2010-54. Du Bienheureux Urbain V (1310-1370).

Bx Urbain V

   L’année 2010 a marqué le 7ème centenaire de la naissance  (et aussi le 640ème anniversaire de la mort) du Bienheureux Urbain V. Sa fête liturgique se célèbre le 19 décembre et ce modeste blogue ne peut que se faire l’écho de la grande dévotion que nous nourrissons envers ce très grand et saint pontife.

   Né en 1310 au château de Grizac, près de Florac, Guillaume de Grimoard fit à Toulouse et à Montpellier de brillantes études en lettres, sciences, philosophie et droit, entrecoupées de séjours dans la demeure familiale, aux confins des Cévennes et du Gévaudan. Rentré comme simple moine à l’abbaye bénédictine Saint-Victor de Marseille, il fut très vite apprécié comme l’un des meilleurs maîtres de son temps et enseigna le droit à Montpellier, Paris, Avignon et Toulouse. « Une foule de disciples entourait sa chaire pour recueillir avidement la doctrine qui tombait à flots de ses lèvres. »

   Il fut ensuite désigné par le Pape Clément VI comme abbé de Saint-Germain d’Auxerre dont il réforma et la règle et l’administration. Envoyé comme légat du Pape en Italie, il revint pour recevoir d’Innocent VI la charge d’abbé de Saint-Victor de Marseille, avant d’être élu Pape à l’unanimité en 1362 alors qu’il n’était ni cardinal ni même évêque.

   Ses huit années de pontificat furent très remplies :  il sut se rapprocher de nos frères orthodoxes, ramena dans l’unité de l’Eglise des communautés séparées, envoya un légat à Pékin et fonda le premier évêché de Chine. Courageux réformateur, au coeur d’une époque extrêmement troublée, il astreint les évêques et abbés à résider dans leurs diocèses ou leurs abbayes et obligea ces dernières à revenir à l’observance de leurs règles (il fut en particulier le restaurateur du mont Cassin). Humaniste éclairé, intellectuel de grande envergure et juriste consulté dans toute la chrétienté, il correspondit avec les plus grands esprits de son temps (Pétrarque, Boccace, Sainte Brigitte de Suède…), participa au rayonnement du savoir et de la culture de l’Europe chrétienne tant par ses enseignements que par la création des universités de Genève, Cracovie, Vienne et Pecs (Hongrie) qu’il fonda et dota ; il encouragea de nombreux artistes. Selon son vœu le plus cher il fut le premier pape d’Avignon à revenir à Rome où il se dépensa sans compter à rétablir le prestige de la papauté. En tout cela, il resta un fidèle disciple de Saint Benoît car, homme de Dieu avant tout, il avait gardé l’humilité du moine et couchait revêtu de son habit de bénédictin dans un appentis de planches.

   Après sa mort, de nombreuses demandes de canonisation parvinrent à son successeur, Grégoire XI, émanant de souverains et de prélats ; mais le grand schisme d’Occident qui survint bientôt après gela toute procédure et il fallut attendre 1870 pour que le Bienheureux Pape Pie IX  l’élevât aux honneurs des autels.

   Madame Claire de Gatellier, qui nous honore de son amitié, nous a autorisés à publier ici l’article où elle fait à la fois la recension de la biographie que Yves Chiron a publiée à l’occasion de ce 7ème centenaire et un rapide compte-rendu du colloque qui s’est déroulé en octobre dernier à Paris à l’initiative de l’Association des Amis du Bienheureux Pape Urbain V ; qu’elle en soit vivement remerciée.

Yves Chiron Urbain V

Urbain V, le bienheureux

par Madame Claire de Gatellier.

   Cette fois encore, Yves Chiron ne nous décevra pas. Après ses ouvrages passionnants sur les papes Pie IX, Saint Pie X, Pie XI et Paul VI, cet auteur spécialiste de l’histoire de l’Eglise remonte dans le temps – 7 siècles – puisque son dernier ouvrage concerne un pape encore trop méconnu quoique bienheureux : Urbain V, avant-dernier pape d’Avignon (1310-1370).

   Pourquoi parler aujourd’hui d’un pape médiéval ? Il faut lire Yves Chiron pour saisir toute la modernité de ce grand juriste, réformateur et bâtisseur, bénédictin et mécène, diplomate et amoureux de la nature, cet illustre pape bien français a beaucoup à dire aujourd’hui…

   Prenons par exemple l’Angleterre. Au lendemain du voyage étonnant de Benoît XVI, magnifique succès malgré les oracles catastrophistes de la plupart des media français, il est intéressant de découvrir qu’un grand archevêque de Cantorbery, Simon de Langham, promu cardinal par Urbain V, s’est ému de voir les deux universités d’Angleterre imprégnées de naturalisme et de pélagianisme et y a porté remède avec le soutien du pape… pour un temps.

   Dans cette seconde moitié du XIVe siècle, désorganisé par les deux grandes pestes et par un relâchement général des idées et des mœurs, nous avons là un pape qui, par petites touches obstinées et judicieuses a jeté les bases d’un état pontifical moderne, cherché à élever toujours plus le niveau d’instruction des clercs aussi bien que des laïcs et donné l’exemple d’une vie de moine.

   Il était en effet bénédictin. Remarqué pour ses talents de juriste et professeur recherché (il enseigna à Montpellier, Toulouse et Paris) il devint père abbé de la grande abbaye Saint-Victor de Marseille juste avant de devenir pape. Mais toute sa vie, il voulut garder l’habit bénédictin et sa frugalité coutumière est restée celle d’un moine, même à cette cour si brillante qu’était Avignon.

   Moine frugal pour lui-même, il n’était pourtant pas austère et s’il se nourrissait de peu et dormait « à la dure », rien n’était trop beau cependant pour les nombreuses églises ou cathédrales qu’il a richement dotées et embellies. Il aimait la nature, les oiseaux et les fleurs comme en témoignent les décorations murales du palais des papes et les vastes jardins qu’il y a fait créer. Mais toujours très pragmatique, concret et charitable, il fit en sorte que ces jardins et « vergers » « contribuent au ravitaillement des cuisines pontificales », Ils servaient aussi à alimenter la « pignotte ». Employant une bonne douzaine de personnes, cette « aumônerie du pape », selon Yves Chiron, s’occupait des largesses pontificales : « 355 repas étaient servis chaque jour » aux pauvres d’Avignon « auxquels s’ajoutaient la distribution quotidienne des petits pains d’un poids moyen de 60 grammes. Entre 6 000 et 10 000 pains étaient distribués chaque jour, parfois jusqu’à 30 000. » C’est aussi à ce pape écologiste que nous devons les jardins du Vatican.

   Mais notre pape était aussi un grand réformateur. Réformateur, non pas par grands décrets, et conciles mais par des quantités de micro-décisions personnalisées. Anne-Marie Hayez, archiviste-paléographe, ingénieur au CNRS largement citée par Yves Chiron a dépouillé pas moins de 28 000 lettres d’Urbain V. Correspondances régulières avec tous les rois et empereurs de l’époque, avec les évêques, les pères abbés, les professeurs, les artistes de son temps.

   Yves Chiron montre de façon fort intéressante comment, dès le début de son pontificat, Urbain V « a essayé de lutter contre le carriérisme des clercs, le cumul des bénéfices et la non-résidence, source de tant de maux spirituels. » Pour cela, il commença par commander à tous les évêques et archevêques de communiquer à ses services la liste de tous les titulaires de bénéfices. Rappelons qu’un bénéfice était une charge ecclésiastique qui permettait de recevoir des revenus même sans résider là où est cette charge. Puis il opère en trois points : réduire le cumul des bénéfices ; imposer la résidence pour les bénéfices avec « cura animarum », c’est-à-dire charge pastorale, et veiller à ce que les candidats aient les compétences requises. Avec menace d’excommunication s’il le faut…

   Si, comme le dit Yves Chiron « la politique bénéficiale d’Urbain V est un premier indicateur de sa volonté de réformer l’Eglise », elle ne s’arrête pas là. Il combat aussi les Vaudois qui, en Provence et en Dauphiné préparaient les voies au protestantisme ; les Fraticelles de Naples et de Pérouse qui abusaient la bonne foi des gens par leur attitude humble et modeste ; les Sociniens de Venise qui croyaient à la parole d’Aristote plus qu’à celle du Christ, mais un Aristote revu par Averroès. Ils enseignaient l’éternité de la matière et le plus grossier panthéisme et persécutèrent Pétrarque ; le frère Denys, qui enseignait la théologie à Paris, fraticelle déguisé qui niait le droit de propriété au nom du Christ, sans parler des hérésies des universités Anglaises évoquées plus haut.

   Les ordres religieux furent aussi une préoccupation constante de notre pape bénédictin. Il restaura la vie monastique qui s’était beaucoup relâchée en maints endroits. Citons simplement parmi d’autres, la restauration, au propre et au figuré du Mont Cassin, de Subiaco, la reprise en main des grands ordres dominicains, bénédictins et franciscains, la fondation suscitée et généreusement dotée par Urbain V de nombreux monastères… etc.

   Bref ! si l’on veut tout savoir sur le bienheureux pape Urbain V, ses bienfaits dans le monde universitaire, ses missions et tentatives de croisade en Orient, la conversion de l’empereur Jean V Paléologue, son retour à Rome, sa sainteté même, alors il faut vraiment lire le livre. La préface, écrite par Mgr Jacolin, évêque de Mende (diocèse d’origine d’Urbain V) vaudrait à elle seule, s’il en était besoin, la lecture du livre. Résumant parfaitement la vie d’Urbain V en la replaçant dans son époque, elle resitue la vie de l’Eglise en ses fondements : les apôtres et les prophètes.

   Pour conclure, citons Yves Chiron : « Sur la longue durée, est remarquable son souci de défendre les droits, spirituels et temporels de l’Eglise. Il n’a pas cherché à plaire aux princes de son temps, il n’a pas sacrifié les intérêts et la liberté de l’Eglise aux exigences des pouvoirs politiques de l’époque. Enfin, sur le plan personnel, « Ce bénédictin fut un des pontifes les plus savants, pieux et intègres de tout le XIVe siècle. »

   L’association des Amis du Bienheureux pape Urbain V a commémoré le septième centenaire de sa naissance par un colloque au Collège des Bernardins, à Paris, le 9 octobre dernier. A cette occasion, Mgr Cattenoz, archevêque d’Avignon a souligné qu’à l’heure où l’Europe se cherche une identité, des racines, des raisons d’être, d’agir et d’espérer, Urbain V a beaucoup à dire.

Parvis de la cathédrale de Mende : statue du Bienheureux Urbain V

Statue du Bx Urbain V sur le parvis de la cathédrale de Mende.

Prière pour obtenir des grâces par l’intercession du Bienheureux Urbain V

   Seigneur Notre Dieu, nous Vous rendons grâce pour le serviteur que Vous avez placé autrefois à la tête de l’Eglise, le Bienheureux Pape Urbain V, qui a vécu sous la motion de Votre Esprit Saint. Vous l’avez suscité pour qu’il soit le sage réformateur du clergé, qu’il défende les droits et la liberté de l’Eglise et propage l’Evangile parmi les nations infidèles.

   Faites que sa mission porte du fruit encore aujourd’hui ; nous Vous en supplions, accordez-nous la grâce que nous demandons par son intercession (…), et si telle est Votre volonté, daignez glorifier Votre serviteur par Jésus le Christ Notre-Seigneur,

Ainsi soit-il.

(prière éditée avec la permission de Mgr Cattenoz, archevêque d’Avignon)

Armoiries d'Urbain V

   Les personnes qui reçoivent des grâces par l’intermédiaire du bienheureux Pape Urbain V, sont priées de les faire connaître à l’Association des Amis du Bienheureux Pape Urbain V, (www.pape-urbain-v.org) château de Grizac, 48220 Le Pont de Montvert. On lira également avec intérêt le travail effectué par Monsieur Antoine de Rosny, « Urbain V, un pape du Gévaudan », disponible à la Maison de la Lozère, 1 bis rue Hautefeuille, 75006 Paris, ou dans les librairies de la Lozère.

2010-53. De la conclusion de l’année jubilaire du 4ème centenaire de l’Ordre de la Visitation au jour anniversaire du bienheureux trépas de Sainte Jeanne de Chantal.

Le 13 décembre 1641, entre six et sept heures du soir, Sainte Jeanne-Françoise de Chantal rendit son âme à Dieu, après avoir prononcé par trois fois le saint Nom de Jésus. C’était au monastère de la Visitation de Moulins, en Bourbonnais.

Sainte Jeanne-Françoise de Chantal

Sainte Jeanne-Françoise Frémyot de Chantal (par Philippe de Champaigne).

La Sainte Fondatrice était dans sa soixante-dixième année. Elle avait survécu 19 ans à Saint François de Sales et les monastères de l’Ordre qu’ils avaient fondés ensemble, de 13 qu’ils étaient à la mort de « Monsieur de Genève », étaient maintenant au nombre de 87 !

Ce 13 décembre 2010, « dies natalis » (*) de Sainte Jeanne de Chantal, a donc tout naturellement été désigné comme jour de clôture de l’année jubilaire du quatrième centenaire de la fondation de l’Ordre de la Visitation qui a commencé le 24 janvier dernier (cf. les articles précédemment publiés à ce sujet ici > www, ici aussi > www, encore ici > www et ici > www).

Si l’année jubilaire s’achève, notre connaissance des enseignements de Saint François de Sales ainsi que de la spiritualité et des grandes figures de l’Ordre de la Visitation ne sauraient en rester là. A l’occasion des divers anniversaires ou des circonstances, nous espérons bien publier sur ce blogue des textes permettant de nouveaux approfondissements.

La seule année 2011 ne marquera pas seulement le trois-cent-soixante-dixième anniversaire de la mort de Sainte Jeanne de Chantal mais aussi, par exemple, a) le trois-cent-cinquantième anniversaire de la mort de Mère Anne-Marguerite Clément – fondatrice du monastère de la Visitation de Melun – qui fut une authentique mystique dont les visions du Coeur de Jésus préparèrent celles dont fut gratifiée Sainte Marguerite-Marie, b) ou bien encore le troisième centenaire de l’entrée au monastère de la Visitation de Marseille d’Anne-Madeleine Rémuzat, autre grande mystique qui joua un rôle très important pour la diffusion du culte du Sacré-Coeur, c) ou encore le cent-soixante-dixième anniversaire de la naissance de Soeur Marie-Marthe Chambon, de la Visitation de Chambéry, choisie par Notre-Seigneur pour faire connaître au monde la  puissance de la dévotion à ses Saintes Plaies… etc.

Mais pour l’heure, afin de marquer la conclusion de l’année jubilaire de la Visitation, je voudrais vous permettre de lire et de méditer la toute dernière lettre de Sainte Jeanne de Chantal, datée du 12 décembre 1641, veille de sa mort.

La sainte fondatrice sait qu’elle est arrivée au bout de ses jours terrestres et elle livre ici, en ces ultimes recommandations à ses filles spirituelles, une sorte de testament spirituel dans lequel passe toute son âme, parvenue à la perfection de l’esprit que Saint François de Sales avait voulu pour les religieuses de la Visitation. On admirera la sérénité qui imprègne cette âme en face de la mort, on remarquera son souci insistant de voir se conserver intactes dans tout l’Ordre l’humilité et la charité fraternelle qui en sont les caractéristiques, ainsi que la parfaite observance des Règles. On notera aussi combien la perspective de l’éternité toute proche ne fait pas perdre à la Mère de Chantal le sens des choses pratiques…

J’ai retranscrit cette dernière lettre de Sainte Jeanne de Chantal directement à partir d’une très ancienne édition (le cliché ci-dessous vous en donne un aperçu), mais pour des raisons évidentes de compréhension, j’ai pensé qu’il était préférable d’adopter l’orthographe et la ponctuation conformes à nos usages actuels.

(*) « dies natalis » : expression latine signifiant « jour de naissance » et employée dans la tradition catholique pour désigner le jour de la mort d’un saint personnage, puisque cette mort marque en réalité le jour de sa naissance dans la vie de gloire et de bonheur éternels au Ciel. 

 * * * * * * *

Dernière lettre de Ste Jeanne de Chantal

Mes très chères et bien aimées filles,

me trouvant sur le lit du trépas nonobstant, et avec un très grand désir de plus penser à chose quelconque, qu’à faire ce passage en la bonté et miséricorde de Dieu, je vous conjure, mes très chères filles, que pour les affaires de l’Institut, l’on ne s’y précipite point, et que personne ne prétende d’y présider ; mais de suivre en cette occasion comme en toutes autres les intentions de notre bienheureux Père, qui a voulu que le Monastère de Nessy (1) fut reconnût pour Mère et matrice de tout l’Institut ; et je vous prie, mes très chères Soeurs, de continuer en cette union, comme vous avez fait jusques ici ; et que ces premiers et principaux Monastères aient toujours soin des petits, et soient prêts autant qu’il leur sera possible de les secourir et assister charitablement… etc.

Je vous prie d’avoir soin de la paix de Dieu entre vous, et de l’union charitable entre les Monastères, bonheur qui vous obtiendra de très grandes grâces de Dieu.

Ayez une très grande fidélité à vos observances, mes chères Soeurs : vous vous êtes obligées par un voeu solennel à garder tout ce qui est de votre Institut, et les Supérieures de les faire garder. Prenez garde, mes très chères filles, de ne pas ajuster vos Règles à vos inclinations, mais de soumettre humblement et fidèlement ces mêmes inclinations à leur obéissance. Gardez la sincérité de coeur en son entier, la simplicité et la pauvreté de vie, et la charité à ne rien dire et faire à vos Soeurs, je dis universellement, que ce que vous voudriez qu’elles disent et fissent pour vous. Voilà tout ce que je vous puis dire, quasi dans l’extrémité de mon mal.

Mes chères filles, avant que finir, il faut que je vous supplie et conjure d’avoir un grand respect, une sainte révérence et une entière confiance pour Madame de Montmorency (2), qui est une âme sainte et que Dieu manie à son gré, et à qui tout l’Institut a des obligations infinies, pour les biens spirituels et temporels qu’elle y fait. Je vous estime heureuse de l’inspiration que Dieu lui a donné, c’est une grâce très grande pour tout l’Ordre, et pour cette Maison en particulier. Elle vit parmi nos Soeurs avec plus d’humilité, bassesse et simplicité, et innocence, qui si c’était une petite paysanne. Rien ne me touche à l’égal de la tendresse où elle est pour mon départ de cette vie. Elle croit que vous la blâmerez de ma mort. Mais, mes chères filles, vous savez que la divine Providence a ordonné de nos jours, et qu’ils n’en eussent pas été plus longs d’un quart d’heure. Ce voyage a été d’un grand bien pour les Maisons où nous avons passé et pour tout l’Institut.

Ne soyez point en peine des lettres que vous m’aurez écrit depuis mon départ de cette vie : elles seront toutes jetées au feu sans être vues (3).

Je me recommande de tout mon coeur à vos plus cordiales prières. J’espère en l’infinie Bonté qu’elle m’assistera en ce passage et qu’elle me donnera part en ses infinies miséricordes et mérites ; et si je ne suis point déçue en mes espérance, je prierai le Bienheureux (4) de vous obtenir l’esprit d’humilité et bassesse, qui seul vous fera conserver cet Institut : c’est tout le bonheur que je vous souhaite et non point de plus grande perfection.

Je demeure de tout mon coeur, en la vie et en la mort, mes très chères et bien-aimées Soeurs, votre très humble et très indigne Soeur et servante en Notre-Seigneur,

A Moulins, ce 12 décembre 1641.

Soeur Jeanne-Françoise Frémiot de la Visitation Sainte-Marie

Dieu soit béni!

Blason de l'ordre de la Visitation

Note 1 : « le Monastère de Nessy » = il s’agit bien sûr d’Annecy et du premier Monastère de l’Ordre.

Note 2 : Madame de Montmorency = Marie-Félice des Ursins (forme francisée de Orsini), était née le 11 novembre 1600 à Florence ; elle était la nièce et la filleule de la Reine Marie de Médicis. Elle épousa le duc Henri II de Montmorency, gouverneur du Languedoc. Elle était remarquable par sa sagesse et sa piété autant que par sa générosité dans les oeuvres de charité. Après l’exécution de son époux (30 octobre 1632), elle fut, par ordre de Richelieu, emprisonnée au château de Moulins pendant deux années. Elle s’installa ensuite au Monastère de la Visitation où elle finit par prendre le voile et où elle mourut en odeur de sainteté le 5 juin 1666. La venue de Sainte Jeanne de Chantal à Moulins était justement en rapport avec le dessein de la duchesse de Montmorency de devenir fille de la Visitation (de là les allusions de la Mère de Chantal qui ne veut pas qu’on impute à la duchesse la responsabilité de sa mort).

Note 3 : la Mère de Chantal veut rassurer ses filles au sujet des lettres confidentielles que celles-ci pourraient lui avoir écrites et qui arriveraient à Moulins après sa mort.

Note 4 : « le Bienheureux » = il s’agit bien évidemment de Saint François de Sales, auquel la Mère de Chantal donne ce titre, mais il ne sera béatifié qu’en 1661.

2010-52. Des fêtes de Saint Nicolas et de l’Immaculée Conception au « Mesnil-Marie ».

Blé de Sainte Barbe après cinq jours

Jeudi 9 décembre 2010.

Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,

Notre blé de Sainte Barbe, que nous avons mis à germer il y a quelques jours seulement (cf. > www), est déjà une source d’émerveillement parce que nous le voyons rapidement sortir et développer ses petites pousses, ainsi que vous pouvez le constater sur cette photo prise ce matin même. Le temps de l’Avent, avec ses belles traditions liées aux fêtes, est riche de joies simples qui – comme ces tout petits grains de blé – font lever dans nos coeurs de véritables moissons d’espérance et de consolations, au milieu des difficultés auxquelles chacun est affronté ici-bas.

Parmi ces moments riches et beaux, nous avons vécu la fête de Saint Nicolas. A vrai dire, ce n’est habituellement pas une fête très marquée en Vivarais ; mais Frère Maximilien-Marie, qui a vécu en Alsace et dans le Nord de la France, est très attaché à cette belle  tradition et l’a importée dans notre hameau. Dimanche soir, notre Mesnil-Marie recevait donc une douzaine de voisins et d’amis pour une fin d’après-midi et une soirée joyeuses et… gourmandes!!!

Vive Saint Nicolas !

Jeu, démonstration d’habileté et spectacle se sont succédés, ponctués de grands éclats de rire. Figurez-vous que nous eûmes même droit à un théâtre d’ombres dans lequel un loup, dont la modestie n’était pas la qualité principale, a reçu une belle leçon… C’était très réussi!

Théâtre d'ombres

La partie récréative fut suivie d’un tout aussi joyeux repas aux chandelles. Tous les convives avaient contribué au régal de chacun, spécialement par les desserts et les friandises : marzipanstollen et mannalas (recettes traditionnelles de l’Est de la France en cette période) côtoyant les bugnes et les marrons glacés de l’Ardèche, sans parler des tartelettes à la praline ou aux pignons et des rochers coco (j’avais aidé Frère Maximilien-Marie à réaliser ces derniers et comme on m’en demandait la recette je l’ai publiée ici > www)…

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Table de fête pour Saint Nicolas

Je suis sûr qu’en publiant ces photos, je cours le risque de faire saliver mes lecteurs voire même de leur faire prendre du poids rien qu’à la vue de si bonnes choses!!!

Vers la fin du repas, Frère Maximilien-Marie a chanté la célèbre « Légende de Saint Nicolas » dont je vous reproduis ci-dessous la transcription faite par le Père Doncoeur, un des pionniers du scoutisme catholique en France :

(cliquer sur l’image pour la voir en plus grand)

Légende de Saint Nicolas

Après la fête de Saint Nicolas, nous avons « enchaîné » – si je puis dire – avec celle de la Conception immaculée de Notre-Dame. Selon la belle tradition née à Lyon  en 1852 (j’en avais rappelé l’historique ici > www en bas de page), nous avions préparé des lumignons pour toutes les fenêtres du « Mesnil-Marie« .

Après avoir suivi (grâce à la télévision vaticane dont on peut recevoir les diffusions par internet) la cérémonie populaire et toujours très émouvante qui a lieu sur la place d’Espagne, à Rome, et au cours de laquelle  notre Saint-Père le Pape va rendre hommage à la Vierge Immaculée, comme c’était la tombée de la nuit, nous avons allumé toutes ces petites lumières : il y en avait plus de soixante! C’était très joli et, surtout, Frère Maximilien-Marie avait voulu qu’elles soient comme le symbole de toutes les intentions de prières (bien plus nombreuses que la soixantaine!) qui lui sont confiées et qu’il présente régulièrement à l’intercession de Notre-Dame de Compassion

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Ces petites flammes tremblantes dans l’obscurité sont bien l’illustration des paroles du Souverain Pontife au moment de la prière de l’Angélus de ce 8 décembre :
« Le mystère de l’Immaculée Conception est une source de lumière intérieure, d’espérance et de réconfort. Au milieu des épreuves de la vie et surtout des contradictions que l’homme éprouve en lui-même et autour de lui, Marie, Mère du Christ, nous dit que la grâce est plus grande que le péché, que la miséricorde de Dieu est plus puissante que le mal et sait comment le transformer en bien. Malheureusement, chaque jour nous faisons l’expérience du mal qui se manifeste de nombreuses manières dans les relations et dans les évènements, mais dont les racines sont dans le cœur humain, un cœur blessé, malade et incapable de guérir par ses propres forces. La Sainte Ecriture  nous révèle que la source de tous les maux est la désobéissance à la volonté de Dieu, et que la mort a pris le dessus parce que la liberté de l’homme a cédé à la tentation du diable. Mais Dieu ne renonce pas à son dessein d’amour et de vie : à travers un patient et long processus de réconciliation, Il a préparé l’Alliance nouvelle et éternelle, scellée dans le sang de son Fils, qui pour s’offrir Lui-même en expiation est «né d’une femme» (Gal. IV, 4). Cette femme, la Vierge Marie, par un don d’anticipation de la mort rédemptrice de son Fils, et dès sa conception, a été préservée de la contagion du péché. Ainsi, avec son coeur immaculé, elle nous dit : Faites confiance à Jésus, Il vous sauve ». (traduction par nos soins).

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Que l’espérance et la consolation qui découlent en abondance du Coeur de Notre-Dame de Compassion soient dans chacune de vos âmes, chers Amis de notre Mesnil-Marie, et que la flamme de la charité soit cette lumière intérieure qui éclaire votre route quotidienne… Ainsi soit-il!

2010-52. Des fêtes de Saint Nicolas et de l'Immaculée Conception au Lully.           

Recette du Mesnil-Marie : les « rochers-coco ».

Guirlande de houx

Rochers coco & amandes

Ingrédients :

100 grammes de noix de coco râpée ; 50 grammes d’amandes en poudre et 50 grammes d’amandes effilées ; 4 oeufs ; 20 grammes de farine ; 200 grammes de sucre en poudre.

Préparation :

Préchauffer le four à 180°. Dans une jatte mélanger dans l’ordre en mélangeant au mieux à chaque ajout : la noix de coco, les amandes, la farine, le sucre et les oeufs. Bien travailler à la fourchette et ne pas s’inquiéter si la pâte est… bien pâteuse!

Sur une plaque (recouverte de papier cuisson, cela simplifie beaucoup les choses), déposer de boulettes de pâte : il est important de leur laisser du volume, parce qu’à la cuisson elles ont toujours tendance à s’aplatir, et aussi de ne pas trop les serrer (un espace de 3cm entre chaque boulette me paraît bien, ainsi il n’y a pas de risque qu’elles se collent entre elles à la cuisson).

Enfourner pendant environ 10 minutes voire un peu plus : il faut pour que l’extérieur durcisse mais ne roussisse pas trop, tandis que l’intérieur doit rester tendre.

Laisser refroidir sur la plaque et …déguster!

Guirlande de houx

Publié dans : Chronique de Lully | le 6 décembre, 2010 |Pas de Commentaires »

2010-51. Des premières rigueurs hivernales et du blé de Sainte Barbe, belle tradition annonciatrice du mystère de la Nativité.

4 décembre,
Fête de Sainte Barbe de Nicomédie, vierge et mégalomartyre (cf. > ici).

Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,

       Portant le nom du « Surintendant des musiques royales » - Jean-Baptiste Lully -, nul ne s’étonnera de ce que, en ces jours particulièrement rigoureux, je reprenne à mon compte le fameux Chœur des trembleurs de l’acte IV d’Isis.

   Comme je viens de découvrir comment faire pour insérer une mini vidéo dans le cours même de ma chronique, je ne résiste pas à la tentation de mettre immédiatement en application le procédé, afin de vous inviter à écouter (ou réécouter) ce chœur dans lequel le grelottement est imité par un chant saccadé. Ce chœur inspirera un peu plus tard le fameux air du Génie du Froid à Purcell pour son King Arthur (pour écouter faire un clic droit sur l’image ci-dessous, puis ouvrir dans un nouvel onglet) :

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« L’hiver qui nous tourmente s’obstine à nous geler.
Nous ne saurions parler qu’avec une voix tremblante.
La neige et les glaçons
nous donnent de mortels frissons.

Les frimas se répandent sur nos corps languissants.
L
e froid transit nos sens, les plus durs rochers se fendent.
La neige et les glaçons nous donnent de mortels frissons… »

   En effet le thermomètre était largement négatif ce matin au moment où le soleil a commencé à pointer ses premiers rayons au-dessus des crètes.

Premiers rayons du soleil au dessus des crêtes et du toit du Mesnil-Marie

Le soleil pointe ses premiers rayons au dessus des crêtes qui entourent le Mesnil-Marie.

   Si l’on ne peut qu’admirer les splendeurs que provoquent ces premières rigueurs hivernales, la neige et le froid ne m’enchantent guère, vous vous en doutez bien!  Frère Maximilien-Marie s’ingénie donc à me trouver des occupations et des distractions : il essaie de m’apprendre à chanter avec lui (nous répétons les noëls traditionnels) et il m’intéresse aux préparatifs de la fête de la Nativité, puisque nous voici entrés dans le temps de l’Avent.
Nous avons orné la porte d’entrée et la façade du Mesnil-Marie de couronnes de l’Avent (cf. > ici) et nous commençons à travailler à l’installation de la crèche que nous nous efforçons de rendre plus belle d’année en année.

Sainte Barbe

Sainte Barbe, la grande martyre

   Ce matin, nous avons repris la très antique tradition du blé de Sainte Barbe. Cette tradition, très vivace en Provence où elle marque le début officiel de toutes les traditions de Noël, remonte probablement à l’antiquité païenne, mais elle a reçu une vitalité nouvelle et un sens plénier avec le christianisme.

   Le jour de la fête de Sainte Barbe, donc, on prend trois jolies coupelles dans lesquelles on place du coton imbibé d’eau. Le chiffre trois est évidemment une évocation de la Très Sainte Trinité.

   Dans chaque coupelle on dépose du blé à germer : on met plusieurs épaisseurs de graines, pour obtenir plus tard des touffes de jeunes pousses bien garnies.
Chaque jour on prend bien soin d’ajouter un peu d’eau dans les coupelles : suffisamment pour que les grains poussent bien, mais pas trop non plus pour qu’ils ne pourrissent pas par excès d’humidité.
Pour les paysans d’autrefois, la bonne germination du blé de Sainte Barbe était réputée annoncer une bonne récolte dans l’année à venir.
Si l’on n’a pas de blé, on peut aussi semer des lentilles.

   Le 24 décembre au soir, on coupe délicatement quelques pointes des jeunes pousses et on en garnit l’intérieur de la mangeoire qui servira de berceau à l’Enfant Jésus de la crèche.
On lie les petites gerbes des coupelles avec de jolis rubans rouges et on les place au centre de la table du réveillon et du repas du 25 décembre.
Le lendemain de Noël, on les porte dans la crèche où elles resteront jusqu’au jour de la Chandeleur (2 février).
Jadis, ces trois touffes de jeunes pousses étaient alors plantées dans les champs de blé sur lesquels elles étaient censées apporter la bénédiction de l’Enfant Jésus.

   Cette belle tradition nous rappelle que Jésus Lui-même se comparera au grain de blé que l’on jette en terre et qui meurt pour porter du fruit (Johan. XII 24-25).
C’est par Son Incarnation que le Verbe Eternel de Dieu est devenu ce mystique grain de blé venu en terre pour y mourir et pour y faire lever une moisson de grâce et de salut.
Ce divin grain de blé, broyé dans les tourments de la Passion, est né dans la petite ville de Bethléem : ce nom signifie « Maison du Pain ».
Ce divin grain de blé se fera Lui-même le Pain de Vie des âmes rachetées dans le Sacrement de l’Eucharistie, sacrement par lequel il reste au milieu des hommes, présent et vivant au Saint Tabernacle.

   Combien de choses dans nos vies – et dans nos vies intérieures tout spécialement – ne sont d’abord que de toutes petites graines, inertes en apparence, qu’il faut enfouir, et sur la croissance délicate desquelles il faut veiller avec beaucoup d’attention, leur évitant les excès de sécheresse ou d’humidité, si nous voulons qu’elles arrivent à maturité et donnent un jour du fruit ?
Il faut pour cela beaucoup de patience, une vraie persévérance et une délicate vigilance, toutes qualités qui ne découlent que de l’amour.

   Voilà donc tout ce que m’a expliqué Frère Maximilien-Marie ce matin, tandis que nous préparions nos coupelles et y disposions les grains de blé.
J’ai bien retenu tout ce qu’il me disait afin de vous l’expliquer à mon tour ; et maintenant je vais veiller avec beaucoup de soin sur la germination et la croissance de notre blé de Sainte Barbe.

Lully.       

Préparation du blé de Sainte Barbe

2010-50. De la fête de Sainte Geneviève des Ardents.

Sainte Geneviève des Ardents,

céleste protectrice de la Gendarmerie Française :

origines de cette fête et précisions sur le culte de Sainte Geneviève. 

* * * * * * *

       Depuis l’année 1131, le diocèse de Paris célèbre dans son calendrier propre, à la date du 26 novembre, une fête particulière qui porte le nom de « Sainte Geneviève des Ardents« .
Cette célébration fut instituée par le Pape Innocent II pour commémorer dans l’action de grâces la cessation d’une épidémie du « mal des ardents » par le recours à de ferventes prières publiques à Sainte Geneviève, céleste patronne de Paris et protectrice du Royaume.

l'intercession de Sainte Geneviève.

G.F. Doyen, toile de 1767 : l’intercession de Sainte Geneviève délivrant la France du mal des ardents
(Paris – église Saint-Roch).

   Le « mal des ardents » (nommé également « feu Saint-Antoine » ou  aussi « feu sacré ») est plus couramment appelé de nos jours « ergotisme »: il est en effet dû à l’ingestion de farines contaminées par l’ergot de seigle.

   L’ergot du seigle est une espèce de champignon parasite de certaines graminées qui se présente sous forme de minces bâtonnets de deux à trois centimètres accolés à la tige de l’épi. Il peut se trouver mêlé au grain et moulu avec lui. C’est un toxique responsable au cours des temps de nombreuses épidémies. Les symptômes sont essentiellement neurologiques et entrainent  des infirmités graves et incurables, et même fréquemment la mort : frissons suivis de chaleurs, douleurs violentes à la tête et aux reins, abcès des glandes axillaires et inguinales, maux de ventre, brûlures internes, convulsions, délires, prostration, gangrène des membres… Il n’existe pas d’antidote.
Très fréquentes au Moyen-Age, les épidémies du « mal des ardents » ont à peu près disparu du fait des traitements fongicides. Notons toutefois que la
dernière épidémie recensée en France a eu lieu à Pont-Saint-Esprit en 1951. Actuellement l’ergot de seigle est utilisé en pharmacie : sous forme d’une molécule nommée  dihydroergotamine, il entre dans la composition de médicaments contre la migraine.

   En l’an 1130, une terrible épidémie du « mal des ardents » ravagea Paris et une partie de la France, où elle fit des milliers de victimes.
Pour conjurer le fléau, l’évêque de Paris ordonna des jeûnes et des prières publiques, puis il demanda que l’on transportât les malades sur le chemin de la procession solennelle qu’il conduirait depuis la basilique de Sainte-Geneviève (ancienne basilique des Saints Apôtres construite par Clovis à la demande de Sainte Geneviève, où la Sainte avait été enterrée et dont le nom avait fini par supplanter celui des Apôtres) jusqu’à Notre-Dame : c’était le 26 novembre.
Les malades qui touchèrent la châsse furent immédiatement guéris et, de tous ceux qui étaient à Paris, les chroniques du temps nous disent que seuls trois sceptiques moururent. Ensuite le mal commença à décroître rapidement et disparut.

Procession de la châsse de Sainte Geneviève et guérisons

Miracles pendant la procession de la châsse de Sainte Geneviève.

   L’année suivante, comme nous l’écrivions au début, le pape Innocent II institua la fête de « Sainte Geneviève des Ardents », à cette date du 26 novembre où elle est restée dans le calendrier propre de Paris. 

   Au XXème siècle, le 18 mai 1962, le Pape Jean XXIII déclara Sainte Geneviève «Patronne céleste principale auprès de Dieu des Gendarmes français, gardiens de l’ordre public»; il assigna alors, comme fête propre de ce patronage, la fête du 26 novembre : voilà donc la raison pour laquelle l’Evêque aux Armées Françaises célèbre normalement  une Messe « officielle » pour la gendarmerie ce jour-là, et pour laquelle dans toute la France, autour de cette date, les gendarmes honorent leur céleste protectrice, et non à l’occasion de la fête du 3 janvier.

   Une petite église Sainte Geneviève des Ardents existait sur ce qui est maintenant la place du parvis de Notre-Dame (son emplacement a été marqué sur le dallage moderne et on en voit quelques vestiges dans la crypte archéologique). Contrairement à ce que des auteurs trop peu documentés ont écrit elle n’avait pas de rapport direct avec ce miracle : elle existait antérieurement à l’épidémie de 1130. D’abord connue sous le nom de « Sainte Geneviève la Petite » (pour la différencier de la basilique Sainte Geneviève) ce n’est qu’à partir de 1518 qu’elle est nommée église Sainte-Geneviève des Ardents (peut-être à l’instigation d’un curé soucieux de promouvoir le sanctuaire dont il avait la charge?).
Selon une antique tradition, difficile à prouver, cette église aurait occupé l’emplacement de la maison de Sainte Geneviève. Elle jouait un rôle important dans les coutumes ecclésiastiques parisiennes de l’Ancien Régime, puisque c’est là que l’évêque de Paris nouvellement élu (le siège épiscopal de Paris n’a été promu au rang d’archevêché qu’en 1622) était présenté à son Chapitre, et c’est de là que l’abbé de Sainte-Geneviève le conduisait à sa cathédrale pour y faire sa première entrée. Cette petite église fut démolie en 1747 pour permettre l’agrandissement de l’Hospice des Enfants Trouvés. (*)

   A partir de cet épisode du mal des ardents, des processions solennelles de la châsse de Sainte Geneviève (distinctes des processions annuelles ordinairement programmées) furent organisées chaque fois que de graves nécessités publiques semblaient imposer un recours solennel et officiel à Sainte Geneviève : inondations, pluies dévastatrices, sécheresse, épidémies, guerres, calamités publiques, maladie du Souverain …etc.
Ces processions solennelles eurent lieu 77 fois. Elles résultaient d’une demande du peuple chrétien, transmise par les officiers municipaux au Parlement de Paris : après une concertation dans laquelle intervenaient l’Evêque, l’Abbé de Sainte-Geneviève et la Cour, le Parlement promulguait un arrêt. L’Evêque ordonnait alors une journée de jeûne général pour la veille de la procession (les Génovéfains – c’est-à-dire les chanoines réguliers de l’abbaye Sainte-Geneviève – , eux, devaient jeûner trois jours consécutifs) et pendant tous les jours précédant la procession les paroisses parisiennes venaient en procession à tour de rôle jusqu’au tombeau de la Sainte. La veille de la procession, la  précieuse châsse était descendue du monument au sommet duquel elle était juchée, tandis qu’on chantait les psaumes de la pénitence : on la déposait sur un reposoir et une garde d’honneur et de prières l’entourait toute la nuit. La procession se déroulait selon un cérémonial précis et immuable : tous les corps constitués – civils autant qu’ecclésiastiques -, toutes les confréries, corporations et congrégations religieuses étaient tenus d’y assister ; les châsses de Saint Marcel et d’autres saints dont les reliques étaient conservées à Paris étaient également apportées pour entourer celle de la Protectrice de la capitale. Selon un parcours inchangé, la procession se rendait à Notre-Dame, où une Messe solennelle était chantée, avant de remonter sur la Montagne Sainte-Geneviève.
La dernière procession solennelle fut célébrée en juin 1765.

Gravure datée probablement de 1709 : ordre de procession de la châsse de Ste Geneviève

Ordre de la Procession de la Châsse de Sainte Geneviève (1709).

   On sait que malheureusement, en 1793, les révolutionnaires dans leur volonté d’effacer par tous les moyens l’imprégnation du catholicisme dans la société française, détruisirent la châsse de Sainte Geneviève : les joyaux qui l’ornaient furent volés et les saintes reliques profanées et brûlées en place de Grève.
La confrérie des porteurs de la châsse de Sainte Geneviève subsiste cependant et, depuis quelques années à l’occasion de la fête de Sainte Geneviève et de la neuvaine solennelle dont elle est entourée à Paris, une procession – qui n’a certes pas tout le lustre des cérémonies de jadis – est à nouveau organisée dans les rues de la capitale avec les reliques qui ont échappé au vandalisme révolutionnaire.

   Nous terminerons cette « excursion historique » dont la fête de Sainte Geneviève des Ardents nous a donné l’occasion en priant avec la collecte propre de ce jour :

   O Dieu, qui avez illustré notre protectrice, la Bienheureuse Vierge Geneviève, par la gloire de nombreux miracles, faites, nous Vous le demandons, que par ses prières nous soyons délivrés du feu des passions, puisque, par votre grâce, elle éteignit en ce jour le feu dévorant qui brûlait les membres des hommes. Nous vous le demandons par Jésus-Christ votre Fils et Notre-Seigneur, qui vit et règne avec Vous dans l’unité du Saint-Esprit pour les siècles des siècles.
Ainsi soit-il.

(En latin : Deus, qui beatæ Genovefæ Virginis patrocinium multiplici virtutum gloria decorasti : concede nobis, quæsumus ; ut ejus precibus a vitiorum æstu liberemur, quæ hodie per gratiam tuam in membris humanis ignis devorantis extinxit incendium. Per Dominum …)

Blason de Paris

(*) Notons aussi, pour la petite histoire, que cette église Sainte-Geneviève des Ardents présentait sous son porche une statue de sainte Geneviève, ce qui semble tout à fait normal, mais aussi, dans une petite niche, une statue du célèbre alchimiste Nicolas Flamel qui avait été un bienfaiteur de cette paroisse.

- Voir également :
« Réflexions à propos de Sainte Geneviève » publiées > ici
Prières et litanies en l’honneur de Sainte Geneviève > ici

Recette du Mesnil-Marie : une tarte aux coings.

chat cuisinier.jpg

       Comme dans une grande partie de la France, chez nous aussi l’automne avance et, peu à peu, le froid s’installe.
J’étais bien contrarié ce matin, en voyant qu’une fine pellicule de neige était tombée au lever du jour : mes coussinets nobles et délicats n’étant enthousiastes ni pour l’humidité ni pour le froid, je me suis résolu à rester dedans, épiant les oiseaux – mésanges bleues, mésanges charbonnières, rouges gorges – qui viennent
sur les rebords des fenêtres du Mesnil-Marie pour picorer les miettes que Frère Maximilien-Marie y dépose à leur intention.
C’est pour nous, les chats, un véritable supplice de Tantale que de voir ces appétissants volatiles à quelques pas de nous sans pouvoir leur dire à quel point nous les aimons…!!!

   Alors, pour me changer les idées, Frère Maximilien-Marie m’a proposé de l’aider à mettre en œuvre une nouvelle recette qui a l’avantage d’utiliser les coings de notre récolte, et qui va nous permettre de nous régaler avant d’entrer dans le Carême de la Nativité (cf. > ici).
Après cuisson, le résultat semble concluant et, pendant que la tarte refroidit, je viens donc vous livrer les secrets de sa fabrication…

Patte de chat  Lully.

Mésange

Mésange charbonnière « nargueuse » de chats…

chat cuisinier.jpg

 Succulente tarte aux coings :

Ingrédients (pour 6 à 8 personnes) : 

Nous avons pris une pâte brisée ; 3 gros coings ; 150 g de sucre ; 1 cuillère à café rase de cannelle ; 25 cl de crème fraîche épaisse ; 3 œufs ; de la poudre d’amandes.

Préparation : 

Nous avons commencé par bien laver et essuyer les coings pour en enlever tout le duvet, puis nous les avons coupés en morceaux plus ou moins cubiques, en ôtant les queues, les pépins et les parties abîmées.  En revanche, nous ne les avons pas pelés, mais nous les avons mis tels quels dans le « cuit-vapeur » où ils se sont attendris pendant 40 minutes.

Pendant ce temps-là, nous avons disposée la pâte brisée dans un moule à tarte puis, dans une jatte nous avons battu les œufs, y avons ajouté le sucre, la cannelle et enfin la crème fraîche.

Lorsque les coings furent cuits, nous les avons mis sur la pâte, dans le moule, et nous avons versé par dessus notre mélange œufs-sucre-crème. Enfin nous avons saupoudré le tout de poudre d’amandes et nous l’avons mis au four. Le four (préchauffé) était réglé à 220° et nous avons laissé cuire environ 45 minutes.

Et voici le résultat ! Ne constitue-t-il pas un dessert d’automne très convenable ?

Tarte aux coings du Mesnil-Marie

Publié dans : Chronique de Lully, Recettes du Mesnil-Marie | le 25 novembre, 2010 |6 Commentaires »

2010-49. A Rome, l’église du Sacré-Coeur du Suffrage et le « Musée du Purgatoire ».

Novembre,
mois spécialement dédié à la prière pour les âmes du Purgatoire.

Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,

       Au lendemain de la Toussaint, la Sainte Eglise dédie une journée entière de sa liturgie à la commémoraison solennelle des fidèles trépassés, puis, vers la fin du mois, lors du vingt-quatrième et dernier dimanche après la Pentecôte – dimanche dont l’Evangile rapporte de manière saisissante quelques unes des paroles de Notre-Seigneur concernant la fin des temps (Matth. XXIV, 15-35) -, elle va insister sur ce que l’on appelle traditionnellement les fins dernières : la mort, le jugement – particulier et général -, le purgatoire, l’enfer, le paradis, la résurrection. Et ce sera encore le cas dans les premiers dimanches de l’Avent.

   Ainsi cette période de la liturgie catholique dans laquelle nous nous trouvons ces jours-ci nous oriente traditionnellement vers des réflexions, des méditations et des approfondissements en rapport avec la fin des temps, la fin de ce monde, la fin de notre propre vie.
« Memento finis » dit le vieil adage latin : souviens-toi de la fin de toute chose, souviens-toi que tu auras une fin, pense que tu mourras… Qu’en sera-t-il de toi après cette vie terrestre ?
La préface de la Messe des morts résume de manière magnifique notre condition d’hommes mortels appelés au salut : « … Si la pensée de la mort inévitable nous attriste, la promesse de l’immortalité à venir nous rend courage. Car pour vos fidèles, Seigneur, la vie n’est pas détruite mais elle est transformée, et lorsque disparaît la demeure de notre séjour terrestre, une habitation éternelle s’offre à nous dans le Ciel ! »

   Ce Ciel de gloire, la liturgie nous l’a fait entrevoir et désirer avec la fête de la Toussaint.
Mais le lendemain, jour de la commémoraison solennelle des fidèles trépassés, l’Eglise nous rappelle aussi que pour entrer au Ciel, il ne suffit pas de mourir en ayant simplement été une « brave personne » : la vision de Dieu et la communion intime avec Lui dans la béatitude éternelle ne sont possibles qu’aux âmes totalement purifiées des suites de leurs fautes. Rien de souillé ne peut entrer au Ciel !

   Je ne veux pas faire ici un exposé dogmatique complet pour rappeler  ce qu’est la doctrine catholique du Purgatoire (ceux qui le souhaiteraient n’ont qu’à se reporter au catéchisme ou bien > ici) mais, pour étayer et confirmer ce dogme (car il s’agit bien d’un dogme affirmé solennellement par deux conciles en se fondant sur les affirmations de la Sainte Ecriture, et il n’est pas permis à un fidèle catholique de contester cette doctrine sans faire naufrage dans la Foi), je veux aujourd’hui vous entretenir d’un « musée » tout à fait insolite que je ne manque presque jamais de faire visiter aux pèlerins que j’accompagne à Rome.

   Le Maître Chat Lully avait déjà eu l’occasion de l’évoquer, au tout début de ce blogue (cf. > ici), mais je veux y revenir de manière plus détaillée aujourd’hui : à Rome, dans un local attenant à la sacristie de l’église du Sacré-Cœur du Suffrage, existe le musée du Purgatoire (en italien le feuillet explicatif porte très exactement ces mots : « piccolo museo del Purgatorio », petit musée du Purgatoire).

Rome, église du Sacré-Coeur du Suffrage (Lungotevere Prati 12)

L’église du Sacré-Cœur du Suffrage, à Rome – Lungotevere Prati, 12.

   L’expression musée du Purgatoire ne doit pas faire illusion : il s’agit en fait d’une collection d’objets, exposés dans une unique vitrine qui est installée dans une salle annexe de la sacristie de l’église du Sacré-Cœur du Suffrage. Ces objets gardent le souvenir visible et palpable de signes laissés par des défunts qui se sont manifestés.
En effet, Dieu a parfois permis que des personnes mortes apparaissent pour demander des prières ou des Messes qui leur permettraient de sortir du Purgatoire. Et pour attester de la réalité de leur apparition, ces défunts ont laissé des traces de brûlures sur des meubles, du linge, des livres, comme si ces objets avaient été touchés par des mains en feu

   La constitution de ce petit musée du Purgatoire est due à un prêtre français, le Révérend Père Victor Jouët (1839-1912), missionnaire du Sacré-Cœur d’Issoudun.
Nommé à Rome, il achète en 1893 un terrain pour y construire une église dédiée au Sacré-Cœur de Jésus. Les travaux commencés en 1894 dureront jusqu’en 1917, mais en attendant qu’elle soit achevée le culte est célébré dans un édifice provisoire.
Le 15 septembre 1897, un incendie éclate dans cette église provisoire : on parvient à le circonscrire mais, sur la paroi voisine de l’autel de la Madone du Rosaire, les flammes et la fumée semblent avoir dessiné un visage humain souffrant. 

Trace laissée par l'incendie du 15 septembre 1897 à l'autel de la Madone dans l'église du Sacré Coeur du Suffrage

   Le Père Jouët fut impressionné par ce phénomène et y il vit un signe : à travers cet incendie, qui n’avait pas commis de gros dégâts mais avait laissé cette trace, n’y aurait-il pas une indication providentielle ?
Il réfléchit, pria, demanda conseil, fit des recherches…  Il arriva à la conviction qu’il y avait eu là une manifestation d’ordre préternaturel : ce visage dessiné par les flammes était celui d’un défunt qui demandait des prières, des suffrages, pour être délivré du Purgatoire et entrer au Ciel. L’église serait donc bien dédiée au Sacré-Cœur de Jésus, oui, mais on y prierait spécialement le Cœur de Jésus à l’intention des fidèles défunts, d’où ce nom particulier d’église du Sacré-Coeur du Suffrage.

   Dans des recherches, qui durèrent plusieurs années, le Révérend Père Jouët recueillit des témoignages sur les manifestations des âmes du Purgatoire et des objets qui en gardent la trace.
Le 4 août 1905, au Vatican, il présenta au Pape Saint Pie X cette singulière collection. Le saint Pontife lui accorda beaucoup d’attention, manifesta sa satisfaction et approuva que ces objets soient dorénavant exposés, pour que les fidèles soient confortés dans la Foi catholique au sujet des fins dernières.

   Bien qu’il soit assez malaisé d’obtenir des clichés satisfaisants, en raison de la manière dont la pièce est éclairée et des reflets que les vitres de protection occasionnent, je vous propose maintenant de voir quelques uns de ces objets…

(cliquer sur les photos pour les voir en plus grande taille)

Vitrine où sont exposées les diverses pièces portant les marques de feu des manifestations des âmes du Purgatoire

Aperçu de la vitrine d’exposition du « piccolo museo »

5 mars 1871 empreintes de doigts de feu sur la couverture d'un livre

Objet N°2 : On voit sur le bas de la couverture de cet ouvrage une empreinte de trois doigts. Elle fut laissée le dimanche 5 mars 1871 sur le livre de prières de Maria Zaganti par son amie Palmira Rastelli qui était décédée le 28 décembre 1870. Palmira était la soeur du curé de cette paroisse (S. Andrea del Poggio Berni – Rimini) et elle apparaissait à son amie Maria pour qu’elle demande au prêtre de célébrer des messes de suffrage pour sa soeur.

apparition du 21 juin 1789, brûlure sur une manche de chemise

Objet N°5 : A Wodecq (Belgique), dans la nuit du 21 juin 1789, la dame Leleux, qui était décédée depuis 27 ans, apparut à son fils Joseph et lui rappela qu’il devait faire célébrer des Messes de suffrage à son intention : les honoraires des Messes avaient été donnés par le père Leleux, mais Joseph avait négligé de les faire célébrer. Elle lui reprocha aussi sa vie dissipée et l’exhorta à changer de conduite. Pour vaincre son incrédulité, elle posa sa main sur la manche de sa chemise et y laissa cette empreinte très visible. Joseph Leleux se convertit et, après avoir fondé une congrégation religieuse, mourut en odeur de sainteté en 1825.

empreintes laissées le 1er novembre 1731 sur une table de bois

Objet N°7 a : Empreintes d’une main gauche et d’une croix « pyrogravées » sur la tablette de bois faisant fonction d’écritoire, de la vénérable Isabella Fornari, abbesse des Clarisses de Todi. Elles furent laissées le 1er novembre 1731 par l’apparition du Révérend Père Panzini, abbé olivétain de Mantoue. Ce même moine laissa une autre empreinte, de la main droite, sur la tunique de la sainte moniale : c’est l’objet N°7 b photographié ci dessous.

empreinte laissée le 1er novembre 1731 sur la manche d'une chemise

   Au terme de cet aperçu, je ne peux faire mieux, en conclusion – et en réaction à toutes les erreurs couramment répandues aujourd’hui -, que de recopier dans son intégralité le §211 de l’ « Abrégé du catéchisme de l’Eglise catholique » :

    »En vertu de la communion des saints, les fidèles qui sont encore en pèlerinage sur la terre peuvent aider les âmes du Purgatoire, en offrant pour elles des prières de suffrage, en particulier le sacrifice eucharistique, mais aussi des aumônes, des indulgences et des oeuvres de pénitence. »

Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur.

* * * * * * *

On trouvera > ici, une prière à la Vierge de Compassion à l’intention des âmes du Purgatoire.

2010-48. Où Lully reparle de ses précédentes publications relatives à la franc-maçonnerie et aborde la question de son infiltration dans l’Eglise.

Vendredi 19 novembre 2010.

Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,

En complément aux textes que j’ai publiés ces derniers jours (c’est-à-dire la note du Cardinal Ratzinger consécutive à la parution du Code de Droit Canonique en 1983 > ici, et le texte que j’ai dû diviser en deux parties > ici & ici pour expliciter les raisons de l’impossible conciliation entre le catholicisme et la maçonnerie), mais aujourd’hui sur un mode un peu plus ironique, je voudrais vous montrer une petite bande dessinée sans prétention que Frère Maximilien-Marie avait réalisée il y a presque dix ans et que j’ai trouvée en fouillant dans ses affaires…

2010-48. Où Lully reparle de ses précédentes publications relatives à la franc-maçonnerie et aborde la question de son infiltration dans l'Eglise. dans Bandes dessinées cabochat.vignette

Avant cela, je dois néanmoins préciser que, au Mesnil-Marie, nous ne sommes pas dans l’excès de ceux qui voient des francs-maçons prêts à « bouffer du curé » à tous les coins de rue ou derrière chaque arbre, même si nous savons qu’ils sont très influents – jusqu’à constituer une sorte d’ « Etat dans l’Etat » – et que leurs effectifs ont considérablement augmenté pendant toute la seconde moitié du XXème siècle (on peut estimer qu’il y a environ 140 000 adhérents à la maçonnerie actuellement en France, toutes obédiences confondues).

Nous sommes seulement réalistes, sachant qu’ils s’efforcent de tenir des postes clefs ou d’avoir une influence prépondérante dans tous les domaines d’activité les plus importants : tous les partis politiques, les syndicats, la magistrature, l’armée, l’administration, le ministère de l’ « éducation nationale », les médias, les milieux financiers, les O.N.G. … etc.

Nous avons aussi conscience que tous les francs-maçons ne sont pas personnellement pénétrés d’intentions malveillantes contre l’Eglise et contre la Foi : il y a parmi eux des personnes qui sont sincèrement animées de sentiments philanthropiques et qui sont même dans une authentique quête spirituelle ; il y en a beaucoup (surtout dans les grades inférieurs) qui ne voient pas autre chose que la recherche d’un progrès de l’humanité et qui, très certainement, à la lecture du résumé systématique que j’ai publié, pourraient se montrer surpris ou choqués qu’on attribue de telles convictions de fond à la maçonnerie… Mais, redisons-le, sincérité n’est pas vérité!

Ce qui rend la question de la maçonnerie si complexe, c’est bien justement qu’il n’y a pas de profession de foi maçonnique universelle et clairement publiée : dans un cadre général qui demeure particulièrement opaque, malgré tout ce qu’on peut tenter pour le clarifier, il y a une multitude de « nuances » et d’ « options », d’attitudes et de déclarations, dans lesquelles, selon l’expression familière, « on trouve à boire et à manger »! Cependant, ce qui demeure fondamental dans la franc-maçonnerie, c’est son anti-dogmatisme absolu et sa croyance en une « vérité » fluctuante et évolutive qui est le fait du choix de l’homme et non la référence à un ordre révélé immuable. De là découlent tous les points d’opposition avec la Foi chrétienne et avec l’Eglise catholique que j’ai précédemment explicités.

Ce n’est pas pour rien que l’un des synonymes de franc-maçon est « libre-penseur ». Ce que la maçonnerie revendique, en définitive, c’est une absolue indépendance de l’homme, dont la réflexion et la pensée n’acceptent pas d’être soumises à un ordre extérieur à lui-même, fut-il révélé par Dieu.

Selon l’enseignement philosophique le plus rigoureux, dire : « Dieu existe », ce n’est pas faire un acte de foi, c’est seulement faire un acte naturel d’intelligence, car l’existence d’un Etre supérieur, spirituel, créateur du monde, est accessible au seul raisonnement dans une recherche intellectuelle strictement logique (c’est pour cela que l’athéisme, sur le simple plan naturel déjà, est une monstruosité). La Foi, est autre chose : la Foi, c’est l’adhésion à Dieu qui se révèle. La démarche spécifique de la Foi, c’est l’acceptation par l’homme d’une réalité qui est au-delà de ce que son intelligence naturelle peut lui faire connaître, et qui lui est communiquée par Dieu Lui-même.

L’Eglise donc a été voulue et instituée par Notre-Seigneur pour que, à la suite des Saints Apôtres, elle transmette cette Révélation définitive que Dieu a faite de Lui-même ; l’Eglise a été créée pour que – par l’évangélisation et les sacrements – elle amène les hommes à l’obéissance de la Foi (cf. Actes VI,7) et pour que, par la Foi, elle leur ouvre l’accès à la Vie éternelle. On peut donc dire que la démarche chrétienne est essentiellement une réponse d’acceptation de l’homme à l’initiative de Dieu : un Dieu qui est venu à sa rencontre en Se révélant Lui-même et qui a comblé, par cette Révélation, l’abîme sinon infranchissable que son  incapacité naturelle et son péché laissaient entre lui et Dieu.

Au contraire, l’attitude qui m’apparaît finalement fondamentale dans la maçonnerie, c’est un refus plus ou moins explicite de la révélation chrétienne, un refus plus ou moins explicite de cette obéissance de la Foi, au profit d’une attitude où c’est l’intelligence de l’homme en recherche qui a la seule initiative, qui exerce elle seule le contrôle.

9782706705175 évêques dans Chronique de Lully

Quant aux « infiltrations maçonniques dans l’Eglise », je ne veux ni les minimiser ni les majorer. Comme je le faisais remarquer dans la note conclusive de mon étude (cf. > ici), c’est une évidence qui n’a pas besoin d’être démontrée que beaucoup de catholiques – comme la plupart de nos contemporains – ont aujourd’hui admis les thèses relativistes, pour le dogme comme pour la morale, qui découlent des convictions maçonniques.  C’est justement l’une des grandes victoires de la franc-maçonnerie, à la suite d’un important travail de sape de l’influence catholique et par une mainmise de plus en plus forte sur tout ce qui peut influencer le jugement des hommes, d’avoir réussi que ses idées soient devenues quasi générales dans la société occidentale, sans que les citoyens « de base » en aient conscience.

L’Eglise n’a pas échappé à cette influence. La crise spirituelle, dogmatique et institutionnelle, qui affecte et fragilise l’Eglise catholique depuis plusieurs décennies a évidemment contribué à cette pénétration des idées maçonniques dans les consciences des fidèles. Que des prêtres, insuffisamment formés ou profondément déformés par les « recyclages » post-conciliaires, professent des idées relativistes ou modernistes très proches de celles de la maçonnerie, ce n’est pas à démontrer. Cela signifie-t-il nécessairement qu’ils sont membres de la maçonnerie? Non pas. Que de ces prêtres pervertis par les idées modernistes, certains soient devenus évêques, c’est certain. Cela signifie-t-il que tous ces évêques fréquentent les loges? Rien de moins certain.

Un jour, au terme de l’une de ses conférences, Frère Maximilien-Marie s’est fermement opposé à l’intervention d’une de ses auditrices qui affirmait avec véhémence : « Tous les évêques français sont francs-maçons! ». Qu’il y en ait quelques uns, on ne peut le nier : il y a bien eu un Judas dans le collège apostolique, il serait téméraire de prétendre qu’il n’a pas eu une sorte de « descendance spirituelle » aujourd’hui, comme il y en a eu à toutes les époques, hélas!… Mais, encore une fois, c’est une bien plus grande victoire de la maçonnerie d’avoir réussi à dominer toutes les sociétés contemporaines – et l’Eglise en est une – par une espèce d’imprégnation diffuse d’un grand nombre de ses idées, que si elle était arrivée à faire entrer consciemment tous nos contemporains dans ses loges.

C’est ce qu’a voulu exprimer notre Frère dans cette bande dessinée que je vous annonçais au début de cette chronique. Nombre de prêtres – des évêques même – ont été invités à participer à des « tenues blanches », voire à y donner des conférences : nous ne pourrions que nous en réjouir si ces évêques, avec le zèle et la force de conviction des Saints Apôtres, y étaient allés pour évangéliser en vérité et convertir ; malheureusement, dans la plupart des cas, les maçons n’ont entendu de leur bouche que des platitudes consensuelles et des thèses qui s’approchaient des leurs. Les évêques français actuellement en exercice qui ont publiquement et sans ambiguïté rappelé l’enseignement et la discipline de l’Eglise sur la franc-maçonnerie se comptent sur les doigts d’une seule main. Rien d’étonnant dès lors à ce qu’une telle confusion continue de régner dans l’Eglise et dans la société…

Lully.                     

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