2007-37. Le 24 novembre, nous fêtons Saint Jean de la Croix.
24 novembre,
fête de Saint Jean de la Croix, confesseur, docteur de l’Eglise ;
anniversaire de l’Edit de Thessalonique (cf. > ici).
Carme espagnol, Docteur de l’Église, figure essentielle de la réforme du Carmel, maître de la théologie dite négative, Saint Jean de la Croix enseigne une voie de dépouillement pour parvenir à l’union d’amour mystique avec Dieu.
Pour Jean, l’âme qui aime doit « travailler à se dépouiller et dénuer pour Dieu de tout ce qui n’est point Dieu« .
Souvent appelé le « Docteur des Nuits », ses écrits (qui ont pour titres : « La montée du Carmel », « La nuit obscure », « La vive flamme d’amour » & « Les cantiques spirituels ») ont profondément marqué la mystique chrétienne par leur intensité et par la sureté de leur doctrine : Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus – à une époque où les ouvrages de Saint Jean de la Croix étaient peu lus dans les Carmels (!!!) – y puisa de grandes lumières et forces spirituelles.
La radicalité de son enseignement et la rigueur de sa vie ont fait dire au philosophe Gustave Thibon qu’il fut le «plus extrémiste de tous les saints».
De fait, la réputation qui a été faite aux enseignements de Saint Jean de la Croix inspire parfois une certaine crainte, parce qu’on les a présentés comme une espèce d’ascétisme « effrayant », sans faire ressortir combien toute cette doctrine était fondée sur l’amour, et sur la recherche d’un amour toujours plus grand, plus beau, plus fort, plus pur, qui mérite qu’on fasse pour lui d’authentiques renoncements.
D’un autre côté, il n’est pas rare non plus de trouver de faux maîtres spirituels ou mystiques qui prétendent se couvrir de son autorité ou se référer à sa doctrine spirituelle!
Jean de Yépès est né en 1542, en vieille Castille, dans une famille noble mais pauvre, qui vivait du tissage. En 1545, la famille de Jean fut éprouvée par des deuils cruels: le père et l’un des garçons furent emportés soudainement. Ce fut alors le début d’une période de véritable misère pour Jean, sa mère et son autre frère. En 1551, ils s’installèrent à Médina del Campo, où ils avaient pu trouver un peu de travail. C’est à cette époque que les dons de Jean se manifestèrent : curiosité intellectuelle, amour du beau, piété, dévouement exceptionnel pour autrui.
En 1563, à l’âge de vingt ans, il prit l’habit chez les Carmes sous le nom de Frère Jean de Saint-Matthias.
Quatre ans plus tard, à Médina, il rencontra Thérèse d’Avila qui venait d’y fonder un Carmel de femmes selon l’ancienne observance. Elle convainquit Jean – qui était maintenant prêtre – de se joindre à elle dans sa réforme de l’Ordre. Il prit alors le nom de Jean de la Croix et devint un élément essentiel de la Réforme thérésienne, développant un lien privilégié avec Mère Thérèse de Jésus. Celle-ci, impressionnée par son sérieux et son zèle ascétique, l’appelait avec humour son «petit Sénèque».
En décembre 1577, le Père Jean de la Croix fut enlevé par des Carmes adversaires résolus de la réforme : ils l’enfermèrent pendant plusieurs mois dans un réduit du couvent de Tolède, le soumettant à toutes sortes de brimades et humiliations.
Toutefois, le 17 août 1578, Jean – aidé par la Sainte Vierge – parvint à s’évader. Durant cette captivité il avait reçu de grandes grâces d’union à Dieu et composé ses grands poèmes qui expriment cette expérience mystique de tout premier ordre.
En 1582, après la mort de Sainte Thérèse, il devint prieur du couvent de Grenade. Il rédigea alors ses traités « didactiques » qui se présentent comme une sorte de commentaire des oeuvres poétiques. En 1589, il fut élu prieur du couvent de Ségovie. Il mourut le 14 décembre 1591, à l’âge de quarante-neuf ans.
Béatifié en 1675, canonisé en 1726 et proclamé Docteur de l’Église par le pape Pie XI en 1926, il fut en outre déclaré par Pie XII patron des poètes espagnols le 21 mars 1952, et par Jean-Paul II patron des poètes de langue espagnole le 8 mars 1993.
Voici justement l’un de ses poèmes, très connu, mais dont la lecture est toujours très émouvante :
Je la connais la source qui coule et se répand,
Quoique ce soit de nuit !
Cette fontaine éternelle est cachée,
Mais comme je sais bien où elle est,
Quoique ce soit de nuit !
Dans cette nuit obscure de cette vie
Comme je connais bien, par la foi, la fontaine,
Quoique ce soit de nuit !
Son origine, je l’ignore; elle n’en a pas
Mais je sais que tout être tire d’elle son origine,
Quoique ce soit de nuit !
Je sais qu’il ne peut y avoir chose plus belle,
Que la terre et les cieux vont s’y abreuver,
Quoique ce soit de nuit !
Je sais bien que c’est un abîme sans fond
Et que personne ne peut y passer à gué,
Quoique ce soit de nuit !
Sa clarté n’est jamais obscurcie
Et je sais que toute lumière vient d’elle,
Quoique ce soit de nuit !
Je sais que ses eaux coulent si abondantes
Qu’elles arrosent enfers, cieux et peuples,
Quoique ce soit de nuit !
Le ruisseau qui sort de cette source
Est, je le sais, aussi vaste et puissant qu’elle,
Quoique ce soit de nuit !
Le ruisseau qui procède de ces deux
N’est précédé ni par l’un ni par l’autre,
Quoique ce soit de nuit !
Je sais bien que les trois, dans une seule eau vive,
Résident, et que l’une dérive de l’autre,
Quoique ce soit de nuit !
Cette fontaine éternelle est cachée
Dans ce pain vivant pour nous donner vie,
Quoique ce soit de nuit !
Elle est là appelant toutes les créatures
Et elles vont s’y abreuver dans les ténèbres,
Parce qu’il fait nuit.
Cette source vive, vers laquelle je soupire,
Je la vois dans ce pain de vie,
Quoique ce soit de nuit !
Voir aussi :
- La catéchèse de Benoît XVI > ici
- la B.D. « Libérer le vol de l’âme » > ici
- Et le texte de Gustave Thibon > ici