2024-182. De Saint Césaire, archevêque d’Arles, fervent disciple de Saint Augustin, que l’on fête le 27 août.
27 août,
Fête de Saint Césaire d’Arles, évêque et confesseur ;
Vigile de notre Bienheureux Père Saint Augustin ;
Mémoire du troisième jour dans l’octave de Saint Louis ;
Mémoire de Saint Joseph Calasanz, confesseur.
Saint Césaire d’Arles (vers 470 – 27 août 542)
Saint Césaire est né vers l’an 470 au sein d’une famille chrétienne nicéenne de la noblesse gallo-romaine, à Chalon-sur-Saône ou dans les environs, territoire alors occupé par les Burgondes.
Il montra dès son enfance un zèle ardent pour la piété et pour l’aumône, au point de se dépouiller de ses propres vêtements pour les donner aux nécessiteux, et dès l’âge de dix-huit ans, à l’insu de ses parents, il supplia l’évêque de Chalon, Saint Silvestre de l’admettre parmi les clercs de son Eglise : Silvestre, en considération de la haute vertu dont l’adolescent faisait déjà montre, lui donna la tonsure cléricale et l’engagea au service de l’Eglise.
Au bout de deux années (vers 490 donc), au cours desquelles il avait fait l’édification de tous, avide d’une plus grande perfection et de plus importantes austérités, désireux pour cela d’imiter le mode de vie angélique des Pères d’Orient (et ayant également conquis sa propre sœur, Césarie, à l’idéal monastique – cf. la biographie que nous en avons publié > ici), il partit pour le fameux monastère de Lérins, sans que sa mère, qui avait pourtant lancé des serviteurs à sa poursuite afin de l’en empêcher, ne pût arrêter son voyage.
Reçu par l’abbé Saint Porchaire parmi les moines, il manifesta aussitôt, et de manière persévérante, un tel zèle pour les combats ascétiques ainsi que pour les veilles studieuses consacrées à l’étude des Saintes Ecritures et des écrits des saints Pères – principalement de Saint Augustin -, que ses jeûnes, macérations et veilles prolongées, compromirent sa santé ; Saint Porchaire dut donc l’envoyer se soigner en Arles.
Abbaye de Lérins (état actuel)
La prestigieuse cité, qui avait été résidence impériale sous Saint Constantin 1er le Grand puis élevée au rang de préfecture du prétoire des Gaules, était alors soumise aux Wisigoths depuis 476 (elle passera sous domination ostrogothe en 508, puis franque en 536) : elle restait toutefois une métropole importante, où l’on s’efforçait de sauvegarder l’héritage de la culture classique.
Hébergé dans la demeure d’un noble citoyen, Firmin, et de son épouse Grégoria, on voulut lui faire suivre les cours d’un célèbre rhéteur réfugié d’Afrique, Julien Pomère. Cédant aux instances de ses hôtes, Césaire consentit alors à abandonner quelque peu l’étude de la Bible pour s’adonner à la lecture de Virgile. Mais, une nuit, la vision d’un redoutable serpent, qui lui dévorait le bras qui s’appuyait sur un livre, le persuada de renoncer à l’étude des lettres profanes.
Remarqué par le vieil évêque de la ville, Saint Eon (Eonius), qui était d’ailleurs l’un de ses lointains cousins, ce dernier obtint de l’abbé Porchaire l’autorisation d’agréger le jeune moine à son clergé et de lui conférer le diaconat puis le sacerdoce (en 499).
Désormais au service de l’Eglise d’Arles et de ses fidèles, Saint Césaire ne renonça néanmoins jamais au mode de vie ascétique et à la règle de prière qu’il avait reçus à Lérins. Il se distinguait entre tous les autres clercs par son humilité, sa mortification, son amour du culte divin et son détachement de toute affaire mondaine pour se tendre sans relâche vers la contemplation des biens à venir.
Saint Eon le nomma d’ailleurs bientôt supérieur d’un monastère situé un peu en dehors de la ville, sur une île du Rhône, et trois ans après, l’évêque Eone, se voyant malade, le désigna pour successeur sur le siège métropolitain d’Arles, mais quand il apprit qu’il venait d’être élu évêque, effrayé, il alla se cacher dans un tombeau des Alyscamps. Mais il fut rapidement découvert et forcé de se soumettre à la décision du peuple, que le roi Alaric II venait de ratifier : il avait trente-trois ans (503).
Arles : les Alyscamps (état actuel)
Le nouvel évêque confia le soin des affaires temporelles à des diacres, afin de s’adonner tout entier à la tâche apostolique : Saint Césaire avait soin de dispenser la Parole de Dieu dans des sermons brefs, utilisant une langue facilement accessible et ayant recours à des images de la vie quotidienne, pour enseigner les exigences fondamentales de la vie chrétienne (deux cent trente-huit de ces homélies nous ont été conservées dans des manuscrits, certaines ayant parfois été attribuées à Saint Augustin). Il dénonçait les vices, décrivait avec enthousiasme la beauté de la vertu et des biens promis par Dieu à ceux qui Le suivraient. Il convertissait les uns par ses remontrances, et gagnait les autres à la vie spirituelle par sa douceur et le rayonnement de la grâce de Dieu qu’il montrait en sa propre personne. Tel un habile médecin, il appliquait à chacun de ses fidèles le remède qui lui convenait, et ne manquait pas d’exhorter sans relâche les membres du clergé, évêques compris, à se faire les modèles de conduite évangélique pour le troupeau que Dieu leur avait confié.
Pour empêcher que les fidèles ne bavardassent dans les églises, il fit obligation aux laïcs de chanter les psaumes, les antiennes et les hymnes avec les clercs.
En ces temps d’invasions, les pauvres étaient nombreux et délaissés, aussi le nouvel évêque organisa-t-il les œuvres de bienfaisance aux frais de l’Eglise, et fit-il construire des hospices et des hôpitaux pour les malades.
Ces activités charitables lui attirèrent toutefois l’hostilité de certains membres du clergé, auxquels il avait reproché leur conduite relâchée. Par l’entremise de son secrétaire, Licuman, ils l’accusèrent auprès du roi Alaric d’être à la solde des Burgondes et de comploter pour leur livrer la cité. Exilé à Bordeaux, en 505, Saint Césaire y arrêta par sa prière un terrible incendie qui ravageait la ville, et il acquit ainsi une si grande renommée qu’Alaric dut reconnaître son innocence et lui permit de regagne son siège épiscopal.
Le saint fut accueilli triomphalement par les fidèles d’Arles et, en signe de la faveur divine qui l’assistait, dès qu’il entra en ville, une pluie bienfaisante vint mettre fin à une longue sécheresse.
Comme on s’apprêtait à lapider Licuman, son calomniateur, Saint Césaire intervint avec magnanimité pour le délivrer.
Par la suite, ayant acquis la confiance d’Alaric, il obtint du roi la publication d’un code de loi qui garantissait à ses sujets gallo-romains les même droits qu’à ceux de race gothique.
Jose Leonardo (1601-1653) : Alaric II le Balthe
La compassion de l’homme de Dieu s’étendait sur tous, et en particulier envers les prisonniers et les victimes des invasions. Lors du terrible siège d’Arles par les Francs et les Burgondes coalisés, en 508, il se dépensa sans compter, et fut accusé de trahison et arrêté sous prétexte qu’il venait en aide aux prisonniers ennemis. Mais, à l’occasion d’une sortie, on découvrit la lettre qu’un de ses accusateurs avait écrite aux assiégeants, leur proposant de leur livrer la ville. La perfidie ayant été ainsi dévoilée, le saint fut libéré, et il reprit aussitôt ses activités charitables.
Les Ostrogoths, qui avaient mis en fuite les assiégeants, occupèrent à leur tour la Provence et amassèrent un grand nombre de captifs francs et burgondes dans les églises d’Arles, sans leur procurer le moindre soin. Saint Césaire leur fit distribuer des vivres, et il se refusait à se nourrir alors que des hommes, fussent-ils barbares ou hérétiques, souffraient de la faim. Il dépouilla même son église, fit vendre les objets précieux, les ornements et « jusqu’aux vases sacrés du temple de Dieu, pour racheter le vrai temple ». Un jour, il rencontra un homme pauvre, qui lui demanda l’aumône pour racheter un captif. Comme l’évêque n’avait pas d’argent, il courut chercher des ornements solennels, et il les lui donna pour les vendre sans retard.
De nouveau accusé de haute trahison par les Ostrogoths, en 513, Césaire fut convoqué à Ravenne par Théodoric 1er, devant lequel il se présenta le visage serein et rayonnant d’une telle majesté, que le roi, oubliant les accusations, le traita avec de grands égards et lui fit don d’un plat en argent d’une valeur considérable. Le saint le fit aussitôt vendre aux enchères pour racheter les prisonniers d’Orange et de la région de la Durance. Loin d’en être courroucé, Théodoric loua fort cet acte et, dès lors, les nobles et les gens puissants rivalisèrent pour faire connaissance avec l’homme de Dieu et lui prodiguer leurs offrandes.
Il accomplit plusieurs miracles à Ravenne, tels que la résurrection du fils unique d’une pauvre veuve et la délivrance d’un possédé.
Se rendant alors à Rome, il y fut honoré comme un saint par le clergé, le sénat et le peuple, et le pape Symmaque, de ses propres mains, lui remit le sacré pallium, en signe d’une autorité de vicaire pontifical sur toutes les Eglises des Gaules ; le Pontife lui accorda aussi que désormais tous les diacres de son Eglise auraient le privilège de porter la dalmatique comme les diacres de l’Eglise de Rome.
Ceinture de Saint Césaire :
remarquable travail de cuir avec une boucle en ivoire finement sculptée
représentant les soldats postés devant le tombeau du Christ.
On pense qu’elle fut offerte à Saint Césaire par le Roi Théodoric 1er.
Césaire revint à Arles plus glorieux que s’il avait triomphé à la guerre, et il répandit à profusion ses largesses pour délivrer les prisonniers et pour orner les églises.
Outre son souci de manifester la miséricorde de Dieu partout où il se trouvait, soit par l’aumône soit par ses miracles, il portait un grand soin à la vie et à l’organisation de l’Eglise dans les nouvelles conditions où elle se trouvait désormais. En 506, il réunit un concile de tous les évêques soumis aux Wisigoths, pour rétablir la discipline ecclésiastique corrompue par le contact avec les occupants ariens.
Comme métropolitain, il présida des synodes locaux des évêques de Provence : à Arles (524), Carpentras (527), Orange (529), Vaison (529) et Marseille (533). Le concile d’Orange mit un terme à la controverse sur la grâce et le libre-arbitre, en sanctionnant la doctrine de saint Augustin, mais il condamna cependant les tenants extrémistes de la doctrines de la prédestination.
Les fréquentes visites que le saint faisait dans les paroisses lui permirent de constater la grande nécessité de la prédication, jusque-là réservée aux évêques. C’est pourquoi, lors du concile de Vaison, il fit accorder aux prêtres le droit de prêcher et aux diacres celui de lire au peuple les homélies des saints Pères, et il prit également soin de l’enseignement et de la formation des clercs dans les écoles paroissiales. Lorsque son évêché fut réuni aux états francs (536), saint Césaire, trop âgé, ne put assister aux conciles d’Orléans (538 et 541), mais les évêques suffragants d’Arles y témoignèrent de son influence bienfaisante pour toute l’Eglise.
Reliquaire de Saint Césaire dans l’église Saint-Trophime en Arles
De toutes les activités du saint évêque, c’est à la fondation du monastère de moniales Saint-Jean-Baptiste qu’allait pourtant sa prédilection. D’abord installé à l’extérieur de la ville, mais ruiné lors du siège des Francs et des Burgondes en 508, le monastère fut reconstruit (513), puis transféré à l’intérieur de la cité d’Arles. L’évêque désigna comme abbesse sa sœur Césarie, qu’il avait envoyée se former au monastère fondé par Saint Jean Cassien (cf. > ici) à Marseille, et il rédigea pour la communauté, qui devait atteindre près de deux cents religieuses à la fin de sa vie, une Règle, qui fut la première spécialement écrite pour des moniales et qui se répandit par la suite largement en Occident (cette Règle que la Reine Sainte Radegonde – cf. > ici – adopta pour son monastère de la Sainte-Croix à Poitiers). Il y prescrivait notamment à ses filles spirituelles de ne jamais sortir de l’enceinte du monastère, de manière à rester tout entières consacrées à Dieu, et à persévérer sans distractions, dans l’attente de l’Epoux, telles les vierges sages, « leurs lampes allumées et avec une conscience tranquille ».
Il adapta ensuite cette Règle à l’intention d’un monastère de moines qu’il avait également fondé.
Après avoir ainsi œuvré pendant de longues années dans la Vigne du Seigneur, Saint Césaire reçut, deux ans avant qu’il n’advint, la révélation du jour de son trépas, et il vit la gloire qui lui était réservée en récompense de ses labeurs.
Frappé d’une cruelle maladie, qui lui causait de très grandes douleurs, il rédigea son testament, léguant tous ses biens à son Eglise et au monastère des moniales.
Il demanda à ceux qui l’assistaient quand aurait lieu la fête de Saint Augustin, et on lui répondit que ce serait bientôt. Il déclara alors : « J’espère que mon décès ne sera pas éloigné de celui de ce grand docteur dont j’ai toujours chéri la doctrine et suivi les sentiments ».
Il se fit ensuite transporter sur une litière au monastère Saint-Jean, afin d’y exhorter les religieuses à persévérer avec ferveur dans leur vocation angélique et à garder fidèlement ses préceptes et leur donner une ultime bénédiction.
Puis il demanda qu’on le ramenât non pas dans ses appartements mais dans son église métropolitaine où, trois jours après, il rendit paisiblement son âme au Seigneur, en présence de son clergé, à l’heure de prime, le 27 août de l’an 542, à la veille de la fête de Saint Augustin, ainsi qu’il l’avait prédit.
Reliquaire de la tunique de Saint Césaire en forme de diptyque (1429)
[musée d'art sacré de Pont-Saint-Esprit]