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2021-63. Méditation sur les paraboles du grain de sénevé et du levain enfoui dans la pâte (6ème dimanche après l’Epiphanie).

6ème dimanche après l’Epiphanie.

       La péricope évangélique de la parabole du grain de sénevé suivie de celle du levain dans la pâte, se trouve, en fonction des années, tantôt à un dimanche du mois de février, lorsque la fête de Pâques arrive à la fin avril et qu’en conséquence le dimanche de la Septuagésime arrive au plus tard qu’il soit possible dans le cycle liturgique, tantôt (et en fait la plupart du temps) en novembre, une semaine avant le 24ème et dernier dimanche après la Pentecôte qui clôt le cycle liturgique dominical.
Voici les méditations du Révérend Père Gabriel de Sainte Marie-Madeleine, carme déchaux, pour ce dimanche.

Sinapis - le sénevé moutarde des champs

le sénevé ou moutarde des champs

Présence de Dieu : 

Que Votre règne arrive sur toute la terre, Seigneur, et dans mon cœur !

Méditation :

   1 – La parabole du grain de sénevé émerge aujourd’hui des textes de la Messe. Elle est très brève, mais très lourde de sens : « Le Royaume des Cieux est comparable à un grain de sénevé qu’un homme a pris et semé dans son champ. C’est bien la plus petite de toutes les graines, mais, quand il a poussé, c’est la plus grande des plantes potagères, qui devient un arbre, au point que les oiseaux du ciel viennent s’abriter dans ses branches » (Matth. XIII, 31-32).
Rien de plus petit, de plus humble que le « Royaume des Cieux », c’est-à-dire l’Eglise à ses origines : Jésus, son Chef et Fondateur, naît dans une étable. Il vit pendant trente ans dans la boutique d’un artisan, et pendant les trois années que dure Son œuvre, Il prêche aux pauvres gens une doctrine si simple que tous, même les illettrés, peuvent la comprendre. Quand Jésus quitte la terre, l’Eglise est constituée par un petit groupe de douze hommes, rassemblés autour d’une humble femme, Marie ; mais ce premier noyau possède une force vitale si puissante, qu’en peu d’années il se répand dans tous les pays du vaste empire romain. Ce minuscule grain de sénevé, semé dans le cœur d’une Vierge-Mère et de douze pauvres pêcheurs devient peu à peu, à travers les siècles, un arbre gigantesque qui étend ses rameaux dans toutes les régions du globe et à l’ombre duquel se réfugient des gens de toute langue et de toute nation.
L’Eglise n’est pas seulement une société d’hommes, mais d’hommes qui ont pour Chef Jésus, le Fils de Dieu ; l’Eglise est le Christ total, c’est-à-dire Jésus plus Ses fidèles incorporés à Lui et formant avec Lui un corps unique. L’Eglise est le Corps mystique du Christ dont chaque baptisé est un membre.
Aimer l’Eglise, c’est aimer Jésus ; travailler à la diffusion de l’Eglise, c’est travailler à l’accroissement du Corps mystique du Christ, afin que le nombre de Ses membres soit complet et que chaque membre coopère à sa splendeur. La brève invocation : « Adveniat regnum tuum », résume tout cela, et le demande au Père.
Faisons au moins de tout cœur le peu que nous pouvons pour la diffusion de l’Eglise.
Coopérons nous aussi par notre pauvre travail – vrai grain de sénevé – au développement de cet arbre merveilleux dans lequel tous les hommes doivent trouver salut et repos.

pinson des arbres

   2 – Outre le développement du Royaume de Dieu dans le monde, la parabole du grain de sénevé nous fait penser encore au développement de ce Royaume dans notre cœur. Jésus n’a-t-il pas dit : « Le Royaume de Dieu est parmi vous » (Luc. XVII, 21) ? En nous aussi, ce Royaume merveilleux a débuté par un petit germe, celui de la grâce : grâce sanctifiante, semée en nous par Dieu au saint Baptême ; grâce actuelle des bonnes inspirations, de la parole divine « semen est verbum Dei » (Luc. VIII, 11), que Jésus, le céleste Semeur, a jetée à pleines mains dans nos âmes.
Cette petite semence a germé lentement, elle a jeté des racines toujours plus profondes, elle a grandi en pénétrant progressivement tout notre esprit, jusqu’à ce qu’elle nous ait conquis entièrement à Dieu, jusqu’à ce que nous ayons senti le besoin de dire : Seigneur, tout ce que j’ai, tout ce que je suis est Vôtre ; je me donne à Vous tout entier. Je veux être Votre Royaume.
Etre totalement Royaume de Dieu, de manière qu’Il soit l’unique Souverain et Dominateur de notre cœur et qu’en nous il n’existe rien qui ne Lui appartienne ou ne soit soumis à Son gouvernement, tel est l’idéal de l’âme qui aime Dieu d’un amour total.
Mais comment arriver au plein développement de ce Royaume de Dieu parmi nous ?
La deuxième parabole de l’Evangile de ce jour nous l’apprend : « Le Royaume des Cieux est semblable à du levain qu’une femme a pris et enfoui dans trois mesures de farine, jusqu’à ce que le tout ait levé » (Matth. XIII, 33). Voilà une autre image, très belle, du travail que la grâce doit accomplir dans notre âme : la grâce a été mise en nous comme un levain qui doit augmenter peu à peu jusqu’à imprégner toute notre personnalité et la diviniser totalement. La grâce, divin levain, nous a été donnée pour guérir, élever, sanctifier notre être avec toutes ses puissances et facultés ; lorsqu’elle aura conduit ce travail à terme, nous serons entièrement Royaume de Dieu.
Réfléchissons encore au grand problème de notre correspondance à la grâce. Cette semence divine, ce levain surnaturel en nous ; qui pourra l’empêcher de devenir un arbre gigantesque, capable d’abriter d’autres âmes, qui pourra empêcher le levain de fermenter toute la masse, si nous enlevons tous les obstacles qui s’opposent à son développement, si nous secondons tous ses mouvements, toutes ses exigences ?
« Adveniat regnum tuum ! » Oui, demandons aussi l’avènement total du Royaume de Dieu dans nos cœurs. 

pétrissage du pain

Colloque :

   « Seigneur, mon Dieu, qui m’avez créé à Votre image et à Votre ressemblance, accordez-moi cette grâce dont Vous m’avez fait comprendre l’importance et la nécessité, afin que je puisse vaincre, avec son secours, la nature corrompue qui m’entraîne au péché et à la perdition. Je sens dans ma chair la tendance au péché, qui s’oppose à la loi de mon esprit et qui me tient captif dans les chaînes de la sensualité. Je ne puis résister à sa tyrannie, Seigneur, si Votre grâce ne me soutient, si elle ne communique son ardeur à mon âme.
Ah ! Seigneur, je ne puis rien faire sans la grâce, mais avec son secours, je suis capable de tout.
O grâce vraiment céleste, sans laquelle toutes les qualités de la nature sont de nulle valeur ! O grâce très sainte, qui faites riches en vertus ceux qui sont pauvres en esprit, qui rendez humbles de cœur ceux qui sont comblés de richesses, venez en moi ; remplissez aujourd’hui mon âme de célestes consolations, afin que je ne tombe pas en défaillance, accablé de lassitude et de sécheresse.
Faites, Seigneur, que je trouve grâce devant Vous : Votre grâce seule me suffit, quand je n’obtiendrais rien de tout ce que la nature désire. Quand je serais exposé aux tentations et aux tribulations, je ne craindrai rien tant que Votre grâce ne m’abandonnera pas. Elle est ma force, mon secours et mon conseil, elle est plus puissante que tous mes ennemis, elle a plus de sagesse que tous les sages ensemble.
Faites donc, mon Dieu, que Votre grâce me prévienne et m’accompagne toujours, qu’elle me rende sans cesse attentif à la pratique des bonnes œuvres, par Jésus-Christ Votre Fils. Ainsi soit-il ! » (Imitation de Jésus-Christ, III, 55).

Rd Père Gabriel de Sainte Marie-Madeleine, ocd.
In « Intimité divine – méditations sur la vie intérieure pour tous les jours de l’année »
Tome II pp. 642-646

Cierge dans la pénombre

2021-62. Avec Votre secours, Seigneur, nous avons accompli Vos ordres, daignez accomplir Vos promesses.

13 novembre,
Fête de tous les Saints de l’Ordre de Saint Augustin ;
Mémoire de Saint Stanislas Kotska ;
Anniversaire de la promulgation de la profession de foi tridentine (cf. > ici).

       C’est au jour de l’anniversaire de la naissance de notre Bienheureux Père Saint Augustin (13 novembre 354) que, conformément à un usage qui existe à des dates diverses dans les jours qui suivent la Toussaint pour un grand nombre de diocèses ou d’ordres religieux qui fêtent d’une manière spéciale tous les saints auxquels ils ont donné naissance au Ciel, les livres liturgiques traditionnels des congrégations de la famille augustinienne assignent la célébration de la fête de tous les Saints de l’Ordre de Saint Augustin.

   A cette occasion, nous vous proposons de lire et de méditer sur le sermon XXXI de notre glorieux Père Saint Augustin, car il peut particulièrement s’accorder à l’esprit de cette fête : ceux qui ont embrassé la vie religieuse – selon les multiples formes de vie parfaite que la Règle de Saint Augustin a pu inspirer (vie canoniale, vie érémitique, vie contemplative ou semi contemplative, vie apostolique : enseignante, hospitalière, prédicatrice… etc.) – se sont engagés dans les champs du Seigneur pour y jeter la bonne semence puis pour y œuvrer à une moisson laborieuse. Cette vie, qui comporte tant de renoncements et de sacrifices, peut générer bien des souffrances et bien des larmes, mais elle leur vaudra pour récompense une joie éternelle.
Ainsi s’accomplira la prophétie du saint roi David : « Ceux qui sèment dans les larmes moissonneront dans la joie » (Ps. CXXV).

Saint Augustin donnant sa Règle

Saint Augustin remettant sa Règle à ses disciples

frise

Sermon XXXI de notre Bienheureux Père Saint Augustin
sur
les larmes et la joie des justes :

§ 1. Saint Augustin s’attache à commenter les paroles du roi-prophète David dans le psaume CXXV « Ceux qui sèment dans les larmes moissonneront dans la joie » et incite ses auditeurs à s’interroger sur leur sens :

   Le psaume que nous venons de chanter en l’honneur de Dieu paraît convenir aux saints martyrs ; mais si nous sommes les membres du Christ, comme nous devons l’être, comprenons que ce psaume nous regarde tous.
« Ceux qui sèment dans les larmes moissonneront dans la joie. Ils allaient et pleuraient en répandant leurs semences ; ils reviendront avec allégresse, portant leurs gerbes dans leurs mains » (Ps.  CXXV, 5).
Où vont-ils et d’où viennent-ils ? Que sèment-ils dans les larmes ? Quelles sont leurs 
semences ? Quelles sont leurs gerbes ? Ils courent à la mort et viennent de la mort. Ils y courent en naissant, ils en viennent en ressuscitant. Ils sèment les bonnes œuvres et moissonnent l’éternelle récompense. Ainsi nos semences sont toutes les bonnes œuvres que nous faisons, et nos gerbes la récompense que nous recevrons à la fin.
Mais si ces semences fécondes sont les bonnes œuvres, pourquoi les accompagner de larmes, attendu que Dieu aime celui qui donne avec joie (cf. 2 Cor. IX, 7)?

§ 2. Ces paroles du psaume semblent s’appliquer prioritairement aux martyrs, mais pas uniquement : elles doivent s’appliquer à tous les fidèles :

   Remarquez d’abord, mes très-chers, comment ces paroles s’appliquent surtout aux bienheureux martyrs. Quels autres ont sacrifié autant qu’eux, puisqu’ils se sont sacrifiés eux-mêmes selon cette expression de l’Apôtre Paul : « Pour  moi je me sacrifierai moi-même pour vos âmes » (2 Cor. XII, 15) ? Ils se sont sacrifiés en confessant le Christ, et en accomplissant avec son secours cet oracle : « Es-tu assis à une grande table ? Sache que tu dois rendre autant » (Ecclési. XXXI, 12). Quelle est la grande table, sinon celle où nous recevons le corps et le sang du Christ ? Et que signifie : « Sache que tu dois rendre autant », sinon ce que dit ici le bienheureux Jean : « Comme le Christ a donné Sa vie pour nous, ainsi nous devons donner notre vie pour nos frères » (1 Joan. III, 16) ? Voilà ce qu’ont sacrifié les martyrs.
Mais ont-ils péri après avoir été rassurés par le Seigneur sur le sort même d’un seul de leurs cheveux  (cf. Luc. XXI, 18)? La main périt-elle quand il n’en périt pas le moindre poil ? La tête périt-elle, quand il n’en périt pas un seul cheveu ? Et l’œil périt-il quand la paupière ne périt pas ? Les martyrs se sont donc sacrifiés après avoir reçu, cette magnifique assurance.
Et nous, tant qu’il en est temps encore, semons les bonnes œuvres. L’Apôtre ne dit-il pas « Qui sème peu, moissonnera peu » (2 Cor. X, 6)? et encore : « Sans nous lasser et tant que nous en avons le temps, faisons du bien à tous, principalement aux membres de la foi » (Gal. VI, 10) ? Il dit aussi « Ne nous lassons point de faire le bien ; car nous moissonnerons, une fois le temps venu » (Gal. VI, 9). Qui cessera de semer, n’aura point la joie de moissonner.

§ 3. C’est le Christ Lui-même qui parle dans l’oracle du psaume, Lui qui a pris sur Lui les faiblesses des membres de Son corps mystique. Exemple de Saint Paul.

   Pourquoi des larmes, puisque toutes nos bonnes œuvres doivent être faites avec joie ?
Les martyrs sans doute ont semé dans les larmes, car ils ont vigoureusement combattu et soutenu de rudes épreuves ; et pour adoucir leurs douleurs, le Christ les a personnifiés en Lui-même quand Il a dit : « Mon âme est triste jusqu’à la mort ».
Cependant, mes frères, il me semble que notre Chef compatissait alors aux plus faibles de Ses membres ; Il craignait qu’ils ne tombassent dans le désespoir, qu’entraînés par l’humaine faiblesse ils ne se troublassent aux approches de la mort, et qu’ils ne se crussent délaissés de Dieu, attendu qu’ils seraient dans la joie s’ils Lui étaient agréables.
Pour ce motif le Christ a dit auparavant : « Mon âme est triste jusqu’à la 
mort, S’il est possible, mon Père, que ce calice s’éloigne de Moi »  (Matth. XXVI, 38,-39). Qui tient ce langage ? Quelle puissance ? Quelle faiblesse ? Écoutez ce qu’Il dit : « J’ai le pouvoir de donner Mon âme, et J’ai le pouvoir de la reprendre. Personne ne Me la ravit, mais Je la donne et la reprends » (Joan. X, 18). Cette puissance était triste en faisant ce qu’elle n’aurait point fait si elle avait voulu. Car il agissait alors parce qu’Il le pouvait, non parce qu’Il y était obligé ; parce qu’Il le voulait, non parce que les Juifs étaient plus forts que Lui ; et ce sont bien les membres infirmes de Son corps qu’Il a personnifiés en Lui.
N’est-ce pas d’eux aussi, c’est-à-dire des plus faibles, qu’il est dit : « Ceux qui sèment dans les larmes moissonneront dans la joie »? Car il ne semait pas dans les larmes ce grand héraut du Christ quand il disait : « Déjà on m’immole et le moment de ma dissolution approche. J’ai combattu le bon combat, j’ai consommé ma course, j’ai gardé la foi : reste la couronne de justice », la couronne d’épis ; « elle m’est réservée, dit-il, et le Seigneur, le juste juge, me le rendra en ce jour » (2 Tim. IV, 6-8) : comme s’il disait : Il m’accordera de moissonner, puisque je me sacrifie à semer pour Lui.
Autant, mes frères, que nous pouvons le comprendre, ce langage est l’expression de la joie, non de la douleur. Paul était-il dans les larmes en parlant ainsi ? Ne ressemblait-il pas plutôt à celui qui donne avec joie et que Dieu chérit ? Ainsi donc appliquons aux faibles l’oracle du psaume ; de peur que ces faibles ne désespèrent après avoir semé dans les larmes : s’ils ont semé dans les larmes, est-ce que la douleur et les gémissements ne passeront point ? Est-ce que la tristesse ne finira point avec la vie, pour être remplacée par une joie qui ne finira jamais ?

§ 4. Les pleurs accompagnent l’homme du début à la fin de sa vie. Mais les pleurs des justes ont bien d’autres causes que les larmes de ceux qui sont attachés à la terre sans considération spirituelle. Et les justes ont sans doute bien davantage de raisons ici-bas à verser des larmes.

   Voici cependant, mes très-chers, comment il me semble qu’à tous s’appliquent ces paroles : « Ceux qui sèment dans les larmes moissonneront dans la joie. Ils allaient et pleuraient en répandant leurs semences ; ils reviendront avec allégresse, portant leurs gerbes dans leurs mains ».  Écoutez donc : peut-être me sera-t-il possible, avec l’aide du Seigneur, de vous expliquer comment on peut dire de tous qu’ils « allaient et pleuraient ».
Dès notre naissance nous marchons. En effet, qui s’arrête ? Qui n’est forcé de marcher en entrant dans la vie ? Un enfant vient de naître, en se développant il marche, il ne cessera de marcher qu’à la mort. Il lui faudra revenir alors, mais avec allégresse.
Et qui ne pleure dans cette triste vie, puisque l’enfant même commence par là ? Cet enfant est jeté en naissant du sein étroit de sa mère dans ce monde immense, il passe des ténèbres à la lumière ; et toutefois, en passant des ténèbres à la lumière, il ne peut voir, mais il peut pleurer.
Telle est en effet cette vie, que dans les moments de gaîté on doit craindre de s’égarer, et qu’au moment des pleurs, on prie d’en être délivré : un chagrin s’en va pour faire place à un autre. Les hommes rient et ils pleurent ; et il faut pleurer surtout de ce qui les fait rire. L’un pleure un dommage éprouvé par lui ; l’autre pleure la gêne qu’il endure, car il est dans les cachots ; un autre encore pleure la mort de l’un de ses plus chers amis ; celui-ci pour une chose, celui-là pour une autre. Et le juste ? Il pleure d’abord de tout cela : car il pleure avec mérite ceux qui pleurent sans mérite. Il pleure ceux qui pleurent, il pleure aussi ceux qui rient ; car c’est pleurer follement que de pleurer pour des choses vaines ; et rire aussi de choses vaines, c’est rire pour son malheur. Le juste pleure partout, il pleure donc davantage.

§ 5. Les larmes des justes : ils pleurent de voir tant d’âmes livrées à la vanité ; ils pleurent pour obtenir la grâce divine ; ils pleurent d’entendre si souvent des blasphèmes…

   Mais « ils viendront avec allégresse, portant leurs gerbes dans leurs mains ».
Vois-tu ici la joie de l’homme juste lorsqu’il fait le bien ? Sans doute il est alors dans la joie ; car « Dieu aime celui qui donne avec joie » (2 Cor. IX, 7). Quand donc pleure-t-il ? Quand il demande de faire ses bonnes œuvres. Le psaume a voulu recommander la prière aux saints, la prière aux voyageurs, la prière à ceux qui se fatiguent sur ce chemin, la prière à ceux qui aiment, la prière à ceux qui gémissent, la prière à ceux qui soupirent après l’éternelle patrie, jusqu’à ce que les affligés d’aujourd’hui soient heureux de la voir.
Car, mes frères, tant que nous sommes dans ce corps nous voyageons loin du Seigneur (2 Cor. V, 6) ; et voyager sans pleurer, ce n’est pas soupirer après la patrie. Si tu la désires réellement, répands des larmes ; comment, sans cela, pourras-tu dire à Dieu : « Vous avez mis mes larmes devant Vos yeux » (Ps. LV, 9)? Comment pourras-tu Lui dire encore : « Mes larmes, jour et nuit, sont ma nourriture » ?
Elles sont ma nourriture, elles calment mes gémissements, elles apaisent ma faim. « Elles sont, jour et nuit, ma nourriture »; pourquoi ? « Parce qu’on me dit chaque jour : Où est ton Dieu ?» (Ps. XLI, 4).
Quel juste n’a répandu de ces larmes ? N’en avoir pas versé, c’est n’avoir pas gémi sur son pèlerinage. Mais de quel front entrer dans la patrie, si dans l’éloignement on n’a pas soupiré après elle ? Chaque jour ne nous dit-on pas : « Où est ton Dieu ? » Apprenez, mes frères, apprenez à être du petit nombre. Que votre vie soit bonne, marchez dans la voie de Dieu et observez qu’on vous dit : « Où est ton Dieu ?» Heureux si on vous le dit, malheureux si vous le dites. Quand nous défendons la foi chrétienne et qu’on nous répond : Le nom du Christ se prêche partout, pourquoi les calamités sont-elles multipliées ? n’est-ce pas comme si l’on nous disait : « Où est ton Dieu ?» On gémit en entendant ce langage, parce qu’on périt en le prononçant.

§ 6. La récompense des larmes des justes est assurée ; alors que les impies, après avoir pleuré sur eux-mêmes, ne quitteront cette vie passagère que pour pleurer toujours dans l’enfer éternel.

   Les hommes religieux, les hommes saints répandent des larmes ; on les voit dans leurs prières. Ils sont gais en faisant le bien, mais ils pleurent pour obtenir de le faire, et ils pleurent après l’avoir fait. En pleurant ils cherchent à le faire, en pleurant ils le mettent en sûreté après l’avoir fait. Ainsi les larmes des justes sont fréquentes dans cette vie, le seront-elles dans la patrie ? Pourquoi pas ? Parce qu’ils « reviendront avec allégresse, portant les gerbes dans leurs mains ». La félicité se montre, les larmes reparaissent-elles ?
Quant à ceux qui rient vainement ici et qui vainement pleurent, emportés par leurs passions ; qui gémissent quand on les a trompés et qui se réjouissent quand il trompent ; ils pleurent aussi le long de ce chemin, mais on ne peut dire d’eux qu’ « ils viendront dans l’allégresse, portant leurs gerbes dans leurs mains ».
Que moissonnent-ils, sans avoir rien semé ? Hélas ! ils moissonnent ce qu’ils ont semé ; ils ont semé des épines, ils moissonnent des flammes. Ils ne vont pas des larmes à la joie, comme les saints qui « allaient et pleuraient, en répandant leurs semences et qui viendront dans la joie ». Infortunés ! il passent des larmes aux larmes, des larmes mêlée de quelque joie aux larmes privées de toute joie. Et que deviendront-ils ? Où vont-ils après la résurrection ? Où ? n’est-ce pas où a dit le Seigneur : « Liez-lui les mains et les pieds, puis le jetez dans les ténèbres extérieures ».
— Et ensuite ?
— Crois-tu que ces ténèbres soient sans douleur ? qu’ils iront à tâtons sans souffrir ? qu’ils seront privés de la vue sans être tourmentés ?
Nullement ! Il n’y a pas là que des ténèbres, les malheureux ne sont pas seulement dépouillés de ce qui faisait leur joie, on leur inflige aussi de quoi les faire éternellement gémir.
Ne méprise pas ces ténèbres, ô homme perdu de débauches, toi qui pour te livrer à tes œuvres coupables, à tes honteux adultères, recherches plutôt les ténèbres que tu n’en as horreur et te livres à plus de joie quand les flambeaux sont éteints : car ces ténèbres qui t’attendent ne sont compatibles ni avec la joie, ni avec le plaisir, ni avec les voluptés et les délectations des sens. Quelles seront-elles donc ? « Là il y aura pleurs et grincements de dents ». Le bourreau frappe sans relâche, sans relâche le coupable est frappé ; le bourreau tourmente sans se fatiguer, le coupable est tourmenté sans mourir.
Ainsi, des larmes éternelles à ceux qui ont mal vécu ; aux saints d’éternelles joies quand « ils viendront avec allégresse, portant leurs gerbes dans leurs mains ». Car au temps de la récolte ils diront à leur Seigneur : Avec Votre secours, Seigneur, nous avons accompli Vos ordres, daignez accomplir Vos promesses.

Saint Augustin père d'une multitude de saints

Saint Augustin père d’une multitude de saints

frise

2021-61. De Saint Théodore d’Amasée, sauroctone et mégalomartyr.

9 novembre,
Fête de la dédicace de l’archibasilique du Très Saint Sauveur au Latran (9 novembre 324) ;
Mémoire de Saint Théodore, martyr ;
Mémoire de Sainte Elisabeth de la Trinité, vierge (cf. > ici).

palmes

       Le 9 novembre, à la fête de la dédicace de l’archibasilique du Très Saint Sauveur – cathédrale de Rome, « mère et maîtresse de toutes les Eglises de l’univers » selon l’expression gravée sur les pierres de sa façade -, le calendrier romain ajoute la mémoire liturgique de Saint Théodore, martyr.
La date de la fête de ce saint au calendrier romain est semble-t-il celle de la dédicace de l’église romaine qui lui est dédiée : l’église Saint-Théodore-au-Palatin (San-Teodoro-al-Palatino), ainsi dénommée parce qu’elle est construite au pied du versant occidental du Palatin, au bord de la voie qui relie le forum au Cirque Maxime.
Cette église remonte au VIème siècle. Le vocable de Saint Théodore lui a été attribué dès son origine. Le pape Jean Paul II en a concédé l’usage à la communauté gréco-byzantine de Rome. Au calendrier byzantin, Saint Théodore est fêté le 17 février.

Saint Théodore au Palatin - Rome

Rome, église Saint-Théodore-au-Palatin
(San-Teodoro-al-Palatino)

   Ce saint, malheureusement un peu oublié de nos jours en Occident, est du nombre des mégalomartyrs (le titre de mégalomartyr est attribué à des saints laïcs martyrisés avant 313) et des sauroctones (c’est-à-dire des tueurs de dragons). Il ne faut pas le confondre avec un autre mégalomartyr homonyme : Saint Théodore le Stratilate.
On l’appelle aussi Saint Théodore Tiron (qui signifie « nouveau soldat ») ou Saint Théodore le Conscrit, ou encore Saint Théodore le jeune, ou enfin Saint Théodore d’Amasée

   Certains pensent qu’il était originaire de la ville d’Amasée dans le Pont (aujourd’hui Amasya en Turquie), d’autres que c’est le lieu où il subit le martyre.
Chrétien depuis son enfance et engagé dans l’armée romaine, où il semble qu’il était officier, il était resté assez discret sur sa foi, non par lâcheté mais seulement parce que les circonstances ne lui avaient pas permis d’en être le valeureux confesseur, jusqu’au moment où la grande persécution de Dioclétien et Maximien Hercule (303 – 311) va lui fournir l’occasion de rendre le témoignage suprême de la fidélité et de l’amour envers le Christ Notre-Seigneur.

   Alors que son corps de troupe était cantonné près de la ville d’Euchaïta (dans ce qui était alors l’Hélénéopont : il semble qu’Euchaïta se trouvait là où aujourd’hui se situe le village de Beyözü), il apprit que les habitants de la région étaient terrorisés par un redoutable dragon qui se cachait dans la forêt. Discernant que c’était là l’épreuve par laquelle Dieu devait lui montrer si le moment de s’offrir au martyre était arrivé, il s’enfonça hardiment dans la forêt et parvint jusqu’à un village qui avait été abandonné par ses habitants. Seule une noble princesse chrétienne, Eusébie, était demeurée sur place. Elle lui indiqua où se trouvait le repaire du monstre.
S’armant du signe de la Croix, Théodore se précipita vers la bête qui mugissait en crachant des flammes, et il l’abattit d’un coup de lance à la tête.

Saint Théodore Icône du monastère de Chrysoskalitissa en Crète - 1880

Icône (XIXème siècle) de Saint Théodore d’Amasée
au monastère de Chrysoskalitissa (Crète)

   Désormais persuadé que, par la Grâce de Dieu, il pourrait vaincre aussi le dragon spirituel, le diable, de même qu’il avait abattu le monstre visible, Théodore regagna son campement, sans craindre de se révéler chrétien.
Alors que le commandant de la troupe avait ordonné d’offrir un sacrifice aux dieux de l’empire, Théodore resta dans sa tente. On vint le chercher, en le pressant de prendre part, lui aussi, au sacrifice. Mais il répondit : « Je suis Chrétien, c’est le Christ seul que j’adore. C’est Lui le Roi que je sers, et c’est à Lui seul que je veux offrir un sacrifice ! »
Après l’avoir pressé de questions insidieuses, on le laissa pour passer à l’interrogatoire d’autres chrétiens.
Enflammé d’un zèle divin, Théodore encourageait ses compagnons à se montrer jusqu’à la fin dignes du Christ qui les avait enrôlés dans son armée céleste. La nuit venue, voulant bien manifester à quel point il abominait l’idolâtrie, il se rendit jusqu’au temple de Cybèle – que les païens vénéraient comme la mère des dieux -, et il y mit le feu.
Un des serviteurs du temple surprit le Saint et le conduisit auprès du gouverneur Publius.

   N’opposant aucune résistance, Théodore répondit calmement aux questions du gouverneur, en lui montrant qu’il était bien absurde de considérer comme dieu une pièce de bois inanimée qui, en un instant, avait été réduite en cendres.
Publius le menaça des pires tortures. Le Saint lui répliqua : « Tes menaces ne m’effraient pas, car la puissance du Christ sera pour moi joie et allégresse dans les tourments ».
Grinçant les dents de rage, le gouverneur le fit jeter dans un sombre cachot sans nourriture. Mais cette nuit-là, Notre-Seigneur Jésus-Christ apparut à Théodore, pour le consoler et lui promettre que Sa grâce serait pour Son vaillant serviteur à la fois nourriture, joie et protection. Ainsi réconforté, le vaillant soldat du Christ passait son temps à chanter des hymnes, accompagné par des Anges, de sorte que ses geôliers crurent que d’autres chrétiens l’avaient rejoint dans cette cellule, pourtant bien verrouillée.
Par la suite, comme on voulait lui apporter un peu de pain et d’eau, il refusa toute réfection, disant que le Christ lui avait promis une nourriture céleste.

   Emmené à nouveau devant le gouverneur, on lui proposa d’être élevé à la dignité de grand prêtre des idoles s’il renonçait à sa foi chrétienne ; ce dont le Saint se moqua, assurant qu’il était prêt à se laisser couper en morceaux pour l’amour du Christ.
On le suspendit alors la tête en bas et les bourreaux s’épuisèrent à lui déchirer le corps avec des crochets de fer sans obtenir qu’il reniât son Sauveur. Devant cette résistance indomptable, le gouverneur, craignant que d’autres ne suivissent son exemple, donna finalement l’ordre de le brûler vif.

   Lorsqu’il parvint près du bûcher, Théodore se dévêtit et, après avoir adressé une fervente prière à Dieu pour la confirmation des autres confesseurs, il se livra lui-même au feu. Mais, comme si elles voulaient lui rendre hommage, les flammes l’entourèrent sans le toucher, en formant autour de son corps une sorte d’arc de triomphe, et c’est en rendant grâce que Saint Théodore remit alors son âme à Dieu.

Saint Théodore martyre - enluminure du ménologe de Basile II

Martyre de Saint Théodore
(enluminure du ménologe de Basile II – bibliothèque apostolique vaticane)

   La pieuse Eusébie réussit à se faire attribuer son corps. Elle l’embauma et l’ensevelit dans sa propre maison, à Euchaïta. Après la fin des persécutions, elle fit construire une église sur son tombeau, et les miracles qui s’y produisirent attiraient la foule des pèlerins qui y trouvaient la guérison de l’âme et du corps.

   En 361, Julien l’Apostat, qui essayait par tous les moyens de restaurer les usages païens, au moment de la première semaine du grand carême donna au préfet de Constantinople l’ordre de faire asperger toutes les denrées exposées au marché avec du sang des victimes immolées aux idoles, de sorte qu’il ne soit possible à aucun habitant d’échapper à la souillure de l’idolâtrie.
Mais le Seigneur n’abandonna pas son peuple choisi : Il envoya Son serviteur et glorieux martyr Théodore, qui apparut en vision au Patriarche Eudoxe (360-364) pour lui dévoiler la machination du tyran et lui demander d’ordonner aux chrétiens de ne pas acheter les aliments présentés au marché ; Saint Théodore conseilla en revanche qu’ils préparassent des colyves – c’est-à-dire des grains de blé bouillis – pour leur nourriture.
C’est ainsi que, grâce à l’intervention du Saint martyr Théodore, les fidèles se gardèrent purs de la souillure de l’idolâtrie. Depuis l’Eglise Byzantine commémore chaque année ce miracle, le premier samedi du grand carême, afin d’enseigner aux fidèles que le jeûne et la tempérance ont le pouvoir de purifier toutes les souillures du péché.

   Saint Théodore accomplit quantité d’autres miracles pour ceux qui recouraient à lui avec foi et qui persévéraient en prières dans son église. Parmi ces prodiges, on raconte ainsi qu’un jour, il apparut, brillant de gloire, sur son cheval blanc et pour ramener à une pauvre veuve son fils unique qui avait été emmené captif par les mahométans ; on lui attribue également la protection et la vie sauve de navigateurs pris dans des tempêtes, la découverte de voleurs, le recouvrement de personnes perdues… etc., montrant que, de soldat de l’armée terrestre, il était devenu protecteur céleste du peuple chrétien.

       « O Dieu, qui nous donnez la glorieuse profession de foi de votre bienheureux Martyr Théodore, comme appui et protection, accordez-nous la grâce de profiter de ses exemples, et d’être soutenus de ses prières ».

(collecte du missel romain pour la mémoire de Saint Théodore)

Saint Théodore d'Amasée

Saint Théodore d’Amasée

palmes

2021-60. Que signifie « prier aux intentions du Souverain Pontife » lorsqu’il s’agit d’obtenir une indulgence plénière ?

Inscriptin lapidaire indulgence plénière

C’est une question récurrente qui nous est posée : « Lorsque, pour l’obtention d’indulgence il nous est demandé de « prier aux intentions du Souverain Pontife », de quoi s’agit-il exactement ? »

Qu’il soit bien clair que nous n’allons pas ici développer la doctrine catholique des indulgences, ce qui demanderait un long cours de théologie. Nous rappelons simplement que l’indulgence n’est pas le pardon du péché (qui est donné au moyen du sacrement de pénitence à celui qui a un regret sincère de ses fautes, ainsi que par quelques autres moyens tels que certains sacramentaux pour les péchés véniels… etc.), mais que l’indulgence permet la réparation de certaines conséquences de ces péchés qui nous ont été pardonnés, conséquences que l’on appelle « les peines temporelles dues au péché », parce qu’aucun pénitent n’est totalement quitte en sortant du confessionnal lors même qu’il a reçu la sainte absolution. 

Les indulgences sont dites partielles ou plénières selon qu’elles libèrent en partie ou totalement de la peine temporelle due pour les péchés.
Pour obtenir une indulgence de manière générale et habituelle, il faut obligatoirement :

- être baptisé catholique ;
- ne pas être excommunié (et donc exclu de la communion de l’Eglise, par nous-mêmes ou par une sanction de l’Eglise) ;
- être en état de grâce ;
- avoir l’intention explicite d’obtenir cette indulgence ou ces indulgences : toutefois, une intention formelle générale au début de la journée (par exemple lors de la prière du matin : « Mon Dieu, je désire obtenir au cours de cette journée toutes les indulgences que Votre Sainte Eglise a attachées aux prières et actions que j’y accomplirai ») ;
- accomplir les œuvres prescrites par l’Eglise et dans la forme prescrite par elle (telle prière, telle démarche, telle action).

L’indulgence plénière ne peut être obtenue qu’une seule fois par jour (sauf le jour de sa mort où l’on peut en obtenir deux !).
Les indulgences partielles peuvent être obtenues à plusieurs reprises dans une journée, sans limitation.

Pour gagner une indulgence plénière les conditions générales sont :

  • être en état de grâce, comme déjà dit ci-dessus ;
  • refuser tout attachement au péché (même véniel) ;
  • accomplir l’œuvre prescrite dans le temps prescrit (si cette œuvre est attachée à un jour particulier) ;
  • confession sacramentelle (dans les huit jours avant ou après l’indulgence demandée) ;
  • avoir communié (de préférence le jour-même) ;
  • prier aux intentions du Souverain Pontife (en récitant au moins un Pater, un Ave Maria et un Credo).

« Prier aux intentions du Souverain Pontife » ne consiste pas à prier pour la personne du Pape (même si tous les fidèles ont le devoir de prier pour leurs pasteurs légitimes), ce qui serait prier à l’intention du Souverain Pontife et non prier à ses intentions. Il ne s’agit pas non plus de prier aux intentions subjectives ou plus personnelles du Pontife régnant : celles-ci sont incluses dans ce que l’on appelle « les intentions du Souverain Pontife » énumérées ci-après, dans la mesure où les intentions subjectives du Pape sont conformes à sa mission divine.

Ces intentions sont récapitulées, en six titres principaux qui résument les objectifs assignés à la mission du Pape, chef visible de l’Eglise, par Notre-Seigneur Jésus-Christ son divin Fondateur :

  1. l’exaltation de la Sainte Église catholique ;
  2. la propagation de la Foi ;
  3. l’extirpation de l’hérésie ;
  4. la conversion des pécheurs ;
  5. la paix et la concorde entre les princes chrétiens ;
  6. les autres besoins de la Chrétienté.

armoiries Saint-Siège

2021-59. « L’erreur dominante, le crime capital depuis deux siècles, c’est l’apostasie des nations. »

Dernier dimanche d’octobre,
Fête du Christ Roi de l’univers.

       Homélie du Révérend Père Clément de Sainte-Thérèse prononcée en la fête du Christ-Roi, dimanche 31 octobre 2021.
Nous sommes particulièrement heureux de publier cette homélie (et nous remercions le Révérend Père de nous avoir autorisés à la publier dans les pages de ce blogue) qui prouve qu’il y a en France des prêtres nourris de la doctrine du Cardinal Pie, et qui en nourrissent aussi l’esprit et le cœur de leurs auditeurs dans leur prédication.

Christ Roi

       Adorabunt eum omnes reges terræ (Ps 71, 11) : « Tous les rois de la terre l’adoreront », prophétise le Psaume 71e. Cette adoration est due à Notre-Seigneur parce que sa royauté est d’une suréminence qui dépasse toutes les royautés d’ici-bas. Et il n’est pas un des prophètes, pas un des évangélistes et pas un des apôtres qui ne lui revendique ce titre.

   N’était-il encore qu’au berceau que déjà les Mages cherchaient le roi des Juifs : Ubi est qui natus est, rex Judaerum ? Jésus est sur le point de mourir, que Pilate lui demande : Ergo rex es tu ? Rex sum ego, répond Jésus « et je suis né pour rendre témoignage à la vérité » (Jn 18, 37). Cette réponse est faite avec un tel accent d’autorité que Pilate, malgré toutes les protestations des Juifs, consacre la royauté de Jésus par un écriteau public et solennel.

   Oui, Pilate, tu peux écrire les paroles que Dieu te dicte et dont tu ne comprends pas le mystère. Quoique beaucoup lui refusent ce titre : « Nous ne voulons pas que cet homme règne sur nous ! » (Lc 19, 14), garde-toi de changer ce qui est déjà écrit de toute éternité dans les cieux. Que tes ordres soient irrévocables, parce qu’ils sont en exécution d’un décret immuable du Tout-Puissant.

   Et tu fais bien de proclamer la royauté de Jésus dans les langues principales, afin que tous aient accès à cette vérité ! Que la royauté de Jésus-Christ soit promulguée en hébreu, qui est la langue du peuple de Dieu ; en grec, qui est la langue des docteurs et des philosophes ; en latin, qui est la langue de l’empire et du monde, la langue des conquérants et des politiques.

Titulus crucis reconstitution à partir de la partie originale conservée à Ste-Croix en Jérusalem

Reconstitution du « Titulus Crucis »
(on appelle « Titulus Crucis » le panonceau que Pilate fit placer sur la Croix
au-dessus de la tête de Notre-Seigneur et portant le motif de Sa condamnation)
à partir de la partie subsistante vénérée
dans la basilique de Sainte-Croix en Jérusalem à Rome.

   Cette royauté suprême, le Ressuscité la proclamera encore lui-même auprès de ses apôtres, avant de remonter au ciel : « Toute puissance m’a été donnée au ciel et sur la terre » (Mt 28, 18) ; et d’ajouter : « Allez donc et enseignez toutes les Nations ». Remarquez ici que le Christ ne dit pas : « Enseignez tous les hommes », « tous les individus », « toutes les familles », mais bien « toutes les Nations ». Il ne dit pas seulement : « Baptisez les enfants, catéchisez les adultes, mariez les époux, administrez les sacrements, donnez une sépulture religieuse aux morts ». Sans doute, la mission qu’il leur confère comprend tout cela, mais encore elle a un caractère public et social, car Jésus-Christ est le roi non seulement des hommes en particulier, mais des peuples et des nations en totalité : au-dessus des individus il y a les États, et ce sont les nations que doivent encore baptiser les Apôtres, « au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ».

   Et comme Dieu envoyait les anciens prophètes vers les nations et vers leurs chefs pour leur reprocher leurs apostasies et leurs crimes, ainsi le Christ envoie ses apôtres et ses prêtres vers les peuples, vers les empires, vers les souverains et les législateurs pour enseigner à tous sa doctrine et sa loi évangéliques. Notre devoir comme prêtres, à la suite de S. Paul, est de porter le Nom de Jésus-Christ devant les nations et les rois.

   C’est bien la mission officielle de prêcher son règne social que Notre-Seigneur donne à ses Apôtres ; bien plus, il veut que ce règne soit proclamé par tous les fidèles. C’est ainsi qu’il le fera demander chaque jour par tout chrétien dans la prière du Pater. C’est en effet dans la prière que le Maître nous a enseignée qu’il faut rechercher tout le programme et tout l’esprit du christianisme. « Vous prierez donc ainsi », dit Jésus : Sic ergo vos orabitis. Comme le traduisait l’éminent exégète abbé Carmignac : « Notre Père des Cieux, que, sur la terre comme au ciel, votre Nom soit glorifié, votre règne arrive, votre volonté soit accomplie ».

   Ces trois demandes se résument et se condensent en une seule : celle du règne public et social, car le saint Nom de Dieu ne peut être glorifié pleinement et totalement s’il n’est reconnu publiquement et unanimement ; la volonté divine n’est pas faite sur la terre comme au ciel si elle n’est pas accomplie publiquement et socialement.

   Le chrétien n’est donc pas un être qui s’isole, qui fuit le monde d’ici-bas pour ne se soucier aucunement des affaires temporelles. Le chrétien est tout le contraire de cela : c’est un homme public et social par excellence ; son surnom l’indique : il est catholique, ce qui signifie universel. Il n’est donc pas de chrétien digne de ce nom qui ne s’emploie activement et de toutes ses forces, à procurer ce règne temporel de Dieu et à renverser ce qui lui fait obstacle, à lutter contre l’évangile social de l’État antichrétien qu’est la Déclaration des droits de l’homme, laquelle n’est autre chose que la négation formelle des droits de Dieu.

Ascension -Giovanni Bernardino Azzolino

« Allez ! Enseignez toutes les nations ! »
L’Ascension, par Giovanni Bernardino Azzolino (1598-1645)

   Les nations sont voulues de Dieu et chacune a sa propre vocation. C’est pourquoi les nations en tant que nations, les peuples en tant que peuples sont tenus au même titre que les particuliers de s’assimiler et de professer les principes de la vérité chrétienne et de rendre un hommage public et national à Dieu et à son Christ.

   L’erreur dominante, le crime capital depuis deux siècles, c’est l’apostasie des nations. On veut bien d’un Christ Rédempteur, d’un Prêtre sacrificateur et sanctificateur, mais d’un Christ Roi, on en tremble, on y soupçonne l’empiètement, l’usurpation de puissance, une confusion d’attributions et de compétence. C’est la réaction instinctive du roi Hérode : la peur de perdre son trône. Mais le pape Pie XI, en instituant cette fête liturgique, avait bien averti que tous les périls et tous les maux d’une société découlent de ses erreurs et de ses crimes.

   Les conséquences funestes de cette apostasie générale, ce sont la ruine des âmes, la perte de la foi, l’éloignement de la religion et l’infiltration du naturalisme, doctrine qui fait abstraction de la Révélation et qui prétend que les seules forces de la raison et de la nature suffisent pour conduire l’homme et la société à sa perfection ; voici les conséquences pour les individus. Et pour la société elle-même : la décadence morale, qui s’exprime par l’injustice, le sensualisme égoïste et l’orgueil effréné. Partout où Jésus-Christ ne règne pas, il y a désordre et décadence.

   « Le Christ ne règne pas si son Église n’est pas la maîtresse, disait Bossuet, si les peuples cessent de rendre à Jésus-Christ, à sa doctrine, à sa loi un hommage national ». Soyons donc les propagateurs de ce règne social de Notre-Seigneur Jésus-Christ qui veut régner par son amour, comme le chante la Préface d’aujourd’hui : « un règne de vie et de vérité, un règne de grâce et de sainteté, un règne de justice, d’amour et de paix ».

Ainsi soit-il.

Christ Roi

2021-58. La statue du Christ-Roi érigée aux Houches, face au Mont-Blanc.

O Christ-Roi qui nous apportez la paix,
soumettez l’âme des impies
et rassemblez dans l’unique bercail
ceux qui s’égarent loin de Vous.

(hymne des vêpres du Christ-Roi)

Les Houches - statue du Christ-Roi dans son cadre naturel face au Mont Blanc

La vallée de Chamonix est l’écrin d’une statue monumentale du Christ-Roi.
Erigée face au Mont-Blanc, au-dessus d’un hameau nommé « Le Coupeau », dans la paroisse des Houches:

par sa taille, elle est la deuxième plus haute statue de France,
et elle a été classée « monument historique » le 10 mars 2020 .

A 1265 m d’altitude, dressée sur un bloc rocheux d’une cinquantaine de mètres et surplombant d’environ 200 m le fond de la vallée, faisant face au Mont-Blanc, au-dessus du hameau du Coupeau, sur la paroisse des Houches (vallée de Chamonix), a été érigée une statue monumentale du Christ-Roi.

Lorsque est publiée l’encyclique « Quas primas » (cf. > ici), le 11 décembre 1925, la paroisse des Houches a pour curé l’abbé Claude-Marie Delassiat.
Sept ans après la fin de la « grande guerre », dans un contexte politique et social inquiétant, qui verra l’arrivée au pouvoir d’idéologies antichrétiennes avec lesquelles, quinze ans plus tard, le monde basculera à nouveau dans des chaos d’une violence inouïe, l’abbé Delassiat a l’idée de concrétiser dans une statue colossale les idéaux exprimés par l’encyclique de Pie XI : la paix dans le monde par l’extension du règne de Notre-Seigneur Jésus-Christ. « Pax Christi in regno Christi – la paix du Christ dans le règne du Christ », c’était d’ailleurs la devise pontificale de Pie XI.
En outre, ce dernier, avant d’être élevé au Souverain Pontificat, avait aimé pratiquer l’alpinisme, et, lorsqu’il avait fait l’ascension du Mont-Blanc en 1890, avait logé aux Houches.

L’abbé Delassiat expose son  projet à l’évêque d’Annecy, Son Excellence Révérendissime Monseigneur Florent du Bois de La Villerabel, qui approuve et bénit l’initiative. Les autorités vaticanes, informées à leur tour, encouragent elles aussi le prêtre zélé, qui commence alors à faire connaître le projet et à quêter pour sa réalisation.
Le sculpteur Georges Serraz (1883-1964), d’origine savoyarde, est pressenti pour cette statue : il accepte. 

Annonce du projet de la statue dans "L'Illustration"

Annonce du projet de la statue monumentale dans « L’Illustration :
on le voit, le dessin qui figure dans cette annonce ne correspond pas exactement à la statue qui sera réalisée. 

détail de l'annonce du projet dans l'Illustration

En trois années, l’abbé Delassiat réunit la somme nécessaire.

En lien avec le sculpteur, l’architecte Viggo Féveille, installé à Chamonix, supervisera les travaux.
Ce sera une statue en béton armé, matériau devenu à la mode depuis la fin de la première guerre mondiale, de 25 m de haut et pèsera 500 tonnes.
Après « l’art nouveau », tout en circonvolutions, l’entre-deux-guerres est la période d’efflorescence de « l’art déco » plus stylisé, jouant beaucoup sur la symétrie et la simplification graphique d’une forme de classicisme : la statue du Christ-Roi est conçue dans cette esthétique « moderne ».

La première pierre est posée en août 1933.
La construction, dans un lieu qui n’est desservi par aucune route carrossable, fait figure de prouesse. Ainsi, pour le socle de la statue, les blocs de béton ont-ils été découpés en tranches et réassemblés sur place.
Pour la statue elle-même, la tête, le buste, les bras sont préalablement réalisés en terre. Sur cette première réalisation on coule du plâtre, de manière à obtenir des moules que l’on apporte sur place et dans lesquels le béton est coulé. Certains détails sont ensuite travaillés directement sur le béton frais par le sculpteur.

Après à peine une année de travaux la statue est solennellement bénite par Monseigneur du Bois de La Villerabel le 19 août 1934 en présence de plus de 3000 pèlerins.

Statue du Christ-Roi aux Houches en 1934

La main droite du Christ est étendue dans un geste de bénédiction protectrice.
Avec la main gauche, Il serre contre Son corps une sorte de bâton pastoral surmonté d’une croix au centre de laquelle figurent les lettres grecques alpha et oméga, indiquant que le Christ est le commencement et la fin de toutes choses.
Sur le devant du socle le mot « PAX » (paix) figure en grandes lettres visibles de loin.

Le diadème cache une plateforme une sorte de terrasse de laquelle le point de vue est saisissant. On y accède par un escalier tournant de 84 marches situé à l’intérieur de la statue.       

Statue monumentale du Christ-Roi aux Houches - détail

A l’intérieur du socle est aménagée une chapelle, de style « art déco » évidemment.
La baie vitrée qui remplace le retable permet au prêtre de célébrer face au massif du Mont-Blanc.
On y trouve les statues de Notre-Dame Reine de la Paix et de Saint Joseph, ainsi qu’un buste de Pie XI. Ce sont aussi des œuvres de Georges Serraz.

Chapelle aménagée à l'intérieur du socle de la statue du Christ-Roi

J’ai retrouvé une photo montrant une Messe solennelle avec assistance prélatice, en présence de nombreux fidèles, au pied de la statue, mais je n’ai pas la certitude qu’il s’agisse de la cérémonie de bénédiction.

Messe solennelle au pied de la statue du Christ-Roi

A proximité de la statue a été édifié un petit bâtiment à l’intérieur duquel, en 1947, a été installée une cloche de note Do#3-2, coulée par les fonderies Paccard, d’Annecy. Elle pèse deux tonnes. C’est la plus grande cloche de la vallée de Chamonix, et sa situation géographique très particulière, fait qu’on peut l’entendre très loin dans la vallée.
Elle sonne les trois angélus quotidiens ainsi que les offices qui sont célébrés en été. 

Blogue 8

Dominant le fond de la vallée de quelque 200 m, la position de la statue du Christ-Roi des Houches contribue à amplifier son effet de grandeur, et, malgré notre période d’antichristianisme de plus en plus virulent, continue à délivrer son message : la seule paix durable sera celle qui naîtra de l’établissement du règne du Christ déjà sur cette terre, et donc du renoncement aux idéologies laïcistes. 

Les Houches - statue monumentale du Christ-Roi

Le 10 mars 2020, la statue a été classée « monument historique », et je me permets de vous signaler une petite vidéo qui a été enregistrée à cette occasion (faire un clic droit sur l’icône ci-dessous, puis « ouvrir dans un nouvel onglet ») :

Image de prévisualisation YouTube

Couronne

2021-56. Usquequo Domine ?

Lettre du 25 octobre 2021

aux membres et amis de la Confrérie Royale

Usquequo Domine ?[1]

 

« Comment ne pas penser au “cloaque d’impureté” dont parlait Notre-Dame, d’autant plus insupportable à regarder que les criminels sont précisément ceux qui, par leur consécration, devraient être l’image-même du Christ ? ».

Guillaume de Thieulloy


La Salette : statue de la Vierge en pleurs.

En la Saint-Louis 2020, nous déplorions qu’il y ait « grande pitié au clergé de France ! ». Que peut-on dire une année après, en ce 175e anniversaire du message de Notre-Dame à La Salette ?

« De grands troubles arriveront, dans l’Eglise, et partout. Puis, après [cela], notre Saint-Père le pape sera persécuté. Son successeur sera un pontife que personne [n'] attend. […] Tout ce que je vous dis là arrivera dans l’autre siècle, [au] plus tard aux deux mille ans » (Maximin). « Le monde content de ne manquer de rien recommencera ses désordres, abandonnera Dieu, et se livrera à ses passions criminelles. [Parmi] les ministres de Dieu, et les Epouses de Jésus-Christ, il y en a qui se livreront au désordre, et c’est ce qu’il y aura de [plus] terrible. Enfin, un enfer règnera sur la terre » (Mélanie).

            Ce mardi 5 octobre a été publié le rapport[2] de 2500 pages de la C.I.A.S.E. (Commission Indépendante sur les Abus Sexuels dans l’Eglise), présidé par un Socialiste ancien président des dîners de la Grande Loge de France[3] et vice-président du Conseil d’État qui eut l’honneur d’annoncer sa bénédiction à la condamnation à mort de Vincent Lambert, et secondé par une féministe d’extrême-gauche[4] (pardon pour le pléonasme).

Selon Mgr Éric de Moulins-Beaufort : « Ce travail de vérité était nécessaire, nous [les évêques de France] l’accueillons comme un bienfait (sic) »[5]. Monsieur Maugendre le corrige avec brio : « Ce travail de trente-deux mois, mené par vingt-et-un commissaires, demandé et financé (coût : 3 M € – vous lisez bien : trois millions d’euros : 3 000 000 €, merci aux généreux donateurs du Denier de l’Église ! – par la Conférence des Evêques de France est un véritable réquisitoire contre l’Eglise, parfaitement mis en scène par la diatribe introductive de François Devaux, une des victimes du père Preynat, interpellant son auditoire composé d’évêques, de prêtres, de religieuses, etc. : « Vous êtes une honte pour notre humanité (…) Vous devez payer pour tous ces crimes[6] (…) Vous taire »[7].

En l’occurrence, les têtes mitrées seraient bien inspirées de retenir la leçon, plutôt que d’oser affirmer comme Mgr Christian Nourrichard[8] : « Toute l’Église en porte la responsabilité collective, ce qui me fait honte »[9] (sic !). Il serait plus juste de dire que toute l’Église a honte d’épiscopes plaçant de manière irresponsable et criminelle à des postes de responsabilité des prédateurs connus. En condamnant celui qui scandalise un seul de ces petits qui croient en Lui (Matth. XVIII, 6), Notre-Seigneur n’exempte aucunement (bien au contraire) le scandaleux de sa responsabilité (« il vaudrait mieux pour lui qu’on lui mît au cou une grosse meule de moulin, et qu’on le jetât dans la mer », Luc. XVII, 2 : il ne s’agit pas de tout le troupeau de pourceaux de Matth. VIII, 32) : celle-ci n’est pas noyée dans la responsabilité collective de la société, dans le grand tout qui n’est rien… L’on retrouve le maître-mot des politiques : « responsable mais pas coupable »…

Au passage, afin de détendre un instant l’atmosphère, merci de prier pour que le « diocèse » jumelé au sien[10] quitte l’état de viduité et vacance…[11]

diocèse anglican de Salisbury

« Karen », Mme l’évêquesse administrateuse du « diocèse » anglican de Salisbury
jumelé à celui ( « catholique ») d’Évreux.

Guillaume de Thieulloy lui rétorquait d’avance :

« Certains réclament que toute l’Église soit, en quelque sorte, solidairement responsable de ces turpitudes. Mais c’est tout simplement hors de question. Je trouvais déjà assez choquant que notre denier du culte finance cette commission dont nous savions par avance qu’elle nous condamnerait en bloc […]. Alors n’imaginez pas que nous donnions un kopeck pour tenter de combler ce tonneau des Danaïdes que va être la tentative d’indemnisation des victimes. Nous donnons pour faire vivre nos saints prêtres, non pas pour exonérer de leurs responsabilités les s******** ! »[12].

Selon un confrère curé, « Le péché majeur qu’il faudrait dénoncer n’est ni un phénomène abominable mais statistiquement mineur déguisé en épidémie générale, ni le cléricalisme, c’est la pratique désormais sacralisée de la repentance sur le dos du voisin. On y ajoutera l’oubli, plus que suspect, l’amnésie que l’on peine à croire inconsciente, vis-à-vis des comportements qui ont réellement et généralement portés préjudice à l’Église au cours de ces années. Dans la vieille morale d’autrefois, cela s’appelait le ‘mensonge par omission’ »[13].

« Les fausses bonnes intentions, la dégoulinade de la commisération et de la compassion, la coulpe battue sur la poitrine des anciens ressemblent à un vaste simulacre. Écœurant, car qui va payer concrètement les pots cassés de l’incurie passée ? Le petit peuple chrétien et le bas clergé, qui vont éponger la honte au quotidien, les quolibets et les outrages. Ceux-là même que l’on a sommé pendant des décennies de changer de liturgie, de morale, de catéchisme, de sacerdoce. Bien calfeutrés dans les beaux quartiers, les grands-prêtres et le sanhédrin n’en verront rien, drapés dans leur bonne conscience ravalée à neuf par leurs faux aveux.

Quitte à être sanctionné et stigmatisé encore, nous pouvons prophétiser ce que seront les conséquences globales d’une campagne qui détourne des causes réelles des problèmes. Le soupçon systématique porté sur le clergé de base finira de faire écrouler nos communautés et d’assécher les vocations. Quant à la frénésie de dénonciation qui saisit les autorités au moindre début de soupçon jeté sur les clercs, avant même le début du commencement d’une vérification, elle prolongera l’épidémie de suicides qui touche aujourd’hui le clergé français »[14]. 

Le pitoyable document « fait à Courtalain le 31 août 2021 »[15] par les supérieurs des communautés ex-Ecclesia Dei adflicta et néo-Traditionis custodes s’appuie sur Amoris laetitia et Lumen Gentium, et craignant pour les inévitables futures Visites apostoliques, demande un médiateur empreint d’humanité. Les « Instituts signataires », se sentant « soupçonnés, mis en marge, bannis », réaffirment leur fidélité à François et leur « adhésion au magistère (y compris à celui de Vatican II et à ce qui suit) », « comme le prouvent les nombreuses études et thèses de doctorat faites par plusieurs d’entre nous depuis 33 ans ».

Il aura fallu ce motu proprio pour que nos courageux clercs ‘identitaires’, qui assuraient qu’ils « ne lâchaient rien » (du Concile ? des compromissions ?), fassent amende honorable :

« Des fautes ont-elles été commises ? Nous sommes prêts, comme l’est tout chrétien, à demander pardon si quelques excès de langage ou de la défiance vis-à-vis de l’autorité ont pu s’introduire chez tel ou tel de nos membres. Nous sommes prêts à nous convertir si l’esprit de parti ou l’orgueil a pollué nos cœurs. Nous supplions que s’ouvre un dialogue humain, personnel, plein de confiance, loin des idéologies ou de la froideur des décrets administratifs. Nous voudrions pouvoir rencontrer une personne qui sera pour nous le visage de la Maternité de l’Eglise. Nous voudrions pouvoir lui raconter la souffrance, les drames, la tristesse de tant de fidèles. […] 

Nous sommes désireux de confier les drames que nous vivons à un cœur de père. Nous avons besoin d’écoute et de bienveillance et non de condamnation sans dialogue préalable. Le jugement sévère crée un sentiment d’injustice et produit les rancœurs. La patience adoucit les cœurs. Nous avons besoin de temps.

On entend parler aujourd’hui de visites apostoliques disciplinaires pour nos Instituts. Nous demandons des rencontres fraternelles où nous puissions expliquer qui nous sommes et les raisons de notre attachement à certaines formes liturgiques. Nous désirons avant tout un dialogue vraiment humain et miséricordieux : ‘Sois patient envers moi !’. […]

Avec confiance, nous nous tournons tout d’abord vers les évêques de France afin qu’un vrai dialogue soit ouvert et que soit désigné un médiateur qui soit pour nous le visage humain de ce dialogue »[16].

Contrastant avec eux, l’abbé Laguérie appelle un chat, un chat dans son adresse aux évêques de France et de Navarre qui mérite d’être lue[17].

De même, de manière moins colérique mais bien profonde, un curé de campagne s’indigne :

« Quelle fut l’attitude générale des autorités, pendant les années 1965-2000, vis-à-vis des pervers, des déviants et des pécheurs publics ? Officiellement, c’est de n’avoir rien fait. C’est ce qu’on leur reproche aujourd’hui. À quelques rares exceptions près. Mais la question n’est pas là. Elle est : pourquoi ? Pas par complicité avec le mal, généralement, mais par soumission à l’ ‘air du temps’, par lâcheté, par conformisme social, par relativisme. ‘Interdit d’interdire’ était devenu le fondement du comportement des autorités en matière de gouvernement. Il fallait être ‘ouvert’, ‘tolérant’, ‘accueillant’. Le droit canonique et les règles, imparfaits mais largement suffisant pour faire le ménage si l’on avait voulu, étaient inutilisés parce que : ‘ringards’, ‘dépassés’, ‘intégristes’, ‘fermés’. ‘Tolérance et ouverture’, que de crimes n’a-t-on pas couvert en leur nom ! »[18].

Monsieur Maugendre analyse :

« L’Église en Occident est immergée dans une société qui, déjà avant mai 68, avait fait de la satisfaction des désirs et des pulsions de chacun sa règle fondamentale. Il s’agit de jouir sans entraves en rejetant toutes les normes. Nous vivons dans une société profondément érotisée, les films X de Canal plus n’ayant été que l’aboutissement logique de l’exaltation des sens amorcée au cinéma par des personnalités comme Brigitte Bardot ou Roger Vadim. Si le désir est roi et sa satisfaction la règle suprême, les plus faibles sont condamnés à subir la loi des plus forts, nonobstant les grandes déclarations sur les droits de l’homme. Est-il bien cohérent de laisser libre cours à la pornographie sur les réseaux sociaux, ou ailleurs, et après venir se plaindre que des adultes passent à l’acte ?  Quelle est cette société dans laquelle 10% des personnes majeures affirment avoir été agressées sexuellement avant leurs 18 ans ? »[19].    

« Même si ne sont mis en cause que 2,5% des prêtres le discrédit de l’institution est considérable et sera certainement durable. Après la révélation d’événements analogues l’Église d’Irlande ne s’est pas remise du séisme. Cet automne les vingt-six diocèses irlandais ont vu se présenter quatre candidats ! La crédibilité de l’Église et la simple justice exigent le châtiment des coupables, l’accompagnement et la réparation vis-à-vis des victimes mais aussi la mise en œuvre de décisions courageuses pour que de telles horreurs ne se reproduisent pas.

            Cependant, la liberté de l’Eglise va être entravée car la pression médiatique, politique et sociale sera importante pour que soient transcrites dans le droit de l’Eglise les préconisations du rapport Sauvé. L’heure approche où ce sont les pouvoirs publics qui, au nom de la lutte contre les abus sexuels, ou pour d’autres raisons, interviendront directement dans le fonctionnement de l’Église. Mgr de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des Evêques de France, a fait part de sa honte, de son effroi, demandé pardon. Il en appelle à une nécessaire purification. En fait, c’est à une véritable réforme intellectuelle et morale, profonde et intégrale, que nous convient ces tragiques événements. Analogue à celle de la Contre-réforme catholique, au lendemain de la crise protestante. Une réforme fondée sur l’exigence, le sacrifice, le sens de Dieu et du péché, la primauté de la contemplation, etc. Une réforme radicale car on ne résout pas les problèmes avec le mode de pensée qui les a engendrés. Or le rapport Sauvé ne fait que des préconisations juridiques et institutionnelles en appelant même à la puissance publique. Les appels à une sensibilisation des séminaristes à ces difficultés risquent de passer à côté de l’essentiel, par manque de connaissances sur l’identité-même du prêtre »[20].

            « Exposer, aujourd’hui, les véritables plaies de l’‘Église de France’ : l’amateurisme en fait de gestion des ressources humaines, le carriérisme des personnalités les plus alignées, la désinvolture dans le dialogue avec les personnes et les communautés, les carences de la formation sacerdotale et diaconale, la réticence à annoncer clairement la doctrine catholique ? Ce n’est visiblement pas à l’ordre du jour… »[21].

Et le comble est la convocation du président de la Conférence des Évêques de France par le ministre de l’Intérieur[22]. L’archevêque de Reims avait tout de même réagi à la recommandation scandaleuse de la commission Sauvé d’imposer le viol du secret de confession : « Le secret de la confession s’impose à nous et s’imposera à nous et, en ce sens-là, il est plus fort que les lois de la République parce qu’il ouvre un espace de parole, libre, qui se fait devant Dieu »[23].

« Il n’y a rien de plus fort que les lois de la République. Ça tient en une phrase et c’est très clair »[24] a aussitôt lancé en guise de menace Gabriel Attal, le porte-parole du gouvernement, à destination des ex-préfets violets, aujourd’hui fonctionnaires bénévoles et pourtant zélés. Léon XIII l’avait appris à nos dépens, et les supérieurs Traditionis custodes également bientôt : ramper devant les ennemis de l’Église n’a toujours fait qu’exacerber l’audace des méchants. C’est une morale qu’il nous faut tous retenir.

Les fidèles de ces communautés dans le diocèse de Nantes viennent d’en faire les frais :

« Pour les mariages, baptêmes et enterrements, même si vous désirez l’église de votre village d’enfance, vous n’y aurez pas droit parce que vous ne serez pas un paroissien de cette église. Pour les écoles, Monseigneur Percerou a eu des phrases très inquiétantes. En effet, […] il a posé la question de savoir s’il était normal que des enfants soient élevés dans le seul rite tridentin. Sa réponse murmurée était qu’il ne le croyait pas. Enfin, nous sommes effondrés par les menaces claires contre les instituts traditionnels. « Ils devront choisir » ils devront décider s’ils restent dans l’Église… »[25].

« Les livres liturgiques promulgués par les Saints Pontifes Paul VI et Jean Paul II, conformément aux décrets du Concile Vatican II, sont – selon François – la seule expression de la lex orandi du Rite romain » (1er article du motu proprio)[26], alors que Mgr Gamber expliquait : « la nouvelle liturgie est un ritus modernus et non plus un ritus romanus » au sens traditionnel (il faudrait plutôt dire latin) : si un Catholique ne se reconnaît aucunement dans ce nouveau rite romain, comme le P. Joseph Gelineau qui écrivait lui-même : « Non seulement les paroles, les mélodies et certains gestes sont différents mais, à dire la vérité, il s’agit d’une liturgie différente de la messe. Ceci doit être dit sans ambiguïté : le rite romain tel que nous l’avons connu n’existe plus : il est détruit », et Cristiana de Magistris : « [la liturgie de Paul VI] – comme cela a largement été démontré – a de loin outrepassé les prescriptions conciliaires, créant une liturgie ex novo, se trouvant en complète discontinuité non seulement avec la tradition présente dans le Missel de Saint Pie V mais aussi avec la volonté même des Pères conciliaires »[27] et « cette Liturgie faite ‘sans contact avec la réalité’ (Cardinal Ratzinger) ne peut plus être considérée comme partie du Rite romain »[28], la question à poser est alors : les pasteurs de ce rite néo-romain sont-ils les propres pasteurs de ce Catholique vétéro-romain ?

M. de Lassus interroge : « Et quel est le statut de l’ancien rite ? Ceux qui l’utilisent encore ont-ils perdu la qualité de catholique ? »[29].

« Deux Églises ? […] Aujourd’hui l’Usus antiquior ne peut plus être lex orandi ; l’Église a donc changé, au moins sous certains aspects. C’est ce que constatait en son temps Mgr Bennelli qui parlait de l’ ‘Église conciliaire’. Mais s’il existe une Église conciliaire, il existe nécessairement une ‘Église non conciliaire’. Car tout comme le désordre n’est concevable que par rapport à un ordre, une ‘Église conciliaire’ ne peut se concevoir que par rapport à une ‘Église non conciliaire’. Y aurait-il deux Églises ? Le concept choquerait plus d’un théologien. Jésus-Christ n’a fondé qu’une seule et unique Église qui se maintient grâce à la succession apostolique. Pourtant des révélations privées récentes ont parlé de deux Églises. Dans les années 1960, saint Padre Pio dit un jour avec tristesse à Don Amorth : ‘Vous savez, Gabriele ? Satan s’est introduit au sein de l’Église et, dans très peu de temps, il arrivera à gouverner une fausse Église’. Certes, Padre Pio ne parle pas d’ ‘Église conciliaire’, mais de ‘fausse Église’. Quoi qu’il en soit, il eut la révélation qu’à court terme nous verrions la naissance d’une fausse Église à côté de la vraie »[30].

Sans aller jusqu’à parler de fausse Église, peut-on se demander s’il n’existerait pas en droit une Église latine différente de celle inséparable du nouveau rite ? L’on pourrait penser que oui : les fidèles attachés à la liturgie latine devraient ne dépendre que d’évêques catholiques propres à ce rite et donc à l’Église rituelle correspondante, comme le veut la pratique de l’Église, et qui ne peut donc être l’Église latine prétendument réformée, de même que l’Église assermentée (et rapidement schismatique) différait sous la Révolution de l’Église insermentée ou réfractaire. Le « Concile » ou ses suites auraient donc fait naître une nouvelle Église rituelle : l’Église latine (entièrement, chose inouïe) « réformée », et qui a précisément voulu tout réviser (Sacrements, Sacramentaux, Code de droit canonique, usages, etc.) : « que, là où il en est besoin [?], on les révise entièrement avec prudence [NDLR : hum…] dans l’esprit d’une saine tradition [?!] et qu’on leur rende une nouvelle vigueur en accord avec les circonstances et les nécessités d’aujourd’hui »[31].

L’on peut donc s’interroger sur la valeur des paroles de Benoît XVI : « Il n’est pas convenable de parler de ces deux versions du Missel Romain comme s’il s’agissait de ‘deux Rites’. Il s’agit plutôt d’un double usage de l’unique et même Rite »[32]. François le contredit… mais également l’histoire réelle, car il est patent que les fidèles traditionnels ne se reconnaissent pas entièrement dans les formules, canons, etc. de cette Église rituelle latine prétendument réformée, puisque tout en conservant le même siège et les mêmes édifices, les Catholiques attachés au rite latin immémorial considèrent depuis 50 ans qu’on leur a changé leur religion[33].

« Le Missel réformé a été une catastrophe à tous les niveaux : liturgique, dogmatique et moral. Le résultat, évident aux yeux de tous, est qu’il a vidé les églises, les couvents et les séminaires. Ne pouvant l’imposer par la force de la tradition, qu’il ne véhicule pas, on cherche à l’imposer à coups de lois »[34]. En effet, déplorait Mgr Gamber : « Aujourd’hui, nous nous trouvons face aux ruines d’une Tradition presque bimillénaire », et la crise que nous souffrons est absolument unique. Cristiana de Magistris ajoute : « Que le Rite romain ne survive plus dans le Missel réformé de Paul VI, ce sont des liturgistes, amis et ennemis de la Tradition, qui le disent. Dès lors, le Missel réformé – comme l’affirme K. Gamber – mérite le titre de Missel modernus mais non pas de romanus ».

Ce qui est dit du missel, selon l’adage lex orandi, lex credendi, ne doit-il pas l’être également du rite lui-même, et donc de l’Église rituelle qu’est l’Église latine ? Pour Gamber : « Plus d’un auteur (Gaetano, Suarez) exprime l’opinion selon laquelle l’abolition du Rite traditionnel ne rentre pas dans les pouvoirs du Pape […] et qu’il n’est certainement pas du devoir du Siège apostolique de détruire un Rite de tradition apostolique mais que son devoir est de le maintenir et de le transmettre »[35] : or, puisque le but clairement poursuivi est l’extinction du rite romain traditionnel et l’intégration de ses fidèles au rite réformé, il existe pour tout corps vivant une loi imprescriptible : l’instinct de survie.

« Lorsque, le 3 avril 1969, Paul VI promulgua le Novus Ordo Missae, il pensait au fond qu’au bout de quelques années la messe traditionnelle ne serait plus qu’un souvenir. La rencontre de l’Église et du monde moderne […] prévoyait la disparition de tout l’héritage de l’Église ‘constantinienne’. Et l’ancien rite romain, restauré par saint Pie V en 1570, après la dévastation liturgique protestante, semblait destiné à disparaître. Jamais prévision ne fut plus démentie par les faits »[36].

Benoît XVI « rendit son plein droit d’existence à l’ancien rite romain (malheureusement appelé « forme extraordinaire ») qui, juridiquement, n’avait jamais été abrogé mais s’était trouvé, de fait, interdit pendant quarante ans »[37]. Il est une « immuable lex orandi qu’aucun pape jamais ne pourra abroger »[38].

« Le pape François n’a pas jugé nécessaire d’intervenir devant la déchirure de l’unité provoquée par les évêques allemands, souvent tombés dans l’hérésie au nom du concile Vatican II, mais il semble convaincu que les seules menaces contre l’unité de l’Église viennent de ceux qui ont posé des questions à propos de ce concile, comme des questions ont été posées, sans jamais avoir reçu de réponse, à propos d’Amoris Laetitia »[39].

De même, note en souriant M. de Lassus,
« C’est exactement l’inverse de ce qu’affirme Querida Amazonia qui, à propos de ‘la multiple richesse des dons et des charismes que l’Esprit répand dans la communauté’, dit : ‘L’Eucharistie, source et sommet, exige que cette richesse multiforme se développe’ (n° 92) et précise : ‘La diversité légitime ne nuit pas à la communion et à l’unité de l’Église, mais elle la manifeste et la sert, ce dont témoigne la pluralité des rites et des disciplines existants’ (n° 111). Pourquoi la diversité amazonienne ne nuit pas à l’unité mais au contraire la renforce, alors que la diversité au sein du rite romain lui nuirait ? De même, dans la déclaration d’Abou Dhabi, il est affirmé : ‘Le pluralisme et les diversités de religion [sic !], de couleur, de sexe, de race et de langue sont une sage volonté divine’. Pourquoi la diversité des rites ne le serait pas ? ».

            Mais François a-t-il seulement lu… les textes du concile vaticandeux ?

« Obéissant fidèlement à la Tradition, le saint Concile déclare que la sainte Mère l’Église considère comme égaux en droit et en dignité tous les rites légitimement reconnus, et qu’elle veut, à l’avenir, les conserver et les favoriser de toutes manières »[40].

Et comment le rite propre et au moins semi-millénaire de la principale Église rituelle au sein de l’Église universelle – qui selon ledit concile « subsiste dans » l’Église catholique, tandis que nous l’affirmons persister dans cette même Église et lui être identifiée – pourrait-il ne plus être reconnu ? Quand bien même, Benoît XVI a affirmé que « ce Missel n’a jamais été juridiquement abrogé »[41], et François ne l’a pas canoniquement supprimé[42].

Mais avec un admirable à-propos :

« L’époque étant aux ‘mesures barrières’, le Motu proprio établit que le rite ancien n’a plus aucun droit de cité dans les églises paroissiales, et ce immédiatement, tant le risque de contagion semble devenu grand. La célébration de l’ancien rite ne pourra se faire que dans de rares lieux dûment certifiés par l’évêque. Ainsi, comme les lépreux autrefois, pour éviter toute contagion, les fidèles contaminés par l’Usus antiquior seront tenus soigneusement à l’écart des communautés paroissiales. […] Ceux-ci sont devenus en quelque sorte les lépreux de l’Église conciliaire »[43].

Il « manifeste son refus de la lex orandi traditionnelle et, implicitement, de la lex credendi exprimée par l’ancien rite. La paix que le motu proprio de Benoît XVI avait tenté d’assurer dans l’Eglise est finie et Josef Ratzinger, est condamné à assister, huit ans après sa renonciation au pontificat, à la guerre déclarée par son successeur, comme dans l’épilogue d’une tragédie grecque »[44].

Les années de « restauration » vécues sous Benoît XVI (mais entamées dès 2003) sont révolues, que personne ne se leurre plus. Aujourd’hui, les prêtres et fidèles refusant célébration comme concélébration de la liturgie prétendument réformée doivent se préparer spirituellement, psychologiquement et matériellement à ne plus pouvoir célébrer la liturgie latine traditionnelle dans les églises publiques.

« Nous-mêmes, qui avons la chance imméritée de connaître la messe tridentine et d’en bénéficier, nous possédons un trésor dont nous ne mesurons pas toujours toute la valeur […]. Quand quelque chose de précieux est attaqué ou méprisé, on en mesure mieux toute la valeur. Puisse ce ‘choc’ provoqué par la dureté des textes officiels du 16 juillet dernier, servir pour que notre attachement à la messe tridentine soit renouvelé, approfondi, redécouvert ; cette messe, notre messe, doit être réellement pour nous comme la perle de l’Évangile pour laquelle on renonce à tout, pour laquelle on est prêt à tout vendre. Celui qui n’est pas prêt à verser son sang pour cette messe n’est pas digne de la célébrer. Celui qui n’est pas prêt à renoncer à tout pour la garder n’est pas digne d’y assister »[45]. 

 « Douter du Concile, c’est […] finalement, douter du Saint-Esprit lui-même qui guide l’Église » écrivait François aux évêques le 16 juillet[46]. Le but affiché : « pourvoir au bien – mais puisque c’est pour votre bien, vous dit-on ! – de ceux qui sont enracinés dans la forme de célébration précédente et ont besoin de temps pour revenir au Rite romain promulgué par les saints Paul VI et Jean-Paul II »[47]. Comme le commente le Pr de Mattei, « pour atteindre cet objectif, il faut une patiente rééducation des récalcitrants »[48].

 Interrompu le 7 juillet 2007, le compte-à-rebours de destruction programmée du rite bimillénaire de l’Église latine (et non romaine, comme dit par la lettre apostolique) a été réactionné par François, avec la complicité active de nombreux évêques, même si c’est tout l’épiscopat qui est sommé d’agir, présenté comme étant à l’initiative : réconforté par saint Pie V lui-même (sic !)[49] – « Le motu proprio invoque donc l’autorité de qui le condamne »[50] (C. de Magistris) – et « Répondant à vos demandes, je prends la ferme décision – avec le secours de Votre sainte grâce ? – d’abroger toutes les normes, instructions, concessions et coutumes antérieures à ce Motu Proprio, et de conserver les livres liturgiques promulgués par les Saints Pontifes Paul VI et Jean-Paul II, conformément aux décrets du Concile Vatican II, comme la seule expression de la lex orandi du rite romain »[51]. Et ceux qui ne veulent pas y revenir, au nom du « pas de retour en arrière »… ? Et ceux qui ne l’ont jamais suivi ?

« Sur le plan du droit, la révocation de la liberté de chaque prêtre de célébrer selon les livres liturgiques antérieurs à la réforme de Paul VI est un acte manifestement illégitime. Le Summorum Pontificum de Benoît XVI a rappelé effectivement que le rite traditionnel n’a jamais été abrogé et que chaque prêtre a pleinement le droit de le célébrer où que ce soit dans le monde. Traditionis custodes interprète ce droit comme un privilège concédé comme tel par le Législateur Suprême. Ce modus procedendi est en tout cas tout à fait arbitraire parce que la licéité de la messe traditionnelle ne naît pas d’un privilège mais de la reconnaissance d’un droit subjectif de chaque fidèle, qu’il soit laïc, clerc ou religieux. Benoît XVI en fait n’a jamais rien « concédé » mais il n’a fait que reconnaître le droit d’utiliser le missel de 1962, ‘jamais abrogé’, et d’en recueillir les fruits spirituels. Le principe que reconnaît le document Summorum Pontificum est le caractère immuable de la bulle Quo primum de saint Pie V, du 14 juillet 1570 »[52].

Alors que nous avons célébré le 7 octobre dernier le 450e anniversaire de la victoire de Lépante, faut-il rappeler les paroles finales du même saint Pie V lors de l’extension universelle du Missel Romain, en date du 14 juillet 1570 ?

Les « prêtres de quelque nom qu’ils seront désignés, ou les religieux de n’importe quel ordre, ne peuvent être tenus de célébrer la messe autrement que nous l’avons fixée, et jamais et en aucun temps qui que ce soit ne pourra les contraindre et les forcer à laisser ce missel ou à abroger la présente instruction ou la modifier, mais qu’elle demeurera toujours en vigueur et valide, dans toute sa force […]. Qu’absolument personne, donc, ne puisse déroger à cette page qui exprime Notre permission, Notre décision, Notre ordonnance, Notre commandement, Notre précepte, Notre concession, Notre indult, Notre déclaration, Notre décret et Notre interdiction, ou n’ose témérairement aller à l’encontre de ses dispositions. Si cependant quelqu’un se permettait une telle altération, qu’il sache qu’il encourrait l’indignation de Dieu tout-puissant et de ses bienheureux apôtres Pierre et Paul » (bulle Quo primum tempore[53]).

Que ce ‘quelqu’un’ se le tienne pour dit, puisque selon Roberto de Mattei, il « a pour objectif de réprimer toute expression de fidélité à la liturgie traditionnelle. Mais il aura pour effet d’attiser une guerre qui, inévitablement, débouchera sur le triomphe de la Tradition de l’Église »[54].

« En bonne logique, l’ère de l’herméneutique de la continuité, avec ses équivoques, ses illusions et ses efforts impossibles, est drastiquement révolue, balayée d’un revers de manche »[55]. « Traditionis custodes prive du bien spirituel de la messe de toujours ceux qui ont un droit inaliénable à ce bien dont ils ont besoin pour persévérer dans la foi », et « confirme le processus de centralisation du pouvoir du pape François, en contradiction avec ses références récurrentes à la ‘synodalité’ dans l’Église »[56].

Le temps des ténèbres a commencé, et Notre Seigneur nous avertit : par la sainte liturgie immémoriale, par les Sacrements,

« La lumière est encore pour un peu de temps au milieu de vous. Marchez, pendant que vous avez la lumière, afin que les ténèbres ne vous surprennent point : celui qui marche dans les ténèbres ne sait où il va. Pendant que vous avez la lumière, croyez en la lumière, afin que vous soyez des enfants de lumière. Jésus dit ces choses, puis il s’en alla, et se cacha loin d’eux » (Joann. XII, 35-36).

Que le souvenir des tristes événements vécus en France lors du premier confinement, avec la complicité et culpabilité actives du haut-clergé, et de trop de clercs (même parfois d’« instituts signataires »), soit pour nous le signe, le marqueur d’un avenir à préparer dès maintenant :

  • Le temps des catacombes commence, dont acte.
  • Le relèvement postérieur à la crise est à préparer dès aujourd’hui.

Formons-nous ; sanctifions-nous ; édifions en nous et autour de nous le Règne de Dieu.

            Pour finir, méditons les paroles adressées par Véronique Lévy à ses frères prêtres[57]. Que de belles choses prépare actuellement le Bon Dieu, comme la conversion de la sœur de l’un des représentants les plus autorisés du système antichrétien qui paraît triompher… comme un certain Vendredi de l’an 33. Une autre Véronique, autre Chrétienne venue du judaïsme, s’était déjà illustrée, courageusement, en femme virile, tandis que les Apôtres se comportaient – hormis saint Jean – en traîtreuses femmelettes, premier épisode évangélique de la collégialité.

Symboliquement, la descendance apostolique de Judas est si nombreuse… Que saint Jean se hâte donc de réveiller dans le corps épiscopal les grâces de fidélité et de courage qui en firent le seul Apôtre digne parmi tout le Collège apostolique, à l’heure décisive du Sacrifice du Christ.

Voici que notre sainte Mère l’Église revit la Passion, en cette époque où il nous est mystérieusement donné de vivre. Cela fut moultes fois prédit, prophétisé, et une analyse spirituelle et surnaturelle ne peut aujourd’hui que le confirmer.

Dictature ecclésiale doublée d’une dictature étatique en marche : que faut-il pour que le Clergé ouvre les yeux ? Et se contentera-t-il de mouvements de paupières ?

A perfidia Cleri, libera nos Domine.
Deus meus, dona nobis viri ut sacerdotes.
Deus meus, dona nobis sancti viri ut sacerdotes.
Deus meus, dona nobis multi sanctique viri ut sacerdotes [58].

Abbé Louis de Saint-Taurin +

Notes:

[1] « Jusqu’où Seigneur ? » (Ps. XII).

[2] Nous savons ce qu’il faut penser des rapports comme des experts autoproclamés : Le blog de Jeanne Smits: La face cachée de l’histoire de “Traditionis custodes”

[6] Et non faire payer les fidèles !

[8] https://laportelatine.org/actualites/communiques/peut-on-esperer-une-reaction-de-rome-leveque-devreux-participe-a-une-ordination-de-femmes; https://laportelatine.org/actualites/publications/clovis-fideliter/le-diocese-devreux-est-il-catholique-par-come-previgny

[24] Alors qu’il y a pourtant un contre-exemple criant : l’Union Européenne considère ses diktats comme supérieurs à la souveraineté des États membres, ce contre quoi lutte actuellement la Pologne.

[42] Benoît XVI précise encore : « La dernière version du Missale Romanum, antérieure au Concile, qui a été publiée sous l’autorité du Pape Jean XXIII en 1962 et qui a été utilisée durant le Concile, pourra en revanche être utilisée comme Forma extraordinaria de la Célébration liturgique », ce qui ne pouvait donc pas être le cas avant 2007…

[49] « La lettre de présentation du Motu proprio ajoute que sa démarche est comparable à celle ayant inspiré la bulle Quo primum tempore de saint Pie V. Il y a là une contre-vérité manifeste, car saint Pie V a éliminé le nouveau (à savoir tout ce qui avait moins de 200 ans) pour ne conserver que l’ancien (à savoir tout ce qui pouvait justifier d’un usage continu depuis au moins 200 ans), alors que Traditionis custodes élimine tout ce qui est ancien […] pour imposer que ce qui est nouveau (c’est-à-dire ce qui a été créé de toutes pièces il y a à peine 50 ans). Ainsi, en suivant les critères définis par saint Pie V, le nouvel Ordo Missae (NOM) aurait été interdit, puisqu’il ne peut justifier d’un usage continu depuis 200 ans » (M. de Lassus, Pourquoi la diversité amazonienne ne nuit pas à l’unité mais au contraire la renforce, alors que la diversité au sein du rite romain lui nuirait ? – Le Salon Beige).

[53] Quo primum tempore : la bulle qui rend libre à perpétuité la messe traditionnelle – Vive le Roy. Le cardinal Medina Estevez, qui vient de nous quitter (R.I.P.), soutint en tant que Préfet du Culte divin que ce document n’avait… aucune force contraignante !

[58] De la perfidie du Clergé, libérez-nous Seigneur.
Mon Dieu, donnez-nous des prêtres virils.
Mon Dieu, donnez-nous de saints prêtres virils.
Mon Dieu, donnez-nous beaucoup de saints prêtres virils.

2021-55. Le martyre de Sainte Ursule, probable dernière toile du Caravage.

21 octobre,
Fête de Sainte Ursule et de ses compagnes, vierges et martyres ;
Et aussi fête de Sainte Céline, veuve, mère de Saint Remi (cf. > ici),
Mémoire de Saint Hilarion de Gaza, abbé et confesseur ;
Mémoire du Bienheureux Charles de Habsbourg, empereur et roi, confesseur ;
Anniversaire de Sa Majesté la Reine Marie-Marguerite (21 octobre 1983).

Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,

       Au Mesnil-Marie, nous nourrissons une dévotion très intense pour Sainte Ursule, dont la vie et le martyre ont joui d’une immense popularité dans tout l’Occident aux siècles de foi, et dont l’exemple a inspiré de magnifiques œuvres d’éducation (on pense ici tout particulièrement aux diverses congrégations d’Ursulines qui ont vu le jour à partir du XVe siècle).
En outre, le fait que, en ces temps de rationalisme dévastateur et d’impiété, l’histoire de Sainte Ursule soit reléguée au rang de légende ajoute indubitablement à notre zèle pour la faire connaître et vénérer !  

   Sainte Ursule a inspiré un très grand nombre d’artistes.
Parmi les chefs d’œuvre qui la représentent se trouve « le martyre de Sainte Ursule » de Michelangelo Merisi da Caravaggio, dit Le Caravage, qui est très probablement – pour ne pas dire d’une manière quasi certaine dans l’état actuel de nos connaissances – la dernière toile du maître : elle fut achevée dans la première quinzaine du mois de juin 1610, et le 18 juillet suivant, Le Caravage mourut à Porto Ercole dans sa trente-neuvième année.  

Présentation du martyre de Sainte Ursule - Naples

Naples, palais Zevallos Stigliano, présentation du tableau du Caravage :
Le martyre de Sainte Ursule (1610)

   En octobre 1609, Le Caravage arrive à Naples : c’est son deuxième séjour. Le premier avait été en 1606-1607 après qu’il a dû fuir Rome où il a été condamné à la peine capitale par contumace pour un homicide.
Depuis, le peintre mauvais garçon s’est rendu entre autres à Malte et en Sicile, où il a réalisé plusieurs chefs d’œuvre.
Mais il espère toujours pouvoir rentrer à Rome, et il a pour cela fait implorer sa grâce auprès du Souverain Pontife.

   Le cardinal Scipion Borghèse, son protecteur, lui fait savoir au début de juillet 1610 que le Pape est disposé à le gracier s’il demande pardon : c’est la raison qui amènera Le Caravage à quitter Naples pour retourner dans les Etats Pontificaux et c’est alors que la mort viendra le surprendre à Porto Ercole, comme nous l’avons déjà dit, dans des circonstances qui ne sont pas encore toutes élucidées.

   C’est au cours de ce second séjour napolitain que Caravage peint ses dernières toiles, dont « le martyre de Sainte Ursule » est considéré par un très grand nombre d’historiens de l’art et d’experts comme la toute dernière.
Dès son arrivée à Naples, pris dans une énième bagarre, le peintre a été grièvement blessé par plusieurs hommes qui l’ont attaqué – était-ce un guet-apens ? – et laissé pour mort : la nouvelle de son trépas remontera même jusqu’à Rome.
Il a pourtant survécu et il peint encore.

    »Le martyre de Sainte Ursule » est une commande du prince génois Marc’Antonio Doria, éminent mécène et collectionneur.
C’est une toile d’importance : 1,70 m sur 1,40 m.

   Des documents du chargé d’affaires du Prince Doria, bien conservés, permettent de savoir que Le Caravage lui a remis la toile alors que les vernis n’étaient pas complètement secs, et que, pour hâter le séchage et l’expédition, cet homme a exposé l’ œuvre au soleil.
C’était bien la dernière des choses à faire !
Par la suite, cela aura des conséquences sur les couleurs et la conservation du tableau, qui arrive à Gènes par la mer le 18 juin 1610, un mois avant la mort de son auteur.
L’accueil des Génois ne sera pas enthousiaste, loin s’en faut.

   Le tableau restera à Gènes jusqu’en 1832 puis, en raison des péripéties consécutives aux diverses successions, on va le retrouver dans les collections de divers membres de la famille Doria en d’autres de leurs palais jusqu’en 1973, date à laquelle il est acheté par la filiale napolitaine de la Banque Commerciale d’Italie.
C’est ce qui a occasionné le retour de l’œuvre à Naples, où elle est actuellement conservée et exposée au palais Zevallos Stigliano, via Toledo. 

Caravage - le martyre de Sainte Ursule 1610

Le martyre de Sainte Ursule (1610)
dernier chef d’œuvre du Caravage, version restaurée

   Le tableau dépeint le moment culminant du martyre de Sainte Ursule, celui où, ayant repoussé les avances du roi des Huns et déjà transpercée de la flèche qui est en train de causer sa mort, elle va s’effondrer et rendre le dernier soupir. Ce tableau est donc comme un instantané pris sur le vif.

   Alors que l’iconographie habituelle représente le plus souvent Sainte Ursule entourée de ses compagnes, ou bien s’organise en « cycles » où l’on peut voir se succéder les tableaux de son départ, des étapes de son pèlerinage, de son arrivée à Cologne et de l’attaque des pèlerins par l’armée des Huns (ce qui donne aux artistes l’occasion de peindre des scènes épiques), conformément à son habitude, Le Caravage concentre l’action sur un petit nombre de personnages, jusqu’à donner un caractère presque intimiste de cette scène de violence et de mort.
La restauration du tableau a d’ailleurs fait apparaître, outre les couleurs d’origine, une main ouverte, entre le roi des Huns et la jeune martyre, qui semble repousser le spectateur pour laisser seuls les protagonistes du drame.

Caravage - le martyre de Sainte Ursule avant restauration

Le martyre de Sainte Ursule – Le Caravage
Cette photographie du tableau a été prise avant restauration :
la main tendue du personnage de l’arrière-plan n’y apparaît pas !
(comparer avec la version restaurée reproduite supra)

   Au premier plan, sur notre gauche, nous voyons le roi des Huns, revêtu d’une cuirasse aux reflets d’argent rehaussée d’ornements d’or sur une tunique pourpre, dont la main droite vient de relâcher la corde de son arc. La flèche qu’il a lancée est déjà fichée dans la poitrine de la sainte. Cette dernière est déjà d’une lividité mortelle : elle contemple sa blessure de laquelle le sang se répand, et dont le rouge se confond avec le rouge vif de son manteau.

   Remarquez l’expression de l’œil et de la bouche du roi des Huns : on y lit presque une sorte de regret du geste qu’il vient d’accomplir.
Le visage et la position de Sainte Ursule, s’ils expriment une forme de douleur, manifestent, au-delà de cette souffrance, une espèce de contemplation sereine qui contraste avec l’agitation qu’on lit sur les visages qui l’entourent.

Caravage - martyre de Sainte Ursule - détail 1

   L’attitude des personnages secondaires peut également retenir notre attention : celui qui est au premier plan à droite, revêtu d’une armure et casqué, donne donc l’impression d’être un soldat Hun, pourtant il semble soutenir ou retenir la chute de la martyre. On ne voit pas l’expression de son visage, mais la manière dont il se penche légèrement manifeste comme une curiosité pour la blessure et pour le sang qui s’en échappe.

   En revanche, les deux hommes de l’arrière-plan pourraient être des hommes de la suite de Sainte Ursule et de ses compagnes : le peu que l’on voit de leur habillement montre que ce ne sont pas des soldats. L’expression de leurs visages est faite d’agitation, de protestation, d’indignation.

   Nous avons déjà mentionné la main droite de l’homme qui se trouve sur le côté droit de Sainte Ursule (donc à gauche pour nous) : spontanément, on imaginerait, du fait de la place de son avant bras et de sa main, qu’il a essayé de s’interposer pour empêcher le roi Hun d’atteindre la sainte, mais la disposition même de cette main, qui n’est pas dirigée en opposition à la personne ou à l’arc du roi, mais ouverte en direction du spectateur comme nous l’avons dit, appelle une autre interprétation : celle que nous avons explicité ci-dessus.
Quant à l’homme, cou tendu et bouche ouverte, dont le visage se trouve juste à l’arrière du cou de Sainte Ursule, on s’accorde pour dire qu’il s’agit d’un autoportrait du Caravage.
Son ultime autoportrait.

Caravage - martyre de Sainte Ursule - détail 2

2021-53. «(…) Ces esprits de malice contre qui il nous est commandé de lutter (…)»

21ème dimanche après la Pentecôte.

ténèbres

   Le sermon CCXXII de Saint Augustin est un court sermon prononcé pendant la Sainte Nuit Pascale : il y commente les paroles de Saint Paul qui nous sont données à méditer dans l’épître du 21ème dimanche après la Pentecôte, à propos des esprits de ténèbres. On peut résumer le propos de notre Bienheureux Père Saint Augustin de la sorte : En dissipant les ténèbres de cette nuit où nous veillons solennellement pour prier, rappelons-nous que nous devons lutter contre les esprits de ténèbres qui cherchent constamment à nous nuire.

* * * * *

   Quoique la solennité même de cette sainte nuit vous excite à veiller et à prier, mes bien-aimés, nous ne devons pas moins sérieusement vous adresser la parole ; c’est à la voix du pasteur d’éveiller le troupeau sacré pour le mettre en garde contre les bêtes nocturnes, contre les puissances ennemies et jalouses, contre les esprits de ténèbres : « Nous n’avons pas, dit l’Apôtre, à lutter contre la chair et le sang », en d’autres termes, contre des hommes faibles et revêtus d’un corps mortel : « mais contre les princes, les puissances et les dominateurs de ce monde de ténèbres, contre les esprits de malice répandus dans le ciel » (Ephés. VI, 12).

   N’en concluez pas que le démon et ses anges, désignés par ces expressions de l’Apôtre, gouvernent le monde dont il est écrit : « Et le monde a été fait par lui » (Jean I, 10). Car, après les avoir nommés les dominateurs du monde, lui-même a craint qu’on ne comprît ici le monde désigné tant de fois dans l’Ecriture sous les noms du ciel et de la terre, et comme pour s’expliquer il a ajouté aussitôt : « de ténèbres », autrement : d’infidèles.
Aussi dit-il à ceux qui dès lors étaient devenus fidèles : « Autrefois vous étiez ténèbres, vous êtes maintenant lumière dans le Seigneur » (Eph. V, 3). Si donc ces esprits de malice sont dans le ciel, ce n’est pas dans le ciel où brillent les astres qui y sont placés avec tant d’ordre et où demeurent les anges, mais dans la sombre habitation de cette basse atmosphère où s’épaississent les nuages, et dont il est écrit : « Il couvre le ciel de nuées » (Ps. CXLVI, 8). Là aussi volent les oiseaux, et on les appelle : « Les oiseaux du ciel » (Ps. XLIX, 11). C’est donc dans ce ciel inférieur et non point dans la sereine tranquillité du ciel supérieur qu’habitent ces esprits de malice contre qui il nous est commandé de lutter, pour mériter, après avoir vaincu les mauvais anges, d’être associés au bonheur éternel des bons anges. Voilà pourquoi, en parlant ailleurs de l’empire ténébreux du diable, le même Apôtre dit : « Selon l’esprit de ce monde, selon le prince des puissances de l’air, lequel agit maintenant dans les enfants de la défiance » (Eph. II, 2). Par conséquent, l’esprit de ce monde ne signifie autre chose que les dominateurs du monde ; et de même que l’Apôtre indique ce qu’il entend par l’esprit de ce monde en ajoutant : « Les fils de la défiance », ainsi explique-t-il aussi sa pensée en mettant : « De ténèbres ». A ces mots également : « Le prince des puissances de l’air », il oppose ceux-ci : « Dans le ciel ».

   Grâces donc au Seigneur notre Dieu qui nous a délivrés de cette puissance de ténèbres et qui nous a transférés dans le royaume du Fils de son amour (cf. Colos. I, 12, 13). Mais une fois séparés de ces ténèbres par la lumière de l’Evangile, et rachetés de cette tyrannie au prix d’un sang divin, veillez et priez pour ne succomber pas à la tentation (cf. Matt. XV, 41). Vous qui avez la foi agissant par la charité (cf. Gal. V, 6), de votre cœur a été expulsé le prince de ce monde (cf. Jean, XII, 31) ; mais il rôde au dehors, comme un lion rugissant, cherchant quelqu’un à dévorer (cf. I Pierre V, 3). Peu lui importe par où il entre ; ne lui laissez donc aucune ouverture, et pour vous défendre, faites demeurer en vous Celui qui l’a expulsé en souffrant pour vous. Quand il vous dirigeait, « vous étiez ténèbres; mais vous êtes maintenant lumière dans le Seigneur ; vivez comme des enfants de lumière » (Eph. V, 8) ; en garde contre les ténèbres et les puissances de ténèbres, veillez au sein de la lumière où vous venez de naître ; et du sein de cette lumière qui est comme votre mère, implorez le Père des lumières.

Combat de St Michel et des anges.

Voir aussi :
- L’armure de Dieu > ici

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