16 août,
Fête de Saint Roch, céleste protecteur en second du Mesnil-Marie.
On trouvera ses litanies > ici
Et une prière en temps d’épidémie > ici
Saint Roch est né à Montpellier entre 1348 et 1350 (en France, nous sommes au tout début de la Guerre de Cent ans), fils unique d’un haut magistrat, Jean Roch de La Croix, et de sa pieuse épouse, dame Libère (Libéria). Il portait sur la poitrine, au côté droit, une sorte de tache de naissance en forme de croix : signe d’une vocation particulière de dévouement et de sacrifice.
Montpellier, auparavant ville appartenant à la Couronne d’Aragon puis aux Rois de Majorque, fut achetée par le Roi de France Philippe VI en 1349 : elle fut alors l’une des villes les plus peuplées du Royaume, et son université de médecine (fondée en 1220) était l’une des plus réputées de la Chrétienté.
Toutefois Montpellier n’était pas alors un évêché, elle ne le deviendra qu’en 1536 lorsque le siège épiscopal de Maguelonne y sera transféré.
Roch reçut sa première éducation de sa pieuse mère, et se montra dès l’enfance d’une piété bien au-dessus de la moyenne, ainsi que d’une charité sans bornes pour les pauvres : il avait grande joie à les accueillir dans la maison paternelle et à leur distribuer toutes ses petites épargnes.
A seize ans, il commença à fréquenter l’université et il y reçut la formation médicale qui y était dispensée.
C’est lorsqu’il atteignit sa vingtième année qu’il perdit successivement son père et sa mère, à peu de temps d’un de l’autre. Avant de rendre son âme à Dieu, Jean de La Croix avait fait à son fils ces suprêmes recommandations : « Mon fils, sois toujours le serviteur dévoué de notre Rédempteur et Maître, Jésus-Christ. Assiste les veuves et les orphelins ; emploie en bonnes œuvres les trésors que je te laisse ; visite souvent les hôpitaux où sont les pauvres et les infirmes, ces membres souffrants de notre Sauveur, et que Dieu te bénisse ».
Détail d’un tableau de facture naïve dans l’église Notre-Dame à Bellegarde
Après avoir distribué tous ses biens aux pauvres, Roch, ayant pris l’habit des pèlerins, décida de partir pour Rome.
L’épidémie de peste, à laquelle bien plus tard on donnera le nom de peste noire, avait touché l’Europe occidentale à partir de 1347 et, en cinq ou six ans, avait emporté, estime-t-on, quelque vingt-cinq millions de victimes (selon les lieux 30 à 60 % de la population) pour la seule Europe.
Au moment où Roch se mit en route, la période de plus grande mortalité était passée ; toutefois l’épidémie subsistait sous forme de foyers de contagion restreints.
Vêtu de sa houppelande de toile grossière, couvrant des vêtements tels qu’en portaient les plus humbles de la société, coiffé d’un chapeau à larges bords, protection aussi bien contre la pluie que contre les ardeurs du soleil, un bourdon à la main (pour assurer la marche et, le cas échéant, se défendre des attaques d’animaux), Roch n’emporta de son immense patrimoine qu’une gourde et une panetière pour y ranger les aumônes recueillies le long de la route.
En chemin, il s’arrête dans quelques hôpitaux pour soigner et panser les plaies des malades, surtout ceux victimes de la peste. Il opère des guérisons par ses prières et par le signe de la croix.
En juillet 1367, il arrive à Acquapendente, dans la province de Viterbe, au nord du Latium, où l’épidémie connaît une forme de regain. Il supplie qu’on l’accepte pour servir dans l’hôpital des pestiférés, ce qu’on lui refusait d’abord en raison de sa jeunesse. Avec un admirable dévouement il y reste trois mois, humble serviteur des pestiférés, réconfortant et embrassant les malades, ranimant leur foi en même temps que leurs forces, prodiguant soins et paroles encourageantes, manifestant la plus tendre et délicate charité à tous.
L’épidémie régresse les habitants d’Acquapendente considèrent que Roch est le principal instrument de cette victoire sur la maladie, mais il se dérobe aux témoignages de gratitude et poursuit sa route.
Détail d’un tableau de l’église Notre-Dame, à Versailles
Au début de l’année 1368, il arrive à Rome où la peste sévit : pendant trois années, il va là aussi se mettre avec ardeur et zèle au service des malades, probablement à l’Hôpital du Saint-Esprit.
Un cardinal (il pourrait s’agir de Gaillard de Boisvert, régent de la Sacrée Pénitencerie Apostolique), qu’il avait guéri et qui avait aussi été le témoin admiratif de son inlassable dévouement aux malades et de plusieurs guérisons miraculeuses, le présenta U Bienheureux Urbain V, qui, saisi d’une mystérieuse intuition, s’écria en le voyant : « Toi… Il me semble que tu viens du Paradis ! ».
Et il lui accorda sa bénédiction apostolique avec l’indulgence plénière.
Jacopo Robusti, dit Tintoretto, en français le Tintoret (v. 1518 – 1594) :
Saint Roch aux pieds du Bienheureux Urbain V (détail)
[Venise, Scuola Grande San Rocco]
Saint Roch quitta Rome en 1370 pour s’en retourner vers sa patrie. Au mois de juillet 1371, on le trouve à Plaisance, à l’hôpital Notre-Dame de Bethléem, près de l’église Sainte-Anne, où il assista, réconforta et guérit les malades. Mais il fut alors à son tour touché par la peste.
Certains disent que c’était une décision personnelle volontaire, afin de ne pas contaminer les autres, mais pour d’autres ce serait parce qu’on l’aurait chassé sans ménagement de la cité, il se retira dans une forêt entre Plaisance et Sarmato.
Manquant des soins qu’il avait prodigués à tant de malades avec tant de générosité, il se sentit défaillir, et se laissa tomber au pied d’un arbre, pour y mourir seul. Mais un ange lui apparut et le consola en lui suggérant que ses souffrances seraient agréables à Dieu.
Roch allait entrer dans la seconde partie de sa vocation et passer de la pratique des œuvres de miséricorde corporelle à celle de l’immolation mystique : « Ce qui manque à la Passion du Christ, je l’accomplis dans ma propre chair, pour Son Corps qui est l’Eglise… »
Quand l’ange disparut, au lieu-même où il s’était tenu, jaillit une source vive dont l’eau apaisa sa fièvre et lui permit de laver sa plaie.
Non loin de cette forêt, dans une agréable vallée, s’élevait le manoir du seigneur Gothard Palastrelli, qui passait son temps en joyeuse compagnie, occupé aux parties de chasse et aux festins. II s’était établi dans cette confortable demeure relativement éloignée des centres urbains pour mieux se préserver de l’épidémie.
Or, tandis qu’entouré de ses amis il faisait bonne chère et tenait joyeux propos, un de ses chiens s’étant approché de la table prit un pain tout entier et s’enfuit au plus vite. Gothard n’y fit pas attention. Mais le lendemain, le même fait s’étant reproduit, intrigué, il se leva aussitôt et suivit le chien. Il le vit bientôt s’enfoncer dans un bois et s’arrêter à l’entrée d’une misérable hutte. Là, sur un lit de feuilles sèches, gisait un homme jeune encore, dont le visage pâle accusait de cruelles souffrances.
Très impressionné, Gothard résolut, à son tour, de quitter le monde pour passer le reste de sa vie dans la solitude. Ayant mis ordre à ses affaires et distribué son bien aux malheureux, il se retira auprès de Saint Roch.
Giovanni Antonio de’Sacchis, dit le Pordenone (1484-1539) :
Saint Roch trouvé par Gothard Palastrelli
Roch, ayant retrouvé quelques forces, reprit sa route pour rentrer chez lui.
Concernant la fin de la vie du saint pèlerin existent deux traditions :
a) Selon la première, qui semble la mieux établie, lors de sa traversée de la Lombardie, alors que des luttes intestines troublaient la province, il aurait été pris pour un espion et arrêté à Broni, puis transféré à Voghera par Beccaria, intendant militaire des Visconti.
Sa renommée était déjà grande, et, grâce à sa marque de naissance en forme de croix sur sa poitrine, il eût aisément pu être identifié par son oncle, gouverneur de la ville ou par l’un des plus proches collaborateurs de ce dernier. Mais, fidèle au vœu d’anonymat de tout pèlerin, Roch ne révéla pas son identité et demanda à pouvoir reprendre son chemin en tant qu’ « humble serviteur de Dieu ». Sa requête fut rejetée et il fut mis au cachot.
Son emprisonnement dura cinq années.
Il ne dévoila son identité qu’à un prêtre, la veille de sa mort, survenue le mardi 16 août 1379, alors qu’il était âgé d’environ 30 ans.
Il fut enterré avec dévotion à Voghera et, dès 1382, on sait qu’il y était fêté et célébré comme un saint.
2) La seconde tradition reprend ces mêmes éléments, de l’arrestation et des cinq années de captivité, mais les situe à Montpellier même, lors de son arrivée dans sa ville de naissance : elle semble moins certaine, tout simplement parce qu’on n’a pas la trace de la sépulture de Saint Roch à Montpellier et que cela n’expliquerait pas qu’on fût allé l’ensevelir à Voghera, seule cité à pouvoir attester du lieu de son inhumation.
Pierre-Paul Rubens (1577-1640) :
Le Christ établissant Saint Roch comme céleste protecteur des malades de la peste (1623-1626)
[retable de l'église Saint-Martin d'Alost - Belgique]
Sa dépouille mortelle fut conservée dans l’église de Voghera, qui lui est dédiée, jusqu’en février 1485, date à laquelle elle fut soit volée soit fut l’objet au centre d’une transaction avec la Sérénissime…
Toujours est-il que depuis lors, à l’exception de deux petits os du bras restés à Voghera, la majeure partie de son corps se trouve à Venise, en l’église de la Scuola Grande di San Rocco que le Tintoret a ornée de très célèbres tableaux consacrés à la vie édifiante de saint Roch.
Au XIXe siècle, un tibia du saint fut remis solennellement comme relique au sanctuaire de Montpellier, qui possède également son bâton de pèlerin.
Le culte de Saint Roch s’est rapidement répandu dans le nord de l’Italie, dans les provinces du Midi, puis dans le reste de la France et dans toute l’Europe.
Il est invoqué contre les maladies contagieuses des hommes, mais aussi du bétail, et il est également considéré comme l’un des saints protecteurs des animaux.
Venise, église Saint-Roch : l’autel majeur au-dessus duquel se trouve l’urne renfermant les reliques de Saint Roch