2025-65. Les saintes reliques des instruments de la Passion à Notre-Dame de Paris.
Vendredi de la 2ème semaine de Carême,
Fête des Saints Clous et de la Sainte Lance de la Passion (cf. > ici et > ici).
Nous reproduisons ci-dessous dans son intégralité (et en conservant la graphie originelle) une « Notice abrégée sur les reliques et les instruments de la Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ qui se conservent aujourd’hui dans le trésor de l’église métropolitaine de Paris », qui est le résumé d’une autre notice, plus développée, « publiée, avec les pièces justificatives, par ordre de Mgr l’Archevêque – 1 vol. in-8°, orné de cinq gravures en taille-douce : prix, 3 francs, chez Adrien Le Clère et Cie », que – malheureusement – nous ne possédons pas.
Le texte publié ci-dessous, lui, se trouve en introduction d’un ouvrage intitulé « Exercice de dévotion en l’honneur de la Passion de N.S. Jésus-Christ et de la compassion de la Ste Vierge, établi dans l’église métropolitaine de Paris et dans les paroisses du diocèse pour les vendredis du carême » [nouvelle édition - chez Adrien Le Clère éditeur, Paris - 1846].
Basilique cathédrale Notre-Dame de Paris
exposition de la Sainte Couronne d’Epines avec une parcelle de la Croix et un Clou de la Passion
« Les principales Reliques de la Passion de notre Seigneur Jésus-Christ qui se conservent aujourd’hui dans le trésor de l’Eglise Métropolitaine de Paris, sont : 1° plusieurs portions considérables de la vraie Croix ; 2° la sainte Couronne d’épines ; 3° deux portions considérables des Clous qui ont servi au crucifiement.
I. Du bois sacré de la Croix.
I. Découverte miraculeuse de la sainte Croix, sous l’empereur Constantin.
La Croix de notre Seigneur Jésus-Christ, après avoir été longtemps inconnue aux hommes, fut miraculeusement découverte sous l’empereur Constantin, l’an 326 de l’ère- chrétienne. Voici comment le fait est rapporté par les auteurs contemporains.
Depuis l’empereur Adrien, les païens n’avoient rien oublié pour profaner les saints lieux consacrés par les mystères de la vie et de la Passion de Notre-Seigneur. Ils avoient fait du Calvaire en particulier un lieu d’idolâtrie et de superstition. Ils avoient comblé la grotte du saint Sépulcre, élevé une grande terrasse au-dessus, et bâti en cet endroit un temple à Vénus, afin que les chrétiens parussent adorer cette fausse divinité, lorsqu’ils viendroient y rendre leur culte à Jésus-Christ.
Constantin, résolu de rétablir l’honneur de ce saint lieu, donna ordre d’y construire une église.
Il écrivit pour cet objet à saint Macaire, évêque de Jérusalem, et à Dracilien, gouverneur de la province, leur recommandant de ne rien négliger pour la magnificence de l’édifice.
Sainte Hélène, mère de l’Empereur, et convertie au christianisme par ses soins, voulut se charger elle-même de veiller à l’exécution. Elle se transporta donc à Jérusalem, vers la fin de l’année 326, s’informa exactement de l’endroit où Jésus-Christ avoit été crucifié, et de toutes les autres circonstances de sa Passion. D’après ces informations, elle fit abattre l’idole et le temple de Vénus qui profanoient les lieux consacrés par la mort et la résurrection du Sauveur. On enleva ensuite les terres, et l’on creusa si avant, que l’on découvrit enfin le saint Sépulcre. On trouva aussi tout auprès trois croix de même grandeur et de même forme, avec les clous qui avoient percé les pieds et les mains du Sauveur, et le titre qui avoit été attaché au haut de sa croix. Il étoit naturel de penser que l’une des trois croix étoit celle qu’on cherchoit, et que les deux autres étoient celles des malfaiteurs au milieu desquels Jésus-Christ avoit été crucifié. Mais on ne savoit comment les distinguer, le titre étant, à ce qu’il paroît, séparé des trois croix. Dans cet embarras, on consulta saint Macaire, évêque de Jérusalem, à qui Dieu inspira un moyen de lever la difficulté : et il se fit à cette occasion un miracle dont les circonstances furent si éclatantes et si publiques, qu’elles ne laissèrent plus aucun doute sur celle des trois croix qui avoit servi d’instrument au salut du monde.
Agnolo Gaddi (1350-1396) : la découverte de la Sainte Croix -1385-87)
Basilique Sainte-Croix, à Florence
II. Ce que devint la Croix de Jésus-Christ depuis sa découverte miraculeuse.
La pieuse impératrice, ravie de joie d’avoir trouvé le riche trésor qu’elle souhaitoit si ardemment, le partagea en deux parties principales, dont elle envoya l’une à l’empereur son fils, et laissa l’autre à Jérusalem. Elle fit enchâsser cette dernière portion, qui étoit la plus considérable, dans une boîte d’argent, qu’elle remit entre les mains de saint Macaire, patriarche de Jérusalem, pour conserver à la postérité ce précieux monument du grand mystère de la rédemption des hommes. On le garda soigneusement dans l’Eglise du saint Sépulcre, qui fut alors bâtie avec toute la magnificence dont nous avons parlé plus haut ; et où l’on accourut bientôt de tous côtés pour vénérer ce bois sacré. Les pèlerins les plus distingués regardoient comme une insigne faveur d’en obtenir quelque parcelle. L’évêque seul avoit le pouvoir d’accorder cette grâce ; mais il l’accordoit dès ces premiers temps à un si grand nombre de personnes, qu’au témoignage de saint Cyrille de Jérusalem, qui écrivoit environ vingt-cinq ans après la découverte de la sainte Croix, ce précieux trésor fut en peu de temps répandu par tout le monde.
Constantin de son côté reçut avec beaucoup de vénération la partie du bois sacré que sa pieuse mère lui avoit envoyée ; et aussitôt qu’on eut achevé la nouvelle ville de Constantinople, c’est-à-dire, vers l’an 33o, il fit mettre une portion de la sainte Relique dans sa statue élevée au milieu de la grande place sur une colonne de porphyre, persuadé que ce pieux monument seroit, pour la ville impériale, une sauvegarde assurée contre toutes sortes de dangers. Le concours des pèlerins pour vénérer la sainte Croix n’étoit guère moindre à Constantinople qu’à Jérusalem ; et les empereurs chrétiens, à l’exemple des Patriarches de Jérusalem, ne faisoient pas difficulté d’en accorder assez souvent quelques portions à d’illustres personnages.
Constantin lui-même en fit porter un morceau considérable à Rome, pour être placé dans l’église de Sainte-Croix de Jérusalem, qui fut bâtie à cette époque.
Environ trois siècles après la découverte miraculeuse de la sainte Croix, la ville de Jérusalem eut la douleur de se voir privée pour un temps de la sainte Relique, qu’elle regardoit comme son plus précieux trésor. Chosroès, roi des Perses, ayant pris cette ville, emporta avec lui toutes ses richesses, qui consistoient principalement en vases sacrés et en reliques. Parmi celles-ci, étoient plusieurs morceaux de la vraie Croix, enfermés dans une boîte d’argent sous le sceau du patriarche de Jérusalem, et qui demeurèrent ainsi au pouvoir des Perses pendant l’espace de quatorze ans. Mais après la mort de Chosroès, Héraclius les recouvra des mains de Siroès, son fils et son successeur, par un traité de paix qu’il fit avec lui l’an 628. A cette époque, on trouva la sainte Relique dans l’état où elle avoit été enlevée, les Perses n’ayant pas même ouvert la boîte qui la renfermoit, comme on s’en assura par l’inspection des sceaux qui furent trouvés entiers.
Palma le Jeune (vers 1548-1628) :
Héraclius rapportant la Croix au Mont Calvaire (vers 1620-1625),
église Santa Maria Assunta, Venise.
Après cette vérification, la sainte Croix fut solennellement replacée dans l’église du Saint-Sépulcre. L’empereur lui-même voulut porter sur ses épaules et nu-pieds, jusqu’au sommet du Calvaire, le bois sacré qu’il regardoit comme le plus glorieux trophée de ses victoires. Cette imposante cérémonie fut un sujet de joie pour toute l’Eglise, qui en célèbre encore la mémoire le 14 septembre, jour de l’Exaltation de la sainte Croix.
L’apparition miraculeuse de la sainte Croix à Constantin , et la découverte de la Croix par sainte Hélène, avoient déjà fait établir cette fête, qui devint beaucoup plus solennelle depuis l’événement important que nous venons de rapporter.
Les différentes portions de la vraie Croix que l’on a vénérées dans les diverses églises de la chrétienté, depuis la découverte de ce bois sacré, y sont venues, directement ou indirectement, de l’une des deux grandes églises de Jérusalem ou de Constantinople.
Parmi les nombreuses reliques de ce genre que la France possédoit avant la révolution, la principale se conservoit à la Sainte-Chapelle de Paris, où elle avoit été apportée de Constantinople en 1241. L’empereur Baudouin II, ayant été réduit à la triste nécessité d’engager aux Templiers plusieurs morceaux considérables de la vraie Croix, avec d’autres reliques de la chapelle impériale, pour remplir le vide occasionné dans son trésor par le fléau de la guerre, saint Louis, instruit de la résolution qu’il avoit prise, lui envoya des personnes de confiance, avec l’argent nécessaire pour retirer ces précieux objets.
Ils furent apportés en France en 1241, et solennellement transférés dans la chapelle du Palais, le 14 septembre de la même année. L’église de Paris célèbre encore aujourd’hui la mémoire de cette translation le 14 septembre, jour même de l’Exaltation de la sainte Croix.
Paris, la Sainte Chapelle :
le ciborium sous lequel était placée la Grande Châsse
qui renfermait, entre autres, les reliques de la Passion.
III. Origine des portions considérables de la vraie croix qui se conservent aujourd’hui dans l’Eglise métropolitaine de Paris.
L’Eglise métropolitaine de Paris possède aujourd’hui plusieurs portions considérables de la vraie Croix, dont nous allons exposer en peu de mots l’origine.
1) La première est la vraie Croix d’Anseau, ainsi nommée parce qu’elle fut envoyée en à l’évêque et au Chapitre de Paris, par un ancien chanoine de cette Eglise, nommé Anselle ou Anseau, alors grand-chantre de l’Eglise du Saint-Sépulcre de Jérusalem. Anseau lui-même, dans les lettres qu’il écrivit à Galon, évêque de Paris, et à son chapitre, en leur envoyant cette précieuse Relique , nous apprend qu’il la tenoit immédiatement de la supérieure des religieuses Géorgiennes de Jérusalem, qui, avant de venir habiter cette ville, avoit été mariée à David, roi de Géorgie. Cette pieuse reine, en quittant sa patrie après la mort de son époux, avoit emporté avec elle une partie de ses trésors, et spécialement la portion de la vraie Croix dont il s’agit, et qui provenoit de la partie du bois sacré que sainte Hélène avoit laissée à Jérusalem.
Anseau envoya donc à l’évêque et au chapitre de Paris ce riche présent par un clerc de cette Eglise nommé Anselme. Celui-ci étant arrivé à Fontenay, près Bagneux, fit avertir de son arrivée l’évêque et les chanoines, qui se rendirent auprès de lui, et accompagnèrent solennellement la sainte Relique dans l’Eglise de Saint-Cloud, où ils la déposèrent le vendredi 3o juillet 1109. De là ils la transportèrent avec beaucoup de pompe, le dimanche suivant, dans l’Eglise cathédrale. Les évêques de Meaux et de Senlis , avec les processions des paroisses voisines, assistèrent à cette translation, dont l’Eglise de Paris célèbre encore aujourd’hui la mémoire le premier dimanche du mois d’août, jour de la Susception de la sainte Croix.
En 1793 , lorsque la Municipalité de Paris eut fait enlever les objets précieux qui se conservoient dans le trésor de l’Eglise métropolitaine, M. Guyot de Sainte-Hélène, alors président du Comité révolutionnaire de la section de la Cité, obtint la permission de garder la Croix d’Anseau, qu’il partagea avec M. l’abbé Duflost, gardien au trésor de Notre-Dame. De la partie qu’il s’étoit réservée, M. Guyot de Sainte-Hélène forma depuis quatre croix différentes, dont trois seulement ont été rendues jusqu’ici à l’Eglise métropolitaine.
Avant cette Restitution, M. Guyot de Sainte-Hélène eut la précaution de faire reconnoitre les débris de l’ancienne Croix d’Anseau par plusieurs anciens chanoines et dignitaires de la Métropole, et spécialement par un ancien trésorier du Chapitre, qui avoit des notions exactes sur la sainte Relique et de toutes les circonstances qui pouvoient servir à en attester la conservation. Ce ne fut qu’après ces précautions que Mgr le cardinal de Belloy, archevêque de Paris, prononça lui-même en 18o3 l’authenticité des trois croix rendues à la Métropole, et permit de les exposer de nouveau à la vénération des fidèles.
- Paul Brunet (actif 1871-1913) d’après Jules Astruc (1862-1955) :
Croix du reliquaire de la Vraie Croix de Saint-Claude avec fragments de la croix d’Anseau (1900).
- François Isaac Bertrand, dit Bertrand-Paraud (1774-1832) :
Croix reliquaire avec parcelles du bois de la Croix et de la Couronne d’épines (vers 1820 et entre 1843 et 1869 pour le pied).
- Maurice Poussielgue-Rusand (1861-1933) :
Monstrance avec portion de la croix d’Anseau (1901).
2) Parmi les différentes portions de la vraie Croix qui se conservent aujourd’hui dans le trésor de l’Eglise métropolitaine, la plus considérable provient de la riche collection des Reliques de la Passion de Notre-Seigneur, conservées autrefois à la Sainte-Chapelle de Paris.
A l’époque de la révolution, l’Assemblée nationale ayant supprimé tous les chapitres, la Municipalité de Paris fit mettre les scellés sur le trésor de la Sainte-Chapelle ; mais bientôt après, Louis XVI, voulant pourvoir à la conservation des saintes Reliques, donna ordre à M. Gilbert de la Chapelle, conseiller du Roi en ses conseils, de les retirer du trésor de la Sainte-Chapelle, et de les transporter provisoirement à l’abbaye de Saint-Denis. Cet ordre fut exécuté le 12 mars 1791, par M. de la Chapelle et M. l’abbé de Fénelon, aumônier du Roi, en présence de M. le président de la Chambre des Comptes, de M. Lourdet, commissaire particulier de ladite Chambre pour la Sainte-Chapelle de Paris, et du trésorier de la même Eglise. Les commissaires de la municipalité de Paris y furent aussi appelés pour reconnoitre et lever les scellés qu’ils y avoient mis.
Au sortir de la Sainte-Chapelle, M. l’abbé de Fénelon et M. de la Chapelle allèrent au château des Tuileries pour montrer les Reliques au Roi, qui avoit demandé à les voir ; et le même jour, ils les transportèrent et les déposèrent au trésor de l’abbaye de Saint-Denis, où elles demeurèrent jusqu’au lundi 11 novembre 1793. Dans la nuit qui suivit ce jour, les saintes Reliques furent enlevées par la Municipalité de Saint-Denis, et apportées à Paris, pour en faire hommage à la Convention, suivant l’expression du temps, comme d’objets servant d’aliment à la superstition. La Convention envoya les Reliques à son Comité des Inspecteurs de la salle, qui chargea un de ses membres, nommé Sergent, de les porter à l’Hôtel des Monnoies. Là on brisa les reliquaires, qui, aux yeux d’un gouvernement impie, étoient la partie la plus précieuse des richesses enlevées aux églises ; après quoi on fit porter les Reliques à la Commission temporaire des Arts, qui fut alors établie pour examiner les objets enlevés aux divers établissemens publics, et pour faire le discernement de ceux qui méritoient d’être conservés.
Ce fut pendant cet examen que M. Jean Bonvoisin, peintre, membre de la Commission, eut le bonheur de sauver en grande partie la portion de la vraie Croix que l’on avoit coutume d’exposer en certains jours à l’adoration des fidèles dans l’église de la Sainte-Chapelle. Comme on paroissoit faire très-peu de cas de ces objets sacrés, dépouillés de leurs riches ornemens, M. Bonvoisin eut la liberté de prendre sur la table où ils étoient rassemblés, la précieuse Relique dont nous venons de parler. Il s’empressa de la porter à sa mère, qui étoit une dame recommandable par sa piété, et qui, après l’avoir conservée religieusement pendant la révolution, se fit un devoir de la remettre en 1804 au Chapitre de Paris. M. Bonvoisin et sa pieuse mère attestèrent depuis avec serment, chacun pour ce qui les concernoit, la vérité des faits que nous venons de rapporter.
D’après cette déclaration , qui eut lieu le 13 avril 1808, Mgr le cardinal de Belloy, alors archevêque de Paris, fit enfermer, avec toutes les précautions convenables, cette précieuse portion de la vraie Croix dans le reliquaire de cristal où on la voit aujourd’hui.
Placide Poussielgue-Rusand (1824-1889) d’après Eugène Viollet-le-Duc (1814-1879) :
Reliquaire réalisé pour exposer ensemble le saint Clou et le bois de la Croix (1862).
3) L’Eglise métropolitaine a été enrichie, à la fin de l’année dernière, d’une nouvelle portion de la vraie Croix, non moins authentique que celles dont nous venons de parler. C’est de la Croix palatine, ainsi appelée parce qu’elle a autrefois appartenu à Anne de Gonzague de Clèves, princesse palatine, qui la laissa par testament à l’église de l’abbaye de Saint-Germain des Prés, à Paris (note : La princesse palatine dont il est ici question est la même dont Bossuet prononça l’oraison funèbre en 1685).
Voici ce qu’on lit à ce sujet dans l’Histoire de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, publiée en 1724, par dom Bouillart : « L’église de l’Abbaye fut enrichie en 1684 de plusieurs Reliques très-considérables que Mme Anne de Gonzague de Clèyes, princesse de Mantoue et de Montferrat, veuve du prince Edouard de Bavière, prince Palatin du Rhin , lui avoit laissées par son testament, en date du 8 juin 1683, dont voici le contenu : Je donne le Clou de Notre-Seigneur, avec Il tous les papiers qui en autorisent la vérité et la permission de l’adorer, aux Pères Bénédictins de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés. Je donne encore ma croix de pierreries avec la sainte vraie Croix, que j’atteste avoir vue dans les flammes sans brûler. Cette Croix est double comme celles de Jérusalem, et il y a une double Croix d’or avec des gravures de lettres grecques. Je donne encore à l’abbaye de Saint-Germain les Reliques que j’ai de saint Casimir, etc. etc. »
Ces Reliques , et les lettres authentiques qui en prouvent la vérité, avoient été examinées en 1673 par le sieur Benjamin, grand-vicaire du diocèse de Paris, chargé de cette commission par M. de Harlay, archevêque de Paris. Nonobstant cela, dom Claude Bretagne, prieur de l’Abbaye, fut encore délégué par le même archevêque, pour procéder à une seconde vérification, qu’il fit le 22 septembre de la présente année 1684. Les exécuteurs testamentaires lui remirent les Reliques entre les mains, et après les avoir examinées, dom Jean Barré les reçut au nom des religieux de Saint-Germain, qui l’avoient chargé de leur procuration. On lui donna aussi le procès-verbal du sieur Benjamin, où il est fait mention des mêmes Reliques et des papiers qui en certifient la vérité.
Ce qu’il y a de plus remarquable dans la Croix dont nous venons de parler, c’est une inscription grecque qui se lit dans le revers, laquelle est composée de deux vers iambiques, dont le premier et la moitié du second sont sur la ligne droite, et l’autre moitié sur le travers du grand croisillon. Sur le petit il y a d’un côté IHS, c’est à-dire Jésus, et de l’autre, Xpistôs, c’est-à-dire Christus.
Le nom de Manuel Comnène, empereur de Constantinople, qui y est inséré, fait certainement connoître que cette Croix vient de lui. L’on prétend qu’il en fit présent à un prince de Pologne, et qu’elle a été conservée précieusement dans le trésor de la couronne.
On en peut voir la gravure dans l’Histoire de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés.
Jean-Pierre Famechon (1787-1856) d’après Adrien Louis Lusson (1784-1864) :
Reliquaire de la « Croix Palatine » (1827-1828).
Cette Croix est haute de huit pouces, sans y comprendre son pied de vermeil de pareille hauteur, et orné de pierreries en divers endroits.
Elle a deux travers, comme les croix de Jérusalem, qui sont remplis de bois de la vraie Croix.
Elle est bordée partout de diamans et d’améthystes.
La princesse palatine l’avoit reçue en présent de Jean-Casimir, roi de Pologne, qui l’avoit tirée du trésor de la couronne, et apportée avec lui lorsqu’il se retira en France.
Il se trouve peu de portions de la vraie Croix plus considérables et mieux attestées ; car, outre les procès-verbaux et les autres titres, vus et examinés par le sieur Benjamin, les lettres grecques marquent l’antiquité de l’inscription et la vérité de la Relique.
Ce qui l’autorise encore davantage, c’est le miracle évident dont parle la princesse dans son testament, et qu’elle témoigna en mourant avoir vu de ses yeux, que cette Croix ayant été jetée dans le feu, y resta du temps sans en recevoir aucun dommage.
Madame la duchesse de Brunswick, fille de madame la princesse palatine, a aussi assuré que ce prodige étoit arrivé en présence de plusieurs princes et princesses, et de quelques personnes de qualité.
Des Reliques si considérables laissées à l’abbaye Saint-Germain par une si pieuse princesse, et délivrées avec l’agrément et par les ordres de mesdames les duchesses d’Anguien et de Brunswick, demandoient qu’on les transférât de l’hôtel de la princesse à l’église de l’Abbaye avec toute la solennité convenable.
Le jour de saint Michel, 29 septembre, fut choisi pour cette cérémonie. Le Père dom Claude Bretagne, prieur de Saint-Germain, supplia, au nom de la communauté, M. de Harlay, archevêque de Paris, de faire cette translation par une procession solennelle. Tout le clergé séculier ou régulier du faubourg y assista ; les religieux de l’Abbaye tinrent le chœur, et M. l’Archevêque, revêtu de ses habits pontificaux, officia. Quand la procession fut arrivée dans l’église de l’abbaye, les saintes Reliques furent déposées sur un petit autel préparé au milieu du sanctuaire ; puis il entonna le Te Deum, qui fut chanté par les religieux, et à la fin il donna la bénédiction.
La « Croix Palatine » – détail.
A l’époque de la révolution, c’est-à-dire au mois de novembre 1793, huit jours avant la spoliation du trésor de l’Abbaye, M. Roussineau, ancien curé de la Sainte-Chapelle de Paris, alors curé constitutionnel de l’église de Saint-Germain-des-Prés, et qui revint ensuite un des premiers à l’unité catholique, retira ces précieux objets du riche reliquaire où ils étoient enchâssés, et les enveloppa soigneusement de rubans scellés de son sceau, et de celui de dom Lièble, prêtre, ancien maître des cérémonies et bibliothécaire de l’Abbaye.
Non content de ces précautions, il fit reconnoître ces objets en 1797 par M. de Dampierre, vicaire-général de Paris, et aujourd’hui évêque de Clermont. Après cette vérification, M. de Dampierre renferma les saintes Reliques dans une boîte de bois, qu’il scella des sceaux de M. de Juigné, alors archevêque de Paris.
Cette boîte ainsi scellée fut conservée depuis par M. Roussinau, jusqu’à sa mort, qui arriva le 2 octobre 1827 à Dourdan, diocèse de Versailles, où il étoit curé. Il avoit plusieurs fois manifesté le désir de remettre cette boîte à M. de Quelen, archevêque de Paris, et elle lui fut en effet remise par ses héritiers le 25 octobre du même mois, scellée des mêmes sceaux de M. de Juigué, que M. de Dampierre y avoit apposés en 1797.
M. l’archevêque de Paris, après avoir vérifié les sceaux, les avoir reconnus sains et entiers, a de nouveau constaté l’authenticité de la Relique : il l’a ensuite fait placer dans une riche croix de vermeil élégamment travaillée, fermée de deux cristaux, en sorte que l’on peut distinguer parfaitement d’un côté le bois de la vraie Croix, et de l’autre les lames d’or dont elle est demeurée revêtue, ainsi que l’antique inscription grecque qui se lit sur le revers.
Le 22 février 1828, jour de la fête des Cinq Plaies de Notre-Seigneur, on fit une translation solennelle de cette précieuse Relique dans l’église de Notre-Dame, où elle fut confiée à la garde du Chapitre métropolitain.
Hyacinthe Louis de Quelen (1778-1839)
archevêque de Paris
sous le pontificat duquel la plupart des reliques de la Passion
rejoignirent le trésor de Notre-Dame
II. De la Sainte Couronne d’Epines.
I. Histoire de la sainte Couronne d’Épines avant la révolution.
Ce fut en 1238 que Baudouin II, empereur de Constantinople, fit don à saint Louis de cette insigne Relique, qui se conservoit de temps immémorial dans la chapelle des empereurs grecs. Etant venu en France pour chercher du secours contre les Bulgares, il apprit que ses ministres, pour subvenir aux besoins extrêmes de l’Empire, songeoient à engager la sainte Couronne à des étrangers. A cette nouvelle, soit qu’il se piquât de générosité pour les bienfaits dont saint Louis l’avoit déjà comblé, soit qu’il espérât qu’un si riche présent lui attireroit infailliblement de nouvelles marques de la munificence du saint Roi, il le supplia de vouloir bien accepter la sainte Couronne. « Je sais certainement, lui dit-il, que les seigneurs enfermés dans Constantinople sont réduits à une telle extrémité, qu’ils seront obligés de vendre la sainte Couronne à des étrangers, ou du moins de la donner en gage. C’est pourquoi je désire ardemment de vous faire passer ce précieux trésor, à vous, mon cousin, mon seigneur et mon bienfaiteur, et au royaume de France, ma patrie. Je vous prie donc de vouloir bien le recevoir en pur don ».
Saint Louis accepta cette offre avec tout l’empressement d’une piété aussi tendre que solide et généreuse, et il ne perdit pas un moment pour s’assurer un dépôt si précieux, qui pouvoit lui être enlevé par divers contre-temps. Il envoya aussitôt à Constantinople deux religieux Dominicains, Jacques et André, dont l’un ayant été prieur dans un couvent de cette ville, avoit vu plus d’une fois la sainte Couronne, et étoit bien instruit de tout ce qui la concernoit.
Baudoin fit partir avec eux un de ses officiers, avec des lettres patentes par lesquelles il ordonnoit aux seigneurs de délivrer la sainte Relique aux envoyés du Roi.
Ceux-ci, étant arrivés à Constantinople, trouvèrent que les ministres de l’Empereur, pressés par une extrême nécessité, avoient déjà engagé la sainte Couronne aux Vénitiens, pour une grosse somme d’argent, à condition que, si on ne la retiroit de leurs mains dans le terme convenu, qui étoit assez court, elle appartiendroit aux Vénitiens, et qu’en attendant elle seroit transportée à Venise.
Les ministres de l’empereur, ayant lu ses lettres, convinrent avec les Vénitiens que la sainte Couronne seroit portée à Venise par les envoyés du Roi, accompagnés des ambassadeurs et des principaux citoyens de Constantinople ; qu’étant arrivés à Venise , les envoyés du Roi paieroient aux Vénitiens les sommes convenues, et se chargeroient ensuite de transporter en France le sacré dépôt.
La Sainte Couronne d’Epines dans son actuel reliquaire de cristal
Avant de quitter Constantinople, toutes les précautions furent prises pour constater l’authenticité et la conservation de la sainte Relique. La caisse qui la renfermoit fut scellée des sceaux des seigneurs français. La confiance de ceux qui devoient la transporter éleva leur âme au-dessus de la crainte de tous les périls ; car ils ne firent pas difficulté de s’embarquer vers Noël de l’année 1238, c’est-à-dire, dans la saison la moins propre à la navigation. Cette confiance fut pleinement justifiée, et le danger des tempêtes ne fut pas le seul auquel ils échappèrent heureusement. L’empereur grec Vatace, étant instruit de cette translation, mit en mer plusieurs galères pour surprendre le vaisseau des Latins avec le sacré dépôt qu’il portoit ; mais la main qui le conservoit depuis tant de siècles le fit arriver à Venise sans aucun fâcheux accident.
Aussitôt qu’on y fut arrivé, on déposa la sainte Couronne dans le trésor de la chapelle de Saint-Marc.
André, l’un des envoyés de saint Louis, resta pour la garder, tandis que Jacques, son compagnon, se rendit promptement auprès du Roi, pour l’informer de l’état des choses.
Le religieux monarque, ravi de joie à cette nouvelle, ne balança point à confirmer l’accord fait avec les Vénitiens ; et de concert avec l’empereur Baudouin, il renvoya Jacques à Venise, avec des ambassadeurs chargés d’ordonner aux marchands français qui se trouvoient dans cette ville, de payer les sommes promises.
Sa précaution alla jusqu’à demander à Frédéric, empereur d’Allemagne, une escorte pour protéger le transport de la sainte Couronne en France. Les Vénitiens eussent bien voulu s’y opposer ; mais, ne pouvant aller contre le traité, ils consentirent à l’exécution, et les ambassadeurs du Roi, ayant reconnu les sceaux, reprirent le chemin de la France.
Gauthier, archevêque de Sens, que le Roi chargea dans la suite d’écrire l’histoire de cette translation, rapporte à ce sujet une particularité que nous ne devons pas omettre : c’est que, pendant tout ce voyage il ne tomba pas une seule goutte d’eau sur ceux qui portoient ou qui accompagnoient la sainte Relique, quoique le ciel fût extrêmement chargé, et qu’il plut très souvent, lorsqu’ils étoient arrivés aux lieux où ils devoient s’arrêter.
Quand ils furent à Troyes en Champagne, ils en donnèrent avis au roi, qui partit en diligence, accompagné de la Reine sa mère, des princes ses frères, de plusieurs prélats et seigneurs de sa cour.
Saint Louis portant la Sainte Couronne d’Epines à Notre-Dame de Paris le 19 août 1239
[gravure de Jules David (1860) colorisée en 2012 par Jérôme Dumoux]
Ce fut le 10 août 1239, jour de saint Laurent, qu’on rencontra la sainte Couronne, à Villeneuve-l’Archevêque, à cinq lieues de Sens. On ouvrit d’abord la caisse de bois qui renfermoit la sainte Relique, et l’on en vérifia les sceaux, avec les actes qui en établissoient l’authenticité. On ouvrit ensuite la châsse d’argent, puis le vase d’or qui renfermoit la sainte Couronne, et on la fit voir au Roi et à tous les assistans.
L’archevêque de Sens, qui étoit présent, dit qu’on se figureroit difficilement les vives émotions que le Roi, la Reine, et tant d’illustres personnages qui assistoient à l’ouverture de la châsse, éprouvèrent en ce moment, par l’impression religieuse que ce spectacle excitoit dans leurs âmes.
Le lendemain, onzième jour d’août, la Relique fut portée à Sens. A l’entrée de la ville, le Roi et Robert son frère, comte d’Artois, la prirent sur leurs épaules, étant l’un et l’autre nu-pieds, et vêtus d une simple robe de laine. Ils étoient suivis des prélats et des seigneurs, qui marchoient aussi nu-pieds. Un clergé nombreux les précédoit avec les Reliques des églises voisines, et environné d’un peuple infini qui ne respiroit que la modestie et la componction. On eût dit que les sentimens du Roi avoient passé dans tous les assistans. On porta ainsi la sainte Couronne à l’Eglise métropolitaine, où elle fut exposée le reste du jour à la vénération du peuple.
Le lendemain, le Roi partit pour Paris, où se fit, huit jours après, la réception solennelle de la sainte Relique. On avoit dressé dans la campagne, près l’église de Saint Antoine, une estrade fort élevée, d’où l’on montra la châsse à tout le peuple.
Le Roi et son frère la portèrent ensuite sur leurs épaules à l’Eglise cathédrale, avec les mêmes marques d’humilité et de respect qu’ils avoient fait à Sens. Après avoir chanté l’office, on alla déposer la châsse dans la chapelle du Palais, qui étoit alors sous l’invocation de saint Nicolas. Depuis cette époque, l’Eglise de Paris célèbre chaque année la mémoire de cette translation solennelle le onzième jour d’août.
Placide Poussielgue-Rusand (1824-1889) d’après Eugène Viollet-le-Duc (1814-1879) :
Reliquaire réalisé pour la Sainte Couronne d’Epines en 1862.
II. Histoire de la sainte Couronne d’épines depuis la révolution.
On a vu plus haut qu’à l’époque de la révolution, les Reliques de la Sainte-Chapelle, après avoir été d’abord portées à Saint-Denis, au mois de mars 1791, avoient été transférées, en 1793, à l’Hôtel des Monnoies. Là on dépouilla la sainte Couronne de son reliquaire ; on la rompit en trois parties à peu près égales, et on en porta les débris, avec les autres Reliques de la Sainte-Chapelle et de Saint-Denis, à la Commission temporaire des Arts, où ils furent mis sous la garde du secrétaire de cette Commission, nommé Oudry. Ce fut des mains de ce dernier que l’abbé Barthélemy, un des conservateurs des médailles antiques de la Bibliothèque nationale, obtint, en 1794, les débris de la sainte Couronne, pour les conserver parmi les objets confiés à sa garde.
La sainte Couronne demeura ainsi à la Bibliothèque nationale jusqu’au mois d’octobre 1804. A cette époque, Mgr le cardinal de Belloy, archevêque de Paris, ayant été bien instruit de tous ces détails, et jugeant les circonstances favorables pour réclamer la sainte Couronne, avec plusieurs autres Reliques déposées dans le même établissement, s’adressa pour cet objet à M. Portalis, alors ministre des cultes, et en même temps ministre de l’intérieur par intérim.
Celui-ci donna ordre à M. Millin, conservateur des médailles antiques, de remettre les Reliques à l’église Notre-Dame, et M. Millin les remit en effet, le 26 octobre 18o4, à M. l’abbé d’Astros, grand-vicaire de Paris, maintenant évêque de Bayonne.
Après le recouvrement de cette précieuse Relique, M. l’archevêque de Paris, avant de l’exposer de nouveau à la vénération publique, se procura tous les renseignemens propres à en certifier la conservation.
Le transport de la sainte Couronne à Saint-Denis en 1791, et l’identité de la couronne remise en 1804 avec celle qui avoit été déposée en 1791 au trésor de l’abbaye de Saint-Denis, furent établis par les témoignages uniformes de plusieurs personnes d’une sagesse et d’une probité à l’abri de tout soupçon.
Tant de témoignages réunis ayant pleinement dissipé tous les doutes, et ne permettant même plus de former à ce sujet la moindre difficulté, Mgr le cardinal de Belloy ne balança plus à rendre à la vénération publique une Relique si précieuse, et elle fut transférée avec une grande pompe dans l’église de Notre-Dame, le dimanche 10 août 1806.
Jean-Charles Cahier (1772-1857) :
Châsse reliquaire de la sainte Couronne d’Epines réalisée en 1806
pour la restitution de la relique
III. Des Clous qui ont percé les pieds et les mains du Sauveur.
On a vu plus haut que sainte Hélène avoit trouvé, avec la Croix de Jésus-Christ, les Clous qui avoient servi à le crucifier. Les auteurs contemporains qui rapportent ce fait ne disent pas quel étoit le nombre des clous ; mais on convient généralement qu’il n’y en avoit pas moins de trois, et plusieurs savans, qui ont soigneusement examiné cette question, pensent qu’il devoit y en avoir quatre, soit parce que les plus anciennes images du crucifix représentent le Sauveur attaché à la Croix avec quatre clous, soit parce qu’il seroit difficile de supposer que les deux pieds eussent été attachés à la Croix avec un seul clou, sans qu’il se brisât quelqu’un des os ; ce qui seroit contraire à cette parole de l’Ecriture : Vous ne briserez aucun de ses os.
L’Eglise métropolitaine de Paris possède aujourd’hui deux portions différentes des saints Clous ; l’une provenant du trésor de l’ancienne abbaye de Saint-Denis, et l’autre du trésor de l’abbaye Saint-Germain-des-Prés.
1) Une tradition très-ancienne regardoit le premier comme un présent fait à l’abbaye de Saint-Denis par l’empereur Charles-le-Chauve, qui l’avoit tiré d’Aix la Chapelle.
Cette tradition, qui remonte bien au-delà du dixième siècle, est d’ailleurs confirmée par l’histoire, qui nous apprend que la chapelle de Charlemagne avoit été enrichie de plusieurs précieuses Reliques de la Passion de Notre-Seigneur, dont le patriarche de Jérusalem lui avoit fait présent.
Quoi qu’il en soit de l’ancienneté de cette tradition, il est constant par l’histoire que le saint Clou conservé de temps immémorial à Saint-Denis, s’y voyoit encore à l’époque de la révolution, dans un magnifique reliquaire, dont on peut voir le dessin dans l’Histoire de l’abbaye de Saint-Denis par Félibien, p. 537.
En 1793, le saint Clou ayant été apporté à Paris avec tes autres objets de ce genre provenant du trésor de l’abbaye de Saint-Denis, fut présenté à la Commission temporaire des Arts, dont nous avons déjà parlé. M. Le Lièvre, membre de l’Institut et inspecteur-général des mines, qui faisoit partie de cette commission, obtint la permission de prendre le saint Clou, comme un objet de minéralogie, qu’il vouloit examiner et analyser. L’ayant par ce moyen sauvé de la destruction et de la profanation, ainsi que plusieurs morceaux de la vraie Croix, qu’il lui fut aussi permis d’emporter, et qu’il partagea entre plusieurs personnes, il le conserva soigneusement jusqu’au mois d’avril 1824 ; à cette époque il le remit à M. l’archevêque de Paris, en lui assurant avec serment que c’étoit véritablement le saint Clou provenant du trésor de l’abbaye de Saint-Denis, qu’il avoit ainsi sauvé de la profanation en 1793. D’après ce témoignage, et d’après les enquêtes et examens préalables, M. l’archevêque reconnut la sainte Relique, et la fit placer dans le reliquaire où on la voit aujourd’hui.
Saint Clou de Notre-Dame de Paris
qui appartenait au trésor de l’abbaye de Saint-Denis avant la révolution
2) Nous avons aussi rapporté plus haut l’origine du saint Clou provenant de l’abbaye Saint-Germain-des-Prés.
Il avoit été légué en 1684 à cette abbaye par la princesse Palatine, qui l’avoit reçu, quelques années auparavant, du roi de Pologne Jean-Casimir. Ce prince lui-même l’avoit tiré du trésor de sa couronne, avec le morceau de la vraie Croix dont nous avons parlé ailleurs.
Voici ce qu’on lit en particulier sur le saint Clou dans l’Histoire de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés : « La pointe d’un des clous dont notre Seigneur Jésus-Christ fut attaché à la croix, n’est pas moins avérée. Elle venoit aussi du trésor de la couronne de Pologne, et le roi Jean-Casimir, qui l’avoit apportée avec lui en France, en avoit gratifié la princesse Palatine. Le roi Michel, son successeur, le lui redemanda, comme une relique appartenant à sa couronne, et lui fit même des offres très-considérables ; mais la princesse en faisoit plus d’estime que de toutes les richesses du monde, et elle abandonna sans peine ces avantages temporels pour conserver un si précieux trésor ».
Le saint Clou fut examiné et reconnu avec la vraie Croix en 1673 et en 1674 par les vicaires généraux de Paris, que M. de Harlay avoit chargés de cet examen. Depuis cette époque jusqu’à la révolution, il fut conservé avec la vraie Croix dans un magnifique reliquaire.
Nous ne répéterons pas ici ce que nous avons dit au même endroit, sur la conservation de ces précieuses Reliques pendant la révolution, et sur la remise qui en a été faite à M. l’archevêque de Paris au mois d’octobre dernier, au nom de M. Roussineau.
Cette Relique déplacée par ordre de M. l’archevêque dans un reliquaire de cristal en forme de clou, dont la tète et la pointe sont garnies de vermeil. Réunie à la Croix Palatine, elle a été également transférée à l’église métropolitaine, et confiée à la garde du Chapitre, le 22 février 1828.
Fragment du Clou de la Passion
aujourd’hui inséré dans le reliquaire de la Croix Palatine (voir supra)
et provenant de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés
