Archive pour la catégorie 'Vexilla Regis'

2025-79. Point n’est besoin ni utile de se monter le bourrichon…

Lettre mensuelle aux membres et amis de la 

Confrérie Royale

 - 25 avril 2025 -

Sa Majeté le Roi - Copie

Jeudi de Pâques 24 avril 2025.

Chers membres et sympathisants de la Confrérie Royale,

    De tout cœur, j’ose espérer que vous avez passé une fervente Semaine Sainte, un fervent Triduum Sacré, une fervente fête de Pâques : fête que l’octave en laquelle nous sommes nous donne de célébrer pendant huit jours comme s’il s’agissait d’un unique jour – « haec dies quam fecit Dominus » -, et que nous prolongerons encore jusqu’à la fête de l’Ascension dans les richesses inouïes de notre belle liturgie catholique authentique.

   Les trois fondateurs de cette humble Confrérie étaient réunis en mon ermitage depuis la fête de la Compassion de Notre-Dame (le vendredi de la Passion) jusqu’au matin du mardi de Pâques : occasion de célébrer ensemble, dans le déploiement liturgique maximal qu’il nous a été possible d’accomplir, les accomplissements du mystère de notre salut en ces diverses phases.
Est-il utile de préciser que les membres de la Confrérie étaient spirituellement présents dans nos prières ?

A – Le pèlerinage annuel auprès de Notre-Dame du Puy aux jours de l’Ascension :

   La quarantaine d’allégresse qui succède à la quarantaine de pénitence est pour nous, en particulier, une préparation au pèlerinage annuel auprès de Notre-Dame du Puy : en ma qualité de Prieur, je demande instamment à tous les membres de la Confrérie, même s’ils ne peuvent participer physiquement à ce pèlerinage (les inscriptions ont été closes le 19 mars, je le rappelle, et il n’y a désormais plus de possibilité d’accepter des « retardataires ») de prier quotidiennement, ne serait-ce qu’un « Ave Maria » à l’intention de cette démarche spirituelle qui est celle de la Confrérie tout entière, par la médiation de ses représentants participant « en chair et en os » à ces trois journées de prière et d’approfondissements spirituels.

   Je rappelle que l’intention fondamentale qui nous porte aux pieds de la Mère de Dieu dans sa « cathédrale angélique » est de la prier d’une manière particulière pour notre Roi légitime et pour la France.
Cela n’empêche évidemment pas d’y apporter aussi des intentions secondaires, que, si vous le souhaitez, vous nous pouvez confier…

B – L’anniversaire de la naissance de Sa Majesté le Roi :

   La date du 25 avril ramène avec elle l’anniversaire de la naissance de Sa Majesté le Roi, qui, vous le savez, a vu le jour exactement sept-cent-soixante ans après son ancêtre direct et saint patron, le Roi Saint Louis IX (25 avril 1214 – 25 avril 1974).

   Par son engagement – qu’il soit simple ou par vœu -, chacun des membres de cette Confrérie a contracté devant Dieu un devoir sacré et impérieux de prier chaque jour (et plusieurs fois par jour) à l’intention de Sa Majesté.
Notre dévotion envers notre Roi légitime se nourrit d’un effort quotidien dont Dieu, qui voit tout, dans le secret des cœurs comme dans les lieux les plus éloignés de la société des hommes (cf. Matth. VI, 6), recueille avec délicatesse les mérites de fidélité et de générosité, afin de les transformer en grâces qu’Il répand sur l’âme de Sa Majesté, sur sa famille, et sur la France, quand bien même nous ne le voyons pas.

   En priant aujourd’hui avec encore davantage de ferveur et de zèle qu’à l’accoutumée, n’omettons pas de fortifier notre prière par l’offrande de quelque sacrifice.
La « monnaie du sacrifice » est indubitablement la devise la mieux cottée à la bourse spirituelle pour faire croître les capitaux de la grâce surnaturelle !

C – Situation de l’Eglise en ce jour :

   La mort de celui qui occupait depuis le 13 mars 2013 le trône pontifical et la prochaine réunion d’un conclave dans l’enceinte du Vatican afin de lui élire un successeur, ne doit en aucune manière nous distraire de l’essentiel.
Je suppose que les radios, chaînes télévisuelles « d’information » (ou prétendues telles) et « fils d’actualité » sur certains réseaux de l’Internet doivent faire leurs choux gras en cette occurrence, en les assaisonnant d’une quantité astronomique d’approximations, de supputations, d’erreurs, d’interprétations ou de tentatives d’influences de l’opinion publique.
Ne cédons pas aux tentations multiformes de la curiosité et de la superficialité, et attachons-nous avant tout, là encore, à l’essentiel.

   Les membres de la Confrérie Royale sont des enfants aimants de la Sainte Eglise catholique romaine.
Mais, être un enfant aimant ne dispense pas d’être lucide, ne dispense pas de faire preuve d’esprit de prudence et de discernement, ne dispense pas de se prémunir contre ses propres impressions personnelles subjectives, contre le sentimentalisme, et – par-dessus tout – contre le fatras des pseudo prophéties et autres écrits « mystiques à deux balles » (si vous me permettez cette expression familière) que l’on ne manque pas de ressortir de derrière les fagots et de commenter avec une excitation malsaine née de ces prurits d’oreille que dénonçait Saint Paul (2 Tim. IV, 3) : foin donc de la « prophétie de Saint Malachie » (qui n’est pas une prophétie et n’est jamais jaillie de la plume de ce digne évêque du XIIème siècle qui mérite bien autre chose que l’attribution de vaticinations grotesques), des interprétations alambiquées des stances de Nostradamus, ou de je ne sais quelle autre sibylline prédiction !

La fin des temps… et le jugement.

   Point n’est besoin ni utile de se monter le bourrichon, car les Saints Apôtres nous l’ont dit depuis déjà quelque deux mille ans : nous sommes entrés dans « la fin des temps » depuis le moment de l’Ascension de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Elle est plus proche de nous aujourd’hui qu’elle ne l’était hier, et chaque jour nous en rapproche inexorablement.
Est-ce à dire qu’elle est imminente ? Point du tout !
Relisez dans vos catéchismes les signes certains du retour du Christ enseignés par les Apôtres… et tenez-vous en à cela, vous attachant sereinement et inébranlablement à votre devoir d’état, ainsi qu’à l’accomplissement des engagements auxquels vous avez souscrit.
Le reste ne nous appartient pas.

   Vôtre, in Corde Iesu & Mariae,

Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur,
Prieur.

Blason de la Confrérie Royale

2025-73. Marie, protectrice de la France royale.

Fête de l’Annonciation de Notre-Dame.
Célébrée 25 mars, ou bien, en cas d’occurrence avec la Semaine Sainte, le premier jour libre après l’octave de Pâques.

       Le texte qui suit constitue la lettre mensuelle du mois de mars 2025, adressée aux membres et amis de la Confrérie Royale, à l’occasion de la fête de l’Annonciation de la Bienheureuse Vierge Marie.

   Il est bon de rappeler, encore une fois, que, sous l’Ancien Régime, la fête de l’Annonciation était une fête chômée au Royaume de France, et que donc l’accomplissement des tâches serviles y était rigoureusement interdit (d’où, en particulier, le miracle de l’osier sanglant – cf. > ici -, le 25 mars 1649, en Dauphiné, pour donner une leçon mémorable à ce huguenot fanatique qui travaillait ce jour-là nonobstant l’interdiction légale).
Sanctifions donc du mieux que nous le pouvons sous ce régime de prétendue laïcité qui n’est en réalité que le règne de l’impiété, cette fête si chère aux âmes fidèles.

Annonciation - Philippe de Champaigne 1644

Philippe de Champaigne (1602-1674) : Annonciation (1644)
[Musée métropolitain d'Art, New-York]

fleur de lys gif2

Marie, protectrice de la France royale

            En cette fête de l’Annonciation, nous commémorons la plus belle annonce faite par Dieu à l’humanité tout entière. Enfin, en ce jour béni, s’est concrétisée la promesse multiséculaire reçue par les prophètes et communiquée au Peuple élu de l’Ancienne Alliance : Dieu vient habiter parmi les hommes en prenant chair de la plus belle et la plus sainte de toutes les créatures, la Vierge Marie. Neuf mois plus tard, le plus beau des enfants des hommes, l’Emmanuel, « Dieu avec nous », apparaîtra aux yeux des pasteurs de Judée, dans la pauvre mangeoire de Bethléem.

            L’Annonciation a longtemps été une fête majeure de la France royale. Ainsi, jusqu’au règne de Charles IX, le premier jour de l’année était fixé à cette date. C’était d’ailleurs la coutume dans la plupart des pays de la Chrétienté. Pour la plupart des auteurs chrétiens, il convenait tout à fait que chaque nouvelle année commençât le jour où le Christ, Sauveur de l’humanité, qui a récapitulé toute l’histoire du monde, est entré dans l’histoire des hommes. Ce n’est qu’après la promulgation du calendrier grégorien, par le pape Grégoire XIII, que la date du 1er janvier s’est progressivement imposée en Europe, sauf dans les pays protestants qui ont longtemps refusé d’accepter un calendrier émanant de l’autorité pontificale.

            La fête de l’Annonciation, disions-nous, était particulièrement fêtée par les princes de la dynastie capétienne. N’est-ce pas ce jour-là, en 1252, que le grand saint Louis, approchant de la ville de Nazareth, lors de la septième croisade, « descendit de cheval, se mit à genoux pour adorer de loin ce saint lieu où s’était opéré le mystère de notre rédemption [1] ». Le 25 mars 1267, comme le rappelait le grand historien Louis-Sébastien Le Nain de Tillemont, le saint roi, la sainte couronne d’épines entre les mains, exhorta les chevaliers à prendre la croix à l’occasion de la huitième croisade. N’est-ce pas aussi en l’honneur de cet épisode fondamental du mystère de la Rédemption, que sainte Jeanne de Valois, reine de France, fille de Louis XI et épouse de Louis XII, institua, en 1501, une communauté de religieuses – l’ordre des Annonciades – qui fut si florissante dans le royaume des lys ? Le roi Henri III, en 1583, n’a-t-il pas fondé une confrérie, la « Congrégation des pénitents blancs de l’Annonciation Notre-Dame », et sollicité du pape son approbation et des indulgences ? Le juste Louis XIII ne fit-il pas ce jour-là, en 1643, son ultime confession générale avant de mourir, le 14 mai suivant ?

            Un bel évènement eut lieu aussi sous le règne du jeune Louis XIV. Le 25 mars 1650, étant reçu en la ville de Dijon, il renouvela le vœu de son père « à l’honneur de cette Souveraine Dame de l’Univers, par une nouvelle déclaration qu’il en fit, où il confessa être redevable à ses intercessions, des faveurs et bénédictions du Ciel […], et confirma par cette déclaration celle de son père, y témoigna les mêmes reconnaissances, et y fit une pareille soumission et offrande de sa Personne, de sa Couronne et de ses Sujets à la Reine des Anges, ordonnant de continuer la même dévotion et procession générale et très solennelle le jour de l’Assomption, et de faire exhorter tous ses sujets d’avoir une dévotion particulière à la sainte Vierge, d’implorer à ce jour sa protection, et de redoubler l’ardeur de leurs prières pour impétrer par son intercession la continuation des faveurs et bénédictions célestes sur sa Personne et sur son Royaume [2]. » Certes, cet acte royal rappelle que la grande fête mariale du royaume est l’Assomption, mais le choix du jour de l’Annonciation indique que la piété mariale des princes de France s’étend à toutes les fêtes célébrées en l’honneur de la Vierge Marie, et particulièrement ce jour où elle reçut en son sein le Verbe divin.

            Aux marges du royaume, nous ne pouvons pas ne pas mentionner la création, par le duc Charles III de Savoie, en 1518, de l’Ordre suprême de la Très Sainte Annonciade [3], principal ordre chevaleresque de la Maison de Savoie, dont le prestige immense l’équipara, pendant plusieurs siècles, aux ordres de la Jarretière, de la Toison d’or et du Saint-Esprit. Les chevaliers de l’Annonciade, consacrés à Marie, étaient invités à méditer les mystères du Rosaire – à l’origine, d’ailleurs, il n’y avait que quinze chevaliers, le duc-grand-maître compris, pour rappeler les quinze mystères du Rosaire [4].

            Cette grande fête de l’Annonciation était ainsi solennellement célébrée par la plupart des princes chrétiens d’Europe. Nous aussi, à quelques siècles de distance, fidèles à notre foi et à notre pays, nous avons le devoir de rendre hommage à la Reine du Ciel et d’implorer son assistance dans les tribulations que connaît la pauvre France, en ces temps bien tragiques de violence et d’apostasie. Marchons dans les traces des pieux princes qui ont gouverné ce grand royaume. En ce même jour du 25 mars, la Providence a permis que fût fondée la Confrérie royale, dont nous célébrons, cette année, le 10e anniversaire. Dix ans de grâces pour tous ses membres. Dix ans de fidélité à nos engagements spirituels de prier pour la France et pour le retour de sa grandeur et de son prestige. Dix ans de soutien à la Couronne multiséculaire et à son héritage porté, depuis plus de 35 années, par S. A. R. Mgr le duc d’Anjou, de jure S. M. le roi Louis XX. Ayons donc bien à cœur, en cette Année jubilaire, de renouveler nos engagements, nos motivations, nos convictions, au service de cette belle œuvre. Profitons bien de ces grandes fêtes de l’année liturgiques, en particulier les « fêtes royales », comme en ce jour de l’Annonciation, pour puiser les grâces nécessaires pour maintenir intacte notre foi, au milieu des tempêtes, et garantir notre fidélité aux principes et aux valeurs communiqués par la Confrérie royale.

Que la Vierge sainte de Nazareth
nous garde sous sa puissante protection !

   + Mathias Balticensis


[1] Richard Girard de Bury, Histoire de Saint Louis, Roi de France, Paris, Audot, 1817, p. 232. L’historien d’ajouter ce commentaire édifiant : « Il y communia de la main du légat, qui y fit à cette occasion un sermon fort touchant : de sorte que, suivant la réflexion que fait le confesseur de ce saint prince, dans un écrit qui nous apprend ce détail, on pouvait dire que, depuis que le mystère de l’Incarnation s’était accompli à Nazareth, jamais Dieu n’y avait été honoré avec plus d’édification et de dévotion qu’il le fut ce jour-là. »
[2] R. P. Balthazar de Riez, Suite de l’incomparable piété des très-chrétiens Rois de France de la Race de S. Louis, Aix, Charles David, 1674, l. II, p. 810.
[3] Cet ordre succédait à l’ancien ordre du Collier, fondé en 1364 par le comte Amédée VI.
[4] Les statuts de l’Ordre leur demandaient de réciter, chaque matin, quinze Pater Noster et quinze Ave Maria, sous peine de devoir payer « quinze sols pour être distribués pour l’honneur de Dieu ».

Trois lys blancs

2025-57. Toutes nos publications au sujet de la Sainte Couronne d’Epines et des Saintes Epines de la Passion.

Vendredi après les Cendres,
Fête de la Sainte Couronne d’Epines de Notre-Seigneur.

Angelot à la Couronne d'épines - Fr.Mx.M. - Blogue

       Vous pouvez retrouver ci-dessous, chers Amis, la liste de toutes nos publications de ce blogue relatives à la Sainte Couronne d’Epines ainsi qu’aux Saintes Epines provenant de cette Sainte Couronne :

A – Messe propre de la Sainte Couronne d’Epines (dont la fête se célèbre le vendredi après les Cendres) > ici

B – Quelques sanctuaires en lesquels on trouve des Epines provenant de la Sainte Couronne d’Epines :

- La Sainte Epine du Puy-en-Velay > ici
- Les Saintes Epines de Namur > ici
- La Sainte Epine d’Andria, et le miracle du Vendredi Saint 25 mars 2016 > ici
- Les Saintes Epines de la cathédrale d’Elne > ici

C – Autres publications :

- La Sainte Couronne d’Epines figurée dans une fleur  : la passiflore > ici
- Monseigneur le Prince Louis de Bourbon lors du retour de la Sainte Couronne d’Epines et des reliques de la Passion en la basilique-cathédrale Notre-Dame de Paris après la restauration de la cathédrale > ici
-

Exposition de la Sainte Couronne  d'épines - blogue

2025-51. L’Edit de Thessalonique : 27 février de l’an 380.

27 février,
Au diocèse de Viviers : fête de la dédicace de la cathédrale Saint Vincent (double de 1ère classe avec, en dehors du carême, octave commune – cf. > ici) ;
Ailleurs : fête de Saint Gabriel dell’Addolorata (cf. ici et ici) ;
Anniversaire de la signature de l’Edit de Thessalonique par Saint Théodose 1er le Grand (27 février 380).

Saint Théodose et l'édit de Thessalonique - blogue

       Dans une publication qui se trouve dans les pages de ce blogue, nous avons déjà donné un aperçu de la vie de Saint Théodose 1er le Grand (voir > ici) et nous y avons mentionné les circonstances dans lesquelles, à Thessalonique, où il est arrivé en juin 379, il signa, au troisième jour des calendes de mars (c’est-à-dire le 27 février) de l’an 380, l’Edit de Thessalonique.

- A qui s’adresse cet édit et que contient-il ?

   Cet édit s’adresse en priorité aux habitants de Constantinople, dont Théodose veut faire sa résidence impériale, ville dans laquelle il n’est pas encore entré, ville agitée par de constants débats théologiques (en particulier entre ceux qui professent la foi de Nicée et les ariens) lesquels dégénèrent fréquemment en affrontements physiques et en troubles urbains, ville dont l’évêque, Démophile, est arien.
Théodose souhaite donc y rétablir la paix avant de s’y installer.

   L’édit qu’il signe ce 27 février 380 constitue la première loi séculière connue qui comporte en son préambule la définition de l’orthodoxie théologique qu’un prince romain chrétien doit professer, à la tête de ses peuples pour lesquels il énonce avec précision « ce qu’il faut croire ».
Ce faisant, il dénonce l’hérésie et annonce la sanction de ceux qui la professeront. 

   Théodose, par le biais de cette législation politique, tente l’unification doctrinale des chrétiens et, par ce moyen, cherche la pacification civile, en énonçant avec précision « ce qu’il faut croire ».

monnaie de Théodose

Monnaie de Théodose

- Texte de l’Edit de Thessalonique :

En latin :

   « GR(ATI)IANUS, VAL(ENTINI)ANUS ET THE(O)D(OSIUS) AAA. EDICTUM AD POPULUM VRB(IS) CONSTANTINOP(OLITANAE).
Cunctos populos, quos clementiae nostrae regit temperamentum, in tali volumus religione versari, quam divinum Petrum apostolum tradidisse Romanis religio usque ad nunc ab ipso insinuata declarat quamque pontificem Damasum sequi claret et Petrum Aleksandriae episcopum virum apostolicae sanctitatis, hoc est, ut secundum apostolicam disciplinam evangelicamque doctrinam patris et filii et spiritus sancti unam deitatem sub pari maiestate et sub pia trinitate credamus.
Hanc legem sequentes Christianorum catholicorum nomen iubemus amplecti, reliquos vero dementes vesanosque iudicantes haeretici dogmatis infamiam sustinere ‘nec conciliabula eorum ecclesiarum nomen accipere’, divina primum vindicta, post etiam motus nostri, quem ex caelesti arbitro sumpserimus, ultione plectendos.
DAT. III Kal. Mar. THESSAL(ONICAE) GR(ATI)ANO A. V ET THEOD(OSIO) A. I CONSS.
 »

Traduction française :

   « Les empereurs Gratien, Valentinien et Théodose, Augustes. Edit au peuple de la ville de Constantinople.

Nous voulons que tous les peuples gouvernés par la juste mesure de Notre Clémence vivent dans la religion que le divin apôtre Pierre — comme le proclame cette même religion, introduite par lui et continuée jusqu’à nos jours — a transmise aux Romains et que suivent, de toute évidence, le pontife Damase et Pierre, l’évêque d’Alexandrie, homme d’une sainteté apostolique. Ainsi, selon la discipline apostolique et la doctrine évangélique, nous devons croire que le Père, le Fils et l’Esprit Saint sont une seule Divinité, invoquée comme égale Majesté et Trinité bienveillante.
Nous ordonnons que ceux qui suivent cette loi prennent le nom de chrétiens catholiques. Quant aux autres, nous considérons qu’ils encourent, par leur folie et leur égarement, l’infamie attachée aux doctrines hérétiques, que leurs 
petits groupes ne méritent pas le nom d’Eglises et qu’ils seront frappés, d’abord par la vengeance divine, ensuite par un châtiment dont, en accord avec la décision céleste, nous prendrons l’initiative.
Donné le troisième jour des calendes de mars, à Thessalonique, sous le cinquième consulat de Gratien Auguste et le premier de Théodose Auguste. »

Concile de Nicée avec Saint Constantin et Arius terrassé

Saint Constantin présidant le concile de Nicée
entouré des saints Pères conciliaires, et, en bas, Arius terrassé
(peinture murale d’un monastère des Météores, en Grèce)

- Leçons et conséquences de l’Edit de Thessalonique :

   On le voit, il s’agit d’affirmer sans ambiguïté ce qui a été défini au premier concile de Nicée, premier concile général des évêques de l’Empire romain, qui s’est tenu à Nicée (aujourd’hui Iznik, en Turquie), du 20 mai au 25 juillet 325, sous l’égide de l’empereur Saint Constantin 1er le Grand, afin de résoudre les problèmes dogmatiques et disciplinaires qui divisaient alors les Eglises.

   Mais, en vérité, le concile de Nicée n’a pas éteint les querelles.
D’une certaine façon même, il les a amplifiés, parce que les évêques ariens ne se sont généralement pas soumis et ont persécuté les « nicéens » avec davantage d’âpreté ; tandis que les évêques professant la saine doctrine voyaient leur autorité contestée et se trouvaient bien souvent dans l’impuissance de faire appliquer les canons de Nicée.

   Professant de façon ferme la foi de Nicée (quand, après sa guérison, au mois de septembre suivant, il recevra le saint baptême, rappelons-le, Théodose s’assurera auparavant que l’évêque Acholius de Thessalonique ne soit pas infecté par l’arianisme), Théodose statue que les « nicéens » sont les véritables chrétiens, les catholiques (c’est-à-dire « universels »), et que les tenants de l’arianisme sont des hérétiques dont les groupes ne méritent pas de porter le nom d’ « Eglises ».   

Philippe de Champaigne -le denier de César - Montréal musée

Philippe de Champaigne (1602-1674) : le denier de César (vers 1663-1665)
[musée des beaux-arts de Montréal, au Québec]

   Le but de Théodose n’était pas de s’ériger en docteur ou théologien, ni d’exercer l’autorité impériale sur les affaires religieuses, mais de mettre l’autorité impériale au service de l’autorité spirituelle.
Parce que s’il faut rendre à César ce qui est de lui et à Dieu ce qui Lui appartient, il n’en demeure pas moins que César a des devoirs envers Dieu, non seulement en tant que personne privée, mais aussi en sa qualité de César.
Cela apparaît clairement dans le fait que, dès après son entrée à Constantinople, Théodose y convoqua le second concile général (ou œcuménique), qui se réunit en 381, et au cours duquel les Pères conciliaires arriveront à une définition plus précise de la foi catholique, en perfectionnant le symbole de Nicée : c’est pour cela que l’on parle du symbole de Nicée-Constantinople.

   C’est l’empereur qui, avec l’accord du Pontife romain, convoque le concile, et ce sont les évêques qui énoncent les vérités de la foi : la puissance impériale est bien au service de la puissance spirituelle et ne s’immisce pas dans ses compétences propres, puis, une fois que les évêques ont défini ce qui est « catholique », la puissance impériale se met encore à son service pour extirper l’erreur et l’hérésie, tandis que les canons conciliaires deviennent lois de l’Empire.

   Le 24 novembre 380, Théodose fait son entrée solennelle dans Constantinople, et il ordonne la mise en application de l’Edit : deux jours après son arrivée, l’évêque arien Démophile est déposé. Il sera remplacé par Saint Grégoire de Nazianze (cf. ici). Les ariens perdent la liberté de réunion, ils seront bientôt expulsés des villes, leurs églises leur sont enlevés et le clergé hérétique sera remplacé par de solides hiérarques catholiques.
L’hérésie devient un crime contre la société chrétienne parce que l’Empire est chrétien : la norme doctrinale est érigée en règle du bon fonctionnement de la société civile. C’est ainsi que le christianisme nicéen est devenu religion d’Etat, d’une façon somme toute logique et naturelle, parce que conforme à l’Ordre voulu par Dieu : cela sera consacré par l’Edit de Constantinople du 30 juillet 381.

   La législation abolissant les cultes païens et interdisant les comportements païens, fermant les temples et mettant fin aux fêtes athlétiques procèdera de la même logique, et ce fut un grand progrès pour la société civile et pour favoriser le salut des âmes et leur sanctification.

la religion terrassant l'hérésie Jean Hardy 1688 - musée du Louvre

Jean Hardy (1653-1737) : la religion terrassant l’hérésie (1688)
[musée du Louvre]

2025-49. « Je me glorifierai dans mes infirmités, afin qu’habite en moi la force du Christ ».

25 février 2025,
Mardi après le dimanche de la Septuagésime ;
« 25 du mois » : dans la Confrérie Royale, journée spéciale de prières et d’offrandes à l’intention de Sa Majesté le Roi.

Blason de la Confrérie Royale

Note :

   Les membres de la Confrérie Royale s’engagent à sanctifier d’une manière particulière le 25 de chaque mois de la manière suivante, en sus des 3 angélus quotidiens qu’ils offrent habituellement en y ajoutant l’oraison pour le Roi extraite du Missel romain. Chaque 25 du mois donc, ils redoublent de prières, et offrent avec encore davantage de ferveur qu’à l’accoutumée les exercices de leur devoir d’état ainsi que les peines et les joies de ce jour ; ils travaillent plus méticuleusement à leur sanctification ; et, lorsque cela leur est possible, ils assistent à la Sainte Messe et offrent la sainte communion à l’intention du Roi ; ou bien encore, ils accomplissent quelque petit pèlerinage ou acte de dévotion supplémentaire, offerts à l’intention de Sa Majesté et du Royaume des Lys.

   La lettre mensuelle, envoyée à tous les membres ainsi qu’aux amis qui ont manifesté le désir de la recevoir, à l’occasion de ce 25 de chaque mois, est écrite par les prêtres, religieux ou clercs membres de la Confrérie Royale. Le but de cette lettre est de raviver la ferveur et la détermination des membres, en leur proposant des réflexions et des approfondissements, qui sont toujours nécessaires.  

frise lys

« Je me glorifierai dans mes infirmités,

afin qu’habite en moi la force du Christ ».

Chers Membres et Amis de la Confrérie Royale,

   La longue et néanmoins sublime épître du dimanche dans la Sexagésime (2 Cor. XI, 19-33 ; XII, 1-9) s’achève par ces paroles si consolantes que nous pouvons, tous, faire nôtres : « Bien volontiers, donc, je me glorifierai dans mes infirmités, afin qu’habite en moi la force du Christ ».

   Tous, à quelque âge que nous soyons, à quelque degré de vie spirituelle ou d’oraison que nous nous trouvions, à quelque échelon de l’échelle de la vertu que nous nous soyons hissés, tous – oui absolument tous ! -, nous sommes des êtres de faiblesses et d’infirmités.
Bien pis : nous sommes de pauvres pécheurs !

   La considération de nos péchés, de nos infirmités et de nos faiblesses ne saurait cependant être un motif d’amertume et de tristesse ; du moins pas à la manière humaine, pas selon les critères de l’estime mondaine.
Nous pouvons être « tristes » d’avoir offensé Dieu, notre Créateur et notre Sauveur, « tristes » de L’avoir offensé, « tristes » d’avoir fait de la peine à Son Cœur très aimant, mais cette tristesse-là doit s’exprimer en repentir et en contrition, lesquels se doivent aussitôt muer en volonté de rebondir, en détermination de réparation et en reprise de notre marche sur le chemin caillouteux, étroit et escarpé, qui nous conduit vers les sommets. Cette tristesse-là doit se métamorphoser en une démarche de confiance et d’humilité – d’humble confiance et de confiante humilité – pour nous précipiter vers Dieu et en recevoir, avec gratitude et joie, des flots de pardon miséricordieux.
Ce ne doit, en aucune manière, être une tristesse tournée vers soi-même et alimentée par la rancœur de paraître à nos propres yeux si loin de l’image idéalisée que nous nous faisons de nous-mêmes. Cette tristesse-là est une forme plus ou moins subtile de l’amour-propre et de l’orgueil : elle n’est que du dépit, du ressentiment.

   Celui qui est dans la tristesse amère à cause de ses échecs et de ses fautes ne peut vraiment comprendre ce que Saint Paul écrit, dans une véritable exultation spirituelle, à la conclusion de cette extraordinaire épître de la Sexagésime ; il ne peut se glorifier de ses infirmités afin que la force du Christ habite en lui ; il ne peut entendre avec les oreilles de l’âme le sens si profond et si exaltant de la parole entendue par l’Apôtre des Gentils : « Ma grâce te suffit, car Ma puissance est amenée à sa perfection dans (ton) infirmité » !

   Celui qui est véritablement humble et spirituel ne s’étonne pas d’être tombé, à la vérité, et donc il ne peut éprouver ce dépit amer qui est alimenté par l’orgueil : il s’étonne plutôt de ne pas être tombé plus souvent et plus bas.
Et quand il se tourne vers Dieu il est plutôt dans la disposition d’esprit de Saint Philippe Néri qui disait à Dieu : « Méfiez-Vous de moi, Seigneur, car je pourrais bien Vous trahir », plutôt que de celle qui consiste à penser avec une folle inconscience : « Cœur Sacré de Jésus, ayez confiance en moi ! »

   Pour moi, Seigneur, je veux avoir de plus en plus la conscience vive et concrète, chaque jour et à chaque instant du jour, que Vous m’avez mis au monde pour que Votre puissance se déploie pleinement et démontre toute l’infinie perfection de Sa miséricorde rédemptrice et sanctificatrice dans ma faiblesse et mes infirmités !
Pour moi, Seigneur, je veux avoir de plus en plus la conscience vive et concrète que n’ayant, par moi-même, ni force ni vertu ni perfection ni sainteté, mon inanité et ma faiblesse appelleront irrésistiblement le déploiement de Votre puissance.
A quelques jours du grand et saint carême, je veux avec une conscience toujours plus vive et plus concrète, me présenter devant Vous pour Vous exposer mes infirmités et ma faiblesse, et Vous dire, éperdu de confiance et d’amour : Puisque je ne suis par moi-même, ô mon divin Sauveur, que vide de vertus, je place mon âme béante sous le flot miséricordieux qui s’écoule de Votre divin Cœur, afin qu’elle en soit remplie !
Puisque je n’ai point de force, Vous me remplirez de la Vôtre !
Puisque je n’ai point de vertu, Vous me comblerez des Vôtres !
Puisque je manque de tout, Vous serez Vous-même le tout qui vient combler mon vide et me remplir de Votre plénitude !
Votre grâce toute puissante se fera mienne en se déversant en moi, et Votre puissance démontrera à tous les regards sa perfection en se déployant dans mon infirmité !

   C’est dans ces dispositions que je veux sérieusement me préparer à ce grand chemin de conversion et d’amour, de générosité et de ferveur, que Votre Sainte Eglise m’appelle à parcourir, en entrant en carême, avec une joie intérieure renouvelée, avec une confiance renouvelée, avec un enthousiasme spirituel renouvelé… et ce faisant être Votre instrument pour que, conformément à ce que je Vous ai promis dans mes divers engagements, Vos grâces surabondent sur la Sainte Eglise, sur la France et sur « le Fils de Votre droite », notre Souverain, Votre lieu-tenant au Royaume des Lys !

Ainsi soit-il !

Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur,
prieur.

Supplication profonde - blogue

2025-35. 13 février 1790 : un décret de l’Assemblée Constituante interdit les vœux monastiques.

13 février,
Dans le diocèse de Viviers, la fête de Saint Avit de Vienne, évêque et confesseur (cf. > ici) ;
Dans l’Ordre de Saint Augustin, la fête de la Bienheureuse Christine de Spolète, vierge et pénitente (cf. > ici) ;
Anniversaire de l’attentat mortel contre Monseigneur le duc de Berry (cf. > ici).

caricature antireligieuse février 1790

Caricature antireligieuse de février 1790 annonçant le décret
adopté le 13 par l’Assemblée Constituante
supprimant les Ordres monastiques

moine perplexe gif

Réflexions sur le sens profond de la lutte récurrente contre la vie religieuse :

       Le 13 février 1790, l’Assemblée Constituante décréta la dissolution des Ordres religieux contemplatifs, l’interdiction de la profession des vœux de religion et la fermeture des monastères. Dans un premier temps les congrégations exerçant des activités caritatives ou d’enseignement ne furent pas inquiétées.
Ce décret de 1790 fut complété par une loi du 6 avril 1792 interdisant le port du costume religieux et supprimant les confréries et les congrégations.

   Sitôt la Royauté abolie à la suite de la prise des Tuileries (10 août 1792), la persécution religieuse se déchaîna et les communautés monastiques, qui étaient encore tolérées, dont les membres n’avaient pas voulu « reprendre leur liberté »,  devinrent rapidement hors-la-loi : vouloir garder sa Règle monastique, ses vœux et la vie communautaire était du « fanatisme ».
Une quantité innombrable de moines et de moniales payèrent de leur vie leur fidélité à ce qu’ils avaient solennellement promis à Dieu et qu’ils ne voulaient pas renier. Certains ont déjà été élevés sur les autels et sont honorés d’un culte public comme martyrs par la Sainte Eglise (mais le plus grand nombre ne l’est pas – pas encore).

    Un petit nombre défroqua. Parmi ceux-là, il en est même qui devinrent de virulents révolutionnaires, voire des persécuteurs.
Une majorité de religieux et de religieuses resta fidèle : il y a ceux qui quittèrent la France individuellement et qui furent reçus dans des communautés monastiques d’autres royaumes ; il y a ceux qui, s’exilant en groupe, essayèrent de reconstituer hors frontières des communautés monastiques « françaises » (tel fut le cas de l’héroïque Dom Augustin de Lestrange que nous avons évoqué en parlant de la Valsainte,  > ici) ; il y a ceux qui furent contraints de rentrer dans leurs familles et qui tentèrent de « se faire oublier » mais demeurèrent fidèles à leurs vœux sous des dehors sécularisés, dans l’attente des jours meilleurs (ceux qui survécurent à la révolution participèrent souvent à la reconstitution des communautés soit pendant l’Empire soit pendant la Restauration) ; il y a ceux qui voulurent maintenir leur vie monastique en communauté sous des habits civils, telles les fameuses Carmélites de Compiègne ; il y a ceux qui rejoignirent les divers groupes contre-révolutionnaires et accompagnèrent la Chouannerie de leur ministère – lorsqu’ils étaient prêtres – ou bien s’occupant des blessés et des malades… etc.

Le martyre des Carmélites de Compiègne

   La résistance des religieux à la « régénération » voulue par les théoriciens de « l’humanité nouvelle » dépassa les prévisions des révolutionnaires, eux qui s’attendaient parfois à être accueillis comme des libérateurs dans les couvents, et qui s’imaginaient que moines et moniales seraient enthousiastes à la proposition d’apostasier leurs vœux et leurs Règles.

   Dans les caricatures de l’époque (celle publiée en tête de ce billet est l’une des plus convenables), on trouve fréquemment le thème du moine et de la moniale qui en profitent pour se marier, lorsqu’on ne nous montre pas une file de moines expulsés de leur couvent et une file de religieuses également chassées du leur qui se rejoignent en un point où un représentant du tiers-état les marie à la chaîne.
Le vœu de chasteté est, des trois, celui qui donne le plus à fantasmer aux impies et aux âmes vulgaires pour lesquels la sexualité est un droit absolu (et une obsession) et qui, évidemment, ont du mal à accepter le sixième commandement de Dieu : « œuvre de chair n’accomplira / qu’en mariage seulement ».
Un certain nombres de faits bien attestés, à Paris et en quelques autres grandes villes, confirment l’obscénité des révolutionnaires qui, justement pour se moquer du vœu de chasteté et blesser la pudeur des religieuses (pas uniquement d’ailleurs, car on a aussi le cas de prêtres ou de moines qui subirent le même sort), se saisiront d’eux et les fesseront en place publique.

La liberté ou la mort

   En amont de tout cela, il faut bien comprendre que chaque fois que Satan a suscité des persécutions contre la Sainte Eglise, il a commencé par s’attaquer à la vie monastique.
On attaque les religieux d’abord dans leur réputation et en ruinant leur image dans les mentalités : les contemplatifs sont des oisifs, des paresseux et des parasites ; les hauts murs de leurs couvents ne sont là que pour protéger des lieux de turpitudes ; leur pauvreté n’est qu’hypocrisie (et on ressort ces chimères qui ont pour noms « richesses de l’Eglise » et « milliard des congrégations » afin d’exciter la jalousie et l’envie des cupides)… etc.

   Les prétendus réformateurs du XVIème siècle agirent ainsi ; les pseudo philosophes des pseudo « Lumières » aussi ; les artisans des luttes anticléricales en France à la fin du XIXème et au début du XXème siècles suivirent le même procédé ; enfin les modernistes qui ont détruit l’Eglise de l’intérieur à partir du milieu du XXème siècle leur ont emboité le pas.

   C’est habituellement l’une des premières étapes. Une fois que le clergé régulier est affaibli, discrédité, déconsidéré, décimé, exilé, réduit à peau de chagrin, on a les coudées plus franches pour s’attaquer aux paroisses, au clergé séculier, à la hiérarchie ecclésiastique : après l’anéantissement des monastères et abbayes, l’Eglise ébranlée est une proie plus aisée. Après le décret proscrivant la vie monastique du Royaume suivra la « constitution civile du clergé », comme après l’expulsion des congrégations – entre 1880 et 1903 – suivra la « séparation de l’Eglise et de l’Etat » et la spoliation des lieux de culte, en 1905.

Expulsion de religieuses

   L’affaiblissement de la vie religieuse, la diminution du nombre des contemplatifs, la raréfaction des monastères et des abbayes, la désertion des moines et moniales eux-mêmes après s’être laissés tournebouler par les sirènes modernichones venues leur chanter des airs d’ « aggiornamento », d’ « ouverture au monde », de « renouveau adapté de la vie religieuse », et autres fariboles les incitant à réduire les jeûnes et les mortifications traditionnels, à assouplir leur clôture et à réviser leurs Règles, sont toujours des signes alarmants pour l’ensemble du Corps Mystique !

   La vie religieuse est un état de vie qui, tout en ne concernant pas la structure hiérarchique de la Sainte Eglise, est néanmoins d’institution divine (Notre-Seigneur Jésus-Christ a donné Lui-même l’exemple de la vie selon les trois vœux monastiques) et constitue un élément essentiel de sa vie et de sa sainteté, comparable, pour une part, au rôle d’un paratonnerre.

   Lorsque celui qui, dans l’ombre, prépare des orages dévastateurs et dramatiques, veut assurer une efficacité maximale à ses stratagèmes pyromanes visant à la destruction de l’Edifice, n’est-il pas rigoureusement logique qu’au préalable il en neutralise le paratonnerre ?

Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur

Moine priant dans l'orage - blogue

2025-32. 11 février 1906 : Saint Pie X condamne sans appel la pernicieuse doctrine de la séparation de l’Eglise et de l’Etat.

11 février,
Fête de l’apparition de la Vierge immaculée à Lourdes ;
Anniversaire de l’encyclique « Vehementer nos » (11 février 1906).

armoiries Saint Pie X

       Comme je l’écrivais déjà en publiant le texte de l’allocution consistoriale « Gravissimum » prononcée par le pape Saint Pie X le 21 février 1906 (cf. > ici) qui résume la doctrine sûre et pérenne de l’encyclique « Vehementer nos »,

   « (…) en France, les catholiques sont désormais tellement habitués à la loi du 9 décembre 1905, dite loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat, qu’ils n’en voient plus du tout la malice, ni la grave offense à Dieu et à Ses droits qu’elle représente.
De nos jours, il y a même des prêtres, des évêques et des cardinaux, qui invoquent cette loi inique, conçue dans les loges maçonniques en vue d’affaiblir l’Eglise, dans le but de revendiquer « une saine laïcité » ! Ils me font penser à des dindes qui manifesteraient contre toute modification du menu traditionnel de Noël. »

   Voilà pourquoi, il me semble qu’il faut impérativement, à temps et à contre temps, rappeler les sains principes qui doivent régir les relations de la Sainte Eglise catholique avec les autorités civiles ; qu’il faut impérativement, à temps et à contre temps, marteler que le régime dit de « séparation » est contraire à la loi naturelle autant qu’à la loi divine ; qu’il faut impérativement, à temps et à contre temps, insister pour que les catholiques qui veulent être authentiquement fidèles aux enseignements de la Tradition, lisent et relisent, de manière à s’en imprégner jusqu’à la moëlle, les enseignements de Saint Pie X à ce sujet.
Voilà pourquoi, je crois nécessaire de publier ci-dessous le texte intégral de l’encyclique « Vehementer nos » afin de permettre à nos amis et lecteurs de ne pas se contenter d’approximations et de résumés, mais de recourir directement à ses enseignements salutaires.

Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur.

carte de 1906 illustrant la séparation de l'Eglise et de l'Etat

Lettre encyclique « Vehementer nos »

de Sa Sainteté le Pape Pie X

au peuple français 

       Aux archevêques, évêques, au clergé et au peuple français, à nos bien aimés fils : François-Marie Richard, cardinal prêtre de la Sainte Eglise romaine, archevêque de Paris ; Victor-Lucien Lecot, cardinal prêtre de la Sainte Eglise romaine, archevêque de Bordeaux ; Pierre-Hector Coullié, cardinal prêtre de la Sainte Eglise romaine, archevêque de Lyon ; Joseph-Guillaume Labouré, cardinal prêtre de la Sainte Eglise romaine, archevêque de Rennes, et à tous nos vénérables frères, les archevêques et évêques et à tout le clergé et le peuple français, Pie X, Pape :

Vénérables frères, bien aimés fils, salut et bénédiction apostolique.

   Notre âme est pleine d’une douloureuse sollicitude et notre coeur se remplit d’angoisse quand notre pensée s’arrête sur vous. Et comment en pourrait-il être autrement, en vérité, au lendemain de la promulgation de la loi qui, en brisant violemment les liens séculaires par lesquels votre nation était unie au siège apostolique, crée à l’Eglise catholique, en France, une situation indigne d’elle et lamentable à jamais.

   Evénement des plus graves sans doute que celui-là ; événement que tous les bons esprits doivent déplorer, car il est aussi funeste à la société civile qu’à la religion ; mais événement qui n’a pu surprendre personne pourvu que l’on ait prêté quelque attention à la politique religieuse suivie en France dans ces dernières années.

   Pour vous, vénérables frères, elle n’aura été bien certainement ni une nouveauté, ni une surprise, témoins que vous avez été des coups si nombreux et si redoutables tour à tour portés par l’autorité publique à la religion.

Les attentats passés

   Vous avez vu violer la sainteté et l’inviolabilité du mariage chrétien par des dispositions législatives en contradiction formelle avec elles, laïciser les écoles et les hôpitaux, arracher les clercs à leurs études et à la discipline ecclésiastique pour les astreindre au service militaire, disperser et dépouiller les congrégations religieuses et réduire la plupart du temps leurs membres au dernier dénuement. D’autres mesures légales ont suivi, que vous connaissez tous. On a abrogé la loi qui ordonnait des prières publiques au début de chaque session parlementaire et à la rentrée des tribunaux, supprimé les signes traditionnels à bord des navires le Vendredi Saint, effacé du serment judiciaire ce qui en faisait le caractère religieux, banni des tribunaux, des écoles, de l’armée, de la marine, de tous les établissements publics enfin, tout acte ou tout emblème qui pouvait, d’une façon quelconque, rappeler la religion.

   Ces mesures et d’autres encore qui peu à peu séparaient de fait l’Eglise de l’Etat n’étaient rien autre chose que des jalons placés dans le but d’arriver à la séparation complète et officielle.

   Leurs promoteurs eux-mêmes n’ont pas hésité à le reconnaître hautement, et maintes fois, pour écarter une, calamité si grande, le Siège apostolique, au contraire, n’a absolument rien épargné. Pendant que, d’un côté, il ne se lassait pas d’avertir ceux qui étaient à la tête des affaires françaises et qu’il les conjurait à plusieurs reprises de bien peser l’immensité des maux qu’amènerait infailliblement leur politique séparatiste, de l’autre, il multipliait vis-à-vis de la France les témoignages éclatants de sa condescendante affection.

   Il avait le droit d’espérer ainsi, grâce aux liens de la reconnaissance, de pouvoir retenir ces politiques sur la pente et de les amener enfin à renoncer à leurs projets; mais, attentions, bons offices, efforts tant de la part de notre Prédécesseur que de la nôtre, tout est resté sans effet, et la violence des ennemis de la religion a fini par emporter de vive force ce à quoi pendant longtemps ils avaient prétendu à l’encontre de vos droits de nation catholique et de tout ce que pouvaient souhaiter les esprits qui pensent sagement.

   C’est pourquoi, dans une heure aussi grave pour l’Eglise, conscient de notre charge apostolique, nous avons considéré comme un devoir d’élever notre voix et de vous ouvrir notre âme, à vous, vénérables Frères, à votre clergé et à votre peuple, à vous tous que nous avons toujours entourés d’une tendresse particulière, mais qu’en ce moment, comme c’est bien juste, nous aimons plus tendrement que jamais.

Fausseté du principe de la Séparation

   Qu’il faille séparer l’Etat de l’Eglise, c’est une thèse absolument fausse, une très pernicieuse erreur. Basée, en effet, sur ce principe que l’Etat ne doit reconnaître aucun culte religieux, elle est tout d’abord très gravement injurieuse pour Dieu, car le créateur de l’homme est aussi le fondateur des sociétés humaines et il les conserve dans l’existence comme il nous soutient.

   Nous lui devons donc, non seulement un culte privé, mais un culte public et social, pour l’honorer.

   En outre, cette thèse est la négation très claire de l’ordre surnaturel ; elle limite, en effet, l’action de l’Etat à la seule poursuite de la prospérité publique durant cette vie, qui n’est que la raison prochaine des sociétés politiques, et elle ne s’occupe en aucune façon, comme lui étant étrangère, de leur raison dernière qui est la béatitude éternelle proposée à l’homme quand cette vie si courte aura pris fin.

   Et pourtant, l’ordre présent des choses qui se déroulent dans le temps se trouvant subordonné à la conquête de ce bien suprême et absolu, non seulement le pouvoir civil ne doit pas faire obstacle à cette conquête, mais il doit encore nous y aider.

   Cette thèse bouleverse également l’ordre très sagement établi par Dieu dans le monde, ordre qui exige une harmonieuse concorde entre les deux sociétés.

   Ces deux sociétés, la société religieuse, et la société civile, ont, en effet, les mêmes sujets, quoique chacune d’elles exerce dans sa sphère propre son autorité sur eux.

   Il en résulte forcément qu’il y aura bien des matières dont elles devront connaître l’une et l’autre, comme étant de leur ressort à toutes deux.

   Or, qu’entre l’Etat et l’Eglise l’accord vienne à disparaître, et de ces matières communes pulluleront facilement les germes de différends qui deviendront très aigus des deux côtés.

   La notion du vrai en sera troublée et les âmes remplies d’une grande anxiété.

   Enfin, cette thèse inflige de graves dommages à la société civile elle-même, car elle ne peut pas prospérer ni durer longtemps lorsqu’on n’y fait point sa place à la religion, règle suprême et souveraine maîtresse quand il s’agit des droits de l’homme et de ses devoirs. Aussi, les pontifes romains n’ont-ils pas cessé, suivant les circonstances et selon les temps, de réfuter et de condamner la doctrine de la séparation de l’Eglise et de l’Etat.

   Notre illustre prédécesseur Léon XIII, notamment, a, plusieurs fois et magnifiquement, exposé ce que devraient être, suivant la doctrine catholique, les rapports entre les deux sociétés. « Entre elles, a-t-il dit, il faut nécessairement qu’une sage union intervienne, union qu’on peut non sans justesse ; comparer à celle, qui réunit dans l’homme, l’âme et le corps » : « Quaedam intercedat necesse est ordinata colligatio inter illas quae quidem coniuntioni non immerito comparatur per quam anima et corpus in homine copulantur« . Il ajoute encore : « Les sociétés humaines ne peuvent pas, sans devenir criminelles, se conduire comme si Dieu n’existait pas ou refuser de se préoccuper de la religion comme si elle leur était chose étrangère ou qui ne pût leur servir de rien. Quant à l’Eglise, qui a Dieu lui-même pour auteur, l’exclure de la vie active de la nation, des lois, de l’éducation de la jeunesse, de la société domestique, c’est commettre une grande et pernicieuse erreur! » : « Civitates non possunt, citra seclus, genere se, tanquam si Deus omnino non esset, aut curam religionis velut alienam nihil que profituram ablicere. Ecclesiam vero quam Deus ipse constituit ab actione vitae excludere, a legibus, ab institutione adolescentium, a societate domestica, magnus et perniciosus est error » (Lettre encyclique Immortale Dei, 1er nov. 1885).

La Séparation est particulièrement funeste et injuste en France

   Que si en se séparant de l’Eglise, un Etat chrétien, quel qu’il soit, commet un acte éminemment funeste et blâmable, combien n’est-il pas à déplorer que la France se soit engagée dans cette voie, alors que, moins encore que toutes les autres nations, elle n’eût dû y entrer, la France, disons-nous, qui, dans le cours des siècles, a été, de la part de ce siège apostolique, l’objet d’une si grande et si singulière prédilection, la France, dont la fortune et la gloire ont toujours été intimement unies à la pratique des mœurs chrétiennes et au respect de la religion.

   Le même pontife Léon XIII avait donc bien raison de dire : « La France ne saurait oublier que sa providentielle destinée l’a unie au Saint-Siège par des liens trop étroits et trop anciens pour qu’elle veuille jamais les briser. De cette union, en effet, sont sorties ses vraies grandeurs et sa gloire la plus pure. Troubler cette union traditionnelle, serait enlever à la nation elle-même une partie de sa force morale et de sa haute influence dans le monde » (Allocution aux pèlerins français, 13 avril 1888).

   Les liens qui consacraient cette union devaient être d’autant plus inviolables qu’ainsi l’exigeait la foi jurée des traités. Le Concordat passé entre le Souverain Pontife et le gouvernement français, comme du reste tous les traités du même genre, que les Etats concluent entre eux, était un contrat bilatéral, qui obligeait des deux côtés : le Pontife romain d’une part, le chef de la nation française de l’autre, s’engagèrent donc solennellement, tant pour eux que pour leurs successeurs, à maintenir inviolablement le pacte qu’ils signaient.

   Il en résultait que le Concordat avait pour règle la règle de tous les traités internationaux, c’est-à-dire le droit des gens, et qu’il ne pouvait, en aucune manière, être annulé par le fait de l’une seule des deux parties ayant contracté. Le Saint-Siège a toujours observé avec une fidélité scrupuleuse les engagements qu’il avait souscrits et, de tout temps, il a réclamé que l’Etat fit preuve de la même fidélité. C’est là une vérité qu’aucun juge impartial ne peut nier. Or, aujourd’hui, l’Etat abroge de sa seule autorité le pacte solennel qu’il avait signé.

   Il transgresse ainsi la foi jurée et, pour rompre avec l’Eglise, pour s’affranchir de son amitié, ne reculant devant rien, il n’hésite pas plus à infliger au Siège apostolique l’outrage qui résulte de cette violation du droit des gens qu’à ébranler l’ordre social et politique lui-même, puisque, pour la sécurité réciproque de leurs rapports mutuels, rien n’intéresse autant les nations qu’une fidélité irrévocable dans le respect sacré des traités.

Aggravation de l’injure

   La grandeur de l’injure infligée au Siège apostolique par l’abrogation unilatérale du Concordat s’augmente encore et d’une façon singulière quand on se prend à considérer la forme dans laquelle l’Etat a effectué cette abrogation. C’est un principe admis sans discussion dans le droit des gens et universellement observé par toutes les nations que la rupture d’un traité doit être préventivement et régulièrement notifiée d’une manière claire et explicite à l’autre partie contractante par celle qui a l’intention de dénoncer le traité. Or, non seulement aucune dénonciation de ce genre n’a été faite au Saint-Siège, mais aucune indication quelconque ne lui a même été donnée à ce sujet ; en sorte que le gouvernement français n’a pas hésité à manquer vis-à-vis du siège apostolique aux égards ordinaires et à la courtoisie dont on ne se dispense même pas vis-à-vis des Etats les plus petits, et ses mandataires, qui étaient pourtant les représentants d’une nation catholique, n’ont pas craint de traiter avec mépris la dignité et le pouvoir du Pontife, chef suprême de l’Eglise, alors qu’ils auraient dû avoir pour cette puissance un respect supérieur à celui qu’inspirent toutes les autres puissances politiques et d’autant plus grand que, d’une part, cette puissance a trait au lien éternel des âmes et que, sans limites, de l’autre, elle s’étend partout.

Injustice et périls des dispositions de la loi examinée en détail : Associations cultuelles

   Si nous examinons maintenant en elle-même la loi qui vient d’être promulguée, nous y trouvons une raison nouvelle de nous plaindre encore plus énergiquement.

   Puisque l’Etat, rompant les liens du Concordat, se séparait de l’Eglise, il eût dû comme conséquence naturelle lui laisser son indépendance et lui permettre de jouir en paix du droit commun dans la liberté qu’il prétendait lui concéder. Or, rien n’a été moins fait en vérité. Nous relevons, en effet, dans la loi, plusieurs mesures d’exception, qui, odieusement restrictives, mettent l’Eglise sous la domination du pouvoir civil. Quant à nous, ce nous a été une douleur bien amère que de voir l’Etat faire ainsi invasion dans des matières qui sont du ressort exclusif de la puissance ecclésiastique, et nous en gémissons d’autant plus qu’oublieux de l’équité et de la justice, il a créé par là à l’Eglise de France une situation dure, accablante et oppressive de ses droits les plus sacrés.

   Les dispositions de la nouvelle loi sont, en effet, contraires à la Constitution suivant laquelle l’Eglise a été fondée par Jésus-Christ.

   L’Ecriture nous enseigne, et la tradition des Pères nous le confirme, que l’Eglise est le corps mystique du Christ, corps régi par des pasteurs et des docteurs (Ephes., IV, 11), société d’hommes, dès lors, au sein de laquelle des chefs se trouvent qui ont de pleins et parfaits pouvoirs pour gouverner, pour enseigner et pour juger (Matthieu, XXVIII, 18-20 ; XVI, 18-19 ; XVIII, 17 ; Tite II, 15 ; II Cor. X, 6 ; XIII, 10, etc.).

   Il en résulte que cette Eglise est par essence une société inégale, c’est-à-dire une société comprenant deux catégories de personnes : les pasteurs et le troupeau, ceux qui occupent un rang dans les différents degrés de la hiérarchie et la multitude des fidèles; et ces catégories sont tellement distinctes entre elles, que, dans le corps pastoral seul, résident le droit et l’autorité nécessaires pour promouvoir et diriger tous les membres vers la fin de la société.

   Quant à la multitude, elle n’a pas d’autre devoir que celui de se laisser conduire et, troupeau docile, de suivre ses pasteurs.

   Saint Cyprien, martyr, exprime cette vérité d’une façon admirable, quand il écrit : Notre Seigneur dont nous devons révérer et observer les préceptes réglant la dignité épiscopale et le mode d’être de son Eglise, dit dans l’Evangile, en s’adressant à Pierre : « Ego dico tibi quia tu es Petrus », etc.

   Aussi, « à travers les vicissitudes des âges et des événements, l’économie de l’épiscopat et la constitution de l’Eglise se déroulent de telle sorte que l’Eglise repose sur les évêques et que toute sa vie active est gouvernée par eux » : « Dominus noster cujus praecepta metuere et servare debemus episcopi honorem et ecclesiae suae rationem disponens in evangolio loquitur et dixit Petro: ego dico tibi quia tu es Petrus, etc. Inde per temporum et successionum vices episcoporum ordinatio et ecclesiae ratio decurbit ut Ecclesia super episcopas constituatur et omnis actus ecclesiae per eosdem praepositos gubernetur » (St Cypr., epist., XXVII ; Al., XXVIII, ad Lapsos, 11.).

   Saint Cyprien affirme que tout cela est fondé sur une loi divine : « Divina lege fundatum ».

   Contrairement à ces principes, la loi de séparation attribue l’administration et la tutelle du culte public, non pas au corps hiérarchique divinement institué par le Sauveur, mais à une association de personnes laïques.

   A cette association elle impose une forme, une personnalité juridique et pour tout ce qui touche au culte religieux, elle la considère comme ayant seule des droits civils et des responsabilités à ses yeux. Aussi est-ce à cette association que reviendra l’usage des temples et des édifices sacrés. C’est elle qui possédera tous les biens ecclésiastiques, meubles et immeubles ; c’est elle qui disposera, quoique d’une manière temporaire seulement, des évêchés, des presbytères et des séminaires ! C’est elle, enfin, qui administrera les biens, réglera les quêtes et recevra les aumônes et les legs destinés au culte religieux. Quant au corps hiérarchique des pasteurs, on fait sur lui un silence absolu ! Et si la loi prescrit que les associations cultuelles doivent être constituées conformément aux règles d’organisation générale du culte, dont elles se proposent d’assurer l’exercice, d’autre part, on a bien soin de déclarer que, dans tous les différends qui pourront naître relativement à leurs biens, seul le Conseil d’État sera compétent. Ces associations cultuelles elles-mêmes seront donc, vis-à-vis de l’autorité civile dans une dépendance telle, que l’autorité ecclésiastique, et c’est manifeste, n’aura plus sur elles aucun pouvoir. Combien toutes ces dispositions seront blessantes pour l’Eglise et contraires à ses droits et à sa constitution divine ! Il n’est personne qui ne l’aperçoive au premier coup d’œil, sans compter que la loi n’est pas conçue, sur ce point, en des termes nets et précis, qu’elle s’exprime d’une façon très vague et se prêtant largement à l’arbitraire et qu’on peut, dès lors, redouter de voir surgir de son interprétation même de plus grands maux !

L’Eglise ne sera pas libre

   En outre, rien n’est plus contraire à la liberté de l’Eglise que cette loi. En effet, quand, par suite de l’existence des associations cultuelles, la loi de séparation empêche les pasteurs d’exercer la plénitude de leur autorité et de leur charge sur le peuple des fidèles; quand elle attribue la juridiction suprême sur ces associations cultuelles au Conseil d’Etat et qu’elle les soumet à toute une série de prescriptions en dehors du droit commun qui rendent leur formation difficile, et plus difficile encore leur maintien, quand, après avoir proclamé la liberté du culte, elle en restreint l’exercice par de multiples exceptions, quand elle dépouille l’Église de la police intérieure des temples pour en investir l’Etat, quand elle entrave la prédication de la foi et de la morale catholiques et édicte contre les clercs un régime pénal sévère et d’exception, quand elle sanctionne ces dispositions et plusieurs autres dispositions semblables où l’arbitraire peut aisément s’exercer, que fait-elle donc sinon placer l’Église dans une sujétion humiliante et, sous le prétexte de protéger l’ordre public, ravir à des citoyens paisibles, qui forment encore l’immense majorité en France, le droit sacré de pratiquer leur propre religion ? Aussi. n’est-ce pas seulement en restreignant l’exercice de son culte auquel la loi de séparation réduit faussement toute l’essence de la religion, que l’Etat blesse l’Eglise, c’est encore en faisant obstacle à son influence toujours si bienfaisante sur le peuple et en paralysant de mille manières différentes son action.

   C’est ainsi, entre autres choses, qu’il ne lui a pas suffi d’arracher à cette Eglise les ordres religieux, ses précieux auxiliaires dans le sacré ministère, dans l’enseignement, dans l’éducation, dans les œuvres de charité chrétienne ; mais qu’il la prive encore des ressources qui constituent les moyens humains nécessaires à son existence et à l’accomplissement de sa mission.

Droit de propriété violé

   Outre les préjudices et les injures que nous avons relevés jusqu’ici, la loi de séparation viole encore le droit de propriété de l’Eglise et elle le foule aux pieds ! Contrairement à toute justice, elle dépouille cette Eglise d’une grande partie d’un patrimoine, qui lui appartient pourtant à des titres aussi multiples que sacrés. Elle supprime et annule toutes les fondations pieuses très légalement consacrées au culte divin ou à la prière pour les trépassés. Quant aux ressources que la libéralité catholique avait constituées pour le maintien des écoles chrétiennes, ou pour le fonctionnement des différentes œuvres de bienfaisance cultuelles, elle les transfère à des établissements laïques où l’on chercherait vainement le moindre vestige de religion ! En quoi elle ne viole pas seulement les droits de l’Eglise, mais encore la volonté formelle et explicite des donateurs et des testateurs !

   Il nous est extrêmement douloureux aussi qu’au mépris de tous les droits, la loi déclare propriété de l’Etat, des départements ou des communes, tous les édifices ecclésiastiques antérieurs au Concordat. Et si la loi en concède l’usage indéfini et gratuit aux associations cultuelles, elle entoure cette concession de tant et de telles réserves qu’en réalité elle laisse aux pouvoirs publics la liberté d’en disposer.

   Nous avons de plus les craintes les plus véhémentes en ce qui concerne la sainteté de ces temples, asiles augustes de la Majesté Divine et lieux mille fois chers, à cause de leurs souvenirs, à la piété du peuple français ! Car ils sont certainement en danger, s’ils tombent entre des mains laïques, d’être profanés ! Quand la loi supprimant le budget des cultes exonère ensuite l’Etat de l’obligation de pourvoir aux dépenses cultuelles, en même temps elle viole un engagement contracté dans une convention diplomatique et elle blesse très gravement la justice. Sur ce point, en effet, aucun doute n’est possible et les documents historiques eux-mêmes en témoignent de la façon la plus claire. Si le gouvernement français assuma, dans le Concordat, la charge d’assurer aux membres du clergé un traitement qui leur permit de pourvoir, d’une façon convenable, à leur entretien et à celui du culte religieux, il ne fit point cela à titre de concession gratuite, il s’y obligea à titre de dédommagement partiel, au moins vis-à-vis de l’Eglise, dont l’Etat s’était approprié tes biens pendant la première Révolution.

   D’autre part aussi, quand, dans ce même Concordat et par amour de la paix, le Pontife romain s’engagea, en son nom et au nom de ses successeurs à ne pas inquiéter les détenteurs des biens qui avaient été ainsi ravis à l’Eglise, il est certain qu’il ne fit cette promesse qu’à une condition : c’est que le gouvernement français s’engagerait à perpétuité à doter le clergé d’une façon convenable et à pourvoir aux frais du culte divin.

Principe de discorde

   Enfin et comment, pourrions-nous bien nous taire sur ce point ? En dehors des intérêts de l’Eglise qu’elle blesse, la nouvelle loi sera aussi des plus funestes à votre pays ! Pas de doute, en effet, qu’elle ne ruine lamentablement l’union et la concorde des âmes. Et cependant, sans cette union et sans cette concorde, aucune nation ne peut vivre ou prospérer. Voilà pourquoi, dans la situation présente de l’Europe surtout, cette harmonie parfaite forme le vœu le plus ardent de tous ceux, en France, qui, aimant vraiment, leur pays, ont encore à coeur le salut de la patrie.

   Quant à Nous, à l’exemple de notre prédécesseur et héritier de sa prédilection toute particulière pour votre nation, nous nous sommes efforcé sans doute de maintenir la religion de vos aïeux dans l’intégrale possession de tous ses droits parmi vous, mais, en même temps, et toujours ayant devant les yeux cette paix fraternelle, dont le lien le plus étroit est certainement la religion, nous avons travaillé à vous raffermir tous dans l’union. Aussi, nous ne pouvons pas voir, sans la plus vive angoisse, que le gouvernement français vient d’accomplir un acte qui, en attisant, sur le terrain religieux, des passions excitées déjà d’une façon trop funeste, semble de nature à bouleverser de fond en comble tout votre pays.

La condamnation

   C’est pourquoi, Nous souvenant de notre charge apostolique et conscient de l’impérieux devoir qui nous incombe de défendre contre toute attaque- et de maintenir dans leur intégrité absolue les droits inviolables et sacrés de l’Eglise, en vertu de l’autorité suprême que Dieu nous a conférée, Nous, pour les motifs exposés ci-dessus, nous réprouvons et nous condamnons la loi votée en France sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat comme profondément injurieuse vis-à-vis de Dieu, qu’elle renie officiellement, en posant en principe que la République ne reconnaît aucun culte.

   Nous la réprouvons et condamnons comme violant le droit naturel, le droit des gens et la fidélité due aux traités, comme contraire à la constitution divine de l’Eglise, à ses droits essentiels, à sa liberté, comme renversant la justice et foulant aux pieds les droits de propriété que l’Eglise a acquis à des titres multiples et, en outre, en vertu du Concordat.

   Nous la réprouvons et condamnons comme gravement offensante pour la dignité de ce Siège apostolique, pour notre personne, pour l’épiscopat, pour le clergé et pour tous les catholiques français.

   En conséquence, nous protestons solennellement de toutes nos forces contre la proposition, contre le vote et contre la promulgation de cette loi, déclarant qu’elle ne pourra jamais être alléguée contre les droits imprescriptibles et immuables de l’Eglise pour les infirmer.

Aux Evêques et au Clergé : Instructions Pratiques

   Nous devions faire entendre ces graves paroles et vous les adresser à vous, vénérables Frères, au peuple de France et au monde chrétien tout entier, pour dénoncer le fait qui vient de se produire.

   Assurément, profonde est notre tristesse, comme nous l’avons déjà dit, quand, par avance, nous mesurions du regard les maux que cette loi va déchaîner sur un peuple si tendrement aimé par nous, et elle nous émeut plus profondément encore à la pensée des peines, des souffrances, des tribulations de tout genre qui vont vous incomber à vous aussi vénérables Frères, et à votre clergé tout entier.

   Mais, pour nous garder au milieu des sollicitudes si accablantes contre toute affliction excessive et contre tous les découragements, nous avons le ressouvenir de la Providence divine toujours si miséricordieuse et l’espérance mille fois vérifiée que jamais Jésus-Christ n’abandonnera son Eglise, que jamais, il ne la privera de son indéfectible appui. Aussi, sommes-nous bien loin d’éprouver la moindre crainte pour cette Eglise. Sa force est divine comme son immuable stabilité. L’expérience des siècles le démontre victorieusement. Personne n’ignore, en effet, les calamités innombrables et plus terribles les unes que les autres qui ont fondu sur elle pendant cette longue durée et là où toute institution purement humaine eût dû nécessairement s’écrouler, l’Eglise a toujours puisé dans ses épreuves une force plus rigoureuse et une plus opulente fécondité.

   Quant aux lois de persécution dirigées contre elle, l’histoire nous l’enseigne, et dans des temps assez rapprochés la France elle-même nous le prouve, forgées par la haine, elles finissent toujours par être abrogées avec sagesse, quand devient manifeste le préjudice qui en découle pour les Etats. Plaise à Dieu que ceux qui en ce moment sont au pouvoir en France suivent bientôt sur ce point l’exemple de ceux qui les y précédèrent. Plaise à Dieu qu’aux applaudissements de tous les gens de bien, ils ne tardent pas à rendre à la religion, source de civilisation et de prospérité pour les peuples, avec l’honneur qui lui est dû, la liberté ! En attendant, et aussi longtemps que durera une persécution oppressive, revêtus des armes de lumière (Rom. XIII, 12), les enfants de l’Eglise doivent agir de toutes leurs forces pour la vérité et pour la justice. C’est leur devoir toujours ! C’est leur devoir aujourd’hui plus que jamais ! Dans ces saintes luttes, vénérables Frères, vous qui devez être les maîtres et les guides de tous les autres, vous apporterez toute l’ardeur de ce zèle vigilant et infatigable, dont de tout temps l’Episcopat français a fourni à sa louange des preuves si connues de tous; mais par dessus tout, nous voulons, car c’est une chose d’une importance extrême, que, dans tous les projets que vous entreprendrez pour la défense de l’Eglise, vous vous efforciez de réaliser la plus parfaite union de coeur et de volonté !

   Nous sommes fermement résolu à vous adresser, en temps opportun, des instructions pratiques pour qu’elles vous soient une règle de conduite sûre au milieu des grandes difficultés de l’heure présente. Et nous sommes certain d’avance que vous vous y conformerez très fidèlement.

   Poursuivez cependant l’œuvre salutaire que vous faites, ravivez le plus possible la piété parmi les fidèles, promouvez et vulgarisez de plus en plus l’enseignement de la doctrine chrétienne, préservez toutes les âmes qui vous sont confiées des erreurs et des séductions qu’aujourd’hui elles rencontrent de tant de côtés ; instruisez, prévenez, encouragez, consolez votre troupeau ; acquittez-vous enfin vis-à-vis de lui de tous les devoirs que vous impose votre charge pastorale.

   Dans cette œuvre, vous aurez sans doute, comme collaborateur infatigable, votre clergé. Il est riche en hommes remarquables par leur piété, leur science, leur attachement au Siège apostolique, et nous savons qu’il est toujours prêt à se dévouer sans compter sous votre direction pour le triomphe de l’Eglise et pour le salut éternel du prochain.

   Bien certainement, aussi les membres de ce clergé comprendront que dans cette tourmente ils doivent avoir au coeur les sentiments qui furent jadis ceux des apôtres et ils se réjouiront d’avoir été jugés dignes de souffrir des opprobres pour le nom de Jésus. Gaudeates quoniam digni habili sunt pro nomine Jesu contumeliam pari (Act. V, 41).

   Ils revendiqueront donc vaillamment les droits et la liberté de l’Eglise, mais sans offenser personne. Bien plus soucieux de garder la charité comme le doivent surtout des ministres de Jésus-Christ, ils répondront à l’iniquité par la justice, aux outrages par la douceur, et aux mauvais traitements par des bienfaits.

Au peuple catholique : Appel à l’union

   Et maintenant, c’est à vous que nous nous adressons, catholiques de France ; que notre parole vous parvienne à tous comme un témoignage de la très tendre bienveillance avec laquelle nous ne cessons pas d’aimer votre pays et comme un réconfort au milieu des calamités redoutables qu’il va vous falloir traverser.

   Vous savez le but que se sont assigné les sectes impies qui courbent vos têtes sous leur joug, car elles l’ont elles-mêmes proclamé avec une cynique audace : « Décatholiciser la France ».

   Elles veulent arracher de vos coeurs, jusqu’à la dernière racine, la foi qui a comblé vos pères de gloire, la foi qui a rendu votre patrie prospère et grande parmi les nations, la foi qui vous soutient dans l’épreuve qui maintient la tranquillité et la paix à votre foyer et qui vous ouvre la voie vers l’éternelle félicité.

   C’est de toute votre âme, vous le sentez bien, qu’il vous faut défendre cette foi ; mais ne vous y méprenez pas, travail et efforts seraient inutiles si vous tentiez de repousser les assauts qu’on vous livrera sans être fortement unis. Abdiquez donc tous les germes de désunion s’il en existait parmi vous et faites le nécessaire pour que, dans la pensée comme dans l’action, votre union soit aussi ferme qu’elle doit l’être parmi des hommes qui combattent pour la même cause, surtout quand cette cause est de celles au triomphe de qui chacun doit volontiers sacrifier quelque chose de ses propres opinions.

   Si vous voulez dans la limite de vos forces, et comme c’est votre devoir impérieux, sauver la religion de vos ancêtres des dangers qu’elle court, il est de toute nécessité que vous déployiez dans une large mesure vaillance et générosité. Cette générosité vous l’aurez, nous en sommes sûr et, en vous montrant ainsi charitables vis-à-vis de ses ministres, vous inclinerez Dieu à se montrer de plus en plus charitable vis-à-vis de vous. Quant à la défense de la religion, si vous voulez l’entreprendre d’une manière digne d’elle, la poursuivre sans écart et avec efficacité, deux choses importent avant tout : vous devez d’abord vous modeler si fidèlement sur les préceptes de la loi chrétienne que vos actes et votre vie tout entière honorent la foi dont vous faites profession; vous devez ensuite demeurer très étroitement unis avec ceux à qui il appartient en propre de veiller ici-bas sur la religion, avec vos prêtres, avec vos évêques et surtout avec ce siège apostolique, qui est le pivot de la foi catholique et de tout ce qu’on peut faire en son nom. Ainsi armés pour la lutte, marchez sans crainte à la défense de l’Eglise, mais ayez bien soin que votre confiance se fonde tout entière sur le Dieu dont vous soutiendrez la cause et, pour qu’il vous secoure, implorez-le sans vous lasser.

   Pour nous, aussi longtemps que vous aurez à lutter contre le danger, nous serons de cœur et d’âme au milieu de vous. Labeurs, peines, souffrances, nous partagerons tout avec vous et, adressant en même temps au Dieu qui a fondé l’Eglise et qui la conserve, nos prières les plus humbles et les plus instantes, nous le supplierons d’abaisser sur la France un regard de miséricorde, de l’arracher aux flots déchaînés autour d’elle et de lui rendre bientôt, par l’intercession de Marie Immaculée, le calme et la paix. Comme présage de ces bienfaits célestes et pour vous témoigner notre prédilection toute particulière, c’est de tout coeur que nous vous donnons notre bénédiction apostolique, à vous, vénérables Frères, à votre clergé et au peuple français tout entier.

Donné à Rome, auprès de Saint-Pierre, le 11 février de l’année 1906, de notre pontificat la troisième.

Pie X pp.

Expulsion des séminaristes de Saint-Sulpice

Note : l’ancien séminaire Saint-Sulpice, place Saint-Sulpice à Paris, volé à la Compagnie des
Prêtres de Saint-Sulpice, 
est, depuis 1922, occupé par des services du Ministère des Finances…

Prière à Sainte Jeanne de France :

Sainte Jeanne de France (2)

       « Nous honorons, ô sainte Princesse, les vertus héroïques dont votre vie a été remplie, et nous glorifions le Seigneur qui vous a admise dans Sa gloire. Mais que vos exemples nous sont utiles et encourageants, au milieu des épreuves de cette vie ! Qui plus que vous, a connu les disgrâces du monde ; mais aussi qui les a vues venir avec plus de douceur, et les a supportées avec plus de tranquillité ? Les grâces extérieures vous avaient été refusées, et votre cœur ne les regretta jamais ; car vous saviez que l’Epoux des âmes ne recherche pas dans ses élues les agréments du corps, qui trop souvent seraient un danger pour elles.

   Le sceptre que vos saintes mains portèrent un instant leur échappa bientôt, et nul regret ne s’éleva en vous, et votre âme véritablement chrétienne ne vit dans cette disposition de la Providence qu’un motif de reconnaissance pour la délivrance qui lui était accordée. La royauté de la terre n’était pas assez pour vous ; le Seigneur vous destinait à celle du ciel.
Priez pour nous, servante du Christ dans Ses pauvres, et faites-nous l’aumône de votre intercession.

   Ouvrez nos yeux sur les périls du monde, afin que nous traversions ses prospérités sans ivresse, et ses revers sans murmure.
Souvenez-vous de la France qui vous a produite, et qui a droit à votre patronage.
Un jour, la tombe qui recelait votre sainte dépouille fut violée par les impies, et des soupirs s’échappèrent de votre poitrine, au sentiment des malheurs de la patrie. C’était alors le prélude des maux qui depuis se sont appesantis sur la nation française ; mais du moins la cause de la foi trouva, dans ces temps, de généreux défenseurs, et l’hérésie fut contrainte de reculer. Maintenant, le mal est à son comble ; toutes les erreurs dont le germe était renfermé dans la prétendue Réforme se sont développées, et menacent d’étouffer ce qui reste de bon grain.
Aidez-nous, conservez la précieuse semence de vérité et de vertus qui semble prête à périr. Recommandez-nous à Marie, l’objet de votre tendre dévotion sur la terre, et obtenez-nous des jours meilleurs. »

Dom Prosper Guéranger,
in « L’Année liturgique », sanctoral – IV février.

Gisant de Sainte Jeanne de France

Gisant (XVIIème siècle) de Sainte Jeanne de France, à l’aplomb de son tombeau,
dans la chapelle militaire Sainte-Jeanne-de-France, à Bourges

2025-26. « Restez imperturbablement fidèles à l’héritage que le Christ vous a confié et transmis par la longue chaîne de vos saints ! »

4 février,
Fête de Sainte Jeanne de France, Reine puis moniale ;
Mémoire de Sainte Véronique, veuve, modèle des âmes réparatrices ;
Mémoire de Saint Raban Maur, évêque et confesseur ;
Mémoire de Saint Joseph de Léonisse, martyr, dont nous possédons une relique au Mesnil-Marie ;
Mémoire de Saint André Corsini, évêque et confesseur.

Canonisation de Sainte Jeanne de France - procession d'entrée - bannière

Dimanche de Pentecôte 29 mai 1950 : canonisation de Sainte Jeanne de France.
Procession d’entrée dans la basilique vaticane avec la bannière de Sainte Jeanne de France.

       A l’occasion de la fête de Sainte Jeanne de France, il n’est pas inutile, je crois, de lire et de relire le discours de Sa Sainteté le Pape Pie XII à l’adresse des pèlerins français qui s’étaient rendus très nombreux à Rome (ils étaient plus de 25.000) pour la canonisation de cette Fille de France.
Cette canonisation fut célébrée le dimanche 28 mai 1950, dimanche de Pentecôte de l’Année Sainte.

   Rappelons – ce n’est jamais inutile compte-tenu du fait que nous sommes, malgré tout, tous pollués par les pratiques qui se sont imposées depuis le concile vaticandeux – que, dans la liturgie traditionnelle, le Souverain Pontife ne prêche pas aux fonctions solennelles.
En 1950, on n’avait pas encore échangé le « sermon sur la montagne » en une montagne de sermons !
C’est donc le lendemain, lundi de Pentecôte 29 mai 1950, que le Vénérable Pie XII reçut la délégation française en audience et qu’il prononça l’allocution dont nous reproduisons ci-dessous le texte intégral.

Canonisation de Sainte Jeanne de France - Pie XII pendant le rite de canonisation

Dimanche de Pentecôte 29 mai 1950 : canonisation de Sainte Jeanne de France.
Le Vénérable Pie XII préside aux rites de la canonisation.

   Un lecteur attentif et non superficiel fera de ce discours du Vénérable Pie XII un véritable aliment de sa méditation, non seulement en ce qui concerne la vie et les exemples de Sainte Jeanne de France, mais aussi en ce qui concerne la France, sa vocation catholique et royale, et les devoirs qui incombent aux Français.

   Pie XII aimait la France : il l’aimait en Dieu, en raison de la mission particulière qui lui a été assignée par la divine Providence en ce monde. Pie XII aimait l’histoire sainte de la France. Pie XII aimait aussi la langue française, en laquelle il s’exprimait parfaitement et avec style (ce discours a été entièrement rédigé par lui, et directement en français) ; il aimait la culture française classique…

   Mon Dieu, que la lecture de ce discours fait du bien à l’âme et nous change de la grossièreté de la pensée et de l’expression vulgaire des hiérarques d’aujourd’hui !!!

Tolbiac.

Canonisation de Sainte Jeanne de France - Pie XII lisant la collecte de la nouvelle canonisée

Dimanche de Pentecôte 29 mai 1950 : canonisation de Sainte Jeanne de France.
Le Vénérable Pie XII chantant la collecte de la nouvelle canonisée.

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« Restez imperturbablement fidèles à l’héritage

que le Christ vous a confié et transmis

par la longue chaîne de vos saints ! »

       La Pentecôte ! la Pentecôte de l’Année Sainte, année d’effusion, extraordinairement abondante, de l’onction divine : spiritalis unctio ! Quelle fête ! quelle joie pour l’univers chrétien, pour les pèlerins accourus des quatre points cardinaux à la Ville éternelle, autour de la Chaire du successeur de Pierre !

   Mais quelle fête et quelle joie spéciales pour vous, chers fils et filles de France, de la nation qui vient de voir couronner du diadème lumineux et impérissable de la sainteté une de ses reines, une reine qui s’était, avec la majesté d’une incomparable humilité et d’une incomparable dignité, laissée frustrer de la couronne terrestre, dont Bossuet, citant les paroles mêmes de saint Grégoire le Grand, disait qu’elle était « autant au-dessus des autres couronnes du monde que la dignité royale surpasse les fortunes particulières » (Oraison funèbre d’Henriette-Marie de France – Cf. S. Gregorius I Childeberto, regi Francorum, 595 sept. 1. VI ep. 6 – Monum. Germaniae hist. Epist. t. I pag. 384).

   Cette affluence, ce fleuve imposant de pèlerins, après tant d’autres déjà venus cette année de votre patrie, porte aujourd’hui ses flots, dans un élan de gratitude, aux pieds de celui qui a eu l’honneur et la consolation de mettre au rang des saints de l’Eglise, près d’un demi millénaire depuis sa naissance, cette fille de sang royal, Jeanne de France. Peut-on n’y voir pas comme le plébiscite de la foi d’un peuple fier d’une galerie de saints, qui difficilement le cède en ampleur et en magnificence à celle de tous les autres pays du monde ?

   Qu’est-elle donc cette nouvelle sainte que, de toutes les provinces et diocèses, pèlerins de tous âges, de toutes conditions, de toutes professions, prêtres, religieux, laïques, vous êtes venus honorer et vénérer ici dans la capitale de la chrétienté ? Elle est une de ces héroïnes silencieuses, dont la silhouette, d’une grandeur morale exceptionnelle, loin de s’estomper au cours des âges, semble commencer seulement à prendre dans la lumière de l’histoire, des contours plus nets, un coloris plus éclatant.

   Telle est Jeanne de France. Elle est du nombre de ces saints, dont la lumière, naissante et croissante à l’écart du monde, était restée, au cours de leur vie d’ici-bas, presque entièrement cachée sous le boisseau. Mais cette lumière, aujourd’hui, élevée sur le flambeau, rayonne aux yeux de tous les fidèles ; elle marche, elle monte, entraînant dans son sillage de clarté tous ceux qui savent encore regarder, comprendre, apprécier les vraies valeurs de la vie. Jeanne prend place en reine glorieuse sur un trône que jamais ses contemporains n’eussent songé à lui assigner. Et voici que ce temple même, où viennent de se dérouler les cérémonies solennelles de sa canonisation, est, en ce moment, témoin de l’affectueuse rencontre du Père de la grande famille chrétienne avec sa fille aînée, la France catholique !

   Aussi, tout rempli encore de l’émotion de cette inoubliable matinée, Nous sentons Notre cœur se dilater et Nos lèvres s’ouvrir pour un paternel souhait de bienvenue, qui spontanément se mue aussitôt en une prière ardente et une tendre exhortation. Nous vous disons à tous : écoutez et suivez l’appel intérieur de cette sainte de la terre de France, le message qu’elle adresse à l’âme et à la conscience de tous ceux qui, vivant dans une ambiance, trop souvent hélas ! bien éloignée du Christ, prennent au sérieux leur dignité de chrétiens.

   Il Nous semble voir la vie et l’œuvre de Jeanne de France marquée d’un triple sceau divin : dons intérieurs, dont l’Esprit Saint l’enrichit dès sa prime jeunesse — intelligence exceptionnellement pénétrante de la vie et de l’action efficace de la Vierge Mère du Rédempteur — et, fruit de l’union de sa vie avec la vie de la Mère de Dieu, union d’autant plus étroite avec le Christ, sans limite ni réserve, haussée d’un élan généreux au-dessus de toutes les épreuves et de toutes les humiliations, victorieuse de toutes les amertumes et de toutes les douleurs.

   Chers fils et chères filles, de retour dans votre patrie, si belle et, quand même, secouée par les troubles de l’heure présente, restez imperturbablement fidèles à l’héritage que le Christ vous a confié et transmis par la longue chaîne de vos saints. Restez fidèles à l’Esprit que l’Eglise invoque en cette fête de Pentecôte : sans le secours de votre divin pouvoir, l’homme n’a plus rien en lui, plus rien qui ne soit pour son mal et sa perte : sine tuo numine, nihil est in homine, nihil est innoxium.

   Regardez-le notre temps, avec ses misères et ses angoisses, avec ses erreurs et ses égarements, avec ses soulèvements et ses injustices : ne vous offre-t-il pas une trop fidèle peinture de l’horreur qui menace l’humanité tout entière et chacun des individus qui la composent, dès qu’ils prétendent se soustraire au joug aimable de l’Esprit de Dieu ? Seule une France docile à cet Esprit divin, purifiée, obéissante à son essentielle vocation, appliquée à valoriser toujours davantage ses plus belles ressources, sera capable d’apporter à l’humanité, à la chrétienté, en toute plénitude, une contribution digne d’elle pour l’œuvre de réconciliation et de restauration.

   La profonde pénétration de Jeanne de France dans la vie de la Bienheureuse Mère de Dieu, la totalité absolue de sa consécration à Marie, le reflet resplendissant des sentiments et des vertus mariales dans sa propre vie et dans son Ordre de « l’Annonciade », donnent de nos jours à ses exemples et à ses règles l’aspect d’un nouveau Message à la France. Dans les grandes luttes spirituelles de ces temps, où les tenants du Christ et ses négateurs se trouvent confondus dans la foule, la dévotion à la Mère de Jésus est une pierre de touche infaillible pour discerner les uns des autres. Catholiques de France, votre histoire, dont toute la trame est tissue des grâces et des faveurs de Marie, vous fait un devoir tout spécial de veiller sur l’intégrité et sur la pureté de votre héritage marial. Défendez-le contre ceux qui ont rompu leurs liens avec vos antiques et glorieuses traditions, par votre courageuse persévérance dans la poursuite de vos intérêts les plus sacrés, unie à l’exemple du respect des justes lois et de l’ordre légitime de l’Etat. Vous allez quitter ces lieux, où vous venez d’assister au triomphe de votre sainte ; vous allez de nouveau fouler la terre, qui tant de fois a éprouvé les effets de la protection et de l’intercession puissante de Marie : faites alors monter vers le ciel d’azur et de lumière le grand désir de votre cœur, l’ardente prière de votre âme : Vierge sainte, rendez nous forts dans le combat contre vos ennemis : Virgo sacrata, da mihi virtutem contra hostes tuos !

   La vie de Jeanne porte enfin le sceau de son union avec le Christ. Cette union l’imprègne, jusque dans les profondeurs de son âme, de grandeur héroïque. Sa naissance de sang royal, sa destinée de reine, fille, sœur, épouse, de rois, réservaient à la pauvre créature disgraciée aux yeux du monde, mais toute gracieuse de charmes divins, un sort des plus douloureux. De bien rares éclairs de joie et d’honneur allaient faire descendre un peu de lumière dans la nuit d’une vie de douleur et d’humiliation ; à peine quelques gouttes de douceur allaient atténuer un peu l’amertume de son calice d’affliction. Quel cœur resterait impassible à mesurer la distance de la félicité, qui aurait dû être la sienne, à l’abîme de tribulations, où s’est écoulée son existence mortelle. Elle traverse la vallée de larmes et gravit les sommets avec la sérénité de ceux qui, formés à l’école sublime de la folie de la Croix, ont su y tremper et affiner leurs esprits.

   Au cœur des femmes de France, à qui dans les conjonctures actuelles, incombe une mission de souveraine importance, daigne Dieu, le Seigneur tout-puissant, infuser en une mesure riche et débordante, le courage dans la souffrance et dans la lutte, par où s’est héroïquement signalée la vie intérieure de Jeanne de France.

   Elle est admirable la part des femmes dans l’histoire de la France. Clotilde la délivre de l’infidélité et de l’hérésie, et par la baptême de Clovis elle est donnée au Christ ! Blanche de Castille est l’éducatrice de Saint Louis, « le bon sergent du Christ » ! Jeanne d’Arc rend à la France sa place dans le monde, et son étendard porte les noms de Jésus et de Marie ! La glorification, aujourd’hui, de Jeanne de France n’est-elle pas un présage que son message de paix, resté si longtemps, comme le grain, enfoui dans la terre et stérile en apparence, va germer enfin et monter en épis dorés, dont porteront joyeusement les gerbes, pour la France et pour le monde, ceux qui l’avaient semé dans les larmes et dans leur sang ?

   A une condition ! que la femme française continue de répondre à sa vocation, de remplir sa mission. Ces héroïnes providentielles ont rempli la leur par la sagesse de leur esprit, la force de leur volonté, la sainteté de leur vie, la générosité dans le sacrifice total d’elles-mêmes, en somme par l’imitation des vertus de Marie, trône de la Sagesse, femme forte, servante du Seigneur, Vierge compatissante au cœur percé du glaive, Mère de l’Auteur de la Paix et Reine de la Paix. Soyez telles, femmes de France. Par votre jeunesse virginale, par votre dévouement filial et conjugal, par votre sollicitude maternelle, par la dignité de votre vie chrétienne, privée et sociale, vous ferez plus encore pour la vraie, la grande paix que ne pourraient faire, sans vous, les conquérants, les législateurs, les génies.

   C’est dans cette pensée et avec cet espoir que Nous appelons sur la France, par l’intercession de sainte Jeanne, les plus belles faveurs de Dieu, en gage desquelles Nous vous donnons de tout cœur Notre Bénédiction apostolique.

A.A.S., vol. XXXXII (1950), n. 5 – 6, pp. 481 – 484.

Sainte Jeanne de France - gravure XVIIIème siècle

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