8 août,
Au Mesnil-Marie, fête de Saint Venance, ou Venant, évêque de Viviers et confesseur ;
Mémoire des Saints Cyriaque, diacre, Large et Smaragde, et leurs compagnons, martyrs ;
9ème jour du carême de la Mère de Dieu (cf. > ici) ;
Anniversaire du rappel à Dieu du Rd Père Jean-Marie Charles-Roux (+ 8 août 2014, cf. > ici, > ici)
Viviers, la cathédrale Saint-Vincent vue du nord-est, depuis la plaine (état actuel)
Le diocèse de Viviers, dans lequel est sis notre Mesnil-Marie, est un très antique diocèse dont l’histoire possède des pages prestigieuses, et dont nous avons déjà eu l’occasion de parler à de nombreuses reprises dans les pages de ce blogue, souvent parce que – hélas ! trois fois hélas ! – c’est aujourd’hui un diocèse particulièrement sinistré et décadent…
Mais aujourd’hui, je veux justement m’éloigner de sa triste actualité pour vous parler de l’un de ses plus prestigieux pontifes : Saint Venance, ou Venant (en latin Venantius), dont la fête, pour nous, est célébrée ce 8 août.
Selon la tradition du diocèse de Viviers (fermement authentifiée par Monseigneur Louis-François de La Baume de Suze [1602-1690], très grand évêque qui releva le diocèse au XVIIème siècle après les ruines spirituelles et matérielles consécutives aux exactions des sectateurs de Calvin, mais tradition aujourd’hui contestée par un certain nombre d’historiens hyper critiques), Saint Venance était fils de Saint Sigismond (vers 475-523), roi des Burgondes de 516 à 523.
Les rois burgondes, dont le fameux Gondebaud (vers 450-516), oncle et « tuteur » de Sainte Clotilde, avaient adhéré à l’hérésie arienne : Saint Sigismond, fils de Gondebaud (et donc cousin germain de Sainte Clotilde), fut amené à la foi de Nicée par Saint Avit de Vienne (cf. > ici), dans les premières années du VIème siècle (entre 502 et 506 semble-t-il).
Monseigneur Paul Guérin (in « Les Petits Bollandistes » tome IX p.325) pense que Venance serait né vers l’an 494, et que, ayant passé ses premières années dans l’arianisme, il aurait été converti à la vraie foi en même temps que ses parents. Il s’attacha dès lors à Saint Avit, et se développa autant en piété qu’en connaissance de la véritable doctrine, et, encore tout jeune homme, entra dans un monastère.
Le grand évêque de Vienne, qui avait discerné en lui de grandes qualités pour le service de la Sainte Eglise, l’ordonna diacre et, au début du pontificat de Saint Hormisdas 1er (pape de 514 à 523), l’envoya comme messager auprès de ce dernier, à Rome, où son propre père, Saint Sigismond, avait été reçu avec honneur peu de temps auparavant : ainsi l’ambassade du jeune diacre Venance, qui consistait à faire connaître au pontife romain la position des évêques des Gaules contre l’erreur des Eutychéens, se voyait-elle rehaussée par le prestige du sang royal burgonde et la recommandation de Saint Avit, en sus des vertus qui transparaissaient en sa personne.
La lettre de réponse de Saint Hormisdas à Saint Avit date de février 517. Le concile d’Epaone, dont nous allons reparler et où siégea Saint Venance en qualité d’évêque de Viviers, lui, fut célébré en septembre 517.
Cela signifie donc que Venance fut ordonné prêtre puis consacré évêque entre son retour de Rome et la mi-septembre de cette année 517, pour succéder à Saint Valère comme onzième évêque d’Alba/Viviers.
En effet, le premier siège épiscopal de ce qui deviendra le Vivarais, fut initialement établi dans la capitale du peuple helvien (les Helviens sont un peuple gaulois, qui occupait grosso modo les deux tiers sud de l’actuel département de l’Ardèche, qui s’allièrent à Rome bien avant la conquête de César, et dont le territoire avait été intégré à la province de Gaule narbonnaise en moins 120 avant Jésus-Christ) : Alba Augusta Helviorum (aujourd’hui Alba-la-Romaine).
Le site du complexe paléochrétien (cathédrale, baptistère, bâtiments annexes) d’Alba est bien connu des archéologues, et c’est là que siégèrent les huit premiers évêques de notre liste épiscopale. Mais au milieu de la seconde moitié du Vème siècle, la cité et la plaine d’Alba ayant été dévastées par le passage des hordes barbares, les évêques s’établirent sur un rocher dominant le Rhône, à quelque 4 lieues et demi au sud : le site en était aisément fortifiable, puisque des falaises abruptes le délimitent en grande partie. C’était Viviers, Vivarium, d’où vint le nom de Vivarais.
Mais pendant plusieurs décennies après ce transfert, les évêques continueront toutefois de porter le titre d’évêques d’Alba Helviorum.
Venance n’était âgé que de 22 ou 23 ans lorsqu’il fut élevé à l’épiscopat, mais, ainsi que le rappellera onze siècles plus tard notre grand Corneille, « aux âmes bien nées, la valeur n’attend pas le nombre des années » (Le Cid II, 2). Il était de la trempe de Saint Remi de Reims, plus âgé que lui mais son contemporain néanmoins, lui aussi évêque à 22 ans ; et de ces autres contemporains qui se nomment Saint Apollinaire de Valence (frère puiné de Saint Avit), Saint Césaire d’Arles, Saint Viventiol (24ème évêque de Lyon), et plusieurs autres saints évêques ou abbés moins connus de cette époque spirituellement très féconde.
Il était évêque de Viviers depuis peu lorsque, ainsi que nous l’avons déjà dit ci-dessus, il prit part, au début de l’automne 517, au concile d’Epaone (la localisation d’Epaone n’est pas absolument certaine, mais les conjectures les plus probables l’identifient avec la vaste villa Epaonis, alors possession de l’évêché de Vienne, sur la rive gauche du Rhône, en face d’Andance, au pied de la colline où se dresse de nos jours la « tour d’Albon », aux environs de l’actuelle petite ville d’Anneyron), convoqué à l’initiative de Saint Avit et réunissant 25 évêques du royaume burgonde, qui définirent une quarantaine de canons disciplinaires précisant certaines règles à suivre désormais, compte-tenu de la situation religieuse nouvelle créée par l’accession au trône de Saint Sigismond, roi catholique favorisant les évêques catholiques et la discipline catholique dans son royaume.
Pendant son épiscopat d’environ 27 années, Saint Venance « s’appliqua de toutes ses forces à procurer le salut du peuple confié à ses soins, soit en chassant les ténèbres de l’erreur et surtout en affermissant la vérité catholique contre les derniers efforts de l’arianisme expirant qui désolait alors l’Eglise, soit en fortifiant la discipline ecclésiastique par la mise en exécution dans son diocèse des décrets des conciles, en particulier de celui d’Epaone (517) et de celui de Clermont (535), auxquels il assista et dont il souscrivit les actes » (abbé Mollier, in « Saints et pieux personnages du Vivarais », tome 1 pp. 55-56).
Il avait le souci du soulagement des misères et des besoins des plus pauvres, mais il est aussi célèbre pour avoir magnifiquement œuvré à la beauté du culte divin : agrandissement et embellissement de la cathédrale de Viviers, constructions d’églises dans sa ville épiscopale et dans plusieurs localités, qu’il dota de solides revenus, construction d’un baptistère qui frappa ses contemporains par sa magnificence (marbres et mosaïques) et par le fait qu’il avait fait canaliser un ruisseau pour y amener l’eau, qui était déversée dans la cuve baptismale par la gueule d’un cerf d’airain.
Les anciennes chroniques nous rapportent aussi qu’il fonda des « chœurs », non seulement pour sa cathédrale mais encore dans plusieurs églises, pour que la louange divine et le culte liturgique y soient célébrés avec le plus de solennité possible, de manière exemplaire : on peut voir là, selon l’impulsion donnée un siècle plus tôt par Saint Augustin, le début des chapitres cathédraux et collégiaux dans le diocèse de Viviers.
Pour ses constructions et leur embellissement, comme pour ses œuvres de miséricorde, le saint évêque de Viviers put compter sur les libéralités du saint roi son père tant que dura son règne.
Saint Venance rendit son âme à Dieu un 5 août, très certainement en l’an 544, âgé d’une cinquantaine d’années seulement.
Il fut enseveli dans un sarcophage de marbre, dans l’église Sainte-Marie, aujourd’hui Notre-Dame du Rhône, qu’il avait fait construire au pied de l’acropole de Viviers. Mais par la suite, son saint corps fut transporté chez les Bénédictines de Soyons et « cette translation fut accompagnée de plusieurs prodiges » (abbé Mollier), c’est ce qui permit à sa dépouille mortelle d’être préservée de la profanation lors du pillage de Notre-Dame du Rhône perpétré par une incursion sarrasine en 737.
Les précieuses reliques n’échappèrent malheureusement pas totalement à la fureur des prétendus réformés qui, en 1621, pillèrent et incendièrent le monastère de Soyons.
Les Bénédictines n’avaient pu sauver qu’une petite partie des restes sacrés de Saint Venance qu’elles honorèrent dans l’église qu’elles firent construire à Valence où elles s’étaient réfugiées.
Soustraites aux profanations et destructions révolutionnaires, elles furent ensuite remises à la cathédrale de Valence lors de la restauration du culte, puis transportées dans l’église de l’hôpital, et enfin, de nos jours, elle se trouvent dans l’église Saint-Jean-Baptiste de Valence.
Comme il n’est pas possible de célébrer sa fête le 5 août, en raison de la prééminence de la célébration de la fête de la dédicace de Sainte Marie aux Neiges (cf. > ici), le diocèse de Viviers fête Saint Venance le 11 août dans son calendrier antérieur au concile vaticandeux, le 12 dans le calendrier réformé postérieurement.
Au Mesnil-Marie, où il ne nous est pas possible de l’honorer le 11, en raison de la fête de Sainte Philomène, patronne céleste en second du Refuge Notre-Dame de Compassion, et compte-tenu des autres impératifs de notre calendrier, nous le célébrons avec ferveur à cette date du 8 août.
Statue de Saint Venance dans l’ancienne chapelle des Capucins, à Valence