carrière d’un compositeur de 75 ans dont la renommée s’étend sur toute l’Europe, cet ultime chef-d’œuvre est celui de tous les possibles. De cet ouvrage fondateur et visionnaire ne reste qu’une partition mentionnant les portées de chant et de basse continue, sans autre précision instrumentale comme il était d’usage à une époque où les musiciens pratiquaient couramment l’improvisation.

   De son premier Livre de madrigaux, paru en 1587, jusqu’à son neuvième et dernier, publié à titre posthume en 1651, Monteverdi s’est attaché à explorer le potentiel expressif de la parole mise en musique et toute cette expérience se retrouve dans son théâtre musical. L’extraordinaire richesse de l’écriture est toujours en accord avec la situation dramatique. Monteverdi semble jouer de tous les styles et de toutes les formes pour parfaire la caractérisation de ses personnages et mettre à nu leur intériorité. Souvenons-nous que le musicien confiait : « Ariane m’émouvait parce que c’était une femme, et Orphée m’incitait à pleurer parce que c’était un homme et non pas le vent ». L’émotion est au cœur de la musique de Monteverdi qui continue de s’adresser par-delà les siècles à l’imagination et à la sensibilité des mélomanes. 

Catherine Duault

Tolbiac à Venise

2023-161. « Afin qu’on n’attribuât pas la foi de ceux qui croiraient aux talents et à la science des prédicateurs, au lieu d’y voir l’effet de la puissance divine. »

29 novembre,
Vigile de Saint André, apôtre ;
Mémoire de Saint Saturnin, martyr ;
Commencement de la neuvaine préparatoire à la fête de l’Immaculée Conception (cf. > ici).

       Voici un très court sermon de notre Bienheureux Père Saint Augustin prononcé à l’occasion d’une fête de l’apôtre Saint André : qu’il nous soit une aide à la préparation de nos âmes à la célébration du « Protoclite », c’est-à-dire le Premier appelé.

L'appel de Pierre et André - église St-Matthieu de Quimper

L’appel des Apôtres Pierre et André
(détail d’un vitrail de l’église Saint Matthieu, à Quimper)

frise

       Synopsis :
§ 1  – Pierre est le premier des Apôtres, et André en est le second : pourquoi Pierre en est-il le premier ? § 2 – Ils sont, tous deux, pêcheurs, non pas de poissons, mais d’hommes. —§ 3 – Tous deux se séparent de Jean pour suivre le Christ.

« Or, Jésus, marchant le long de la mer de Galilée, vit deux frères, Simon appelé Pierre, et André, son frère, qui jetaient leurs filets dans la mer, car ils étaient pêcheurs ; et Il leur dit : Suivez-Moi, et Je vous ferai pêcheurs d’hommes » (Matth. IV, 18-19).

   § 1. Le premier des Apôtres est Simon, appelé Pierre : après lui vient André, son frère, et chacun d’eux a reçu son rôle particulier de Celui qui pénètre le secret des cœurs.
On appelle le premier Simon, surnommé Pierre, afin de le distinguer de l’autre Simon appelé le chananéen, parce qu’il était originaire de Cana de Galilée, où le Sauveur changea l’eau en vin.
D’après la disposition de Jésus, les Apôtres vont donc deux à deux : ainsi , Pierre avec André, son frère ; mais les liens qui les unissent sont plutôt spirituels que charnels.
Simon veut dire l’obéissant, parce qu’il a obéi à la voix du Seigneur, au moment où Celui-ci lui a dit, ainsi qu’à André : « Suivez-Moi, Je vous ferai pêcheurs d’hommes ». Pierre signifie le connaissant, parce qu’il a reconnu les titres du Christ, quand les autres disciples en doutaient. Jésus leur avait adressé cette question : « Et vous, qui dites vous que Je suis ? » (Matth. XVI, 15). Contrairement à l’opinion de ses condisciples, Pierre répondit : « Vous êtes le Christ, Fils du Dieu vivant » (ibid.). Voilà d’où lui est venu son nom : voilà aussi pourquoi, après avoir, pendant le cours des prédications qu’il faisait aux Juifs, parcouru la Cappadoce, la Galatie, la Bithynie, le Pont et toutes les provinces voisines, il est venu ensuite à Rome, qu’il devait illustrer.

   § 2. Le nom d’André est grec ; en latin, il se traduit par le mot viril ; cet apôtre s’est, en effet, montré aussi courageux pour prêcher que pour endurer des persécutions en faveur de la justice. Il annonça l’Evangile aux Scythes.
Ces deux frères furent les premiers appelés à suivre le Christ.
Pourquoi le Sauveur a-t-Il envoyé, pour prêcher, des pêcheurs, des hommes sans instruction ? C’était afin qu’on n’attribuât pas la foi de ceux qui croiraient aux talents et à la science des prédicateurs, au lieu d’y voir l’effet de la puissance divine. Il a donc appelé de tels hommes à l’apostolat, et, de pêcheurs de poissons qu’ils étaient, Il en a fait des pêcheurs d’hommes. Car, de même que par leurs filets ils allaient chercher les poissons dans les profondeurs de l’eau, pour les amener à sa surface ; ainsi, par la prédication des commandements de Dieu, ils ont retiré les hommes de l’abîme des erreurs mondaines. Trois évangélistes leur ont donné le nom de pêcheurs, et Jean a été le seul qui leur ait donné un autre nom. Il leur convenait parfaitement, puisque le Sauveur leur a ôté la profession de pêcheurs, pour leur confier la mission de prêcher l’Evangile aux hommes et de les amener ainsi à se sauver par la foi. En parlant d’eux, le Prophète n’avait-il pas dit : « J’enverrai des pécheurs qui les pêcheront ? » (Jérém. XVI, 16).
Tout ceci s’est donc accompli dans la personne des Apôtres, puisque de pêcheurs de poissons ils sont devenus des pêcheurs d’hommes. En effet, comme on retire les poissons du milieu de la mer au moyen de filets, de même, par la prédication apostolique, les hommes sortent du monde et arrivent à la foi du Fils de Dieu.

   § 3. « Le lendemain, Jean s’arrêta avec deux de ses disciples, et, regardant Jésus qui S’avançait, il dit : Voici l’Agneau de Dieu ; et les deux disciples l’entendirent parler et suivirent Jésus » (Jean I, 35-37).
Il est sûr que ces deux disciples de Jean furent André et Philippe, qui suivirent le Seigneur Jésus-Christ dans l’intention d’apprendre quelque chose à Son école.
Que leur dit-Il ? « Suivez-moi ». N’était-ce pas leur dire en propres termes : Croyez et voyez, c’est-à-dire, comprenez ?
Ce jour-là, ils furent éclairés, et ils crurent à la divinité de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
L’Evangéliste ajoute : « Il était à peu près dix heures ». Que signifie 
cette dixième heure ? Evidemment la fin de l’Ancien Testament et le commencement du Nouveau.
Jean était, en effet, le symbole de l’ancienne loi, et les deux disciples figuraient d’avance l’amour de Dieu et celui du prochain ; aussi quittèrent-ils Jean pour suivre le Sauveur, parce que la figure de la loi ayant disparu, le Nouveau Testament lui succéda, et qu’alors commença le règne de l’Evangile de Jésus-Christ.

 L'appel de Pierre et André - église Saint-André à Port-en-Bessin

L’appel des Apôtres Pierre et André
(détail d’un vitrail de l’église Saint-André à Port-en-Bessin)

2023-160. De Saint Séverin de Paris, ermite, qui forma Saint Clodoald à la vie monastique.

28 novembre,
Fête de Saint Séverin de Paris, ermite et confesseur.

nef de l'église Saint-Séverin- Paris

Nef de l’église Saint-Séverin (Paris)

       A Paris, sur la rive gauche, mais tout près de la cathédrale Notre-Dame, se trouve l’église Saint-Séverin, joyau du style gothique flamboyant (XVème siècle). Située à l’entrée du Quartier latin, avec l’église Saint-Julien le Pauvre sa voisine, Saint-Séverin fut, à partir de la création de l’Université de Paris par Philippe Auguste (15 janvier 1200), paroisse des étudiants et devint même le siège des assemblées générales de l’Université.

   L’église avait ses origines au VIème siècle, ainsi que nous l’expliquerons ci-dessous : elle fut plusieurs fois reconstruite et agrandie. D’abord chapelle, puis basilique pré-romane, (incendiée par les Vikings au XIème siècle), église paroissiale romane (c’est la plus ancienne paroisse de la rive gauche), reconstruite dans le premier style gothique au XIIIème, pour arriver jusqu’à l’édifice actuel : en effet, après un incendie en 1448, alors que la guerre de Cent Ans s’achève et que la vie économique et sociale redémarre, on va encore une fois la reconstruire, et ce sera dans le style splendide et lumineux caractéristique du dernier âge gothique.
La grande révolution ne l’endommagea pas trop, au contraire de l’église Saint-Julien, bien qu’elle fût transformée d’abord en dépôt de poudre, puis en entrepôt de fourrage, et enfin… de cloches !
Rendue au culte en 1803, elle fait l’objet de plusieurs restaurations, embellissements et ajouts tout au long du XIXème siècle, et finalement, dans les premières années du XXème siècle, son chevet est dégagé grâce à la démolition des maisons de la rue Saint-Jacques qui s’appuyaient sur lui.

Saint Séverin instruisant Saint Clodoald

Saint Séverin instruisant Saint Clodoald (Cloud)

        Il existe plusieurs saints portant le nom de Séverin.
Celui que le missel propre de Paris (dans son édition de 1950 que nous avons sous les yeux) fête à la date du 28 novembre est, en fait, mentionné au 27 novembre dans le Martyrologe romain : « Lutetiae Parisiorum depositio Sancti Severini, monachi et solitarii : à Paris le décès de Saint Séverin, moine et ermite ». Toutefois, la tradition locale plaçait sa mort au 23 novembre, aux alentours de l’an 540, et, en raison de la fête du très illustre Saint Clément 1er, la fête de Saint Séverin a été célébrée à Paris le 24 novembre pendant plusieurs siècles.
Puis, ainsi que dit ci-dessus, dans l’édition du missel parisien de 1950, il figure à la date du 28 novembre parce que le 27 est occupé par la fête de la manifestation de la Médaille Miraculeuse (cf. > ici).

   Qui était-il ?
Il faut reconnaître que, en l’état actuel de nos connaissances, nous ne possédons pas une abondance de détails. Les Petits Bollandistes ne citent qu’une notice plutôt laconique du propre de Paris : « Touché du désir de mener la vie contemplative, il s’enferma dans une petite cellule près de Paris, où il vécut dans une admirable sainteté. Il eut pour disciple Saint Cloud (cf. > ici), fils de Clodomir, roi d’Orléans, et petit-fils de Clovis. Ses vertus et ses austérités le mirent en grande vénération, et les Parisiens allaient en foule lui demander des avis et se recommander à ses prières. Il fut enseveli dans la chapelle de son ermitage (plus tard paroisse Saint-Séverin) ; dans la suite des temps, ses reliques furent transférées à la cathédrale de Paris » (cité par Mgr Paul Guérin, in « Les Petits Bollandistes » tome XIII, p. 571 note 2).

   Certains auteurs ont établi une confusion entre Saint Séverin de Paris et Saint Séverin d’Agaune, alors que trois décennies au moins séparent leur trépas.
Saint Séverin d’Agaune (ou Saint Servin), entré très jeune à l’abbaye Saint Maurice d’Agaune, en Valais, dont il fut peut-être l’abbé, fut appelé à Paris par Clovis, parce que ce dernier se trouvait alors assez malade et qu’il avait entendu parler de ce saint moine réputé pour son don de faire des miracles. Séverin étendit son manteau sur Clovis qui recouvra la santé : en remerciement, le Roi lui accorda la délivrance d’un grand nombre de prisonniers. Séverin mourut sur la route du retour vers son abbaye, à Château-Landon, le 11 février de l’année 507 (selon les auteurs on trouve 506, 507, 508, ou même 511).
Clovis ordonna à son fils Childebert de faire édifier une église sur le tombeau de Saint Séverin ; un monastère y fut adjoint par la suite.

   Ce qui facilite la confusion avec Saint Séverin de Paris, c’est, en particulier, le fait qu’en 1674 une partie des reliques de Saint Séverin d’Agaune fut transportée à l’église Saint-Séverin de Paris, raison pour laquelle le sceau de cette paroisse portait (j’ignore si c’est toujours le cas) l’effigie de ces deux saints.

Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur.

Saint Séverin de Paris - invocation

Oraisons propres de Saint Séverin
(au propre de Paris)
le reste est pris au commun des abbés

Collecte :

   Omnipotens sempiterne Deus, terrena pro te calcantium merces magna nimis : da nobis exemplo et intercessione beati Severini, cujus solemnia celebramus, temporalia omnia despicere, et ad aeterna, tota mentis intentione festinare. Per Dominum…

   Dieu tout puissant et éternel, Vous récompensez infiniment ceux qui pour Vous foulent aux pieds le monde : accordez-nous qu’à l’exemple et l’intercession du Bienheureux Séverin dont nous célébrons la solennité, de mépriser tout ce qui n’a qu’un temps, et de nous hâter de toute l’ardeur de notre âme vers l’éternité. Par NSJC… 

Secrète :

   Munera nostra ad altare tuum offerentes, te, Domine, suppliciter exoramus : ut exemplo beati Severini, carnem nostram cum vitiis et concupiscentiis crucifigentes, Christi cum ipso coheredes efficiamur. Qui tecum vivit…

   En offrant nos dons à Votre autel, nous Vous prions et supplions, Seigneur, qu’à l’exemple du Bienheureux Séverin, crucifiant notre chair avec ses passions et ses convoitises, nous devenions avec lui les cohéritiers du Christ. Lui qui, étant Dieu, vit…

Postcommunion :

   Absconde nos, Domine, in absondito faciei tuae, corporis tui sacramento munitos : ut imitatione sancti Severini in lege tua diec ac nocte meditantes, deliciis perfrui mereamur aeternis. Qui vivis et regnas…

   Cachez-nous, Seigneur, dans le secret de Votre face, après nous avoir fortifiés par le sacrement de Votre Corps, pour qu’à l’exemple de Saint Séverin, en méditant jour et nuit Votre loi, nous méritions de jouir des éternelles délices, ô Vous qui, étant Dieu, vivez…

2023-159. Prière en forme de sonnet sur l’Evangile du Jugement dernier.

24ème et dernier dimanche de l’année liturgique :
dimanche de l’annonce de la fin des temps.

Veille studieuse de Tolbiac  25 XI 2023

        Nous autres, Chats, sommes naturellement des animaux nocturnes, et, même si l’extraordinaire intelligence dont nous a dotés notre divin Créateur nous rend capables de nous adapter en partie aux habitudes diurnes de nos humains de compagnie, nous gardons toujours nos instincts d’activité dans le temps où les ténèbres enveloppent la terre.
Il n’est donc pas rare que, lorsque Frère Maximilien-Marie se livre au sommeil pendant quelques heures – bien courtes parfois, je dois le dire -, j’en profite pour parfaire mes études, après avoir minutieusement inspecté les lieux confiés à ma vigilance, faisant en sorte qu’aucun petit rongeur ne vienne grignoter le matériel rangé à la sacristie, ou bien ces précieux livres, en lesquels on trouve tant de trésors.

   Justement, parmi mes découvertes de ces derniers jours, il y a un auteur français dont j’ignorais tout, et dont mon papa-moine lui-même n’avait jusqu’alors point entendu parler : Lazare de Selve.
Né en 1550 et rappelé à Dieu en 1623, ce gentilhomme fut en charge de divers emplois, plutôt administratifs, pendant les règnes d’Henri IV et de Louis XIII. Il devait être profondément enraciné dans le terreau d’une foi vivante, puisque ce fin lettré ne nous a laissé que des œuvres spirituelles, malheureusement non rééditées de nos jours, parmi lesquelles des cantiques et des sonnets spirituels.
Vous trouverez ci-dessous l’un de ses sonnets intitulé « Sur l’Evangile du Jugement », dont la tonalité est bien en accord avec ce dernier dimanche de l’année liturgique et le début de l’Avent, qui nous rappellent la fin des temps et nous font espérer le second avènement de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

   Je le livre donc à votre lecture, à votre méditation et à votre prière, afin qu’à votre tour vous vous en serviez pour implorer la miséricorde et la clémence du Souverain Juge…

pattes de chatTolbiac.

Sur l’Evangile du Jugement

Quand je pense, Seigneur, à cette fin du monde,
A ces astres tombant du haut du firmament,
A ces flambeaux du ciel éclipsés promptement
Et à ce feu brûlant l’air, et la terre et l’onde.

Quand j’oy (*) des quatre vents de la machine ronde
Ce grand son de clairons, ce grand ajournement,
Criant : « Levez-vous, morts, venez au jugement »,
Ô que je suis saisi d’une crainte profonde !

Mais quand je vois ce roi de gloire couronné,
De mille millions d’esprits environné,
Prononcer en tonnant la dernière sentence :

« Venez, bénis du père, et allez, malheureux »,
Ô seigneur, cache-moi, dis-je alors, tout peureux,
Dans l’abîme profond de Ta grande clémence.

                                     Lazare de Selve

(*) : il faut évidemment, selon les règles de la prononciation et de la prosodie classique, faire la diérèse et prononcer « j’o-ÿ » (ce qui montre qu’en ce temps-là la première personne du singulier du verbe ouïr au présent de l’indicatif ne se prononçais pas « j’ois » comme de nos jours).

Retour glorieux du Christ à la fin des temps

« Alors pleureront toutes les tribus de la terre,
et elles verront le Fils de l’homme venant dans les nuées du ciel,
avec une grande puissance et une grande majesté.
Et Il enverra les anges, qui, avec une trompette et une voix éclatante,
rassembleront Ses élus des quatre vents de la terre,
du sommet des cieux jusqu’à leurs dernières profondeurs »
(Matth. XXIV, 30-31)

2023-158. « De la Légitimité et des avatars du royalisme.»

Lettre mensuelle
aux membres et amis de la
Confrérie Royale

25 novembre 2023

armoiries confrérie royale

Rappel :

   Les membres de la Confrérie Royale s’engagent à sanctifier d’une manière particulière le 25 de chaque mois de la manière suivante, en sus des 3 angélus quotidiens qu’ils offrent habituellement en y ajoutant l’oraison pour le Roi extraite du Missel romain : chaque 25 du mois donc, ils redoublent de prières, et offrent avec encore davantage de ferveur qu’à l’accoutumée les exercices de leur devoir d’état ainsi que les peines et les joies de ce jour ; ils travaillent plus méticuleusement à leur sanctification ; et, lorsque cela leur est possible, ils assistent à la Sainte Messe et offrent la sainte communion à l’intention du Roi ; ou bien encore, ils accomplissent quelque petit pèlerinage ou acte de dévotion supplémentaire, offerts à l’intention de Sa Majesté et du Royaume des Lys.
La lettre mensuelle, envoyée à tous les membres ainsi qu’aux amis qui ont manifesté le désir de la recevoir, à l’occasion de ce 25 de chaque mois, est écrite par les prêtres, religieux ou clercs membres de la Confrérie Royale. Le but de cette lettre est de raviver la ferveur et la détermination des membres, en leur proposant des réflexions et des approfondissements, qui sont toujours nécessaires.

frise fleurs de lys

Chers membres et amis de la Confrérie Royale,

       Permettez-moi, aujourd’hui, au risque d’en agacer certains, de résumer ci-dessous quelques points importants à propos des différents courants du royalisme en France.

   Les diverses rencontres et conversations auxquelles – en particulier en ma qualité de Prieur de la Confrérie Royale – je suis fréquemment exposé, m’amènent à penser qu’il n’est jamais inutile de rappeler des notions essentielles et fondamentales : beaucoup trop de personnes, même dans nos rangs, s’engagent dans des discussions à n’en plus finir, qui ne sont en réalité que de vaines et infructueuses discutailleries où s’affrontent et s’empilent des opinions personnelles et des sentiments, sans référence à des notions clairement définies, et surtout sans rappel des principes fondamentaux ; en définitive cela ne revient à rien d’autre qu’à édifier une maison sur du sable, sans fondations, pour renvoyer à la comparaison établie par Notre-Seigneur Jésus-Christ (cf. Matth. VII, 26-27) : la pluie descendra, les fleuves déborderont, les vents souffleront et fondront sur cette construction faite de subjectivité, qui s’écroulera inexorablement et dont la ruine sera la démonstration par les faits de ce que valent opinions et sentiments !

   Après ces quelques mots d’introduction (et d’avertissement), j’entrerai tout de go dans mon propos, qui veut s’attacher à redonner quelques notions claires et rigoureuses au sujet

de la Légitimité et des avatars du royalisme français :

Louis XX au Mont des Alouettes 2 septembre 2023

A - Le Légitimisme :

       Il convient en premier lieu de faire remarquer que le Légitimisme n’est pas à strictement parler un « courant du royalisme », et qu’il n’est absolument pas de l’ordre des opinions subjectives.
En effet ce que l’on appelle de nos jours « Légitimisme », mais qui existait bien avant qu’on lui attribuât ce nom, n’est ni plus ni moins que le corps organique de doctrines politiques et de lois qui a fondé et régi la royauté française depuis le baptême de Clovis jusqu’en 1790.
Ce n’est pas une « tendance », c’est, dans son essence, la plus ancienne de toutes les traditions politiques de notre pays. C’est l’unique doctrine monarchique officielle qui a présidé aux destinées du Royaume pendant près de treize siècles.
Le « Légitimisme » n’est rien d’autre que la défense de la monarchie franque coutumière, qui a fondé la France dans les eaux baptismales de Reims, en unissant de manière constitutive la catholicité avec la couronne temporelle – le Trône et l’Autel -, pour le bien, temporel et spirituel, des peuples, dans l’amour du vrai Dieu et de Son Eglise, dans l’amour du Roi légitime lieu-tenant de Dieu dans l’ordre politique, dans le respect et l’amour des traditions particulières légitimes, arrivant à former un système équilibré conforme aux exigences du droit et conforme aux exigences de la Foi divinement révélée.
Le « Légitimisme », ce n’est rien d’autre que la doctrine monarchique conduite à sa perfection par le travail continu et patient de nos souverains successifs, jusqu’à l’épanouissement de la royauté capétienne qui a fait la gloire, la prospérité et l’exemplarité de la France pendant de longs siècles. Le « Légitimisme » reçoit intégralement l’héritage de cette doctrine traditionnelle, sans compromission avec les idées hétérodoxes de la « modernité », qui a engendré la grande révolution (et toutes les autres révolutions) sans emprunt aux idéologies filles de la révolution, sans dévier des principes fondateurs résumés dans les Lois fondamentales, et sans se détourner de leurs applications cohérentes et sages qui furent mises en œuvre par nos Souverains.

   C’est en application de ces principes et de ces Lois fondamentales (cf. > ici) que les « Légitimistes » reconnaissent de nos jours le Prince Louis de Bourbon, duc d’Anjou, en sa qualité d’aîné des Capétiens, comme seul héritier du trône et de la Couronne des Lys. Il ne s’agit en rien d’un attachement sentimental et subjectif à sa personne : le Prince incarne les principes (selon la juste et incisive formule d’Henri V, « comte de Chambord », sa personne n’est rien, c’est son principe qui est tout) : l’attachement à celui qui, de droit, est Sa Majesté Très Chrétienne le Roi Louis XX de France, n’est qu’une simple et stricte obéissance aux principes de la royauté capétienne traditionnelle ; ce n’est, en définitive, qu’un acte logique et cohérent de fidélité catholique et royale : les sentiments et les opinions subjectives, j’insiste, n’ont rien à faire là-dedans.

   L’esprit de la monarchie chrétienne traditionnelle, qui est l’esprit du Légitimisme,  s’oppose fondamentalement à tout ce qui s’impose dans nos sociétés contemporaines héritières revendiquées de la révolution, et qui les entraîne vers leur ruine : refus de la Révélation, négation de la loi naturelle et du droit naturel, autonomie intellectuelle et morale par rapport aux principes révélés, attaques du catholicisme et de ses dogmes, subversion culturelle, inversion des valeurs… et toutes les idéologies bâtardes issues de la révolution : libéralisme, socialisme, marxisme, nationalisme… pour, au final, arriver au terrorisme d’Etat (lequel peut s’exercer sous des apparences ultralibérales et permissives)… etc.  

   Les Légitimistes, en maintenant les principes de la monarchie capétienne de droit divin, ne sont ni des « réactionnaires » (la réaction intervient après un fait ou un événement, alors que pour leur part ils persévèrent simplement dans ce qui existait avant les subversions) ni « de droite » (catégorisation républicaine) : ils sont simplement les serviteurs de la Tradition spirituelle et politique du Royaume de France, les défenseurs de ce Royaume, dont les principes et les institutions sont le rempart nécessaire d’une société de Droit naturel et chrétien, ainsi que le pape Saint Pie X l’a magistralement résumé : « (…) on ne bâtira pas de cité autrement que Dieu ne l’a bâtie ; on n’édifiera pas la société, si l’Eglise n’en jette les bases et ne dirige les travaux ; non, la civilisation n’est plus à inventer, ni la cité nouvelle à bâtir dans les nuées. Elle a été, elle est ; c’est la civilisation chrétienne, c’est la cité catholique. Il ne s’agit que de l’instaurer et la restaurer sans cesse sur ses fondements naturels et divins contre les attaques toujours renaissantes de l’utopie malsaine, de la révolte et de l’impiété : « omnia instaurare in Christo » (cf. Eph. I, 10) » [lettre sur le Sillon – 25 août 1910].

restauration monarchique

B – L’orléanisme :

       La Maison d’Orléans est une branche cadette de la Maison capétienne. Les princes de la Maison d’Orléans descendent de Philippe d’Orléans, frère puiné de Louis XIV, et ils sont dynastes, dans l’application des Lois fondamentales du Royaume relatives à la dévolution de la Couronne. Mais, descendants de Louis XIII, ils sont, dans l’ordre de succession légitime, loin derrière tous les descendants de Louis XIV, issus de Philippe, duc d’Anjou, qui fut, au début du XVIIIème siècle, appelé à ceindre la Couronne d’Espagne, et qui a aujourd’hui une nombreuse descendance.

   Le 24 août 1883, à la mort d’Henri V, « comte de Chambord », qui n’avait pas eu d’enfant, la branche aînée issue de Louis XV s’est éteinte, et, de la même manière que cela s’était naturellement passé lors de l’extinction des Capétiens directs dans la personne de Charles IV le Bel en 1328, puis à plusieurs autres reprises (en 1498 à la mort de Charles VIII, en 1515 à la mort de Louis XII, en 1589 à l’extinction des Capétiens-Valois en la personne d’Henri III, comme en 1795 à la mort en prison de Louis XVII, fils de Louis XVI), l’aînesse – et la Couronne avec elle – sont passées au plus proche parent mâle du souverain défunt : en 1883, c’est donc le plus proche parent d’Henri V en ligne agnatique et issu d’un mariage catholique qui a été saisi par l’aînesse, et ce n’était pas un prince de la Maison d’Orléans, descendant de Louis XIII, mais  un descendant direct de Louis XIV par les mâles, un descendant de Philippe V d’Espagne. La branche des Bourbons dits d’Espagne, ou d’Anjou, devenait la branche aînée. C’est la stricte application des Lois fondamentales.

   Un prince de la Maison d’Orléans désirant régner en France doit soit éliminer tous les descendants dynastes de Louis XIV, soit contrevenir à plusieurs des Lois fondamentales du Royaume, particulièrement la loi dite de Primogéniture et celle dite d’Indisponibilité (qui proclame l’invalidité de toute abdication, de toute renonciation, de toute exhérédation… etc.). Ce faisant, ce prince abandonne les principes de la royauté légitime et doit inventer de nouveaux principes, tous hérités de la révolution : il invoque une « monarchie populaire » en opposition avec la transcendance du droit divin, ou invente un principe de « nationalité », qui n’a jamais existé, afin d’exclure tous ses cousins vivant ailleurs que sur le sol français.

   Bref, ce que l’on appelle désormais « l’Orléanisme » n’est rien moins qu’une autre forme de royauté que la monarchie capétienne traditionnelle, qui avalise et intègre une bonne partie des principes révolutionnaires : mise en avant de la personne, adaptation aux courants de l’opinion, division en partis, acceptation de la « souveraineté populaire », parlementarisme, libéralisme et capitalisme… etc. Ce n’est en définitive qu’une dénaturation de la royauté française, doublée d’une usurpation.

   On notera que nombre de princes de la Maison d’Orléans ont été membres de la Maçonnerie, ou en ont admis et promu les idées : l’actuel duc d’Orléans, dit « comte de Paris », qui n’est peut-être pas membre des Loges et semble être sincèrement attaché à la pratique du catholicisme, a toutefois explicitement déclaré, par exemple, qu’il trouve que la constitution de la cinquième république (avec ses principes et ses présupposés idéologiques) est tout-à-fait conforme avec sa vision d’une royauté « orléaniste ». Tout n’est-il pas dit ici ?

Jean d'Orléans sur la constitution de la 5ème république

3 - Les royalistes survivantistes.

       Ceux que l’on appelle « survivantistes » affirment que Louis XVII n’est pas mort le 8 juin 1795, mais qu’il y aurait eu une substitution d’enfant, afin de soustraire le petit Roi à sa prison ; après bien des péripéties, ce survivant du cachot du Temple serait reparu à l’âge adulte. On a ainsi vu surgir, dès le début du XIXème siècle, un assez grand nombre de jeunes hommes prétendant être le fils de Louis XVI et de Marie-Antoinette. Plusieurs d’entre eux ont réussi à convaincre des « disciples », parmi lesquels, parfois, des personnes qui avaient vécu à la cour de Versailles ou qui avaient approché le Dauphin aux Tuileries.

   Le plus célèbre de ces « Louis XVII échappés du Temple » est un horloger prussien, Charles-Guillaume Naundorf, qui a aujourd’hui encore une descendance. Je n’entrerai pas dans le détail des prétendues preuves apportées par Naundorff pour attester de sa filiation royale : elles n’établissent rien de certain (même les analyses ADN invoquées qui sont fermement récusées par les scientifiques les plus sérieux), si ce n’est que Naundorff a été extrêmement habile dans sa façon de manipuler ses partisans, et qu’il est parfaitement établi qu’il a menti : sur son âge réel d’abord et sur nombre des circonstances de sa vie (relevons en particulier qu’il n’était pas de confession catholique mais luthérienne, et qu’il a trompé des évêques sur ce point). On notera enfin que, s’étant acoquiné avec de faux mystiques, il a même prétendu fonder une nouvelle Eglise et qu’il a été, pour ce motif, l’objet de condamnations ecclésiastiques.
Enfin si, par impossible, Naundorff avait véritablement été Louis XVII, sa descendance ne pourrait de toute manière pas être dynaste, puisqu’elle n’est plus issue de mariages catholiques.

   A côté de Naundorff, nous l’avons dit, on trouve une multiplicité de « Louis XVII » dont les histoires sont toutes plus rocambolesques et fantaisistes que les autres. Certains survivantistes, il faut le signaler, n’ont pas encore « élu » leur candidat, affirmant que, depuis son enlèvement du Temple, Louis XVII, puis sa descendance, seraient demeurés cachés à tous, et feront l’objet d’une « révélation » retentissante à l’heure marquée par la Providence : ici, on rejoint la jungle des innombrables variantes pseudo prophétiques rattachées aux prédictions de prétendus « mystiques » (non authentifiés par l’Eglise évidemment). Chacun y fait son choix, selon son goût et son sentiment, sur le marché des « prophéties ». Ici, la subjectivité est reine ; ici on goutte aux fruits empoisonnés du romantisme qui, avec le sentimentalisme qui le caractérise, permet finalement aux imaginations les plus folles d’avoir libre cours… et de se détourner des choses objectives et certaines par l’étude des authentiques principes monarchiques et l’action politique concrète.

   Terminons en redisant que cette question de la survivance est pourtant clairement réglée depuis le Sacre de Charles X : si Louis XVII avait survécu, Charles X n’eût point été Roi légitime. Or, en 1825, après son Sacre, Charles X a touché les scrofuleux et opéré des guérisons miraculeuses dûment attestées par la médecine. Ce don de guérison est accordé non pas à la personne mais à la fonction royale, indépendamment des mérites personnels du Roi, et cela a toujours été compris comme un signe certain de légitimité depuis le XIIème siècle. C’est donc une preuve de la légitimité de Charles X, et cela sous-entend évidemment qu’il n’y a pas eu de survivance de Louis XVII.

Sacre de Charles X 29 mai 1825

Sacre de Sa Majesté Très Chrétienne le Roi Charles X, le 29 mai 1825

4- Les providentialistes.

       Cette dernière mouvance royaliste diffère de la précédente, mais la rejoint aussi parfois. Nous sommes ici dans le domaine de la subjectivité, où l’on trouve presque autant de « royalismes » que de personnes : tout n’y est plus que dans les opinions personnelles, fluctuantes parfois ; c’est le « self-service » où chacun se compose un menu à sa convenance, sans référence aux principes et aux Lois fondamentaux de la monarchie traditionnelle.

   Le providentialisme peut se définir comme une doctrine qui compte uniquement sur l’intervention divine pour résoudre le mal social et pour rétablir une royauté chrétienne qui sera comme une sorte de nouvel âge d’or sur cette terre.

   Fondamentalement, les providentialistes sont des pessimistes pour lesquels l’action humaine est inutile, la raison suspecte, l’effort de l’homme toujours vain… Si le monde va mal, c’est finalement parce que Dieu le permet et qu’on ne peut rien faire contre cette permission divine : seule la grâce de Dieu, par une intervention miraculeuse, opèrera le changement espéré, à travers un « homme providentiel », entièrement téléguidé par Dieu, dont la seule révélation modifiera toutes choses.
Ils s’entretiennent dans ces théories au moyen d’une littérature pseudo prophétique qui fait la part belle à de prétendues révélations reçues par des « mystiques » incertains.

   Cette vision des choses est absolument simpliste ; elle est, de plus, contraire à la saine théologie de la grâce, de l’action humaine, du libre-arbitre, de la responsabilité et des mérites de l’homme… On a envie de dire à ceux qui professent de telles théories : commencez donc par étudiez sérieusement et attentivement les chapitres du catéchisme issu du concile de Trente traitant de ces sujets !

   L’attitude providentialiste est finalement une sorte de démission sous apparence de piété : elle déconsidère l’intelligence, donnée par Dieu aux hommes pour qu’ils collaborent à l’action divine et y acquièrent des mérites en travaillant au bien commun ; elle ignore les justes notions de la politique en tant que  science morale supérieure (puisque aboutissement de la morale personnelle et de la morale sociale), dont la fin dans l’ordre terrestre se conjugue avec la fin spirituelle et surnaturelle de l’homme.

   En revanche, en attendant tout de Dieu sans rien faire (sinon peut-être prier), les royalistes providentialistes, drapés dans leur certitude d’être les dépositaires des secrets de la révélation de « l’Elu », seuls dépositaires du discernement des « signes précurseurs », et intermédiaires privilégiés d’une espèce de gnose néomessianique,  finissent par remettre en cause toutes les hiérarchies légitimes : ils deviennent des espèces d’anarchistes au nom de la piété, dénigrant tous les principes authentiques de l’action humaine, ne s’engageant jamais concrètement, dans l’attente du seul miracle qu’ils annoncent, et qui sert d’alibi à leur défaitisme.
Ils sont de véritables fléaux pour la société ; ils sont des obstacles au bien commun !

   Ils oublient que, pour recevoir la grâce de Dieu, notre participation, notre effort, notre zèle à travailler pour le bien de nos semblables sont nécessaires. En d’autres termes : Dieu nous demande d’œuvrer, chacun, pour le bien commun, en fonction de nos moyens, de nos capacités et de notre état de vie.
En conséquence, Dieu nous demande de travailler pour l’institution qui, seule, est en mesure d’assurer durablement à la société une harmonieuse unité, dans la conformité aux dispositions qu’Il avait établies pour la France dès son origine, en application de l’affirmation de la très fine théologienne et sainte de la Légitimité : « Les hommes d’arme combattront, et Dieu donnera la victoire » (Sainte Jeanne d’Arc).

Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur,
prieur.

La famille royale aux monts des Alouettes le 2 septembre 2023

La Famille Royale au Mont des Alouettes le 2 septembre 2023 :
une enfant costumée en Sainte Jeanne d’Arc remet son oriflamme à Sa Majesté le Roi Louis XX

2023-157. Le 25 novembre, nous fêtons Sainte Catherine d’Alexandrie, vierge et martyre, céleste patronne des philosophes et des théologiens, ainsi que de nombreux corps de métiers.

25 novembre,
Fête de Sainte Catherine d’Alexandrie, vierge et martyre.

Icône de Sainte Catherine d'Alexandrie

Icône grecque de Sainte Catherine d’Alexandrie

       Il y aurait vraiment beaucoup, beaucoup, beaucoup de choses à écrire au sujet de Sainte Catherine d’Alexandrie, que nous fêtons le 25 novembre : je n’en écrirai pas autant que je le voudrais aujourd’hui.
Je commencerai donc modestement par me contenter de recopier ci-dessous la traduction des leçons du deuxième nocturne de sa fête dans le Bréviaire romain traditionnel, puisque cela constitue, en quelque manière, le « résumé officiel » de la tradition de la Sainte Eglise catholique authentifiée par son magistère, au sujet de cette vierge martyre.

   Evidemment, le rationalisme et le modernisme s’en sont pris à son culte : nous ne nions pas qu’il puisse y avoir quelques difficultés d’ordre historique dans les actes de Sainte Catherine, toutefois, je ne trouve pas cela suffisant pour la reléguer au rang des « pieuses affabulations », puisque par ailleurs :

1) sa présence dans la vie de l’Eglise a été la source d’innombrables et merveilleuses grâces pendant des siècles pour les fidèles qui se sont confiés en elle,
2) de nombreux mystiques authentiques ont eu des visions à son sujet,
3) et que – c’est particulièrement important pour nous, Français – elle a joué un rôle essentiel dans la vocation et la mission de Sainte Jeanne d’Arc pour le salut de notre beau Royaume.

   Nous rappellerons aussi qu’elle a été choisie pour céleste patronne des philosophes et des théologiens (et d’une manière générale pour tous les métiers liés au travail intellectuel), des prêcheurs et orateurs, des étudiants, des généalogistes et des notaires… De nombreux corps de métiers, spécialement ceux qui utilisent (ou utilisaient) des mécanismes comportant des roues se sont placés sous sont patronage : charretiers et charrons, cordiers et drapiers, couturières et fileuses de laine, tourneurs et rémouleurs, meuniers et potiers, plombiers et tailleurs, nourrices et gardes d’enfants, …etc. ; sans oublier bien sûr les jeunes filles en quête de mari ! 

   Enfin, il faut souligner que sa vie, son martyre et la dévotion des fidèles pour elle ont suscité des milliers d’œuvres d’art signées par les plus grands noms de la peinture et de la sculpture;

   Pour toutes ces raisons, et beaucoup d’autres encore, .

Masolino da Panicole chapelle Castiglione à la basilique de St-Clément - fresques de la vie de Ste Catherine

Tommaso di Cristoforo Fini, dit Masolino da Panicale (1383- vers 1447)
Basilique Saint-Clément (Rome), chapelle Castiglione :
fresques de la vie et du martyre de Sainte Catherine

* * * * * * *

 Leçons des matines de la fête
de
Sainte Catherine d’Alexandrie

(bréviaire romain traditionnel)

Quatrième leçon.

   L’illustre vierge Catherine naquit à Alexandrie. Ayant joint, dès sa jeunesse, l’étude des arts libéraux à l’ardeur de la foi, elle s’éleva en peu de temps à une haute perfection de doctrine et de sainteté, si bien qu’à l’âge de dix-huit ans, elle surpassait les plus érudits. Ayant vu traîner au supplice, par ordre de Maximin, beaucoup de chrétiens qu’on avait déjà tourmentés diversement à cause de leur religion, Catherine ne craignit pas d’aller trouver ce tyran, et, lui reprochant son impie cruauté, elle lui prouva, par des raisons pleines de sagesse, que la foi en Jésus-Christ est nécessaire pour le salut.

Masolino da Panicole - fresques de la vie de Ste Catherine 1 refus d'adorer les idoles

Masolino da Panicale -  fresques de la vie et du martyre de Sainte Catherine, détail :
Sainte Catherine refuse de rendre un culte aux idoles

Cinquième leçon.

   Maximin, rempli d’admiration pour la science de Catherine, la fit garder ; et rassemblant de toutes parts les hommes les plus savants, il leur promit de magnifiques récompenses, s’ils pouvaient la faire passer avec conviction de la foi du Christ au culte des idoles. Le contraire arriva : car plusieurs de ces philosophes réunis pour la convaincre, furent, par la force et la précision de ses raisonnements, embrasés d’un si grand amour envers Jésus-Christ, qu’ils n’auraient point hésité à mourir pour lui. Maximin entreprend donc, par les flatteries et les promesses, d’amener Catherine à d’autres sentiments ; mais comprenant qu’on l’essaierait en vain, il la fait battre de verges, meurtrir à coups de fouets garnis de plomb, puis la retient onze jours en prison, sans nourriture ni boisson.

Masolino da Panicole - fresques de la vie de Ste Catherine 2  avec les philosophes

Masolino da Panicale -  fresques de la vie et du martyre de Sainte Catherine, détail :
Sainte Catherine confond les philosophes païens

Sixième leçon.

   C’est alors que l’épouse de Maximin, et Porphyre, général de ses armées, entrèrent dans la prison pour voir la jeune vierge. Persuadés par ses discours, ils crurent en Jésus-Christ, et reçurent dans la suite la couronne du martyre. Cependant Catherine fut tirée du cachot ; on avait préparé une roue, où se trouvaient fixés de proche en proche des glaives aigus pour déchirer cruellement le corps de la vierge. Mais cet instrument de supplice fut bientôt mis en pièces à la prière de Catherine, et plusieurs, à la vue de ce miracle, embrassèrent la foi de Jésus-Christ. Maximin n’en étant que plus obstiné dans son impiété et sa cruauté, ordonna de décapiter Catherine. Elle présenta courageusement sa tête à la hache du bourreau, et s’envola au ciel, pour recevoir la double récompense de la virginité et du martyre. C’était le septième jour des calendes de décembre. Son corps fut miraculeusement transporté par les Anges sur le mont Sinaï, en Arabie.

Masolino da Panicole - fresques de la vie de Ste Catherine 4 martyre

Masolino da Panicale -  fresques de la vie et du martyre de Sainte Catherine, détail :
le martyre de Sainte Catherine
(supplice de la roue, décapitation et transport de son corps par les anges sur le Mont Sinaï)

2023-156. Saint Clément de Rome, témoin de la Tradition apostolique en particulier pour ce qui concerne la structure de l’Eglise.

23 novembre,
Fête de Saint Clément 1er, pape et martyr ;
Anniversaire de la mort de Louis de Bonald, baron-pair de France (+ 23 novembre 1840 – cf. > ici).

Saint Clément 1er pape et martyr

Catéchèse de Sa Sainteté le Pape Benoît XVI
à l’occasion de
l’audience pontificale générale
du mercredi 7 mars 2007

Saint Clément de Rome,
témoin de la Tradition apostolique
en particulier pour ce qui concerne la structure de l’Eglise :

Chers frères et sœurs,

   Nous avons médité au cours des derniers mois sur les figures de chaque Apôtre et sur les premiers témoins de la foi chrétienne, que les écrits du Nouveau Testament mentionnent. A présent, nous consacrons notre attention aux Pères apostoliques, c’est-à-dire à la première et à la deuxième génération dans l’Eglise après les Apôtres. Et nous pouvons ainsi voir comment débute le chemin de l’Eglise dans l’histoire.

   Saint Clément, évêque de Rome au cours des dernières années du premier siècle, est le troisième successeur de Pierre, après Lin et Anaclet. Sur sa vie, le témoignage le plus important est celui de Saint Irénée, évêque de Lyon jusqu’en 202. Il atteste que Clément « avait vu les Apôtres », « les avait rencontrés », et avait « encore dans les oreilles leur prédication, et devant les yeux leur tradition » (Adv. haer. 3, 3, 3). Des témoignages tardifs, entre le quatrième et le sixième siècle, attribuent à Clément le titre de martyr.

   L’autorité et le prestige de cet évêque de Rome étaient tels que divers écrits lui furent attribués, mais son unique œuvre certaine est la Lettre aux Corinthiens. Eusèbe de Césarée, le grand « archiviste » des origines chrétiennes, la présente en ces termes : « Une lettre de Clément reconnue comme authentique, grande et admirable nous a été transmise. Elle fut écrite par lui, de la part de l’Eglise de Rome, à l’Eglise de Corinthe… Nous savons que depuis longtemps, et encore de nos jours, celle-ci est lue publiquement au cours de la réunion des fidèles » (Hist. Eccl. 3, 16). On attribuait à cette lettre un caractère presque canonique. Au début de ce texte – écrit en grec – Clément regrette que « les adversités imprévues, qui ont eu lieu l’une après l’autre » (1, 1), ne lui aient pas permis une intervention plus prompte. Ces « adversités » doivent être comprises comme la persécution de Domitien : c’est pourquoi la date de la rédaction de la lettre doit remonter à l’époque qui suivit immédiatement la mort de l’empereur et la fin de la persécution, c’est-à-dire tout de suite après 96.

   L’intervention de Clément – nous sommes encore au 1er siècle – était rendue nécessaire par les graves problèmes que traversait l’Eglise de Corinthe : en effet, les prêtres des communautés avaient été déposés par plusieurs jeunes contestataires. Cet événement douloureux est rappelé, encore une fois, par Saint Irénée, qui écrit : « Sous Clément, un conflit important étant apparu parmi les frères de Corinthe, l’Eglise de Rome envoya aux Corinthiens une lettre très importante pour qu’ils se réconcilient dans la paix, qu’ils renouvellent leur foi et annoncent la tradition, qu’ils avaient reçue des Apôtres depuis peu de temps » (Adv. haer. 3, 3, 3). Nous pourrions donc dire que cette lettre constitue un premier exercice du primat romain après la mort de Saint Pierre. La lettre de Clément reprend des thèmes chers à Saint Paul, qui avait écrit deux longues lettres aux Corinthiens, en particulier la dialectique théologique, éternellement actuelle, entre l’indicatif du salut et l’impératif de l’engagement moral. Il y a avant tout l’heureuse annonce de la grâce qui sauve. Le Seigneur nous prévient et nous donne le pardon, Il nous donne Son amour, la grâce d’être chrétiens, Ses frères et sœurs. C’est une annonce qui remplit notre vie de joie et qui donne de l’assurance à notre action : le Seigneur nous prévient toujours avec Sa bonté, et la bonté du Seigneur est toujours plus grande que tous nos péchés. Il faut cependant que nous nous engagions de manière cohérente avec le don reçu et que nous répondions à l’annonce de salut par un chemin généreux et courageux de conversion. Par rapport au modèle paulinien, la nouveauté est que Clément fait suivre la partie doctrinale et la partie  pratique, qui étaient constitutives de toutes les lettres pauliniennes, par une « grande prière » qui conclut pratiquement la lettre.

   L’occasion immédiate de la lettre donne à l’évêque de Rome la possibilité d’une ample intervention sur l’identité de l’Eglise et sur sa mission. S’il y eut des abus à Corinthe, observe Clément, le motif doit être recherché dans l’affaiblissement de la charité et d’autres vertus chrétiennes indispensables. C’est pourquoi il rappelle les fidèles à l’humilité et à l’amour fraternel, deux vertus véritablement constitutives de l’existence dans l’Eglise : « Nous sommes une portion sainte », avertit-il, « nous accomplissons donc tout ce que la sainteté exige » (30, 1). En particulier, l’évêque de Rome rappelle que le Seigneur lui-même « a établi où et par qui Il désire que les services liturgiques soient accomplis, afin que chaque chose, faite de façon sainte et avec Son accord, soit conforme à Sa volonté… En effet, au prêtre suprême ont été confiées des fonctions liturgiques qui lui sont propres, pour les prêtres a été établie la place qui leur est propre, et aux lévites reviennent des services spécifiques. L’homme laïc est lié à l’organisation laïque » (40, 1-5 : notons qu’ici, dans cette lettre de la fin du I siècle, apparaît pour la première fois dans la littérature  chrétienne  le terme grec « laikós » qui signifie « membre du laos », c’est-à-dire « du peuple de Dieu »).

   De cette façon, en se référant à la liturgie de l’antique Israël, Clément dévoile son idéal d’Eglise. Celle-ci est rassemblée par l’« unique Esprit de grâce répandu sur nous » qui souffle dans les divers membres du Corps du Christ, dans lequel tous, unis sans aucune séparation, sont « membres les uns des autres » (46, 6-7). La nette distinction entre le « laïc » et la hiérarchie ne signifie en aucune manière une opposition, mais uniquement ce lien organique d’un corps, d’un organisme, avec ses diverses fonctions. En effet, l’Eglise n’est pas un lieu de confusion, ni d’anarchie, où chacun peut faire ce qu’il veut à tout instant : dans cet organisme, à la structure articulée, chacun exerce son ministère selon la vocation reçue. En ce qui concerne les chefs de la communauté, Clément explique clairement la doctrine de la succession apostolique. Les normes qui la régissent découlent en ultime analyse de Dieu Lui-même. Le Père a envoyé Jésus Christ, qui à Son tour a envoyé les Apôtres. Puis, ceux-ci ont envoyé les premiers chefs des communautés et ils ont établi que d’autres hommes dignes leur succèdent. Tout procède donc « de façon ordonnée de la volonté de Dieu » (42). A travers ces paroles, avec ces phrases, Saint Clément souligne que l’Eglise possède une structure sacramentelle et non une structure politique. L’action de Dieu qui vient à notre rencontre dans la liturgie précède nos décisions et nos idées. L’Eglise est surtout un don de Dieu et non pas notre créature, et c’est pourquoi cette structure sacramentelle ne garantit pas seulement l’organisation commune, mais également la prééminence du don de Dieu, dont nous avons tous besoin.

   Finalement, la « grande prière » confère un souffle universel aux argumentations précédentes. Clément loue et rend grâce à Dieu pour Sa merveilleuse providence d’amour, qui a créé le monde et continue à le sauver et à le sanctifier. L’invocation adressée aux gouvernants revêt une importance particulière. Après les textes du Nouveau Testament, celle-ci représente la prière la plus antique pour les institutions politiques. Ainsi, au lendemain de la persécution, les chrétiens, bien conscients que les persécutions allaient se poursuivre, ne cessent de prier pour les autorités mêmes qui les avaient condamnés injustement. Le motif est avant tout d’ordre christologique : il faut prier pour les persécuteurs, comme le fit Jésus sur la Croix. Mais cette prière contient également un enseignement qui guide, au fil des siècles, l’attitude des chrétiens à l’égard de la politique et de l’Etat. En priant pour les autorités, Clément reconnaît la légitimité des institutions politiques dans l’ordre établi par Dieu ; dans le même temps, il manifeste la préoccupation que les autorités soient dociles à Dieu et « exercent le pouvoir que Dieu leur a donné dans la paix et la mansuétude avec piété » (61, 2). César n’est pas tout. Une autre souveraineté apparaît, dont l’origine et l’essence ne sont pas de ce monde, mais « d’en haut » : c’est celle de la Vérité, à laquelle revient également le droit d’être écoutée par l’Etat.

   Ainsi, la lettre de Clément affronte de nombreux thèmes d’une actualité permanente. Celle-ci est d’autant plus significative, qu’elle représente, depuis le premier siècle, la sollicitude de l’Eglise de Rome qui préside à toutes les autres Eglise dans la charité. Avec le même Esprit, nous faisons nôtres les invocations de la « grande prière », là où l’évêque de Rome se fait la voix du monde entier : « Oui, ô Seigneur, fais resplendir sur nous Ton visage dans le bien de la paix ; protège-nous de Ta main puissante… Nous Te rendons grâces, à travers le Prêtre suprême et guide de nos âmes, Jésus  Christ, au moyen Duquel nous Te rendons gloire et louange, à présent et de génération en génération, pour les siècles des siècles. Amen » (60-61).

Prière dans les catacombes

2023-155. Nous avons écouté et nous avons grandement apprécié : « Cantantibus organis » d’Henry du Mont.

22 novembre,
Fête de Sainte Cécile, vierge et martyre (cf. > ici, > ici, et > ici) ;
Mémoire de Saint Calmin, duc d’Aquitaine et ermite, confesseur.

♪♫♪   Cantantibus organis, Cæcilia Domino decantabat dicens :   ♫♪♫
♫♪♫   fiat cor meum immaculatum ut non confundetur !   ♪♫♪

Sainte Cécile è cantantibus organis

Alors que les instruments chantaient, Cécile adressait son chant au Seigneur, disant :
Que mon cœur demeure sans tache, afin que je ne sois pas confondue !

Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,

       Il va sans dire que, en vivant avec Frère Maximilien-Marie, j’ai été contaminé par sa dévotion à Sainte Cécile, ainsi qu’à son amour de la musique baroque. Nous autres chats, d’ailleurs, ne sommes nous pas des animaux particulièrement en accord avec l’esthétique baroque ?
Bref ! Je désire porter à votre connaissance – si vous ne la connaissez pas déjà – la première antienne de l’office de Sainte Cécile « Cantantibus organis », dont on retrouve aussi le texte dans le premier répons du premier nocturne des matines (dans le Bréviaire romain traditionnel, bien sûr) mise en musique par Henry du Mont (1610-1684) : c’est une très courte pièce que l’on trouve dans ses « Cantica Sacra », qui furent publiés en 1652.

   L’antienne – dont vous trouvez le texte latin et la traduction au-dessus et au-dessous de l’image de cette Sainte Cécile dans le goût du XVIIIème siècle que j’ai choisie en illustration, ci-dessus, est chantée par deux solistes accompagnés par des violes de gambe sur une basse continue : c’est vraiment une très belle pièce que je vous laisse découvrir >>>

(faire un clic droit sur l’avatar ci-dessous, puis « ouvrir dans un nouvel onglet »)

Image de prévisualisation YouTube

   Et pour ceux qui jouent d’un instrument ou qui chantent, je vous ai même trouvé la partition de cette antienne, que l’on peut télécharger > fichier pdfCantantibus organis Henry du Mont.

   Allez, chers Amis, je n’en écrirai pas davantage, il me faut aller répéter…

Patte de chatTolbiac.

Tolbiac chantre

2023-154. Méditation pour la fête de la Présentation de la Bienheureuse Vierge Marie au Temple.

21 novembre,
Fête de la Présentation de la Bienheureuse Vierge Marie au Temple ;
Anniversaire de la « Bataille du Clapas » (cf. > ici).

Saint-Pierre au Vatican chapelle de la Présentation de Marie au Temple mosaïque d'après le tableau de Giovanni Francesco Romanelli

Chapelle de la Présentation de Marie au Temple
dans la basilique de Saint-Pierre au Vatican,
mosaïque d’après le tableau de Giovanni Francesco Romanelli (1610-1662)
sous l’autel reposent les restes mortels de Saint Pie X

Présence de Dieu :

   « O Marie, présentez vous-même mon offrande et ma vie au Seigneur ! »

Méditation :

   1 – Bien que la Sainte Ecriture ne nous dise rien concernant la Présentation de la Très Sainte Vierge Marie au Temple, ce fait est basé sur le témoignage autorisé de la plus ancienne tradition chrétienne, et l’Eglise l’a reconnu officiellement en en faisant l’objet d’une fête mariale particulière.
Marie Enfant qui, à l’âge le plus tendre, quitte sa maison et ses parents pour aller vivre à l’ombre du Temple, nous parle de détachement, de séparation du monde, de pleine consécration au service de Dieu, de consécration virginale au Très-Haut. A sa suite, d’innombrables âmes vierges se présenteront au Temple pour s’offrir à Dieu, mais aucune offrande ne sera aussi pure, aussi totale, aussi agréable que celle de Marie.
La Vierge est vraiment la fille privilégiée entre toutes les créatures qui, dès les premiers instants de son existence, a entendu le grand appel : « Ecoute, ma fille, regarde et tends l’oreille, oublie ton peuple et la maison de ton père » (Ps. XLIV, 2). Le Très-Haut S’est épris de sa beauté, et Il la veut toute pour Lui. Marie répond, et sa réponse est particulièrement spontanée, totale. La réponse des âmes que Dieu appelle à l’autel, à la vie religieuse, ou à la consécration virginale dans le monde, doit être semblable à celle de la Vierge.
Ces âmes aussi doivent se séparer du monde, quitter parents et amis, elles doivent se détacher de leur peuple, de leur maison. La séparation ne pourra pas toujours être matérielle, mais il faut que ce soit une séparation spirituelle, à savoir de l’affection. C’est le cœur qui doit se détacher, s’isoler, parce que les élus du Seigneur ne peuvent plus, d’aucune manière, appartenir au monde : « ils ne sont pas du monde » (Jean XVII, 14), disait Jésus. Vivre dans le monde sans être du monde, n’est pas facile, mais c’est absolument nécessaire pour répondre à l’appel divin.
il y a des âmes vierges qui manquent à leur vocation de « consacrées » ou n’y correspondent pas entièrement, parce qu’elles sont encore attachées au monde, à ses maximes, ses vanités, ses curiosités, ses facilités, parce qu’elles n’ont pas eu le courage de réaliser une véritable séparation, ou au moins, parce qu’après l’avoir entreprise, elles n’y sont pas demeurées fidèles, ce qui peut arriver non seulement à des âmes vivant dans le monde, mais encore à celles qui vivent dans le cloître, parce que le monde pénètre partout, et partout il envahit les cœurs non entièrement détachés.

Giovanni Francesco Romanelli - Présentation de Marie au Temple

Tableau original de la Présentation de la Vierge au Temple
par Giovanni Francesco Romanelli

   2 – A la séparation totale correspond l’offrande, la consécration totale. Marie se donne toute à son Dieu, elle se donne sans réserve et pour toujours. « Seigneur, je me consacre aujourd’hui à Vous dans la simplicité de mon cœur. Je me constitue pour toujours Votre servante fidèle, en sacrifice et en hommage de louange éternelle » (Imit. IV, 9, 1). Telles durent être les dispositions dans lesquelles la sainte Enfant s’offrit au Très-Haut, dispositions qui furent réalisées dans une plénitude et avec une cohérence qui déconcertent notre misère.
Marie ne faillit pas un seul instant à sa consécration totale ; Dieu put faire d’elle tout ce qu’Il voulut sans jamais trouver la moindre résistance. Des circonstances excessivement pénibles et difficiles remplirent la vie de la Vierge : le doute de Joseph, le voyage à Bethléem dans des conditions si délicates et incommodes, l’affreuse misère dans laquelle elle vit naître son Enfant, la fuite en Egypte, la vie de privations à Nazareth, l’hostilité et la méchanceté des pharisiens envers Jésus, la trahison de Judas, l’ingratitude d’un peuple si favorisé et aimé, la condamnation à mort de son Fils, la montée au Calvaire, la crucifixion au milieu des insultes de la populace… Nous scruterions vainement le cœur de Marie pour y découvrir un seul mot de ressentiment, de protestation ; en vain chercherions-nous à cueillir sur ses lèvres un seul mot de plainte.
Marie s’est donnée totalement à Dieu et elle veut que Dieu exerce sur elle tous Ses droits de Souverain, de Seigneur, de Maître ; elle n’a rien à objecter, ni ne s’étonne que son immolation atteigne de telles proportions : ne s’est-elle pas offerte sans réserve ? Et maintenant que son offrande est consommée, elle répète seulement : « Fiat ! Ecce ancilla Domini ! »
Quelle différence avec notre vie d’âmes consacrées ! Avec quelle facilité nous reprenons le don fait à Dieu ! Nous reprenons notre cœur, quand nous y laissons rentrer les affections humaines ; nous reprenons la volonté, quand nous ne pouvons nous soumettre à certains ordres de l’obéissance qui nous mortifient ou contrarient, que nous n’acceptons pas ce qui nous coûte, que nous nous plaignons, que nous protestons, défendons nos droits. Et cependant, le seul vrai droit de l’âme consacrée à Dieu est celui de se laisser employer et consumer totalement pour Sa gloire.
Demandons à Marie présentée au Temple de prendre notre pauvre offrande dans ses mains maternelles, de la purifier et de la compléter par son offrande si pure, si parfaite, de l’y inclure et de l’y cacher, afin que purifiée et renouvelée par l’offrande de Sa Mère, si grande et généreuse, elle puisse être agréable à Dieu.

Presentation de Marie au Temple d'après Giovanni Francesco Romanelli - mosaïque de la basilique vaticane

Détail de la mosaïque de la Présentation de la Vierge au Temple d’après Giovanni Francesco Romanelli
dans la basilique de Saint-Pierre au Vatican

Colloque :

   « O Bien-Aimée de Dieu, Marie Enfant très aimable, si je pouvais vous offrir aujourd’hui les premières années de ma vie, pour me consacrer à votre service, ma sainte et douce Dame, comme vous vous êtes présentée au Temple et consacrée à la gloire et à l’honneur de votre Dieu !…
Mais le temps est écoulé, ayant passé tant d’années à servir le monde et mes caprices, presque oublieux de vous et de Dieu. Malheur à ce temps où je ne vous aimais pas !
Mais mieux vaut tard que jamais. Voici, ô Marie, qu’aujourd’hui je me présente à vous et m’offre entièrement à votre service, pour le petit ou le grand nombre de jours qu’il me reste à vivre sur cette terre ; comme vous, je renonce à toutes les créatures et me voue totalement à l’Amour de mon Créateur.
Je vous consacre donc, ô Reine, mon intelligence, afin qu’elle puisse penser toujours à l’amour que vous méritez ; ma langue pour qu’elle vous loue ; mon amour, pour qu’il vous aime. Acceptez, ô Très Sainte Vierge, l’offrande que vous présente ce misérable pécheur ; acceptez-la, je vous en prie par cette consolation qu’a ressenti votre cœur quand vous vous donniez à Dieu dans le temple.
Je veux redoubler mes hommages et mon amour pour récupérer le temps perdu pour votre service. O Mère de miséricorde, aidez ma faiblesse par votre intercession puissante et obtenez-moi de votre Jésus la force de vous être fidèle jusqu’à la mort.
Faites qu’après vous avoir servie toujours en cette vie, je puisse aller vous louer éternellement au Paradis » (Saint Alphonse de Liguori).

Monogramme Marie 2

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