Archive pour la catégorie 'Textes spirituels'

2024-193. De Notre-Dame de Pramailhet.

8 septembre,
Fête de la Nativité de Notre-Dame (double de 2ème classe) ;
Mémoire de Saint Hadrien de Nicomédie, martyr.

       Avant que ne s’achève cette journée, je voudrais vous parler d’un pèlerinage vivarois auquel Frère Maximilien-Marie est très attaché : celui qui se fait à la chapelle de Notre-Dame de Pramailhet (pèlerinage que feu le Maître-Chat Lully, mon prédécesseur, avait brièvement évoqué dans sa chronique de l’été 2009 > ici).

Notre-Dame de Pramailhet - statue 1

Statue de Notre-Dame de Pramailhet (état actuel)

   Traditionnellement, la grande journée de pèlerinage avait lieu le 8 septembre même, pour célébrer la Nativité de la Très Sainte Mère de Dieu.

   En notre France encore à majorité rurale et catholique des « années soixante » du précédent siècle, dans les populations catholiques villageoises de nos contrées, ce jour était considéré pratiquement comme un jour férié où l’on se faisait un quasi devoir de se rendre en pèlerinage en quelque sanctuaire local ou régional dédié à la Très Sainte Vierge.

la petite route qui conduit à la chapelle de Pramailhet

La petite route qui conduit à la chapelle de Pramailhet

   Lorsqu’il était enfant, heureux temps où la rentrée scolaire n’arrivait que vers la mi-septembre, Frère Maximilien-Marie, s’était rendu à plusieurs reprises, à pied, par les chemins ancestraux (des « drailles » en langue d’Oc), avec des cousines et quelques villageois de Saint-Priest (paroisse de laquelle est issue une partie de sa famille, et qui se trouve à environ une lieue et demi à vol d’oiseau de la chapelle de Pramailhet, ce qui représente environ deux heures et demi de marche puisque, en Vivarais, les chemins ne sont pas rectilignes mais doivent se conformer à un relief tourmenté).
Je vous invite d’ailleurs à vous rendre sur quelque carte géographique en ligne pour vous rendre compte par vous-mêmes de la position de cette chapelle qui se trouve aux coordonnées suivantes : 44.684148, 4.492325.
En procédant à des agrandissements ou bien à des visions de recul, vous pourrez vous faire une idée de sa situation, de son isolement, et du relief alentour, puisqu’elle se trouve presque en bordure d’un plateau surélevé duquel on bénéficie de panoramas saisissants sur nombre de villages du bas-Vivarais.
Ce plateau se nomme le Coiron. La chapelle se trouve à 800 mètres au sud du hameau de Pramailhet, au lieu-dit Combemale (ou Combe Male) : une « combe » désigne un vallon, l’adjectif « male » signifie mauvais ; Combemale veut donc dire « vallon mauvais » ou même « vallon maudit » ; nous reviendrons plus loin sur cette appellation.

les vallées vers le bas Vivarais que l'on aperçoit depuis la route de Pramailhet

Paysage des vallées qui s’ouvrent vers le bas Vivarais que l’on peut contempler
depuis la route du Coiron qui conduit à la chapelle de Pramailhet

   De nos jours, compte-tenu du fait que les conditions de vie ont bien changé, et que les fidèles qui subsistent auraient bien des difficultés à chômer le 8 septembre pour se rendre en pèlerinage à Pramailhet, le clergé a décidé de transférer le pèlerinage annuel au premier dimanche de septembre, et tente, ce jour-là, de redonner vie à la tradition des pèlerins venant à pied vers le petit sanctuaire.

   Le pèlerinage survit donc, mais on est bien loin des foules qu’il attira dans la seconde moitié du XIXème siècle, dans le contexte du sursaut religieux très marqué, ici comme dans le reste du Royaume.
La Restauration (1814-1830) avait favorisé de tout son pouvoir la reprise ou la fondation des écoles catholiques, des petits et grands séminaires, le renouveau des congrégations religieuses, encouragé les missions diocésaines, si bien que c’est véritablement à partir de 1850 que l’on commence à constater la fécondité spirituelle de ces vocations zélées, et à cueillir les fruits du zèle apostolique de ces jeunes prêtres ou religieux, généralement bien formés, qui se sont dépensés à la ré-évangélisation des paroisses et des campagnes, soutenus par les manifestations surnaturelles de la Madone à la rue du Bac (1830), à Notre-Dame des Victoires (1836), à La Salette (1846) et bientôt à Lourdes (1858).

   Aux alentours de 1872, un digne ecclésiastique témoin de la ferveur qui entoure alors le pèlerinage de Pramailhet avance le chiffre de 6000 pèlerins, et l’historien local Albin Mazon, alias le Docteur Francus, évoque des Messes célébrées toutes les semaines, en présence de nombreux fidèles, même en dehors des jours de fêtes mariales.

La chapelle de Pramailhet vers 1900

Des pèlerins à la chapelle de Pramailhet vers 1900

  Selon les traditions qui se racontaient à la veillée jadis, le nom de Combemale donné à ce vallon à 800 mètres au sud du hameau de Pramailhet serait lié à la mort tragique d’une jeune fille – une bergère ? – qui y aurait été sauvagement agressée, ou peut-être dévorée par des bêtes sauvages.
A quelle époque ? Nul ne le dit…

   Ces mêmes traditions locales, rapportent qu’il y aurait eu une sorte d’ermitage dans les parages : le nom de « Solitari » donné à un lieu-dit relativement proche en serait la survivance toponymique.
Il ne subsiste néanmoins rien de cet ermitage dont témoignent les traditions et nul ne peut dire à quelle période il fut habité, ni quand il aurait cessé d’exister. Aurait-ce été par simple abandon ? ou bien lors de dévastations, comme il y en eut lors des passages des grandes compagnies pendant la guerre de Cent Ans ? ou encore cela nous renvoie-t-il à des événements beaucoup plus anciens à la fin de l’Antiquité ou au début du Moyen-Age ?
Dans l’état actuel de nos connaissances, nous n’avons aucun élément de réponse.

   Nous savons seulement, et encore avec beaucoup d’imprécisions, que vers 1851, des travaux de terrassement effectués pour une restauration de la chapelle, ont permis de découvrir des vestiges de bâti ancien : mais cela n’a évidemment pas été étudié de manière rigoureuse et scientifique.

Chapelle de Pramailhet extérieur état actuel

Chapelle de Pramailhet, état actuel

   Les données parcellaires en notre possession attestent néanmoins de la reconstruction, en 1648, d’une chapelle détruite.
Il est bien question de reconstruction, ce qui signifie, en toute logique, qu’il y avait un édifice antérieur, dont on peut raisonnablement penser qu’il avait été ruiné par les sectateurs de Calvin, dont les ravages et destructions furent très nombreux dans toute cette partie du diocèse de Viviers.

   La chapelle de 1648 fut agrandie en 1781, ce dont témoigne la clef de voûte de la porte latérale.

clef de voûte datée de la porte latérale

   Dans la deuxième partie de la grande révolution (après la terreur robespierriste), lors même que le triste évêque parjure et jureur de Viviers – Monseigneur Charles de La Font de Savines – avait abandonné le diocèse, et que la persécution s’acharnait aussi bien sur les prêtres insermentés que sur les assermentés, des prêtres constitutionnels fanatiques s’établirent à Pramailhet et firent de la chapelle leur « cathédrale » (sic).
Les désordres se multiplièrent autour de cet avorton d’ « Eglise » schismatique : si le concordat de 1801 vint mettre fin à l’existence de cette petite communauté d’obstinés, le lieu resta pendant plusieurs années entouré de suspicions si bien que le pèlerinage finit par être interdit par l’autorité ecclésiastique, d’autant qu’un incendie, causé par la foudre, avait encore une fois ruiné la chapelle autour de laquelle se produisirent plusieurs scandales.

   La chapelle sera finalement relevée en 1851, agrandie en 1872, et, sous l’impulsion de prêtres zélés et équilibrés dûment autorisés par Monseigneur l’évêque de Viviers, le pèlerinage reprit son essor.

   La chapelle actuelle, qui est celle achevée en 1872, est de proportions modestes : 17 mètres de long et 8 de large ; elle est de style néo-roman. La nef comporte trois travées soulignées par des arcs-doubleaux ; l’abside à pans coupés comporte trois baies (dont l’une a été maçonnée pour la transformer en niche pour une statue de la Vierge à l’Enfant) ; à l’ouest – c’est-à-dire du côté de l’Evangile, car la chapelle n’est pas orientée (le chevet est au nord) – se trouve une chapelle latérale, qui formerait un transept si elle avait son pendant.

   Dans les années qui ont suivi le concile vaticandeux, la table de communion et le marchepied du maître-autel ont été misérablement retirés pour disposer un « autel face au peuple » sans style, aussi pitoyable qu’insignifiant.

Chapelle de Pramailhet intérieur état actuel

Intérieur de la chapelle de Pramailhet
(photo prise par Frère Maximilien-Marie en 2009)

Chapelle de Pramailhet - statue de Notre-Dame de l'Espérance au fond du sanctuaire

Statue de la Madone à l’Enfant
à laquelle est donné le vocable de Notre-Dame de l’Espérance
placée dans la niche (ancienne baie) du fond du sanctuaire

   Même si une grande statue dorée de belle facture, appelée Notre-Dame de l’Espérance, a été placée dans la baie centrale (murée) de l’abside, ce n’est pas elle qui fait l’objet du pèlerinage de Pramailhet, lequel se concrétise, de fait, autour d’une ancienne statue de pierre (il s’agit d’une pierre de grès), d’une quarantaine de centimètres de haut, pesant 15,400 kg.
A cette statue se rattache la principale tradition liée à ce lieu : elle aurait été découverte, miraculeusement par un laboureur dont les bœufs refusaient de piétiner la place où elle était enfouie.
D’aucuns ajoutent que, aiguillonnés par le paysan qui voulait à tout prix les faire avancer, les bœufs se seraient agenouillés et auraient incliné la tête, désignant par là l’endroit au dessous duquel la statue attendait qu’on la tirât de l’oubli et qu’on la vénérât à nouveau.

   Nous nous trouvons donc en présence d’une « statue trouvée ».
Des légendes analogues (mot qui ne signifie pas que ce soit une pure affabulation) existent en plusieurs autres lieux de pèlerinage (ce qui ne signifie pas non plus qu’il s’agisse d’une sorte de « figure de style » hagiographique sans consistante réelle).

Notre-Dame de Pramailhet - statue 2

   Le chanoine Saunier, docte prêtre du diocèse de Viviers qui, dans la seconde moitié du XIXème siècle, a essayé de donner quelques explications sur cette statue, est selon toute vraisemblance dans la vérité lorsqu’il écrit que nous nous trouvons en réalité en présence d’ « un tronçon de colonne de forme hexagonale, à pans inégaux, percé des deux côtés, dans le sens de la longueur, de manière à reposer sur une douille et à s’ajuster ainsi sur le fût d’une colonne ». Ce qui amène spontanément à penser quelle était originellement un élément d’une « croix de pierre à double face », comme on en produisit aux XIVème et XVème siècles dans nos contrées. Le style de la sculpture irait d’ailleurs dans le sens d’une telle datation.

   Quant à la polychromie qu’on observe sur cette statue, en l’absence d’une étude poussée sur les pigments et leur facture, on ne peut présentement dire s’ils sont d’origine ou s’ils sont le résultat, plus ou moins heureux, d’une intervention postérieure.

   Enfin, de toute évidence, la tête de la Vierge a été coupée et recollée : s’agit-il d’un « banal » accident (par exemple une chute) ? ou bien fut-ce le résultat du vandalisme huguenot ou révolutionnaire ? Là encore, nous n’avons aucun élément qui nous permette la moindre affirmation.

   L’arrière de ce tronçon semble indiquer qu’un élément y a été détruit ou martelé, mais encore une fois les constatations que nous pouvons aujourd’hui faire nous fournissent davantage d’éléments d’interrogations que des réponses.

Notre-Dame de Pramailhet - statue 4

   Cette statue, qui figure sur la liste des objets inscrits aux Monuments Historiques, est habituellement conservée, bien en sécurité, dans l’église de Saint-Etienne de Boulogne, et elle est apportée dans la chapelle solitaire le jour du pèlerinage.

   La tradition de sa découverte miraculeuse est-elle absolument conforme à la réalité ? Rien ne permet de l’infirmer de manière catégorique, comme rien ne nous permet de l’affirmer de manière « scientifique ».
Et rien non plus ne nous permet de proposer une date pour cette « découverte ».
Serait-ce elle qui, dans le contexte de la rechristianisation postérieure aux dévastations huguenotes et après la pacification apportée par l’intervention de Sa Majesté le Roi Louis XIII (siège de Privas et paix d’Alès en 1629), aurait suscité la reconstruction de 1648 ?

   En revanche il est indubitable qu’elle a contribué – et contribue encore – à faire venir des pèlerins, jadis très nombreux et en nombre plus réduit de nos jours, vers ce « coin perdu » du plateau du Coiron, où les ex-voto fixés aux murs de la chapelle montrent à l’évidence que la Vierge Marie se plaît à accorder ses grâces.

Notre-Dame de Pramailhet - statue 3

   Je suis très heureux d’avoir pu vous présenter ce lieu de pèlerinage ancien, qui a connu bien des vicissitudes, vous l’avez lu, et contre lequel, de toute évidence, le démon s’est acharné, suscitant de manière récurrente des destructions, troubles et scandales, afin d’en éloigner les âmes ; lieu autour duquel plane toujours, en quelque manière, un véritable mystère, en raison des nombreuses zones d’ombre laissées par notre connaissance très lacunaire de ses origines comme de pans entiers de son histoire. 

   Frère Maximilien-Marie, qui a pu, à plusieurs reprises, s’y rendre en dehors du jour officiel du pèlerinage, souvent tout seul, m’a expliqué qu’il règne en ce lieu une atmosphère très particulière de plénitude silencieuse qui rend quasi palpable la présence du monde invisible, et la réalité des combats entre les forces surnaturelles du Bien et les puissances infernales.

   Je vous souhaite, un jour d’avoir l’occasion de vous y rendre en pèlerinage, pour vous y placer sous le manteau maternel de Notre-Dame de Pramailhet, Notre-Dame de l’Espérance, victorieuse du serpent des origines et médiatrice des grâces divines… 

patte de chat  Tolbiac. 

2024-192. De Sainte Limbanie et du Bienheureux Ange de Foligno que nous fêtons le 6 septembre dans l’Ordre de Saint Augustin.

6 septembre,
Fête de Sainte Limbanie de Chypre, vierge,
et du Bienheureux Ange de Foligno, prêtre et confesseur de notre Ordre ;
Commencement de la neuvaine préparatoire à la fête de Notre-Dame des Douleurs (cf. > ici).

Sainte Limbanie et le Bienheureux Ange de Foligno - blogue

Martyrologe augustinien pour le 6 septembre :

   « A Gènes, la fête de Sainte Limbanie, vierge de notre Ordre, remarquable par son admirable pénitence et sa très haute contemplation, dont l’âme s’envola au Ciel le 14 août, en la vigile de l’Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie, mais qui est honorée aujourd’hui dans notre Ordre.
A Foligno, le Bienheureux Ange de Foligno, prêtre de notre Ordre, célèbre pour ses pénitences, son humilité et sa patience face aux offenses, qui rendit son âme à Dieu le 27 août en la vigile de notre Bienheureux Père Saint Augustin ; le pape Léon XIII approuva le culte immémorial qui lui était rendu et sa fête fut assignée à ce jour ».

vignette avec symboles augustiniens - blogue

       Sainte Limbanie (Limbania) est surtout connue et vénérée à Gènes où l’on a la certitude qu’elle était honorée d’un culte en 1294, dans l’église conventuelle de Saint Thomas (San Tommaso). Les leçons de son office (approuvé en  1609) enseignent qu’elle vécut au XIIème siècle et qu’elle était originaire de Chypre, mais sans donner davantage de précisions.

   Encore adolescente, alors que ses parents avaient résolu de la marier, Limbanie, qui avait consacré à Dieu sa virginité, s’enfuit en s’embarquant clandestinement sur un navire génois.
C’est ainsi qu’elle débarqua dans la capitale ligure, où elle ne connaissait évidemment personne : elle fut alors confiée aux bénédictines du couvent de Saint Thomas (San Tommaso), mais sans entrer dans la communauté.

   Limbanie choisit pour cellule une cavité sous le sol de la cuisine, où elle menait une vie de pénitence extraordinaire : on raconte en particulier qu’elle se flagellait avec des barres de fer.
Semi recluse, le temps qu’elle ne passait pas à la contemplation et à la prière, elle le consacrait à venir en aide aux hommes et aux animaux qui travaillaient dans le port voisin. C’est la raison pour laquelle, outre le bateau avec lequel elle est habituellement représentée – allusion à la manière dont elle s’était enfuie de Chypre -, on la représente en compagnie d’animaux, et on l’invoque aussi pour la protection des animaux, nos compagnons familiers ou nos aides dans les travaux.

Sainte Limbanie - blogue

Fray Miguel de Herrera (1696 -  vers 1780), moine augustin mexicain
qui travailla pour plusieurs couvents et monastères de la région de Puebla :

Sainte Limbanie entourée d’animaux (1725)
[musée d'art de Philadelphie]

   On la représente également tenant à la main un peigne en fer, symbole de sa vie de pénitence, mais aussi outil pour brosser le pelage des ânes.
En effet, la Via della Canellona, ​​​​importante artère commerciale conduisant à Ovada, vers le Piémont et vers la Lombardie, partait directement de la place sur laquelle donnait la façade de l’église Saint Thomas, dans laquelle, après sa mort, fut vénéré le tombeau de Sainte Limbanie : ainsi au Moyen-Age et à l’époque moderne, le sel et le corail qui arrivaient par voie maritime au port de Voltri, puis, au retour, le vin et les céréales qui seraient embarqués à Voltri, transitaient par là, transportés à dos d’ânes ou de mulets en longues caravanes.

   Les muletiers se recommandaient donc à Sainte Limbanie avant leur départ pour qu’elle les protégeât durant leur voyage, puis la remerciaient à leur retour.

Sainte Limbanie avec la brosse pour le pelage des animaux

Sainte Limbanie sur un bas-relief de la première renaissance,
représentée avec la brosse pour le pelage des animaux

   A sa mort, un 14 août (mais nous ignorons de quelle année), déjà vénérée par les gens du port pour la sainteté de sa vie et sa charité, les Bénédictines l’ensevelirent sous l’autel de l’église conventuelle.

   En 1344, un procès canonique fut instruit concernant les miracles qui lui étaient attribués, puis, en 1432, un autel fut consacré en son honneur. En 1562 fut fondue une cloche portant son effigie. Vers 1600, parut un livre publiant les miracles qu’elle avait accomplis et accomplissait.
En 1509, les Bénédictines étant parties, ce sont les Augustines qui s’installèrent à Saint-Thomas : c’est ainsi que Sainte Limbanie, qui n’avait pu être religieuse augustine puisqu’elle avait vécu à une époque où les moniales augustiniennes n’avaient pas encore été fondées, devint une Augustine d’adoption.
Sa fête était célébrée dans l’église de Saint-Thomas le 16 août, mais le 16 juin dans le diocèse de Gênes, tandis, comme nous l’avons vu en commençant cette notice, que l’Ordre de Saint Augustin l’assigna au 6 septembre.

   Lorsque, au XIXème siècle, le couvent de Saint-Thomas fut entièrement démoli pour faire place à la création du chemin de fer, les reliques de Sainte Limbanie furent transférées dans l’église de Voltri.

reliquaire d'argent de Sainte Limbanie XVe-XIXe siècles

Chef reliquaire d’argent de Sainte Limbanie
œuvre du XVème siècle restaurée et complétée au XIXème siècle

       Le Bienheureux Ange de Foligno (Angelo da Foligno) est née à Foligno, dans la noble famille Conti, en 1226. On ne connaît que peu de choses de son enfance et de sa jeunesse, ni du moment précis où il entra dans la vie religieuse.
Il est contemporain de la création de l’Ordre des Ermites de Saint Augustin (16 décembre 1243 & 9 avril 1256). Appartenait-il à l’une de ces communautés érémitiques vivant sous la Règle de Saint Augustin dont le Saint Siège voulut la réunion et la constitution en ordre mendiant, ou rejoignit-il l’Ordre après qu’il a été constitué ? On ne le sait pas.

   En revanche on sait que ce prêtre d’une grande piété, distingué par sa patience, son esprit de prière et sa mortification, fut employé par l’Ordre pour fonder plusieurs couvents augustiniens en Italie centrale, dont le couvent Saint-Augustin dans sa ville natale, et des documents attestent sa présence à Gubbio en 1293 et 1297. C’est à peu près tout !

   Toutefois, après sa mort, survenue à Foligno le 27 août 1312, âgé de 86 ans, en la vigile de notre Bienheureux Père Saint Augustin, il fut inhumé dans l’église conventuelle et aussitôt vénéré, invoqué, prié… et des grâces furent obtenues par son intercession.
Léon XIII approuva son culte immémorial en 1881.  

Bienheureux Ange de Foligno - blogue

2024-189. Pèlerinages avec la Légitimité : Sainte-Anne d’Auray & Saint-Maximin.

       Dans les prochaines semaines, vont se dérouler deux pèlerinages à la participation desquels nous invitons largement nos amis, en fonction de leurs capacités physiques d’une part, et de leur implantation géographique d’autre part.

1) Les 28 & 29 septembre, aura lieu le 112ème pèlerinage légitimiste à Sainte-Anne d’Auray, organisé par l’UCLF (Union des Cercles légitimistes de France), que l’on ne présente plus et dont nous reproduisons ci-dessus le tract :

Pèlerinage Ste Anne d'Auray 2024 recto

Pèlerinage Ste Anne d'Auray 2024 verso

   2) Et le « ouiquinde » suivant, c’est-à-dire les 5 & 6 octobre, le pèlerinage « Nosto Fe » (deux mots de la langue provençale signifiant « Notre Foi » et rappelant les paroles du célèbre cantique « Prouvençau e catouli ») dont ce sera la première édition, et à l’occasion duquel les responsables du Camp Chouan ont créé le Chapitre légitimiste Sainte Pétronille.
Nous leur laissons la parole :

   « Le week-end du 5 et 6 octobre se tiendra le pèlerinage traditionnel Nosto Fé. À cette occasion nous avons créé un chapitre légitimiste sous le patronage de Sainte Pétronille. Il s’agit de la première édition de ce Pélé qui est le pendant provençal du Feiz et Breizh breton. L’idée est que sous le grand pèlerinage de Chartres, qui représente l’échelon national, se développent des pèlerinages provinciaux et enracinés. Aussi en Provence nous serons accompagnés de galoubets et de tambourins… » 

   Notez que le départ se fera au sanctuaire de Cotignac (lieu d’apparition de Notre-Dame, puis de Saint Joseph, lié à la naissance de Louis XIV), et l’arrivée à la basilique royale de Saint-Maximin, lieu de la sépulture de Sainte Marie-Magdeleine et où sont conservées ses reliques, sanctuaire lui aussi lié à la famille capétienne.

Nosto Fe 2024

   Nous ne pourrons y participer nous-mêmes, mais si des personnes du Dauphiné ou du Vivarais désiraient s’y rendre, nous pouvons les mettre en contact avec des pèlerins qui organisent un covoiturage depuis Montélimar.

2024-188. De Sainte Rosalie, vierge issue du sang de France, solitaire, céleste protectrice de Palerme.

4 septembre,
Octave de notre Bienheureux Père Saint Augustin ;
Mémoire de Sainte Rosalie la Palermitaine, vierge ;
Anniversaire de la mort de Mère Anne-Marie de Jésus Crucifié, calvairienne (+ 4 septembre 1653 – cf. ici).

Martyrologe romain pour le 4 septembre :

   « Panórmi natális sanctæ Rosáliæ, Vírginis Panormitánæ, ex régio Cároli Magni sánguine ortæ, quæ, pro Christi amóre, patérnum principátum aulámque profúgit, et, in móntibus ac spelúncis solitária, cæléstem vitam duxit : à Palerme, la naissance (au ciel) de Sainte Rosalie, vierge de Palerme, issue du sang royal de Charlemagne, qui, pour l’amour de Jésus-Christ, s’enfuit de la demeure princière paternelle, et solitaire dans les montagnes et les grottes, mena une vie toute céleste ».

statue de Sainte Rosalie devant la cathédrale de Palerme - blogue

Statue de Sainte Rosalie devant la cathédrale de Palerme

       Sainte Rosalie est née à Palerme, en Sicile, vers 1125. Fille de Sinibaldo Sinibaldi, chevalier renommé pour sa valeur, seigneur de Quisquina et de Monte delle Rose, que le Roi Roger II de Sicile (1095-1154) s’était attaché et auquel il avait donné pour épouse une de ses parentes, Maria Guiscarde, descendante de Charlemagne. Rosalie (Rosalia) avait reçu une éducation soignée et joignait les beautés du corps à celles de l’esprit ; très pieuse, elle aspirait à se consacrer totalement au service divin. 

   La tradition rapporte que, lors d’une partie de chasse, son père fut attaqué par un animal sauvage (les récits populaires parlent d’un lion) et ne dut d’avoir la vie sauve qu’à la courageuse intervention d’un jeune noble prénommé Baudoin, auquel Sinibaldo voulut témoigner sa reconnaissance. Comme beaucoup de jeunes chevaliers, Baudoin était épris de Rosalie et demanda sa main, qui lui fut accordée.
Rappelons qu’en ce temps-là et dans ce milieu les jeunes filles n’avaient bien souvent qu’à acquiescer à ce que leurs parents décidaient. Mais, à la veille des noces, s’approchant d’un miroir, en lieu et place de son propre reflet, elle vit le visage de Notre-Seigneur Jésus-Christ qui lui enjoignit de quitter le monde en Le choisissant pour unique Epoux.

l'ermitage de la grotte de Sainte Rosalie à Quisquina - blogue

Sanctuaire de la grotte de Sainte Rosalie, près de Quisquina, état actuel :
près de la grotte originelle, un ermitage a été édifié au XVIIème siècle,
dans lequel se sont depuis succédé des frères, dont le dernier est mort en 1986 âgé de 98 ans…

intérieur de la chapelle de l'ermitage adjoint à la grotte de Sainte Rosalie à Quisquina - blogue

Intérieur de l’église (XVIIème siècle) de l’ermitage
construit en avant de la grotte de Sainte Rosalie à Quisquina 

   Quoi qu’elle ne fût âgée que de 14 ans environ, Rosalie n’hésita pas et s’enfuit subrepticement du palais paternel, n’emportant avec elle qu’un crucifix et des instruments de pénitence.

   Guidée par deux anges, elle atteignit une grotte des monts Sicanes, sur les terres de son père près de Quisquina, et ne s’y livra plus qu’à la prière et à la contemplation, ne soutenant son corps que de fruits, racines et autres baies sauvages, et se désaltérant avec l’eau qui suintait des parois rocheuses, qu’elle recueillait dans un petit bassin qu’elle avait confectionné et qui existe toujours. On vénère aussi dans cette grotte, son premier ermitage, une inscription latine :

   « Ego Rosalia Sinibaldi Quisquini et Rosarum domini filia, amore Dei mei Jesus Christi in hoc antro habitare decrevi : moi Rosalie, fille de Sinibaldo, seigneur de Quisquina et de Monte delle Rose, pour l’amour de mon Seigneur Jésus-Christ, j’ai décidé de vivre dans cette grotte ».

   On raconte que Notre-Seigneur, Notre-Dame et les saints Anges la visitaient fréquemment.

intérieur de la grotte de Sainte Rosalie à Quisquina - blogue

L’intérieur de la grotte de Sainte Rosalie à Quisquina

   Un petit couvent de moines basiliens se trouvait dans les parages, et sans doute, Rosalie avait-elle discrètement recours à eux pour recevoir le secours des sacrements.

   On pense qu’elle vécut dans cette grotte pendant une douzaine d’années.

Extérieur de la grotte de Sainte Rosalie au Monte Pellegrino - blogue

Le sanctuaire de Sainte Rosalie au Mont Pèlerin, à Palerme, état actuel :
en avant de la grotte de Sainte Rosalie a été édifié un couvent
auquel on accède par une grande volée de marches

   Les anges l’avertirent que, si elle restait dans cette grotte proche de Quisquina, elle serait bientôt découverte : ils l’engagèrent donc à en partir, et ils se firent ses guides jusqu’à une autre grotte, creusée sur les flancs du Mont Pèlerin (Monte Pellegrino) en surplomb de la cité de Palerme.
A l’origine, cette grotte avait une ouverture tellement étroite qu’elle était difficilement repérable et qu’il était malaisé d’y pénétrer.
Un prieuré de bénédictins se trouvait dans les environs et, vraisemblablement, c’est là que, en toute discrétion, la sainte ermite put bénéficier des sacrements.

   Rosalie passa dans cette grotte les dernières années de sa courte vie, dans une prière quasi continuelle, la familiarité divine et une ascèse rigoureuse. C’est là qu’elle rendit son âme virginale à Dieu, son unique Epoux, le 4 septembre 1160. Elle était âgée d’environ 35 ans et avait vécu quelque vingt années de vie érémitique et pénitente très stricte, totalement cachée aux yeux des hommes.

entrée de la grotte-sanctuaire de Sainte Rosalie à Palerme - blogue

Grotte de Sainte Rosalie au Mont Pèlerin (Monte Pellegrino), à Palerme, dans son état actuel,
c’est-à-dire aménagée en sanctuaire,
après qu’une ouverture suffisante a été creusée dans la roche
afin de permettre aux pèlerins d’y pénétrer.

Intérieur de la grotte-sanctuaire de Sainte Rosalie à Palerme - blogue

   La sainte solitaire fut connue des fidèles après sa mort grâce au témoignage que lui rendirent les moines qui avaient été les discrets et lointains spectateurs de sa sainteté : assez rapidement, les deux grottes où elle avait vécue ignorée de tous devinrent des lieux de dévotion, où l’on éprouvait la puissance de son intercession. Mais on ignorait où se trouvait sa dépouille mortelle : malgré des recherches assidues, on ne trouvait pas le lieu de sa sépulture !

   En fait, son saint corps se trouvait toujours dans la grotte du Mont Pèlerin, mais il avait été enveloppé d’une espèce de gangue d’albâtre qui le dérobait aux regards.
Une opinion s’était répandue parmi le peuple de Palerme que les précieux restes mortels de la solitaire ne seraient retrouvés que le jour où la vengeance divine s’appesantirait sur la ville.

Statue de Sainte Rosalie dans la grotte-sanctuaire de Palerme - blogue

Statue de Sainte Rosalie dans la grotte-sanctuaire du Mont Pèlerin, à Palerme,
sous l’autel érigé au lieu de la découverte de son corps en 1624

Statue de Sainte Rosalie dans la grotte-sanctuaire de Palerme - détail

   C’est en effet ce qui arriva, en 1624, lorsque la peste se déclara et fit des ravages dans la population.
Les ardentes supplications aux saints protecteurs de la ville et de la Sicile, les processions avec les reliques, le recours aux saints qu’on invoque traditionnellement dans les temps d’épidémies contagieuses restaient vains.

   Une pieuse femme qui avait été atteinte par le mal, et dont on pensait qu’elle n’allait pas survivre, se traîna jusqu’à la grotte du Mont Pèlerin dans le but de boire de l’eau qui y ruisselait en invoquant Sainte Rosalie. Elle fut guérie et la sainte lui apparut en lui indiquant l’endroit où l’on trouverait son corps.
Il en fut de même avec un savonnier qui fuyait la cité après que son épouse avait succombé à l’épidémie. Elle enjoignit à ce dernier d’aller trouver le cardinal-archevêque Jean Doria (1573-1642), en précisant qu’elle demandait qu’on établît une procession annuelle avec ses reliques dans les rues de Palerme.

   On suivit donc les indications qui avaient été données par la sainte dans ces deux apparitions, et, le 15 juillet 1624, brisant la gangue d’albâtre, on découvrit le précieux corps de la princesse descendante de Charlemagne qui avait préféré la solitude contemplative et pénitente aux palais princiers.

Châsse d'argent de Sainte Rosalie - cathédrale de Palerme

Châsse d’argent contenant les reliques de Sainte Rosalie,
conservée de manière habituelle dans la chapelle qui lui est dédiée dans la cathédrale de Palerme,
solennellement portée en procession à travers la ville le 15 juillet,
et amenée à la grotte-ermitage du Mont Pèlerin le 3 septembre

Procession du 15 juillet dans les rues de Palerme avec la châsse de Sainte Rosalie

   Cependant le cardinal-archevêque et les autorités palermitaines hésitèrent un temps : les victimes de l’épidémie continuaient à mourir, mais nombre de ceux qui se plaçaient sous la protection de Sainte Rosalie se trouvaient rapidement guéris. Finalement, les saintes reliques furent exposées solennellement le 29 janvier 1625 et des prières publiques furent ordonnées devant elles : la peste cessa subitement !

   Dès lors, le cardinal Doria se dépensa pour faire reconnaître la sainteté de Sainte Rosalie par le Saint-Siège : elle fut inscrite au martyrologe romain en 1631 par le pape Urbain VIII (canonisation équipollente) et fut très solennellement proclamée sainte patronne et protectrice de la ville, qui célèbre Sainte Rosalie chaque année par plusieurs jours de festivités conclues par la procession très solennelle du 15 juillet dans les rues de Palerme ; puis à nouveau les 3 et 4 septembre, où une autre procession, que beaucoup de pèlerins suivent pieds nus ou même à genoux, amène la châsse depuis la cathédrale jusqu’à la grotte du Mont Pèlerin.

   Notons qu’en mars 2020, au début de l’épidémie de covid-19, des processions et prières publiques ont été organisées pour supplier Sainte Rosalie de protéger les habitants du virus, comme elle les avait jadis protégés de la peste, et qu’au mois de juillet suivant le maire de Palerme exprima publiquement sa gratitude envers la céleste protectrice de la cité.

   Et c’est ainsi qu’une princesse, dans les veines de laquelle coulait le sang de Saint Charlemagne, et qui voulut rester ignorée et loin du monde pendant sa courte vie, bien qu’elle soit aujourd’hui très peu connue en France, est néanmoins célèbre dans toute la Sicile et dans tous les pays, d’Europe, d’Amérique et d’Asie où les Siciliens ont exporté son culte.

Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur.

Sainte Rosalie - blogue

2024-187. Celui qui a reçu la charge du ministère a le grave devoir de conduire ses fidèles vers le salut et de les sanctifier pour les amener à la vie éternelle, et aux fidèles incombe le grave devoir de prier pour leurs pasteurs.

4 septembre,
Octave de notre Bienheureux Père Saint Augustin (double majeur) ;
Mémoire de Sainte Rosalie de Palerme, vierge (cf. > ici) ;
Anniversaire de la mort de Mère Anne-Marie de Jésus Crucifié, calvairienne (+ 4 septembre 1653 – cf. > ici).

       A l’occasion de la fête de Saint Augustin, nous avons publié le premier des deux sermons qui nous sont parvenus prononcés à l’occasion de l’anniversaire de son sacre (sermon CCCXXXIX – cf. > ici), appelé aussi premier sermon sur la charge pastorale ; à l’occasion du jour octave de cette fête, voici l’autre, qui traite du même sujet et qui a donc reçu le nom de second sermon sur la charge pastorale.
L’un comme l’autre, sous des points de vue complémentaires, nous montrent de manière fort édifiante la conscience aiguë dont le grand Docteur de l’Occident était habité des responsabilités de son ministère de successeur des Apôtres, et à ce titre, ce qu’il exprime est tout-à-la-fois une puissante leçon et un exemple stimulant pour tous ceux qui, dans la Sainte Eglise, ont charge d’âmes, en même temps qu’il décrit l’attitude spirituelle des fidèles envers leurs pasteurs légitimes.

Carl van Loo -Saint Augustin prêchant devant Valère - Basilique ND des Victoires Paris - blogue

Charles André van Loo (1705-1765) : la prédication de Saint Augustin devant Valère (milieu XVIIIème siècle)
[Basilique de Notre-Dame des Victoires, à Paris]

vignette augustinienne

Second sermon de notre

Bienheureux Père Saint Augustin

pour le jour anniversaire de son sacre

(sermon CCCXL)

La charge pastorale

§ 1. Introduction du discours : Saint Augustin sollicite instamment la prière de ses fidèles. La charge qu’il a reçu en devenant leur pasteur est pour eux, pour leur salut : il y a donc un devoir mutuel et réciproque des pasteurs et des fidèles les uns envers les autres.

   A la vérité, depuis que ce fardeau, dont j’ai à rendre un compte si difficile, est placé sur mes épaules, la pensée de ma dignité me tient constamment en éveil : toutefois je m’en sens beaucoup plus pénétré et plus ému, quand, en me renouvelant la mémoire du passé, ce jour anniversaire de mon sacre me met si vivement en présence du fardeau dont je suis chargé, qu’il me semble arriver pour m’en charger aujourd’hui seulement. Or, qu’y a-t-il à craindre dans cette dignité, sinon qu’on n’aime plus les dangers qu’elle renferme, que l’avancement de votre salut ?

   Ah ! aidez-moi donc de vos prières, afin que le Seigneur daigne porter avec moi ce fardeau qui est le Sien.
Quand vous priez pour moi, d’ailleurs, vous priez aussi pour vous, car le fardeau dont je vous parle est-il autre chose que vous ?
Priez pour moi sincèrement, comme je demande pour vous que vous ne me pesiez pas.
Jésus Notre-Seigneur n’appellerait pas ce fardeau léger, s’Il ne le portait avec quiconque en est chargé.
Vous aussi, soutenez-moi, et conformément au précepte de l’Apôtre, nous porterons les fardeaux les uns des autres et nous accomplirons ainsi la loi du Christ (Gal. VI, 2).
Ah ! si le Christ ne les porte avec nous, nous fléchissons ; et nous succombons, s’Il ne nous porte.

§ 2. L’évêque, comme ses fidèles, sont tous des rachetés : mais l’évêque est un serviteur au service du salut des fidèles, et à ce titre il doit donner l’exemple d’un plus grand amour du divin Sauveur.

   Si je m’effraie d’être à vous, je me console d’être avec vous ; car je suis à vous comme évêque, comme chrétien je suis avec vous ; le premier titre rappelle des obligations contractées, le second, la grâce reçue ; le premier, des dangers, le second, le salut ; en accomplissant les devoirs attachés au premier, nous sommes en proie aux secousses de la tempête sur une mer immense ; mais en nous rappelant quel Sang nous a rachetés, nous trouvons dans la tranquillité que nous inspire cette pensée, comme un port paisible, et tout en travaillant au devoir qui nous est propre, nous goûtons le repos de la grâce faite à tous.
Si donc je suis plus heureux d’être racheté avec vous que de vous être préposé, je ne vous en servirai que mieux, comme l’ordonne le Seigneur, pour ne pas payer d’ingratitude Celui qui m’a obtenu d’être avec vous Son serviteur.
Ne dois-je pas aimer mon Rédempteur et ne sais-je pas qu’Il a dit à Pierre : « Pierre, m’aimes-Tu ? Pais Mes brebis » (Jean, XXI, 17), et cela, une fois, deux fois, trois fois ? En lui demandant s’il L’aimait, Il le chargeait de travailler ; c’est que plus est grand l’amour, moins pèse le travail.

§ 3. La charge pastorale doit être exercée avec un amour désintéressé : le véritable pasteur rend grâces à Dieu du don qui lui a été fait par Dieu de la vocation au ministère apostolique en ne s’attribuant aucun mérite et en s’acquittant humblement de son travail de salut et de sanctification des âmes qui lui sont confiées.

   « Que rendrai-je au Seigneur pour tous les biens qu’Il m’a rendus ? » (Ps. CXV, 12).
Si je prétends Lui rendre en paissant Ses ouailles, je ne dois pas oublier que « ce n’est pas moi, mais la grâce de Dieu avec moi » qui accomplit ce devoir (1 Cor. XV, 10).
Comment rendre à Dieu quand, pour tout, Il me prévient ?
Et pourtant, si gratuit que soit notre amour, nous cherchons une récompense en paissant le troupeau sacré. Comment cela ? — Comment pouvons-nous dire : j’aime purement afin de pouvoir paître, et je demande à être récompensé de ce que je fais ? La chose serait impossible ; jamais le pur amour n’ambitionnerait de récompense, si sa récompense n’était Celui-là même à qui il S’attache (note : on remarque ici combien cette doctrine, que l’on retrouve souvent chez Saint Augustin, est opposée à ce que soutenait Fénelon quand il fut combattu par Bossuet). Eh ! si nous Lui témoignons, en paissant Son troupeau, notre reconnaissance pour le bienfait de la Rédemption, que Lui rendrons-nous pour la grâce d’être pasteurs ?
Il est vrai, et à Dieu ne plaise que ceci s’applique à nous, c’est notre malice personnelle qui nous rend mauvais pasteurs ; mais sans Sa grâce – et puisse-t-Il nous accorder celle-là -, nous ne saurions être bons pasteurs. Aussi « vous prions-nous et vous commandons-nous », mes frères, « de ne recevoir pas en vain », non plus « la grâce de Dieu » (2 Cor. VI, 1). Rendez fructueux notre ministère : « Vous êtes le champ que Dieu cultive » (1 Cor. III, 9). Accueillez, à l’extérieur, celui qui vous plante et vous arrose ; à l’intérieur, Celui qui donne l’accroissement.

§ 4. Saint Augustin dresse un tableau saisissant de la charge pastorale et montre par là les raisons pour lesquelles il incombe aux fidèles, comme un grave devoir, de prier pour leurs pasteurs :

   Il nous faut arrêter les inquiets, consoler les pusillanimes, soutenir les faibles, réfuter les contradicteurs, nous garder des astucieux, instruire les ignorants, exciter les paresseux, repousser les contentieux, réprimer les orgueilleux, apaiser les disputeurs, aider les indigents, délivrer les opprimés, encourager les bons, tolérer les méchants, aimer tout le monde.

   Sous le poids de devoirs si importants, si nombreux et si variés, aidez-nous de vos prières et de votre soumission, obtenez que nous soyons moins flattés de vous commander que de vous rendre service.
De même, en effet, qu’il est bon pour vous que nous nous appliquions à implorer pour votre salut la divine miséricorde, ainsi faut-il que pour nous vous répandiez vos prières devant le Seigneur.
Jugerions-nous peu convenable ce qu’a fait l’Apôtre, et ce que nous savons ? Il avait un si vif désir qu’on le recommandât à Dieu dans la prière, que s’adressant à un peuple tout entier, il lui disait d’un ton suppliant : « Priez en même temps pour nous aussi …etc. » (Colos. IV, 3).

§ 5. Conclusion : Saint Augustin, appuyé sur l’exemple de Saint Paul, presse ses ouailles de ne point négliger les devoirs qui leur incombent envers leur pasteur tout donné à sa tâche de les conduire à la vie éternelle.

   Ainsi devons-nous vous dire ce qui peut nous encourager nous-mêmes et vous instruire.
S’il faut, en effet, que nous réfléchissions avec beaucoup de crainte et d’application à la manière dont nous pourrons accomplir sans reproche les fonctions de notre pontificat, vous devez également chercher à accomplir humblement et généreusement tout ce qui vous sera prescrit.

   Par conséquent, mes bien-aimés, demandons avec une égale ardeur, que mon épiscopat profite et à vous et à moi. Il me profitera, si je dis ce qu’il faut faire ; et à vous, si vous faites ce que j’aurai dit. Oui, si nous prions pour vous et si vous priez pour nous sans cesse et avec l’amour parfait de la charité, nous parviendrons heureusement, avec l’aide du Seigneur, à l’éternelle béatitude.

Carl van Loo - Saint Augustin prêchant devant Valère - détail

2024-187. L’éloge de Saint Pie X par le Vénérable Pie XII.

3 septembre,
Fête de Saint Pie X, pape et confesseur ;
7ème jour dans l’octave de Saint Augustin.

   Voici le discours prononcé par le Vénérable Pie XII à l’occasion de la canonisation de Saint Pie X, son prédécesseur (29 mai 1954) : en dressant une synthèse spirituelle de son pontificat et de ses mesures les plus significatives, le pape Pacelli a rendu au pape Sarto un hommage incomparable et quasi prophétique puisqu’il a montré à travers lui les remèdes et les exemples à suivre pour sortir d’une crise qui ne faisait que couver dans l’ombre en 1954, mais qui a épouvantablement éclaté depuis et dans laquelle nous nous débattons encore. 

Pie XII cérémonie de canonisation de St Pie X 29 mai 1954

Sa Sainteté le Pape Pie XII à genoux pendant le Veni Creator
du rite de la canonisation de Saint Pie X,
sur le parvis de la basilique Vaticane, le soir du samedi 29 mai 1954

Armoiries de Saint Pie X

Discours prononcé par Sa Sainteté le Pape Pie XII,

le 29 mai 1954

à l’occasion de la canonisation de Saint Pie X

       « Cette heure d’éclatant triomphe que Dieu, qui élève les humbles, a préparée et comme hâtée, pour sceller l’ascension merveilleuse de son fidèle serviteur Pie X à la gloire suprême des autels, comble Notre âme d’une joie à laquelle, Vénérables Frères et chers fils, vous participez largement par votre présence.
Nous rendons donc de ferventes actions de grâces à la divine bonté pour Nous avoir permis de vivre cet événement extraordinaire, d’autant plus que, pour la première fois peut-être dans l’histoire de l’Eglise, la canonisation formelle d’un Pape est proclamée par Celui qui eut jadis le privilège d’être à son service dans la Curie Romaine.

   Date heureuse et mémorable, non seulement pour Nous qui la comptons parmi les jours fastes de Notre Pontificat, auquel la Providence avait cependant réservé tant de douleurs et de sollicitudes, mais aussi pour l’Eglise entière qui, groupée spirituellement autour de Nous, exulte à l’unisson d’une vive émotion religieuse.

   Le nom si cher de Pie X traverse en ce soir radieux toute la terre, d’un pôle à l’autre, scandé par les voix les plus diverses ; il suscite partout des pensées de céleste bonté, des élans puissants de foi, de pureté, de piété eucharistique, et résonne comme un témoignage éternel de la présence féconde du Christ dans son Eglise. Par un retour généreux, en exaltant son serviteur, Dieu atteste la sainteté éminente, par laquelle plus encore que par son office suprême, Pie X fut pendant sa vie le champion illustre de l’Eglise et se trouve par là aujourd’hui le Saint que la Providence présente à notre époque.

   Or, Nous désirons que vous contempliez précisément dans cette lumière la figure gigantesque et douce du Saint Pontife, pour que, une fois l’ombre descendue sur cette journée mémorable et rentrées dans le silence les voix de l’immense Hosanna, le rite solennel de sa canonisation reste une bénédiction pour vos âmes et pour le monde un gage de salut.

Armoiries de Saint Pie X

§1 – Pie X fut d’abord préoccupé de rendre l’Eglise plus accessible, notamment en formulant le Droit Canon.

   Le programme de son Pontificat fut annoncé solennellement par lui dès la première Encyclique (« E Supremi » du 4 octobre 1903) où il déclarait que son but unique était d’ « instaurare omnia in Christo » (Eph. I, 10), c’est-à-dire de récapituler, de ramener tout à l’unité dans le Christ.
Mais quelle est la voie qui nous ouvre l’accès à Jésus-Christ ? se demandait-il, en regardant avec amour les âmes perdues et hésitantes de son temps. La réponse, valable hier comme aujourd’hui et dans les siècles à venir, est : l’Eglise !
Ce fut donc son premier souci, poursuivi incessamment jusqu’à sa mort, de rendre l’Eglise toujours plus concrètement apte et ouverte au cheminement des hommes vers Jésus-Christ.
A cette fin, il conçut l’entreprise hardie de renouveler le corps des lois ecclésiastiques de manière à donner à l’organisme entier de l’Eglise un fonctionnement plus régulier, une sûreté et une promptitude de mouvements plus grandes, comme le demandait un monde extérieur imprégné d’un dynamisme et d’une complexité croissants. Il est bien vrai que cette entreprise, définie par lui-même, « une œuvre assurément difficile » était digne de son sens pratique éminent et de la vigueur de son caractère ; cependant il ne semble pas que la seule considération de son tempérament donne le dernier motif de la difficile entreprise.
La source profonde de l’œuvre législative de Pie X est à chercher surtout dans sa sainteté personnelle, dans sa persuasion intime que la réalité de Dieu perçue par lui dans une incessante communion de vie, est l’origine et le fondement de tout ordre, de toute justice, de tout droit dans le monde. Là où est Dieu, règnent l’ordre, la justice et le droit ; et, vice versa, tout ordre juste protégé par le droit, manifeste la présence de Dieu. Mais quelle institution sur la terre devait manifester plus éminemment que l’Eglise, corps mystique du Christ même, cette relation féconde entre Dieu et le droit ? Dieu bénit largement l’œuvre du Bienheureux Pontife, si bien que le Code de droit canon restera à jamais le grand monument de son Pontificat et qu’on pourra le considérer lui-même comme le Saint providentiel du temps présent.

   Puisse cet esprit de justice, dont Pie X fut un exemple et un modèle pour le monde contemporain pénétrer les salles de Conférences des Etats où l’on discute de très graves problèmes, concernant la famille humaine, en particulier la manière de bannir pour toujours la crainte de cataclysmes terribles et d’assurer aux peuples une ère durable de tranquillité et de paix.

Armoiries de Saint Pie X

§2 – Pie X fut aussi un intrépide défenseur de la foi.

   Pie X se révèle aussi champion convaincu de l’Eglise et Saint providentiel de nos temps dans la seconde entreprise qui distingue son oeuvre et ressembla, par ses épisodes parfois dramatiques, à la lutte engagée par un géant pour la défense d’un trésor inestimable : l’unité intérieure de l’Eglise dans son fondement intime : la foi.

   Déjà depuis son enfance, la Providence divine avait préparé son élu dans son humble famille, édifiée sur l’autorité, les bonnes mœurs et sur la foi elle-même vécue scrupuleusement. Sans doute tout autre Pontife, en vertu de la grâce d’état, aurait combattu et rejeté les assauts destinés à frapper l’Eglise à la base.
Il faut cependant reconnaître que la lucidité et la fermeté avec lesquelles Pie X conduisit la lutte victorieuse contre les erreurs du modernisme, attestent à quel degré héroïque la vertu de foi brûlait dans son coeur de saint. Uniquement soucieux de garder intact l’héritage de Dieu au troupeau qui lui était confié, le grand Pontife ne connut de faiblesse en face de quiconque, quelle que fût sa dignité ou son autorité, pas d’hésitations devant des doctrines séduisantes mais fausses, dans l’Eglise et au dehors, ni aucune crainte de s’attirer des offenses personnelles et de voir méconnaître injustement la pureté de ses intentions. Il eut la conscience claire de lutter pour la cause la plus sainte de Dieu et des âmes.
A la lettre, se vérifièrent en lui les paroles du Seigneur à l’Apôtre Pierre : « J’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille point, et toi… confirme tes frères » (Luc XXII, 32). La promesse et l’ordre du Christ suscitèrent encore une fois, dans la fermeté indéfectible d’un de ses Vicaires, la trempe indomptable d’un athlète.

   Il est juste que l’Eglise, en lui décernant à cette heure la gloire suprême à l’endroit même où depuis des siècles brille sans se ternir celle de Pierre et en confondant ainsi l’un et l’autre dans une seule apothéose, chante à Pie X sa reconnaissance et invoque en même temps son intercession pour se voir épargner de nouvelles luttes du même genre.
Mais ce dont il s’agissait précisément alors, c’est-à-dire la conservation de l’union intime de la foi et de la science, est un bien si grand pour toute l’humanité que cette seconde grande œuvre du Pontife est, elle aussi, d’une importance telle qu’elle dépasse largement les frontières du monde catholique.

   Lorsque, comme le modernisme, on sépare, en les opposant, la foi et la science dans leur source et leur objet, on provoque entres ces deux domaines vitaux, une scission tellement funeste que « la mort l’est à peine plus ». On l’a vu en pratique : au tournant du siècle, on a vu l’homme divisé au fond de lui-même, et gardant cependant encore l’illusion de conserver son unité dans une apparence fragile d’harmonie et de bonheur basés sur un progrès purement humain, se briser pour ainsi dire sous le poids d’une réalité bien différente.

   Le regard vigilant de Pie X vit s’approcher cette catastrophe spirituelle du monde moderne, cette déception spécialement amère dans les milieux cultivés. Il comprit qu’une foi apparente de ce genre, c’est-à-dire une foi qui au lieu de se fonder sur Dieu révélateur s’enracine dans un terrain purement humain, se dissoudrait pour beaucoup dans l’athéisme ; il perçut également le destin fatal d’une science qui, à l’encontre de la nature et par une limitation volontaire, s’interdisait de marcher vers le Vrai et le Bien absolus et ne laissait ainsi à l’homme sans Dieu, devant l’invincible obscurité où gisait pour lui tout l’être, que l’attitude de l’angoisse ou de l’arrogance.

   Le Saint opposa à un tel mal le seul moyen de salut possible et réel : la vérité catholique, biblique, de la foi acceptée comme « un hommage raisonnable » (Rom. XII, 1) rendu à Dieu et à sa révélation. Coordonnant ainsi foi et science, la première en tant qu’extension surnaturelle et parfois confirmation de la seconde, et la seconde comme voie d’accès à la première, il rendit au chrétien l’unité et la paix de l’esprit, conditions imprescriptibles de la vie.

   Si beaucoup aujourd’hui se tournent à nouveau vers cette vérité, poussés vers elle en quelque sorte par l’impression de vide et l’angoisse de leur abandon, et s’ils ont ainsi le bonheur de pouvoir la trouver fermement possédée par l’Eglise, ils doivent en être reconnaissants à l’action clairvoyante de Pie X. C’est à lui en effet que revient le mérite d’avoir préservé la vérité de l’erreur, soit chez ceux qui jouissent de toute sa lumière, c’est-à-dire les croyants, soit chez ceux qui la cherchent sincèrement. Pour les autres, sa fermeté envers l’erreur peut encore demeurer un scandale ; en réalité, c’est un service d’une extrême charité, rendu par un Saint, en tant que Chef de l’Eglise, à toute l’humanité.

Armoiries de Saint Pie X

§3 – Pie X vécut uni à Dieu, principalement dans l’Eucharistie.

   La sainteté, qui se révèle comme inspiratrice et comme guide des entreprises de Pie X que Nous venons de rappeler, brille encore plus immédiatement dans ses actions quotidiennes. C’est en lui-même d’abord qu’il réalisa, avant de le réaliser dans les autres, le programme qu’il s’était fixé : tout rassembler, tout ramener à l’unité dans le Christ.
Comme humble curé, comme évêque, comme Souverain Pontife, il fut toujours persuadé que la sainteté à laquelle Dieu le destinait était la sainteté sacerdotale. Quelle sainteté peut en effet plaire davantage à Dieu de la part d’un prêtre de la Loi nouvelle, sinon celle qui convient à un représentant du Prêtre Suprême et Eternel, Jésus-Christ, Lui qui laissa à l’Eglise le souvenir continuel, le renouvellement perpétuel du sacrifice de la Croix dans la Sainte Messe, jusqu’à ce qu’il vienne pour le jugement final (1 Cor. XI, 24-26) ; Lui qui par le sacrement de l’Eucharistie se donna Lui-même en nourriture aux âmes : « Qui mange de ce pain vivra éternellement » ? (Joan. VI, 58).

   Prêtre avant tout dans le ministère eucharistique, voilà le portrait le plus fidèle du saint Pie X.
Servir comme prêtre le mystère de l’Eucharistie et accomplir le commandement du Seigneur : « Faites ceci en mémoire de moi » (Luc. XXII, 19), ce fut sa vie. Du jour de son ordination, jusqu’à sa mort comme Pontife, il ne connut pas d’autre sentier possible pour arriver à l’amour héroïque de Dieu et pour payer généreusement de retour le Rédempteur du monde qui par le moyen de l’Eucharistie « a épanché en quelque sorte les richesses de son amour divin pour les hommes » (Conc. Trente. Session XIII, chap. 2).
Une des preuves les plus significatives de sa conscience sacerdotale fut l’ardeur avec laquelle il s’efforça de renouveler la dignité du culte et spécialement de vaincre les préjugés d’une pratique erronée, en promouvant résolument la fréquentation même quotidienne de la table du Seigneur par les fidèles, et en y conduisant sans hésiter les enfants, qu’il souleva en quelque sorte dans ses bras pour les offrir aux embrassements du Dieu caché sur les autels ; par là l’Epouse du Christ vit s’épanouir un nouveau printemps de vie eucharistique.

   Grâce à la vision profonde qu’il avait de l’Eglise comme société, Pie X reconnut dans l’Eucharistie le pouvoir d’alimenter substantiellement sa vie intime et de l’élever bien haut au-dessus de toutes les autres associations humaines. L’Eucharistie seule, en qui Dieu se donne à l’homme, peut fonder une vie de société digne de ses membres, cimentée par l’amour avant de l’être par l’autorité, riche en œuvres et tendant au perfectionnement des individus, c’est-à-dire « une vie cachée en Dieu avec le Christ ».

   Exemple providentiel pour le monde moderne dans lequel la société terrestre devenue toujours plus une sorte d’énigme à elle-même cherche avec anxiété une solution pour se redonner une âme ! Qu’il regarde donc comme un modèle l’Eglise réunie autour de ses autels. Là, dans le mystère eucharistique, l’homme découvre et reconnaît réellement son passé, son présent et son avenir comme une unité dans le Christ. Conscient et fort de cette solidarité avec le Christ et avec ses propres frères, chaque membre de l’une et de l’autre société, celle de la terre et celle du monde surnaturel, sera en état de puiser à l’autel la vie intérieure de dignité personnelle et de valeur personnelle, qui est actuellement sur le point d’être submergée par le caractère technique et l’organisation excessive de toute l’existence, du travail et même des loisirs. Dans l’Eglise seule, semble répéter le Saint Pontife, et par elle dans l’Eucharistie, qui est « une vie cachée avec le Christ en Dieu », se trouvent le secret et la source de rénovation de la vie sociale.

   De là vient la grave responsabilité de ceux à qui il incombe en tant que ministres de l’autel, d’ouvrir aux âmes la source salvifique de l’Eucharistie.
En vérité, l’action que peut déployer un prêtre pour le salut du monde moderne revêt de multiples formes, mais l’une d’elles est sans aucun doute la plus digne, la plus efficace et la plus durable dans ses effets : se faire dispensateur de l’Eucharistie après s’en être soi-même abondamment nourri. Son œuvre ne serait plus sacerdotale si, fût-ce même par zèle des âmes, il faisait passer au second rang sa vocation eucharistique.
Que les prêtres conforment leurs pensées à la sagesse inspirée de Pie X et orientent avec confiance dans la lumière de l’Eucharistie toute leur activité personnelle et apostolique. De même, que les religieux et les religieuses, qui vivent avec Jésus sous le même toit et se nourrissent chaque jour de sa chair, considèrent comme une règle sûre ce que le saint Pontife déclare dans une circonstance importante, à savoir que les liens qui les unissent à Dieu par le moyen des voeux et de la vie communautaire ne doivent être sacrifiés à aucun service du prochain, si légitime soit-il.

   L’âme doit plonger ses racines dans l’Eucharistie pour en tirer la sève surnaturelle de la vie intérieure, qui n’est pas seulement un bien fondamental des coeurs consacrés au Seigneur, mais aussi une nécessité pour tout chrétien, car Dieu l’appelle à faire son salut. Sans la vie intérieure, toute activité, si précieuse soit-elle, se dévalue en action presque mécanique, et ne peut avoir l’efficacité propre d’une opération vitale.
Eucharistie et vie intérieure : voici la prédication suprême et la plus générale que Pie X adresse en cette heure, du sommet de la gloire, à toutes les âmes. En tant qu’apôtre de la vie intérieure il se situe, à l’âge de la machine, de la technique, de l’organisation, comme le saint et le guide des hommes d’aujourd’hui.

Armoiries de Saint Pie X

Prière conclusive :

   Oui, ô Saint Pie X, gloire du Sacerdoce et honneur du Peuple chrétien ; — Toi en qui l’humilité parut fraterniser avec la grandeur, l’austérité avec la mansuétude, la piété simple avec la doctrine profonde ; Toi, Pontife de l’Eucharistie et du catéchisme, de la foi intègre et de la fermeté impavide ; tourne ton regard vers la Sainte Eglise, que Tu as tant aimée et à laquelle Tu as donné le meilleur des trésors que la divine Bonté, d’une main prodigue, avait déposés dans ton âme ; obtiens-lui l’intégrité et la constance au milieu des difficultés et des persécutions de notre temps ; soulève cette pauvre humanité, aux douleurs de qui Tu as tellement pris part qu’elles finirent par arrêter les battements de Ton grand coeur ; fais que la paix triomphe dans ce monde agité, la paix qui doit être harmonie entre les nations, accord fraternel et collaboration sincère entre les classes sociales, amour et charité entre les hommes, afin que de la sorte les angoisses qui épuisèrent Ta vie apostolique se transforment grâce à Ton intercession, en une réalité de bonheur, à la gloire de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui avec le Père et le Saint-Esprit vit et règne dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il ! »

Exposition de la chasse de St Pie X devant le maître autel de St Pierre après la canonisation

Exposition de la chasse de Saint Pie X devant l’autel de la confession de Saint-Pierre
après la cérémonie de canonisation, le 29 mai 1954

On trouvera aussi dans ce blogue :
- L’évocation de la mort de Saint Pie X et de son élévation sur les autels > ici
- Des prières à Saint Pie X composées par Pie XII > ici
- Les litanies de Saint Pie X > ici
- L’allocution de Saint Pie X « Gravissimum » au sujet de la loi de séparation en France > ici
- Un fameux discours de Saint Pie X en décembre 1908 au sujet de la France > ici
- Prophétie et prière de Saint Pie X pour la France > ici

Litanies de Saint Pie X :

3 septembre,
Fête de Saint Pie X, pape et confesseur ;
7ème jour dans l’octave de Saint Augustin.

Saint Pie X

Seigneur, ayez pitié de nous.
Jésus-Christ, ayez pitié de nous.
Seigneur, ayez pitié de nous.

Jésus-Christ, écoutez-nous.
Jésus-Christ, exaucez-nous.

Père Céleste qui êtes Dieu, ayez pitié de nous.
Fils Rédempteur du monde qui êtes Dieu, ayez pitié de nous.
Esprit Saint qui êtes Dieu, ayez pitié de nous.
Trinité Sainte qui êtes un seul Dieu, ayez pitié de nous.

Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous.
Saint Joseph, Patron de l’Église universelle, priez pour nous.

Saint Pie X, modèle pour les prêtres, priez pour nous.
Saint Pie X, évêque sage, priez pour nous.
Saint Pie X, humble cardinal-patriarche, priez pour nous.
Saint Pie X, Pape de paix, priez pour nous.
Saint Pie X, modèle de zèle pour les enseignants, priez pour nous.
Saint Pie X, consacré aux pauvres, priez pour nous.
Saint Pie X, consolateur des malades, priez pour nous.
Saint Pie X, amant de la pauvreté, priez pour nous.
Saint Pie X, humble de cœur, priez pour nous.
Saint Pie X, plein de bonté, priez pour nous.
Saint Pie X, fidèle au devoir, priez pour nous.
Saint Pie X, héroïque dans la pratique des vertus, priez pour nous.
Saint Pie X, rempli de l’esprit de sacrifice de soi, priez pour nous.
Saint Pie X, soumis à la volonté de Dieu, priez pour nous.
Saint Pie X, confiant en la Providence Divine, priez pour nous.
Saint Pie X, qui désiriez restaurer toutes choses dans le Christ, priez pour nous.
Saint Pie X, qui avez amené des petits enfants à la table du Seigneur, priez pour nous.
Saint Pie X, qui avez conseillé à tous la communion fréquente et quotidienne, priez pour nous.
Saint Pie X, qui nous avez demandé de connaître et d’aimer la sainte liturgie, priez pour nous.
Saint Pie X, qui avez cherché partout la diffusion de la doctrine chrétienne, priez pour nous.
Saint Pie X, qui avez réformé la musique de l’Église, priez pour nous.
Saint Pie X, qui vous êtes opposé avec courage et fermeté au modernisme, priez pour nous.
Saint Pie X, qui avez combattu les ennemis de l’Église, priez pour nous.
Saint Pie X, qui nous avez enseigné la valeur de l’action Catholique, priez pour nous.
Saint Pie X, qui avez consacré les fidèles à l’apostolat des laïcs, priez pour nous.
Saint Pie X, qui teniez à être connu comme un pasteur des pauvres âmes, priez pour nous.
Saint Pie X, qui répondez aux prières de ceux qui crient vers vous, priez pour nous.
Saint Pie X, que le Seigneur a gratifié du don de prophétie, priez pour nous.
Saint Pie X, qui avez fait de nombreux miracles, priez pour nous.
Saint Pie X, qui lisiez dans les cœurs, priez pour nous.
Très Saint Père, priez pour nous.

Agneau de Dieu, qui effacez les péchés du monde, pardonnez-nous, Seigneur.
Agneau de Dieu, qui effacez les péchés du monde, exaucez-nous, Seigneur.
Agneau de Dieu, qui effacez les péchés du monde, ayez pitié de nous.

V./: Priez pour nous, Saint Pie X,
R./: Afin que nous soyons rendus dignes des promesses de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Prions :

   Dieu Tout-puissant, pour défendre la Foi catholique et fonder toutes choses dans le Christ, Vous avez comblé le Pape Saint Pie X de sagesse divine et de courage apostolique. Permettez, Seigneur que, dociles à ses instructions et à ses exemples, nous obtenions l’éternelle récompense. Par Jésus, le Christ, Notre-Seigneur, qui vit et règne avec Vous dans l’unité du Saint-Esprit, pour les siècles des siècles.

Ainsi soit-il.

armoiries Saint Pie X

On trouvera aussi dans ce blogue :
- L’évocation de la mort de Saint Pie X et de son élévation sur les autels > ici
- Des prières à Saint Pie X composées par Pie XII > ici
- Le discours de Pie XII pour la canonisation de Saint Pie X > ici
- L’allocution de Saint Pie X « Gravissimum » au sujet de la loi de séparation en France > ici
- Un fameux discours de Saint Pie X en décembre 1908 au sujet de la France > ici
- Prophétie et prière de Saint Pie X pour la France > ici

2024-186. Des Bienheureux Martyrs de septembre 1792.

2 septembre,
Fête des Bienheureux Jean-Marie du Lau d’Allemans, archevêque, François-Joseph de La Rochefoucauld-Bayers et Pierre-Louis de la Rochefoucauld-Bayers, évêques, et de leurs compagnons, martyrs de septembre 1792 ;
Mémoire de Saint Etienne de Hongrie, roi et confesseur ;
6ème jour dans l’octave de Saint Augustin.

       Nous reproduisons ci-dessous le texte de la lettre mensuelle à l’adresse des membres et sympathisants de la Confrérie Royale qui leur avait été envoyée le 25 septembre 2017 et qui traite des Bienheureux Martyrs de septembre 1792.

Pillage d'une église pendant la révolution

Pillage d’une église pendant la grande révolution

       Chaque année, le mois de septembre nous fait commémorer en France l’un des plus tragiques épisodes de notre histoire, l’une des taches indélébiles que la révolution dite française imprima sur le sol de notre pays et dans la mémoire historique de notre peuple. Il s’agit des massacres de septembre 1792.

   Les atrocités de la révolution ne manquent pas au tableau de cette période charnière de notre histoire. Le « livre noir » de la révolution a commencé à être écrit par les historiens de l’école traditionnelle et contre-révolutionnaire – catholique et royaliste – mais aussi, à partir des années 1960, à la suite d’un mouvement impulsé par les historiens anglo-saxons, par une école qu’on pourrait positivement qualifier de « révisionniste », autour de François Furet et Mona Ozouf notamment.

   Une historiographie catholique aurait toutefois besoin de reprendre en charge les dossiers brûlants de la persécution anticatholique engagée au fil de la dernière décennie du XVIIIe siècle. Cette persécution – l’une des premières de l’histoire occidentale, après celles des premiers siècles et celle engagée par les protestants au XVIe siècle – a pris plusieurs visages successifs.
Les artisans de la révolution, fanatisés par la franc-maçonnerie et désireux d’abattre définitivement l’union sacrée du Sceptre et de l’Autel, ont d’abord voulu séduire l’Eglise de France, avant de la contraindre à se soumettre au diktat de la Constitution civile du clergé (12 juillet 1790), en imposant des sanctions graves aux contrevenants (prison, exil, bannissement, etc.). Puis, après l’abolition de la monarchie, en septembre 1792, la révolution a pris sa tournure profondément anticatholique : il fallait imposer dans les esprits et dans les cœurs l’idéal révolutionnaire en détruisant les restes de la « superstition », c’est-à-dire du catholicisme. C’est alors qu’à partir de 1793, les églises furent transformées en temples de la Raison, les objets sacrés fondus, les ornements dispersés après avoir été profanés dans des mascarades, le calendrier chrétien a été remplacé par le calendrier révolutionnaire, les villes au nom chrétien ont été débaptisées, les prêtres ont été contraints à défroquer et à se marier, ou à affronter le « couperet égalitaire » de la guillotine.
Nous connaissons aussi la suite, et notamment la révolte salutaire de la Vendée et de tant d’autres provinces françaises restées fidèles à Dieu et au Roi, qui ont refusé, selon le noble et saint réflexe du « sensus fidei », de cautionner ce mouvement de haine imposé par une poignée d’hommes grisés par un pouvoir quasi-illimité, qui imposèrent la peur et l’angoisse dans la majorité de la population française.

guillotine et palmes - martyrs de la révolution

Le contexte historique des Massacres de Septembre

   Les événements de septembre 1792 se situent à cheval entre ces deux périodes de persécution larvée et de persécution violente.
Si la révolution avait répandu, depuis juillet 1789, des bains de sang, les premiers massacres de masse ont été perpétrés à cette période où les tenants de la révolution, après avoir mis fin au règne de Louis XVI, se sont retrouvés confrontés à la menace austro-prussienne sur les frontières du nord-est. L’armée révolutionnaire, renforcée par les contingents arrivés des provinces, pouvait craindre d’être écrasée par les puissantes forces des monarchies d’Europe centrale qui, par leur probable victoire, risquaient de mettre un terme définitif à « l’épopée » révolutionnaire, en restaurant du même coup Louis XVI sur le trône. En outre, le manifeste de Brunswick, composé par le duc Charles-Guillaume-Ferdinand de Brunswick-Lunebourg, publié le 1er août 1792, et qui menaçait Paris d’une « exécution militaire et une subversion totale » en cas d’agression de la famille royale, avait chauffé les esprits des Parisiens et conduit à la prise des Tuileries et à l’enfermement du roi et des siens (10 août).

   Au début du mois de septembre, Paris était dans un état d’ébullition sans précédent. La menace étrangère et les révoltes de certaines provinces suscitèrent la pression de la « Commune insurrectionnelle », sorte de pouvoir municipal alternatif imposé par les sans-culottes au lendemain de la journée du 10 août, face à la Convention.
La Commune avait abusé de la situation et s’était octroyé des pouvoirs extrêmes. Le 17 août, elle créa un tribunal pour juger les responsables de la tuerie des Tuileries – évidemment, seuls les royalistes étaient visés.
Devant la lenteur des procédures, les « patriotes » s’inquiétèrent et ordonnèrent des visites domiciliaires afin d’arrêter les « suspects ». Qui étaient ces suspects ? Tous ceux qui étaient accusés de comploter contre les « patriotes », bref ceux qui ne rentraient pas dans le « moule » idéologique imposé par la Commune insurrectionnelle. Bien entendu, les aristocrates et les ecclésiastiques étaient les premiers visés, et, en peu de jours, à la fin du mois d’août, les prisons de la capitale – le Grand Châtelet, Bicêtre, l’Abbaye et la Force notamment, auxquelles ont peut ajouter la Conciergerie -, les couvents ou monastères – celui des Carmes, à Vaugirard -, et même certains hospices ou hôpitaux – la Salpêtrière –, furent vite remplis.

massacres de septembre 1792 à Paris

   Mais cela ne suffisait pas. La panique était à son comble. Maintenir en vie ces « suspects » était une menace pour les « patriotes » et leurs familles. Le 30 août, les Girondins, craignant la tournure dangereuse imposée par les sans-culottes, réclamèrent la dissolution de la Commune insurrectionnelle. Cette démarche exacerba l’inquiétude des « patriotes », qui décidèrent de passer eux-mêmes à l’acte en exterminant les foules d’innocents étiquetés « Ennemis de la Nation ».
Jean-Paul Marat, le grand orateur des sans-culottes, répandit, dans la chaire de mensonge du club des Cordeliers, des appels au meurtre, relayés dans sa populaire feuille de chou, L’Ami du peuple. Il écrivait, dans le numéro du 19 août : « Debout ! Debout ! Et que le sang des traîtres commence à couler ! »
Une circulaire du Comité de surveillance, imprimée le 3 septembre par les presses de L’Ami du peuple, justifia cette réaction brutale par un prétendu « affreux complot tramé par la cour pour égorger tous les patriotes de l’empire français ». La circulaire encourageait les provinces à suivre l’exemple de la capitale en employant ce « moyen si nécessaire au salut public » :

   « La commune de Paris se hâte d’informer ses frères de tous les départements qu’une partie des conspirateurs féroces détenus dans les prisons a été mise à mort par le peuple ; actes de justice qui lui ont paru indispensables, pour retenir par la terreur les légions de traîtres cachés dans ses murs, au moment où il allait marcher à l’ennemi ; et sans doute la nation entière, après la longue suite de trahisons qui l’ont conduite sur les bords de l’abîme, s’empressera d’adopter ce moyen si nécessaire de salut public, et tous les Français s’écrieront comme les Parisiens : Nous marchons à l’ennemi ; mais nous ne laisserons pas derrière nous ces brigands, pour égorger nos enfants et nos femmes. »

   Nous ne commenterons pas un tel passage qui montre au fond toute la perversité employée par les ténors et les inspirateurs de la Révolution dans leur opération de manipulation des esprits. Le premier totalitarisme de l’histoire était à l’œuvre.

Massacres de septembre 1792

Les martyrs de septembre

   A Paris, les massacres furent perpétrés du 2 au 4 septembre.
En province, quelques épisodes sont recensés, mais il faudrait effectuer de nouvelles vérifications historiques à partir de l’été 1789.
Les massacres parisiens restent toutefois la principale illustration de cet épisode sanguinaire. Sans entrer dans le détail de l’épouvante qui s’abattit sur la capitale, de jour comme de nuit, notons que le bilan humain des massacres de septembre s’étendrait entre 1200 et 1400 victimes – selon les recensements les plus équilibrés donnés par François Bluche et François Furet. Nous ne rentrerons pas dans la polémique des chiffres, qui peuvent atteindre de grandes variations selon les écoles historiographiques (ainsi, l’abbé Augustin Barruel donnait le chiffre certainement exagéré de 13.000 morts).

   La plupart des victimes furent des laïcs, en particulier membres de la noblesse, hommes et femmes. Nous avons tous en mémoire notamment l’atroce assassinat de Marie-Thérèse de Savoie-Carignan (1749-1792), princesse de Lamballe, ancienne surintendante de la Maison de la Reine et grande amie de Marie-Antoinette, dépecée et décapitée par une bande de sauvages en furie, et dont la tête fut présentée devant les fenêtres de la Reine, au Temple.

mort de la Princesse de Lamballe - Léon-Maxime Faivre

Léon-Maxime Faivre (1846-1941) : la mort de la Princesse de Lamballe (1908)
[musée de la révolution française, Vizilles]

   Une place considérable fut « accordée » aux prêtres, séminaristes et religieux. Ils étaient au moins 223, soit entre 16 et 18% de l’ensemble des victimes. Ils étaient « ennemis de la Nation », non pas parce qu’ils étaient avec les Suisses des Tuileries le 10 août, non pas parce qu’ils prêchaient publiquement en faveur de la France et de la Prusse, non pas parce qu’ils manifestaient ouvertement leur haine de la révolution. Ils étaient « ennemis » et « contre-révolutionnaires » tout simplement parce qu’ils avaient donné leur vie à Dieu, à ce Dieu rejeté par la révolution.
Le Dieu des catholiques est le Dieu de l’ordre social, de la hiérarchie terrestre et céleste, du pacte national fondé dans les eaux baptismales de Reims.
Le Dieu des révolutionnaires est le Dieu des philosophes, le grand architecte de l’univers, celui qui inspire les évolutions du processus historique, celui qui a voulu et désiré la révolution comme tournant inéluctable de l’histoire humaine.
Bref, deux « dieux » qui ne pouvaient pas cohabiter. La suite de la révolution, avec sa campagne virulente de déchristianisation et de régénération des esprits, prouva qu’il fallait abattre Dieu pour imposer le nouveau « dieu », ou plutôt la « déesse » Raison, puis les autres avatars introduits sous le Directoire – tel le culte « théophilanthropique ».

   En fin de compte, en massacrant les clercs et les religieux restés fidèles à Rome – ils étaient assermentés ou réfractaires parce qu’ils avaient refusé de prêter serment à la Constitution civile du clergé – et à l’ordre ancien de la France, caractérisé par le lien indissoluble entre le Sceptre et l’Autel, les « septembriseurs », comme on les appellera, s’attaquaient tout bonnement aux racines de la France.
Tout ce qui rappelait ces racines, tout ce qui restait profondément attaché à ces racines – sans pour autant constituer des menaces humainement réelles à l’égard du nouvel ordre révolutionnaire – devait être absolument extirpé.
L’histoire de la Vendée illustrera bientôt, avec une encore plus abominable virulence idéologique, le désir du gouvernement révolutionnaire d’exterminer ceux qui étaient arbitrairement désignés comme « ennemis de la Nation ». L’accusation qui tue : nous sommes devant le premier génocide de l’histoire, comme a osé l’affirmé, depuis tant d’années, Reynald Seycher, et plus récemment le diplomate Jacques Villemain, dans son ouvrage Vendée 1793-1794.

massacres de septembre

   Bref, l’assassinat des prêtres et des religieux perpétré en septembre 1792 – comme plus tard les autres exécutions et massacres de masse bien connus, comme l’affaire des Carmélites de Compiègne (17 juillet 1794) et les Noyades de Nantes (de novembre 1793 à février 1794) – constitue un vrai acte de persécution anticatholique.
Mortes incontestablement pour leur foi, ces victimes sont de véritables martyrs.

   L’Eglise a rapidement reconnu leur témoignage. En 1906, Saint Pie X béatifia les seize Carmélites de Compiègne. En 1920, Benoît XV béatifia les quatre Filles de la Charité d’Arras et les onze Ursulines de Valenciennes, condamnées en 1794 pour avoir « enseigné la religion catholique, apostolique et romaine ». En 1925, 32 religieuses d’Orange, guillotinées en 1794, étaient béatifiées par Pie XI. L’année suivante, 191 victimes des massacres de septembre ont été en même temps élevées sur les autels, aux côtés du prêtre angevin Noël Pinot.
Plus tard, d’autres béatifications suivront, comme, en 1984, celle des 99 martyrs d’Angers et d’Avrillé, fusillés et noyés entre janvier et février 1794, ou les 64 prêtres réfractaires morts en déportation à Rochefort, béatifiés en 1995.
En octobre 2016, le Frère des Ecoles chrétiennes Salomon Leclercq, a été inscrit au catalogue des saints.
Et tant d’autres victimes, clercs et laïcs, restent sur la liste d’attente !

l'escalier du couvent des Carmes

L’escalier du couvent des Carmes où de très nombreux prêtres furent massacrés

   Parmi les martyrs de septembre 1792, trois évêques étaient au tableau d’honneur : Jean-Marie du Lau d’Allemans, 53 ans, archevêque d’Arles, et les frères François-Joseph de La Rochefoucauld-Bayers, 56 ans, évêque de Beauvais, et Pierre-Louis de La Rochefoucauld-Bayers, 47 ans, évêque de Saintes.
Un autre évêque, Jean-Arnaud de Castellane, 59 ans, évêque de Mende, tué à Versailles le 9 septembre, n’a pas encore été béatifié. Nous n’entrerons pas dans les détails biographiques de ces grands témoins de la foi, ni dans ceux de cette foule de prêtres et religieux qui les ont accompagnés au supplice lors de ces tragiques journées de septembre. L’acte même de leur offrande et la raison profonde de leur assassinat (la haine de la foi proclamée par les septembriseurs) suffit à justifier leur titre de martyrs, comme l’écrivait Mgr de Teil, vice-postulateur de la cause des martyrs de septembre, au début du XXe siècle :

   « En effet, tandis que des scélérats s’acharnaient sur les ministres de Dieu et répandaient partout la terreur, ils leur donnèrent par les outrages, les tourments et les supplices, le moyen de confesser solennellement leur foi et de l’attester par l’effusion de leur sang. Et voici que la tempête apaisée, les flots soumis, la barque de Pierre sort plus forte que jamais d’une mer qui aurait dû l’engloutir, et que ces nombreuses victimes, objets de tant de mépris et de tant de colère, apparaissent portant les palmes du martyre. »
(Henri Welschinger, Les martyrs de septembre, Paris, Gabalda, 1919, p. 147)

St Joseph des Carmes (Paris) reliques des bienheureux martyrs de septembre 1792

Quelques uns des ossements des ecclésiastiques massacrés au Carmes
conservés dans les cryptes de l’église Saint-Joseph des Carmes, rue de Vaugirard à Paris

La dévotion aux martyrs de septembre

   Quelle leçon les martyrs de septembre doivent-ils nous donner, plus de 200 ans après leur mort ?
Pour le Français fidèle à son Dieu et à son Roi, le témoignage des martyrs de septembre est le témoignage de la fidélité au pacte sacré de Reims, qui unit définitivement le pouvoir royal et la foi catholique, lors du baptême de Clovis à la fin du Ve siècle.
Malgré les crises et les bousculements de l’histoire de la monarchie française, ce pacte est resté incontesté jusqu’en 1789.

   La révolution porte bien son nom : il fallait opérer un changement radical, un bouleversement fondamental, une tabula rasa dans l’histoire de la France, en rompant définitivement ce lien sacré. La suite des épisodes révolutionnaires s’inscrit dans ce dessein pervers d’en finir avec la royauté de droit divin, d’enlever à Dieu la suprême majesté sur la France.
Les massacres de septembre illustrent, au moment même où la royauté a été suspendue (10 août) et peu avant la proclamation de la république et l’abolition de la monarchie (21 septembre), ce désir d’en finir avec l’ordre représentatif de ce pacte divin, autrement dit le clergé.
En voulant ôter la vie de personnes consacrées, dans ces circonstances horribles qui montrent que la barbarie a vite remplacé le peuple « le plus éclairé » d’Europe, les révolutionnaires n’avaient pas peur de commettre de véritables sacrilèges, comme ils le démontreront plus tard, avec encore plus de virulence. La haine de Dieu était leur motif incontestable. Ils ne pouvaient pas agir de manière inconsciente à cet égard.

   Tout cela nous prouve, une fois encore, le caractère proprement démoniaque de la révolution française, en dépit des « gentilles » – quoique perverses – intuitions de 1789…

image souvenir de la béatification des martyrs de septembre 1792

Image souvenir (1926) de la béatification
des 191 Bienheureux Martyrs de septembre 1792

   Sans entrer dans le débat sur l’idéologie révolutionnaire et ses ambiguïtés, ni sur les responsabilités authentiques des uns et des autres au fil de cette sanglante « épopée », un catholique fidèle à son pays et à son histoire ne peut accepter, comme voudraient l’imposer les fanatiques des « valeurs de la république », de cautionner la révolution.
Il doit en revanche continuer à faire parler le témoignage de l’histoire. Comment cela ? En s’instruisant lui-même sur les événements de la révolution, en commémorant chaque année les tragiques épisodes pour « faire mémoire », c’est-à-dire pour imprégner son âme et son cœur du combat éternel de Dieu contre Satan, de la vérité contre le mensonge, du bien contre le mal, en prenant exemple sur les martyrs de cette époque. Car demain, nous aurons peut-être aussi à témoigner dans les épreuves et dans le sang.

   Puissions-nous, en implorant la protection des Bienheureux Martyrs de septembre, rester fidèle aux engagements sacrés de notre baptême, qui sont inséparables, pour nous Français, des engagements sacrés du baptême de la France, du pacte sacré qui a été scellé entre le Trône et l’Autel.

   Profitons donc spécialement de ce 2 septembre pour contempler une de ces grandes figures de la foi et recommandons-nous à son intercession auprès du Christ, Roi de l’Univers et Maître de l’histoire.

Bienheureux Pierre-Louis de La Rochefoucauld - Saint-Eutrope Saintes

Bienheureux Pierre-Louis de La Rochefoucauld
(vitrail de la basilique Saint-Eutrope, à Saintes)

Mathias Balticensis                         

2024-185. « Jésus, notre vie » : méditation pour le quinzième dimanche après la Pentecôte.

15ème dimanche après la Pentecôte.
Lectures : Epître Gal. V 25-26, VI 1-10 ; Evangile Luc VII 11-16.

Divin Cœur de Jésus - vignette - blogue

Jésus, notre vie.

Présence de Dieu :

« O Jésus, vie de mon âme, faites-moi ressusciter chaque jour à une nouvelle vie de charité et de ferveur ! »

Méditation :

   1 – Jésus est notre vie : cette pensée, si souvent répétée par la liturgie et si chère à notre cœur, domine toute la Messe de ce jour. Tout ce qu’il y a de bon en nous est fruit de la grâce du Christ : par elle nous demeurons fermes dans le bien (collecte), nous vivons selon l’Esprit (épître), nous ressuscitons du péché (Evangile). Jésus alimente en nous Sa vie (communion) en nous nourrissant de Sa Chair.
Sans Lui, nous serions dans la mort, nous ne pourrions jamais vivre cette magnifique vie de l’Esprit que Saint Paul nous décrit dans l’épître. Glanons-en quelques pensées : « Ne cherchons pas de vains succès ; pas de provocations entre nous… Se croire quelques chose alors qu’on n’est rien, c’est se faire illusion ».
L’humilité est indiquée ici comme le fondement de la concorde fraternelle : l’orgueilleux est un foyer de discordes car, se préférant aux autres, il sera souvent provocateur, envieux, altier et plein de mépris pour ceux qu’il croit inférieurs à lui-même.
« Si quelqu’un est pris en faute, vous qu’anime l’Esprit, redressez-le dans un esprit de douceur ». Quiconque veut escalader les cimes doit prendre garde de ne pas critiquer celui dont la voie est moins élevée, de ne pas se scandaliser à cause des faiblesses d’autrui, et, si le devoir lui impose d’avertir quelqu’un, il doit le faire en toute douceur et bonté. Cette douceur est encore un fruit de l’humilité parce que, en corrigeant les autres, il faut toujours veiller sur soi : « tu peux, toi aussi, être tenté ».
« Ne nous lassons pas de faire le bien, en son temps viendra la récolte, si nous ne nous relâchons pas ». Les difficultés de la vie spirituelle ne doivent pas nous décourager, même lorsque nous ne parvenons pas à les vaincre. Dieu ne nous demande pas de réussir, mais de renouveler constamment nos efforts, même si les résultats ne sont pas apparents ; « en son temps », c’est-à-dire quand Dieu voudra et de la manière qu’il Lui plaira, nous récolterons les fruits, à condition cependant « de ne pas nous relâcher ».

Sacristie de la cathédrale Saint-Louis Versailles - résurrection du fils de la veuve de Naïm - Jean Jouvenet (1708)

Jean Jouvenet : résurrection du fils de la veuve de Naïm (1708)
[sacristie de la cathédrale Saint-Louis, Versailles]

   2 – La pensée : « Jésus, notre vie », resplendit plus clairement dans l’Evangile.
Le Maître rencontre le cortège funèbre d’un jeune homme, dont la mère sanglotait à côté du cercueil. « Le Seigneur fut touché de pitié et lui dit : Ne pleure point. Puis Il S’approcha, toucha le cercueil et dit : Jeune homme, Je te l’ordonne, lève-toi ! Et Jésus le rendit à sa mère ».
Jésus est le Sauveur qui a pitié de nos misères et use de Sa toute-puissance divine pour les soulager. Aujourd’hui nous Le voyons opérer un miracle pour consoler une veuve en lui rendant, plein de vie, son fils déjà mort. C’est un trait de la délicatesse de Son amour pour nous ; mais combien d’autres ont jailli de Son Cœur, moins visibles, peut-être, mais non moins chargés d’amour et de vie !
« L’Evangile nous parle de trois morts, ressuscités visiblement – commente Saint Augustin – mais Il a ressuscité des milliers de morts invisibles ». En écrivant ces mots, le Saint devait se souvenir, avec une reconnaissance ineffable, du miracle immensément plus grand que Jésus avait accompli en le faisant ressusciter de la mort du péché.
Saint Augustin, et tant d’autres saints avec lui, sont des ressuscités. Si les saints, qui ont vécu dans l’innocence, répandent un grand charme, ceux qui sont ressuscités du péché nous encouragent plus puissamment dans la lutte. S’il nous est très ardu de vaincre l’orgueil, la sensualité et toutes les autres passions, ce ne fut pas plus aisé pour eux. Eux aussi, ont connu nos tentations, nos luttes, nos chutes ; et s’ils sont ressuscités, pourquoi ne le pourrions-nous pas ?
Il ne s’agit pas toujours, grâce à Dieu, de ressusciter du péché grave ; mais il y a toujours lieu de ressusciter de nos petites infidélités journalières ; si elles ne sont pas réparées, la ferveur de la vie spirituelle s’en trouve peu à peu affaiblie. En ce sens, nous avons besoin de ressusciter chaque jour, mieux, chaque heure ; et cependant, la force nous en manque si souvent. Mais si nous implorons Jésus notre vie, Il nous touchera de Sa grâce, comme jadis Il toucha de la main le cercueil du jeune homme de Naïm ; Il répandra en nous une vigueur nouvelle et nous remettra, pleins de courage, sur le chemin de la perfection.
La résurrection du jeune homme fut obtenue par les larmes de sa mère. Puissent la componction, l’humilité, la confiance, ces larmes de notre cœur, implorer chaque jour notre résurrection.

prière du pécheur pardonné reconnaissant - blogue

Colloque :

   « O Seigneur mon Dieu, j’étais arrivé aux portes de la mort, mais Vous Vous êtes placé entre elles et moi, afin de m’empêcher d’y passer. Souvent aussi, ô mon Sauveur, Vous m’avez retiré de la mort corporelle, lorsque j’étais affligé de maladies graves ou exposé à de nombreux dangers. Vous saviez, ô Seigneur, que si la mort m’avait surpris alors, mon âme aurait été précipitée en enfer et j’aurais été damné pour toujours. Votre miséricorde et Votre grâce m’ont devancé, me sauvant de la mort du corps et de l’âme. Tout cela, et bien d’autres choses encore, Vous l’avez fait pour moi, Seigneur mon Dieu !
Maintenant donc, ô Lumière de mon âme, mon Dieu, Vie qui me donnez la vie, je Vous rends grâces, autant que le peut ma fragilité, moi, pauvre et méprisable, impropre à recevoir Vos bienfaits.
Auparavant, j’étais parmi les pécheurs que Vous avez sauvés. Pour citer aux autres un exemple de Votre très douce miséricorde, je confesserai Vos grands bienfaits. Vous m’avez sauvé du plus profond de l’enfer une fois, deux fois, trois, cent et mille fois. Pour moi, je tendais toujours à l’enfer, et toujours Vous m’en avez retiré, alors que, si Vous l’aviez voulu, Vous auriez pu me damner mille fois, en toute justice.
Mais Vous ne l’avez pas voulu, parce que Vous aimez les âmes. Vous voilez les péchés des hommes, afin qu’ils fassent pénitence, ô Seigneur très miséricordieux en toutes Vos voies.
Votre lumière m’a fait voir et connaître tout cela, Seigneur mon Dieu, et mon âme défaille en considérant la grandeur de Votre miséricorde. Toute ma vie, qui périssait dans ma misère, est ressuscitée dans Votre miséricorde ; j’étais mort tout entier, et Vous m’avez ressuscité.
Que tout ce qui est en moi soit donc à Vous, car je m’offre à Vous sans réserve ! »
(Saint Augustin).

Rd. Père Gabriel de Sainte-Marie-Madeleine ocd
in « Intimité divine »

Divin Cœur de Jésus - vignette - blogue

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