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2013-48. Mon divin Cœur est si passionné d’amour pour les hommes, qu’il ne peut plus contenir en lui-même les flammes de son ardente charité…

La première « grande révélation » du Sacré-Cœur
à Sainte Marguerite-Marie : 

Au cours du mois de juin, et à l’approche de la fête du Sacré-Cœur de Jésus, il est bon de relire, sous la plume même de Sainte Marguerite-Marie, le récit des « grandes révélations » au cours desquelles Notre-Seigneur Jésus-Christ lui a manifesté les mystères, les richesses et les grâces que renferme Son divin Cœur.

2013-48. Mon divin Cœur est si passionné d'amour pour les hommes, qu'il ne peut plus contenir en lui-même les flammes de son ardente charité... dans De liturgia stemarg

Voici donc la « première grande révélation », qui eut lieu un 27 décembre, probablement de l’année 1673 (note : les passages mis en caractères gras l’ont été par nos soins) :

« Une fois donc, étant devant le Saint-Sacrement (…), me trouvant toute investie de cette divine présence, mais si fortement, que je m’oubliai de moi-même et du lieu où j’étais, et je m’abandonnai à ce divin Esprit, livrant mon [cœur] à la force de son amour. Il me fit reposer fort longtemps sur sa divine poitrine, où il me découvrit les merveilles de son amour, et les secrets inexplicables de son sacré Cœur, qu’il m’avait toujours tenus cachés, jusqu’alors qu’il me l’ouvrit pour la première fois, mais d’une manière si effective et sensible qu’il ne me laissa aucun lieu d’en douter, pour les effets que cette grâce produisit en moi, qui crains pourtant toujours de me tromper en tout ce que je dis se passer en moi. Et voici comme il me semble la chose s’être passée.

Il me dit : « Mon divin Cœur est si passionné d’amour pour les hommes, et pour toi en particulier que, ne pouvant plus contenir en Lui-même les flammes de son ardente charité, il faut qu’il les répande par ton moyen et qu’il se manifeste à eux pour les enrichir de ses précieux trésors que je te découvre, et qui contiennent les grâces sanctifiantes et salutaires, nécessaires pour les retirer de l’abîme de perdition ; et je t’ai choisie comme un abîme d’indignité et d’ignorance pour l’accomplissement de ce grand dessein, afin que tout soit fait par moi. » (…)

Ensuite, Notre-Seigneur demande à Sœur Marguerite-Marie si elle veut lui donner son cœur. Elle le supplie de le prendre : effectivement elle voit Jésus lui prendre son cœur, le plonger dans le sien, semblable à une fournaise, l’en retirer sous l’apparence d’une flamme ardente en forme de cœur pour le lui remettre dans la poitrine, lui annonçant que cette ardeur la consumera désormais et qu’elle sera marquée par des souffrances et des humiliations. Et il ajoute : « Et pour marque que la grande grâce que je te viens de faire n’est point une imagination, et qu’elle est le fondement de toutes celles que j’ai encore à te faire, quoique j’ai refermé la plaie de ton côté, la douleur t’en restera pour toujours, et si jusqu’à présent tu n’as pris que le nom de mon esclave, je te donne celui de la disciple bien-aimée de mon sacré Cœur. »

Sœur Marguerite-Marie raconte ensuite que pendant plusieurs jours elle reste dans un état de très grande élévation spirituelle qui lui rend l’attention aux choses ordinaires de la vie quasi impossible, en même temps qu’elle éprouve d’une manière très vive la douleur de cette plaie mystique au côté.

Cette « (…) douleur de côté m’était renouvelée les premiers vendredis du mois en cette manière : ce sacré Cœur m’était présenté comme un soleil brillant d’une éclatante lumière, dont les rayons tout ardents donnaient à plomb sur mon cœur, qui se sentait d’abord embrasé d’un feu si ardent, qu’il me semblait m’aller réduire en cendres, et c’était particulièrement en ce temps-là que ce divin Maître m’enseignait ce qu’il voulait de moi, et me découvrait les secrets de cet aimable Cœur. »

Lire la suite > ici

sacrec15 apparitions du Sacré Coeur dans Lectures & relectures

Prière :

O Cœur adorable de Jésus, qui brûlez pour moi de l’amour le plus ardent, communiquez à mon cœur quelques unes de vos flammes.
Daignez, ô Cœur Sacré, Vous faire Vous-même mon maître pour m’enseigner à pratiquer les vertus qui Vous plaisent et dont Vous avez donné l’exemple…
Vous êtes, ô Jésus, le sceau du Père Eternel : par Vous sont marquées les âmes de tous les élus. Je vous supplie donc de Vous graver Vous-même dans mon cœur, et d’y imprimer la marque indélébile d’une plus exacte ressemblance avec Vous, puisque je suis appelé du nom de « christianus : chrétien, c’est-à-dire celui qui appartient au Christ » !
Que tout mon être Vous appartienne et soit sanctifié par Vous : appliquez-Vous à mes yeux, pour sanctifier mes regards ; à ma bouche, pour consacrer toutes mes paroles ; à mon intelligence, pour purifier mes pensées ; à ma volonté, pour régler toutes mes affections ; à mon corps tout entier et à mon âme, pour les remplir de votre douceur, de votre humilité, de votre pureté, de votre charité, et de toutes vos vertus !

Divin Cœur de Jésus,
prenez mon cœur, qu’il soit tout vôtre!

Ainsi soit-il !

frise-avec-lys-naturel Coeur de Jésus dans Nos amis les Saints

Consécration du genre humain au Coeur immaculé de Marie (Vénérable Pie XII)

   Par la lettre encyclique « Ad caeli Reginam » du 11 octobre 1954 (cf. > ici), Sa Sainteté le Pape Pie XII institua la fête de la Bienheureuse Vierge Marie Reine, fixée à la date du 31 mai, en conclusion du mois de Marie.
Il ordonna que ce jour-là fut renouvelé, dans toutes les églises et chapelles de la catholicité, l‘acte de consécration du genre humain au Coeur immaculé de Marie qu’il avait lui-même composé en 1942.
Voici donc le texte de cette prière que, en paroisse ou en famille, en groupe ou seuls, nous aurons à coeur de réciter avec une ferveur renouvelée car les « heures tragiques de l’histoire humaine » ne sont pas seulement limitées à la seconde guerre mondiale, mais elles se perpétuent en nos temps d’apostasie et de recrudescence des persécutions ou vexations contre le christianisme et contre la loi divine.

Consécration du genre humain au Coeur immaculé de Marie (Vénérable Pie XII) dans Chronique de Lully enguerrand-quarton-couronnement-de-la-vierge

Le couronnement de la Vierge
Enguerrand Quarton (1412 – 1466) – Villeneuve-lès-Avignon

fleurdelys2 31 mai dans De liturgia

       Reine du Très Saint Rosaire, Secours des Chrétiens, Refuge du genre humain, Victorieuse de toutes les batailles de Dieu, nous voici prosternés, suppliants au pied de votre trône, dans la certitude d’obtenir miséricorde et de recevoir les grâces, l’aide et la protection opportunes dans les calamités présentes, non en vertu de nos mérites, dont nous ne saurions nous prévaloir, mais uniquement par l’effet de l’immense bonté de votre Cœur maternel.

   C’est à vous, c’est à votre Cœur immaculé qu’en cette heure tragique de l’histoire humaine nous nous confions et nous nous consacrons, non seulement en union avec la Sainte Église —Corps mystique de votre Fils Jésus — qui souffre et verse son sang en tant de lieux, qui est en proie aux tribulations de tant de manières, mais en union aussi avec le monde entier, déchiré par de farouches discordes, embrasé d’un incendie de haine et victime de ses propres iniquités.

   Laissez-vous toucher par tant de ruines matérielles et morales ; par tant de douleurs, tant d’angoisses de pères et de mères, d’époux, de frères, d’enfants innocents ; par tant de vies fauchées dans la fleur de l’âge ; par tant de corps déchiquetés dans l’horrible carnage ; par tant d’âmes torturées et agonisantes, par tant d’autres en péril de se perdre éternellement.

   Ô Mère de miséricorde, obtenez-nous de Dieu la paix et surtout les grâces qui peuvent en un instant convertir le cœur des hommes, ces grâces qui préparent, concilient, assurent la paix ! Reine de la paix, priez pour nous et donnez au monde en guerre la paix après laquelle les peuples soupirent, la paix dans la vérité, dans la justice, dans la charité du Christ. Donnez-lui la paix des armes et la paix des âmes, afin que dans la tranquillité de l’ordre s’étende le règne de Dieu.

   Accordez votre protection aux infidèles et à tous ceux qui gisent encore dans les ombres de la mort ; donnez-leur la paix et faites que se lève pour eux le soleil de la Vérité et qu’ils puissent avec nous, devant l’unique Sauveur du monde, répéter : « Gloire à Dieu au plus haut des Cieux et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté » (Luc II, 14).

   Aux peuples séparés par l’erreur ou par la discorde, et particulièrement à ceux qui professent pour vous une singulière dévotion et chez lesquels il n’y a pas de maison qui n’honorât votre vénérable icône (peut-être aujourd’hui cachée et réservée pour des jours meilleurs), donnez la paix et reconduisez-les à l’unique bercail du Christ, sous l’unique et vrai Pasteur.

   Obtenez à la Sainte Église de Dieu une paix et une liberté complètes ; arrêtez les débordements du déluge néo-païen ; développez dans le cœur des fidèles l’amour de la pureté, la pratique de la vie chrétienne et le zèle apostolique, afin que le peuple des serviteurs de Dieu augmente en mérites et en nombre.

   Enfin, de même qu’au Cœur de votre Fils Jésus furent consacrés l’Église et le genre humain tout entier, afin que, toutes leurs espérances étant placées en Lui, Il devînt pour eux signe et gage de victoire et de salut, ainsi et pour toujours nous nous consacrons à vous, à votre Cœur immaculé, ô notre Mère et Reine du monde ; pour que votre amour et votre protection hâtent le triomphe du règne de Dieu et que toutes les nations, en paix entre elles et avec Dieu, vous proclament bienheureuse et entonnent avec vous, d’une extrémité du monde à l’autre, l’éternel magnificat de gloire, d’amour, de reconnaissance au Cœur de Jésus en qui Seul elles peuvent trouver la vérité, la vie et la paix.

fleurdelys2 ad caeli Reginam dans De Maria numquam satis

2013-46. Du miracle de Bolsena.

Jeudi de la Fête du Très Saint Sacrement (* voir la note en bas de page).

2013-46. Du miracle de Bolsena. dans Chronique de Lully raphael-le-miracle-de-bolsena-vatican

Raphaël : le miracle de Bolsena (détail) – musées du Vatican.

Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,

       L’année 2013, nous a donné de commémorer le sept-cent cinquantième anniversaire d’un événement qui eut des conséquences extraordinaires dans la vie de toute l’église catholique : le miracle de Bolsena.

   Ce prodige advint au mois de décembre : décembre de l’an 1263. Mais il convient spécialement de le rappeler en ce jeudi de la fête du Très Saint Sacrement, puisque il fut déterminant pour l’établissement de cette fête dans l’Eglise universelle.

   Voici les faits tels qu’ils sont racontés dans l’ouvrage « Les miracles historiques du Saint Sacrement », publié en 1898 par le Rd. Père Eugène Couet, avec l’imprimatur du Rd. Père Lepidi, maître du Sacré Palais :

   « C’était l’époque où l’Allemagne, sans cesse déchirée par la guerre depuis la mort de l’impie Frédéric II, n’avait pu encore se choisir un empereur ; et les compétiteurs, se disputant la couronne, jetaient le trouble dans toutes les provinces germaniques.
Un prêtre de ces contrées, jusque-là distingué par sa piété et par la pratique des vertus sacerdotales, vit un jour sa foi attaquée par de terribles doutes ; ils portaient spécialement sur l’adorable Sacrement de l’autel. A chaque instant, il avait à subir de nouveaux assauts de la part de l’esprit des ténèbres : Hoc est Corpus meum ; Hic est Sanguis meus ! comment ces paroles, si simples et si courtes, peuvent-elles faire, du pain et du vin, la vraie Chair et le vrai Sang de Jésus-Christ ? Telles étaient les questions que le père du mensonge faisait renaître dans cette âme d’ailleurs fort attachée au service de Dieu. Il l’amenait peu à peu à ne voir dans le prêtre qu’un homme ordinaire, sans considérer le pouvoir auguste que lui a conféré l’onction sainte. Or, s’arrêter à la faiblesse du ministre et ne pas remonter jusqu’à Dieu, dont la puissance est sans bornes, c’est s’exposer aux plus fatales erreurs.
Mais le pauvre prêtre, ainsi tourmenté par l’épreuve, avait recours à la prière et demandait au Ciel la lumière qui lui rendrait la paix. Dieu ne dédaigna pas les cris de détresse de son ministre : et le Sacrement de vie, après avoir été l’occasion des manœuvres infernales, dut bientôt servir à la défaite de Satan.

bolsena-basilique-de-sainte-christine Bolsena dans De liturgia

Bolsena : la basilique de Sainte Christine dans laquelle eut lieu le miracle.

   « Il est sur la terre un lieu privilégié, où jaillit toujours vive et pure la source de la foi : c’est à la ville de Pierre qu’il faut aller puiser la vérité. Notre infortuné prêtre le compris, il fit vœu de visiter le tombeau des saints Apôtres pour s’y raffermir dans la croyance catholique. Après un long et pénible voyage, il arriva à Bolsena, antique cité qui, du temps des Romains, comptait parmi les principales villes de Toscane, mais qui ne garde plus de sa grandeur passée que des ruines et des tombeaux. C’était en décembre 1263. Un vieux temple, dédié jadis à Apollon, et dès les premiers siècles consacré à la glorieuse vierge Christine, se recommandait à la piété du pèlerin ; il voulut célébrer la sainte messe à l’autel où l’on voit encore, miraculeusement gravée dans le marbre, l’empreinte des pieds de l’illustre martyre.

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Bolsena, basilique Sainte Christine : autel où se produisit le miracle.

   « Parvenu au moment où il devait diviser l’Hostie sainte, le célébrant tenait ce Pain sacré sur le calice, quand il le vit, ô prodige ! prendre l’aspect d’une chair vive d’où le sang s’échappait goutte à goutte. La partie cependant qu’il tenait entre les doigts conservait l’apparence du pain, comme pour attester (suivant la remarque de Saint Pierre Damien au sujet d’un fait semblable) que cette Hostie, si subitement changée dans sa forme extérieure, était bien celle qui, peu d’instants avant, cachait sous le voile des accidents le Corps et le Sang de Jésus-Christ. Bientôt l’abondance du sang fut si grande qu’il empourpra le corporal de taches nombreuses ; plusieurs purificatoires, avec lesquels le prêtre essayait d’étancher cet écoulement mystérieux, furent aussi imbibés en peu de temps.

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Miniature représentant le miracle de Bolsena : l’Hostie sanglante.

   « La vue de cette Hostie changée en chair, ce sang qui coulait sans interruption remplirent le célébrant d’une frayeur indicible, mais aussi d’une sainte joie : car il reconnaissait que Dieu venait d’exaucer ses prières et répondait à ses doutes d’une manière irréfragable. Mais pour ne pas scandaliser les fidèles, s’ils venaient à savoir le motif qui avait déterminé ce prodige, il voulut tenir secret un événement si extraordinaire.
C’était compter sans les desseins de Dieu, qui voulait par là raviver la foi d’un grand nombre : aussi, comme il repliait le corporal pour dissimuler les taches qui en couvraient une grande partie, les merveilles se multiplièrent. Dans chacune des gouttes qui continuaient à couler de l’Hostie apparaissait une figure humaine, la face adorable du Sauveur couronné d’épines, telle qu’elle était à cette heure douloureuse où Pilate montra Jésus au peuple altéré de son sang.
La terreur empêcha le prêtre d’achever le Saint Sacrifice. Dans ces cas extraordinaires, comme l’enseigne Saint Thomas (summ. theol. p.3, qu.82 a.4), le célébrant peut se dispenser de terminer les fonctions sacrées. Il enveloppa donc dans le corporal tout maculé de sang l’Hostie changée en chair, la plaça dans le calice et quitta l’autel.

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Le prêtre tente de dissimuler le miracle en quittant l’autel
(toile dans la basilique Sainte Christine de Bolsena)

   « Mais le sang coulait si abondamment que, durant le trajet de la chapelle à la sacristie, de grosses gouttes tombèrent sur les pierres du pavé. C’est ce qui trahit le prêtre, et le miracle fut bientôt connut dans toute la ville.

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Basilique Sainte Christine de Bolsena : l’une des dalles tachée du sang miraculeux.

   « Le Souverain Pontife résidait alors avec sa cour à Orvieto, à six milles de Bolsena. Le pèlerin alla sans retard se jeter à ses pieds ; il raconta au Pape Urbain IV les épreuves que sa foi avait eu à subir et le miracle provoqué par ses doutes. Puis, muni de la bénédiction apostolique et désormais délivré de toute tentation, il se rendit au tombeau des saints Apôtres pour rendre grâce de ce bienfait et accomplir son vœu.
Le Pape Urbain IV ne resta pas indifférent à cet éclatant prodige. Deux grandes lumières de l’Eglise, saint Thomas d’Aquin et saint Bonaventure, se trouvaient alors à Orvieto ; il les députa sur le champ à Bolsena pour y faire une enquête. La vérité du miracle fut reconnue ; et le Pontife chargea l’évêque d’Orvieto d’aller chercher à l’église Sainte Christine l’adorable Hostie, le corporal et les autres linges ensanglantés. Urbain lui-même, entouré des cardinaux, du clergé et d’une foule immense, sortit en procession solennelle et vint au-devant de ce précieux trésor jusqu’au pont de Rivochiaro, à un quart de mille environ de la ville. Les enfants et les jeunes gens portaient des palmes et des branches d’olivier ; on chantait des hymnes et des cantiques au Dieu du Sacrement. Le Pape s’agenouilla pour prendre les vénérables Mystères et les porta comme en triomphe jusqu’à la cathédrale de Sainte Marie d’Orvieto. »

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Urbain IV accueillant les reliques du miracle de Bolsena pour les conduire à Orvieto.

   Pour compléter le récit du Rd. Père Couet, j’ajouterai les précisions suivantes :

   1) le Pape Urbain IV (1195 – 1264), né Jacques Pantaléon, de Troyes, avait été de 1241 à 1253 archidiacre de Liège : dans cette ville, il avait été été instruit des demandes de Notre-Seigneur concernant l’institution d’une fête en l’honneur du Saint Sacrement, transmises par la moniale augustinienne, sainte Julienne du Mont-Cornillon. Avec d’autres théologiens, il avait authentifié les voies mystiques de Julienne et la fête du Très Saint Sacrement avait été instituée à Liège en 1246 (voir > ici).
Elu au Souverain Pontificat le 19 août 1261, le miracle de Bolsena vint lui rappeler les demandes de Notre-Seigneur que sainte Julienne avait faites connaître ; ainsi, le 11 août 1264, par la bulle Transiturus (texte de cette constitution apostolique > ici), il étendit la fête du Très Saint Sacrement à l’Eglise universelle.
Urbain IV rendit son âme à Dieu quelques mois plus tard, le 2 octobre 1264. 

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Orvieto : la cathédrale reconstruite à partir de 1290 pour servir d’écrin au corporal du miracle.

   2) La cathédrale d’Orvieto, dans laquelle Urbain IV avait emmenée solennellement l’Hostie miraculeuse et le corporal taché de sang, fut réédifiée d’une manière somptueuse à partir de 1290. Ce linge miraculeux existe toujours ; le reliquaire dans lequel il est exposé (photo ci-dessous) est conçu de telle manière qu’il peut également servir d’ostensoir : un « cercle » d’orfèvrerie le surmonte dans lequel est insérée la lunule avec la Sainte Hostie, et pour la procession de la Fête-Dieu il est porté à travers les rues d’Orvieto au milieu d’un cortège magnifique. 

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Orvieto : le corporal miraculeux.

   3) Les dalles du pavement de la basilique Sainte Christine de Bolsena tachées par le sang qui gouttait en abondance de l’Hostie miraculeuse, ont été enlevées du sol. Quatre d’entre elles se trouvent toujours à Sainte Christine : trois sont de simples dalles de pierre et se trouvent enchâssées dans des reliquaires muraux et la quatrième, qui était une pierre tombale, est exposée dans le reliquaire dont la photographie se trouve plus haut. La cinquième – qui est aussi une pierre tombale – a été offerte en 1602 à l’église paroissiale de Porchiano del Monte, où elle est également exposée dans un reliquaire.

* * * * * * *

   En un temps malheureux où de nombreuses erreurs se sont à nouveau introduites dans l’Eglise au sujet du Saint-Sacrifice de la Messe, où la croyance et la dévotion des fidèles envers la Très Sainte Eucharistie a été amoindrie, souvent par la faute de clercs qui manquent eux-mêmes de foi et sont coupables de graves désinvoltures ou manques de respect lorsqu’ils célèbrent les Saints Mystères, le rappel opportun du miracle de Bolsena vient à point nommé pour nous rappeler la foi authentique reçue de la Tradition ininterrompue depuis les Apôtres!

Que toujours soit loué, béni et adoré Jésus présent et vivant dans le Très Saint Sacrement de l’autel !

Lully.                           

                 Voir aussi :
- La biographie de Ste Julienne du Mont-Cornillon > ici
- l‘institution de la Fête-Dieu par Urbain IV et Jean XXII > ici

eucaristia04copie Sainte Julienne du Mont-Cornillon

(*) note : Faut-il le rappeler ? La fête du Très Saint Sacrement est fixée, dans l’Eglise universelle, au jeudi qui suit le dimanche de la Sainte Trinité : c’est une fête d’obligation, qui doit être fériée (canon 1246 §1). En France où – hélas ! – , depuis les limitations des fêtes religieuses imposées par l’impie Napoléon, les lois civiles ne permettent plus aux fidèles de chômer et d’assister à la Messe comme les dimanches et jours de grandes fêtes, la solennité est reportée au dimanche qui suit.

2013-45. «Il Vous est impossible de ne pas me faire miséricorde, car la miséricorde Vous est consubstantielle!»

Sermon de Saint Augustin
sous forme d’une prière embrassée au Saint-Esprit

2013-45. «Il Vous est impossible de ne pas me faire miséricorde, car la miséricorde Vous est consubstantielle!» dans De liturgia champaigne-st-augustin-detail-300x224

Philippe de Champaigne : Saint Augustin (détail) 

(la division du texte et les titres donnés aux paragraphes sont de notre fait)

§1. Invocation initiale au Saint-Esprit :

Esprit-Saint, mon Dieu, j’éprouve le désir de parler de Vous, et, néanmoins, je crains pour moi de le faire, car je ne trouve en moi rien qui me le permette.
Pourrais-je, en effet, dire autre chose que ce que Vous m’inspirerez? Pourrai-je prononcer un seul mot, si Vous ne venez en moi pour Vous substituer à moi et Vous parler de Vous-même?
Donnez-Vous donc à moi pour commencer, ô généreux Bienfaiteur, ô Don parfait ; car, quant à Vous, Vous m’appartenez ; rien ne peut m’appartenir, je ne puis m’appartenir moi-même, si je ne Vous possède d’abord. Soyez à moi, et ainsi serai-je à moi, et aussi à Vous : si je ne Vous possède pas, rien ne m’appartiendra. Près de qui aurai-je le droit de Vous posséder? Près de personne, si ce n’est près de Vous.
Il faut donc que Vous Vous donniez à moi, afin que je puisse faire auprès de Vous votre acquisition. Prévenez-moi donc, préparez mon âme à Vous recevoir, et quand Vous y serez entré, parlez-Vous pour moi et écoutez-Vous en moi. Ecoutez-Vous en mon lieu et place, ô Vous qui êtes si bienveillant! Ecoutez une bonne fois, et ne Vous irritez pas. Voyez de quel esprit s’inspirent mes paroles pour moi, je l’ignore, mais je sais pertinemment que, dépourvu de votre assistance, je ne puis rien dire.

§2. Merveilles accomplies par le Saint-Esprit dans l’histoire du salut :

Je m’en souviens : il Vous a suffi jadis de toucher un homme adultère et assassin pour en faire le psalmiste ; Vous avez délivré l’innocente Suzanne ; vos regards se sont abaissés sur une femme possédée par sept démons, sur Magdeleine, et la charité surabondante dont Vous l’avez remplie en a fait l’apôtre des Apôtres ; le larron a été visité par Vous, pendant qu’il était en croix, et, le même jour, Vous l’avez placé dans le ciel pour l’y faire jouir de la gloire du Christ.
Sous votre influence, l’apostat a versé des larmes de repentir, et Vous l’avez préparé à recevoir le souverain pontificat. N’est-ce point à votre appel que le publicain est devenu un évangéliste? N’avez-Vous point terrassé le persécuteur, et, quand il s’est relevé, n’était-il point devenu un docteur hors ligne?
N’êtes-Vous pas venu du ciel pour visiter les Juifs orgueilleux, et en les voyant consumés par les ardeurs de la plus audacieuse doctrine, ne les avez-Vous pas délaissés?
Dieu de sainteté, quand je réfléchis à ce que Vous avez inspiré à tous ces personnages, je me sens encouragé, par leur exemple, à Vous parler ainsi, et je sais, à n’en pas douter un instant, que Vous m’avez appris à Vous répondre de la sorte : voilà aussi pourquoi je soupire vers Vous et me jette dans vos bras.
Ecoutez-moi, Bonté sans limites, et que votre misérable créature n’encoure point votre indignation. Si mes crimes surpassent, par leur nombre, les crimes de tous ces personnages qui me rappellent vos miséricordes, votre indulgence dépasse de beaucoup en étendue ma culpabilité ; car n’est-elle pas infinie? Il lui est facile de pardonner un péché! Ne lui est-il pas aussi aisé d’en pardonner des centaines de mille?

§3. Invocation ardente à l’Esprit-Saint dont la miséricorde éclate
à travers même l’exercice de la justice divine :

A l’un il a suffi d’un seul péché mortel pour se voir réservé à la damnation, quand il est sorti de ce monde : avec des milliers de fautes, un autre a été réservé par Dieu, comme étant prédestiné à la vie.
Qu’y a-t-il en cela, ô très-doux Esprit? C’est que, d’un côté, se manifeste votre miséricorde, et, de l’autre, votre justice. Ces deux hommes, bien différents l’un de l’autre, se trouvent également destinés après une multitude de crimes énormes et pour la fin du monde, celui-ci à entrer dans la vie, celui-là à tomber dans d’affreux tourments. Qu’en conclure, ô Dieu plein de bonté? C’est qu’en tout cela votre miséricorde sans bornes reste toujours égale à elle-même, bien que Vous agissiez diversement.
Le petit nombre des péchés ne donne pas plus la certitude d’arriver à la vie éternelle, que la grandeur et la multiplicité des fautes ne doit donner lieu au désespoir.
Mais parce que votre miséricorde est préférable à toutes les vies, je l’invoque, je la désire, il m’est doux de m’y attacher. Donnez-Vous à moi par son intermédiaire, et donnez-la moi par Vous : que je la possède en Vous, et qu’elle Vous serve de chemin pour venir en moi. C’est elle qui m’inspire le confiant courage de Vous parler ; elle rend mon âme supérieure à elle-même : en la possédant je Vous possède.
Je ne demande donc rien que Vous, car Vous êtes le Docteur et la Science, le Médecin et le Remède, Vous voyez l’état des âmes et Vous les préparez : Vous êtes l’Amour et l’Amant, la Vie et le Conservateur de la vie.
Que dire de plus? Vous êtes tout ce qu’on peut appeler bon!
Car si nous ne sommes point anéantis, c’est l’effet de votre indulgence : elle seule nous soutient en nous attendant ; elle seule nous conserve en ne nous condamnant pas, nous rappelle sans nous faire de reproches, nous renvoie sans nous juger, nous accorde la grâce sans nous la reprendre, et nous sauve par sa persévérance.

§4. Exhortation à soi-même pour une très grande confiance :

Ame pécheresse, ô mon âme, lève-toi donc! redresse-toi! sois attentive à ces consolantes paroles! ne refuse pas un secours qui peut t’aider si puissamment à te réformer!
Remarque-le bien : pour ta restauration, cette Personne divine est la seule qui te soit nécessaire. Lève-toi donc tout entière, ô mon âme! et, puisqu’en cette Personne seule se trouve ton salut, consacre-Lui toutes tes forces, prépare-toi à Lui servir de demeure ; reçois-La, afin qu’Elle te reçoive à son tour.

§5.  Ardents soupirs adressés à l’Esprit Réparateur et Sanctificateur :

Venez donc, ô très-doux Esprit! étendez votre doigt, aidez-moi à me lever.
Que ce saint doigt s’approche de moi, m’attire vers Vous, se pose sur mes plaies et les guérisse. Qu’il fasse disparaître l’enflure de mon orgueil ; qu’il ôte la pourriture de ma colère ; qu’il arrête en moi les ravages du poison de l’envie ; qu’il en retranche la chair morte de la nonchalance ; qu’il y calme la douleur de la cupidité et de l’avarice ; qu’il en ôte la superfluité de la gourmandise, et y remplace l’infection de la luxure par les parfums odorants de la plus parfaite continence.
Puisse-t-il me toucher, ce doigt qui fait couler sur les blessures le vin, l’huile et la myrrhe la plus pure! Puisse-t-il me toucher, ô Dieu plein de bonté!
Alors disparaîtra toute ma corruption, alors je reviendrai à ma primitive innocence, et quand Vous viendrez habiter en moi, qui ne suis maintenant qu’un sac déchiré, Vous y trouverez une demeure en bon état, fondée sur la vérité de la foi, bâtie sur la certitude de l’espérance et parachevée avec une charité ardente.
Bien que nous ne Vous désirions pas depuis longtemps, venez, Hôte aimable! oui, venez! Demeurez avec nous, car si Vous n’y restez pas, il se fera tard, et le jour baissera (Luc XXIV, 29). Frappez et ouvrez! car si Vous ouvrez la porte, personne ne la fermera : entrez et fermez-la derrière Vous, et personne ne l’ouvrira (Apoc. III, 7). Tout ce que Vous possédez est en paix (Luc XI, 21), et, sans Vous, il n’y a point de paix possible, Vous, le Repos des travailleurs, la Paix des combattants, le Plaisir de ceux qui souffrent, la Consolation des malades, le Rafraîchissement de ceux que la chaleur accable, la Joie des affligés, la Lumière des aveugles, le Guide de ceux qui doutent, le Courage des timides…
Car personne ne goûte la tranquillité, s’il ne travaille pour Vous : celui-là seul jouit de la paix, qui combat pour Vous. Souffrir pour Vous, c’est le comble du bonheur ; pleurer pour Vous, c’est la suprême consolation. Quand mon âme gémit pour Vous, alors, à vrai dire, elle se livre au vice et aux plaisirs. Ineffable Bonté, Vous ne pouvez souffrir qu’on souffre, qu’on pleure ou qu’on travaille à cause de Vous ; car, au même moment commencent le travail et le repos, le combat et la paix, la peine et le bonheur. Etre en Vous, c’est être dans l’éternelle félicité.

§6. Contrition et componction appelant le pardon et la grâce du salut :

O mon Bien-Aimé, touchez donc, oui, touchez mon âme! cette âme que Vous avez créée et choisie pour votre demeure au jour de mon baptême.
Mille fois, hélas! vous avez été honteusement et injurieusement chassé de cette maison qui Vous appartenait en propre, et voilà que votre misérable hôtesse Vous rappelle à grands cris ; car c’est pour elle le plus grand des malheurs de se trouver privée de Vous.
Revenez, ô Esprit bon, prenez pitié de cette séditieuse qui Vous a chassé de chez elle. Maintenant, ah! maintenant, elle se rappelle vivement tout le bonheur qu’elle éprouvait à se trouver auprès de Vous. Tous les biens lui étaient venus à cause de Vous (Sag. 
VII, 11) ; sitôt que Vous Vous êtes retiré d’elle, ses ennemis l’ont dépouillée ; ils ont emporté avec eux tous les trésors que Vous lui aviez apportés, et, non contents de l’appauvrir, ils l’ont accablée de coups et de blessures et laissée presque morte (Luc X, 30).
Revenez donc, Seigneur bien-aimé! descendez à nouveau dans votre maison, avant que votre hôtesse insensée rende le dernier soupir.
Aujourd’hui je vois, aujourd’hui je sens combien je suis malheureuse en vivant séparée de Vous : je rougis et tombe dans une confusion extrême de ce que Vous Vous êtes éloigné de moi ; mais les inénarrables faiblesses dont votre absence a été pour moi le principe me forcent à Vous rappeler : Précieux Gardien, venez dans la maison de votre misérable Marthe, et gardez-la dans la vérité, « pour qu’elle ne s’endorme pas un jour dans la mort et que son ennemi ne dise point : J’ai prévalu contre elle » (
Ps. XII, 5).
Mes oppresseurs triompheront si je suis ébranlée (
Ps. XII, 6). Mais, avec votre secours, j’espérerai dans votre miséricorde, je m’y attacherai, j’y mettrai ma confiance : en elle sera la part de mon héritage, et, ainsi, je ne craindrai pas ce que peut contre moi un homme mortel (Ps. LV, 5).
Il Vous est impossible de ne pas me faire miséricorde, car la miséricorde Vous est consubstantielle.
Voyez ma pauvreté, voyez mes pressants besoins, et prenez pitié de moi selon votre infinie grandeur, et non selon mes iniquités. Daigne votre commisération montrer qu’elle est au-dessus de toutes vos oeuvres (Ps. CXLIV. 9). Que la malice du péché ne prévale pas sur la grandeur de votre bonté. C’est par indulgence que Vous dites : « Je ne veux pas la mort du pécheur, mais Je veux qu’il se convertisse et qu’il vive » (Ezéch. XXXIII, 11). Car Vous voulez la miséricorde et non le sacrifice (Matth. IX, 13).
Très-généreux Bienfaiteur, étendez votre droite, cette sainte main qui n’est jamais vide, qui ne sait point refuser, qui ne cesse de donner à l’indigent : étendez donc, aimable Bienfaiteur, étendez cette main toute pleine de vos dons : c’est la main des pauvres. Donnez à votre pauvre, ou plutôt à la pauvreté elle-même, ces armes ou ces trésors qui enrichissent l’indigent sans lui laisser rien à craindre.

§7. Invocation finale pleine d’une douce confiance :

Achevez, Seigneur, ce que votre bras a commencé (Ps. LXVII, 29). Car, je le vois, si Vous nous sauvez, c’est, non pas à cause des oeuvres de justice que nous avons faites, mais par votre miséricorde (Tit. III, 5). Donc, très-sainte Communication, accordez-moi le don de piété, dont le propre est d’inspirer la douceur, comme aussi de conserver et de rendre celui à qui il a été départi libre de toute attache aux biens de la terre ; ainsi pourrons-nous dire avec l’Apôtre Pierre : « Voilà que nous avons tout abandonné et que nous Vous avons suivi » (Matth. XIX, 27). Dès lors que nous aurons renoncé à ce qui est de ce monde passager, votre esprit secourable nous conduira dans la voie droite (Ps. CXLII, 10), jusqu’à la terre des vivants, et par l’affectueuse piété qu’il nous inspirera, il nous introduira dans ce séjour où nous pourrons éternellement jouir de Vous pendant la suite sans fin des siècles des siècles.

Ainsi soit-il!

vitrail-saint-esprit-basilique-vaticane Esprit-Saint dans Lectures & relectures

Vitrail du Saint-Esprit au centre de la gloire du Bernin (basilique vaticane)

voir aussi la prière au Saint-Esprit
extraite des oeuvres de Saint Augustin publiée > ici

2013-40. « Benoît Labre, c’est la contre-révolution en personne ! »

16 avril, fête de Saint Benoît-Joseph Labre.

       Nous avons vu ce qu’avaient été les derniers jours et la mort de Saint Benoît-Joseph Labre (cf. > ici). Voici maintenant quelques éléments de réflexion et de méditation, mettant en évidence les leçons que sa vie et ses exemples donnent aux fidèles d’aujourd’hui.

   A la suite de la béatification du saint pèlerin et mendiant, célébrée à Rome le 20 mai 1860 par le Bienheureux Pie IX devant quelque 40000 fidèles, le diocèse d’Arras, Boulogne et Saint-Omer organisa un triduum solennel : le jour de la clôture de ces fêtes de béatification, le 18 juillet 1860, Monseigneur Louis-Edouard Pie, évêque de Poitiers et futur cardinal, prononça un splendide panégyrique qui occupe presque quarante pages à la fin du troisième volume de ses oeuvres complètes.

   Il ne nous est bien sûr pas possible de reproduire ici cette magnifique oeuvre oratoire dans sa totalité ; toutefois je ne peux résister à la tentation d’en copier quelques morceaux choisis, extraits de la seconde partie de ce panégyrique, parce que – plus d’un siècle et demi après l’époque où ils furent prononcés dans la chaire de la cathédrale d’Arras et peut-être plus encore qu’alors – ils restent d’une saisissante actualité, au point qu’on pourrait dire que ce sont des paroles véritablement prophétiques.
En les lisant, il vous sera aisé d’établir des liens avec les circonstances actuelles de l’Eglise, du monde et de la France…

2013-40. « Benoît Labre, c'est la contre-révolution en personne ! » dans Chronique de Lully cardinal-edouard-pie

S.Exc. Mgr. Louis-Edouard Pie, évêque de Poitiers

   « A ne considérer que toute une grande portion de l’humanité contemporaine, on pourrait dire, mes Frères, que le détrônement de la chose chrétienne est un fait accompli ; que la face du monde est changée, renouvelée ; que le christianisme a disparu sans retour, qu’il est vaincu, enterré, remplacé. Le christianisme, c’est l’édifice de la grâce s’élevant sur les ruines de la nature.
Or, le monde moderne, c’est la nature reprenant fastueusement ce qu’elle appelle ses droits, étalant hautement ses titres, dilatant sans réserve ses moyens d’action et de jouissance. Concupiscence de la chair, concupiscence des yeux, orgueil de la vie : voilà la triple puissance que le christianisme entend briser. Or, le monde moderne a cassé ce triple anathème ; et, des trois choses renversées par le Christ, il a fait la triple colonne du temple de l’humanité émancipée, le trépied de la chaire où elle trône et d’où elle rend ses oracles. Prêtez l’oreille à ses enseignements, et vous reconnaîtrez qu’elle a ses dogmes, sa morale, son culte, ses sacrements, ses béatitudes, son ciel, son enfer, qui forment l’exacte contre-partie de tout le système chrétien.
Il est vrai, dans ce temple nouveau, tout n’est pas encore harmonie. Au sein de ce vaste naturalisme, il reste des dissensions, des guerres intestines. En face du sensualisme repu qui jouit et qui veut conserver, se dresse le sensualisme affamé qui conspire et qui veut partager. Au-dessus du sensualisme abaissé qui s’arrête et se complaît dans la jouissance animale, s’élève le sensualisme raisonné qui veut devenir une doctrine et prétend à la dignité de l’idée. Conservatorisme donc et communisme ou socialisme ; spiritualisme et matérialisme ; libéralisme et despotisme ; déisme même et athéisme : tout cela, comme on le voit, forme un concert assez discordant, et présente la religion moderne sous des noms et des aspects assez divers. Mais enfin toutes ces nuances savent se rapprocher et se fondre ; toutes ces lignes aboutissent dans un cadre commun, toutes ces diversités se relient dans un même symbole, se rencontrent dans un même programme, à savoir, la supplantation de l’élément révélé par l’élément humain, la substitution des droits de l’homme aux droits du Christ et de Son Eglise, le triomphe du naturalisme sur le christianisme.
Aussi trouve-t-on de toutes parts le même patois sur toutes les lèvres, la même fièvre dans toutes les âmes. Civilisation, progrès, conquêtes de l’humanité ; industrie, spéculation, agiotage ; émancipation de l’esprit ou de la chair, sécularisation de la loi et du pouvoir : que sais-je? complétez un peu cette énumération, et vous aurez tout le bagage de mots, d’idées et d’aspirations qui font un homme de ce temps, véritable antipode de tout ce qui constitue la doctrine, la morale et la discipline chrétienne.
Or, mes Frères, à cette génération qui ne connaît, ne sert et n’adore que la nature, voici que la Providence vient opposer un phénomène inattendu. C’est un homme qui foule aux pieds tous les dons, tous les droits, tous les avantages même les plus légitimes de la nature, et qui embrasse volontairement et par vertu le genre de vie le plus opposé à la nature ; c’est un homme qui, prenant les préceptes et les conseils de l’Evangile pour la règle unique de son esprit et de ses actions, abandonne sa famille, son patrimoine, traite son corps en ennemi, épouse la pauvreté, l’abjection, le mépris, et ne vit ici-bas que pour Dieu ; c’est un homme qui immole complètement le sens humain et la prudence de la chair pour n’obéir qu’à la sagesse surnaturelle ; un homme qui prise si haut la virginale intégrité de la foi, la pureté de l’orthodoxie, qu’il ne peut supporter la rencontre d’un hérétique, et qu’il n’hésite point à tripler la fatigue d’un voyage pour éviter de mettre le pied sur une terre protestante. Et cet homme, que notre siècle serait si enclin à ne pas regarder, à dédaigner, à insulter, voici que, bon gré mal gré, notre siècle est obligé à lui prêter son attention. Car enfin, Dieu S’est encore réservé des moyens de Se faire entendre ; Sa voix a des accents qui dominent toujours tous les bruits de la terre (…).
C’est un principe de la science que les contraires sont guéris par les contraires. Tout était contesté dans le code moral de Jésus-Christ : voici ce code observé dans sa dernière rigueur. L’Evangile était déclaré absurde, impossible : le voici pratiqué au pied de la lettre. Le remède est proportionné au mal, la résistance à l’attaque. Seigneur tout-puissant, cette fois encore vous aurez choisi ce qu’il y a de plus faible pour confondre ce qu’il y a de plus fort (1 Cor. I,27). Le naturalisme, comme un fleuve qui a brisé toutes ses digues, allait engloutir la terre. Un humble serviteur de Dieu s’est levé pour repousser le torrent dévastateur. Benoît Labre a planté sur le sol son bâton de pèlerin ; et le flot s’est arrêté, et le naturalisme a fait un pas en arrière. »

(Oeuvres de Monseigneur l’Evêque de Poitiers – Tome III – pp. 663-666) 

st-benoit-joseph 18 juillet 1860 dans De liturgia

Saint Benoît-Joseph pèlerin
(tableau de l’église d’Erin – Artois)

   « (…) Le saint français de la seconde moitié du XVIIIe siècle sera issu des rangs de cette petite bourgeoisie, de cette condition moyenne, qui allait opérer la plus grande révolution qu’ait jamais vue  le monde. Mais sa carrière aura été à l’inverse de toutes les idées, de toutes les aspirations, de tous les entraînements de sa caste. Laissez-moi le dire ainsi : Benoît Labre, c’est le révolutionnaire retourné, c’est la contre-révolution en personne, c’est l’homme du XVIIIe et du XIXe au rebours. Aussi, ne le cherchez point parmi les philosophes ou les encyclopédistes, point parmi les constituants ou les conventionnels, point parmi les présidents de district ni parmi les patriotes renommés. Non, à l’heure où s’ouvriront les états généraux qui préluderont au renversement de la monarchie, à l’heure où la plus ancienne dynastie du monde descendra les marches du trône et gravira celles de l’échafaud, Benoît-Joseph, par une mort prématurée et par les prodiges accomplis autour de sa tombe ou dus à son invocation, aura déjà commencé à monter les degrés de l’autel sur lequel il doit être publiquement honoré au siècle suivant. Et les siens, durant les jours de la tempête, protégés par son souvenir et par leurs traditions héréditaires, figureront au dehors parmi les émigrés et les confesseurs de la foi, au dedans parmi les suspects et les recéleurs de prêtres.»

(ibid. p. 668)

amettes-maison-natale-calvaire béatification dans Nos amis les Saints

Amettes : le grand calvaire érigé au sommet de la prairie devant la maison natale de Saint Benoît-Joseph

   « Benoît Labre, ai-je dit, est une grande leçon donnée à un monde qui n’est plus chrétien. Oui, car la nature, aux yeux du monde actuel, est quelque chose de saint et sacré. Notre siècle s’indigne à l’idée que nous soyons dans un état de dégradation et de péché où la vie de la nature doive être refrénée, doive être circonscrite, doive être immolée, pour faire place à la vie de la grâce ; il va jusqu’à considérer comme un outrage au Créateur, comme un attentat et une insulte à Sa sagesse, la répression des sens, la mortification de la chair, la circoncision de l’esprit et du coeur, le retranchement du bien-être et des douceurs de la vie ; la première condition qu’il entend faire à la religion, c’est qu’elle restera compatible avec le plein usage de ce qu’il nomme les droits de la nature. Or, notre siècle aura beau faire et beau dire, la parole de Jésus-Christ restera dans toute sa force : « Si votre main ou votre pied vous est un sujet de scandale et une occasion de péché, coupez-les et jetez-les loin de vous ; car il vaut mieux pour vous d’entrer dans la vie manchot ou boiteux, que d’avoir deux mains ou deux pieds et d’être précipité dans le feu éternel. Et si votre oeil droit vous tend des pièges, arrachez-le et jetez-le loin de vous : car il vaut mieux pour vous qu’un de vos membres périsse, que si tout votre corps était jeté dans l’enfer » (Matth. V, 28-30 & XVIII, 8-9).
Ainsi a fait notre Bienheureux. Il ne s’est pas littéralement mutilé : il savait que telle n’est pas la signification de la sentence évangélique. mais tout ce qui, dans la vie naturelle, aurait pu le souiller, le pervertir, l’énerver, l’amoindrir, il l’a résolument abandonné et sacrifié. Il a su acheter la vie future aux dépens de la vie présente. C’est ainsi, par exemple, qu’aux dangers de la séduction que ses charmes naturels pouvaient faire naître, il n’hésita point à opposer ces dehors qui vous révoltent (…). Et, en pourvoyant ainsi à son propre salut, il a sciemment réagi contre une société sybarite, il a expié et réparé le sensualisme qui débordait dès lors dans le monde et jusque dans l’Eglise. Car, malgré son humilité, Benoît Labre a eu la conscience de son rôle ; il a compris qu’il était une victime, un contrepoids, et qu’il serait une leçon. C’est ce sentiment qui faisait sa force, comme il constitue sa vraie grandeur (…).

   L’exemple de Benoît-Joseph est donc grandement opportun pour un monde qui avait cessé d’être chrétien. J’ai dit aussi, et je finis par là, qu’il vient à propos pour un monde qui ne l’est plus assez.
Beaucoup d’hommes de ce temps, mes Frères, non-seulement ne connaissent et ne pratiquent plus qu’un christianisme très imparfait, mais s’érigent en oracles et en docteurs pour canoniser ce christianisme appauvri.
A les en croire, l’Eglise chrétienne n’est plus et ne peut plus être qu’un grand institut mitigé, où la première intégrité de la règle ne saurait jamais renaître ; où les esprits les plus sages et les plus pratiques seront désormais les plus condescendants, ceux qui sauront faire la part du temps, et sacrifier quelque chose de l’antique dépôt dans le but de sauver le reste. Dans ce christianisme attempéré, les anciennes et larges thèses de la foi se laissent modestement mesurer les ailes au compas de la philosophie ; l’antique folie de la Croix se dissout, s’évapore, et, pour ainsi parler, se volatilise dans je ne sais quel creuset. Le droit public des âges chrétiens s’efface avec respect devant les grands principes, les principes réputés immortels de l’ère moderne ; et, quand il ne désavoue pas son origine et son passé, il confesse du moins la légitimité de sa défaite et proclame la supériorité de son vainqueur. La morale évangélique elle-même se prête à des complaisances, à des accomodements ; elle se laisse tirer, allonger en divers sens, à la façon de ces trames élastiques si usitées dans l’industrie actuelle. Enfin la discipline est sommée de retirer peu à peu toutes ses prescriptions gênantes pour la nature ; et volontiers on laisse entrevoir un progrès de la loi d’amour et de liberté dans l’abaissement de la loi d’expiation et de pénitence. Que sais-je, mes Frères? il y a ainsi toute une synthèse de théologie rajeunie, tout un évangile de nouvelle fabrique. Jugez si ces théories sont accueillies, si l’amolissement intellectuel et moral des âmes s’accomode de cette atténuation des doctrines et des pratiques, si la tendance naturaliste et semi-pélagienne de notre temps déguste et savoure avec plaisir ce christianisme édulcoré (…).

   Mes Frères, ce que Jésus-Christ a fait par Lui-même, ce qu’Il a fait par Sa doctrine et par Sa vie, Il continue de le faire dans Son Eglise par la doctrine et par la vie de Ses saints. Un saint, à lui tout seul, fait reculer toute la génération contemporaine, il a raison contre tous, et il reste maître du terrain (…). Oui, un saint replace une vérité dans tout son jour, il la remet en crédit, il la venge, il la ressuscite, il la popularise.
Théophantes de je ne sais quelle nouvelle ère chrétienne, faites de la théologie de transaction et d’accommodement ; montrez-nous votre Eglise réformée ou transformée ; tracez-nous le programme d’un nouveau régime religieux ; acclamez comme une forme perfectionnée du progrès chrétien les axiomes et les principes que Rome repousse ; donnez des armes à ses adversaires et aux vôtres en caressant des utopies tout à fait analogues à celles dont ils poursuivent l’application ; mettez-vous en quête d’un second Charlemagne dont la gloire sera d’avoir assujetti l’Eglise aux exigences de l’idée moderne, comme ce fut la gloire du premier d’avoir organisé la société laïque en conformité avec l’idée chrétienne, alors toute puissante ; jetez vos sarcasmes ingénieux aux défenseurs d’une orthodoxie arriérée ; enfin, lancez-vous dans mille témérités de mots, d’idées et de systèmes. La Providence, qui vous voit faire et qui vous entend dire, nous envoie au même instant un chrétien de la plus dure trempe et du plus rude calibre ; un chrétien de la vieille espèce, qui immole toute la sagesse humaine devant la folie de la Croix, qui bâtit le règne de la grâce sur les débris de la nature, qui soumet son intelligence sans réserve à l’autorité de la foi et de l’Eglise, qui dit solennellement anathème à l’esprit du monde, à ses pompes et à ses oeuvres. Et tandis que cet homme fait ainsi revivre dans sa personne toute la première austérité de la croyance, toute la première vigueur de la pratique chrétienne, le Ciel vient mettre sur sa tête la sanction du miracle, l’Eglise vient y mettre la sanction de son culte.
Tous vos raisonnements, toutes vos susceptibilités, tous vos ménagements et vos compromis viendront échouer là (…).
Tant pis pour les programmes de conciliation, pour les théories d’économie religieuse et sociale dont le cadre ne comporterait pas une existence comme celle de notre Bienheureux. C’est par des coups de cette portée que Dieu sauve intégralement dans le monde Son esprit, Sa vérité, Sa loi ; c’est ainsi qu’Il fait acte conservatoire, qu’Il empêche et arrête la prescription. Force reste à l’Evangile et à la Croix de Jésus-Christ (…)».

(Ibid. pp. 675-680)

portrait-via-dei-serpenti contre-révolution dans Vexilla Regis

Portrait de Saint Benoît-Joseph au-dessus de l’autel de la chapelle aménagée dans la chambre où il mourut dans la maison du boucher Zaccarelli (via dei Serpenti)

   « Benoît Labre est un saint, il a été un héros, il a été presque un martyr, il est un thaumaturge. Mais, dans le plan d’En-Haut, il est en outre un docteur. Il l’est à notre profit à tous.
Est-ce que, même chez les âmes chrétiennes, même dans les ministres du sanctuaire, l’estime de la pénitence, la pratique de la pénitence, l’esprit de la pénitence n’aurait pas faibli dans ces derniers temps?
Est-ce que les privations, les veilles, les jeûnes volontaires ne seraient pas sortis des habitudes de ceux-là même qui veulent servir Dieu et sauver leur âme?
Est-ce que l’efficacité même des sacrements ne serait pas souvent compromise par l’absence de la vertu de pénitence?
Est-ce que l’enfer ne se peuplerait pas de nos immortifications?
Notre Bienheureux n’a-t-il pas dit que le manque de contrition et de satisfaction y fait descendre à toute heure les âmes par milliers, comme tombent les flocons de neige dans un jour d’hiver?
Merci, ô Bienheureux Benoît, merci de vos instructions, merci de vos exemples qui resteront pour nous des leçons (…).

   Merci pour nous donc. Merci aussi pour l’Eglise. O Sainte Eglise de Dieu, on avait dit que vous étiez trop affaiblie pour produire des chrétiens comme ceux d’autrefois, pour refaire des ascètes comme ceux du désert, on vous croyait réduite à ne plus donner que des avortons. Vous voici revenue à votre première puissance, vous n’avez rien perdu de votre énergique fécondité, vous savez encore enfanter des pénitents dignes de vos plus belles années.
O Seigneur Jésus, dans ce visage amaigri de notre Benoît-Joseph, dans ces joues hâves et creuses, sur ce front couvert de rides prématurées, ce que j’aime et ce que je vénère avec transport, c’est le visage de Votre Eglise, qui ne vieillit point, elle, qui n’a ni taches ni rides, et qui sait retrouver jusqu’à la fin d’admirables retours de jeunesse et de virilité (…). » 

(Ibid. pp. 680-681)

cesare-tiazzi-buste-de-benoit-joseph-labre-realise-en-1784 Monseigneur Pie

Cesare Tiazzi : buste de Benoît-Joseph Labre réalisé en 1784 (année qui suivit sa mort)
d’après les descriptions de ceux qui l’avaient connu à la fin de sa vie.

2013-39. 16 avril 1783 – 16 avril 2013 : deux-cent-trentième anniversaire de la mort de Saint Benoît-Joseph Labre.

Mardi 16 avril 2013,
Fête de Saint Benoît-Joseph Labre
et 230ème anniversaire de sa mort.

       Contrairement à ce que « certains » voudraient laisser penser, la Sainte Eglise Catholique Romaine n’a pas attendu l’année 2013 pour magnifier l’esprit de pauvreté – objet de la première des béatitudes – , pour recommander à tous ses enfants de vivre l’authentique pauvreté évangélique (qui n’a rien à voir avec certains prétendus dépouillements, très ostentatoires), et pour être attentive à soulager, selon ses possibilités, les pauvretés spirituelles et matérielles.

   Chaque 16 avril, c’est toujours avec une très grande joie spirituelle et ferveur que nous fêtons Saint Benoît-Joseph Labre, le saint pèlerin, le saint mendiant, dont la vie et les exemples sont le très exact antidote de l’esprit et des mœurs de ces pseudo Lumières qui ont enténébré tant d’hommes et de sociétés depuis trois siècles.

   Cette année 2013 marquant le deux-cent-trentième anniversaire de la mort de Saint Benoît-Joseph, il m’a paru opportun de vous résumer ci-dessous le récit de cette mort, telle qu’elle nous a été rapportée par les contemporains.

Lully.    

2013-39. 16 avril 1783 - 16 avril 2013 : deux-cent-trentième anniversaire de la mort de Saint Benoît-Joseph Labre. dans Chronique de Lully cavallucci-st-benoit-joseph-labre

Portrait authentique de Saint Benoît-Joseph Labre, par Antonio Cavallucci

       Le dimanche des Rameaux 13 avril 1783, comme il en avait l’habitude, Benoît-Joseph, après s’être confessé, fit ses Pâques à la basilique patriarcale Sainte-Marie-Majeure.
Après une longue action de grâces, il se rendit à Sainte-Praxède pour entendre une autre Messe.

Ce même jour, dans l’après-midi, une femme qui le connaissait le rencontra à Sainte-Croix-en-Jérusalem ; effrayée et attristée de son état de santé, elle lui dit d’un ton compatissant : «Vous êtes bien mal, Benoît, vous vous en allez?» Le serviteur de Dieu, levant un peu la tête et croisant les mains, lui répondit par deux fois : «A la volonté de Dieu!» Il paraissait réjoui de cette question, lui dont la prière favorite était : «Appelez-moi, Jésus! Appelez-moi, afin que je vous voie!»

   Le lundi saint 14 avril, le Bienheureux se traîna de grand matin à Sainte-Marie-des-Monts, car il eût souhaité expirer sous les yeux de la Madone miraculeuse que l’on vénère dans cette basilique à laquelle il était particulièrement attaché. Il passa la matinée en prière mais, vaincu par la faiblesse, il se vit obligé de sortir, laissant son bréviaire et son chapelet. S’en apercevant, un prêtre, l’abbé Mélis, lui rapporta ces objets et l’exhorta à se laisser conduire à l’hôpital, où il serait bien accueilli. Ce n’était pas la première fois que ce conseil lui était donné, mais Benoît avait toujours décliné cette offre charitable car il n’eût plus eu alors la liberté d’exercer ses pénitences, ni de faire ses visites accoutumées aux sanctuaires qu’il chérissait.
Rassemblant ses maigres forces, Benoît se rendit à Saint-Ignace où il avait résolu de faire la sainte communion. Le prêtre, Don Luigi Balducci, qui s’apprêtait à célébrer, fut frappé à la vue de ce pauvre mendiant qui priait à la balustrade avec une ferveur extraordinaire ; il ne pouvait en détourner son regard. On vint alors lui demander de consacrer une petite hostie en plus de celle du célébrant : « Ah! se dit-il, si elle était réservée à ce saint pauvre…»
Il le communia, en effet, et avoua que jamais il n’avait célébré la Messe avec plus de ferveur et de joie. La piété du saint était communicative.

   Mardi saint 15 avril, malgré une faiblesse excessive, Benoît Joseph se mit en route, selon son habitude. Pris de syncope, il tomba à l’entrée de l’église du Pascolo ; on eût dit qu’il allait rendre l’âme. Il se releva pourtant et se dirigea vers Sainte-Praxède et, avant d’y entrer, il acheta une mesure de vinaigre qu’il but avidement, faisant aux gens de la maison stupéfaits cette réponse : «Il y a quelqu’un qui en a bu avant moi, et qui, dans cette semaine, a souffert bien plus que moi pour l’amour et le salut des hommes».
Le soir, sur les quatre heures, Benoît revint à Sainte-Marie-des-Monts. Ne tenant plus debout, il dut s’allonger sur les marches pour attendre que l’on ouvrit les portes (en effet à Rome beaucoup d’églises sont fermées depuis midi ou 13h jusque vers 16h).
Le boucher Zaccarelli, qui avait beaucoup d’amitié pour Benoît et qui passait par là, lui offrit un cordial. Benoît, pouvant à peine parler, remercia d’un signe de tête mais n’accepta pas.

   Le mercredi saint 16 avril, Benoît revint, mais à grand peine, vers cette église Sainte-Marie-des-Monts qu’il affectionnait tant. Il y entendit la Messe, suivant avec émotion le récit de la Passion selon Saint Luc. Les assistants dirent qu’il donnait l’impression de ressentir si vivement les poignantes douleurs du Christ qu’ils avaient craint de le voir expirer avant la fin du Saint Sacrifice.
A la fin de la Messe en effet, il fut comme suffoqué. La respiration lui manquant, il se traîna dans la rue pour éviter un complet évanouissement. Un groupe de fidèles se forma autour de lui. Chacun s’offrait à le soulager, à le recevoir dans sa maison ; quelqu’un proposa de le conduire à l’hôpital.
Benoît demeurait en silence, se recommandant à Dieu. Le boucher Zaccarelli, qui venait de faire ses Pâques à l’église paroissiale de Saint-Sauveur, s’arrêta, reconnut son pauvre ami, et hasarda : «Benoît, vous êtes bien mal, il faut vous soigner ; voulez-vous venir chez moi?» Le moribond, entendant cette voix amie, leva les yeux et dit : «Chez vous? — Oui, chez moi. — Dans votre maison? je veux bien!»
Le charitable boucher appela le plus jeune de ses fils et un compagnon de celui-ci ; ils soutinrent Benoît et l’emmenèrent dans sa demeure qui était toute proche. Mais en y arrivant, un autre obstacle se présenta, l’escalier était trop étroit pour laisser passage à trois hommes de front. Le fils du boucher chargea donc le moribond sur ses épaules. Il le déposa sur un siège, à l’étage, dans la première chambre, dans laquelle se trouvait la femme Zaccarelli, alitée depuis un mois : «Mon pauvre Benoît, s’écria-t-elle, comme vous êtes malade!»

   Puis on le fit passer dans la seconde pièce et on voulut le faire mettre au lit. Après une certaine résistance, Benoît-Joseph y consentit, mais à condition qu’il n’y serait pas déshabillé. Il fallut respecter ce désir.
Le bon Zaccarelli s’occupa alors de procurer à son hôte agonisant les soins spirituels et corporels dont il avait besoin. En l’absence de son confesseur habituel, on fit appeler le Père Piccilli. Ce religieux, admirateur du saint pauvre n’avait pas craint de faire, en chaire, l’éloge du «nouvel Alexis» qui bientôt, avait-il dit, «irait faire ses Pâques en paradis».
Le Père Piccilli, en arrivant auprès du malade, lui demanda : «Mon cher Benoît, voulez-vous quelque chose? — Rien, rien, répondit le malade, sans ouvrir les yeux. — Y a-t-il longtemps que vous n’avez communié? — Peu, peu». Ce furent les dernières paroles du moribond.
Son pouls était irrégulier, à peine sensible, sa bouche fermée et les dents serrées, les yeux clos et immobiles, la sueur lui inondait le visage, tandis que les parties inférieures se refroidissaient peu à peu. Tout espoir de lui donner le saint Viatique étant perdu, on ne put que lui administrer l’Extrême-Onction. Plusieurs fois, on lui présenta le Crucifix à baiser, et chaque fois l’on vit s’entr’ouvrir ses paupières et regarder avec ferveur Jésus crucifié.
A partir de deux heures de l’après-midi, Benoit ne donna plus signe d’intelligence des choses sensibles.

   La maison des Zaccarelli s’emplissait de monde ; un religieux silence régnait dans l’assemblée, interrompu seulement par la récitation des Litanies des Saints et des autres prières des agonisants. Enfin à huit heures du soir, au moment où l’assistance prononçait l’invocation : «Sainte Marie, priez pour lui», le visage du pauvre pèlerin devint livide et il rendit paisiblement son âme à Dieu sans le moindre râle.

   Le prêtre qui se tenait auprès de lui lui ferma la bouche et les yeux. Or à peine Benoît-Joseph venait-il d’expirer, que toutes les cloches de la ville se mirent à sonner : c’était l’heure qui avait été décrétée par le Pape Pie VI pour appeler les fidèles à réciter trois fois le Salve Regina afin d’obtenir la puissante protection de Marie en faveur du Saint-Siège. Cette coïncidence apparut comme providentielle à tous ceux qui se trouvaient là : comme si Dieu avait voulu anticiper la proclamation de la sainteté de Benoît par Son Eglise.
On raconte. à ce sujet qu’un certain Rinaldi, plein d’admiration pour Benoît Labre, avait dit plusieurs fois : «Celui-ci, quand il mourra, fera sonner toutes les cloches !» Or ce soir-là, lorsqu’il les entendit et bien qu’il fût point du nombre de ceux qui étaient présents auprès du mourant, il s’écria : «Il n’y a pas autre chose, Benoît est mort !»
D’autre part, au même instant encore, à la voix retentissante des cloches vinrent s’unir celles d’une troupe d’enfant qui, mus par une inspirations surnaturelle, sortirent des maisons  et parcoururent les rues de Rome en criant : «E morto, il santo : le saint est mort ! Le saint est mort !»

gisant-st-benoit-joseph-labre-a-ste-marie-des-monts 16 avril dans De liturgia

Gisant de Saint Benoît-Joseph Labre, recouvrant son tombeau
(basilique de Sainte-Marie des Monts – Rome)

Saint Benoît-Joseph Labre
(jour de la canonisation)

Comme l’Église est bonne en ce siècle de haine,
D’orgueil et d’avarice et de tous les péchés,
D’exalter aujourd’hui le caché des cachés,
Le doux entre les doux à l’ignorance humaine

Et le mortifié sans pair que la Foi mène,
Saignant de pénitence et blanc d’extase, chez
Les peuples et les saints, qui, tous sens détachés,
Fit de la Pauvreté son épouse et sa reine,

Comme un autre Alexis, comme un autre François,
Et fut le Pauvre affreux, angélique, à la fois
Pratiquant la douceur, l’horreur de l’Évangile !

Et pour ainsi montrer au monde qu’il a tort
Et que les pieds crus d’or et d’argent sont d’argile,
Comme l’Église est tendre et que Jésus est fort !

Paul Verlaine ( in « Souvenirs » – 1881)

relique-st-benoit-joseph-labre 1783 dans Nos amis les Saints

Médaillon renfermant une parcelle des ossements de Saint Benoît-Joseph Labre
(oratoire du Mesnil-Marie)

On trouvera ici un résumé de la vie de Saint Benoît-Joseph Labre,
ainsi que les litanies composées en son honneur et quelques autres prières > ici

2013-38. Du vain désir d’avoir une liturgie « dans le vent »…

Avril 2013.

       Voici une autre des petites « bandes dessinées » de Frère Maximilien-Marie. Elle a déjà douze ans lorsque je la mets en ligne, et elle n’en demeure pas moins très actuelle… malheureusement !
Après l’avoir lue, je vous invite à aller ensuite relire les citations du second concile du Vatican que j’avais publiées à l’occasion de la fête de Notre-Dame de La Salette, en septembre dernier (cf. > ici), à propos de l’usage du latin et du chant grégorien dans la liturgie romaine, et vous pourrez vérifier par vous-mêmes de quelle manière ceux qui se réclament de ce concile se fichent de nous et ne se servent de celui-ci – sur lequel il y a beaucoup à dire – que comme un prétexte pour mettre à bas des siècles de saine et sainte Tradition…

2013-38. Du vain désir d'avoir une liturgie

misselromainavantvatican7copie

Vous trouverez toutes les autres bandes dessinées publiées sur ce blogue en cliquant > ici

2013-37. Nec rubricant nec cantant.

« Ni ils n’appliquent les rubriques, ni ils ne chantent »

Même si nous faisons tous nos efforts pour les recevoir de manière surnaturelle – dans la foi, dans l’espérance et dans la charité – , les événements récents de l’histoire de l’Eglise Catholique Romaine, avec l’élection du cardinal Bergoglio sur le siège de Saint Pierre, suscitent cependant de manière bien naturelle et légitime de nombreuses questions.
Après le lumineux pontificat du très subtil et raffiné Benoît XVI (envers lequel nous ne serons jamais assez reconnaissants et dont nous ne cesserions d’énumérer les vertus réelles), voici le Pape François avec des manières indéniablement plus frustes et des goûts pour le moins rustiques…  

« Nec rubricant nec cantant : ni ils n’appliquent les rubriques ni ils ne chantent » : ce vieil adage latin au sujet des Jésuites a été rappelé il y a peu par le Père F. Lombardi, porte-parole du Saint-Siège, pour justifier les pratiques liturgiques du Pape François.
Dans le mensuel « La barette de Saint-Pierre des Latins » n° 44 (du mois d’avril 2013, que l’on peut lire en intégralité ici > www) – bulletin paroissial de la communauté « Summorum Pontificum » des diocèses de Nancy et Toul – , Monsieur l’abbé F. Husson vient de publier un très intéressant article intitulé « Les Jésuites et la liturgie », dans lequel un certain nombre de nos questions trouvent des éléments de réponse.
Il m’a fort aimablement autorisé à le reproduire et je l’en remercie très chat-leureusement.

2013-37. Nec rubricant nec cantant. dans Commentaires d'actualité & humeurs patteschatsLully.            

st-ignace-de-loyola-par-francisco-zurbaran Jésuites dans De liturgia

Saint Ignace de Loyola peint par Francisco Zurbaran

Les Jésuites et la liturgie

Des auditeurs attentifs au sermon du premier dimanche de la Passion m’ont demandé d’expliciter les propos que j’avais alors tenus : «Le défaut congénial des Jésuites depuis 500 ans, car cela ne date en rien du concile Vatican II, leur défaut depuis leur fondation donc, c’est leur indifférence, voire leur dédain envers la liturgie, et il faudra faire avec… ». Ce jugement a semblé péremptoire à certains, mais il est fondé sur 500 ans d’histoire…

Après les premières apparitions « liturgiques » du Pape François (je dois avouer que l’absence de numérotation fait bizarre, et qu’il est difficile de dire « de François » comme nous disions « de Paul VI, de Benoît XVI »), certains journalistes catholiques ont hissé haut le pavillon de leur jubilation de voir disparaître les fastes rétablis par Benoît XVI, car pour être « un Pape des pauvres », il faut donc, selon leur esprit mal (in)formé, être un « Pape a-liturgique », voire « anti-liturgique ».

D’abord ils oublient le soin qu’apportait Saint François d’Assise à la liturgie (1), confondant selon l’idéologie des années 70 amour des pauvres et misérabilisme, ensuite ils oublient que le nouveau Pape est un jésuite.

Et c’est bien là réellement le fond du problème…

Benoît XVI, profond théologien dont la spiritualité était marquée tant par la patristique que la liturgie, avait des racines aux antipodes de la spiritualité des Jésuites.

En effet, la Compagnie de Jésus fut fondée par Saint Ignace de Loyola et reconnue par Rome en 1540 : nous sommes en plein dans le règne de la devotio moderna, cette dévotion née avec l’Imitation de Jésus-Christ (2), un chemin spirituel qui privilégie l’individualisme à la piété populaire du Moyen-Age.

Les grands de ce monde, à la fin du Moyen-Age, disaient encore le bréviaire liturgique, nous connaissons nombre de manuscrits comme les « Grandes Heures », et donc ils vivaient spirituellement en union avec l’Eglise et tous les choeurs de moines, moniales, religieux et chanoines qui chantaient l’office.

Or la devotio moderna va faire disparaître cette union, chacun aura désormais son livre de spiritualité qui lui plaît le plus, et selon les époques, qui l’Imitation, qui le Combat Spirituel de Scupoli (3), qui l’Introduction à la vie dévote de Saint François de Sales (4). C’est l’époque qui verra les fidèles à la Messe faire leurs propres dévotions privées, ne s’occupant guère du célébrant sauf à la consécration et aux élévations.

Saint Ignace est donc totalement imprégné de cet esprit qui est de fait la mentalité de l’Eglise au XVIème siècle, et ses Exercices Spirituels dont il commence l’écriture en 1523 l’attestent. Tous ses efforts personnels sont tendus vers les études et les exercices spirituels. Et cela transparaît en 1539 dans l’esquisse des statuts de la future Compagnie, quand, à côté de l’obéissance à un Préposé général et l’exaltation de la pauvreté, on trouve le refus du cérémonial monastique, et en particulier de la prière collective. Si on lit bien Saint Ignace, on en arrive à avoir l’impression que l’examen de conscience est plus important que l’assistance à la Messe.

Malheureusement, le Pape Paul III, en approuvant la compagnie, va entériner ce choix d’Ignace, et fera des Jésuites le premier ordre religieux dispensé de la liturgie communautaire, véritable anomalie depuis les débuts des ordres religieux dans l’Eglise au IVème siècle.

On lit dans les constitutions jésuites : « Parce que les occupations qu’on prend pour aider les âmes sont de grande importance, qu’elles sont propres à notre Institut et très nombreuses, et que d’autre part notre séjour en tel ou tel lieu est précaire, les Nôtres n’auront pas l’office du choeur pour les heures canoniales ni pour chanter des messes ou d’autres offices ; car pour ceux (5) que leur dévotion (6) pousserait à les entendre, il y aura abondance de lieux où ils satisfassent leur désir. Quant aux Nôtres, il convient qu’ils s’occupent de ce qui est davantage propre à notre vocation (7), pour la gloire de Dieu ».

Et en ce qui concerne l’apostolat : « Si, dans certaines maisons ou dans certains collèges, on jugeait que cela conviendrait, on pourrait, à l’heure où il doit y avoir dans l’après-midi une prédication ou un enseignement, ne dire que les vêpres pour retenir le peuple avant ces enseignements ou ces prédications. On pourrait aussi le faire habituellement les dimanches et jours de fête, sans musique d’orgue ni plain-chant, mais sur un ton qui soit religieux, agréable et simple. Et cela, parce que et pour autant que l’on jugerait que le peuple serait par là porté à fréquenter davantage les confessions, les sermons et les enseignements, et non pas pour une autre raison (8) ».

Donc il n’est pas question de former le Jésuite à l’Ars celebrandi, c’est-à-dire la capacité de célébrer dignement : le Jésuite dit son bréviaire seul et les Messes sont réduites à leurs plus simples dispositions liturgiques : «Pour les Messes plus importantes que l’on dira, quoique simplement lues, il pourra y avoir, en considération de la dévotion et de la convenance, deux servants vêtus de surplis, ou un seul, selon ce qui pourra se faire dans le Seigneur ».

Pas de Messes chantées, et encore moins de Messes solennelles.

Mais en plus, la liturgie communautaire pour les fidèles confiés à la charge des Jésuites n’a de sens que si elle amène « à fréquenter davantage les confessions, les sermons et les enseignements ».

Saint Ignace voulait des soldats pour les missions étrangères, l’éducation des jeunes, l’instruction des pauvres. Et il est manifeste que face à l’hérésie protestante, l’Eglise avait besoin de soldats. Mais c’est oublier que les moines « traditionnels » avaient été aussi des soldats car c’est eux qui évangélisèrent l’Europe ! Et des religieux comme les Capucins, fervents fers de lance de la lutte anti-protestante (il suffit de voir l’action de Saint Laurent de Brindes, Docteur de l’Eglise, ou le martyre de Saint Fidèle de Sigmaringen, massacré par des réformés) n’ont abandonné ni l’office choral, ni les solennités liturgiques (9)… et pourtant… c’étaient des franciscains (10).

De plus, comme l’indique le paragraphe des Constitutions sur la liturgie dans l’apostolat, on s’aperçoit que pour un Jésuite, la liturgie n’est qu’un moyen, un outil.

Et cela donnera lieu au XXème siècle à la grande « hérésie » liturgique qui veut faire de la Messe une simple catéchèse, et non plus, comme l’enseigne le concile Vatican II, « la source et le sommet de la vie chrétienne ». C’est ainsi qu’entre deux guerres, les nombreux Jésuites aumôniers scouts (n’oublions pas que le Père Sevin était Jésuite) posèrent les prodromes de la réforme liturgique, réforme à but uniquement pastoral et catéchétique.

On comprend donc pourquoi le défaut congénial des Jésuites depuis 500 ans est leur indifférence, voire leur dédain envers la liturgie, sauf quand ils peuvent l’utiliser dans un but de formation.

Certes, il y a eu de célèbres liturgistes Jésuites, comme le Père Jungmann. Mais quand on lit leurs ouvrages, on s’aperçoit qu’il ne s’agit pas de théologie liturgique, mais qu’en bons universitaires et scientifiques, ils s’appliquent à étudier les rites et les prières comme un chirurgien étudierait le corps humain, et leurs ouvrages sont sans âme, ni spiritualité.

Alors, ne demandons pas à un Pape Jésuite, héritier d’une telle tradition, d’être un bon liturge… Il ne le sera pas, non par parti-pris, mais par formation, je dirai même par constitution.

Abbé Florent Husson.

Notes :
(1) : Saint François d’Assise, epistola ad cleros.
(2) : date de composition et auteur contestés, entre la fin du XIVème siècle et le début du XVème siècle.
(3) : 1588
(4) : 1608
(5) : les fidèles
(6) : la liturgie est donc une affaire de dévotion privée, non « d’Eglise ».
(7) : le culte divin, premier devoir d’un prêtre, n’est donc pas la vocation d’un Jésuite…
(8) : la liturgie n’a donc pas de valeur en soi.
(9) : dans les limites permises par le fait qu’un couvent ne reçoit en général pas plus de douze religieux, ce qui limite bien sûr le déploiement de la liturgie. Le Cérémonial capucin prévoit par exemple des Messes non chantées avec encensement.
(10) : les Capucins sont une branche de l’Ordre franciscain, fondée au XVIème siècle pour un retour aux origines radicales de la Règle de Saint François.

ihs-couleur liturgie

2013-36. Semaine Sainte 2013 et Voeux de Pâques.

Saint Jour de Pâques
Dimanche 31 mars 2013, au soir.

2013-36. Semaine Sainte 2013 et Voeux de Pâques. dans Chronique de Lully carte-ancienne-paques

Voici que par ce bois
la joie s’est répandue dans tout l’univers!

(Liturgie du Vendredi Saint)

Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,

En ce soir de Pâques, je vous rejoins pour vous adresser une chronique de la Semaine Sainte qui s’achève et telle que nous l’avons vécue en notre Mesnil-Marie.

A – Dimanche des Rameaux 24 mars :

Comme il le fait normalement tous les dimanches, Frère Maximilien-Marie part pour le village de Ceyssac, où se trouve la petite église attribuée à notre paroisse non territoriale pour la « forme extraordinaire du rite romain ».
Le coffre de la voiture est rempli de rameaux d’oliviers, puisque (comme je vous l’ai expliqué dans ma chronique précédente – cf. > ici) c’est notre Frère qui chaque année en apporte pour toute la paroisse depuis le sud du Vivarais.
Le franchissement du Mézenc – s’il n’est pas rendue impossible comme ce fut le cas pour le premier dimanche de la Passion – se révèle néanmoins délicat puisque, encore une fois, il neige au dessus de 1300 m d’altitude.
En certaines contrées on nomme le jour des Rameaux « Pâques fleuries », vraiment ce ne saurait être le cas dans le haut pays où ce matin-là donne plutôt une impression de mois de janvier :

ferme-proche-du-sommet-du-mezenc-dimanche-des-rameaux-2013 Mesnil-Marie dans De liturgia

Ferme traditionnelle proche du sommet du Mézenc, le dimanche des Rameaux. 

Près de mille mètres plus bas, dans le bassin du Puy-en-Velay, il tombe une petite pluie froide. Aussi Monsieur l’Abbé juge-t-il plus prudent de modifier le parcours de la procession : en effet, habituellement le rassemblement et la bénédiction des Rameaux se font près du cimetière, à quelques centaines de mètres en contrebas de l’Eglise et la procession se dirige vers elle de la même manière que, à Jérusalem, depuis la vallée du Cédron, le cortège triomphal du Christ a gravi la colline du Temple.
Cette année donc, la bénédiction et la distribution des Rameaux ont lieu sur le parvis et notre petite procession doit se contenter de faire le tour de la place du village sous quelques gouttes glaciales, avant de s’engouffrer dans l’Eglise pour la Sainte Messe au cours de laquelle est intégralement chanté en latin l’Evangile de la Passion selon Saint Matthieu.

dimanche-des-rameaux-2013 Pâques

 Bénédiction des Rameaux d’olivier

B – Début de la Semaine Sainte :

Lundi Saint au matin, Frère Maximilien-Marie conduit notre voiture au garage : il est prévu qu’elle y reste deux jours complets pour le changement de la courroie de distribution…
En réalité, elle y restera quatre jours et demi : une autre pièce s’avérant défectueuse a été commandée, mais en conséquence d’une erreur de livraison, elle n’arrivera que le Jeudi Saint entre les mains de notre garagiste, si bien que la réparation ne sera achevée que le Vendredi Saint en fin de matinée!
Pendant ce temps-là, au Mesnil-Marie, nous profitons de deux belles journées ensoleillées – Mardi et Mercredi Saints – pour jardiner.

l.signorelli-communion-des-apotres Refuge Notre-Dame de Compassion

Luca Signorelli : la communion des Apôtres (détail)

C – Le Triduum Sacré :

Ce sont trois jours où pratiquement toutes les activités extérieures et profanes cèdent la place à des temps de prière beaucoup plus longs et intenses : offices des Ténèbres célébrés le soir ; longs moments de prière silencieuse pour « suivre » – par la lecture des saints Evangiles – toutes les étapes du drame au travers duquel Notre-Seigneur a accompli le mystère de notre Rédemption ; méditation assidue des textes et des rites de la liturgie avant d’y participer.
Malheureusement, comme je vous l’ai expliqué ci-dessus, notre Frère, en raison du retard pris par la réparation de notre véhicule, n’a pas pu aller à Ceyssac, le Jeudi Saint, pour la Messe Vespérale de la Sainte Cène (et par ailleurs il ne saurait être question d’assister à la « messe » dans notre « paroisse territoriale » dont, en raison de certaines affirmations et pratiques des prêtres qui y officient, on peut légitimement douter de la validité).
A partir du soir du Jeudi Saint, même la petite cloche de la porte d’entrée du Mesnil-Marie est rendue muette, et elle est enveloppée d’un tissu de deuil jusqu’au moment où Frère Maximilien-Marie rentre de la nuit pascale.
Le soir du Jeudi Saint nous veillons à l’oratoire bien au-delà de minuit. Après quelques heures de repos, dans la matinée du Vendredi Saint nous « revivons » les étapes du procès de Notre-Seigneur : devant le Sanhédrin, devant Pilate, à la cour d’Hérode, puis le portement de la Croix jusqu’au Golgotha et la Crucifixion à la sixième heure (midi), les trois heures d’agonie tandis que les ténèbres ont enveloppé la terre, et enfin – à la neuvième heure – la mort du Fils de Dieu…
Ensuite, après avoir tendu l’autel de notre oratoire avec les ornements funèbres, Frère Maximilien-Marie est parti pour la célébration liturgique de la Passion et de la Croix, où – comme le dimanche des Rameaux – il devait exécuter la partie de l’Evangéliste pour le chant de la Passion selon Saint Jean.
La matinée du Samedi Saint fut consacrée à la méditation sur le mystère de la descente aux enfers, puis, en début d’après-midi, il y a eu le grand ménage de l’oratoire et le « changement de décor », avant « d’assister » – en direct depuis Turin, grâce à Internet – à l’ostension du Linceul de Notre-Seigneur voulue par notre regretté Pape Benoît XVI…

En tout début de soirée, Frère Maximilien-Marie est reparti pour aller à la Vigile Pascale à Ceyssac : il pensait bien que la route serait un peu difficile, mais il n’eût point imaginé que ce fut à ce point.
En raison de la neige qui tombait au-dessus de 1300 m d’altitude, et plus encore en raison du brouillard, extrêmement dense, il lui a fallu une heure et demi pour parcourir moins de soixante kilomètres… Il mit à peu près le même temps pour revenir : il y avait un peu moins de brouillard, mais un peu plus de neige que le vent faisait voler et tournoyer!
Outre l’eau, bénite au cours de cette Sainte Nuit, notre Frère a aussi rapporté, dans une lanterne, le Feu Pascal, que nous espérons conserver toute l’année dans notre oratoire.

lanterne-feu-pascal Semaine sainte 2013

Lanterne contenant le Feu Pascal pendant le voyage de retour au Mesnil-Marie

Cette nuit de Pâques était celle du passage à l’heure d’été. Ce changement d’heure ne nous concerne pas directement, en notre Mesnil-Marie, où nous vivons toute l’année en référence à l’heure solaire ; mais bien sûr il a une incidence pour tout ce qui concerne les activités de Frère Maximilien-Marie à l’extérieur.
Sachez-le, retenez-le : nous avons désormais, en notre « principauté », deux heures de décalage avec cette « heure d’occupation » imposée qui est une insulte aux rythmes naturels. Ainsi donc, depuis la fin mars jusqu’à la fin octobre, quand il est huit heures du matin à votre montre, comprenez qu’il n’est en réalité que six heures au soleil… et au Mesnil-Marie.
Merci de bien vouloir le prendre en compte!

D – Le Saint Jour de Pâques :

Je ne vous le cache pas, je n’étais pas mécontent, au petit déjeuner, en ce dimanche de Pâques, de recevoir à nouveau mon petit morceau de beurre!
En effet, au Mesnil-Marie, pendant toute la durée du Carême, Frère Maximilien-Marie a observé la discipline antique (telle qu’elle se pratique toujours dans les Eglises d’Orient), et n’a donc consommé ni viande, ni poisson, ni fromages ou laitages, ni oeufs, ni aucun produit d’origine animale.
Et moi, Lully, habitué depuis que je suis chaton à recevoir une noisette de beurre tous les matins (c’est bon pour mon poil), j’en étais privé puisque mon papa-moine n’en prenait pas.
A vrai dire, j’essayais bien, pourtant, de l’apitoyer et de le faire fléchir : tous les matins de la sainte quarantaine, je suis venu m’installer à côté de son grand bol de thé, en m’efforçant de prendre un air malheureux avec l’espoir que cela ferait sortir le beurrier… Las! je n’ai rien obtenu d’autre que ces paroles que Frère Maximilien-Marie m’a souvent répétées : « Quand les Ninivites firent pénitence en entendant la prédication de Jonas, tous les animaux furent contraints, par décret royal, à jeûner très strictement en même temps que les humains : alors toi, Lully, qui es un chat monastique, tu peux bien te passer de ton petit morceau de beurre pendant le Saint Carême… »

lully-boudeur-petit-dejeuner Triduum pascal

Enfin, Pâques est arrivé… et le beurre est revenu!

Après trois petites heures de sommeil, Frère Maximilien-Marie a repris la route ce matin pour aller à la Grand’Messe du Saint Jour de Pâques.
Le brouillard était toujours là ; la burle avait recouvert de neige les routes d’altitude ; c’est dire que notre Frère a encore eu une route difficile…

route-matin-de-paques

 Montée du Col de la Croix de Boutières au matin du Saint Jour de Pâques

Il m’a rapporté une photo du sanctuaire de la belle petite église de Ceyssac dans ses atours pascals :

sanctuaire-ceyssac-paques

Sanctuaire de l’église de Ceyssac pour le Saint Jour de Pâques

Pendant la Messe, le ciel s’est peu à peu dégagé et le soleil, timidement d’abord, a fini par dissiper la couche de nuages, sans toutefois apporter véritablement de la chaleur.
A son retour au Col de la Croix de Boutières (1505 m d’altitude), par lequel on arrive dans notre merveilleux pays des Hautes Boutières, le spectacle était vraiment féerique, même s’il ne s’agissait pas d’autres fleurs que celles du givre sur les branches des arbres…

col-de-la-croix-de-boutieres-paques-midi

 au Col de la Croix de Boutières : Saint Jour de Pâques au retour de la Messe

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 au Col de la Croix de Boutières : saint Jour de Pâques au retour de la Messe

la-croix-de-boutieres-paques-2013

La Croix de Boutières au Col qui porte son nom (1505 m) en ce dimanche de Pâques

C’est avec cette belle lumière qui dissipait les lourds nuages gris alors que le soleil de Pâques arrivait à son midi, que je veux vous présenter mes voeux : ils ne sont pas longs à écrire, mais ils vous souhaitent, de toute la force de mon amitié chrétienne, de voir la lumière surnaturelle dissiper toutes ténèbres en vos vies et vaincre toutes les formes de découragement et de lassitude.
Χριστός ἀνέστη : le Christ est ressuscité!
Par Sa Sainte Croix Il a vaincu l’empire du mal et fait descendre la joie spirituelle en ce monde : qu’Il vous bénisse, qu’Il vous garde, qu’Il protège tous ceux qui vous sont chers, et qu’Il vous donne – par dessus tout – une part abondante à la Rédemption que Son Sang versé nous a acquise.

Et, pour terminer sur une note d’humour et pour vous montrer que la joie spirituelle déborde aussi dans nos vies au travers de petites joies terrestres, je vous dirai que le « lapin de Pâques » est passé au Mesnil-Marie, et qu’il nous a laissé, entre autres friandises,… un petit chat en chocolat : Alléluia, alléluia!

Lully

le-lapin-est-passe-283x300

Le lapin de Pâques nous a visités!
(cliquer sur la photo pour la voir en grand format) 

Pour aider le Refuge Notre-Dame de Compassion > ici.

Publié dans:Chronique de Lully, De liturgia |on 1 avril, 2013 |6 Commentaires »
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