Archive pour la catégorie 'De liturgia'

2019-70. D’un bel ornement vert qui vient de nous revenir magnifiquement remis à neuf !

Lundi 5 août 2019,
Fête de la dédicace de Sainte-Marie aux Neiges (cf. > ici) ;
225ème anniversaire du martyre du Rd Père Rouville et des ses compagnons (cf. > ici et suivants).

Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,

Tout comme Saint Jean-Marie Vianney, dont ce fut hier – 4 août 2019 – l’exact cent-soixantième anniversaire de la mort (+ 4 août 1869), nous sommes convaincus que rien n’est jamais trop beau pour le culte divin, à rebours de ceux qui, depuis plusieurs décennies, ont opéré de véritables sacages dans les églises et les sacristies pour y faire régner le misérabilisme et le mauvais goût.

Saint François d’Assise lui-même, dont on connaît l’attachement à la sainte pauvreté, enseignait que « la pauvreté s’arrête au pied de l’autel » ; c’est-à-dire que, s’il insistait sur une pratique rigoureuse du détachement et de l’austérité dans la vie de ses religieux, il n’en proclamait pas moins dans le même temps que, pour le sanctuaire et tout ce qui touche au culte divin – en particulier pour le Saint-Sacrifice de la Messe -, on ne doit pas être chiche mais, tout au contraire, ne pas regarder à la dépense.
Ceux donc qui prétendent imiter Saint François pour ôter de la liturgie catholique les très beaux ornements, les tissus précieux, les broderies d’or et d’argent, les matériaux nobles pour la confection de l’autel et des vases sacrés ainsi que pour la décoration du lieu saint, montrent soit qu’ils sont ignorants du véritable esprit de Saint François, soit – s’ils le font sciemment – qu’ils sont dans le mensonge en opérant un détournement de son enseignement…

Cela dit, je voudrais vous partager une vraie joie : une de ces petites joies concrètes qui jalonnent la vie du Refuge Notre-Dame de Compassion.

Nous avions, dans le chasublier de l’oratoire du Mesnil-Marie, une chasuble verte qui, sans être extraordinaire par sa facture ou son ancienneté (selon toute vraisemblance, elle avait été confectionnée à la fin du XIXème siècle ou au début du XXème siècle), était tout de même assez belle…
La croix brodée dans le dos est une broderie à la machine ; en revanche elle porte en son centre une broderie représentant Notre-Seigneur Jésus-Christ montrant Son Cœur qui est une « peinture à l’aiguille » d’une grande finesse.
Dans l’iconoclasme triomphant consécutif au concile vaticandeux, elle avait bien failli disparaître dans un brasier allumé par des paroissiennes dévouées et obéissantes auxquelles leur curé avait donné l’ordre de brûler « toutes ces vieilleries qui ne servent plus et qui encombrent la sacristie » (sic).
Elle échappa néanmoins au feu et arriva dans nos tiroirs.

L’ornement était complet. Chasuble, étole, manipule, voile de calice et bourse : tout y était.
Mais il avait « vécu ». En plusieurs endroits la soie était fusée, déchirée ; le manipule avait été grossièrement reprisé comme s’il se fût agi d’une vieille chausette ; la chasuble avait été rapiécée… etc. Si, de loin, elle faisait encore bonne figure, de près elle inspirait des sentiments de pitié.
Elle dormait donc dans le tiroir du chasublier, et je regrettais souvent que ce beau Sacré-Cœur brodé ne puisse à nouveau rayonner pour la célébration de la Sainte Messe…

Or voici que la divine Providence, par le biais d’un célèbre réseau social, nous a permis de faire la connaissance de Guillaume, un jeune homme qui vit habituellement à plusieurs centaines de kilomètres de notre Mesnil-Marie, mais qui, en janvier dernier, est venu faire un stage chez un costumier du Puy-en-Velay.
Sans doute un jour lui demanderai-je de nous raconter de quelle manière il en est venu à créer des ornements liturgiques ou à les restaurer. En attendant, je vous encourage à aller visiter son site internet (Atelier Corneille > ici).
Guillaume aime la belle ouvrage, et ce qu’il propose est à cent lieues des horreurs que l’on trouve dans les catalogues de grandes maisons qui sévissent encore dans les presbytères et les sacristies. 

Bref, en janvier dernier donc, à l’issue d’une Sainte Messe dominicale, première brève rencontre réelle avec Guillaume qui, avant de repartir à Bressuire où il est établi, s’est aventuré un soir, à travers le massif du Mézenc enneigé (alors qu’il n’avait pas de pneus neige à son auto !!!), jusqu’en notre Thébaïde.
Il en est reparti avec deux ornements à restaurer, dont cet ornement vert que je vous ai présenté ci-dessus.
Je regrette fort de n’avoir point pensé à le photographier avant sa restauration, car vous eussiez pu juger par vous-même de sa transformation.

Hier, samedi 3 août, profitant de quelques jours de vacances qui l’amenaient dans nos contrées, Guillaume nous a rapporté l’ornement vert restauré.
Il serait plus juste de dire qu’il a été remis à neuf.

Chasuble restaurée 1

Notre chasuble verte restaurée a servi pour la Sainte Messe de ce dimanche 4 août 2019.

Ayant minutieusement décousu tous les galons d’origine et la croix brodée du dos de la chasuble, Guillaume a entièrement refait cette dernière, remplaçant la soie abîmée par une belle soie neuve dont la teinte d’un vert émeraude profond m’enchante et produit un heureux contraste avec la nuance plus tendre du fond de la broderie, qui était auparavant la teinte de toute la chasuble.

Chasuble restaurée 2

Ce dimanche 4 août, j’ai emporté à la chapelle du Puy-en-Velay cette chasuble si bien restaurée.
Monsieur l’Abbé l’a bénite et, ainsi que je m’y attendais, il a ensuite voulu qu’elle serve pour la célébration de la Sainte Messe de ce huitième dimanche après la Pentecôte.

Chasuble restaurée 3

Comme j’étais heureux de la voir à nouveau utiliser !
Nous attendons maintenant avec impatience de découvrir la restauration de la seconde chasuble confiée à Guillaume au mois de janvier dernier : une chasuble blanche portant une splendide croix brodée de fils d’or et d’argent, rehaussée de cabochons, que j’estime être d’époque Charles X, et qui avait déjà subi une réparation peu heureuse…

Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur.

Et si vous souhaitez nous aider pour continuer à faire restaurer quelques beaux ornements anciens > ici

2019-69. Des reliques des Saints Abdon et Sennen, et de leur arrivée à Arles-sur-Tech.

Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,

       Dans ma première publication consacrée aux Saints Abdon et Sennen (cf. > ici), je vous annonçais une deuxième partie relative à l’histoire de leurs reliques.
Il est en effet important de la connaître, pour ensuite aborder et bien comprendre une troisième partie qui traitera de « la sainte tombe » et de son eau miraculeuse.

   En conclusion de ma première partie, je vous disais donc que le sous-diacre Quirinus, ayant soustrait les corps des martyrs à la profanation après qu’ils étaient restés exposés à l’extérieur de l’amphithéâtre pendant trois jours, les avait ensevelis dans sa maison ; mais lui-même ayant été pris et martyrisé quelques années plus tard, la tombe des Saints Abdon et Sennen demeura oubliée…
Et il en fut ainsi pendant près de trois-quart de siècle.

   La « Légende dorée », que nous avons précédemment citée, dit simplement que « du temps de Constantin, ces martyrs révélèrent où étaient leurs corps que les chrétiens transférèrent dans le cimetière de Pontien » ; en cela elle ne fait que résumer les Actes de ces martyrs, qui ne précisent pas de quelle manière les Saints Abdon et Sennen se manifestèrent ni à qui.

   La catacombe de Pontien est située à Rome dans l’actuel quartier du Janicule, et après le transfert des saints corps de nos deux martyrs, elle fut parfois appelée « Catacombe des Saints Abdon et Sennen ». Le Pape Saint Damase y fit aménager une basilique souterraine pour le culte de ces saints martyrs.
Il faut aussi signaler ici qu’il y a dans cette catacombe une source pure et abondante qui alimente un baptistère.

   Une fresque, dont je n’ai pu trouver qu’une reproduction sous forme de gravure, et non une photographie, représente Notre-Seigneur Jésus-Christ en buste, sur une nuée, qui, d’une main, place une couronne sur la tête d’Abdon et de l’autre une couronne sur celle de Sennen.
L
es deux martyrs sont habillés à l’orientale, avec sur la tête le « pileus », c’est-à-dire une espèce de bonnet phrygien par lequel l’art paléochrétien identifie les Perses et les peuples avoisinants.
A droite et à gauche, sont représentés deux autres saints, Milix et Bicentius (Vincent), dans l’attitude de la prière. Chacun des personnages est identifiable grâce au nom inscrit verticalement à côté de lui.

Abdon et Sennen - Catacombe de Pontien

Catacombe de Pontien : fresque représentant les Saints Abdon et Sennen couronnés par le Christ Sauveur

   Toutefois au début du IXème siècle, la catacombe de Pontien et la basilique souterraine des Saints Abdon et Sennen étaient dans un état de vétusté dangereux, et les reliques des saints martyrs ne s’y trouvaient plus en sécurité.
Pascal 1er, pape de janvier 817 à février 824, fit donc transférer les saints corps dans la basilique de Saint-Marc, sur l’actuelle place de Venise, dans le centre historique de Rome.
C’est probablement à l’occasion de cette translation que l’abbaye de Fulda, en Germanie, l’église Saint-Médard de Soissons, et quelques autres sanctuaires ou abbayes, obtinrent quelques reliques des Saints Abdon et Sennen.

nika

   Au temps de Saint Charlemagne, dans la vallée du Tech – fleuve côtier qui descend des hauteurs pyrénéennes vers la plaine du Roussillon -, un moine bénédictin, du nom de Castellanus, vint d’outre-Pyrénées pour établir un ermitage sur une éminence où subsistaient des ruines de bâtiments antiques.
Les disciples affluèrent, attirés par la réputation de sainteté de Castellanus, et l’ermitage devint une abbaye bénédictine, qui dut même essaimer en raison de l’afflux des vocations. Comme bien souvent, une bourgade se développa autour de l’abbaye : ainsi naquit la petite ville aujourd’hui nommée Arles-sur-Tech.

Arles-sur-Tech vue aérienne

Arles-sur-Tech : au centre du bourg, l’abbatiale Sainte-Marie (état actuel)

   Après un siècle de prospérité, vers le milieu du IXème siècle, un raid de Normands qui avaient pillé les Baléares, accosta en Roussillon, y semant ruines et désolation. Remontant la vallée du Tech, ils parvinrent jusqu’à l’abbaye Sainte-Marie d’Arles qu’ils dévastèrent pendant trois jours, y massacrant ceux des moines qui n’avaient pu s’enfuir.
Les décennies qui suivirent furent difficiles, comme d’ailleurs en beaucoup d’endroits : les chroniques du temps, un peu partout en Europe, parlent de phénomènes effrayants dans le ciel, de tremblements de terre, d’incendies, de grêles dévastatrices, de bandes d’animaux sauvages quittant les forêts pour s’en prendre aux populations… etc.

   Le Vallespir (ainsi nomme-t-on ce pays qui s’étend autour du Tech) ne fut pas épargné par les malheurs du temps, et les récits nous parlent de créatures effrayantes, que les gens appelèrent simiots (le « t » final se prononce), qui terrorisaient et décimaient la population, en particulier dévorant les enfants.

   Moines et paysans multipliaient les jeûnes, les pénitences, les processions de supplication et les prières pour obtenir la cessation de ces fléaux.
Nous étions sous le pontificat de Jean XIII – pape d’octobre 965 à septembre 972 – et l’abbé de Sainte-Marie d’Arles, un homme d’une grande foi et ferveur qui avait pour nom Arnulfe, décida de se rendre à Rome pour y implorer le secours des saints apôtres et des martyrs, mais aussi dans l’espoir d’obtenir des reliques de saints dont l’intercession serait ensuite une protection surnaturelle pour ces contrées, et leur obtiendrait le retour à la paix avec la bénédiction de Dieu.

Façade principale de l'abbatiale Sainte-Marie d'Arles-sur-Tech monstres sculptés

De part et d’autre de l’arc sculpté qui surmonte la porte de la façade principale de l’abbaye Sainte-Marie d’Arles,
on voit des créatures monstrueuses et cruelles dont on dit qu’elles sont la réprésentation des simiots
qui terrorisaient le pays avant le voyage de l’abbé Arnulfe à Rome.

Simiot dévorant un enfant - détail de la façade principale

Sculpture sur la façade de l’abbatiale :
simiot en train de dévorer un enfant

   Arnulfe arriva à Rome au moment du grand carême. Il assista aux cérémonies solennelles, conformes à la liturgie grégorienne, qui se développaient quotidiennement, en présence du Souverain Pontife en personne, dans les églises stationnales.

   Le lundi de la troisième semaine de carême, jour où la station se fait à la basilique Saint-Marc, la ferveur silencieuse d’Arnulfe fut remarquée de beaucoup et impressionna le pape Jean XIII lui-même qui le fit quérir et l’interrogea.
Arnulfe expliqua donc au Souverain Pontife la triste situation de son abbaye et du Vallespir.
Emu, le pape lui promis de lui accorder des reliques de saints (à l’exception de celles des Saints Pierre et Paul, Etienne et Laurent, s’empressa-t-il de préciser !).
L’abbé Arnulfe sollicita un délai pendant lequel il prierait le Ciel de lui faire savoir quelles reliques saintes il lui serait plus convenable de demander.

   Au cours de la nuit qu’il passa en prière, Arnulfe reçut une vision, par laquelle il comprit qu’il devait demander au Souverain Pontife les reliques des deux martyrs persans qui reposaient dans la crypte de la basilique Saint-Marc, ce à quoi le pape consentit.
Jean XIII fit donc procéder à l’ouverture du tombeau des Saints Abdon et Sennen et il y fit prélever une part importante de leurs ossements sacrés qui furent remis à l’abbé Arnulfe.
Les chroniques rapportent qu’au moment de l’ouverture du tombeau, une suave odeur en sortit, qui émerveilla tous les participants à cette cérémonie, et que plusieurs malades furent alors guéris.

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Retable des Saints Abdon et Sennen à Arles-sur-Tech,
panneau de l’extrémité gauche du registre inférieur :
ouverture du tombeau des Saints Abdon et Sennen et prélèvement d’une partie des ossements des martyrs
remis à l’abbé Arnulfe.

   Avant de quitter la Ville Eternelle, Arnulfe se rendit aussi à la catacombe de Pontien, où les saints corps avaient reposé pendant plus de cinq siècles. A la vue de l’eau pure et abondante qui sourdait dans le baptistère proche de l’ancienne basilique des Saints Abdon et Sennen, il fut inspiré pour en prélever une part afin de l’emporter avec lui.

   Ayant reçu une dernière bénédiction de Jean XIII, Arnulfe reprit la route de son abbaye.
Par précaution, car il craignait que son précieux chargement n’excitât quelque convoitise, il résolut de cacher les reliques des saints à l’intérieur d’un tonneau compartimenté qu’il fit confectionner spécialement : les saintes reliques se trouvaient au centre, dans un compartiment bien étanchéifié, mais aux extrémités duquel se trouvaient des compartiments remplis d’un côté par de l’eau et de l’autre par du vin, afin de faire croire qu’il n’y avait là que des provisions pour son voyage.

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Retable des Saints Abdon et Sennen à Arles-sur-Tech,
panneau du centre gauche du registre inférieur :
Arnulfe quitte Rome avec les reliques dissimulées dans des tonneaux compartimentés ;
il emporte aussi avec lui de l’eau prise dans le baptistère de la catacombe de Pontien.

   Le voyage de retour vers la Catalogne fut plein de péripéties. 

   Avant son embarquement à Gênes, par exemple, alors qu’une possédée s’était mise à vociférer au passage de l’abbé et de son précieux baril, Arnulfe expulsa le démon en faisant boire à cette femme un peu du vin de ce tonneau qui se trouvait sanctifié par la proximité des saintes reliques qui y étaient cachées.
En cours de voyage, une violente tempête menaça de faire sombrer le navire, mais Arnulfe se mit à invoquer à haute voix les Saints Abdon et Sennen avec une immense ferveur, bientôt imité par l’équipage : l’on vit alors apparaître deux jeunes hommes d’une grande beauté aux deux extrémités du bâteau, l’empêchant de sombrer.
Ayant posé le pied sur la terre catalane, Arnulfe, sollicité par deux enfants aveugles qui mendiaient, les guérit en leur faisant boire un peu de vin de son tonneau.

   Pour la dernière partie de son chemin, pour gravir les sentiers escarpés du Vallespir, il loua les services d’un muletier. On rapporte qu’à l’approche des villages, les cloches se mettaient à sonner sans qu’aucune main humaine n’en tirât les cordes, ce qui fit que le muletier craignit quelque diablerie…

   Enfin, alors que du sentier escarpé où ils cheminaient ils apercevaient déjà au loin les toits de l’abbaye Sainte-Marie d’Arles, la mule fit un faux-pas et dégringola dans le ravin avec son précieux chargement. Un moment Arnulfe craignit que les précieuses reliques ne fussent à jamais perdues. Cependant, le muletier et lui-même aperçurent, au fond du ravin, la mule qui se relevait, parfaitement saine et son chargement entièrement sauf, qui reprenait d’elle-même le chemin d’Arles, comme si de rien n’était, en suivant le lit du Tech, si bien qu’elle arriva aux portes de l’abbaye avant eux, tandis que des mains invisibles en faisaient sonner les cloches à toute volée ! 

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Retable des Saints Abdon et Sennen à Arles-sur-Tech,
panneau du centre droit du registre inférieur :
le miracle de la mule tombée dans le ravin avec les précieuses reliques.

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Retable des Saints Abdon et Sennen à Arles-sur-Tech,
panneau de l’extrémité droite du registre inférieur :
devant l’abbatiale Sainte-Marie dont les cloches sonnent à toute volée mues par des mains invisibles,
Arnulfe retire les saintes reliques de leur cachette.

   Selon certains, avant que des reliquaires adéquats ne fussent réalisés, Arnulfe aurait déposé les ossements des Saints Abdon et Sennen dans un sarcophage antique (du IVe ou Ve siècle) en marbre, alors vide.

   Pour d’autres, c’est seulement l’eau rapportée de la catacombe de Pontien qu’Arnulfe aurait versée dans ce sarcophage.
En fait, ces deux propositions ne sont pas exclusives l’une de l’autre. Il est en effet certain, puisque plusieurs témoignages relevés au cours des siècles le signalent, que de petits ossements des Saints ont été présents dans le sarcophage, et qu’aujourd’hui encore il y a toujours une trentaine de petits ossements dans ce sarcophage que l’on appelle communément « la sainte tombe ».

Sarcophage antique - la sainte tombe

Le sarcophage antique dans lequel furent originellement déposées les reliques des Saints Abdon et Sennen
et aujourd’hui dénommé « la sainte tombe », visible à l’extérier de l’abbatiale Sainte-Marie.

   A partir de l’arrivée des saintes reliques des bienheureux martyrs Abdon et Sennen, les simiots disparurent et ne terrorisèrent plus le pays qui recouvra peu à peu tranquillité et prospérité.

   La dévotion aux deux frères martyrs se développa, attira des pèlerins, suscita des vocations pour l’abbaye, si bien qu’aux XIe et XIIe siècles l’église abbatiale dut être rebâtie, plus grande : c’est – à peu de choses près – l’édifice actuel.

Abbatiale Sainte-Marie - intérieur

Abbatiale Sainte-Marie d’Arles
la grand nef dans son état actuel

   On peut voir dans l’église Sainte-Marie d’Arles-sur-Tech, d’assez vastes cavités pratiquées en hauteur dans les gros piliers de la nef, qui ont servi, à certaines époques, pour enfermer les reliquaires des Saints Abdon et Sennen.
Elles ont gardé leur décoration d’origine, et on y voit, en particulier, la représentation des simiots que leur arrivée a fait disparaître à jamais.

Ancien coffre pour les reliquaires

L’un des « placards » aménagés dans l’un des gros piliers de la nef
pour conserver en toute sécurité les reliquaires des Saints Abdon et Sennen

   Enfin, en 1647, pour la chapelle des Saints Abdon et Sennen, qui se trouve dans le bas-côté droit de l’abbatiale, fut réalisé le grand et somptueux retable avec ses douze tableaux en demi-reliefs illustrant les principaux épisodes du martyre des deux martyrs Persans et de la translation de leurs reliques que j’ai moi-même photographiés au début du mois d’avril 2019, à l’occasion de mon pèlerinage à Arles-sur-Tech, et que je vous ai présentés dans ces deux articles.

Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur.

A suivre : La sainte tombe d’Arles-sur-Tech et son eau miraculeuse : « l’eau des saints ».

enluminure des Saints Abdon et Sennen au Mesnil-Marie

Les Saints Abdon et Sennen,
enluminure originale d’une artiste catalane contemporaine,
qui m’a été offerte par le Cercle Légitimiste du Roussillon Hyacinthe Rigaud,
à l’occasion de mon pèlerinage à Arles-sur-Tech,

et qui se trouve depuis lors dans l’oratoire du Mesnil-Marie.

palmes

2019-68. Des Saints Abdon et Sennen.

30 juillet,
Fête des Saints Abdon et Sennen, martyrs ;
Mémoire de Saint Léopold de Castelnuovo (courte biographie > ici, et prière > ici).

Arles-sur-Tech : abbatiale Sainte Marie. Chapelle des Saints Abdon et Sennen et grand retable contenant leurs reliques

Abbatiale Sainte-Marie, à Arles-sur-Tech
Chapelle des Saints Abdon et Sennen avec le grand retable de 1647 dans lequel sont enfermées leurs reliques.

Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,

       Les Saint Abdon et Saint Sennen, dont nous célébrons la fête en ce 30 juillet, sont deux grands saints envers lesquels nous nourrissons une très grande dévotion en notre Mesnil-Marie, et je voudrais commencer par vous citer la notice que l’on peut lire à leur sujet dans la « Légende dorée » :

   « Abdon et Sennen souffrirent le martyre sous l’empereur Dèce, qui, après avoir soumis la Babylonie avec d’autres provinces, et y avoir trouvé des chrétiens, les emmena avec lui à la ville de Cordoue où il les fit mourir par différents supplices. Deux vice-rois, Abdon et Sennen, prirent leurs corps et les ensevelirent. On les accusa de cette action auprès de Dèce qui les fit comparaître devant lui. On les chargea de chaînes et on les conduisit à Rome, où ils comparurent devant l’empereur et devant le Sénat ; on leur dit qu’ils avaient ou à sacrifier et qu’alors ils rentreraient libres dans leurs états, ou à se voir condamnés à être la pâture des bêtes féroces.
Ils ne manifestèrent que du mépris pour les idoles sur lesquelles ils crachèrent ; après quoi ils furent traînés à l’amphithéâtre où on lâcha sur eux deux lions et quatre ours, qui, loin de toucher ces saints, en furent même les gardiens.
On les fit donc mourir par le glaive, après quoi on leur lia les pieds et on les traîna jusqu’à l’idole du soleil devant laquelle on les jeta. Au bout de trois jours, le sous-diacre Quirinus vint les recueillir et les ensevelit dans sa maison. Ils souffrirent vers l’an du Seigneur 253. Du temps de Constantin, ces martyrs révélèrent où étaient leurs corps que les chrétiens transférèrent dans le cimetière de Pontien. Par leur mérite Dieu y accorde de nombreux bienfaits au peuple »

Statue des Saints Abdon et Sennen et coffre de leurs reliques

Abbatiale Sainte-Marie à Arles-sur-Tech
Partie centrale du retable des Saints Abdon et Sennen
Statues des deux martyrs et coffre dans lequel sont enfermées leurs reliques

   Le grand retable réalisé en 1647 pour la chapelle des Saints Abdon et Sennen dans l’abbatiale Sainte-Marie d’Arles-sur-Tech, en Vallespir (le Vallespir est une région historique correspondant à la vallée du Tech, et qui relie les hauts sommets pyrénéens à la plaine du Roussillon), illustre de manière magnifique l’histoire des deux martyrs dont les saintes reliques sont conservées dans l’espèce de grand coffre aménagé au centre, en arrière du tabernacle, sous les statues des saints.
Tout autour, les panneaux sculptées illustrent le martyre des deux saints et l’histoire de leurs reliques.
Une examen plus détaillé de ce retable nous permettra de préciser certains points de cette belle histoire sur laquelle se sont penchés de grands érudits chrétiens. 

Détail des statues des Saints Abdon et Sennen - Arles-sur-Tech

Détail des statues des Saints Abdon et Sennen
(retable – abbatiale Sainte-Marie d’Arles-sur-Tech)

   La patrie des Saints Abdon et Sennen – dont certaines traditions font des frères de sang – est une région qui, dans l’Antiquité, était nommée Gordyène, au sud du lac de Van (dans l’actuelle Turquie, proche de la frontière iranienne), dont la capitale est appelée Cordoue dans « La Légende dorée ».
Il faut bien se garder de faire la confusion avec la ville de Cordoue (Cordoba en espagnol, Corduba en latin) en Andalousie : la capitale de la Gordyène se nomme en latin Cordula (mais on trouve aussi parfois les formes « Cordua » ou « Corduena »).

   Selon les antiques traditions encore, Abdon et Sennen étaient de race princière et avaient embrassé la foi chrétienne lorsqu’ils étaient de jeunes adultes. L’on était vers le milieu du IIIème siècle et, à la suite de l’apôtre Saint Barthélémy, premier évangélisateur de ces contrées, de nombreux missionnaires de l’Evangile avaient œuvré, de sorte que la Sainte Eglise se trouvait déjà fermement implantée dans ces régions où elle jouissait d’une relative tolérance.

   La Gordyène était depuis quelques années sous la domination perse : comme beaucoup de nobles de Gordyène et d’Arménie, Abdon et Sennen avaient été enrolés dans l’armée du roi Sapor (Chapour 1er) qui fut en lutte pendant plusieurs années contre l’empire romain.
C’est au cours de ces luttes qu’Abdon et Sennen furent faits prisonniers : en qualité de princes, ils jouissaient toutefois d’un statut de semi-liberté dans l’entourage du général Dèce.
Lorsque ce dernier déclencha une persécution contre les chrétiens de Babylonie puis de Gordyène, Abdon et Sennen, bravant les édits du persécuteur, profitèrent de la semi liberté qui leur était concédée pour ensevelir les corps des martyrs et protéger certains de leurs frères dans la foi.
Ils furent découverts et dénoncés au général qui les fit arrêter.

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Abdon et Sennen sont dénoncés à Dèce comme chrétiens
et sont condamnés à être emprisonnés :
panneaux du côté droit de la prédelle du retable des Saints Abdon et Sennen,
abbatiale Sainte-Marie d’Arles-sur-Tech

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   Lorsqu’il succéda à Gordien III, en 244, Philippe – dit l’Arabe – conclut une paix (éphémère) avec le roi de Perse Sapor. Il commença son règne à Antioche avant de s’imposer à Rome.
Le général Dèce commença alors une carrière politique (sénateur et gouverneur de province) après avoir célébré son triomphe à Rome, triomphe auquel les princes Abdon et Sennen furent exhibés.

   Philippe l’Arabe se montra plutôt favorable aux chrétiens (certains ont même pensé qu’il était chrétien en secret) : sous son règne ils ne furent pas persécutés et les deux frères Abdon et Sennen décidèrent de rester à Rome où ils purent vivre leur foi paisiblement avec la communauté chrétienne romaine.

   Tout changea lorsque Dèce accéda au pouvoir (249). Il déclencha presque aussitôt une persécution violente contre les disciples du divin Crucifié : la septième persécution générale. L’un des premiers arrêtés fut le pape Saint Fabien, torturé puis décapité le 20 janvier 250.
Les Saints Abdon et Sennen ne pouvaient être oubliés de Dèce, auxquels ils avaient déjà tenu tête et ne le leur pardonnait pas. Il les fit donc appréhender et jeter en un cachot où ils subirent divers mauvais traitements avant de faire comparaître et qu’on leur intime l’ordre de rendre un culte au dieu du soleil.

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Abdon et Sennen sont emprisonnés
puis on veut les contraindre à rendre un culte au dieu du soleil :
panneaux du côté gauche de la prédelle du retable des Saints Abdon et Sennen,
abbatiale Sainte-Marie d’Arles-sur-Tech

IMG_2341 - Copie

   Comme on ne pouvait les faire apostasier, Abdon et Sennen furent alors soumis au supplice de la flagellation, puis, comme ils restaient inébranlables dans leur confession de la foi chrétienne, ils furent conduits à l’amphithéâtre pour y être livrés en pâture aux fauves.

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Flagellation des Saints Abdon et Sennen (panneau supérieur gauche du retable)
Abdon et Sennen avec les fauves dans l’amphithéâtre (panneau supérieur droit du retable)

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   Mais les deux ours et les quatre lions affamés auxquels on livra les intrépides confesseurs, au lieu de les dépecer et de les dévorer se couchèrent à leurs pieds.

   Alors le préfet ordonna que des gladiateurs, armés de tridents, de filets et de glaives, fussent introduits dans l’arène. Comme les fauves se faisaient les défenseurs d’Abdon et Sennen, ils furent massacrés, puis ce fut le tour des deux martyrs…

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Les Saints Abdon et Sennen livrés aux rétiaires (panneau supérieur au centre gauche du retable)

… qui furent finalement décapités.

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Décollation des Saints Abdon et Sennen (panneau supérieur au centre droit du retable)

   Leurs dépouilles sanglantes furent exposées pendant trois jours au pied de la statue du soleil, à l’extérieur de l’amphithéâtre, quand enfin, de nuit, un sous-diacre nommé Quirinus put emporter les corps des martyrs et, faute de pouvoir les ensevelir dans les catacombes, qui étaient alors extrêmement surveillées, il leur donna une sépulture dans sa propre maison.

   Quelques années plus tard, lors de la persécution de Valérien, huitième persécution générale, le sous-diacre Quirinus fut lui-même martyrisé, et les corps des Saints Abdon et Sennen cachés dans sa demeure, furent oubliés.

Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur.

A suivre : l’histoire des reliques des Saints Abdon et Sennen > ici.

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2019-67. Du « Carême de la Dormition de la Mère de Dieu ».

31 juillet – 14 août

Monogramme Marie 2

       Les Eglises d’Orient (catholiques et orthodoxes) ont conservé très vivant l’usage du « Carême de la Dormition de la Mère de Dieu », appelé de manière plus brève tantôt « Carême de la Dormition » tantôt « Carême de la Mère de Dieu », lequel en revanche est – malheureusement ! – quasi ignoré des catholiques latins (surtout en notre temps où une majorité de fidèles et de clercs – même à des postes élevés de la hiérarchie – sont d’une ignorance crasse).

   Comme le Grand Carême de préparation à Pâques, le « Carême de la Dormition » est un temps de préparation à l’une des très grandes fêtes du cycle liturgique, celle du 15 août, et il en possède les mêmes caractéristiques :

- Prière plus intense et plus longue.
– Jeûne.
– Aumône (œuvres de charité).

   De ce point de vue-là donc, on peut reprendre complètement, en les transposant à l’esprit de la liturgie propre à cette période estivale, les prescriptions et usages du Grand Carême pascal (cf. > ici et > ici).
Toutefois il n’en a pas la longueur, puisqu’il dure seulement une quinzaine de jours : le plus souvent du 1er au 15 août. Au Mesnil-Marie, nous le faisons commencer le 31 juillet, de manière à avoir véritablement 15 jours entiers de carême.
Ce chiffre 15 possède en effet une valeur symbolique très importante à nos yeux, puisque, selon la Tradition, il est celui des années que la Très Sainte Mère de Dieu a vécues encore sur la terre après l’Ascension de son divin Fils, et avant d’être élevée auprès de Lui.

Hugo van der Goes - dormition de Notre-Dame

La dormition de la Vierge (Hugo van der Goes 1440-1482)

   Pendant le « Carême de la Dormition », tous les jours sont jours de jeûne (un seul repas frugal et une collation le soir) sauf :

1) le 6 août (fête de la Transfiguration de Notre-Seigneur) ;
2) les dimanches qui surviennent dans cette période ;
3) et spécifiquement pour nous, le 11 août, fête de Sainte Philomène, qui est patronne du Refuge Notre-Dame de Compassion en second (sous le rit double de 2ème classe donc).

Tous les jours (même les dimanches et jours de fête qui font exception au jeûne mentionnés ci-dessus), sont des jours d’abstinence, c’est-à-dire qu’on n’y peut consommer rien d’origine animale (viandes, poisson, œufs, laitages et fromages), ni boisson alcoolisée, ni huile d’olive.

   Et comme le 15 août est la fête patronale principale de la France, plus encore qu’à l’accoutumée, en ce carême qui prépare cette fête principale (c’est mieux que de parler de « fête nationale » au sujet de ce jour), nos prières et nos pénitences sont offerts pour la conversion de la France et le pour le retour de notre Royaume, jadis chrétien – mais aujourd’hui apostat -, à la fidélité à sa vocation (cf. discours du Cardinal Pacelli sur la vocation de la France le 13 juillet 1937 > ici) :

   « C’est qu’il ne s’agit plus aujourd’hui, comme en d’autres temps, de soutenir la lutte contre des formes déficientes ou altérées de la civilisation religieuse et la plupart gardant encore une âme de vérité et de justice héritée du christianisme ou inconsciemment puisée à son contact ; aujourd’hui, c’est la substance même du christianisme, la substance même de la religion qui est en jeu ; sa restauration ou sa ruine est l’enjeu des luttes implacables qui bouleversent et ébranlent sur ses bases notre continent et avec lui le reste du monde » (extrait du discours sus-cité du Cardinal Pacelli, futur Pie XII).

   J’ose espérer que, même s’ils ne peuvent pas pratiquer avec toute la rigueur traditionnelle la discipline du jeûne monastique, il y aura néanmoins de nombreux amis du Refuge Notre-Dame de Compassion qui auront assez de générosité et d’amour pour marquer, en union avec nous, ce « Carême de la Dormition » et offrir à Dieu Notre-Seigneur des pénitences, des sacrifices volontaires, des privations de nourriture et de plus instantes et plus longues prières, afin de mieux préparer leurs âmes à la resplendissante fête du 15 août et de demander à Dieu la conversion et le salut de la France !

Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur.

P1080750 France, Paris, «le voeu de Louis XIII» dans le fond du choeur de la cathédrale Notre-Dame; Louis XIII et Louis XIV entourent la Vierge de pitié «Pieta»

Monument du Vœu de Louis XIII à Notre-Dame de Paris.

Monogramme Marie 2

2019-65. Samedi 10 août 2019 : fête de Sainte Philomène au Mesnil-Marie.

C’est une tradition désormais solidement établie en notre Mesnil-Marie, comme aussi dans l’esprit de nos amis, qui nous interrogent à l’avance au sujet de sa célébration…

la fête de Sainte Philomène

Gisant de Sainte Philomène au Mesnil-Marie - détail

Attention !
En raison du fait que, en cette année 2019, le 11 août est un dimanche et que le prêtre qui vient célébrer la Sainte Messe de cette fête est évidemment pris par son ministère un dimanche matin, la fête de Sainte Philomène sera anticipée au samedi 10 août.

Programme :

- 11 h : Sainte Messe chantée (dans l’oratoire du Mesnil-Marie).
- Repas tiré du sac et échanges amicaux (un grand barnum sera installé sur la terrasse Saint-Charlemagne pour pouvoir déjeuner à l’ombre ; apporter vos sièges pliants).
- 15 h 30 : Chapelet, litanies de Sainte Philomène, vénération de sa relique.

Nota bene : afin de prévoir au mieux un nombre de places suffisant, en particulier à l’oratoire, merci de nous annoncer votre participation > ici (ou bien par téléphone).

palmes

2019-62. Où, en l’honneur de l’anniversaire du sacre de Sa Majesté le Roi Charles VII, le 17 juillet 1429, vous est présentée une remarquable maquette…

17 juillet,
Fête de la Bienheureuse Thérèse de Saint Augustin, prieure,
et de ses compagnes Carmélites de Compiègne (cf. > ici).

couronne avec lis au naturel - blogue

Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,

   Certains d’entre vous savent déjà que j’ai eu le bonheur, au début du mois de juillet 2019, de me rendre en pèlerinage à Reims, ville si importante au cœur des Français puisque c’est dans les fonts baptismaux de sa cathédrale que naquit notre France catholique et royale.

   Entre autres pieuses visites et pèlerinages, nous y avons eu la joie de bénéficier d’une visite de la cathédrale des plus intéressantes, puisqu’elle nous a permis d’accéder à certains lieux qui ne font ordinairement pas partie des visites proposées.
C’est ainsi que, dans l’une des sacristies, l’excellent et bienveillant chanoine qui nous servait de guide, nous a permis de découvrir et d’admirer, dans deux longues et étroites vitrines (chacune avoisine les 2 m de longueur), la représentation très réaliste de deux moments importants des cérémonies du Sacre de Sa Majesté le Roi Charles VII : 1) l’arrivée du cortège royal, au-devant duquel caracolait Sainte Jeanne d’Arc ; et 2) la procession de la Sainte Ampoule (voir > ici).

   Comme le 17 juillet ramène l’anniversaire du Sacre de Sa Majesté le Roi Charles VII, célébré le dimanche 17 juillet 1429, en cet honneur je voudrais vous présenter ci-dessous les clichés que j’ai réalisés des deux maquettes mentionnées ci-dessus.

   Leur longueur et la disposition des lieux ne permettaient pas de réaliser une vue d’ensemble satisfaisante, j’ai donc pris des photographies séquentielles de ces deux reconstitutions, afin de vous en pouvoir proposer une suite permettant d’apprécier les détails de cette admirable réalisation, œuvre d’un seul homme (nota bene : la taille des personnages est d’environ 10 cm de hauteur).

   Il n’est nullement besoin de commenter chacune de ces photographies, et les détails de la représentation suffisent à nous établir non seulement dans l’admiration, mais également dans une prière de louange pour ce que Dieu a accompli à travers l’épopée de Sainte Jeanne d’Arc.

Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur

lys.gif

A – L’arrivée de Charles VII à Reims le samedi 16 juillet 1429 :

arrivée du Roi 1

arrivée du Roi 2

arrivée du Roi 3

arrivée du Roi 4

arrivée du Roi 5

arrivée du Roi 6

arrivée du Roi 7

arrivée du Roi 8

arrivée du Roi 9

arrivée du Roi 10

arrivée du Roi 11

arrivée du Roi 12

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B – La procession de la Sainte Ampoule, le 17 juillet 1429 :

cortège Ste Ampoule 1

cortège Ste Ampoule 2

cortège Ste Ampoule 3

cortège Ste Ampoule 4

cortège Ste Ampoule 5

cortège Ste Ampoule 6

Prions :

   O Dieu, qui avez miraculeusement suscité Sainte Jeanne d’Arc pour la défense de la foi et de la patrie, accordez à Votre Eglise, par son intercession, de triompher des attaques de ses ennemis, pour jouir d’une paix perpétuelle.
Nous Vous le demandons par Jésus-Christ, Votre Fils, Notre-Seigneur, qui vit et règne avec Vous dans l’unité du Saint-Esprit pour les siècles des siècles.

Ainsi soit-il.

Jeanne au Sacre 17 juillet 1429

Cathédrale Notre-Dame de Reims :
statue de Sainte Jeanne d’Arc au Sacre de Charles VII
œuvre de Prosper d’Epinay (1900) :
Armure en bronze argenté, visage en ivoire,
huque (tunique) en marbre jaune de Sienne, semée de fleurs de lys incrustées en lapis-lazuli.

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2019-61. De la réconciliation de la chapelle de l’ancien monastère de la Visitation du Puy-en-Velay après plus de deux siècles de profanation.

Mercredi 17 juillet 2019,
Fête des Bienheureuses Carmelites de Compiègne martyres (cf. > ici) ;
Mémoire de Saint Alexis, confesseur ;
Anniversaire du Sacre de Charles VII (le 17 juillet 1429 – cf. > ici) ;
Anniversaire du massacre de la famille impériale Russe (le 17 juillet 1918 – cf. > ici).

Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,

J’ai eu, ce mardi 16 juillet 2019, en la fête de Notre-Dame du Mont-Carmel (cf. > ici), l’immense joie spirituelle d’assister à un véritable événement historique ; je tiens à vous en parler ici.

Oh ! Il n’appartient pas à la catégorie des faits qui font la une des revues « pipoles », ou qui alimentent des heures de parlotte creuse sur des chaînes d’informatin continue ; il n’alimentera pas l’émotion des foules télécommandées, ni ne suscitera l’enthousiasme d’une opinion publique soigneusement « préparée » et « soutenue » par l’AFP ou de grands organes de presse…
Il s’agit cependant d’un authentique événement, dont la portée symbolique, voire prophétique, ne peut échapper aux regards et à l’intelligence de ceux qui sont attentifs aux choses divines, aux réalités spirituelles et aux forces invisibles qui sous-tendent la geste humaine ici-bas.

Ancienne chapelle de la Visitation du Puy - extérieur

Façade de l’ancienne chapelle du monastère de la Visitation du Puy (XVIIe siècle)
ce mardi 16 juillet 2019

« De quoi s’est-il donc agi ? » m’interrogerez-vous sans doute après que j’ai ainsi excité votre curiosité.
Eh bien, j’ai été personnellement et fort aimablement invité, par un prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, à assister à la cérémonie de réconciliation de l’ancienne chapelle du monastère de la Visitation, au Puy-en-Velay, profanée depuis la grande révolution.

Le monastère de la Visitation Sainte-Marie du Puy avait été fondé le 21 novembre 1630, en la fête de la Présentation de Notre-Dame au Temple, par la Révérende Mère Anne-Elisabeth Perrin, venue du premier monastère de la Visitation de Lyon (monastère dit de Bellecour, où Saint-François de Sales était mort huit ans plus tôt, le 28 décembre 1622). Je n’en ai pas encore la certitude absolue, mais il est plus que probable que Sainte Jeanne-Françoise de Chantal soit elle-même passée en ce monastère du Puy.
Les moniales de la Visitation ont sanctifié ces lieux depuis 1630 jusqu’au 17 août 1792 où elles furent expulsées.
Après la révolution, le 24 mars 1808, le monastère du Puy sera rétabli, mais pas dans ces bâtiments : il s’installera dans ceux de l’ancien « Refuge Saint-Maurice », près de l’Hôtel-Dieu, où il subsistera jusqu’à la fin du XXe siècle.

Plaque apposée sur la façade de l'ancienne chapelle de la Visitation au Puy

Plaque apposée sur la façade de l’ancienne chapelle de la Visitation du Puy.

Après l’expulsion des Visitandines, lors de l’instauration de la Terreur, le monastère fut transformé en prison et la chapelle, profanée, devint le siège du tribunal révolutionnaire de la Haute-Loire.

La plaque actuellement apposée sur la façade de cette chapelle rappelle qu’une partie des « Compagnons de Jésus » – déformés en « Compagnons de Jéhu » par le roman éponyme d’Alexandre Dumas père (1857) – y fut jugée en 1799. A la vérité, les dits « Compagnons de Jésus » constituaient un vaste mouvement royaliste contrerévolutionnaire qui, en lien avec d’autres mouvements chouans tel que celui des « Compagnons de la ganse blanche », fut actif principalement dans la région lyonnaise, les Dombes, le Forez et le nord du couloir rhodanien.
Lorsque 228 d’entre eux furent pris, au temps du Directoire, ils furent amenés au Puy pour y être jugés, parce que les révolutionnaires craignaient que, si leur procès fût instruit à Lyon ou dans ses environs, leurs complices et partisans ne fissent un coup de force pour les délivrer.
Mais au grand dam des jacobins, cette mesure ne leur fut d’aucune utilité et le procès tourna court : si les 228 prévenus furent bien emprisonnés dans les locaux de l’ancien monastère transformés en prison (ils sont aujourd’hui en grande partie détruits et se situaient pour l’essentiel sur la gauche de la façade dont je vous ai montré la photographie ci-dessus – la rue qu’on y voit aujourd’hui n’existant pas), ils ne furent point condamnés. En effet, en une seule nuit, et sans qu’aucune explication ait pu m’être donnée par une archiviste départementale que j’avais interrogée en 2005, les « Compagnons de Jésus » disparurent de la prison et ne furent jamais retrouvés !

Les Compagnons de Jéhu - 1857

Gravure de 1857 illustrant le roman d’Alexandre Dumas : « Les Compagnons de Jéhu »

En revanche, plusieurs prêtres, religieux et fidèles furent jugés dans cette chapelle et partirent d’ici pour le martyre. De leur nombre fut l’abbé Claude de Bernard de Talode du Graïl, prêtre du diocèse de Viviers pour lequel j’ai une profonde affection et vénération, dont j’ai résumé la vie dans l’une des chroniques de ce blogue (cf. > ici). Sa sœur, Mère Marie-Séraphie (née Marie-Henriette du Graïl) était justement religieuse dans ce monastère de la Visitation du Puy : elle fut contrainte par les « patriotes » à assister à son exécution et à faire le tour de l’échafaud en marchant dans son sang. Après la révolution, elle participera au rétablissement du monastère de la Visitation.

Sur l’un des gros piliers de la cathédrale du Puy se trouve apposée un grande plaque de marbre blanc sur laquelle se trouvent gravés les noms de plusieurs autres prêtres martyrs (la procédure diocésaine en vue d’une béatification va d’ailleurs être officiellement ouverte pour plusieurs d’entre eux).
C’est également dans sa cellule de la prison attenante à cette chapelle que fut assassiné, le 5 octobre 1797, le comte François-Dominique Cavey de la Motte, l’un des chefs de la chouannerie vellave (voir sa biographie > ici), et c’est encore d’ici que partit, pour être fusillé contre le mur sud de l’église Saint-Laurent, le 18 octobre 1798, le marquis Joseph-Etienne de Surville (cf. > ici), lui aussi admirable chef de la chouannerie vivaro-vellave.

Cathédrale du Puy - Plaque de marbre portant les noms des prêtres martyrisés

Basilique-cathédrale Notre-Dame de l’Annonciation du Puy
plaque commémorative des prêtres « qui périrent victimes de leur fidélité à Dieu et au Roi ».

Tout ce que je viens d’écrire vous montre à l’évidence pour quelles raisons – et depuis de fort nombreuses années – je nourris un véritablement attachement à cette ancienne chapelle du monastère de la Visitation du Puy, et pour quels motifs j’étais profondément affligé de l’état de profanation et d’abandon dans lequel elle se trouvait jusqu’à ces derniers jours, puisque, après la fermeture du tribunal révolutionnaire, pendant deux siècles, cette chapelle servit essentiellement d’entrepôt.

Depuis déjà plusieurs années, la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, par l’intermédiaire de ses prêtres résidant au Prieuré Saint Jean-François Régis établi à Unieux, près de Saint-Etienne, s’intéressait à ce bâtiment.
Il y a eu des péripéties multiples dans l’entreprise de rachat de cette vénérable chapelle parce que – cela n’étonnera personne – les héritiers du sectarisme révolutionnaire et pontifes autoproclamés de la bien-pensance maçonnico-républicaine, sont montés au créneau afin d’empêcher, par tous les moyens à leur disposition (au premier rang desquels se trouvent le mensonge, la calomnie, le « lobbying » et l’agitation de l’opinion publique), que cette chapelle ne revienne à sa destination originelle et ne soit à nouveau un lieu où sera célébrée la Sainte Messe latine traditionnelle et où soit enseignée l’authentique doctrine catholique.
Malgré leurs agissements ténébreux, la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X a pu l’emporter et c’est la raison pour laquelle, ce mardi 16 juillet 2019, Monsieur l’abbé Pierre Barrère, pour encore un peu de temps Prieur d’Unieux, a procédé à la cérémonie de réconciliation de cette chapelle emblématique.
Certes, il s’en faut encore de beaucoup pour qu’elle soit véritablement restaurée ; il y aura d’importantes tranches de travaux à y mener à bien. Il importait néanmoins de pouvoir, après 227 années de profanation, de la rendre à Dieu par une cérémonie significative.

Puisse la réconciliation de cette chapelle être une prophétie en acte de la réconciliation du Royaume de France – profané et occupé par un régime et des institutions contraires à sa vocation – avec son histoire sainte !

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Le rite de la réconciliation d’une église profanée commence à l’extérieur de l’édifice par la récitation du psaume L (« miserere ») avec l’antienne « Asperges me » dite en intégralité avant et après le psaume.
Puis le célébrant asperge d’eau bénite tout l’extérieur de l’édifice :

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Après l’aspersion extérieure le prêtre récite une oraison demandant à Dieu Notre-Seigneur de renouveler Sa sainte bénédiction sur cet édifice, d’en chasser les influences diaboliques, et d’y faire entrer Ses saints anges.

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Et c’est alors que le clergé et les fidèles entrent dans l’édifice…

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L’intérieur de cette ancienne chapelle du monastère de la Visitation a été déblayé, nettoyé, mais il reste actuellement avec tous les stigmates de la profanation qu’il a subie pendant plus de deux siècles, ainsi que marqué par les outrages du temps et des intempéries.
Un autel provisoire y a été placé, qui à ce moment-là est encore entièrement dépouillé.

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Le célébrant, ses ministres et les fidèles, agenouillés récitent alors les litanies des saints, au cours desquelles est ajoutée cette invocation particulière :
« Ut hanc ecclesiam purgare et reconciliare digneris, Te rogamus audi nos – Pour que Vous daigniez purifier et réconcilier cette église, nous Vous en prions, écoutez nous ! » 

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Ensuite le célébrant fait le tour intérieur de l’édifice en aspergeant ses murs d’eau bénite.

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Le rite de la réconciliation s’achève par une oraison, l’invocation « Deus, in adjutorium meum intende… etc. », le chant du psaume LXVII au cours duquel on répète après chaque verset : « Exsurgat Deus, et dissipentur inimici ejus, et fugiant qui oderunt eum a facie ejus : Que Dieu se lève, que Ses ennemis soient dispersés et que ceux qui Le haïssent fuient devant Sa face ! », et une dernière oraison conclusive.

Puis pendant que le prêtre va déposer la chape et endosser les ornements pour la célébration de la Sainte Messe, l’autel est revêtu de ses nappes, chandeliers, bouquets ; il reçoit les canons d’autel et le missel.

La souillure de la profanation a été lavée et, même s’il y aura maintenant d’importants travaux de restauration à y accomplir, cette chapelle est à nouveau apte à ce que le Saint Sacrifice y soit célébré.

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Et voici que pour la première fois depuis août 1792 des voix de religieuses s’élèvent pour chanter l’introït « Gaudeamus » :
« Réjouissons-nous tous ensemble dans le Seigneur, célébrons ce jour de fête en l’honneur de la Bienheureuse Vierge Marie ! De cette solennité, les anges se réjouissent et ils en louent tous ensemble le Fils de Dieu ! »

Tandis que, pour la première fois depuis août 1792, au pied d’un autel relevé entre ces murs, le prêtre dialogue avec ses ministres le sublime psaume « Judica me » : « Et introibo ad altare Dei : et j’entrerai vers l’autel de Dieu… »

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Pour la première fois depuis août 1792, le chant du Saint Evangile retentit entre ces murs :

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Pour la première fois depuis que la diabolique révolution l’avait abolie, la Sainte Messe catholique est célébrée en ce lieu qu’avaient sanctifié des générations de saintes religieuses ! 

Pour la première fois depuis que les Visitandines en furent chassées et que des prêtres y furent condamnés en raison de leur fidélité à la foi catholique, à la Sainte Eglise romaine, et aux engagements solennels de leur sacerdoce, un prêtre catholique, renouant en quelque sorte la chaîne des temps sacrés rompue par la Terreur, a fait descendre sur cet autel notre divin Rédempteur et a élevé, aux regards des fidèles en adoration, l’Hostie Sainte et le Calice du Salut, en même temps que, pour la première fois depuis l’apostasie révolutionnaire, la clochette retentissait et que montaient vers la divine Victime les volutes de l’encens !

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Pour la première fois depuis plus de deux siècles de profanation, un prêtre s’est retourné vers les fidèles en tenant la Sainte Hostie entre ses doigts consacrés et leur a présenté, entre ces murs rendus à l’usage pour lequel ils ont été édifiés, le Pain Vivant descendu du Ciel, l’Agneau sans tache, qu’ils ont pu recevoir dans leurs âmes par la sainte communion !

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Nous sommes dans une immense action de grâces pour la réconciliation de cette chapelle, et pour tout ce que cela représente et symbolise, bien au-delà de l’événement factuel.
Et nous sommes fortifiés dans notre espérance surnaturelle, en nous souvenant de la promesse que fit Notre-Seigneur Jésus-Christ Lui-même à la sainte Visitandine de Paray-le-Monial :
« Il régnera, ce divin Cœur, malgré Satan et tous ceux qui s’y voudront opposer ! »

Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur.

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2019-57. De quelques précisions concernant le vœu de Sa Majesté le Roi Louis XVI au Sacré-Cœur de Jésus.

Vendredi après l’octave du Saint-Sacrement,
Fête du Sacré-Cœur de Jésus.

       A l’occasion de cette fête du Sacré-Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ, je souhaite vous reparler du vœu de Sa Majesté le Roi Louis XVI au Sacré-Cœur.

   La belle prière rédigée par le malheureux Souverain ainsi que, à la suite, les promesses solennelles qu’il adressait au divin Cœur de Notre-Seigneur, ont déjà été publiées dans les pages de ce blogue, et je vous y renvoie > ici.
En complément de la présentation qui en était alors faite, je souhaite vous recopier ici de larges extraits d’un texte que j’ai lu à ce sujet dans l’ouvrage intitulé « Le Sacré-Cœur de Jésus et la Tradition – documents recueillis chez les Pères, les Docteurs, les hagiographes, etc. par le R.P. Xavier de Franciosi de la Compagnie de Jésus » (2e édition – Casterman, éditeurs pontificaux – 1908).

Vœu de Louis XVI - basilique de Montmartre

Louis XVI prononçant son vœu à l’adresse du Sacré-Cœur de Jésus :
on reconnaît, blottis contre Sa Majesté, Madame Royale et le petit Dauphin,
tout de suite derrière le Roi, son confesseur, le Bienheureux François-Louis Hébert, à côté de Sa Majesté la Reine,
et enfin au dernier rang, Madame Elisabeth, sœur du Roi
(mosaïque de l’abside de la basilique du Vœu national au Sacré-Cœur à Montmartre)

Scapulaire Sacré-Coeur

Louis XVI et le Sacré-Cœur :

   « On connaît les malheurs de Louis XVI , sa captivité et sa mort. Dans sa détresse, l’infortuné Prince (…) se tourna vers le Cœur adorable de Jésus. Voici ce qu’on lit à ce propos dans la correspondance de Madame la Marquise de Carcado, et de Mesdames les Comtesses de Lastic et de Saisseval, témoins oculaires.
Le 10 février 1790, Le Roi, déjà prisonnier dans son propre palais des Tuileries, se rendit sous prétexte d’une promenade du côté de Notre-Dame. Il était accompagné de la Reine Marie-Antoinette, de Madame Elisabeth, de Madame Royale, du petit Dauphin, âgé de cinq ans, et de plusieurs dames de la Cour, parmi lesquelles se trouvaient Mesdames de Carcado, de Lastic et de Saisseval.
Arrivé sur le parvis, le Roi témoigna à ses gardes, devenu ses geôliers, le désir d’entrer quelques instants dans l’église métropolitaine. L’ayant obtenu, il s’avança jusqu’au sanctuaire avec les personnes de sa maison, s’agenouilla devant la statue de la Sainte Vierge, et consacra sa personne, sa famille et son royaume au Sacré-Cœur de Jésus. Puis voulant joindre l’aumône à la prière, le pieux monarque, le jeune Dauphin, la Reine, les princesses et leurs dames d’honneur firent vœu de donner chaque année une offrande en l’honneur du Sacré-Cœur de Jésus pour le salut de la France. Deux cœurs furent faits de l’or le plus pur, on y mit les noms des associés. Le premier représentait le Cœur miséricordieux de Jésus, le second le Cœur immaculé de Marie. Plus tard ces deux Cœurs furent envoyés à Notre-Dame de Chartres ; il est probable qu’ils y sont encore aujourd’hui (source : Messager du Cœur de Jésus, tome XXXIX, page 460).
Quoi qu’il en soit, Louis ne s’en tint pas là : dans les premiers mois de 1792, après le funeste retour de Varennes, il fit un nouvel effort auprès du Sacré-Cœur. Sous l’inspiration de Monsieur Hébert, son confesseur et l’un des successeurs du Vénérable Père Eudes, il écrit de sa propre main un projet de vœu qu’on a retrouvé dans ses papiers. »

Ici le Père de Franciosi met le texte intégral du vœu que nous avons déjà publié > ici, puis il poursuit :

   « Après avoir écrit cette consécration de sa main, Louis XVI, le 21 juin 1792, la remit au Père Hébert, supérieur général des Eudistes et son confesseur, lequel, craignant qu’un tel acte ne se perdit, en fit tirer incessamment plusieurs copies. Il en portait toujours une sur lui. Les autres se dispersèrent, à travers mille périls, au milieu des familles chrétiennes. Grâce à cette précaution, le pieux confesseur de Louis XVI put mourir héroïquement, enveloppé quelques jours après dans les massasres du 2 septembre, sans que son martyre entraînât la perte d’un monument si précieux. La plus célèbre des copies du vœu de Louis XVI est due à Mademoiselle Adélaïde de Cicé, elle avait caché cette copie dans la fente d’une muraille, et elle se plaisait à la communiquer à des personnes amies » (sources : Bougaud « Vie de la Bse Marguerite-Marie », chap. XVI ; Messager du Sacré-Cœur, tome XXXIX pp. 418 et 460 ; Alet « La France et le Sacré-Cœur » 2e partie, chap. VII ; R.P. Letierce « Mois du Sacré-Cœur », 22e jour).

A l’appui de ce qui vient d’être dit, voici ce que nous lisons dans « l’Ami de la Religion et du Roi », année 1815, tome IIIe page 77 :

    »On nous a communiqué une prière et un vœu de Louis XVI, qui ont droit d’intéresser les âmes religieuses et sensibles. Il paraît que l’une et l’autre sont du commencement de 1792. Cet infortuné Prince ne se dissimulait pas toute l’étendue des maux qui le menaçaient. touché des malheurs de sa famille et de ceux de son Etat, il rédigea une prière et fit un vœu pour apaiser la colère divine sur la France. Il n’y a pas de doute que la prière et le vœu furent dressés de concert avec M. Hébert, général des Eudistes, son confesseur. Du moins nous connaissons un estimable ecclésiastique, M. l’abbé D., V. de S.L. en L., qui avait des relations avec M. Hébert, et qui fut chargé par lui de transcrire la prière et le vœu. C’est de lui que nous tenons la copie que nous en avons. Il a été appelé dernièrement chez une pieuse princesse qui recueille avec un soin religieux des débris sur une victime chère à sa sensibilité. Interrogé par elle il n’a pas pu assurer si les deux écrits étaient de la main de Louis XVI dont il  ne connaissait pas l’écriture, mais il a certifié qu’ils lui avaient été remis par son confesseur, avec lequel il vivait dans l’intimité. Il paraît même que ces deux pièces ont déjà vu le jour, et qu’elles ont été insérées dans un recueil de prières, imprimé sans nom d’année. Au surplus, elles sont rares et peu connues. Elles donneront une haute idée de la piété de leur auguste auteur. Elles peuvent presque marcher de pair avec ce testament sublime dans sa simplicité, où ce Prince a si bien peint la beauté de ses vues et la religieuse sévérité avec laquelle il se jugeait lui-même. Mais il est temps d’écouter ce vertueux monarque parlant de lui-même… [ici aussi donc, se place le texte déjà publié > ici].
Nous apprenons qu’un autre ecclésiastique, aujourd’hui curé d’une des paroisses de la capitale, M. l’abbé C. curé de B.N., fut chargé par M. Hébert de faire, au nom du Roi, une neuvaine relativement à son vœu. Il la fit en effet dans une maison retirée. Il se rappelle parfaitement le fait, et l’atteste. Nous avons du plaisir à consigner ici ces témoignages et ces détails, qui seront recueillis avec intérêt par les personnes zélées pour la mémoire de l’auguste victime, et empressées de rassembler tout ce qui peut faire éclater ses vertus et constater sa piété. »

Ex-voto de Madame Elisabeth - cathédrale de Chartres

Les deux Cœurs de Jésus et Marie :
ex-voto de Madame Elisabeth de France offert à la cathédrale de Chartres

Addenda – Quelques commentaires personnels sur la publication du R.P. de Franciosi :

   1) – Au premier paragraphe cité ci-dessus, il est question de la visite de Leurs Majestés et de leurs proches à la cathédrale Notre-Dame de Paris, le 10 février 1790. Cette visite est en effet bien attestée par plusieurs personnes qui furent présentes.
Il faut noter que ce 10 février était l’anniversaire de la publication de l’Edit de Saint-Germain (cf. > ici), par lequel Sa Majesté le Roi Louis XIII avait annoncé la consécration de la France à la Très Sainte Vierge Marie. Quand on y réfléchit bien, il paraît tout-à-fait raisonnable de penser que Sa Majesté le Roi Louis XVI savait pertinemment quel anniversaire ramenait ce 10 février et que la « promenade » qui a conduit la Famille Royale jusqu’à Notre-Dame de Paris n’était en rien fortuite. D’autant qu’on voit le Roi s’avancer résolument vers le sanctuaire pour s’aller agenouiller devant la statue de la Très Sainte Vierge Marie.
Quelle prière fut lue par le Roi et les assistants ce jour là ? Ici, les écrits diffèrent.
Certains auteurs disent que c’est Madame Elisabeth qui fit alors distribuer aux assistants une prière copiée sur plusieurs papiers et en concluent qu’il s’agirait donc d’une prière composée par cette sainte princesse elle-même pour demander la conservation de la foi catholique en France.
D’autres écrivent que le Roi prit le texte d’une prière que proposait aux fidèles de passage dans la cathédrale une pieuse femme qui se trouvait là, et qu’il s’agissait d’une prière de consécration au Cœur de Marie.
D’autres enfin, tels les auteurs que cite ici le R.P. de Franciosi, parlent de consécration au Sacré-Coeur de Jésus.
Nous ne pouvons en fait rien assurer de façon absolue, car ce qui est en revanche tout-à-fait certain c’est que le texte de cette prière ne nous est pas parvenu.

   2) – L’ex-voto des deux Cœurs de Jésus et Marie conservé au trésor de la cathédrale de Chartres, dont il est également fait mention dans le premier paragraphe ci-dessus, n’est pas en or, mais en vermeil. Il fut commandé par Madame Elisabeth et envoyé par elle à Notre-Dame de Chartres pour concrétiser sa supplication pour la conservation de la foi catholique dans le Royaume.
Cet ex-voto s’ouvre en effet, comme le montre la photographie ci-dessous, et on y voit écrit non pas tous « les noms des associés » comme le dit le texte cité par le R.P. de Franciosi, mais d’un côté : « le Roi et la famille Royale » et de l’autre « L’Eglise de France ».

intérieur de l'ex-voto de Madame Elisabeth

Intérieur de l’ex-voto de Madame Elisabeth

   3) – Enfin la longue citation de « L’Ami de la Religion et du Roi » apporte le témoignage de deux ecclésiastiques, vivants en 1815 et ayant tous deux connu le Bienheureux François-Louis Hébert (on est alors 23 ans après les événements), en faveur de l’authenticité du vœu de Louis XVI au Sacré-Cœur, niée aujourd’hui par quelques historiens.
Il est tout-à-fait vraisemblable que la « pieuse princesse qui recueille avec un soin religieux des débris sur une victime chère à sa sensibilité » est la fille du Roi-martyr, Marie-Thérèse Charlotte de France, alors duchesse d’Angoulème, dont on sait par de nombreux autres témoignages qu’elle s’est en effet attachée à faire chercher tous les objets ayant appartenus à ses parents qui avaient échappé aux destructions des fanatiques et qui avaient été recueillis par des fidèles. De là l’intérêt qu’elle porte spécialement à savoir si les copies du vœu en possession de ce prêtre, qui n’est mentionné que par ses initiales, sont de la main du feu Roi son père.

Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur.

Voeu de Louis XVI - église du Sacré-Coeur de Douarnenez

Vœu de Sa Majesté le Roi Louis XVI
(détail d’un vitrail de l’église du Sacré-Cœur de Douarnenez)

Scapulaire Sacré-Coeur

2019-55. Le 26 juin, nous fêtons les Bienheureuses Filles de la Charité d’Arras, martyres de la révolution.

26 juin,
Fête de la Bienheureuse Marie-Madeleine Fontaine et de ses compagnes, vierges et martyres ;
Mémoire de Sainte Théodechilde, Fille de France, vierge (cf. > ici) ;
Mémoire des Saints Jean et Paul, martyrs ;

Mémoire du 3ème jour dans l’octave de Saint Jean-Baptiste ;
10ème jour du Jeûne des Apôtres (cf. > ici).

Arras - le beffroi et la petite place

Arras : le beffroi et la petite place

       A la veille de la révolution, la « maison de Charité » d’Arras est une ruche active : sept sœurs de Saint Vincent de Paul y assurent les soins aux malades, la visite des familles pauvres et éduquent les jeunes enfants. Leurs services sont très appréciés de la population.
Comme dans tout le Royaume, à Arras, la révolution va rapidement révéler son véritable visage et les lois anticatholiques vont poser des cas de conscience aux religieuses. L
e 9 avril 1792, la supérieure générale des Filles de la Charité, avait adressé aux sœurs un courrier dans lequel on pouvait lire, entre autres : « Je vous prie de ne pas abandonner le service des pauvres, si vous n’y êtes forcées… Pour pouvoir continuer le service des pauvres, prêtez-vous à tout ce que honnêtement on pourra exiger de vous dans les circonstances présentes, pourvu qu’il n’y ait rien contre la religion, l’Eglise et la conscience. »

   Après l’emprisonnement de la Famille Royale, lorsque la situation devient de plus en plus difficile, la supérieure de la petite communauté d’Arras laisse à ses sœurs le choix de rentrer dans leurs familles, si elles le souhaitent ; une seule d’entre elles le fait. Mais lorsque la Terreur va s’installer de manière plus violente dans la capitale de l’Artois, la supérieure va alors ordonner aux deux plus jeunes de la communauté de partir pour l’exil.
A la fin de l’année 1793, quatre sœurs se trouvent donc à Arras et continuent leurs activités.
Ce sont :

- Sœur Marie-Madeleine Fontaine, originaire d’Etrépagny (Vexin normand), entrée dans la Compagnie en 1748 à l’âge de 25 ans. Supérieure de la communauté, sa sagesse et sa compétence sont largement appréciées.
- Sœur Marie-Françoise Lanel, née en 1745 à Eu (Normandie), entré dans la Compagnie des Filles de la Charité à l’âge de 19 ans.
Sœur Thérèse Fantou, née à Miniac-Morvan (Bretagne) en 1747, devenue Fille de la Charité à 24 ans.
- Sœur Jeanne Gérard, née à Cumières (Lorraine) en 1752, et entrée dans la Compagnie des Filles de la Charité en 1776.

Joseph Lebon

Joseph Lebon, prêtre oratorien apostat

   Le prêtre apostat, Joseph Lebon, envoyé à Arras par le comité de salut public fait régner dans la ville un climat de violence et de peur. La maison de Charité devient « maison de l’Humanité » ; un directeur pointilleux y est installé, surveillant l’activité des sœurs ; les vexations s’intensifient ; les faux témoignages se multiplient. Les héroïques filles de Saint Vincent de Paul sont plusieurs fois sommées de prêter le serment dit de « liberté-égalité », mais elles le repoussent énergiquement comme contraire à leurs consciences.
Le pape Benoît XV a loué leur attitude en ces termes : 

    »Elles refusèrent de prêter un serment pour des lois iniques, parce qu’elles voulurent garder immaculée leur foi, parce qu’elles n’écoutèrent que la voix de la conscience, qui les avertissait de ne pas s’écarter non seulement des commandements, mais des conseils du Chef suprême de l’Eglise. »

   Le 14 février 1794, les sœurs sont arrêtées et conduites à l’abbatiale Saint-Vaast, transformée en prison, puis à celle de la Providence. Près des prisonnières, désemparées devant l’incertitude de leur avenir, elles apportent écoute et compassion. Sept semaines après leur incarcération, le 4 avril, les sœurs subissent un premier interrogatoire devant deux membres du comité de surveillance, les citoyens Pater et Boizard, décidés à ne pas traîner. Le principal chef d’accusation sera qu’on a découvert dans leur maison des exemplaires de publications contre-révolutionnaires (sans doute mises là par le directeur qu’on leur avait imposé).
Voici le procès verbal de l’interrogatoire de Sœur Marie-Madeleine Fontaine :

    »L’an deuxième de la République une et indivisible, le quinze germinal, en exécution de l’arrêté du Comité de surveillance et révolutionnaire de ce jour, a été amenée, pardevant les membres qui le composent, Madeleine Fontaine, laquelle a répondu de la manière suivante aux questions qui lui ont été proposées :
Interrogée de ses nom, surnom, âge, qualité et demeure – A répondu s’appeler Madeleine Fontaine, âgée de soixante onze ans, cy-devant sœur de la Charité d’Arras, actuellement en la maison d’arrêt dite de la Providence.
A elle demandé si elle sait pourquoi elle est en la maison d’arrêt. – A répondu que non.
A elle demandé si elle en soupçonne le motif. – A répondu qu’elle soupçonne que c’est à cause qu’elle a refusé de prêter le serment, ne le devant pas, n’étant pas religieuse [Note : en effet, selon l’usage de l’époque, les Filles de la Charité, qui ne prononcent pas des vœux solennels et ne sont pas des cloîtrées, ne sont pas considérées comme des religieuses au sens canonique strict, et de ce fait donc elles arguent ne pas être obligés par le serment que la loi impose à tous les religieux et religieuses] .
A elle demandé qu’elles (sic) étoient ses liaisons pendant qu’elle étoit sœur de la Charité. – A répondu qu’elle n’en a eu qu’avec les pauvres au service desquels elle s’étoit dévouée.
A elle demandé si elle lisoit les papiers publics, et si elle en recevoit pour sa maison. – A répondu que non, qu’elle n’étoit pas assez riche pour cela.
A elle demandé si personne ne les lui faisoit passer journellement. – A répondu que non, qu’elle n’avoit pas le tems de s’abonner.
A elle demandé si elle n’a pas lu l’Ami des Campagnes et la Protestation des catoliques d’Alais et le Courrier Boîteux. – A répondu que non.
A elle demandé si elle a connoissance qu’il ait été déposé ches elle, quelques paquets de Gazettes Marchand, un paquet du Courrier Boîteux et les brochures cydessus. – A répondu que non.
A elle représenté lesdits paquets et demandé si elle les a vus ou s’ils ont appartenu à sa maison. – A répondu que non.
Lecture faite à laditte Fontaine de ses réponses aux interrogats (sic) cydessus. – Elle a déclaré qu’elles contiennent vérité et a signé.
Madeleine FONTAINE - PATER - BOIZARD, président. »

Dans la soirée de ce 4 avril, le Comité de surveillance se réunit pour la seconde fois et prit l’arrêté suivant :

    »Vu la dénonciation couchée, cejourd’hui, sur le registre reposant en la secrétairerie du Comité de surveillance et révolutionnaire d’Arras, par le citoyen Mury, directeur de la Maison de secours dite de la Charité, la déposition d’Eugénie Mury sa fille, aussi de cejourd’hui, les réponses des nommées Madeleine Fontaine, Marie Lanel, Madeleine Fanto (sic) et Jeanne Gérard, toutes quatre cy-devant soeurs de la Charité, actuellement détenues en la maison d’arrêt dite de la Providence, aux interrogats (sic) qui leur ont été aussi cejourd’hui proposés.
L’Assemblée, considérant qu’il résulte des pièces ci-dessus une violente présomption que lesdites Fontaine, Lanel, Fanto et Gérard ont caché en la maison par elles ci-devant habitée, des papiers de gazettes contre-révolutionnaires et tendant à exciter à la révolte et allumer la guerre civile dans ce département.
Arrête, que lesdites Fontaine, Lanel, Fanto et Gérard seront conduite en la maison d’arrêt du tribunal révolutionnaire du département, et que les pièces ci-dessus reprises, ensemble le présent arrêté, seront envoyés à l’Administration du District d’Arras dans les vingt-quatre heures, conformément aux dispositions de la loi du dix-huit nivôse dernier.
BOIZARD, Président - GUILLEMAN, Secrétaire. »

   Ainsi de la négation unanime des quatre accusées, jointe à l’invraisemblance du fait reproché, et à l’impossibilité de trouver une preuve juridique, il résulte pour les juges de Joseph Lebon « une violente présomption » que les sœurs sont coupables.
Elles sont alors conduites à la maison d’arrêt des Baudets. Le registre aux écrous de cette prison fait mention de leur entrée, à la date du 16 germinal (5 avril) :

    »L’an 2e de la République une et indivisible ont été amenées en la maison des Baudets, les citoyennes Madeleine Fontaine, Marie Lanel, Madeleine Fanto (sic) et Jeanne Gérard, toutes quatre cy-devant soeurs de la Charité, transférées de la maison de la Providence, et ce, par ordre du Comité de surveillance et révolutionnaire d’Arras, avec défense au gardien de les laisser sortir avant qu’il en soit autrement ordonné. » 

   Dans leur nouvelle prison, les sœurs trouvèrent plus de désolation et de tristesse que dans la maison de la Providence. La maison d’arrêt des Baudets d’Arras était de fait, comme la Conciergerie à Paris, le vestibule du tribunal révolutionnaire, sinon le premier degré de l’échafaud.
Elles y furent retenues 
quatre-vingt-deux jours, du 5 avril au 25 juin. Pendant les douze semaines de cette détention en ce lieu de tourments, les sœurs virent de plus près les souffrances, parfois atroces, de leurs malheureux compagnons de captivité.

   Quelques rares échos de leurs sentiments intimes sont arrivés jusqu’à nous. La sœur Fantou parvint à donner des nouvelles à sa famille ; une lettre longtemps conservée et malheureusement perdue aujourd’hui, résumait l’état d’âme des Filles de Saint Vincent.
Vivement frappées de la désolation qui régnait autour d’elles, elles souffraient surtout de voir tant d’innocents jetés chaque jour dans les cachots, puis, appelés pour être contraints de monter dans les fatales charrettes qui les emmenaient à Cambrai où était dressée la guillotine. Sans illusions pour elles-mêmes, elles n’attendaient plus que la mort et se préparaient généreusement à consommer leur sacrifice.
La sœur Fantou avait appris la terrible persécution qui sévissait en Bretagne, au lendemain de la défaite de la Grande Armée Catholique et Royale, et, du fond de sa prison, elle recommanda aux siens d’être fidèles à la Religion et à Dieu, et de tout souffrir plutôt que d’abandonner leur Foi.

   Le dimanche 25 juin, un convoi régulier était déjà parti. Après les transes mortelles de l’appel des condamnés et la tristesse des adieux, les détenus des Baudets se croyaient pour ce jour, à l’abri de nouvelles alertes, quand tout à coup arriva de Cambrai une lettre de l’accusateur public Caubrière, disant au citoyen Ansart, agent national près le District :

    »Frère, fais partir, sitôt la réception de la présente, les quatre ci-devant sœurs de la Charité dont l’administration a fait passer les pièces au représentant. Ne perds pas un instant. Fais-les venir la nuit au grand trot. Je compte sur ton zèle pour la punition des conspirateurs : je les attends donc demain de très grand matin.
J. CAUBRIERE. »

   La suscription portait ces mots significatifs : « Très pressé : par ordonnance. »
Un convoi extraordinaire fut aussitôt organisé, qui s’ébranla à 1 h du matin.

transfert des soeurs d'arras à cambrai

Transfert des Filles de la Charité d’Arras vers l’échafaud
(tableau, dans l’église de Miniac-Morvan, village natal de la Sœur Thérèse Fantou)

   A son arrivée à Cambrai, vers 8 h 30, la charrette fut dirigée sur la maison d’arrêt du tribunal, située rue de la Force, tout près de l’Hôtel-de-Ville. Le geôlier n’attendait pas les nouvelles venues : mécontent, il prétexta le trop-plein de la prison. La voiture dut se remettre en marche et prendre le chemin de l’ancien séminaire où on les enferme dans la chapelle. La nouvelle se répandit très vite que des sœurs d’Arras venaient d’arriver et qu’elles étaient conduites directement au tribunal et à l’échafaud. Des femmes du peuple très émues de ce douloureux spectacle et ne voulant pas se trouver sur la place en face de la guillotine, quand coulerait le sang des vierges consacrées à Dieu, vendirent au plus tôt, presque pour rien, leurs légumes, beurre ou autres produits, et quittèrent le marché.

   Le moment arriva pour les sœurs de comparaître devant ces hommes qui n’avaient rien d’humain. Elles suivirent le couloir intérieur de la salle, gravirent l’escalier rapide de la grande estrade et parurent aux regards d’une foule plutôt sympathique ; mais la condamnation à mort était inévitable, elle ne se fit pas attendre.

   La Sœur Marie-Madeleine Fontaine, principale accusée, fut condamnée la première comme

« pieuse contre-révolutionnaire, ayant conservé pieusement et même caché sous un tas de paille une foule de brochures et de journaux renfermant le royalisme le plus effréné, ayant refusé le serment, ayant même insulté aux commissaires du district en leur disant que cela n’irait pas, qu’il n’y avait plus de diable (sic) dans l’enfer, qu’ils étaient sur la terre ».

   La même peine était portée contre les sœurs Jeanne Gérard, Marie Lanel, Thérèse-Madeleine Fantou, « complices de ladite Madeleine Fontaine. »

   Le peuple savait bien que la véritable cause de la prison et de la mort des sœurs, était leur titre de vierges consacrées à Dieu, leur attachement inébranlable à la religion chrétienne et à leur saint état. Aussi n’y eut-il aucun cri d’approbation ni applaudissement à l’énoncé de la sentence. Les sœurs  furent donc amenées aux bourreaux charger de procéder à leur « toilette ».
Les sœurs tenaient à la main leurs chapelets, dont la récitation les consolait et soutenait leur courage. Le bourreau voulut les leur enlever, pour leur lier les mains derrière le dos. Elles, jusque-là douces comme des agneaux et, en apparence, insensibles à tout, à l’exemple du divin Maître, elles s’étaient laissé arrêter, conduire dans différentes prisons, traduire devant les juges sans opposer la moindre résistance, pour la première fois, se montrèrent indignées, se redressèrent vivement, pressèrent le chapelet sur leur poitrine et refusèrent catégoriquement de s’en dessaisir. Un des accusateurs publics, Darthé, ordonna grossièrement d’aller de l’avant et de leur arracher ce qu’il appelait des amulettes ; l’huissier André, plus spirituel, voulut soulever l’hilarité des spectateurs habitués à se moquer des choses les plus saintes, et, dans ce but, il proposa de placer les chapelets en forme de couronne sur la tête des victimes, ce qui fut accepté.
Les sœurs virent dans cette couronne une preuve touchante de la bienveillance spéciale que leur témoignait leur Mère du Ciel, et 
parées de leur virginale couronne, fortes d’une fidélité inébranlable à leur vocation et à leurs vœux, elles allèrent à la mort et au triomphe avec une douce joie. Elles continuèrent de prier sous le regards de la foule pressée autour de la charrette, et en imposèrent aux plus malveillants. Le silence réservé, sympathique, qui avait accueilli leur condamnation, les accompagna dans les rues de Cambrai.

   L’attitude de la Sœur Fontaine frappait plus particulièrement les assistants : elle était l’âme du groupe, elle avait davantage l’air inspiré et c’est elle surtout qui parlait et consolait au nom du Bon Dieu.

Filles de la Charité d'Arras

Le martyre des Filles de la Charité d’Arras
à Cambrai le lundi 26 juin 1794

   Sur la Place d’Armes, au pied de la guillotine, les sœurs tombèrent à genoux et attendirent, dans la prière, le moment de consommer leur sacrifice ; bientôt elles gravirent lentement, l’une après l’autre, les degrés sanglants de l’échafaud ; on entendit plusieurs fois, coup sur coup, le cliquetis funèbre du lourd couteau et on vit rouler trois têtes.
La Sœur Fontaine mourut la dernière. Avant de se présenter au bourreau, elle voulut, une dernière fois, adresser des paroles de consolation et d’espérance au peuple assemblé qui n’avait cessé de les respecter, elle et ses compagnes. Elle s’avança vers lui, nous dit une lettre du temps, et, pleine de foi et de confiance, elle cria avec force : « Chrétiens, écoutez-moi. Nous sommes les dernières victimes. Demain la persécution aura cessé, l’échafaud sera détruit, et les autels de Jésus se relèveront glorieux. » Sa tête roula sur la place et alla heurter celles des trois compagnes, tandis que sa belle âme, unie aux leurs, montait au ciel.
Leurs corps furent jetés dans la fosse commune du cimetière de la porte Notre-Dame, appelé aujourd’hui cimetière Saint-Géry.

   Elles ont été béatifiées le 13 juin 1920 par Sa Sainteté le pape Benoît XV.

nika

Oraison :

   Dieu éternel et tout-puissant, Vous avez donné aux Bienheureuses Marie-Madeleine, Marie-Françoise, Thérèse et Jeanne, le courage de mourir pour la liberté de la Foi : que leur prière nous obtienne la grâce de supporter toute adversité par amour du Christ et de tendre de toutes nos forces jusqu’à Lui qui vit et règne avec Vous, dans l’unité du Saint-Esprit, pour les siècles des siècles.
Ainsi soit-il.

palmes

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