Archive pour la catégorie 'Chronique de Lully'

2025-65. Les saintes reliques des instruments de la Passion à Notre-Dame de Paris.

Vendredi de la 2ème semaine de Carême,
Fête des Saints Clous et de la Sainte Lance de la Passion (cf. > ici et > ici).

croix et couronne d'épines - vignette

       Nous reproduisons ci-dessous dans son intégralité (et en conservant la graphie originelle) une « Notice abrégée sur les reliques et les instruments de la Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ qui se conservent aujourd’hui dans le trésor de l’église métropolitaine de Paris », qui est le résumé d’une autre notice, plus développée, « publiée, avec les pièces justificatives, par ordre de Mgr l’Archevêque – 1 vol. in-8°, orné de cinq gravures en taille-douce : prix, 3 francs, chez Adrien Le Clère et Cie », que – malheureusement – nous ne possédons pas.

   Le texte publié ci-dessous, lui, se trouve en introduction d’un ouvrage intitulé « Exercice de dévotion en l’honneur de la Passion de N.S. Jésus-Christ et de la compassion de la Ste Vierge, établi dans l’église métropolitaine de Paris et dans les paroisses du diocèse pour les vendredis du carême » [nouvelle édition - chez Adrien Le Clère éditeur, Paris - 1846]. 

Reliques de la Passion à Notre-Dame

Basilique cathédrale Notre-Dame de Paris
exposition de la Sainte Couronne d’Epines avec une parcelle de la Croix et un Clou de la Passion

   « Les principales Reliques de la Passion de notre Seigneur Jésus-Christ qui se conservent aujourd’hui dans le trésor de l’Eglise Métropolitaine de Paris, sont : 1° plusieurs portions considérables de la vraie Croix ; 2° la sainte Couronne d’épines ; 3° deux portions considérables des Clous qui ont servi au crucifiement.

I. Du bois sacré de la Croix.

I. Découverte miraculeuse de la sainte Croix, sous l’empereur Constantin.

   La Croix de notre Seigneur Jésus-Christ, après avoir été longtemps inconnue aux hommes, fut miraculeusement découverte sous l’empereur Constantin, l’an 326 de l’ère- chrétienne. Voici comment le fait est rapporté par les auteurs contemporains.

   Depuis l’empereur Adrien, les païens n’avoient rien oublié pour profaner les saints lieux consacrés par les mystères de la vie et de la Passion de Notre-Seigneur. Ils avoient fait du Calvaire en particulier un lieu d’idolâtrie et de superstition. Ils avoient comblé la grotte du saint Sépulcre, élevé une grande terrasse au-dessus, et bâti en cet endroit un temple à Vénus, afin que les chrétiens parussent adorer cette fausse divinité, lorsqu’ils viendroient y rendre leur culte à Jésus-Christ.
Constantin, résolu de rétablir l’honneur de ce saint lieu, donna ordre d’y construire une église.
Il écrivit pour cet objet à saint Macaire, évêque de Jérusalem, et à Dracilien, gouverneur de la province, leur recommandant de ne rien négliger pour la magnificence de l’édifice.

   Sainte Hélène, mère de l’Empereur, et convertie au christianisme par ses soins, voulut se charger elle-même de veiller à l’exécution. Elle se transporta donc à Jérusalem, vers la fin de l’année 326, s’informa exactement de l’endroit où Jésus-Christ avoit été crucifié, et de toutes les autres circonstances de sa Passion. D’après ces informations, elle fit abattre l’idole et le temple de Vénus qui profanoient les lieux consacrés par la mort et la résurrection du Sauveur. On enleva ensuite les terres, et l’on creusa si avant, que l’on découvrit enfin le saint Sépulcre. On trouva aussi tout auprès trois croix de même grandeur et de même forme, avec les clous qui avoient percé les pieds et les mains du Sauveur, et le titre qui avoit été attaché au haut de sa croix. Il étoit naturel de penser que l’une des trois croix étoit celle qu’on cherchoit, et que les deux autres étoient celles des malfaiteurs au milieu desquels Jésus-Christ avoit été crucifié. Mais on ne savoit comment les distinguer, le titre étant, à ce qu’il paroît, séparé des trois croix. Dans cet embarras, on consulta saint Macaire, évêque de Jérusalem, à qui Dieu inspira un moyen de lever la difficulté : et il se fit à cette occasion un miracle dont les circonstances furent si éclatantes et si publiques, qu’elles ne laissèrent plus aucun doute sur celle des trois croix qui avoit servi d’instrument au salut du monde.

Agnolo Gaddi invention de la Sainte Croix

Agnolo Gaddi (1350-1396) : la découverte de la Sainte Croix -1385-87)
Basilique Sainte-Croix, à Florence

II. Ce que devint la Croix de Jésus-Christ depuis sa découverte miraculeuse.

   La pieuse impératrice, ravie de joie d’avoir trouvé le riche trésor qu’elle souhaitoit si ardemment, le partagea en deux parties principales, dont elle envoya l’une à l’empereur son fils, et laissa l’autre à Jérusalem. Elle fit enchâsser cette dernière portion, qui étoit la plus considérable, dans une boîte d’argent, qu’elle remit entre les mains de saint Macaire, patriarche de Jérusalem, pour conserver à la postérité ce précieux monument du grand mystère de la rédemption des hommes. On le garda soigneusement dans l’Eglise du saint Sépulcre, qui fut alors bâtie avec toute la magnificence dont nous avons parlé plus haut ; et où l’on accourut bientôt de tous côtés pour vénérer ce bois sacré. Les pèlerins les plus distingués regardoient comme une insigne faveur d’en obtenir quelque parcelle. L’évêque seul avoit le pouvoir d’accorder cette grâce ; mais il l’accordoit dès ces premiers temps à un si grand nombre de personnes, qu’au témoignage de saint Cyrille de Jérusalem, qui écrivoit environ vingt-cinq ans après la découverte de la sainte Croix, ce précieux trésor fut en peu de temps répandu par tout le monde.

   Constantin de son côté reçut avec beaucoup de vénération la partie du bois sacré que sa pieuse mère lui avoit envoyée ; et aussitôt qu’on eut achevé la nouvelle ville de Constantinople, c’est-à-dire, vers l’an 33o, il fit mettre une portion de la sainte Relique dans sa statue élevée au milieu de la grande place sur une colonne de porphyre, persuadé que ce pieux monument seroit, pour la ville impériale, une sauvegarde assurée contre toutes sortes de dangers. Le concours des pèlerins pour vénérer la sainte Croix n’étoit guère moindre à Constantinople qu’à Jérusalem ; et les empereurs chrétiens, à l’exemple des Patriarches de Jérusalem, ne faisoient pas difficulté d’en accorder assez souvent quelques portions à d’illustres personnages.
Constantin lui-même en fit porter un morceau considérable à Rome, pour être placé dans l’église de Sainte-Croix de Jérusalem, qui fut bâtie à cette époque.

   Environ trois siècles après la découverte miraculeuse de la sainte Croix, la ville de Jérusalem eut la douleur de se voir privée pour un temps de la sainte Relique, qu’elle regardoit comme son plus précieux trésor. Chosroès, roi des Perses, ayant pris cette ville, emporta avec lui toutes ses richesses, qui consistoient principalement en vases sacrés et en reliques. Parmi celles-ci, étoient plusieurs morceaux de la vraie Croix, enfermés dans une boîte d’argent sous le sceau du patriarche de Jérusalem, et qui demeurèrent ainsi au pouvoir des Perses pendant l’espace de quatorze ans. Mais après la mort de Chosroès, Héraclius les recouvra des mains de Siroès, son fils et son successeur, par un traité de paix qu’il fit avec lui l’an 628. A cette époque, on trouva la sainte Relique dans l’état où elle avoit été enlevée, les Perses n’ayant pas même ouvert la boîte qui la renfermoit, comme on s’en assura par l’inspection des sceaux qui furent trouvés entiers.

Palma le Jeune - Héraclius rapportant la Croix au mont Calvaire

Palma le Jeune (vers 1548-1628) :
Héraclius rapportant la Croix au Mont Calvaire (vers 1620-1625),

église Santa Maria Assunta, Venise.

   Après cette vérification, la sainte Croix fut solennellement replacée dans l’église du Saint-Sépulcre. L’empereur lui-même voulut porter sur ses épaules et nu-pieds, jusqu’au sommet du Calvaire, le bois sacré qu’il regardoit comme le plus glorieux trophée de ses victoires. Cette imposante cérémonie fut un sujet de joie pour toute l’Eglise, qui en célèbre encore la mémoire le 14 septembre, jour de l’Exaltation de la sainte Croix.

   L’apparition miraculeuse de la sainte Croix à Constantin , et la découverte de la Croix par sainte Hélène, avoient déjà fait établir cette fête, qui devint beaucoup plus solennelle depuis l’événement important que nous venons de rapporter.

   Les différentes portions de la vraie Croix que l’on a vénérées dans les diverses églises de la chrétienté, depuis la découverte de ce bois sacré, y sont venues, directement ou indirectement, de l’une des deux grandes églises de Jérusalem ou de Constantinople.
Parmi les nombreuses reliques de ce genre que la France possédoit avant la révolution, la principale se conservoit à la Sainte-Chapelle de Paris, où elle avoit été apportée de Constantinople en 1241. L’empereur Baudouin II, ayant été réduit à la triste nécessité d’engager aux Templiers plusieurs morceaux considérables de la vraie Croix, avec d’autres reliques de la chapelle impériale, pour remplir le vide occasionné dans son trésor par le fléau de la guerre, saint Louis, instruit de la résolution qu’il avoit prise, lui envoya des personnes de confiance, avec l’argent nécessaire pour retirer ces précieux objets.

   Ils furent apportés en France en 1241, et solennellement transférés dans la chapelle du Palais, le 14 septembre de la même année. L’église de Paris célèbre encore aujourd’hui la mémoire de cette translation le 14 septembre, jour même de l’Exaltation de la sainte Croix.

Sainte-Chapelle Paris - Ciborium de la grande châsse

Paris, la Sainte Chapelle :
le ciborium sous lequel était placée la Grande Châsse
qui renfermait, entre autres, les reliques de la Passion.

III. Origine des portions considérables de la vraie croix qui se conservent aujourd’hui dans l’Eglise métropolitaine de Paris.

   L’Eglise métropolitaine de Paris possède aujourd’hui plusieurs portions considérables de la vraie Croix, dont nous allons exposer en peu de mots l’origine.

   1) La première est la vraie Croix d’Anseau, ainsi nommée parce qu’elle fut envoyée en  à l’évêque et au Chapitre de Paris, par un ancien chanoine de cette Eglise, nommé Anselle ou Anseau, alors grand-chantre de l’Eglise du Saint-Sépulcre de Jérusalem. Anseau lui-même, dans les lettres qu’il écrivit à Galon, évêque de Paris, et à son chapitre, en leur envoyant cette précieuse Relique , nous apprend qu’il la tenoit immédiatement de la supérieure des religieuses Géorgiennes de Jérusalem, qui, avant de venir habiter cette ville, avoit été mariée à David, roi de Géorgie. Cette pieuse reine, en quittant sa patrie après la mort de son époux, avoit emporté avec elle une partie de ses trésors, et spécialement la portion de la vraie Croix dont il s’agit, et qui provenoit de la partie du bois sacré que sainte Hélène avoit laissée à Jérusalem.

   Anseau envoya donc à l’évêque et au chapitre de Paris ce riche présent par un clerc de cette Eglise nommé Anselme. Celui-ci étant arrivé à Fontenay, près Bagneux, fit avertir de son arrivée l’évêque et les chanoines, qui se rendirent auprès de lui, et accompagnèrent solennellement la sainte Relique dans l’Eglise de Saint-Cloud, où ils la déposèrent le vendredi 3o juillet 1109. De là ils la transportèrent avec beaucoup de pompe, le dimanche suivant, dans l’Eglise cathédrale. Les évêques de Meaux et de Senlis , avec les processions des paroisses voisines, assistèrent à cette translation, dont l’Eglise de Paris célèbre encore aujourd’hui la mémoire le premier dimanche du mois d’août, jour de la Susception de la sainte Croix.

   En 1793 , lorsque la Municipalité de Paris eut fait enlever les objets précieux qui se conservoient dans le trésor de l’Eglise métropolitaine, M. Guyot de Sainte-Hélène, alors président du Comité révolutionnaire de la section de la Cité, obtint la permission de garder la Croix d’Anseau, qu’il partagea avec M. l’abbé Duflost, gardien au trésor de Notre-Dame. De la partie qu’il s’étoit réservée, M. Guyot de Sainte-Hélène forma depuis quatre croix différentes, dont trois seulement ont été rendues jusqu’ici à l’Eglise métropolitaine.
Avant cette Restitution, M. Guyot de Sainte-Hélène eut la précaution de faire reconnoitre les débris de l’ancienne Croix d’Anseau par plusieurs anciens chanoines et dignitaires de la Métropole, et spécialement par un ancien trésorier du Chapitre, qui avoit des notions exactes sur la sainte Relique et de toutes les circonstances qui pouvoient servir à en attester la conservation. Ce ne fut qu’après ces précautions que Mgr le cardinal de Belloy, archevêque de Paris, prononça lui-même en 18o3 l’authenticité des trois croix rendues à la Métropole, et permit de les exposer de nouveau à la vénération des fidèles.

Trésor de Notre-Dame reliquaires de la Croix

- Paul Brunet (actif 1871-1913) d’après Jules Astruc (1862-1955) :
Croix du reliquaire de la Vraie Croix de Saint-Claude avec fragments de la croix d’Anseau (1900).
- François Isaac Bertrand, dit Bertrand-Paraud (1774-1832) :
Croix reliquaire avec parcelles du bois de la Croix et de la Couronne d’épines (vers 1820 et entre 1843 et 1869 pour le pied).
- Maurice Poussielgue-Rusand (1861-1933) :
Monstrance avec portion de la croix d’Anseau (1901).

   2) Parmi les différentes portions de la vraie Croix qui se conservent aujourd’hui dans le trésor de l’Eglise métropolitaine, la plus considérable provient de la riche collection des Reliques de la Passion de Notre-Seigneur, conservées autrefois à la Sainte-Chapelle de Paris.

   A l’époque de la révolution, l’Assemblée nationale ayant supprimé tous les chapitres, la Municipalité de Paris fit mettre les scellés sur le trésor de la Sainte-Chapelle ; mais bientôt après, Louis XVI, voulant pourvoir à la conservation des saintes Reliques, donna ordre à M. Gilbert de la Chapelle, conseiller du Roi en ses conseils, de les retirer du trésor de la Sainte-Chapelle, et de les transporter provisoirement à l’abbaye de Saint-Denis. Cet ordre fut exécuté le 12 mars 1791, par M. de la Chapelle et M. l’abbé de Fénelon, aumônier du Roi, en présence de M. le président de la Chambre des Comptes, de M. Lourdet, commissaire particulier de ladite Chambre pour la Sainte-Chapelle de Paris, et du trésorier de la même Eglise. Les commissaires de la municipalité de Paris y furent aussi appelés pour reconnoitre et lever les scellés qu’ils y avoient mis.
Au sortir de la Sainte-Chapelle, M. l’abbé de Fénelon et M. de la Chapelle allèrent au château des Tuileries pour montrer les Reliques au Roi, qui avoit demandé à les voir ; et le même jour, ils les transportèrent et les déposèrent au trésor de l’abbaye de Saint-Denis, où elles demeurèrent jusqu’au lundi 11 novembre 1793. Dans la nuit qui suivit ce jour, les saintes Reliques furent enlevées par la Municipalité de Saint-Denis, et apportées à Paris, pour en faire hommage à la Convention, suivant l’expression du temps, comme d’objets servant d’aliment à la superstition. La Convention envoya les Reliques à son Comité des Inspecteurs de la salle, qui chargea un de ses membres, nommé Sergent, de les porter à l’Hôtel des Monnoies. Là on brisa les reliquaires, qui, aux yeux d’un gouvernement impie, étoient la partie la plus précieuse des richesses enlevées aux églises ; après quoi on fit porter les Reliques à la Commission temporaire des Arts, qui fut alors établie pour examiner les objets enlevés aux divers établissemens publics, et pour faire le discernement de ceux qui méritoient d’être conservés.
Ce fut pendant cet examen que M. Jean Bonvoisin, peintre, membre de la Commission, eut le bonheur de sauver en grande partie la portion de la vraie Croix que l’on avoit coutume d’exposer en certains jours à l’adoration des fidèles dans l’église de la Sainte-Chapelle. Comme on paroissoit faire très-peu de cas de ces objets sacrés, dépouillés de leurs riches ornemens, M. Bonvoisin eut la liberté de prendre sur la table où ils étoient rassemblés, la précieuse Relique dont nous venons de parler. Il s’empressa de la porter à sa mère, qui étoit une dame recommandable par sa piété, et qui, après l’avoir conservée religieusement pendant la révolution, se fit un devoir de la remettre en 1804 au Chapitre de Paris. M. Bonvoisin et sa pieuse mère attestèrent depuis avec serment, chacun pour ce qui les concernoit, la vérité des faits que nous venons de rapporter.
D’après cette déclaration , qui eut lieu le 13 avril 1808, Mgr le cardinal de Belloy, alors archevêque de Paris, fit enfermer, avec toutes les précautions convenables, cette précieuse portion de la vraie Croix dans le reliquaire de cristal où on la voit aujourd’hui.

Placide Poussielgue-Rusand d'après Eugene Viollet-le-Duc - reliquaire croix et clou

Placide Poussielgue-Rusand (1824-1889) d’après Eugène Viollet-le-Duc (1814-1879) :
Reliquaire réalisé pour exposer ensemble le saint Clou et le bois de la Croix (1862).

   3) L’Eglise métropolitaine a été enrichie, à la fin de l’année dernière, d’une nouvelle portion de la vraie Croix, non moins authentique que celles dont nous venons de parler. C’est de la Croix palatine, ainsi appelée parce qu’elle a autrefois appartenu à Anne de Gonzague de Clèves, princesse palatine, qui la laissa par testament à l’église de l’abbaye de Saint-Germain des Prés, à Paris (note : La princesse palatine dont il est ici question est la même dont Bossuet prononça l’oraison funèbre en 1685).

   Voici ce qu’on lit à ce sujet dans l’Histoire de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, publiée en 1724, par dom Bouillart : « L’église de l’Abbaye fut enrichie en 1684 de plusieurs Reliques très-considérables que Mme Anne de Gonzague de Clèyes, princesse de Mantoue et de Montferrat, veuve du prince Edouard de Bavière, prince Palatin du Rhin , lui avoit laissées par son testament, en date du 8 juin 1683, dont voici le contenu : Je donne le Clou de Notre-Seigneur, avec Il tous les papiers qui en autorisent la vérité et la permission de l’adorer, aux Pères Bénédictins de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés. Je donne encore ma croix de pierreries avec la sainte vraie Croix, que j’atteste avoir vue dans les flammes sans brûler. Cette Croix est double comme celles de Jérusalem, et il y a une double Croix d’or  avec des gravures de lettres grecques. Je donne encore à l’abbaye de Saint-Germain les Reliques que j’ai de saint Casimir, etc. etc. »
Ces Reliques , et les lettres authentiques qui en prouvent la vérité, avoient été examinées en 1673 par le sieur Benjamin, grand-vicaire du diocèse de Paris, chargé de cette commission par M. de Harlay, archevêque de Paris. Nonobstant cela, dom Claude Bretagne, prieur de l’Abbaye, fut encore délégué par le même archevêque, pour procéder à une seconde vérification, qu’il fit le 22 septembre de la présente année 1684. Les exécuteurs testamentaires lui remirent les Reliques entre les mains, et après les avoir examinées, dom Jean Barré les reçut au nom des religieux de Saint-Germain, qui l’avoient chargé de leur procuration. On lui donna aussi le procès-verbal du sieur Benjamin, où il est fait mention des mêmes Reliques et des papiers qui en certifient la vérité.

   Ce qu’il y a de plus remarquable dans la Croix dont nous venons de parler, c’est une inscription grecque qui se lit dans le revers, laquelle est composée de deux vers iambiques, dont le premier et la moitié du second sont sur la ligne droite, et l’autre moitié sur le travers du grand croisillon. Sur le petit il y a d’un côté IHS, c’est à-dire Jésus, et de l’autre, Xpistôs, c’est-à-dire Christus.
Le nom de Manuel Comnène, empereur de Constantinople, qui y est inséré, fait certainement connoître que cette Croix vient de lui. L’on prétend qu’il en fit présent à un prince de Pologne, et qu’elle a été conservée précieusement dans le trésor de la couronne.
On en peut voir la gravure dans l’Histoire de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés.

Croix Palatine

Jean-Pierre Famechon (1787-1856) d’après Adrien Louis Lusson (1784-1864) :
Reliquaire de la « Croix Palatine » (1827-1828).

   Cette Croix est haute de huit pouces, sans y comprendre son pied de vermeil de pareille hauteur, et orné de pierreries en divers endroits.
Elle a deux travers, comme les croix de Jérusalem, qui sont remplis de bois de la vraie Croix.
Elle est bordée partout de diamans et d’améthystes.
La princesse palatine l’avoit reçue en présent de Jean-Casimir, roi de Pologne, qui l’avoit tirée du trésor de la couronne, et apportée avec lui lorsqu’il se retira en France.

   Il se trouve peu de portions de la vraie Croix plus considérables et mieux attestées ; car, outre les procès-verbaux et les autres titres, vus et examinés par le sieur Benjamin, les lettres grecques marquent l’antiquité de l’inscription et la vérité de la Relique.
Ce qui l’autorise encore davantage, c’est le miracle évident dont parle la princesse dans son testament, et qu’elle témoigna en mourant avoir vu de ses yeux, que cette Croix ayant été jetée dans le feu, y resta du temps sans en recevoir aucun dommage.
Madame la duchesse de Brunswick, fille de madame la princesse palatine, a aussi assuré que ce prodige étoit arrivé en présence de plusieurs princes et princesses, et de quelques personnes de qualité.

   Des Reliques si considérables laissées à l’abbaye Saint-Germain par une si pieuse princesse, et délivrées avec l’agrément et par les ordres de mesdames les duchesses d’Anguien et de Brunswick, demandoient qu’on les transférât de l’hôtel de la princesse à l’église de l’Abbaye avec toute la solennité convenable.
Le jour de saint Michel, 29 septembre, fut choisi pour cette cérémonie. Le Père dom Claude Bretagne, prieur de Saint-Germain, supplia, au nom de la communauté, M. de Harlay, archevêque de Paris, de faire cette translation par une procession solennelle. Tout le clergé séculier ou régulier du faubourg y assista ; les religieux de l’Abbaye tinrent le chœur, et M. l’Archevêque, revêtu de ses habits pontificaux, officia. Quand la procession fut arrivée dans l’église de l’abbaye, les saintes Reliques furent déposées sur un petit autel préparé au milieu du sanctuaire ; puis il entonna le Te Deum, qui fut chanté par les religieux, et à la fin il donna la bénédiction.

La Croix Palatine - détail 1

La « Croix Palatine » – détail.

   A l’époque de la révolution, c’est-à-dire au mois de novembre 1793, huit jours avant la spoliation du trésor de l’Abbaye, M. Roussineau, ancien curé de la Sainte-Chapelle de Paris, alors curé constitutionnel de l’église de Saint-Germain-des-Prés, et qui revint ensuite un des premiers à l’unité catholique, retira ces précieux objets du riche reliquaire où ils étoient enchâssés, et les enveloppa soigneusement de rubans scellés de son sceau, et de celui de dom Lièble, prêtre, ancien maître des cérémonies et bibliothécaire de l’Abbaye.
Non content de ces précautions, il fit reconnoître ces objets en 1797 par M. de Dampierre, vicaire-général de Paris, et aujourd’hui évêque de Clermont. Après cette vérification, M. de Dampierre renferma les saintes Reliques dans une boîte de bois, qu’il scella des sceaux de M. de Juigné, alors archevêque de Paris.
Cette boîte ainsi scellée fut conservée depuis par M. Roussinau, jusqu’à sa mort, qui arriva le 2 octobre 1827 à Dourdan, diocèse de Versailles, où il étoit curé. Il avoit plusieurs fois manifesté le désir de remettre cette boîte à M. de Quelen, archevêque de Paris, et elle lui fut en effet remise par ses héritiers le 25 octobre du même mois, scellée des mêmes sceaux de M. de Juigué, que M. de Dampierre y avoit apposés en 1797.

   M. l’archevêque de Paris, après avoir vérifié les sceaux, les avoir reconnus sains et entiers, a de nouveau constaté l’authenticité de la Relique : il l’a ensuite fait placer dans une riche croix de vermeil élégamment travaillée, fermée de deux cristaux, en sorte que l’on peut distinguer parfaitement d’un côté le bois de la vraie Croix, et de l’autre les lames d’or dont elle est demeurée revêtue, ainsi que l’antique inscription grecque qui se lit sur le revers.

   Le 22 février 1828, jour de la fête des Cinq Plaies de Notre-Seigneur, on fit une translation solennelle de cette précieuse Relique dans l’église de Notre-Dame, où elle fut confiée à la garde du Chapitre métropolitain.

Hyacinthe Louis de Quelen archevêque de Paris

Hyacinthe Louis de Quelen (1778-1839)
archevêque de Paris
sous le pontificat duquel la plupart des reliques de la Passion
rejoignirent le trésor de Notre-Dame

II. De la Sainte Couronne d’Epines.

I. Histoire de la sainte Couronne d’Épines avant la révolution.

   Ce fut en 1238 que Baudouin II, empereur de Constantinople, fit don à saint Louis de cette insigne Relique, qui se conservoit de temps immémorial dans la chapelle des empereurs grecs. Etant venu en France pour chercher du secours contre les Bulgares, il apprit que ses ministres, pour subvenir aux besoins extrêmes de l’Empire, songeoient à engager la sainte Couronne à des étrangers. A cette nouvelle, soit qu’il se piquât de générosité pour les bienfaits dont saint Louis l’avoit déjà comblé, soit qu’il espérât qu’un si riche présent lui attireroit infailliblement de nouvelles marques de la munificence du saint Roi, il le supplia de vouloir bien accepter la sainte Couronne. « Je sais certainement, lui dit-il, que les seigneurs enfermés dans Constantinople sont réduits à une telle extrémité, qu’ils seront obligés de vendre la sainte Couronne à des étrangers, ou du moins de la donner en gage. C’est pourquoi je désire ardemment de vous faire passer ce précieux trésor, à vous, mon cousin, mon seigneur et mon bienfaiteur, et au royaume de France, ma patrie. Je vous prie donc de vouloir bien le recevoir en pur don ».
Saint Louis accepta cette offre avec tout l’empressement d’une piété aussi tendre que solide et généreuse, et il ne perdit pas un moment pour s’assurer un dépôt si précieux, qui pouvoit lui être enlevé par divers contre-temps. 
Il envoya aussitôt à Constantinople deux religieux Dominicains, Jacques et André, dont l’un ayant été prieur dans un couvent de cette ville, avoit vu plus d’une fois la sainte Couronne, et étoit bien instruit de tout ce qui la concernoit.
Baudoin fit partir avec eux un de ses officiers, avec des lettres patentes par lesquelles il ordonnoit aux seigneurs de délivrer la sainte Relique aux envoyés du Roi.
Ceux-ci, étant arrivés à Constantinople, trouvèrent que les ministres de l’Empereur, pressés par une extrême nécessité, avoient déjà engagé la sainte Couronne aux Vénitiens, pour une grosse somme d’argent, à condition que, si on ne la retiroit de leurs mains dans le terme convenu, qui étoit assez court, elle appartiendroit aux Vénitiens, et qu’en attendant elle seroit transportée à Venise.
Les ministres de l’empereur, ayant lu ses lettres, convinrent avec les Vénitiens que la sainte Couronne seroit portée à Venise par les envoyés du Roi, accompagnés des ambassadeurs et des principaux citoyens de Constantinople ; qu’étant arrivés à Venise , les envoyés du Roi paieroient aux Vénitiens les sommes convenues, et se chargeroient ensuite de transporter en France le sacré dépôt.

La Sainte Couronne d'épines

La Sainte Couronne d’Epines dans son actuel reliquaire de cristal

   Avant de quitter Constantinople, toutes les précautions furent prises pour constater l’authenticité et la conservation de la sainte Relique. La caisse qui la renfermoit fut scellée des sceaux des seigneurs français. La confiance de ceux qui devoient la transporter éleva leur âme au-dessus de la crainte de tous les périls ; car ils ne firent pas difficulté de s’embarquer vers Noël de l’année 1238, c’est-à-dire, dans la saison la moins propre à la navigation. Cette confiance fut pleinement justifiée, et le danger des tempêtes ne fut pas le seul auquel ils échappèrent heureusement. L’empereur grec Vatace, étant instruit de cette translation, mit en mer plusieurs galères pour surprendre le vaisseau des Latins avec le sacré dépôt qu’il portoit ; mais la main qui le conservoit depuis tant de siècles le fit arriver à Venise sans aucun fâcheux accident.

   Aussitôt qu’on y fut arrivé, on déposa la sainte Couronne dans le trésor de la chapelle de Saint-Marc.
André, l’un des envoyés de saint Louis, resta pour la garder, tandis que Jacques, son compagnon, se rendit promptement auprès du Roi, pour l’informer de l’état des choses.
Le religieux monarque, ravi de joie à cette nouvelle, ne balança point à confirmer l’accord fait avec les Vénitiens ; et de concert avec l’empereur Baudouin, il renvoya Jacques à Venise, avec des ambassadeurs chargés d’ordonner aux marchands français qui se trouvoient dans cette ville, de payer les sommes promises.
Sa précaution alla jusqu’à demander à Frédéric, empereur d’Allemagne, une escorte pour protéger le transport de la sainte Couronne en France. Les Vénitiens eussent bien voulu s’y opposer ; mais, ne pouvant aller contre le traité, ils consentirent à l’exécution, et les ambassadeurs du Roi, ayant reconnu les sceaux, reprirent le chemin de la France.
Gauthier, archevêque de Sens, que le Roi chargea dans la suite d’écrire l’histoire de cette translation, rapporte à ce sujet une particularité que nous ne devons pas omettre : c’est que, pendant tout ce voyage il ne tomba pas une seule goutte d’eau sur ceux qui portoient ou qui accompagnoient la sainte Relique, quoique le ciel fût extrêmement chargé, et qu’il plut très souvent, lorsqu’ils étoient arrivés aux lieux où ils devoient s’arrêter.

   Quand ils furent à Troyes en Champagne, ils en donnèrent avis au roi, qui partit en diligence, accompagné de la Reine sa mère, des princes ses frères, de plusieurs prélats et seigneurs de sa cour.

Saint Louis portant la Sainte Couronne d'Epines à Notre-Dame de Paris le 19 août 1239

Saint Louis portant la Sainte Couronne d’Epines à Notre-Dame de Paris le 19 août 1239
[gravure de Jules David (1860) colorisée en 2012 par Jérôme Dumoux]

   Ce fut le 10 août 1239, jour de saint Laurent, qu’on rencontra la sainte Couronne, à Villeneuve-l’Archevêque, à cinq lieues de Sens. On ouvrit d’abord la caisse de bois qui renfermoit la sainte Relique, et l’on en vérifia les sceaux, avec les actes qui en établissoient l’authenticité. On ouvrit ensuite la châsse d’argent, puis le vase d’or qui renfermoit la sainte Couronne, et on la fit voir au Roi et à tous les assistans.
L’archevêque de Sens, qui étoit présent, dit qu’on se figureroit difficilement les vives émotions que le Roi, la Reine, et tant d’illustres personnages qui assistoient à l’ouverture de la châsse, éprouvèrent en ce moment, par l’impression religieuse que ce spectacle excitoit dans leurs âmes.

   Le lendemain, onzième jour d’août, la Relique fut portée à Sens. A l’entrée de la ville, le Roi et Robert son frère, comte d’Artois, la prirent sur leurs épaules, étant l’un et l’autre nu-pieds, et vêtus d une simple robe de laine. Ils étoient suivis des prélats et des seigneurs, qui marchoient aussi nu-pieds. Un clergé nombreux les précédoit avec les Reliques des églises voisines, et environné d’un peuple infini qui ne respiroit que la modestie et la componction. On eût dit que les sentimens du Roi avoient passé dans tous les assistans. On porta ainsi la sainte Couronne à l’Eglise métropolitaine, où elle fut exposée le reste du jour à la vénération du peuple.
Le lendemain, le Roi partit pour Paris, où se fit, huit jours après, la réception solennelle de la sainte Relique. On avoit dressé dans la campagne, près l’église de Saint Antoine, une estrade fort élevée, d’où l’on montra la châsse à tout le peuple.
Le Roi et son frère la portèrent ensuite sur leurs épaules à l’Eglise cathédrale, avec les mêmes marques d’humilité et de respect qu’ils avoient fait à Sens. Après avoir chanté l’office, on alla déposer la châsse dans la chapelle du Palais, qui étoit alors sous l’invocation de saint Nicolas. Depuis cette époque, l’Eglise de Paris célèbre chaque année la mémoire de cette translation solennelle le onzième jour d’août.

Reliquaire de la Sainte Couronne d'Epines de 1862

Placide Poussielgue-Rusand (1824-1889) d’après Eugène Viollet-le-Duc (1814-1879) :
Reliquaire réalisé pour la Sainte Couronne d’Epines en 1862.

II. Histoire de la sainte Couronne d’épines depuis la révolution.

   On a vu plus haut qu’à l’époque de la révolution, les Reliques de la Sainte-Chapelle, après avoir été d’abord portées à Saint-Denis, au mois de mars 1791, avoient été transférées, en 1793, à l’Hôtel des Monnoies. Là on dépouilla la sainte Couronne de son reliquaire ; on la rompit en trois parties à peu près égales, et on en porta les débris, avec les autres Reliques de la Sainte-Chapelle et de Saint-Denis, à la Commission temporaire des Arts, où ils furent mis sous la garde du secrétaire de cette Commission, nommé Oudry. Ce fut des mains de ce dernier que l’abbé Barthélemy, un des conservateurs des médailles antiques de la Bibliothèque nationale, obtint, en 1794, les débris de la sainte Couronne, pour les conserver parmi les objets confiés à sa garde.

   La sainte Couronne demeura ainsi à la Bibliothèque nationale jusqu’au mois d’octobre 1804. A cette époque, Mgr le cardinal de Belloy, archevêque de Paris, ayant été bien instruit de tous ces détails, et jugeant les circonstances favorables pour réclamer la sainte Couronne, avec plusieurs autres Reliques déposées dans le même établissement, s’adressa pour cet objet à M. Portalis, alors ministre des cultes, et en même temps ministre de l’intérieur par intérim.
Celui-ci donna ordre à M. Millin, conservateur des médailles antiques, de remettre les Reliques à l’église Notre-Dame, et M. Millin les remit en effet, le 26 octobre 18o4, à M. l’abbé d’Astros, grand-vicaire de Paris, maintenant évêque de Bayonne.

   Après le recouvrement de cette précieuse Relique, M. l’archevêque de Paris, avant de l’exposer de nouveau à la vénération publique, se procura tous les renseignemens propres à en certifier la conservation.
Le transport de la sainte Couronne à Saint-Denis en 1791, et l’identité de la couronne remise en 1804 avec celle qui avoit été déposée en 1791 au trésor de l’abbaye de Saint-Denis, furent établis par les témoignages uniformes de plusieurs personnes d’une sagesse et d’une probité à l’abri de tout soupçon.
Tant de témoignages réunis ayant pleinement dissipé tous les doutes, et ne permettant même plus de former à ce sujet la moindre difficulté, Mgr le cardinal de Belloy ne balança plus à rendre à la vénération publique une Relique si précieuse, et elle fut transférée avec une grande pompe dans l’église de Notre-Dame, le dimanche 10 août 1806.

Reliquaire de la sainte Couronne d'Epines de 1806

Jean-Charles Cahier (1772-1857) : 
Châsse reliquaire de la sainte Couronne d’Epines réalisée en 1806
pour la restitution de la relique

III. Des Clous qui ont percé les pieds et les mains du Sauveur.

   On a vu plus haut que sainte Hélène avoit trouvé, avec la Croix de Jésus-Christ, les Clous qui avoient servi à le crucifier. Les auteurs contemporains qui rapportent ce fait ne disent pas quel étoit le nombre des clous ; mais on convient généralement qu’il n’y en avoit pas moins de trois, et plusieurs savans, qui ont soigneusement examiné cette question, pensent qu’il devoit y en avoir quatre, soit parce que les plus anciennes images du crucifix représentent le Sauveur attaché à la Croix avec quatre clous, soit parce qu’il seroit difficile de supposer que les deux pieds eussent été attachés à la Croix avec un seul clou, sans qu’il se brisât quelqu’un des os ; ce qui seroit contraire à cette parole de l’Ecriture : Vous ne briserez aucun de ses os.

   L’Eglise métropolitaine de Paris possède aujourd’hui deux portions différentes des saints Clous ; l’une provenant du trésor de l’ancienne abbaye de Saint-Denis, et l’autre du trésor de l’abbaye Saint-Germain-des-Prés.

   1) Une tradition très-ancienne regardoit le premier comme un présent fait à l’abbaye de Saint-Denis par l’empereur Charles-le-Chauve, qui l’avoit tiré d’Aix la Chapelle.
Cette tradition, qui remonte bien au-delà du dixième siècle, est d’ailleurs confirmée par l’histoire, qui nous apprend que la chapelle de Charlemagne avoit été enrichie de plusieurs précieuses Reliques de la Passion de Notre-Seigneur, dont le patriarche de Jérusalem lui avoit fait présent.
Quoi qu’il en soit de l’ancienneté de cette tradition, il est constant par l’histoire que le saint Clou conservé de temps immémorial à Saint-Denis, s’y voyoit encore à l’époque de la révolution, dans un magnifique reliquaire, dont on peut voir le dessin dans l’Histoire de l’abbaye de Saint-Denis par Félibien, p. 537.

   En 1793, le saint Clou ayant été apporté à Paris avec tes autres objets de ce genre provenant du trésor de l’abbaye de Saint-Denis, fut présenté à la Commission temporaire des Arts, dont nous avons déjà parlé. M. Le Lièvre, membre de l’Institut et inspecteur-général des mines, qui faisoit partie de cette commission, obtint la permission de prendre le saint Clou, comme un objet de minéralogie, qu’il vouloit examiner et analyser. L’ayant par ce moyen sauvé de la destruction et de la profanation, ainsi que plusieurs morceaux de la vraie Croix, qu’il lui fut aussi permis d’emporter, et qu’il partagea entre plusieurs personnes, il le conserva soigneusement jusqu’au mois d’avril 1824 ; à cette époque il le remit à M. l’archevêque de Paris, en lui assurant avec serment que c’étoit véritablement le saint Clou provenant du trésor de l’abbaye de Saint-Denis, qu’il avoit ainsi sauvé de la profanation en 1793. D’après ce témoignage, et d’après les enquêtes et examens préalables, M. l’archevêque reconnut la sainte Relique, et la fit placer dans le reliquaire où on la voit aujourd’hui.

le Saint Clou Notre-Dame de Paris provenant de Saint-Denis

Saint Clou de Notre-Dame de Paris
qui appartenait au trésor de l’abbaye de Saint-Denis avant la révolution

   2) Nous avons aussi rapporté plus haut l’origine du saint Clou provenant de l’abbaye Saint-Germain-des-Prés.
Il avoit été légué en 1684 à cette abbaye par la princesse Palatine, qui l’avoit reçu, quelques années auparavant, du roi de Pologne Jean-Casimir. Ce prince lui-même l’avoit tiré du trésor de sa couronne, avec le morceau de la vraie Croix dont nous avons parlé ailleurs.

   Voici ce qu’on lit en particulier sur le saint Clou dans l’Histoire de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés : « La pointe d’un des clous dont notre Seigneur Jésus-Christ fut attaché à la croix, n’est pas moins avérée. Elle venoit aussi du trésor de la couronne de Pologne, et le roi Jean-Casimir, qui l’avoit apportée avec lui en France, en avoit gratifié la princesse Palatine. Le roi Michel, son successeur, le lui redemanda, comme une relique appartenant à sa couronne, et lui fit même des offres très-considérables ; mais la princesse en faisoit plus d’estime que de toutes les richesses du monde, et elle abandonna sans peine ces avantages temporels pour conserver un si précieux trésor ».

   Le saint Clou fut examiné et reconnu avec la vraie Croix en 1673 et en 1674 par les vicaires généraux de Paris, que M. de Harlay avoit chargés de cet examen. Depuis cette époque jusqu’à la révolution, il fut conservé avec la vraie Croix dans un magnifique reliquaire.

   Nous ne répéterons pas ici ce que nous avons dit au même endroit, sur la conservation de ces précieuses Reliques pendant la révolution, et sur la remise qui en a été faite à M. l’archevêque de Paris au mois d’octobre dernier, au nom de M. Roussineau.
Cette Relique déplacée par ordre de M. l’archevêque dans un reliquaire de cristal en forme de clou, dont la tète et la pointe sont garnies de vermeil. Réunie à la Croix Palatine, elle a été également transférée à l’église métropolitaine, et confiée à la garde du Chapitre, le 22 février 1828.

Fragment du Clou de la Passion provenant de la Princesse Palatine

Fragment du Clou de la Passion
aujourd’hui inséré dans le reliquaire de la Croix Palatine (voir supra)
et provenant de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés

2025-64. Fête de la Pureté de Notre-Dame, et prière à Notre-Dame de la Pureté.

11 mars,
Chez les Ermites de Saint Augustin, fête de la Pureté de la Bienheureuse Vierge Marie ;
Mémoire de la férie de Carême.

Monogramme de Marie vitrail avec anges - blogue

       Le martyrologe propre des Ermites de Saint Augustin mentionne à la date du 11 mars la fête de la Pureté de la Bienheureuse Vierge Marie : c’est une fête de contemplation, de stimulation et de préparation.

- Contemplation de la Vierge Très Sainte dans son absolue pureté, qui lui vaut d’être saluée du qualificatif de « pleine de grâce » (mais l’adjectif grec évoque l’idée d’une parfaite plénitude) par l’archange qui s’adresse à elle au nom du Dieu trois fois saint.

- Stimulation, parce qu’étant entrés en Carême, temps de purifications plus intenses, la considération d’une telle pureté, qui est le fruit de la Rédemption (car Notre-Dame est la première et la plus parfaite des rachetés), met en évidence que « rien n’est impossible à Dieu », et donc que quel que soit notre degré de souillure – du fait de nos péchés personnels et des cicatrices et effets qu’ils ont laissés en nous -, il n’est pas vain d’espérer que Dieu nous purifie en totalité.

- Préparation à la fête de l’Annonciation : en nous aidant à considérer plus attentivement celle que le Très Haut a élue, préparée, merveilleusement comblée, afin de devenir le vivant Tabernacle du Verbe éternel S’incarnant.

Vierge très pure - blogue

O Notre-Dame de la Pureté,

Vierge sans tache, tabernacle du Dieu de toute pureté,
réceptacle de toutes les grâces,
j’ai recours à vous dans mes besoins,
mes peines, mes tentations et mes faiblesses.

O Marie, merveille de pureté,
je vous consacre mes yeux, mes oreilles, ma bouche, mon cœur,
mes pensées, mes paroles et mes actions,
afin que l’esprit du mal n’ait jamais la moindre part en moi
et que, tout mon être étant conservé dans une pureté parfaite,
je serve Dieu de tout mon cœur
et arrive, sous votre maternelle protection,
à la béatitude éternelle
pour jouir à jamais avec vous
de la possession de l’auguste Trinité dans le ciel.

Ainsi soit-il.

Nihil obstat : Paulus Lacouline, Censor
Imprimatur : + Lionellus Audet, V.G.
Quebeci, die 25 a martii 1954

Trois lys blancs

2025-63. Le Silence du Roi.

Mardi de la 1ère semaine de Carême.

       Le texte qui suit était à l’origine l’une des lettres mensuelles à l’adresse des membres de la Confrérie Royale, envoyée le 25 février 2018. Mais ce n’est pas là un texte de circonstance : vous trouverez ci-dessous un texte de spiritualité qu’il est bon de lire et de relire, de méditer… et surtout de s’en pénétrer pour en vivre.

Andrea Mantegna - Ecce Homo

Andrea Mantegna : « Ecce Homo »

       « Entrés dans le désert du Carême, nous accompagnons le Roi des rois dans sa montée vers le sacrifice et vers la gloire. Il est notre modèle pour nous préparer, dans la purification et l’ascèse, à suivre le chemin du Jardin des Olives au Tombeau de la mort et de la Résurrection. Une des grandes leçons spirituelles léguées par Notre Seigneur à ses apôtres et ensuite à tous ses disciples est le silence. Pas n’importe lequel mais celui qui est plénitude, écrin de la Parole divine et de toute parole conforme à la vérité.

   Charles Péguy parle admirablement du silence que nous affrontons à chaque fois que nous nous retournons vers notre race. Même les hommes de lignée royale finissent par se heurter à ce silence des aïeux anonymes dont la généalogie remonte jusqu’au commencement du premier jour de la création de l’homme.
Il écrit, dans sa Note conjointe :

   « (…) Cette silencieuse race est le seul écho que nous puissions percevoir du silence premier de la création. Silence de la prière et silence du vœu, silence du repos et silence du travail même, silence du septième jour mais silence des six jours mêmes ; la voix seule de Dieu ; silence de la peine et silence de la mort ; silence de l’oraison ; silence de la contemplation et de l’offrande ; silence de la méditation et du deuil ; silence de la solitude ; silence de la pauvreté ; silence de l ’élévation et de la retombée, dans cet immense parlement du monde moderne l’homme écoute le silence immense de sa race. Pourquoi tout le monde cause-t-il et qu’est-ce qu’on dit ? Pourquoi tout le monde écrit-il, et qu’est-ce qu’on publie ? L’homme se tait. L’homme se replonge dans le silence de sa race et de remontée en remontée il y trouve le dernier prolongement que nous puissions saisir du silence éternel de la création première. » 

   Puissions-nous suivre ce chemin et obéir à ce conseil afin que ce Carême ne soit pas plein de vides. Il ne suffit pas de prier selon les règles, de jeûner selon les préceptes, de donner l’aumône selon l’envie du moment. Tout cela, et les autres sacrifices, demeurera creux, vain et stérile s’il se réalise dans le brouhaha, la cacophonie, la logorrhée du monde moderne qui hait le silence intérieur. Trop de paroles recouvrent désormais la Parole divine, ceci au sein même de l’Eglise, pourtant gardienne et dispensatrice de la Parole divine. Nos silences sont morts. Lorsqu’ils existent, ils sont souvent la marque de notre lâcheté ou de notre incompétence. Or, nous devrions nous laisser imbiber par le silence divin comme des babas en manque de rhum.

   Les Saintes Ecritures ne cessent de nous ramener vers le silence intérieur. Les auteurs inspirés, les prophètes attirent l’attention sur ceux qui font un mauvais usage de la parole, qui ne peuvent se taire, qui se perdent en bavardages, radotages, et donc, tôt ou tard, en médisance et en mensonge. Mettre un frein à sa langue est une condition essentielle de la vie de pénitence. Nous avons toujours le désir d’en dire trop, de révéler ce qui ne doit pas l’être, de blesser avec les mots, de laisser traîner des sous-entendus qui détruisent les autres, leur réputation, leur existence. Le monde est rempli de ces bavards qui trouvent fortune en politique, comme journalistes, comme « artistes », comme écrivains, comme ecclésiastiques. La véritable autorité, elle, découle d’un silence fondateur, celui du Christ dans le désert ou dans un lieu retiré pour prier son Père, celui de Notre Seigneur en présence de ceux qui, les mains chargées de pierres, sont prêts à lapider, en face de ses accusateurs et de Pilate qui attendent des paroles alors qu’ils voient en aveugles le Verbe fait chair. Nous nous chargeons de mots comme des ânes, ils sont notre déguisement, notre fuite du silence qui nous terrifie car il nous révélerait notre vrai visage, déformé et grimaçant.

   En cultivant le silence, nous pouvons avancer à grands pas dans le combat contre la tricherie et la méchanceté, et découvrir aussi que ce sont les silences qui demeurent lorsque tout le reste a disparu. Ce n’est pas par hasard si le Christ a commencé son pèlerinage terrestre dans le silence de la nuit noire de Bethléem et qu’Il l’a achevé dans le silence du Golgotha. Nul doute que les apôtres, se souvenant de son enseignement, gardèrent aussi au cœur, à l’image de la Sainte Vierge, les silences du Maître lorsqu’Il les regardait avec pitié, avec amour et avec lassitude à cause de leur surdité et de leur vanité. L’être du Seigneur dépasse ce qu’Il a dit et chacune de ses paroles s’est inscrite dans l’écrin du silence originel. Ce pouvoir du silence crée la valeur inestimable des rencontres qui bouleversent notre vie : celle de Notre Seigneur d’abord, dans le silence de notre cœur, mais aussi, par ricochet, celles des rencontres humaines qui sont le sel de l’existence.
Maurice Maeterlinck souligne justement, dans Le trésor des humbles :

   « S’il vous est donné un instant de descendre en votre âme jusqu’aux profondeurs habitées par les anges, ce qu’avant tout vous vous rappellerez d’un être aimé profondément, ce n’est pas les paroles qu’il a dites ou les gestes qu’il a faits, mais les silences que vous avez vécus ensemble ; car c’est la qualité de ces silences qui seule a révélé la qualité de votre amour et de vos âmes ».

   Silence de Gethsémani, de l’Ecce Homo, du Golgotha, du Tombeau, et même de la Résurrection : ce qui est le nœud de toute l’histoire des hommes s’est réalisé dans le silence, uniquement habité par les pleurs et les battements d’ailes des anges et des puissances invisibles. Pendant ce temps, tout autour du Christ, ce ne fut que vociférations, insultes, ricanements, hurlements, questions, jugements, lamentations, à l’exception de sa Sainte Mère, enfermée dans la contemplation de ce qui ferraillait ses entrailles et son cœur depuis qu’Elle avait accueilli la Volonté de Dieu. Quelles paroles d’ailleurs nous a-t-Elle laissées ? Elles sont en petit nombre. Elle est la Mère du Silence, Elle qui a porté le Verbe.

   Contemplons donc, durant ces semaines liturgiques bouleversantes, le grand silence du Roi des rois. Il est un silence de plénitude et non pas un vide abyssal comme celui des paroles humaines. Là où il se révèle le mieux visiblement est dans le trésor de la sainte liturgie traditionnelle de l’Eglise lorsque le silence sacré enveloppe les fidèles alors que le prêtre offre le sacrifice. Grandeur indépassable de ce silence qui nous élève aussitôt jusqu’aux portes du Paradis. Plus la liturgie est bavarde, plus elle nous éloigne de la Parole faite chair, plus elle tourne le dos au Roi silencieux devant ses juges pour se jeter dans les bras du monde qui tue avec les mots. Plus notre prière est bavarde, plus elle risque de se contempler elle-même dans un miroir et d’être satisfaite de ce qu’elle est. Peu de mots dans le Pater Noster enseigné par Notre Seigneur. Dans sa sagesse millénaire, l’Eglise a toujours su nous éduquer dans cet attachement à la sobriété, à la belle simplicité, au silence habité. Creusons dans cette mine qui recèle tant de trésors. Il est utopique de penser que nous pourrions faire l’économie du silence pour mettre en pratique les commandements divins et pour vivre des Béatitudes. Les saints sont de vivantes figures pour nous prouver que nous serions dans l’erreur. Ils ont tous su mettre un frein à leur langue, écouter le silence et y découvrir les signes venant d’en haut. Imaginerait-on un saint Curé d’Ars passant son temps à bavarder, à réunir autour de lui les journalistes pour commenter les événements du moment et pour donner ses opinions à propos de tout et de n’importe quoi ? Cela aurait passablement abîmé la confiance des pénitents à son égard. Le saint Curé était tout en Dieu dans le silence et les murmures de son confessionnal où il procédait à de grandes lessives de printemps spirituel à longueur de journée.

   Avançons à la suite de notre Roi des rois dans le désert silencieux où Il se donne au Père. Nous aurons ainsi part à son Royaume malgré notre indignité. Demeurons au fond du sanctuaire, derrière un pilier, sans oser lever les yeux vers la Miséricorde, tout enfouis dans le silence divin qui nous console et nous relève.

P. Jean-François Thomas s.j.
Mercredi des Cendres 14 février 2018

entête confrérie royale carême

2025-62. Ce 10 mars nous avons célébré comme il convient le troisième anniversaire du Prince Tolbiac.

10 mars 2025,
Troisième anniversaire
de la naissance de Son Altesse Félinissime le Prince Tolbiac.

Que ta vie soit longue et heureuse, cher Petit Prince !

Continue à te montrer un infatigable guerrier

pour chasser et dévorer sans aucune pitié les nuisibles,

sournoise menace du cellier ou de la sacristie ;

à passer de longues heures de contemplations ronronnantes

dans les recoins secrets de la chapelle ;

et, dans ta féline liberté, à inspirer de sagaces pensées

et de sages conseils à ceux que tu honores de ton amitié !

Tolbiac 3 ans

« Le chat est l’honnêteté absolue :
les êtres humains cachent pour une raison ou une autre
leurs sentiments, les chats non ».

Ernest Hemingway

       Nota bene :
On trouvera ce qui a été publié à l’occasion du premier anniversaire de Tolbiac > ici
Et, à l’occasion de son deuxième anniversaire, une belle histoire avec le Cardinal de Richelieu > ici.

Chat gif en marche

Publié dans:Chronique de Lully, Memento |on 10 mars, 2025 |3 Commentaires »

2025-61. Le Bienheureux Elie de Notre-Dame du Perpétuel Secours, prêtre augustin martyr du Christ-Roi.

10 mars,
- Fête du Bienheureux Elie de N.D. du Perpétuel Secours, prêtre augustin martyr.
- Commémoraison de Sainte Marie-Eugénie de Jésus, vierge (cf. > ici) ;
- Commémoraison des Saints Quarante Martyrs de Sébaste ;
- Anniversaire de la mort de la Révérende Mère Marie-Joseph de la Miséricorde (cf. > ici). 

Bienheureux Elie de ND du Perpétuel Secours

       Matteo Elías Nieves del Castillo est né sur l’île de San Pedro, dans la municipalité de Yuriria – Etat de Guanajuato, au Mexique -, le 21 septembre 1882. Ses parents, Rita et Ramón et Rita, étaient de modestes paysans, riches d’une foi profonde.
Dès son jeune âge il éprouva l’attrait pour le sacerdoce, toutefois sa vocation fut retardée d’une part parce qu’à l’âge de 12 ans il fut gravement malade de la tuberculose qui faillit l’emporter, et d’autre part parce que, après sa guérison, son père ayant été tué par des voleurs, il dut abandonner l’école et travailler pour subvenir aux besoins de sa famille.

   Enfin, en 1904, malgré sa formation rudimentaire et sa pauvreté, il fut admis au séminaire augustinien de Yuriría. Ses études furent difficiles, rendues encore plus pénibles du fait d’une très mauvaise vue.
En recevant le saint habit il reçut avec lui le nom de Fray Elías del Socorro, c’est-à-dire Frère Elie de Notre-Dame du Perpétuel Secours .

 C’est à l’âge de 34 ans, en 1916, qu’il fut ordonné prêtre. Après quelques premières expériences pastorales en paroisse, il est nommé au vicariat de La Cañada de Caracheo, en 1921 : c’est un village de quelque 3 000 âmes, très pauvre. Partageant la pauvreté de ses paroissiens, il va s’efforcer de répondre aux besoins spirituels mais aussi matériels de la population, dont il sera rapidement très aimé.

   Le Mexique vivait alors l’un des moments les plus tragiques de son histoire. Devenu indépendant depuis un siècle, le pays n’était jamais parvenu à une véritable unité nationale. Les nations riches, qui revendiquaient d’énormes droits sur les concessions de pétrole et d’autres ressources souterraines, attisaient toutes les divisions internes ; la maçonnerie anticléricale agissait de façon virulente, déclenchant, en 1926, une persécution contre le catholicisme parmi les plus sanglantes du XXème siècle.
Refusant d’abandonner ses ouailles, le Père Elie, prudent mais impavide, alla se cacher dans une grotte et continua à exercer son ministère, le plus souvent à la faveur de la nuit. Cela dura 14 mois.

grotte dans laquelle s'est caché le Père Elie

Grotte dans laquelle s’est caché le Père Elie de N.D. du Perpétuel Secours :
elle est devenue un lieu de pèlerinage et a été aménagée
tant pour en faciliter l’accès que
 pour y permettre
la célébration de la Sainte Messe

   Le 7 mars 1928, un détachement de soldats arriva à La Cañada de Caracheo, officiellement à la recherche de voleurs de bétail. Comme il était tard, ils décidèrent de passer la nuit dans l’église paroissiale. Mais lorsqu’ils essayèrent d’en forcer les portes, les fidèles se rebellèrent et il y eut une fusillade.
Les soldats appelèrent des renforts. Un autre détachement atteignit le village, et ils organisèrent une véritable battue au prêtre.
Le 9 mars, ils se saisirent du Père Elie, bien qu’il se fût déguisé en paysan. Lors de son interrogatoire, il ne nia pas son identité.
Avec lui furent arrêtés deux jeunes paysans, les frères Sierra, qui avaient tenté de le garder caché.
Au matin du 10 mars, soldats et prisonniers partirent pour Cortazar, dont dépendait La Cañada, mais les prisonniers n’y arrivèrent jamais car, un peu plus loin, près d’une hacienda nommée Las Fuentes où les soldats marquèrent un arrêt, le capitaine donna l’ordre de l’exécution.

   Le Père Elie obtint d’entendre en confession les deux frères Sierra, prénommés José de Jesús et José Dolores, puis les soldats les conduisirent devant le mur où ils avaient décidé de les fusiller. José Dolores, fut pris de panique et s’effondra, probablement victime d’une crise cardiaque ; José de Jesús, lui, restait calme et ferme. Il refusa qu’on lui bandât les yeux. On lui intima l’ordre de s’agenouiller et il répondit au capitaine : « Je m’agenouille devant Dieu et ses ministres, pas devant quelqu’un… comme toi ». Aussitôt la fusillade commença et il eut encore le temps de crier : « Vive le Christ Roi ! »
Bien qu’il fût déjà mort, les soldats vidèrent encore leurs fusils sur le corps inerte de José Dolores.
Pendant toute cette scène, le Père Elie n’avait cessé de leur donner encore la sainte absolution et des bénédictions, disant : « Courage, mes enfants ! Nous nous reverrons bientôt au paradis… »

   Le capitaine s’adressa alors au Père Elie : « Maintenant, prêtre hypocrite, voyons si mourir ressemble à dire la messe ».
Avec une certaine autorité cependant, le Père lui demanda de ne pas le fusiller à cet endroit-là, mais plus loin, à l’endroit qu’il indiquerait lui-même. Avant de quitter l’hacienda, il ordonna à deux voisins de Las Fuentes, qui se trouvaient là, de donner une sépulture chrétienne aux deux jeunes gens, puis, d’un pas sûr, il continua d’avancer au milieu des soldats.

ruines de l'hacienda de las fuentes

Les ruines de l’hacienda de Las Fuentes
où furent fusillés les compagnons du Père Elie

   Environ 3 km avant Cortazar, pas très loin d’un pont, à un endroit où poussait un mesquite, le Père dit simplement au capitaine : « Voilà, mon capitaine. Accordez-moi juste quelques instants pour recommander mon âme à Dieu ».
Tout les détails de la mort du Père Elie nous sont connus par le témoignage d’une femme qui, revenant à pied de Cortazar, s’était cachée derrière un buisson en apercevant les soldats et qui fut témoin de toute la scène.

   Le Père Elie se retira donc près du mesquite et pria pendant environ un quart d’heure. Puis revenant vers le capitaine, c’est à ce moment-là qu’il répondit à la remarque que ce dernier avait faite avant de quitter Las Fuentes : « Voyons si mourir signifie dire la messe », en disant, tout en étendant les bras en forme de croix : « Mourir pour la religion est un sacrifice agréable à Dieu. Me voici, je suis prêt à mourir pour ma religion ».

   Le capitaine donna l’ordre aux soldats de former le peloton d’exécution, mais il semblait hésiter. Visiblement nerveux, il demanda l’heure au Père. Celui-ci sortit sa montre et lui dit qu’il était trois heures moins cinq ; alors, tendant sa main vers lui il déclara : « En guise de souvenir de ma part, veuillez accepter cette montre, qui pourra peut-être un jour vous sauver », puis il distribua aux soldats tout ce qu’il avait encore dans ses poches et, enfin s’écria : « Maintenant, agenouillez-vous. Je veux vous bénir en signe de pardon ! »
Tous se mirent tous à genoux, sauf l’officier qui cria : « Je ne veux pas de bénédictions. Mon arme me suffit ! », et il tira lui-même sur le Père au moment où celui-ci faisait le signe de la croix sur les soldats agenouillés.
Le Père eut encore le temps de crier distinctement : « Vive le Christ-Roi ! ». Il était 3 heures de l’après-midi, ce samedi 10 mars 1928.

   Aussitôt, le peuple fidèle le vénéra comme un saint martyr. Ses funérailles furent célébrées au milieu d’une foule immense qui se recommandait àlui bien plus qu’elle ne priait pour le repos de son âme. La terre imbibée de son sang fut prélevée et considérée comme une relique.

   Le Père Elie de Notre-Dame du Perpétuel Secours a été béatifié le 12 octobre 1997.

Corps des frères Sierra et du Père Elie

Corps du Père Elie de Notre-Dame du Perpétuel Secours
au milieu de ceux des deux frères José de Jesus et José Dolores Sierra

2025-60. Lecture méditée d’une œuvre : « Le Christ au désert servi par les anges » de Francisco Pacheco.

Premier dimanche de Carême,
Dimanche de la sainte quarantaine.
Lectures de la Messe : épitre 2 Cor. VI 1-10 ; Evangile Matth. IV 1-11.

pinceaux et palette - vignette

       Francisco Pacheco (1564-1644) est un peintre espagnol de la fin de la période maniériste et du début de la période baroque, théoricien de l’art, mais aussi théologien (il n’était toutefois pas clerc, mais laïc et père de famille) et – cela pourra étonner – censeur de l’Inquisition.
Peu connu du grand public, il l’est toutefois des historiens de la peinture parce qu’il a été le maître de Diégo Vélasquez (1599-1660).

   Le tableau sur lequel je désire attirer votre attention en ce premier dimanche de Carême est considéré comme son chef-d’œuvre et s’intitule « Le Christ servi par les anges dans le désert » : c’est une huile sur toile de grand format (hauteur : 2,68 m ; largeur : 4,18 m), datée de 1616 (le musée d’Art de Catalogne, à Barcelone, en possède un dessin préparatoire daté du 7 octobre 1615), qui avait été peinte pour le réfectoire de l’un des plus importants couvents de Séville, San Clemente el Real.

   L’œuvre fut peut-être volée par les troupes napoléoniennes lors de l’occupation de Séville en 1810, ou bien a-t-elle été vendue vers 1835 lorsque le gouvernement espagnol d’alors a fermé un certain nombre de couvents et confisqué les biens ecclésiastiques.
Elle a été aux mains de plusieurs propriétaires avant d’être achetée en 1993 par la ville de Castres qui l’expose au Musée Goya.

   Le jeune Diégo Vélasquez (il avait à peine 17 ans) a travaillé sur ce tableau : il est l’auteur de la nature morte que l’on voit au centre (sa première nature morte connue).

Le christ servi par les anges - Francisco Pacheco - blogue

Francisco Pacheco (1564-1644) : le Christ servi par les anges dans le désert (1616)
[Musée Goya, Castres]

   Pour celui qui s’attache à la signification spirituelle de ce tableau, il est d’une exceptionnelle richesse symbolique en représentant un point auquel de nos jours, semble-t-il, ni les prédicateurs qui commentent la péricope évangélique lue au premier dimanche de Carême ni les fidèles qui entendent cet Evangile n’accordent grande attention, alors qu’il se trouve pourtant très explicitement mentionné dans la dernière phrase de ce passage de Saint Matthieu : « Tunc reliquit eum diabolus, et ecce Angeli accesserunt, et ministrabant ei : Alors le diable Le laissa, et voici que des Anges s’approchèrent, et ils Le servaient » (Matth. IV 11).

   Si l’on veut bien se donner la peine de réfléchir au fait que Notre-Seigneur était seul dans le désert, il faut nécessairement penser que c’est Jésus, et Lui seul, qui a porté à la connaissance de Ses apôtres et de Ses disciples les éléments de Son combat contre le tentateur ainsi que ce « détail » final… qui n’est finalement peut-être pas un détail sans importance ni un fait purement anecdotique.

   Saint Marc, qui est pourtant des plus laconiques pour parler de la sainte quarantaine n’omet toutefois pas de mentionner le « repas servi par les anges » :  « Et Il passa dans le désert quarante jours et quarante nuits ; et Il fut tenté par Satan ; et Il était parmi les bêtes, et les anges Le servaient » (Marc I 13). Saint Luc et Saint Jean n’en parlent pas.

   Ce repas servi par les anges après les quarante jours de jeûne au désert, a été illustré par plusieurs peintres espagnols du Siècle d’Or. On le retrouve aussi dans la peinture française des XVIIème et XVIIIème siècle.

Le christ servi par les anges - Francisco Pacheco - détail 1

   Vêtu de rouge, le Seigneur Jésus-Christ est assis, tourné de trois quarts vers la gauche, devant une table garnie. Trois anges sont directement à Le servir à table : deux sont agenouillés et présentent des plats ; le troisième, debout, règle le service.
La luminosité de la table met en valeur les objets qui y sont disposés. Les spécialistes n’ont pas manqué de remarquer que le repas est servi dans des céramiques de Talavera : le peintre fait ici une sorte « d’inculturation », comme on dirait de nos jours, puisque c’est une vaisselle de la vie quotidienne espagnole.

   Les doctes commentateurs du tableau nous disent que nous nous trouvons en présence d’une sorte de « rébus sacré » tel que les intellectuels sévillans les affectionnaient alors : à travers une scène d’apparence profane – un repas -, nous nous trouvons devant l’évocation du plus sacré de tous les repas, celui où le Christ S’immole et Se donne en nourriture, la Sainte Messe.
On est bien dans la tradition des réfectoires monastiques, où, pendant leur réfection physique et naturelle, les moines sont appelés à élever leurs âmes vers le banquet céleste. Pour ne citer qu’une autre œuvre, rappelons que la célébrissime Cène de Léonard de Vinci a été réalisée dans le réfectoire du couvent des Dominicains de Milan.

   Ainsi donc, dans ce repas servi par les anges, les mets sont-ils disposés sur la table un peu comme des offrandes sur un autel ; Notre-Seigneur les bénit en même temps qu’Il élève les yeux vers le ciel, ainsi que le fait le prêtre à la Messe avant la consécration ; le pain, symbole de nourriture spirituelle et de vie éternelle, repose sur un linge dont le pliage n’est pas sans évoquer celui d’un corporal.
Cette allusion au Saint-Sacrifice de la Messe est renforcée par la présence du raisin, qui, avec le pain, fournit la matière du sacrement eucharistique, et par celle du poisson, symbole christique qui remonte à la plus haute antiquité.
L’eau, source de vie, purificatrice et régénératrice, et le sel, ne sont-ils pas une référence à la liturgie baptismale ?
L’ange agenouillé qui présente l’huilier et le vinaigrier, n’évoque-t-il pas le servant d’autel présentant les burettes ?
Quant à l’ange « maître de cérémonie », qui tient dans la main droite un couteau, ne nous renvoie-t-il pas à l’immolation de l’Agneau ?
Remarquez par ailleurs qu’il porte sur l’épaule gauche un linge tissé d’or et frangé, qui évoque davantage un tissu liturgique que du linge de table.

Le christ servi par les anges - Francisco Pacheco - détail 2

   Remarquez enfin les végétaux présents sur cette table : le cédrat, fruit réputé à Séville comme favorisant la longévité et la fécondité ; la rose blanche, emblème de l’amour chaste ; l’œillet, qui renvoie à la divinité (le nom scientifique de l’œillet est dianthus qu’on traduit par « fleur des dieux ») ; les feuilles d’olivier, de chêne et d’acacia, évoquent évidemment des essences  au fort symbolisme biblique.

Le christ servi par les anges - Francisco Pacheco - détail 3

   Sur la gauche, derrière le Christ, trois anges musiciens jouent de la harpe, du luth et de la viole de gambe. Tandis qu’au-dessus d’une grotte (sans doute le lieu de la retraite de Notre-Seigneur pendant Son séjour au désert), trois angelots répandent des fleurs sur la table.

Le christ servi par les anges - Francisco Pacheco - détail 4

   En haut à droite, encore éloignés, volent deux anges porteurs de plats couverts.

Le christ servi par les anges - Francisco Pacheco - détail 5

    Si l’on excepte ces deux anges éloignés, on compte donc que Notre-Seigneur est entouré par trois triades d’anges et d’angelots : le chiffre trois, représenté trois fois, symbolise la perfection de la Trinité divine. 

   Dans le coin inférieur droit du tableau, on voit Saint Jean-Baptiste, près du Jourdain puisque c’est aussitôt après avoir reçu le baptême de pénitence de Son Précurseur que Notre-Seigneur a été conduit au désert.
Derrière le Baptiste s’ouvre une perspective de paysage désertique (c’est-à-dire non peuplé d’hommes), au fond de laquelle apparaît une cité : Jérusalem, la Cité sainte où le Christ accomplira Sa mission par l’oblation de Son sacrifice rédempteur.

Le christ servi par les anges - Francisco Pacheco - détail 6

   Je ne m’étendrai pas ici sur les aspects techniques de cette œuvre d’exception (éclairage, forme, expressions, harmonie des couleurs, composition – qui est pourtant très étudiée d’un point de vue mathématique et géométrique -, équilibre…), mais je terminerai en insistant sur le fait que toute cette technique, très rigoureuse, est au service du symbolisme spirituel.

   Sur ce point, j’ai encore un élément à signaler : outre le Christ, personnage central, le nombre total des personnages représentés est de douze : le nombre des tribus d’Israël, le nombre des apôtres, le nombre des portes de la Jérusalem céleste à laquelle nous sommes appelés, si nous profitons des grâces du salut que nous a obtenues le divin Rédempteur.

Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur.

Le christ servi par les anges - Francisco Pacheco - détail 7

2025-59. De Saint Jean de Dieu, céleste patron des hospitaliers et des malades.

8 mars,
Fête de Saint Jean de Dieu, confesseur, fondateur des Frères Hospitaliers ;
Mémoire de la férie de Carême.

Giaquinto Corado Prado Madrid - détail du triomphe de Saint Jean de Dieu

La Très Sainte Vierge Marie posant une couronne d’épines sur la tête de Saint Jean de Dieu :
détail de « La gloire de Saint Jean de Dieu » (1750)
par Corrado Giaquinto (1703-1766)
[Galerie nationale de Cosenza]

frise

Leçons historiques du deuxième nocturne

des matines de la fête de

Saint Jean de Dieu 

Quatrième leçon. 

   Jean de Dieu naquit de parents catholiques et pieux, dans la ville de Monte-Mayor, au royaume de Portugal. Au moment de sa naissance une clarté extraordinaire parut sur sa maison, et une cloche sonna d’elle-même ; ces prodiges firent clairement présager que le Seigneur avait choisi cet enfant pour de glorieuses destinées.
Dans sa jeunesse il fut retiré, par la puissance de la grâce divine, d’une vie trop relâchée et il commença à donner l’exemple d’une grande sainteté. Un jour, entendant la parole de Dieu, il se sentit tellement excité au bien, que dès lors il sembla avoir atteint une perfection consommée, quoiqu’il ne fût encore qu’au début d’une vie très sainte. Après avoir donné tout ce qu’il avait aux pauvres prisonniers, il devint pour tout le peuple un spectacle de pénitence, et de mépris de soi-même, ce qui lui attira les plus mauvais traitements de la part de beaucoup de personnes qui le regardaient comme un fou, et on alla jusqu’à l’enfermer dans une maison de santé.
Mais Jean, enflammé de plus en plus d’une charité céleste, parvint à faire construire dans la ville de Grenade, avec les aumônes des personnes pieuses, deux vastes hôpitaux, et jeta les fondements d’un nouvel Ordre, donnant à l’Eglise l’institut des Frères hospitaliers, qui servent les malades au grand profit des âmes et des corps, et qui se sont répandus dans le monde entier.

Saint Jean de Dieu sauvant les malades de l'incendie de l'hôpital royal (1880) - Manuel Gómez-Moreno González - Musée des Beaux-Arts de Grenade - blogue

Saint Jean de Dieu sauvant les malades de l’incendie de l’hôpital royal (1880) ;
tableau de Manuel Gómez-Moreno Gonzalez (1834-1918)
[Musée des Beaux-Arts de Grenade]

Cinquième leçon. 

   Il ne négligeait rien pour procurer le salut de l’âme et du corps aux pauvres malades, que souvent il portait chez lui sur ses épaules. Sa charité ne se renfermait pas dans les limites d’un hôpital : il procurait secrètement des aliments à de pauvres veuves, à des jeunes filles dont la vertu était en danger, et mettait un soin infatigable à délivrer du vice ceux qui en étaient souillés.
Un grand incendie s’étant déclaré dans l’hôpital de Grenade, Jean se jeta intrépidement au milieu du feu, courant ça et là dans l’enceinte embrasée jusqu’à ce qu’il eût transporté sur ses épaules tous les malades, et jeté les lits par les fenêtres pour les préserver du feu. Il resta ainsi pendant une demi-heure au milieu des flammes qui s’étendaient avec une rapidité extraordinaire ; il en sortit sain et sauf par le secours divin, à l’admiration de tous les habitants de Grenade ; montrant par cet exemple de charité que le feu qui le brûlait au dehors était moins ardent que celui qui l’embrasait intérieurement.

Saint Jean de Dieu - statue église Saint Jean de Dieu de Cadix

Statue de Saint Jean de Dieu
dans l’église Saint-Jean-de-Dieu de Cadix

Sixième leçon. 

   Jean de Dieu pratiqua, dans un degré éminent de perfection, des mortifications de tous genres, la plus humble obéissance, une extrême pauvreté, le zèle de la prière, la contemplation des choses divines ainsi que la dévotion à la sainte Vierge ; il fut aussi favorisé du don des larmes.
Enfin, atteint d’une grave maladie, il reçut, selon l’usage, tous les sacrements de l’Eglise dans tes plus saintes dispositions, puis, malgré sa faiblesse, il se leva de son lit, couvert de ses vêtements, se jeta à genoux, et, pressant sur son cœur l’image de Jésus-Christ crucifié, il mourut ainsi dans le baiser du Seigneur, le huit des ides de mars, l’an mil cinq cent cinquante.
Même après son dernier soupir, ses mains retinrent encore le crucifix, et son corps resta dans la même position pendant environ six heures, répandant une odeur merveilleusement suave jusqu’à ce qu’on l’eût enlevé de ce lieu. La ville entière fut témoin de ces prodiges.
Illustre par de nombreux miracles, pendant sa vie et après sa mort, Jean de Dieu a été mis au nombre des Saints par le souverain Pontife Alexandre VIII.
Léon XIII, agissant selon le désir des saints Evêques de l’Univers catholique et après avoir consulté la Congrégation des Rites, l’a déclaré le céleste Patron de tous les hospitaliers et des malades du monde entier, et il a ordonné qu’on invoquât son nom dans les Litanies des agonisants.

Grenade basilique de Saint Jean de Dieu châsse de Saint Jean de Dieu

Châsse contenant le corps de Saint Jean de Dieu
[basilique Saint-Jean-de-Dieu, Grenade]

2025-58. Nuit du 7 au 8 mars 1625 : découverte de la statue miraculeuse de Sainte Anne par Yvon Nicolazic.

Nuit du 7 au 8 mars 1625 :
découverte de la statue de Sainte Anne par Yvon Nicolazic.

Yvon Nicolazic découvre la statue de Sainte Anne 7-8 mars 1625

Vitrail de la chapelle des Carmes, à Rennes :
découverte de la statue de Sainte Anne par Yvon Nicolazic

       La fête de Sainte Anne, fixée au 26 juillet, n’est entrée au calendrier de l’Eglise universelle qu’en 1584 à l’instigation du pape Grégoire XIII (1502-1585).
En 1622, le pape Grégoire XV (1554-1523), guéri d’une grave maladie par l’intercession de Sainte Anne, fit de la fête de cette dernière une fête de précepte (jour chômé, prohibition des tâches serviles, assistance à la Messe et aux vêpres obligatoire).
L’année suivante, dans le diocèse de Vannes, à moins d’une lieue au nord de la ville d’Auray, au hameau de Ker Anna, sur la paroisse de Pluneret, Sainte Anne commença à se manifester à un cultivateur du nom d’Yvon Nicolazic (1591-1645), homme de grande piété.

   Yvon Nicolazic, est né à Ker Anna le 3 avril 1591. C’est un cultivateur relativement aisé, apprécié de tous en raison de sa foi profonde qui déborde en actes authentiques de justice et de charité envers son prochain. Il ne connaît pas le français et ne sait ni lire ni écrire. Marié à Guillemette Le Roux, ils n’ont pas pu avoir d’enfants.

   A la suite de son père, Yvon tient en fermage un champ que l’on appelle le Bocenno, à la sortie ouest de Ker Anna : on raconte qu’à l’emplacement de ce lopin sur lequel les bœufs refusent d’avancer pour labourer – et qu’il faut donc travailler à la main -, il y aurait eu jadis une chapelle en l’honneur de Sainte Anne : le nom de Ker Anna (la maison d’Anne) que porte le hameau en est un souvenir.
Le père d’Yvon en a extrait de nombreuses pierres taillées avec lesquelles il a bâti une grange de belle taille à côté de sa maison.

Maison de Nicolazic

   Dans la nuit du 12 août 1623, Yvon est réveillé par une éclatante lumière qui inonde sa chambre. Stupéfait, il constate qu’elle émane d’un très gros cierge suspendu en l’air, comme tenu par une main invisible. Un peu effrayé, il se met à genoux et commence la récitation du chapelet : si ce phénomène vient du diable, il cessera…
Six semaines plus tard, l
e 24 septembre, alors que la nuit tombe, Yvon est encore au travail au Bocenno, et il revoit le cierge mystérieux éclairer le champ.
Et il en sera ainsi pendant une année et demi : la mystérieuse lumière revient auprès d’Yvon ; elle l’accompagne, tous les soirs ou presque. Son beau-frère en est le témoin.
Rien d’autre… jusqu’au mois de juillet 1624.

   Un soir de juillet 1624 donc, alors qu’Yvon et son beau-frère sont en train de faire boire leurs bêtes, le cierge leur apparaît encore une fois, mais ce soir-là ils peuvent voir la main qui le tient : c’est une main féminine. Ils sont un peu effrayés.
Yvon se demande si ce n’est pas sa défunte mère qui reviendrait pour demander des prières.
Cependant, le 25 juillet au soir, alors qu’il rentre d’Auray, Yvon Nicolazic s’entend appeler, et c’est une voix féminine. Ce n’est toutefois pas celle de sa mère.

   Arrivé chez lui, il s’isole dans la grange – celle que son père a construite avec les pierres extraites du Bocenno – afin de réfléchir à tout cela.
Il s’agenouille et commence son chapelet, quand soudain, toute de blanc vêtue, une Dame rayonnante de clarté se trouve devant lui, debout sur un petit nuage. Dans son dialecte vannetais, elle lui déclare : « Ne craignez rien, Yvon. Je suis Anne, Mère de Marie. Allez dire à votre recteur que, dans la pièce de terre appelée Bocenno existait avant tout village une chapelle qui m’était dédiée, la première bâtie en mon honneur par les Bretons. Voilà 924 ans et six mois qu’elle est en ruines. Je désire qu’elle soit rebâtie au plus tôt et que vous en preniez soin : Dieu veut que j’y sois honorée ».

25 juillet 1624 appartion de Sainte Anne

Au soir du 25 juillet 1624, Sainte Anne se montre enfin
et demande que la chapelle placée sous son vocable
mais détruite depuis plus de neuf siècles soit reconstruite.

   Les indications sont très précises, tout en confirmant les anciennes traditions locales : 924 ans et 6 mois, cela veut dire au début de l’an 700, période où en effet les relations entre les Bretons d’Armorique et le royaume mérovingien ont été émaillées de nombreux moments de troubles et de raids dévastateurs dans le Broërec, le pays d’Auray.
Yvon appréhende d’aller trouver le recteur de Pluneret : Don Sylvestre Rodué n’est pas un homme qui s’en laisse compter, et il sait faire montre d’un authentique mauvais caractère…
Sainte Anne revient. Elle insiste : « Ne craignez point et ne vous mettez pas tant en peine. Dites en confession ce que vous avez vu et entendu et ne tardez plus à m’obéir. Conférez-en aussi avec quelques hommes de bien pour savoir comment vous y prendre ».
Cela devrait rassurer le prêtre : le diable, en effet, n’incite pas à aller à confesse !
Pourtant, le recteur éconduit vertement Yvon Nicolazic, si bien que celui-ci n’a nulle envie de se hasarder à une nouvelle tentative : « Chat échaudé craint l’eau froide » !

   Sainte Anne insiste encore : « Ne vous souciez pas de ce que diront les hommes. Faites ce que je vous ai dit et, pour le reste, reposez-vous-en sur moi ».

   Pendant sept semaines, Yvon fait le sourd, autant qu’un Breton peut le faire quand il n’est pas disposé à céder.
Mais sainte Anne lui dit : « Consolez-vous car l’heure viendra où tout ce que je vous ai dit s’accomplira ».
Il ose répliquer : « Vous savez bien, ma bonne Maîtresse, les difficultés que fait notre recteur et ses reproches quand je lui ai parlé de votre part. Je n’ai pas de quoi vous bâtir une chapelle, même si je serais content de vous donner pour cela tout mon bien ».
- « Ne vous inquiétez pas, je vous donnerai de quoi débuter les travaux et rien n’y manquera jamais pour l’achever.
[…] Ne tardez pas à commencer. Vos impuissances n’empêcheront pas mes desseins.
[…] Les prodiges en mon pouvoir feront confesser aux plus mécréants que vous êtes mon instrument.
[…] Ne vous mettez pas en peine de m’alléguer votre pauvreté, je la connais assez, mais tous les trésors du Ciel sont dans mes mains ».

   Pour le prouver, sainte Anne multiplie les prodiges au Bocenno : des prodiges qui sont vus de tout le voisinage : cierges incroyablement brillants, colonne de feu, pluie d’étoiles filantes…

Sainte Anne multiplie les signes pour attester de la vérité des apparitions

   Mais l’irascible et entêté recteur ne veut rien entendre.
Le 3 mars 1625, Sainte Anne transporte miraculeusement Yvon au Bocenno, où il entend le chœur des anges. L’aïeule de Jésus lui répète de prévenir « les gens de bien » et le recteur, qui seront témoins de la découverte de son « ancienne image ».

   Excédé par cette histoire, Don Sylvestre hurle qu’il y a déjà trop de chapelles dans le pays et qu’il n’est pas question d’en rajouter.
Les capucins d’Auray, pris pour arbitres, conseillent à Yvon Nicolazic de réclamer un signe : signe aussitôt obtenu car le 7 mars, dans la chambre d’Yvon, sa femme découvre, bien soigneusement empilés sur la table, douze quarts d’écus qui n’ont été apportés par personne, tandis que par ailleurs Monsieur de Kerleguer, propriétaire du Bocenno, promet d’en faire don à Sainte Anne.

   Enfin, vers 23 heures, dans cette nuit du 7 au 8 mars 1625, Sainte Anne prie son messager d’aller réveiller ses voisins et de se rendre avec eux au Bocenno, munis de bêches.
Il obéit, on le suit, ou plutôt, l’on suit le cierge qui les guide dans les ténèbres, jusqu’à un certain endroit où son invisible porteur le lève et l’abaisse par trois fois pour indiquer un emplacement précis où le cierge s’enfonce dans la terre : on creuse et on découvre une statue de femme, haute de trois pieds (soit environ un mètre), en bois olivier.
L’image est « fort mutilée et gâtée » mais elle garde des traces de polychromie blanche et bleue.

Dans la basilique lieu de la découverte de la statue de Sainte Anne

Dans l’actuelle basilique de Sainte-Anne d’Auray,
le lieu de la découverte de l’antique statue de Sainte Anne par Yvon Nicolazic,
dans la nuit du 7 au 8 mars 1625,
est signalé par ce bas-relief au pied d’un des piliers du côté droit du chœur.

   Le clergé, qui connaît le pays et son histoire, s’interroge : cette statue est-elle véritablement celle de Sainte Anne, ou bien serait-ce une idole païenne ? Il reste donc d’abord dans une prudente réserve.
La statue découverte dans cette nuit du 7 au 8 mars 1625 est déposée debout sur une motte et abritée par des branchages : très modeste oratoire devant lequel le bon peuple fidèle, lui, vient très vite – et en foule ! – pour se recueillir et demander des grâces.
Le recteur de Pluneret est hors de lui : il vient sur les lieux et s’emporte en voyant la bassine de cuivre qui a été placée là par Monsieur de Kerleguer, le propriétaire du terrain, pour recueillir les offrandes des fidèles : il a d’ailleurs été le premier à donner l’exemple et à y déposer une somme généreuse.

   Un prodige va survenir le dimanche après la découverte : un incendie se déclare chez les Nicolazic. La lueur de l’incendie et la fumée font accourir les habitants de Ker Anna, avec leurs seaux et leurs baquets. C’est la grange qui brûle, qui brûle si bien que les murs, construits on s’en souvient avec les pierres de l’antique chapelle, sont totalement détruits, signe que ces pierres ne devaient plus servir à un usage profane. En revanche, toute la récolte de foin qui y était renfermée a été épargnée par les flammes : fait inexplicable par la raison humaine.
Sainte Anne ne voulait simplement pas spolier son confident.

Vitrail représentant Yvon Nicolazic

   L’évêque de Vannes, Monseigneur Sébastien de Rosmadec, se saisit du dossier et instruit l’affaire.
Après les interrogatoires d’usage du voyant et des témoins, constatant aussi les grâces qui se multiplient, et déjà certaines guérisons inexplicables, il conclut à la véracité des apparitions. A la fin de l’année 1625, il publie un mandement reconnaissant leur caractère surnaturel.
Les travaux commencent.

   Tel un sceau céleste sur les événements, après quinze ans d’une union stérile, Yvon et Guillemette Nicolazic vont avoir la joie d’être parents de deux enfants, qui vont naître entre le début et la fin du chantier : délicatesse bien digne de Sainte Anne, qui pour avoir connu la douleur de la stérilité, est secourable aux couples privés de progéniture.

   La première messe dans la chapelle primitive (qui sera agrandie plusieurs fois jusqu’à la construction de l’actuelle basilique) fut célébrée par ordre de Monseigneur de Rosmadec dès le 26 juillet 1625 : le pèlerinage était officiellement lancé…

   Quant au recteur de Pluneret, il ne faut pas omettre de signaler qu’il vint humblement faire amende honorable auprès de Sainte Anne et devint un fervent et zélé dévot de son jeune sanctuaire.

fragment de la statue découverte par Yvon Nicolazic sauvé des flammes

Fragment de la statue découverte par Yvon Nicolazic
dérobé aux flammes dans lesquelles les terroristes révolutionnaires l’ont détruite,
et inséré dans le socle de la statue réalisée en 1825 pour la remplacer.

   On sait que, malheureusement, la statue que Sainte Anne elle-même a voulu voir ressortir de terre par le moyen d’Yvon Nicolazic a été brûlée par les révolutionnaires. Seul un fragment du visage a pu être dérobé à leur fureur iconoclaste : il se trouve aujourd’hui placé dans le socle de la nouvelle statue sculptée en 1825, deux siècles exactement après la découverte de la statue originelle.

   Cette statue de 1825, désormais célèbre dans le monde entier, pour être davantage protégée et mieux conservée, a fait l’objet d’une copie rigoureusement exacte au moyen des techniques modernes les plus précises qui a été présentée à l’occasion des cérémonies du quatrième centenaire de la découverte de 1625, et c’est cette copie qui sera dorénavant portée en procession à l’extérieur.

Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur.

Procession de la statue de Sainte Anne le 26 juillet

Procession traditionnelle avec la statue de 1825 lors du pardon du 26 juillet.

2025-57. Toutes nos publications au sujet de la Sainte Couronne d’Epines et des Saintes Epines de la Passion.

Vendredi après les Cendres,
Fête de la Sainte Couronne d’Epines de Notre-Seigneur.

Angelot à la Couronne d'épines - Fr.Mx.M. - Blogue

       Vous pouvez retrouver ci-dessous, chers Amis, la liste de toutes nos publications de ce blogue relatives à la Sainte Couronne d’Epines ainsi qu’aux Saintes Epines provenant de cette Sainte Couronne :

A – Messe propre de la Sainte Couronne d’Epines (dont la fête se célèbre le vendredi après les Cendres) > ici

B – Quelques sanctuaires en lesquels on trouve des Epines provenant de la Sainte Couronne d’Epines :

- La Sainte Epine du Puy-en-Velay > ici
- Les Saintes Epines de Namur > ici
- La Sainte Epine d’Andria, et le miracle du Vendredi Saint 25 mars 2016 > ici
- Les Saintes Epines de la cathédrale d’Elne > ici

C – Autres publications :

- La Sainte Couronne d’Epines figurée dans une fleur  : la passiflore > ici
- Monseigneur le Prince Louis de Bourbon lors du retour de la Sainte Couronne d’Epines et des reliques de la Passion en la basilique-cathédrale Notre-Dame de Paris après la restauration de la cathédrale > ici
-

Exposition de la Sainte Couronne  d'épines - blogue

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