Archive pour la catégorie 'Textes spirituels'

2024-177. « La Sagesse céleste S’est élevée en elle une demeure ».

20 août,
Fête de Saint Bernard de Clairvaux, abbé, confesseur et docteur de l’Eglise (cf. > ici) ;
Mémoire de Saint Philibert, abbé et confesseur ;
Anniversaire de la mort de Saint Pie X (cf. ici).

       Puisque la fête de Saint Bernard, particulièrement réputé pour sa dévotion mariale, se trouve au sixième jour de l’octave de l’Assomption, profitons de cette occurrence pour lire, ou relire, et surtout pour méditer sur ce petit sermon tout à la gloire de la Très Sainte Mère de Dieu.

Filippino Lippi - apparition de la Vierge à Saint Bernard

Filippino Lippi (1457-1504) : apparition de la Vierge à Saint Bernard (1486)
[Florenze, église de la Badia]

Monogramme de la Vierge Marie - vignette blogue

Cinquante-deuxième sermon de Saint Bernard :

De la maison de la sagesse divine, c’est-à-dire de la Vierge Marie.

« La Sagesse s’est bâtie une maison… etc.» (Prov. IX, 1).

   1. Comme le mot sagesse se prend en plusieurs sens, il faut rechercher qu’elle est la sagesse qui s’est bâtie une maison. En effet, il y a la, sagesse de la chair qui est ennemie de Dieu (Rom. VIII, 7), et la sagesse de ce monde qui n’est que folie aux yeux de Dieu (cf. 1 Cor. III, 19). L’une et l’autre, selon l’apôtre saint Jacques, font la sagesse de la terre, la sagesse de la terre « la sagesse animale, diabolique » (Jac. III, 15). C’est suivant cette sagesse que sont sages ceux qui ne le sont que pour faire le mal, et qui ne savent pas faire le bien ; mais ils sont accusés et condamnés dans leur sagesse, selon ce mot de l’Écriture : « Je saisirai les sages dans leurs ruses, Je perdrai la sagesse des sages, et Je rejetterai la science des savants » (1 Cor. I, 19). Il me semble qu’on peut parfaitement et proprement appliquer à ces sages cette parole de Salomon : « Il est encore un mal que j’ai vu sous le soleil, c’est l’homme qui est sage à ses yeux ».
Ni la sagesse de la chair, ni celle du monde, n’édifie, loin de là, elle détruit plutôt la maison, où elle habite. Il y a donc une autre sagesse qui vient d’en haut ; elle est avant tout prodigue, puis elle est pacifique.
Cette Sagesse, c’est le Christ, la vertu de Dieu, la sagesse de Dieu, dont l’Apôtre a dit : « Il nous a été donné pour être notre sagesse, notre justice, notre sanctification et notre rédemption » (1 Cor. I, 30).

   2. Ainsi cette Sagesse, qui était la sagesse de Dieu et qui était Dieu, venant à nous du sein du Père, S’est édifié une demeure, je veux parler de la Vierge Marie Sa mère, et dans cette demeure Il a taillé sept colonnes.
Qu’est-ce à dire, Il a taillé dans cette maison sept colonnes, si ce n’est qu’Il l’a préparée par la foi et par les œuvres à être une demeure digne de Lui ? Le nombre trois est le nombre de la foi à cause de la Sainte Trinité, et le nombre quatre est celui des mœurs à cause des quatre vertus principales.
Je dis donc que la Sainte Trinité S’est trouvée dans la Bienheureuse Marie, et S’y est trouvée par la présence de Sa majesté, bien qu’elle n’ait reçu que le Fils quand Il S’est uni la nature, humaine : et j’en ai pour garant le témoignage même du messager céleste qui lui découvrit en ces termes le secret de ce mystère : « Je vous salue, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous », et un peu après : « Le Saint-Esprit surviendra en vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira de Son ombre » (Luc I, 28).
Ainsi vous avez le Seigneur, vous avez la vertu du Très-Haut et vous avez le Saint-Esprit : en d’autres termes, vous avez le Père, le Fils et le Saint- Esprit. D’ailleurs le Père ne va point sans le Fils, non plus que le Fils sans le Père, de même que le Saint-Esprit, qui procède des deux, ne va ni sans l’Un ni sans l’Autre, s’il faut en croire ces paroles du Fils : « Je suis dans le Père et le Père est en Moi ». Et ailleurs : « Quant à Mon Père qui demeure en Moi, c’est Lui qui fait tout » (Joan. XIV, 10).
Il est clair que la foi de la Sainte Trinité se trouvait dans le cœur de la Vierge.

   3. Mais eut-elle aussi les quatre autres colonnes, je veux dire les quatre vertus principales ?
Le sujet mérite que nous nous en assurions.
Voyons donc d’abord si elle eut la vertu de force. Comment cette vertu lui aurait-elle fait défaut quand, rejetant les pompes du siècle et méprisant les voluptés de la chair, elle conçut le projet de vivre pour Dieu seul dans sa virginité  Si je ne me trompe, la Vierge est la femme dont Salomon parle en ces termes : « Qui trouvera une femme forte? Elle est plus précieuse que ce qu’on va chercher au bout du monde » (Prov. XXXI, 10). Telle fut sa force, en effet, qu’elle écrasa la tête du serpent à qui le Seigneur avait dit : « Je mettrai des inimitiés entre la femme et toi, entre sa race et la tienne ; elle t’écrasera la tête » (Gen. III, 15).
Pour ce qui est de la tempérance, de la prudence et de la justice, on voit plus clair que le jour, au langage de l’Ange, et à sa réponse à elle, qu’elle possédait ces vertus. En effet, à ce salut si profond de l’Ange : « je vous salue, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous », au lieu de s’élever dans sa pensée, en s’entendant bénir pour ce privilège unique de la grâce, elle garde le silence, et se demande intérieurement ce que pouvait être ce salut extraordinaire. N’est-ce point la tempérance qui la fait agir en cette circonstance ? Puis, lorsque l’Ange l’instruit des mystères du ciel, elle s’informe de lui, avec soin, de la manière dont elle pourrait concevoir et enfanter un fils, puisqu’elle ne connaissait point d’homme ; évidemment, dans ces questions, éclate sa prudence. Quant à sa justice, elle la prouve lorsqu’elle se déclare la servante du Seigneur. En effet, on trouve la preuve que la confession est le propre des justes dans ces paroles du Psalmiste : « Ainsi les justes confesseront votre nom, et ceux qui ont le cœur droit demeureront en votre présence » (Ps. CXXXIX, 14). Ailleurs, on lit encore, à propos des justes : « Et vous direz, en confessant Ses louanges, les œuvres souverainement bonnes du Seigneur » (Eccli. XXXIX, 21).

   4. Ainsi la Bienheureuse Vierge Marie s’est montrée forte dans ses desseins, tempérante dans son silence, prudente dans ses questions et juste dans sa confession. C’est sur ces quatre colonnes des mœurs et sur les trois de la foi dont j’ai parlé plus haut, que la Sagesse céleste S’est élevée en elle une demeure ; elle remplit si bien son cœur que, de la plénitude de son âme, sa chair fut fécondée et que toute Vierge qu’elle fût, elle enfanta, par une grâce singulière, cette même Sagesse qui S’était revêtue de notre chair, et qu’elle avait commencé par concevoir auparavant dans son âme pleine de pureté.
Et nous aussi, si nous voulons devenir la demeure de cette même Sagesse, il faut que nous Lui élevions également en nous une demeure qui repose sur les sept mêmes colonnes, c’est-à-dire que nous nous préparions à La recevoir par la foi et les mœurs.
Or, dans les vertus morales je crois que la justice toute seule peut suffire, mais à condition qu’elle se trouve entourée et soutenue par les autres vertus. Aussi, pour ne point nous trouver induits en erreur par l’ignorance, il faut que la prudence marche devant ses pas, que la tempérance et la force marchent à ses côtés, la soutiennent et l’empêchent de tomber soit à droite, soit à gauche.

On trouvera un autre sermon de Saint Bernard, sur la prière > ici

Filippino Lippi - apparition de la Vierge à Saint Bernard - détail

2024-176. Samedi 14 septembre 2024, fête de l’Exaltation de la Sainte Croix au Mesnil-Marie.

Samedi 14 septembre 2024

Fête de l’Exaltation de la Sainte Croix

au Refuge Notre-Dame de Compassion

Le Crucifix aux anges

Charles Le Brun (1619-1690 : Le Crucifix aux anges (après l’été 1661)
[musée du Louvre, provient de l'oratoire privé de SM. la Reine Anne d'Autriche]

Programme :

- 10 h très précises (ce qui signifie que l’on est arrivé avant !) : Entretien spirituel « Glorifier la Croix en toute notre vie »
- 11 h 30 : Sainte Messe chantée
- 13 h : repas tiré du sac
- 15 h 30 : Chapelet des Sept-Douleurs et vénération de la relique de la Sainte Croix

Inscriptions obligatoires soit au moyen de l’espace prévu ci-dessous pour les commentaires [ce ne sera pas publié] soit par courriel.

fin de texte croix glorieuse 1 - blogue

2024-175. « Après avoir purifié votre cœur de toute lèpre spirituelle, placez-le haut pour le guérir de toute infirmité, et rendez grâces à Dieu ! »

13ème dimanche après la Pentecôte ;
Lectures : épitre Gal. III, 16-22 ; Evangile Luc XVII, 11-19.

   Voir aussi la méditation proposée pour ce dimanche (extraite de « Intimité divine »> ici, ainsi que les explications de notre Bienheureux Père Saint Augustin dans les « Questions sur l’Evangile » > ici.

Carlo Cignani - Saint Augustin musée national Varsovie

Carlo Cignani (1628-1719) : Saint Augustin
[musée national, Varsovie]

vignette augustinienne

Sermon CLXXVI
de
notre Bienheureux Père Saint Augustin
sur
la grâce de Dieu

prêché le jour où l’on entendait l’Evangile de
la guérison des dix lépreux

ANALYSE. — Les trois saintes lectures que vous venez d’entendre  se rapportent à la même vérité. Elles montrent 1° combien la grâce de Dieu est nécessaire à tous, même aux petits enfants ; 2° combien nous devons avoir confiance en elle, puisqu’elle sanctifie les plus grands pécheurs ; 3° enfin, avec quelle fidélité et quelle reconnaissance nous devons lui attribuer tout le bien qui peut se trouver en nous.

§ 1 – Introduction : Saint Augustin se propose de commenter les trois passages de la Sainte Ecriture que ses fidèles viennent d’entendre et dont il résume la teneur :

   Ecoutez attentivement, mes frères, ce que le Seigneur daigne nous enseigner par ces divines lectures ; c’est de Lui que vient la vérité, recevez-la par mon ministère.

   La première lecture (1 Tim. I, 15-16) est tirée de l’Apôtre : « Une vérité sûre et digne de toute confiance, dit-il, c’est que Jésus-Christ est venu au monde pour sauver les pécheurs, dont je suis le premier. Mais j’ai obtenu miséricorde, afin que le Christ Jésus montrât en moi toute Sa patience, pour servir de leçon à ceux qui doivent croire en Lui, en vue de la vie éternelle ». Voilà ce que nous a rappelé le texte de l’Apôtre.
Nous avons ensuite chanté un psaume (Ps. XCIVpour nous exciter les uns les autres ; d’une même voix et d’un même cœur nous y disions : « Venez, adorons le Seigneur, prosternons-nous et pleurons en présence du Dieu qui nous a créés » ; nous y disions encore : « Hâtons-nous d’accourir devant Lui pour célébrer Ses louanges, et chantons avec joie des cantiques à Sa gloire ».
Enfin l’Evangile (Luc XVII, 12-19) nous a montré dix lépreux guéris, et l’un d’eux – il était étranger – rendant grâces à son Libérateur.
Etudions ces trois textes, autant que nous le permet le temps dont nous pouvons disposer ; disons quelques mots sur chacun d’eux, évitant, avec la grâce de Dieu, de nous arrêter trop longuement sur l’un au détriment des autres.

§ 2 – Apprendre à rendre grâces – Les motifs de notre action de grâce :

   L’Apôtre veut d’abord nous apprendre à rendre grâces.
Or, souvenez-vous que dans la dernière leçon, celle de l’Evangile, le Seigneur Jésus loue le lépreux guéri qui Le remercie, et blâme les ingrats qui conservent dans le cœur la lèpre qu’Il a effacée de leur corps.
Comment donc s’exprime l’Apôtre ? « Une vérité sûre et digne de toute confiance ». Quelle est cette vérité ? « C’est que Jésus-Christ est venu au monde ». Pourquoi ? « Pour sauver les pécheurs ». Et toi, qu’es-tu ? « Dont je suis le premier ». Et toi, qu’es-tu ? « Dont je suis le premier ». C’eût été de l’ingratitude envers le Sauveur, de dire : Je ne suis, je n’ai jamais été pécheur. Car il n’est aucun des descendants mortels d’Adam, il n’est aucun homme absolument qui ne soit malade et qui n’ait besoin pour guérir de la grâce du Christ.

§ 3 – Saint Augustin ouvre ici une parenthèse  : même les tout petits enfants qui n’ont pas commis de péché personnel ont besoin d’être guéris par le Christ Sauveur.

   Que penser des petits enfants, si tous les descendants d’Adam sont malades ? Mais on les porte à l’Eglise ; ils ne peuvent y courir encore sur leurs propres pieds ; ils y courent sur les pieds d’autrui pour y chercher la guérison. L’Eglise notre mère leur prête en quelque sorte les pieds des autres pour marcher, le cœur d’autrui pour croire et, pour confesser la foi, la bouche d’autrui encore. Si la maladie qui les accable vient d’un péché qu’ils n’ont pas commis, n’est-il pas juste que la santé leur soit rendue par une profession de foi faite par d’autres en leur nom ?
Que nul donc ne vienne murmurer à vos oreilles des doctrines étrangères. Tel est l’enseignement auquel l’Eglise s’est toujours attachée, qu’elle a professé toujours ; l’enseignement qu’elle a puisé dans la foi des anciens et qu’elle conserve avec persévérance jusqu’à la fin des siècles.

   Dès que le médecin n’est pas nécessaire à ceux qui se portent bien, mais à ceux qui sont malades, l’enfant, s’il n’est pas malade, a-t-il donc besoin du Christ ? Pourquoi, s’il a la santé, ceux qui l’aiment le portent-ils au Médecin ? S’il était vrai qu’au moment où ils courent à Lui entre des bras dévoués, ils n’eussent aucune souillure originelle, pourquoi ne dirait-on pas dans l’Eglise même à ceux qui les présentent : Loin d’ici ces innocents ; ceux qui se portent bien n’ont pas besoin de Médecin, mais ceux qui sont malades ; le Christ n’est pas venu appeler les justes, mais les pécheurs (cf. Matt. IX, 12, 13)?
Jamais pourtant l’Eglise n’a tenu ce langage ; elle ne le tiendra jamais. A chacun donc, mes frères, de dire ce qu’il peut en faveur de ces petits qui ne peuvent rien dire. Si l’on a soin de recommander aux évêques de veiller sur le patrimoine des orphelins ; avec combien plus de soin encore ne doit-on pas leur recommander de veiller sur la grâce des petits enfants ? Si pour empêcher les étrangers d’opprimer l’orphelin après la mort de ses parents, l’évêque s’en fait le tuteur, quels cris d’alarmes ne doit-on pas pousser en faveur des petits, lorsqu’on craint que leurs parents mêmes ne les mettent à mort ? Ne doit-on pas répéter avec l’Apôtre : « Une vérité sûre et digne de toute confiance, c’est que Jésus-Christ est venu au monde » uniquement « pour sauver les pécheurs » ? Quiconque recourt au Christ a sans doute quelque infirmité à guérir ; pourquoi, si l’on n’a rien, courrait-on au Médecin ? Que les parents choisissent donc entre ces deux partis : avouer que le Christ guérit dans leurs enfants la maladie du péché, ou cesser de les lui offrir ; car ce serait conduire au Médecin celui qui est en pleine santé.
Que présentes-tu ? — Quelqu’un à baptiser. — Qui ? — Un enfant. — A qui le présentes-tu ? —  Au Christ. — Au Christ qui est venu au monde ? — Oui. — Pourquoi y est-il venu ? — « Pour guérir les pécheurs ». — L’enfant que tu présentes a donc en lui quelque chose à guérir ? Si tu dis oui, cet aveu sert à dissiper son mal ; il le garde, si tu dis non.

§ 4 – Pourquoi Saint Paul a-t-il écrit qu’il est le premier des pécheurs ?

   « Pour guérir les pécheurs, dont je suis le premier ». N’y avait-il point de pécheurs avant Paul ? Mais Adam fut sûrement le premier de tous ; la terre était couverte de pécheurs lorsqu’elle en fut purifiée par le déluge, et combien, depuis, se sont multipliés les pécheurs ! Comment dire alors : « Dont je suis le premier » ?
Il est le premier, non en date, mais en énormité. C’est l’énormité de son péché qui lui a fait dire qu’il était le premier des pécheurs. Ne dit-on point, par exemple, qu’un homme est le premier des avocats, pour exprimer, non pas qu’il plaide depuis plus longtemps que les autres, mais qu’il l’emporte sur eux ? Aussi bien, voici comment il dit ailleurs qu’il était le premier des pécheurs : « Je suis le dernier des Apôtres, je suis indigne du nom d’Apôtre, parce que j’ai persécuté l’Eglise de Dieu » (1 Cor. XV, 9). Aucun persécuteur ne fut plus ardent, ni, conséquemment, aucun pécheur plus coupable.

§ 5 – L’exemple de Saint Paul nous est donné pour que nous ne désespérions pas de la miséricorde du Seigneur, pour que nous soyons convaincus qu’Il peut nous guérir, Lui qui a guéri ce grand pécheur pour en faire Son apôtre.

   « Cependant, poursuit-il, j’ai obtenu miséricorde ». Pour quel motif ? Il l’expose en ces termes : « Afin que le Christ Jésus montrât en moi toute Sa patience pour l’instruction de ceux qui croiront en Lui, en vue de la vie éternelle ». En d’autres termes : Le Christ voulait pardonner aux pécheurs qui se convertiraient à Lui, fussent-ils Ses ennemis ; or, Il m’a choisi, moi, Son plus ardent adversaire, afin que nul ne désespérât en me voyant guéri par Lui.
N’est-ce pas ce que font les médecins ? Arrivent-ils dans une contrée où ils sont inconnus ? ils choisissent d’abord, pour les guérir, des malades désespérés ; ils veulent ainsi exercer sur eux leur humanité et donner de leur habileté une haute idée ; ils veulent que dans cette contrée chacun puisse dire à son prochain malade : Adresse-toi à ce médecin, aie pleine confiance, il te guérira. Il me guérira ? reprend l’infirme, tu ne sais donc ce que je souffre ? Je connais tes souffrances, car j’en ai enduré de semblables.
— C’est ainsi que Paul dit à chaque malade, fût-il porté au désespoir : Celui qui m’a guéri m’envoie près de toi ; Il m’a dit Lui-même : Cours vers ce désespéré, raconte-lui ce que tu souffrais, de quoi et avec quelle promptitude je t’ai guéri. Je t’ai appelé du haut du ciel ; avec une première parole Je t’ai abattu et renversé ; avec une autre Je t’ai relevé et J’ai fait de toi un élu ; Je t’ai comblé de Mes dons et envoyé prêcher avec une troisième ; avec une quatrième enfin, Je t’ai sauvé et couronné (Act. IX). Va donc, dis aux malades, crie à ces désespérés : « Une vérité sûre et digne de toute confiance, c’est que Jésus-Christ est venu au monde pour sauver les pécheurs ». Que craignez-vous ? Que redoutez-vous ? « Je suis le premier » de ces pécheurs.
Oui, moi qui vous parle, moi que vous voyez plein de santé, pendant que vous êtes malades ; debout, pendant que vous êtes renversés ; pénétré de confiance, pendant que vous vous abandonnez au désespoir : « Si j’ai obtenu miséricorde, c’est que le Christ Jésus voulait montrer en moi toute Sa patience ». Longtemps Il a souffert de mon mal, et c’est ainsi qu’Il m’en a délivré ; tendre Médecin, Il a patiemment supporté ma fureur, enduré mes coups, puis Il m’a accordé le bonheur de souffrir pour Lui. Vraiment « Il a montré en moi toute Sa patience pour l’édification de ceux qui croiront en Lui en vue de la vie éternelle ».

§ 6 – Exhortation à la confiance totale envers le divin Médecin.

   Gardez-vous par conséquent de vous désespérer. Etes-vous malades ? Allez à Lui et vous serez guéris. Etes-vous aveugles ? Allez à Lui et vous serez éclairés. Avez-vous la santé ? Rendez-Lui grâces. Vous surtout qui souffrez, courez à Lui pour chercher votre guérison, et dites tous : « Venez, adorons-Le, prosternons-nous devant Lui et pleurons devant le Seigneur qui nous a créés », qui nous a donné la vie et la santé. S’Il ne nous avait donné que l’existence, et que la santé fût notre œuvre, notre œuvre vaudrait mieux que la Sienne, puisque la santé l’emporte sur la simple existence. Oui donc, si Dieu t’a fait homme et que tu te sois fait bon, tu as fait mieux que Lui.
Ah ! ne t’élève pas au-dessus de Dieu, soumets-toi à Lui, adore-Le, abaisse-toi, bénis Celui qui t’a créé. Nul ne rend l’être, que Celui qui l’a donné ; nul ne refait, que Celui qui a fait. Aussi lit-on dans un autre psaume : « C’est Lui qui nous a faits, ce n’est pas nous » (Ps. XCIC, 3).

§ 7 – La grâce prévenante et toute puissante de Dieu, des dons duquel nous aurons à rendre compte.

   Quand Il t’a créé, tu n’avais de ton côté rien à faire ; mais aujourd’hui que tu existes, il en est autrement : il te faut recourir à ce Médecin qui est partout, L’implorer. Et pourtant c’est Lui encore qui excite ton cœur à recourir à Lui, qui t’accorde la grâce de Le supplier. « Car c’est Dieu, est-il dit, qui produit en vous le vouloir et le faire, selon Sa bonne volonté » (Philip. II, 13). Il a fallu en effet, pour t’inspirer bonne volonté, que Sa grâce te prévînt. Crie donc : « Mon Dieu, Sa miséricorde me préviendra » (Ps. LVIII, 11). Oui, c’est Sa miséricorde qui t’a prévenu pour te donner l’être, pour te donner le sentiment, pour te donner l’intelligence, pour te donner la soumission ; elle t’a prévenu en toutes choses : préviens au moins, toi, Sa colère en quelque chose.
Comment ? reprends-tu. Comment ? En publiant que de Dieu te vient ce qu’il y a de bon en toi, et de toi ce qu’il y a de mal. Garde-toi de le mettre de côté pour t’exalter à la vue de ce que tu as de bien ; de t’excuser pour l’accuser à la vue de ce qui est mal en toi c’est le moyen de le bénir réellement.

Rappelle-toi aussi qu’après t’avoir comblé d’abord de tant d’avantages, Il doit venir à toi pour te demander compte de Ses dons et de tes iniquités ; déjà Il considère comment tu as usé de Ses grâces. Mais s’Il t’a prévenu de Ses dons, examine comment à ton tour tu préviendras Sa face quand Il arrivera. Ecoute le Psaume : « Prévenons Sa présence en Le bénissant ».
« Prévenons Sa présence » : rendons-Le-nous propice avant qu’Il vienne ; apaisons-Le avant qu’Il Se montre. N’y a-t-il pas un prêtre qui puisse t’aider à apaiser ton Dieu ? Et ce prêtre n’est-Il pas en même temps Dieu avec Son Père et homme pour l’amour de toi ? C’est ainsi que tu chanteras avec allégresse des psaumes à Sa gloire, que tu préviendras Sa présence en Le bénissant.
Chante donc : préviens Sa présence par tes aveux, accuse-toi ; tressaille en chantant, loue-Le. Si tu as soin de t’accuser ainsi et de louer Celui qui t’a fait, Celui qui est mort pour toi viendra bientôt et te donnera la vie.

§ 8 – Exhortation finale : se préserver de la lèpre de l’âme et ne pas négliger l’action de grâces à Dieu duquel nous tenons tout.

   Attachez-vous à cette doctrine, persévérez-y.
Que nul ne change, ne devienne lépreux ; car un enseignement qui varie, qui n’offre pas toujours le même aspect, est comme la lèpre de l’âme ; et c’est de cette lèpre que le Christ nous guérit.
Peut-être as-tu changé de quelque manière et, après y avoir regardé de plus près, adopté un sentiment meilleur : tu aurais dans ce cas rétabli l’harmonie. Mais ne t’attribue pas ce changement heureux ; ce serait te mettre au nombre des neuf lépreux qui n’ont pas rendu grâces. Un seul vint remercier. Les premiers étaient des juifs, et celui-ci était un étranger ; il représentait les gentils et donna au Christ comme la dîme qui Lui était due.

Il est donc bien vrai que nous sommes redevables au Christ de l’existence, de la vie, de l’intelligence ; si nous sommes hommes, si nous nous conduisons bien, si nous avons l’esprit droit, c’est à Lui encore que nous en sommes redevables. Nous n’avons, de nous, que le péché. Eh ! qu’as-tu, que tu ne l’aies reçu ? (1 Cor. IV, 7).
O vous donc, vous surtout qui comprenez ce langage, après avoir purifié votre cœur de toute lèpre spirituelle, placez-le haut - sursum cor -, pour le guérir de toute infirmité, et rendez grâces à Dieu !

Doze jean-Marie Melchior - le lépreux reconnaissant - musée de l'oise Beauvais

Melchior Doze (1827-1913) : le lépreux reconnaissant (vers 1863)
[musée de l'Oise, Beauvais]

2024-174. A la pieuse mémoire de Monsieur l’Abbé Christian-Philippe Chanut.

- 17 août 2013 -

memento mortuaire abbé Chanut

       Monsieur l’Abbé Christian-Philippe Chanut était né à Talence, commune limitrophe de Bordeaux, le 7 août 1948. Il s’était d’abord engagé dans des études de Droit et de Lettres modernes, avant de se plonger dans l’histoire moderne (rappelons qu’en histoire le mot moderne désigne les XVIIème et XVIIIème siècles), puis d’entrer au séminaire de Saint-Sulpice pour le compte du diocèse de Corbeil-Essonnes (renommé depuis diocèse d’Evry-Courcouronnes). Ordonné prêtre le 9 juin 1979, il fut alors nommé curé de Saulx-les-Chartreux dont il fit une paroisse atypique, attirant de nombreux fidèles.

   Peu de temps après son ordination, il fut choisi comme aumônier par le Mémorial de France à Saint-Denis, et il exercera dès lors une influence grandissante dans la sphère légitimiste : le Prince Alphonse de Bourbon, duc d’Anjou et de Cadix, de jure Sa Majesté le Roi Alphonse II de France (+ 30 janvier 1989) le choisira pour aumônier personnel, faisant de lui, officiellement le Grand Aumônier de France. Il aura une importante influence sur l’évolution spirituelle de la Princesse Emmanuelle de Dampierre, duchesse de Ségovie (cf. > ici) dont il célèbrera les funérailles en l’église du Val-de-Grâce, à Paris.
En 1988, il participa à la fondation des Compagnons de Saint Michel Archange, dont il fut le premier chapelain-prieur jusqu’en 2006.

   Prédicateur et orateur d’un immense talent, il a particulièrement impressionné et ému ses auditoires avec l’oraison funèbre du Prince Alphonse, de jure Sa Majesté le Roi Alphonse II, lors de la Messe de Requiem célébrée à la basilique de Saint-Denis en février 1989, et celle qu’il prononça, toujours à Saint-Denis, en juin 2004, lors du dépôt du cœur authentifié du jeune Louis XVII.

   Ami personnel de l’écrivain Jean Raspail (+ 13 juin 2020), il le réconciliera avec la foi catholique et le conseillera également pour les questions historiques de certains de ses romans, en particulier « L’Anneau du pêcheur ».

   Monsieur l’Abbé Chanut fut ensuite, dans son diocèse, nommé curé-doyen de Milly-la-Forêt, puis exorciste et archiviste du diocèse, et enfin responsable de l’application du motu proprio Summorum Pontificum. A côté de son ministère diocésain, il a également enseigné l’histoire de l’Eglise, l’homilétique et la patristique au séminaire de la Fraternité Saint-Pierre à Wigratzbad.

   Longuement éprouvé par un cancer, il est pieusement décédé en son domicile de Boutigny-sur-Essonne le samedi 17 août 2013. Ses funérailles furent célébrées le 22 août en la Collégiale Notre-Dame de l’Assomption de Milly-la-Forêt et a été ensuite inhumé au cimetière de la Chartreuse, à Bordeaux.

Monsieur l'abbé Christian-Philippe Chanut

Dans les pages de ce blogue vous trouverez plusieurs textes concernant Monsieur l’Abbé Chanut ou nés sous sa plume :

- Une lettre ouverte publiée lors de son trépas (2013) > ici
- Le dixième anniversaire de sa mort (2023) avec la publication de plusieurs enregistrements vidéo > ici

- L’enregistrement d’une homélie prononcée à l’occasion de la solennité de Saint Michel > ici

- Un texte extraordinaire de profondeur spirituelle sur l’offrande de soi > ici

- La fondation de la monarchie capétienne, œuvre indubitablement divine > ici

frise lys

 

2024-173. La vie de Saint Roch, établi par Dieu dans Son Eglise comme spécial intercesseur contre les maladies contagieuses.

16 août,
Fête de Saint Roch, céleste protecteur en second du Mesnil-Marie.
On trouvera ses litanies > ici
Et une prière en temps d’épidémie > ici

Saint Roch

       Saint Roch est né à Montpellier entre 1348 et 1350 (en France, nous sommes au tout début de la Guerre de Cent ans), fils unique d’un haut magistrat, Jean Roch de La Croix, et de sa pieuse épouse, dame Libère (Libéria). Il portait sur la poitrine, au côté droit, une sorte de tache de naissance en forme de croix : signe d’une vocation particulière de dévouement et de sacrifice.

   Montpellier, auparavant ville appartenant à la Couronne d’Aragon puis aux Rois de Majorque, fut achetée par le Roi de France Philippe VI en 1349 : elle fut alors l’une des villes les plus peuplées du Royaume, et son université de médecine (fondée en 1220) était l’une des plus réputées de la Chrétienté.
Toutefois Montpellier n’était pas alors un évêché, elle ne le deviendra qu’en 1536 lorsque le siège épiscopal de Maguelonne y sera transféré.

   Roch reçut sa première éducation de sa pieuse mère, et se montra dès l’enfance d’une piété bien au-dessus de la moyenne, ainsi que d’une charité sans bornes pour les pauvres : il avait grande joie à les accueillir dans la maison paternelle et à leur distribuer toutes ses petites épargnes.

   A seize ans, il commença à fréquenter l’université et il y reçut la formation médicale qui y était dispensée.
C’est lorsqu’il atteignit sa vingtième année qu’il perdit successivement son père et sa mère, à peu de temps d’un de l’autre. Avant de rendre son âme à Dieu, Jean de La Croix avait fait à son fils ces suprêmes recommandations : « Mon fils, sois toujours le serviteur dévoué de notre Rédempteur et Maître, Jésus-Christ. Assiste les veuves et les orphelins ; emploie en bonnes œuvres les trésors que je te laisse ; visite souvent les hôpitaux où sont les pauvres et les infirmes, ces membres souffrants de notre Sauveur, et que Dieu te bénisse »

Tableau populaire église Notre-Dame Bellegarde

Détail d’un tableau de facture naïve dans l’église Notre-Dame à Bellegarde

   Après avoir distribué tous ses biens aux pauvres, Roch, ayant pris l’habit des pèlerins, décida de partir pour Rome.
L’épidémie de peste, à laquelle bien plus tard on donnera le nom de peste noire, avait touché l’Europe occidentale à partir de 1347 et, en cinq ou six ans, avait emporté, estime-t-on, quelque vingt-cinq millions de victimes (selon les lieux 30 à 60 % de la population) pour la seule Europe.
Au moment où Roch se mit en route, la période de plus grande mortalité était passée ; toutefois l’épidémie subsistait sous forme de foyers de contagion restreints.

   Vêtu de sa houppelande de toile grossière, couvrant des vêtements tels qu’en portaient les plus humbles de la société, coiffé d’un chapeau à larges bords, protection aussi bien contre la pluie que contre les ardeurs du soleil, un bourdon à la main (pour assurer la marche et, le cas échéant, se défendre des attaques d’animaux), Roch n’emporta de son immense patrimoine qu’une gourde et une panetière pour y ranger les aumônes recueillies le long de la route.

   En chemin, il s’arrête dans quelques hôpitaux pour soigner et panser les plaies des malades, surtout ceux victimes de la peste. Il opère des guérisons par ses prières et par le signe de la croix.
En juillet 1367, il arrive à Acquapendente, dans la province de Viterbe, au nord du Latium, où l’épidémie connaît une forme de regain. Il supplie qu’on l’accepte pour servir dans l’hôpital des pestiférés, ce qu’on lui refusait d’abord en raison de sa jeunesse. Avec un admirable dévouement il y reste trois mois, humble serviteur des pestiférés, réconfortant et embrassant les malades, ranimant leur foi en même temps que leurs forces, prodiguant soins et paroles encourageantes, manifestant la plus tendre et délicate charité à tous.
L’épidémie régresse les habitants d’Acquapendente considèrent que Roch est le principal instrument de cette victoire sur la maladie, mais il se dérobe aux témoignages de gratitude et poursuit sa route.

Saint Roch - détail d'un tableau de l'église Notre-Dame Versailles

Détail d’un tableau de l’église Notre-Dame, à Versailles

   Au début de l’année 1368, il arrive à Rome où la peste sévit : pendant trois années, il va là aussi se mettre avec ardeur et zèle au service des malades, probablement à l’Hôpital du Saint-Esprit.
Un cardinal (il pourrait s’agir de Gaillard de Boisvert, régent de la Sacrée Pénitencerie Apostolique), qu’il avait guéri et qui avait aussi été le témoin admiratif de son inlassable dévouement aux malades et de plusieurs guérisons miraculeuses, le présenta U Bienheureux Urbain V, qui, saisi d’une mystérieuse intuition, s’écria en le voyant : « Toi… Il me semble que tu viens du Paradis ! ».
Et il lui accorda sa bénédiction apostolique avec l’indulgence plénière.

Saint Roch aux pieds du Bienheureux Urbain V détail Le Tintoret

Jacopo Robusti, dit Tintoretto, en français le Tintoret (v. 1518 – 1594) :
Saint Roch aux pieds du Bienheureux Urbain V (détail)

[Venise, Scuola Grande San Rocco]

   Saint Roch quitta Rome en 1370 pour s’en retourner vers sa patrie. Au mois de juillet 1371, on le trouve à Plaisance, à l’hôpital Notre-Dame de Bethléem, près de l’église Sainte-Anne, où il assista, réconforta et guérit les malades. Mais il fut alors à son tour touché par la peste.

   Certains disent que c’était une décision personnelle volontaire, afin de ne pas contaminer les autres, mais pour d’autres ce serait parce qu’on l’aurait chassé sans ménagement de la cité, il se retira dans une forêt entre Plaisance et Sarmato.
Manquant des soins qu’il avait prodigués à tant de malades avec tant de générosité, il se sentit défaillir, et se laissa tomber au pied d’un arbre, pour y mourir seul. Mais un ange lui apparut et le consola en lui suggérant que ses souffrances seraient agréables à Dieu.
Roch allait entrer dans la seconde partie de sa vocation et passer de la pratique des œuvres de miséricorde corporelle à celle de l’immolation mystique : « Ce qui manque à la Passion du Christ, je l’accomplis dans ma propre chair, pour Son Corps qui est l’Eglise… »
Quand l’ange disparut, au lieu-même où il s’était tenu, jaillit une source vive dont l’eau apaisa sa fièvre et lui permit de laver sa plaie.

   Non loin de cette forêt, dans une agréable vallée, s’élevait le manoir du seigneur Gothard Palastrelli, qui passait son temps en joyeuse compagnie, occupé aux parties de chasse et aux festins. II s’était établi dans cette confortable demeure relativement éloignée des centres urbains pour mieux se préserver de l’épidémie.
Or, tandis qu’entouré de ses amis il faisait bonne chère et tenait joyeux propos, un de ses chiens s’étant approché de la table prit un pain tout entier et s’enfuit au plus vite. Gothard n’y fit pas attention. Mais le lendemain, le même fait s’étant reproduit, intrigué, il se leva aussitôt et suivit le chien. Il le vit bientôt s’enfoncer dans un bois et s’arrêter à l’entrée d’une misérable hutte. Là, sur un lit de feuilles sèches, gisait un homme jeune encore, dont le visage pâle accusait de cruelles souffrances.
Très impressionné, Gothard résolut, à son tour, de quitter le monde pour passer le reste de sa vie dans la solitude. Ayant mis ordre à ses affaires et distribué son bien aux malheureux, il se retira auprès de Saint Roch.

Pordenone - Saint Roch trouvé par Gothard Palastrelli

Giovanni Antonio de’Sacchis, dit le Pordenone (1484-1539) :
Saint Roch trouvé par Gothard Palastrelli

      Roch, ayant retrouvé quelques forces, reprit sa route pour rentrer chez lui.

Concernant la fin de la vie du saint pèlerin existent deux traditions :

   a) Selon la première, qui semble la mieux établie, lors de sa traversée de la Lombardie, alors que des luttes intestines troublaient la province, il aurait été pris pour un espion et arrêté à Broni, puis transféré à Voghera par Beccaria, intendant militaire des Visconti.
Sa renommée était déjà grande, et, grâce à sa marque de naissance en forme de croix sur sa poitrine, il eût aisément pu être identifié par son oncle, gouverneur de la ville ou par l’un des plus proches collaborateurs de ce dernier. Mais, fidèle au vœu d’anonymat de tout pèlerin, Roch ne révéla pas son identité et demanda à pouvoir reprendre son chemin en tant qu’ « humble serviteur de Dieu ». Sa requête fut rejetée et il fut mis au cachot.
Son emprisonnement dura cinq années.
Il ne dévoila son identité qu’à un prêtre, la veille de sa mort, survenue le mardi
 16 août 1379, alors qu’il était âgé d’environ 30 ans.
Il fut enterré avec dévotion à Voghera et, dès 1382, on sait qu’il y était fêté et célébré comme un saint.

   2) La seconde tradition reprend ces mêmes éléments, de l’arrestation et des cinq années de captivité, mais les situe à Montpellier même, lors de son arrivée dans sa ville de naissance : elle semble moins certaine, tout simplement parce qu’on n’a pas la trace de la sépulture de Saint Roch à Montpellier et que cela n’expliquerait pas qu’on fût allé l’ensevelir à Voghera, seule cité à pouvoir attester du lieu de son inhumation.

Rubens - église Saint-Martin d' Alost

Pierre-Paul Rubens (1577-1640) :
Le Christ établissant Saint Roch comme céleste protecteur des malades de la peste (1623-1626)
[retable de l'église Saint-Martin d'Alost - Belgique]

   Sa dépouille mortelle fut conservée dans l’église de Voghera, qui lui est dédiée, jusqu’en février 1485, date à laquelle elle fut soit volée soit fut l’objet au centre d’une transaction avec la Sérénissime…
Toujours est-il que depuis lors, à l’exception de deux petits os du bras restés à Voghera, la majeure partie de son corps se trouve à Venise, en l’église de la Scuola Grande di San Rocco que le Tintoret a ornée de très célèbres tableaux consacrés à la vie édifiante de saint Roch.
Au XIXe siècle, un tibia du saint fut remis solennellement comme relique au sanctuaire de Montpellier, qui possède également son bâton de pèlerin.

   Le culte de Saint Roch s’est rapidement répandu dans le nord de l’Italie, dans les provinces du Midi, puis dans le reste de la France et dans toute l’Europe.
Il est invoqué contre les maladies contagieuses des hommes, mais aussi du bétail, et il est également considéré comme l’un des saints protecteurs des animaux.

Venise église Saint Roch autel majeur avec l'urne contenant le corps de Saint Roch

Venise, église Saint-Roch : l’autel majeur au-dessus duquel se trouve l’urne renfermant les reliques de Saint Roch

2024-172. Bref, mais dense, message de Sa Majesté le Roi à l’occasion de la fête patronale de la France, 15 août 2024.

    Dans la soirée de ce 15 août 2024, Monseigneur le Prince Louis de Bourbon, duc d’Anjou, de jure Sa Majesté Très Chrétienne le Roi Louis XX, a publié sur les réseaux sociaux un court message (deux phrases) dont la concision, toutefois, n’empêche pas que l’essentiel de ce qui constitue la fête patronale du Royaume y soit exprimé, tant dans l’ordre à strictement parler spirituel que dans l’ordre royal dont il est le légitime successeur :

Philippe de Champaigne - Louis XIV renouvelant le vœu de Louis XIII

Philippe de Champaigne (1602-1674) : Louis XIV enfant renouvelant le vœu de Louis XIII son père

En la fête de l’Assomption de la Sainte Vierge Marie,
je confie la France à sa sainte Patronne.

Que ses prières maternelles fassent pleuvoir
sur les Français et notre pays
les grâces spirituelles et temporelles dont ils ont besoin,
en particulier l’Espérance
en demeurant « sans cesse tournés vers les choses d’en-haut ».

Grandes armes de France

 

2024-171. « Prenant la très sainte et très glorieuse Vierge pour protectrice spéciale de notre royaume, nous lui consacrons particulièrement notre personne, notre Etat, notre couronne et nos sujets… »

15 août,
L’Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie :
Principale fête patronale du Royaume de France (cf. > ici),
(double de 1ère classe avec octave commune).

       Nous avons réuni ci-dessous la liste de tous les textes publiés dans ce blogue au sujet du vœu de Louis XIII, de son histoire et de la manière dont il convient de le renouveler à chaque 15 août.

Champaigne - Vœu de Louis XIII - musée des beaux-arts Caen

Philippe de Champaigne : le vœu de Louis XIII (1638)
[musée des Beaux-Arts, Caen]

A – Textes législatifs :

- Le texte de l’Edit de Saint-Germain (10 février 1638) improprement appelé « Vœu de Louis XIII » (puisqu’en effet il ne s’agit pas du texte du vœu royal lui-même mais de celui du document officiel par lequel Sa Majesté a informé son clergé et ses peuples du Vœu accompli et de la manière dont il doit être renouvelé chaque 15 août ici
- La lettre apostolique de Pie XI (1922) qui confirme la Vierge Marie comme céleste patronne de la France sous le vocable de son Assomption ici

B – Textes pour la liturgie :

- Les rites liturgiques à accomplir pour renouveler le Vœu de Louis XIII chaque 15 aoûtici
– La prose « Induant justitiam » propre aux diocèses de France pour la fête de l’Assomption > ici
– La Messe propre en l’honneur de la Bienheureuse Vierge Marie du Vœu de Louis XIII > ici

C – Prières de dévotion pour renouveler la consécration de la France à la Très Sainte Vierge :

- Une prière attribuée à la Vénérable Elisabeth de France ici
– Une prière publiée en 1825 ici

D – Autres textes :

- La fête de l’Assomption n’est pas une « fête nationale », mais la fête patronale de la France > ici
- La Révérende Mère Anne-Marie de Jésus Crucifié, moniale calvairienne, mystique, choisie par Dieu pour faire connaître à Louis XIII Sa volonté de lui voir consacrer son Royaume à Sa Très Sainte Mère > ici

Philippe de Champaigne - Louis XIV renouvelant le vœu de Louis XIII

Philippe de Champaigne : Louis XIV enfant renouvelant le vœu de Louis XIII (vers 1650)
[Hambourg, Kunsthalle]

2024-170. Le 15 août est-il « la véritable fête nationale » de la France ?

15 août,
L’Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie :
Principale fête patronale du Royaume de France (cf. > ici),
(double de 1ère classe avec octave commune).

Consécration de la France à la Très Sainte Vierge

Consécration de la France à la Très Sainte Vierge Marie
(vitrail de la basilique Notre-Dame des Victoires)

       Il arrive assez fréquemment que j’entende des catholiques dire du 15 août qu’il est le jour de « la véritable fête nationale » (sic) de la France.
Cela arrive en particulier aux alentours du 14 juillet comme une forme de protestation contre cette célébration républicaine honteuse (je vous renvoie pour cela à ce que feu mon prédécesseur le Maître-Chat Lully avait écrit à ce sujet > ici), et j’entends tout ce qu’il y a de bonnes intentions derrière cette assertion qui cherche à rappeler que la France n’a pas commencé avec la révolution, que la France est – par essence – catholique et royale depuis ses origines, et qui place la consécration du Royaume à la Très Sainte Vierge Marie par Sa Majesté le Roi Louis XIII au premier rang de nos principales célébrations nationales, alors que la république impie veut mettre à la place la glorification du parjure, du crime et de la révolte contre l’ordre voulu par Dieu.

   Néanmoins, cette « bonne intention » qui consiste à dire : « Notre vraie fête nationale est le 15 août » est exactement du même ordre que cette stupidité qui affirme avec autant de naïveté que d’approximation : « Le carême, c’est le ramadan des catholiques » !

   Ne dit-on pas que « l’enfer est pavé de bonnes intentions » ?
Il me semble que de semblables procédés, qui voudraient s’opposer à l’erreur ou à l’impiété en utilisant le langage et les concepts de « l’ennemi », sont absolument contreproductifs, et même dangereux.
Dangereux, oui, parce qu’en nous engageant dans les méandres obscurs de la phraséologie révolutionnaire, ils risquent d’enfermer ceux qui les utilisent dans les pièges de l’idéologie qui la sous-tend.

   Dans la saine mentalité antérieure à l’immonde révolution, l’idée de « fête nationale » n’existe pas, pour la bonne et simple raison que l’idée de « nation » qui la fait exister n’existe pas – du moins dans le sens dont elle a été revêtue depuis -, parce que c’est une idée révolutionnaire.
L’idée de « fête nationale » est une notion conséquente aux faux principes révolutionnaires ; elle est étrangère aux principes de l’Ancien Régime.

   Certes, le mot « nation » a existé et a été utilisé avant l’idéologie issue des prétendues « Lumières », mais il était alors un quasi synonyme du mot « peuple », lequel était compris dans son sens historique et quasi ethnique.
Nul alors n’eût pensé à parler de la « nation » au sens où cela est compris de nos jours.

   Pour les révolutionnaires et leurs continuateurs (eux qui terminent leurs discours par « Vive la république ! Vive la France ! » , en mettant significativement l’une avant l’autre), ce qui prime c’est la « nation républicaine », et cette « nation » est une construction idéologique faite de « valeurs », ou prétendues telles, substituées à la patrie réelle, physique, quasi charnelle.
Lorsqu’ils parlent de « patrie » ou de « nation », ils entendent par là un système politique, un système révolutionnaire, un système opposé aux valeurs traditionnelles catholiques et royales qui ont construit la France et l’ont faite grandir pendant treize siècles : c’est ce qui explique qu’ils utilisent des expressions telles que « le territoire de la république » ou « la langue de la république ».

   Dans cette perspective, l’expression « fête nationale » a été créée comme une manipulation mentale supplémentaire afin d’assujettir les consciences à l’idéologie révolutionnaire, afin de dévoyer l’amour naturel de la patrie pour le détourner vers la célébration de la république – patrie idéologique – destructrice des valeurs traditionnelles.

   A rebours de l’ordre naturel, préservé par l’histoire et par le développement organique du Royaume de France, lequel était une mosaïque de peuples possédant chacun – de manière tout-à-fait légitime – leurs langues, leurs coutumes, leurs traditions, leurs costumes, leurs privilèges… etc., mais dont l’unité se faisait en la personne du Roi, la révolution a voulu instituer une « république une et indivisible » qui a détruit tous les particularismes provinciaux, qui a détruit tous les usages et coutumes immémoriaux, qui a détruit tous les corps intermédiaires, et qui ne considère plus que l’individu, seul en face de « la république » : un individu qui, là encore, n’est plus qu’un « citoyen » fait d’abstractions idéologiques, et non un être réel inscrit dans une lignée, enraciné dans un terroir, héritier de longues traditions multiséculaires.
Pour cette république, les « citoyens » sont des êtres interchangeables dont on nie les caractères particuliers : son « égalité » n’est qu’un nivellement radical tendant à la stricte uniformité.
La république est par essence dictatoriale, et le concept même de « fête nationale » n’a pour but que de travailler à cette uniformisation des individus dans le creuset de l’idéologie révolutionnaire

   Au contraire, le Royaume, lui, comme la Sainte Eglise, est une sorte de corps mystique composé de peuples, naturellement et légitimement divers et différents, qui ne doivent en aucune manière devenir tous semblables les uns aux autres, et qui trouvent leur harmonie organique et leur complémentarité dans  l’unité de la personne du Roi, dont le pouvoir est d’essence paternelle.

   Ainsi, un Royaume qui vit des valeurs traditionnelles, n’a que faire d’une « fête nationale ».
Un Royaume qui vit des valeurs traditionnelles va célébrer la fête patronale de son Roi, son principe d’unité.
Un Royaume qui vit des valeurs traditionnelles va célébrer, dans une authentique ferveur religieuse, la fête patronale du Royaume.

   Une fête patronale exprime une réalité infiniment supérieure à une « fête nationale ».
Une fête patronale nous place dans une réalité surnaturelle : elle nous situe dans la logique de l’Incarnation et de ses conséquences, elle nous insère dans l’histoire du salut, elle nous fait considérer les réalités d’ici-bas dans une perspective où les domaines temporels et spirituels, tout en étant clairement distincts, ne sont pas séparés, ne divorcent pas, ne sont pas antagonistes, mais – chacun selon son ordre, conforme à sa nature – collaborent pour que chacun des sujets de ce Royaume parvienne à son épanouissement naturel et spirituel, et réalise sa vocation terrestre et éternelle. 

   Si je proteste contre cette naïve (et quelque part touchante en raison même de cette naïveté) affirmation du caractère de « fête nationale » de cette fête de l’Assomption de Notre-Dame, le 15 août, c’est parce que c’est tellement autre chose ; nous sommes dans une réalité infiniment supérieure, infiniment plus grande, infiniment plus belle  : c’est la principale fête patronale du Royaume !

   C’est la célébration joyeuse de la collaboration du ciel et de la terre dans l’histoire d’un Royaume : cette célébration est d’abord spirituelle et religieuse, mais elle déborde en saines réjouissances humaines, et, dans l’unité d’un corps mystique, elle magnifie et rend grâces au Très-Haut pour Ses sollicitudes à l’égard de ce Royaume, pour Ses interventions dans son histoire, pour les miracles qu’Il a accomplis à toutes les générations à travers Ses saints, à travers les Rois qu’Il a oint d’un chrême miraculeux, à travers la fidélité des sujets conscients de cette « gesta Dei per Francos : geste de Dieu par les Francs », et à laquelle ils ont prêté leur concours et se sont soumis avec amour.

pattes de chat  Tolbiac.

Armes de France & Navarre

2024-169. La prose « Induant justitiam » propre aux diocèses du Royaume de France pour la fête de l’Assomption de Notre-Dame.

15 août,
L’Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie :
Principale fête patronale du Royaume de France
(double de 1ère classe avec octave commune).

Abraham Bosse voeu de Louis XIII

Abraham Bosse (v. 1602-1676) : « Les Vœux du Roy et de la Reyne à la Vierge » (1638)
[Eau-forte, Bibliothèque nationale de France]

       Voici le texte, la traduction, puis la notation de la prose de l’Assomption telle qu’elle figure au Missel propre de l’archidiocèse de Paris depuis le Cardinal de Noailles (1651-1729) et telle qu’elle s’y trouve toujours dans la dernière édition publiée avant le second concile du Vatican.
Cette prose se retrouve aussi dans les propres de nombreux diocèses du Royaume.

Prose de l'Assomption - blogue

   En voici maintenant la notation musicale :

Prose de l'Assomption notes - blogue

   Nous en avons même trouvé un enregistrement ici (faire un clic droit sur l’avatar ci-dessous, puis « ouvrir dans un nouvel onglet »). :

Image de prévisualisation YouTube

   Nous sommes ici, bien évidemment, dans un authentique plain-chant tel qu’il se pratiquait sous l’Ancien Régime dans notre beau Royaume de France, avant que les modes d’inspiration romantico-monastique (ou monastico-romantique), sous prétexte de « restauration » du chant grégorien [restauration de choses qui n'avaient jamais existé sans doute !], ne vinssent priver de toute virilité l’interprétation du chant d’église.
Certes, cet enregistrement peut dérouter quelque peu ceux qui ne sont habitués qu’aux exécutions de type solesmnien (ou solemniaque), mais il est de toute évidence bien plus proche de la réalité factuelle qu’une interprétation de style monastico-romantique.

Vous trouverez aussi dans ce blogue :

- Les rites liturgiques à accomplir pour renouveler le Vœu de Louis XIII > ici.

- Des prières de dévotion pour consacrer la France à la Très Sainte Vierge :

- Une prière attribuée à la Vénérable Elisabeth de France > ici
- Une prière publiée en 1825 > ici

- Le texte de l’Edit de Saint-Germain (10 février 1638) improprement appelé « Vœu de Louis XIII » (puisqu’en effet il ne s’agit pas du texte du vœu royal lui-même mais de celui du document officiel par lequel Sa Majesté a informé son clergé et ses peuples du Vœu accompli et de la manière dont il doit être renouvelé chaque 15 août > ici
- La lettre apostolique de Pie XI (1922) qui confirme la Vierge Marie comme céleste patronne de la France sous le vocable de son Assomption > ici

- Des strophes de la liturgie grecque pour célébrer l’Assomption > ici
- La paraphrase du « Salve, Regina », par Saint Bonaventure > ici
- Une prière du Vénérable Pie XII à Notre-Dame de l’Assomption > ici
- Un beau sermon sur le mystère de l’Assomption > ici
- .

Assomption - Charles-Antoine Bridan - Chartres

Charles-Antoine Bridan (1730-1805) : l’Assomption de la Très Sainte Vierge Marie
(groupe sculpté surmontant le maître-autel de la cathédrale de Chartres)

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