2015-48. D’une pseudo-messe de funérailles.
Mercredi 22 avril 2015,
Solennité de Saint Joseph.
Eglise de Saint-Clément – cul de lampe de la chapelle des Cardinaux Flandrin (XVe siècle)
Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,
Comme cela arrive de temps en temps, le Maître-Chat Lully me laisse aujourd’hui le libre usage de son blogue afin d’y exprimer – une fois de plus, hélas ! – une très grande tristesse (car il ne faudrait vraiment pas s’imaginer que c’est par plaisir que j’écris des choses telles que celles qui vont suivre !).
Je me suis déjà exprimé sur le même sujet au début du mois de novembre 2012, au retour des funérailles d’une vieille amie qui avaient été célébrées dans l’église où j’ai reçu la grâce du saint baptême (à lire ou à relire > ici), et je pourrais reprendre quasi mot pour mot ce que j’écrivais alors.
D’aucuns me diraient peut-être : « En ce cas, ne vaudrait-il pas mieux vous taire ? »
Non ! Il existe des formes de mensonge par omission, et, en l’occurrence, mon silence pourrait laisser penser que j’approuve ou que je suis indifférent.
Il me semble même que se taire, lorsque une prétendue cérémonie catholique atteint un tel degré d’aberration, constituerait un double péché : péché contre la vérité et péché contre la charité.
La charité, en effet, ne consiste pas à dire qu’une chose est blanche quand elle est noire, au motif qu’il ne faudrait pas faire de peine à tel ou tel !
La première des charités est la vérité.
Ainsi donc dire qu’une cérémonie n’est pas conforme à ce que demande l’Eglise en matière de liturgie (non pas de manière subjective et par pure « sensibilité », mais parce que l’Eglise nous donne les moyens objectifs pour en juger), dire qu’un prêtre n’a pas fait ce qu’il était de son devoir d’accomplir mais s’est livré à du « grand n’importe quoi », dire que les fidèles sont gravement abusés par ce type de comportement, et dire enfin que l’âme d’un défunt peut subir les préjudices d’une cérémonie de funérailles pour le moins fantaisiste, n’est qu’une forme de témoignage rendu à la vérité catholique.
J’en entends déjà certains m’opposer avec des airs scandalisés : « Mais vous jugez ce prêtre et ses collaborateurs… »
Pas du tout ! Je laisse à Dieu (et j’en suis bien heureux) le soin de juger le coeur de ce prêtre, de ses intentions réelles et de sa responsabilité.
Pour ce qui me concerne, je ne fais que relever des faits, tels que je les ai pu constater, et tels que les centaines de personnes qui étaient là peuvent aussi dire que les choses se sont passées (si toutefois elles y ont pris garde, car les fidèles « ordinaires » sont tellement habitués à subir n’importe quoi que leur perception est devenu totalement relativiste) ; et ces faits, je regarde simplement s’ils sont conformes ou non aux règles liturgiques édictées par la Sainte Eglise, pour le rite romain « ordinaire », qui n’est pas celui auquel j’assiste habituellement, mais dont je connais néanmoins les règles. C’est tout.
Eglise de Saint-Clément – cul de lampe de la chapelle des Cardinaux Flandrin (XVe siècle)
Cette fois-ci, il s’agissait des funérailles d’un homme qui fut pendant une quarantaine d’années maire de l’un de nos villages des hautes Boutières – Saint-Clément – , victime d’une mort subite et imprévue en milieu de semaine dernière.
Dans le cadre des activités associatives locales auxquelles je participe, j’avais pu en maintes occasions le rencontrer, et parler avec lui autrement que d’une manière superficielle.
Issu des anciennes familles de nos hautes terres, il avait hérité de ces lignées de paysans qui l’avaient précédé un solide bon sens et un réalisme plein de sagesse.
Il avait suivi une partie de sa scolarité au petit séminaire (au temps où il y avait des petits séminaires et où l’on y dispensait un enseignement humaniste chrétien de qualité) : c’était un homme habité par une foi profonde. Combien de fois, traversant son village et m’arrêtant pour y faire une visite au Très Saint Sacrement dans sa belle petite église des XIIe et XVe siècles dont la porte était toujours ouverte, ne l’ai-je pas trouvé là, recueilli !
C’était aussi un homme possédé par l’amour de son terroir, qui avait déployé des trésors de pugnacité et suscité des initiatives originales pour tenter de s’opposer à l’exode rural et à la désertification de nos villages.
J’appréciais ses qualités humaines et spirituelles, sa discrétion et sa profondeur, sa cohérence de vie : il me semblait donc important de me rendre à ses funérailles religieuses, qui – je me répète (mais en nos temps de confusion et d’approximation il est important d’insister) – , pour l’Eglise, ne consituent pas une « cérémonie d’hommage » mais un moment particulièrement intense de prière pour le salut de l’âme du défunt, pour implorer le pardon de ses péchés, et pour demander à Dieu de le purifier des conséquences de ses fautes, afin qu’il puisse accéder au Paradis.
Ce n’est pas, en effet, parce qu’un homme est bon, droit, juste, et honnête – qu’il n’a « pas tué et pas volé », comme le répètent bêtement nombre de personnes lorsqu’elles veulent faire croire qu’elles n’ont rien à se reprocher – qu’il n’y a pas, après la mort, des purifications nécessaires, des purifications longues et douloureuses, que la Sainte Eglise, par l’oblation du Saint-Sacrifice, par ses sacramentaux et ses suffrages, a le pouvoir de soulager.
Eglise de Saint-Clément – cul de lampe de la chapelle des Cardinaux Flandrin (XVe siècle)
Me voilà donc, samedi dernier 18 avril après-midi, dans la belle petite église de Saint-Clément, à presque 1200 m d’altitude.
J’étais arrivé à l’avance et, dans mon bréviaire, j’ai récité l’office des défunts.
Peu à peu, l’église s’est remplie, jusqu’à être plus que comble, d’une foule bavarde et indiscrète : il semble que même les « pratiquants » (mais que signifie encore ce mot ?) n’ont aucun égard à la sainteté du lieu consacré à Dieu. On s’y interpelle et s’y fait des grands signes, on s’y congratule et on y échange des nouvelles comme si l’on était sur la place publique ou dans quelque réception mondaine.
A 15 h, la cérémonie religieuse a commencé.
- S’agissait-il d’une messe ?
Peut-être… mais je n’en suis finalement pas très sûr.
- S’agissait-il d’une messe de la Sainte Eglise Catholique Romaine ?
Là, je peux répondre d’une manière catégorique : certainement pas !… même si elle était « célébrée » par deux prêtres qui sont – officiellement du moins – des prêtres catholiques.
En voici le déroulement :
- 1) Y a-t-il eu un signe de croix lorsque le prêtre est allé accueillir le cercueil à l’entrée de l’église ? Je ne le sais pas puisque j’étais déjà dans l’église. Ce dont je suis certain, en revanche, c’est qu’il n’y en a pas eu pour commencer la « célébration » à l’intérieur de l’église.
- 2) Après que le cercueil a été placé devant l’autel, une dame (de la communauté locale ?) a introduit la célébration par un « mot d’accueil ».
Puis une nièce du défunt a lu son « témoignage » : c’était bien tourné, c’était émouvant, c’était touchant, certes, puisque cela exprimait la souffrance et le désarroi d’un proche en face de cette mort brusque. Mais ce genre d’intervention appartient au domaine des « cercles de paroles », dans le cadre des cellules de soutien psychologique : il n’appartient à la liturgie, il n’a pas sa place dans la liturgie.
- 3) Vint alors un premier chant. Un chant de Pâques : « Depuis l’aube… » Un chant où l’on demande à Jésus de rester avec nous, de marcher avec nous, de veiller avec nous et enfin de nous accueillir dans la joie près de Son Père.
Les paroles ne sont pas idiotes (comme c’est malheureusement souvent le cas pour nombre de cantiques « modernes »), mais elles ne constituent pas à proprement parler une prière pour le défunt, et cela n’a pas grand’chose à voir avec l’introit « Requiem aeternam » ni avec la traduction française que l’on en trouve dans le missel issu de la réforme liturgique postérieure au second concile du Vatican.
- 4) Le célébrant – qui ne portait pas de chasuble (alors qu’il me semble bien qu’à plusieurs reprises le Saint-Siège a rappelé que celle-ci n’est pas facultative) – y est allé ensuite de son « mot d’introduction » (le troisième en définitive !), lequel fut suivi par un nouveau cantique : « Dieu est amour… »
- 5) Pour la « préparation pénitentielle » : trois versets (étaient-ils improvisés, je ne le sais pas, mais ce dont je suis sûr c’est qu’ils n’appartiennent pas aux textes proposés par le missel officiel) psalmodiés par le prêtre, auxquels l’assemblée répondait en chantant : « Prends pitié de nous ! ».
J’avoue ne pas me souvenir s’il y a eu ensuite la formule prescrite : « Que Dieu tout-puissant nous fasse miséricorde… etc. »
- 6) Puis ce fut la première oraison.
Je ne sais pas si cette oraison était une « création » de circonstance, une improvisation du célébrant, ou si elle était prise dans une publication paraliturgique, mais ce dont je suis certain, là encore, c’est qu’elle n’était pas prise dans le missel « officiel » de la « forme ordinaire du rite romain ».
D’une manière systématique, le prêtre conclue les oraisons par la formule « qui vit pour les siècles des siècles » : la mention du règne éternel de Notre-Seigneur Jésus-Christ, visiblement, l’indispose gravement.
- 7) Il y eut alors un grand moment (!!!), qui ne fut pas sans me rappeler certaines « originalités » pratiquées à la fin des « années soixante » du précédent siècle.
A l’époque, en effet, certains prêtres avaient imaginé, au moment de la lecture de l’épître, faire arriver à l’entrée du sanctuaire un facteur qui remettait une lettre au célébrant ; celui-ci la décachetait et s’écriait : « C’est Paul, notre frère, qui nous a adressé une lettre ! » Il paraît que c’était une manière « pédagogique » de faire comprendre aux fidèles que les épîtres sont des textes toujours actuels…
Ce samedi 18 avril, nous n’eûmes pas droit à l’arrivée du facteur, néanmoins la lecture de quelques versets du chapitre XIII de la première épître aux Corinthiens nous fut annoncée par cette proclamation : « Lecture de la première lettre de l’apôtre Paul aux amis de Bernard » (nota bene : Bernard est le prénom du défunt).
- 8) Cette lecture fut suivie d’un temps de méditation silencieuse pendant lesquelles – sur un fond musical (le « cum dederit » du « Nisi Dominus » RV 608 de Vivaldi), le prêtre nous invita, chacun dans le silence de notre âme, à « parler à Bernard ».
- 9) Il n’y a pas eu de lecture de passage de l’Evangile !!! C’est tellement « gros » que cela se passe de commentaire.
- 10) Il n’y a pas non plus eu d’homélie (mais, de cela, en définitive, je ne me plains pas ; j’en rends plutôt grâces à Dieu).
- 11) Une « prière universelle », avec l’ambiguïté propre à toutes les « prières universelles ».
En effet, une prière étant supposée s’adresser à Dieu, pourquoi les « prières universelles » sont-elles presque toujours des textes qui paraissent être écrits à l’adresse des fidèles ?
- 12) Si on se permet de sabrer allégrement dans les textes liturgiques, en revanche on ne se permet pas d’omettre la quête, annoncée « pour l’église » (sans qu’on sache si c’est pour l’Eglise, institution, ou pour l’église bâtiment : son entretien, le chauffage …etc.).
- 13) Le prêtre a ensuite expliqué qu’il préparait « le pain et le vin » sur « la table ».
Je n’ai pas pu voir s’il y avait un corporal sur cette « table » (que je croyais être un autel, pardonnez ma méprise) : ce détail n’est en pas vraiment un dans la mesure où, normalement – c’est du moins ce que j’avais appris dans mes cours de théologie sacramentelle – , lorsqu’un prêtre célèbre la messe il a l’intention de consacrer ce qui se trouve sur le corporal. S’il n’y a pas de corporal (et je n’ai pas lu que le missel post-vaticandeux en dispensait) le prêtre a-t-il l’intention de consacrer « ce qui se trouve sur l’autel » ? Alors, en ce cas, si la burette contenant le vin est posée sur l’autel (comme ce samedi), le prêtre qui veut consacrer « ce qui est sur l’autel » ne consacre-t-il pas non seulement le vin qui est dans le calice mais aussi celui qui est resté dans la burette ?
Les textes officiels pour l’offertoire furent eux aussi trafiqués et écourtés, et il n’y eu pas de « lavabo ».
- 14) La préface : on y retrouvait quelques bribes éparses de la préface des défunts, mais il semblait bien que ce fut essentiellement de l’improvisation.
- 15) La « prière eucharistique » fut de la même veine : les paroles de la consécration y étaient, mais tout le reste était brodé, glosé, …etc.
A l’élévation, me trouvant dans un doute bien légitime, je priais dans mon coeur : « Mon Dieu, si Vous êtes là, je Vous adore ; et si Vous n’y êtes pas, je Vous adore… dans le Ciel ! »
Car la validité de la messe ne peut-être que douteuse dans de tels cas.
Comme je l’écrivais en novembre 2012 : « Pour qu’une Messe soit valide, il faut qu’elle soit célébrée par un prêtre validement ordonné, qui prononce, sur le pain et sur le vin, les paroles de la consécration reçues par l’Eglise, avec l’intention de faire ce que veut faire l’Eglise.
L’intention du prêtre n’est pas son intention « subjective », mais l’intention qu’il manifeste à travers le rite qu’il utilise.
Je me répète et j’insiste : il est nécessaire que le prêtre aie l’intention de faire ce que l’Eglise fait. Or ce que l’Eglise fait est codifié par le rite et par les règles liturgiques précises qui ont été édictées par le Saint-Siège.
Un prêtre qui, malgré ce qui est écrit dans le missel et malgré les multiples rappels à l’ordre de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, n’utilise pas les ornements prescrits, invente les oraisons ou va les prendre dans des « fiches » non approuvées par l’autorité compétente, modifie les textes, fait des ajouts ou bien retranche des parties entières des formules liturgiques, montre à l’évidence qu’il se fiche complètement de ce que veut faire l’Eglise.
Si, en outre, dans une discussion, ce même prêtre a nié devant vous la doctrine catholique du Saint-Sacrifice telle qu’elle a été définie par le Concile de Trente, comme aussi d’autres points non négligeables de la foi catholique, et que vous savez qu’il lui arrive de « concélébrer » avec un pasteur, il vous est très légitimement permis de douter de la validité de la « messe » (ou prétendue telle) qu’il célèbre ».
- 16) Le « Notre Père » fut privé de son embolisme (« Délivre-nous de tout mal… ») et directement suivi de la doxologie « car c’est à toi qu’appartiennent… ».
La prière « Seigneur Jésus-Christ, tu as dit à tes apôtres… » fut également omise et l’ « Agneau de Dieu » remplacé par un « chant de paix » aux paroles incertaines qui n’en reprenait qu’une seule invocation.
- 17) Après la distribution de la « communion » (j’écris le mot entre guillements car je ne sais pas s’il y avait Présence Réelle ou pas), la « prière après la communion » prévue par le missel fut remplacée par un texte un peu long, lu par une dame dans ce qui m’a semblé être une revue : le texte s’adressait à Dieu en Lui disant, entre autres, qu’Il ne juge personne et qu’Il ne pèse pas le bien et le mal dans une balance…
Et moi qui, avec vingt siècles de Tradition chrétienne, répète tous les jours dans le « Symbole des Apôtres » ou le « Symbole de Nicée » que Jésus siège à la droite du Père « d’où Il viendra pour juger les vivants et les morts », je dois donc être bien nigaud de croire en cela !
- 18) Ce que nous appelons l’absoute dans le rite latin traditionnel, était remplacé ici par un « chant d’au revoir » dont je vous scanne le texte, tel qu’il figurait sur les feuilles qui nous avaient été remises ; ainsi ne pourrais-je pas être accusé d’affabuler ou d’exagérer.
Je regrette toutefois de ne pouvoir vous en livrer la musique, car ce que j’ai entendu évoquait irrépressiblement à mes oreilles la mélodie – savante et fort spirituelle – de « Prom’nons-nous dans les bois pendant que le loup n’y est pas… »
Puis le célébrant fit sur le cercueil une aspersion avec de l’eau dont je n’affirmerai pas qu’elle avait été bénite : ce prêtre n’a jamais parlé d’eau bénite, mais uniquement de « signe de l’eau », et quand, avant la cérémonie, le bénitier avait été rempli, il m’avait semblé que c’était au moyen d’une bouteille d’eau minérale naturelle du commerce dont c’était la première ouverture.
Voilà donc toutes les raisons qui font que je ne puis parler que d’une pseudo-messe de funérailles, et non d’une messe selon la liturgie de l’Eglise Catholique Romaine, car même dans le missel issu de la réforme liturgique post-concilaire il y a des règles précises, dont le second concile du Vatican lui-même avait affirmé : « Le droit de régler l’organisation de la liturgie revient uniquement à l’autorité de l’Eglise : celle-ci appartient au Siège apostolique et, selon les règles du droit, à l’évêque. (…) C’est pourquoi absolument personne d’autre, fut-ce un prêtre, n’ajoutera, n’enlèvera, ou ne changera rien, de sa propre initiative, à la liturgie. » (Vatican II, constitution « Sacrosanctum concilium » sur la liturgie paragraphe 22, §1 et §3).
Frère Maximilien-Marie du Sacré-Coeur.
Eglise de Saint-Clément – cul de lampe de la chapelle des Cardinaux Flandrin (XVe siècle)
