Archive pour la catégorie 'De Maria numquam satis'

2023-122. Méditation pour la fête de Notre-Dame du Rosaire.

7 octobre,
Fête de Notre-Dame de la Victoire du Très Saint Rosaire.

Simone Cantarini - Vierge du Rosaire

La Vierge du Rosaire : tableau de Simon Cantarini (1612-1648)

Présence de Dieu :

« O Vierge Sainte, que votre Rosaire béni me soit une arme de défense et une école de vertus ! »

Méditation :

       1 – La fête célébrée aujourd’hui est une manifestation de reconnaissance pour les grandes victoires remportées par le peuple chrétien grâce au Rosaire de Marie ; c’est, en même temps, le témoignage le plus beau et le plus autorisé de la valeur de cette prière. La liturgie du jour est un commentaire et une amplification du Rosaire : les trois hymnes de l’Office, les antiennes des Matines et des Laudes en parcourent les divers mystères, les leçons en chantent les gloires et les rappels incessants à la Vierge, qui « germe parmi les fleurs, est environnée des roses et des lis des vallées », font clairement allusion aux mystiques couronnes de roses que les dévots de Marie tressent à ses pieds par la récitation du Rosaire.
La fête nous apprend qu’honorer le Rosaire, c’est honorer Marie, puisqu’il consiste à méditer la vie de la Vierge, en répétant pieusement l’Ave Maria. C’est justement sous cet aspect que l’Eglise loue le Rosaire et le recommande avec tant d’insistance aux fidèles : « O Dieu, prie l’oraison du jour, faites qu’en méditant ces mystères par le très saint Rosaire de la Bienheureuse Vierge Marie, nous imitions les exemples qu’ils proposent et obtenions ce qu’ils promettent ».
Le Rosaire bien récité est, tout à la fois, prière et enseignement. Ses mystères nous révèlent que, dans la vie de la Vierge, tout est apprécié en fonction de Dieu : ses joies et ses allégresses sont de celles qui font plaisir à Dieu, tandis que ses douleurs coïncident, pour ainsi dire, aux douleurs mêmes de Dieu qui, s’étant fait Homme, a voulu souffrir pour les péchés de l’humanité. L’unique joie de Marie, est Jésus : être Sa Mère, L’étreindre dans ses bras, L’offrir à l’adoration du monde, Le contempler dans la gloire de la Résurrection, s’unir à Lui au Ciel. La seule douleur de Marie est la Passion de Jésus : Le voir trahi, flagellé, couronné d’épines, crucifié à cause de nos péchés.
Tel est le premier fruit qu’il nous faut retirer de la récitation du Rosaire : juger les événements de notre vie par rapport à Dieu ; jouir de ce qui Lui plaît, de ce qui nous unit à Lui, souffrir à cause du péché qui nous éloigne de Lui et est cause de la Passion et de la mort de Jésus.

Les Mystères du Rosaire

       2 – Le second fruit de la récitation quotidienne du Rosaire, est la pénétration des mystères du Christ, par et avec Marie,, qui nous entr’ouvre la porte. Le Rosaire nous aide à pénétrer les ineffables grandeurs de l’Incarnation, de la Passion et de la gloire de Jésus.
Qui, mieux que Marie, a compris et vécu ces mystères ? Qui, mieux qu’elle, peut nous en donner l’intelligence ? Si nous pouvions vraiment nous mettre en contact avec Marie, pendant la récitation du Rosaire, pour l’accompagner dans les diverses étapes de sa vie, nous pourrions recueillir quelque chose des sentiments de son cœur dans le déroulement des grands mystères dont elle fut le témoin et souvent même la protagoniste, et notre âme en serait merveilleusement nourrie. De cette manière, le Rosaire se transformerait en une méditation, je dirais presque : une contemplation, sous la conduite de Marie. Tel est justement ce que veut la Sainte Vierge, et non un certain nombre de Rosaires récités du bout des lèvres, tandis que la pensée divague de mille manières ! Les Ave répétés sans cesse, doivent exprimer l’attitude de l’âme qui s’efforce de s’élever vers Marie, de s’élancer vers elle pour être prise par elle et introduite dans la compréhension des mystères divins. « Ave Maria ! » disent les lèvres, et le cœur murmure : enseignez-moi, ô Marie, à connaître et aimer Jésus, comme vous L’avez connu et aimé.
Réciter le Rosaire de cette façon, demande le recueillement. Avant de commencer, dit Sainte Thérèse de Jésus, l’âme se demande à qui elle va parler et qui elle est, pour mieux savoir comment se comporter (cf. Chemin de la perfection, XXII). La Sainte rit finement des personnes « tellement avides de réciter et de dire des prières vocales qu’elles ressemblent à celui qui, s’étant fixé la tâche d’en réciter tous les jours un nombre déterminé, se hâte des les achever promptement » (ibid. XXXIII). Le Rosaire récité de cette manière ne peut alimenter la vie intérieure ; l’âme en recueille peu de fruit, et la Sainte Vierge peu de gloire. Récité, au contraire, dans un véritable esprit de dévotion, le rosaire devient un moyen très efficace pour cultiver la piété mariale, pour pénétrer dans l’intimité de Notre-Dame et celle de son divin Fils.

Chapelet

Colloque :

       « O Marie, parmi les esprits bienheureux, il n’en est aucun qui aime Dieu plus que vous ne L’aimez ; de même, nous n’avons ni ne pouvons avoir, après Dieu, quelqu’un qui nous aime plus que vous, notre Mère très aimante. Si l’on pouvait unir l’amour de toutes les mères pour leurs enfants, celui de toutes les épouses pour leurs époux, de tous les saints et de tous les anges pour leurs dévots, on n’arriverait pas à l’amour que vous portez à une seule âme, donc aussi à la mienne.
O Marie, puisque vous m’aimez, rendez-moi semblable à vous. Vous détenez le pouvoir de changer les cœurs, prenez donc mon cœur et transformez-le. Sanctifiiez-moi, faites de moi votre digne fils.
Que les autres vous demandent ce qu’ils veulent, santé, richesse, avantages terrestres ; pour moi, je vous demande, ô ma Mère, ce que vous-même désirez de moi et qui vous tient le plus au cœur. Vous, si humble, obtenez-moi l’humilité et l’amour du mépris. Vous si patiente dans les douleurs de cette vie, obtenez-moi la patience dans les contrariétés. Vous, toute pleine d’amour pour Dieu, obtenez-moi le don du saint et pur amour. Vous, toute charité envers le prochain, demandez pour moi la charité envers tous, surtout envers ceux qui me sont opposés. Vous la plus sainte de toutes les créatures, sanctifiez-moi. Ni l’amour, ni le pouvoir ne vous manquent, vous voulez et pouvez tout m’obtenir ! Seule ma négligence à recourir à vous, seul mon manque de confiance dans votre secours, peut m’empêcher de recourir à vous » (Saint Alphonse).

Père Gabriel de Saint Marie-Madeleine,
in « Intimité divine »,  7 octobre.

récitation du chapelet

Prière avec le chapelet

2023-113. Les premiers samedis du mois au Mesnil-Marie :

     « Vois, ma fille, mon Cœur entouré des épines que les hommes m’enfoncent à chaque instant, par leurs blasphèmes et leurs ingratitudes. Toi, du moins, tâche de me consoler et dis que tous ceux qui,

- pendant cinq mois, le premier samedi,
- se confesseront,
- recevront la sainte Communion,
- réciteront un chapelet
- et me tiendront compagnie pendant quinze minutes, en méditant sur les quinze mystères du Rosaire
- en esprit de réparation,

je promets de les assister à l’heure de la mort, avec toutes les grâces nécessaires pour le salut de leur âme.»

Paroles de la Bienheureuse Vierge Marie à Sœur Lucie, le 10 décembre 1925.

Statue de Notre-Dame de Fatima avec Cœur apparent - détail

Il est désormais possible de répondre aux demandes de Notre-Dame
au Mesnil-Marie même,

grâce à la venue mensuelle de l’un de nos amis prêtres (*)

(*) sauf si les conditions climatiques rendent les routes dangereuses

- A 14 h 30 : enseignement pour approfondir le message de Notre-Dame de Fatima.
- A 15 h 15 : récitation du chapelet et méditation conformément à la demande de Notre-Dame.
- A 16 h 30 : Sainte Messe.
- De 14 h 30 à 16 h 30 : possibilité de se confesser.

Coeur douloureux et immaculé de Marie

Note importante :   

   En outre, pour ceux qui désirent apporter une aide concrète au Refuge Notre-Dame de Compassion, ces mêmes premiers samedis du mois, à partir de 9 h du matin : travaux et services…
Il y en a pour tous les âges et pour toutes les forces, pour toutes les capacités et tous les talents (couture ou bricolages divers, entretien à l’intérieur ou à l’extérieur, travaux de terrassement ou jardinage, préparatifs des chantiers futurs… etc.). Ces quelques heures de bénévolat s’achèveront  par le repas partagé.

Merci de bien vouloir nous signaler votre présence et vos domaines particuliers de compétence.

2023-110. Récapitulatif des textes et des prières en l’honneur des Douleurs et de la Compassion de la Très Sainte Mère de Dieu.

       Voici le « catalogue » de textes publiés sur ce blogue concernant la dévotion à la Mère des Douleurs, Notre-Dame de Compassion : on y trouvera de véritables trésors pour nourrir et faire croître sa vie spirituelle, et pour alimenter les exercices de piété à l’occasion des deux fêtes liturgiques par lesquelles la tradition catholique honore les douleurs de la Très Sainte Mère de Dieu.

Canivet de Notre-Dame des Sept-Douleurs

A – Prières en l’honneur de la Vierge des Douleurs et de Compassion :

- « Ave Maria » à la Vierge de Compassion > ici
– Le chapelet des Sept Douleurs de Notre-Dame > ici
– Confiante supplication à Notre-Dame de Compassion > ici
– Prières de Saint Alphonse de Liguori pour honorer les Sept Douleurs de Notre-Dame > ici
– Litanies de Notre-Dame des Douleurs (du pape Pie VII) > ici
– Prière à la Vierge de Compassion en faveur des âmes du Purgatoire > ici
– Neuvaine à Notre-Dame des Douleurs > ici
– Chemin de Croix avec la Mère des Douleurs > ici
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B – Stabat Mater :

- De Jean-Baptiste Pergolèse > ici et aussi > ici
– De Zoltan Kodaly > ici
– De Marc-Antoine Charpentier > ici
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C – Textes spirituels pour approfondir la Compassion de la Mère de Dieu :

- Marie au Calvaire (Vénérable Jean-Jacques Olier de Verneuil) > ici, > ici, et > ici
– Homélie du pape Benoît XVI sur la Compassion de Marie (Lourdes – 2008) > ici
– « Mater Dolorosa » (Rd.P. Augustin-Marie Lépicier) > ici
– Extrait de « L’Imitation de la Sainte Vierge » : l’amour de la Croix > ici
– Extrait d’un sermon de Saint François de Sales sur la Compassion de Marie > ici
– Extrait d’un ouvrage de l’abbé Henry Baudrand sur la dévotion aux Douleurs de Notre-Dame > ici
– Méditation de Sainte Marie-Eugénie de Jésus > ici

D – Pèlerinages en l’honneur de la Vierge des Douleurs :

- Pèlerinage à Notre-Dame de l’Etoile à Montusclat > ici
– Pèlerinage à l’ermitage de la Vierge de Pitié, à Ucel > ici
– Notre-Dame des Ardilliers à Saumur > à paraître
-

E – Histoire du culte de Notre-Dame des Douleurs :

- Les sept saints fondateurs des Servites et le scapulaire de Notre-Dame des Douleurs > ici
-

F – Au Refuge Notre-Dame de Compassion :

- La grande statue de Notre-Dame de Compassion au Mesnil-Marie > ici
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Litanies de Notre Dame des Sept Douleurs :

       Il existe plusieurs formulaires de litanies en l’honneur de la Vierge des Douleurs, celles qui se trouvent ci-après auraient été composées par le pape Pie VII (+ 20 août 1823).
Dans les anciens recueils d’indulgences antérieurs au concile vaticandeux, les concessions suivantes avaient été accordées à leur récitation : 1) indulgence de deux ans toutes les fois qu’on les récite ; 2) indulgence plénière pour chaque vendredi, si l’on y joint le Credo, le Salve Regina et trois Ave Maria en l’honneur du sacré et douloureux Cœur de la Bienheureuse Vierge Marie.

Vierge des Douleurs Philippe de Champaigne - Louvre

Vierge de Douleur au pied de la Croix
par Philippe de Champaigne (vers 1655-1660)
Tableau réalisé pour l’église Sainte-Opportune de Paris, aujourd’hui au musée du Louvre

* * * * * * *

Seigneur, ayez pitié de nous.
Jésus-Christ, ayez pitié de nous.
Seigneur, ayez pitié de nous.

Père éternel, qui êtes Dieu, ayez pitié de nous.
Fils rédempteur du monde, qui êtes Dieu, ayez pitié de nous.
Esprit Saint qui êtes Dieu, ayez pitié de nous.
Sainte Trinité, qui êtes un seul Dieu, ayez pitié de nous.

Sainte Marie, priez pour nous.
Sainte Mère de Dieu, priez pour nous,
Sainte Vierge des Vierges, priez pour nous,

Ô Mère crucifiée, priez pour nous.
Ô Mère de Douleurs, priez pour nous.
Ô Mère éplorée, priez pour nous.
Ô Mère affligée, priez pour nous.
Ô Mère délaissée, priez pour nous.
Ô Mère désolée, priez pour nous.
Ô Mère privée de votre Fils, priez pour nous.
Ô Mère transpercée d’un glaive au pied de la Croix, priez pour nous.
Ô Mère dévorée par les angoisses, priez pour nous.
Ô Mère abîmée dans un océan d’amertume, priez pour nous.
Ô Mère ensevelie dans les chagrins, priez pour nous.
Ô Mère dont le cœur fut attaché à la Croix, priez pour nous.
Fontaine de larmes, priez pour nous.
Comble de souffrance, priez pour nous.
Miroir de patience, priez pour nous.
Sublime roc de constance, priez pour nous.
Ancre de confiance, priez pour nous.
Refuge des délaissés, priez pour nous.
Bouclier des opprimés, priez pour nous.
Victorieuse des incrédules, priez pour nous.
Consolation des malheureux, priez pour nous.
Guérison des malades, priez pour nous.
Force des faibles, priez pour nous.
Port du salut contre le naufrage, priez pour nous.
Calme aux tempêtes, priez pour nous.
Douce paix aux affligés, priez pour nous.
Terreur des malfaiteurs, priez pour nous.
Trésor des fidèles, priez pour nous.
Œil des prophètes, priez pour nous.
Bâton des apôtres, priez pour nous.
Couronne des martyrs, priez pour nous.
Lumière des confesseurs, priez pour nous.
Perle des vierges, priez pour nous.
Soutien des veuves, priez pour nous.
Joie de tous les saints, priez pour nous.

Agneau de Dieu, qui effacez le péché du monde, pardonnez-nous, Seigneur.
Agneau de Dieu qui effacez le péché du monde, exaucez-nous, Seigneur.
Agneau de Dieu qui effacez le péché du monde, ayez pitié de nous, Seigneur.

Prions :

   Daignez, ô tendre Mère, abaisser sur nous vos regards compatissants : délivrez-nous et préservez-nous de tous les dangers qui nous entourent, par la vertu de Jésus-Christ.
Ainsi soit-il.

Gravez ma Souveraine, vos sacrées plaies dans mon cœur afin que je puisse y lire votre douleur, pour supporter par vous toute douleur ; et votre amour, pour mépriser pour vous tout autre amour.
Ainsi soit-il.

2023-104. Méditation pour la fête de la Nativité de Notre-Dame : la vie cachée en Dieu avec Marie.

8 septembre,
Nativité de la Très Sainte Vierge Marie.

Jean Restout - Nativité de la Vierge 1744

Jean Restout (1692-1768) : la Nativité de la Vierge (1744)

Présence de Dieu :

       O Marie, ma Mère, apprenez-moi à vivre caché avec Vous à l’ombre de Dieu.

Méditation :

       1 – La liturgie célèbre avec enthousiasme la naissance de Marie et en fait une des fêtes les plus populaires de la dévotion mariale.
« Votre Nativité, ô Vierge Mère de Dieu, chante l’Office d’aujourd’hui, annonce la joie à toute la terre, car de vous est né le Soleil de justice, le Christ notre Dieu !» La naissance de Marie est le prélude de celle de Jésus, parce qu’elle est le point initial de la réalisation du grand mystère du Fils de Dieu fait homme pour le salut de l’humanité. Comment l’anniversaire de la Mère du Rédempteur pourrait-il passer inaperçu aux cœurs des rachetés ? La Mère annonce d’avance le Fils, elle dit que le Fils est sur le point de venir, que les promesses divines, faites depuis des siècles, vont se réaliser. La naissance de Marie est l’aurore de notre Rédemption ; son apparition projette une lumière nouvelle sur toute l’humanité : lumière d’innocence, de pureté, de grâce, anticipation resplendissante de la grande lumière qui inondera la terre à l’apparition du Christ, « Lux mundi ».
Marie, préservée du péché, en prévision des mérites du Christ, n’annonce pas seulement une Rédemption prochaine, mais elle en porte les prémices en elle-même, elle, la première rachetée de son divin Fils. Par elle, la toute pure et pleine de grâce, la Très Sainte Trinité jette enfin sur la terre un regard de complaisance, car elle y trouve, finalement, une créature dans laquelle Elle puisse refléter Sa beauté infinie.

   Aucune naissance, après celle de Jésus, ne fut aussi importante aux yeux de Dieu, aussi féconde pour le bien de l’humanité. Néanmoins, cette naissance demeure complètement dans l’ombre ; la Sainte Ecriture ne nous en dit rien, et lorsque nous cherchons la généalogie du Christ, dans l’Evangile, nous lisons seulement celle qui se rapporte à Joseph. Hors l’allusion à sa descendance de David, nous ne trouvons rien d’explicite concernant la généalogie de Marie. Les origines de la Vierge s’effacent dans le silence, de même que toute sa vie. La Nativité de Marie nous parle d’humilité : celui qui veut être le plus grand aux yeux de Dieu, doit se cacher davantage à ceux des créatures ; ce que nous ferons pour Dieu sera d’autant plus grand que nous l’effectuerons dans un silence et un effacement plus profonds.

Jean Restout - Nativité de la Vierge 1744 - détail

Jean Restout : Nativité de la Vierge (détail)

       2 – Dans l’Evangile, la figure de Marie disparaît presque entièrement derrière celle de son divin Fils ; les Evangélistes nous en disent à peine ce qu’il faut pour nous faire connaître la Mère du Rédempteur et, de fait, elle entre en scène seulement au début de l’histoire de l’Incarnation du Verbe. La vie de Marie se confond, se perd en celle de Jésus : elle a vécu vraiment cachée avec le Christ en Dieu. Notons qu’elle a vécu dans l’ombre non seulement pendant les années de l’enfance de Jésus, mais encore aux jours de sa maternité divine, ainsi qu’aux heures du triomphe de son Fils, et même lorsqu’une femme enthousiaste des miracles accomplis par Jésus, éleva la voix du milieu de la foule, disant « Heureux le sein qui Vous a porté ! Heureuses les mamelles qui Vous ont allaité ! » (Luc XI, 27). 

   La fête mariale, que nous célébrons aujourd’hui, nous sera donc une invitation à la vie cachée avec Marie dans le Christ, et avec le Christ en Dieu. Souvent, Dieu Se charge Lui-même, par les circonstances de notre vie ou par les dispositions des supérieurs, de nous faire vivre à l’ombre. Il faut Lui en être très reconnaissant et profiter de ces occasions pour avancer dans la pratique de l’humilité et de l’effacement. D’autres fois, au contraire, le Seigneur nous confie des charges, des emplois, des œuvres d’apostolat qui nous mettent un peu en évidence. Eh bien ! Tâchons, même en ces circonstances-là, de disparaître autant que possible. Il ne faut certes pas refuser le travail, mais arrangeons-nous pour nous éclipser dès que notre parole n’est plus strictement nécessaire pour la bonne réussite de l’œuvre qui nous a été confiée. Tout le reste : les louanges, les applaudissements, le récit des succès ou la justification des insuccès, ne doit pas nous intéresser ; nous devons avoir pour tactique de nous retirer de tout cela avec une sainte désinvolture.
Une âme de vie intérieure doit s’ingénier à se cacher autant que possible à l’ombre de Dieu, car si elle a pu réaliser un peu de bien, elle est convaincue que Dieu en a été l’auteur et elle cherche, dès lors, avec délicatesse et empressement, à ce que tout revienne uniquement à Sa gloire.

   La vie humble et cachée de Marie doit être le modèle de la nôtre et si, pour lui ressembler, il nous faut lutter contre les tendances toujours renaissantes de l’orgueil, recourons en toute confiance à son aide maternelle : Marie nous fera triompher de toute vaine gloire.

La Vierge protégeant un pauvre et un soldat - église de Montbrun-les-Bains attribué à Pierre Parrocel

La Vierge protégeant un pauvre et un soldat
attribué à Pierre Parrocel (1670-1739)
retable dans l’église de Montbrun-les-Bains

Colloque :

       « Dans la mer de ce monde, lorsque je me sens balloté par les orages, je tiens les yeux fixés sur vous, Marie, astre éclatant, pour ne pas être englouti par la tempête.
Si le vent des tentations se lève, si je heurte les écueils des tribulations, je lève les yeux vers vous et vous invoque, ô Marie. Si je suis secoué par les vagues de l’orgueil, par celles de l’ambition, de la médisance, de la jalousie, je vous regarde et vous invoque, ô Marie. Si la colère ou l’avarice ou les séductions de la chair agitent le frêle esquif de mon âme, je jette un regard vers vous, ô Marie. Si troublé par l’énormité de mes crimes, confus de la laideur de ma conscience, effrayé des sévérités du jugement, je me sens entraîné dans le gouffre de la tristesse, dans l’abîme du désespoir, je lève encore le regard vers vous, vous invoquant toujours, ô Marie !
Dans les périls, dans les angoisses, dans les perplexités, je penserai toujours à vous et vous invoquerai, Marie ! Que votre nom, ô Vierge, soit constamment sur mes lèvres, qu’il ne quitte pas mon cœur ; et afin d’obtenir l’appui de vos prières, faites que je ne perde point de vue l’exemple de votre vie.
En vous suivant, ô Marie, je ne m’égare pas, en pensant à vous, je ne me trompe pas, si vous me soutenez, je ne tombe pas ; si vous me protégez, je ne crains rien, si vous me guidez, je ne me fatiguerai pas, si vous m’êtes favorable, j’atteindrai le but ! »
 (d’après Saint Bernard).

Monogramme Marie 2

2023-86. « Aux nones d’août, époque où les chaleurs sont très grandes à Rome, une partie du mont Esquilin fut couverte de neige pendant la nuit…»

5 août,
Fête de la dédicace de la basilique de Sainte-Marie aux Neiges (cf. > ici) ;
Anniversaire du martyre du Rd Père Rouville et de ses compagnons (cf. > ici et suivants).

ange du miracle de la neige

Leçons du bréviaire
pour le
deuxième nocturne des matines
de
la fête de la dédicace de la Basilique romaine
de
Sainte Marie aux Neiges

le 5 août :

Quatrième leçon :

   Sous le pontificat de Libère (1), le patricien romain Jean et sa noble épouse, n’ayant point d’enfants pour hériter de leurs biens, vouèrent leurs possessions à la très sainte Vierge Mère de Dieu, et ils lui demandèrent instamment, par des prières multipliées, de leur faire connaître, d’une manière ou d’une autre, à quelle œuvre pie elle voulait que ces richesses fussent employées. La bienheureuse Vierge Marie écouta favorablement des supplications et des vœux si sincères et y répondit par un miracle.

Cinquième leçon :

   Aux nones d’août, époque où les chaleurs sont très grandes à Rome, une partie du mont Esquilin fut couverte de neige pendant la nuit. Cette nuit même, tandis que Jean et son épouse dormaient, la Mère de Dieu les avertit séparément d’élever une église à l’endroit qu’ils verraient couvert de neige, et de dédier cette église sous le nom de la Vierge Marie ; c’est ainsi qu’elle voulait être instituée leur héritière. Jean rapporta la chose au Pontife Libère, qui affirma avoir eu la même vision pendant son sommeil.

Sixième leçon :

   En conséquence, Libère, accompagné de son clergé et de son peuple, vint, au chant des litanies, à la colline couverte de neige, et il y marqua l’emplacement de l’église, qui fut construite aux frais de Jean et de son épouse.
Sixte III restaura plus tard cette église (2). On la désigna d’abord sous divers noms : basilique de Libère, Sainte-Marie-de-la Crèche (3). Mais comme il existait déjà à Rome beaucoup d’églises consacrées à la sainte Vierge, on finit par l’appeler église de Sainte-Marie-Majeure, pour que, venant s’ajouter à la nouveauté du miracle et à l’importance de la basilique, cette qualification même de majeure la mît au-dessus de toutes les autres ayant le même vocable. L’anniversaire de la dédicace de cette église, rappelant la neige qui tomba miraculeusement en ce jour, est célébré solennellement chaque année.

Niccolò Soggi - Miracle de la neige 1520-24 -Musée diocésain d'Arezzo

Niccolò Soggi : le Miracle de la neige (1520-24)
[Musée diocésain d’Arezzo]

Notes :

(1) - Libère, pape de 352 à 366. La date communément admise aujourd’hui pour le miracle de la neige célébré en ce jour est celle du 5 août 358.
(2) - Saint Sixte III, pape de 432 à 440 (il est mentionné au martyrologe à la date du 19 août). La restauration et les embellissements qu’il fait entreprendre sur la basilique libérienne dédiée à la Sainte Mère de Dieu s’inscrivent dans la continuité du concile d’Ephèse (431). Les extraordinaires mosaïques que l’on admire aujourd’hui encore à l’arc triomphal de la basilique datent de son pontificat.
(3) - On n’a pas de certitude sur la date exacte à laquelle les reliques de la Crèche de Notre-Seigneur furent apportées à Rome et déposées dans l’oratoire de la crèche édifié à côté de la basilique. Pour de plus amples informations historiques, se reporter à l’article publié ici dans ce blogue Histoire de la dévotion à la Crèche.

miracle de la neige 5 août

2023-78. De la première apparition de la Très Sainte Mère de Dieu à Sainte Catherine Labouré à l’occasion de la fête de Saint Vincent de Paul le 19 juillet 1830.

19 juillet,
Fête de Saint Vincent de Paul (cf. > ici, > ici, > ici et encore > ici) ;
Anniversaire de la 1ère apparition de la Très Sainte Vierge Marie, rue du Bac à Paris.

Apparition 19 juillet 1830 1 - Copie

       Plusieurs éphémérides que j’ai consulté commettent l’erreur de placer la première apparition de la Très Sainte Vierge Marie dans la chapelle de la rue du Bac à Paris à la date du 18 juillet 1830.
Or il est très clair, dans le récit rédigé par Sainte Catherine Labouré elle-même, que cette apparition est en lien explicite avec la fête de Saint Vincent de Paul, célébrée le 19 juillet selon le calendrier liturgique traditionnel. La méconnaissance ou l’oubli des usages liturgiques traditionnels chez la plupart de nos contemporains, même ecclésiastiques, et même dits « tradis » (parce qu’ils ne connaissent que l’usage des rubriques promulguées par le pape Roncalli en 1960 et ignorent de fait les règles antérieures, ce qui fait – soit dit en passant – que même en célébrant la Sainte Messe et le bréviaire antérieurs au concile vaticandeux, ils pratiquent néanmoins une liturgie déjà bien marquée par la révolution liturgique qui avait déjà commencé depuis une dizaine d’années).
Résumons donc les faits.

   Le 18 juillet 1830 en fin d’après-midi, alors que les clercs tenus au bréviaire ont déjà récité les premières vêpres de la fête de Saint Vincent de Paul, lors de l’instruction qu’elle donne aux novices, dont fait partie Sœur Labouré, la sœur en charge du noviciat donne à chacune d’entre elles une relique : un fragment d’un surplis de Saint Vincent de Paul.
Lors de l’oraison du soir à la chapelle (habituellement à 17 h 30), Sœur Labouré, qui a déjà été gratifiée à plusieurs reprises de visions du cœur de Saint Vincent de Paul et même d’une vision de Notre-Seigneur Jésus-Christ Lui-même (nous renvoyons à ce qui a été publié > ici), dans sa candeur et sa pureté d’âme (car c’est bien de cela qu’il s’agit ici, tandis que dans la majorité des cas le désir de recevoir des grâces mystiques et de bénéficier d’apparitions est un effet de l’orgueil), mange cette petite relique du surplis de Saint Vincent de Paul en priant son Bienheureux Père de lui obtenir la grâce de voir la Sainte Vierge.
Cette pratique de consommer une relique pour demander une grâce par l’intercession du saint auquel elle a appartenu peut sembler bien étrange aux mentalités modernes, mais elle n’a pas « vexé » Saint Vincent de Paul : la suite en est la preuve.

Apparition 19 juillet 1830 Sœur Catherine et l'ange

   Au séminaire (ainsi appelle-t-on alors le noviciat) des Filles de la Charité, on se couche tôt. Les jeunes religieuses dorment toutes dans un grand dortoir, où chaque lit avec un petit espace personnel, est isolé par de grands rideaux de toile blanche.
Or il est environ 23 h 30 lorsque Catherine est réveillée par une toute petite voix enfantine qui lui dit : « Sœur Labouré ! Sœur Labouré, venez vite ! La Sainte Vierge vous attend à la chapelle ! »
Catherine ne doute pas. Elle a le cœur simple et pur. Elle a l’intuition que cet enfant, de la taille d’un petit d’environ 4 ans, vêtu de blanc est un ange qui a pris une apparence humaine ; son ange gardien. Confiante, alors que l’ange, pour préserver sa pudeur a refermé le rideau et l’attend derrière, Sœur Labouré se lève et s’habille : il est pourtant rigoureusement interdit aux novices de se lever et de se promener dans le couvent au milieu de la nuit. Mais la voix de l’ange-enfant, quoique fort douce et suave, n’autorisait pas autre chose que d’obtempérer. Promptement habillée, en faisant le moins de bruit possible afin de n’éveiller aucune autre novice, Catherine suit le petit être « portant des rayons de clarté partout où il passait », si bien qu’elle peut avancer sans heurter quoi que ce soit. Les portes s’ouvrent toutes seules à leur approche et se referment en silence après leur passage. Les couloirs sont éclairés. La chapelle aussi est éclairée, illuminée « comme pour la Messe de minuit », écrira Catherine, qui ne s’étonne de rien et s’avance jusqu’aux marches du sanctuaire où elle s’agenouille.
Intérieurement elle éprouve une espèce d’inquiétude : l’enfant n’a-t-il pas dit « la Sainte Vierge vous attend à la chapelle »… mais la Sainte Vierge n’est pas là. Et elle n’ose évidemment pas poser de question ! Elle attend donc. En silence.
Combien de temps attend-elle ? Dix minutes ? Un quart d’heure ? Elle ne saurait le dire précisément… son impatience lui fait forcément trouver que chaque minute s’écoule très lentement. Soudain Catherine entend, venant du côté de la tribune, « le frou-frou d’une robe de soie » et l’enfant-ange s’écrie d’une voix forte : « Voici la Sainte Vierge » !

   Il est environ minuit.
Nous sommes bien aux premières minutes du lundi 19 juillet 1830.

chapelle de la rue du bac vers le milieu du XXe siècle

Ancienne photographie « colorisée » montrant le sanctuaire de la chapelle dite « de la médaille miraculeuse »
avant les modifications liées à la réforme liturgique consécutive au concile vaticandeux.
Le tableau de Sainte Anne, au-dessous duquel était placé le fauteuil de « Monsieur le Directeur » – comme l’écrit Sainte Catherine Labouré -
c’est-à-dire du prêtre lazariste qui exerçait une forme de supériorat sur la communauté des Filles de la Charité,
était accroché du côté de l’Evangile, à l’endroit où se trouve ci-dessus la statue de Saint Joseph.

   La Très Sainte Vierge Marie arrive à l’entrée du sanctuaire, s’incline profondément dans une révérence en face du tabernacle (à cette époque-là les dames avec leurs amples robes ne faisaient pas la génuflexion mais adressaient une révérence profonde, comme à un souverain, à l’Hôte du tabernacle), et va, du côté de l’Evangile, s’assoir dans le fauteuil de « Monsieur le Directeur ».
Catherine ne fit qu’un bond et vint aussitôt se placer aux pieds de la Mère de Dieu, posant spontanément ses mains jointes sur ses genoux.

Apparition du 19 juillet 1830

   On lit souvent que la Très Sainte Vierge Marie a parlé pendant deux heures à Sœur Catherine : ce n’est pas tout à fait exact. Si l’entretien a commencé vers minuit, après le départ de la Mère de Dieu, Sœur Labouré, va devoir retourner, comme elle était venue, jusqu’à son dortoir, toujours conduite par son ange gardien, se déshabiller et se remettre au lit. Or elle précise bien que c’est lorsqu’elle a été recouchée qu’elle a entendu la pendule sonner deux heures du matin. Cela porte raisonnablement la durée de l’apparition entre une heure trente et une heure quarante-cinq.

   La Vierge Immaculée a commencé par dire à Catherine que Dieu lui confiait une mission, laquelle présenterait des difficultés, mais qu’elle recevrait les grâces pour surmonter tous les obstacles. Cette mission sera explicitée lors de la seconde apparition, le 27 novembre suivant, avec l’ordre de faire frapper la médaille qui lui sera alors montrée, et l’ordre de faire réaliser la statue de la « Vierge au globe » (voir > ici).
Mais il y a aussi des consignes concernant la congrégation qu’elle devra transmettre à ses Supérieures.
Voici de larges extraits du résumé que Sœur Catherine Labouré rédigera plus tard : 
« Mon enfant, le Bon Dieu veut vous charger d’une mission. Vous aurez bien de la peine, mais vous vous surmonterez en pensant que vous le faites pour la gloire du Bon Dieu... Vous connaîtrez ce qui est du Bon Dieu, vous en serez tourmentée, jusqu’à ce que vous l’ayez dit à celui qui est chargé de vous conduire, vous serez contredite. Mais vous aurez la grâce. Ne craignez pas, dites tout avec confiance et simplicité… »

L’entretien traite d’abord de la communauté : « Mon enfant, j’aime répandre mes grâces sur la communauté. Je l’aime heureusement. J’ai de la peine : il y a de grands abus, la règle n’est pas observée, la régularité laisse à désirer. Il y a un grand relâchement dans les deux communautés. Dites-le à celui qui est chargé de vous… » Et la Reine du Ciel descend dans les détails de la vie quotidienne pour corriger tout ce qui ne va pas ! C’est cela une vraie réforme qu’elle exige. Elle prophétise aussi que deux congrégations étrangères – les Sœurs de la Charité de Saint Joseph fondées en 1809 à Baltimore par Sainte Elisabeth-Anne Elisabeth Seton et les Sœurs de la Charité d’Autriche fondées par Léopoldine de Brandis – fusionneront avec les Filles de la Charité de Saint Vincent de Paul (ce qui s’accomplira vers 1850). La Vierge demande également la fondation des Enfants de Marie (ce qui adviendra en 1837)
En Mère pleine de sollicitude, la Vierge Marie donne également à Catherine des conseils sur la manière dont elle doit se conduire avec son confesseur : ce dernier l’avait en effet plutôt traitée avec rudesse lorsqu’elle lui avait précédemment parlé des apparitions du cœur de Saint Vincent de Paul et de la vision de Notre-Seigneur pendant la Messe de la fête de la Très Sainte Trinité…

Fauteuil que l'on pense être celui dans lequel la Sainte Vierge s'est assise

Fauteuil qui est très probablement celui dans lequel la Très Sainte Vierge Marie s’est assise
lors de l’apparition du 19 juillet 1830

     Enfin la Très Sainte Vierge en vint à parler de la France. Nous avons déjà rapporté ces paroles dans un précédent article consacré aux martyrs de la Commune (cf. > ici), mais il n’est pas inutile de les retranscrire à nouveau ici :
« Les temps sont très mauvais, des malheurs vont fondre sur la France : le trône sera renversé [ce qui adviendra dix jours plus tard], le monde entier sera renversé par des malheurs de toutes sortes (la Sainte Vierge avait l’air très peinée en disant cela, note Sœur Catherine). Mais venez au pied de cet autel, là les grâces seront répandues sur toutes les personnes qui les demanderont avec confiance et ferveur, elles seront répandues sur les grands et sur les petits… »

   Et la Sainte Vierge continue :
« Le moment viendra où le danger sera grand, on croira tout perdu, là je serai avec vous, ayez confiance, vous reconnaîtrez ma visite et la protection de Dieu et celle de Saint Vincent sur les deux communautés. Mais il n’en est pas de même des autres Communautés. Il y aura des victimes » (ici Sainte Catherine note : « La Sainte Vierge avait les larmes aux yeux »).
Il y aura bien des victimes, Monseigneur l’archevêque mourra. Mon enfant, la Croix sera méprisée, le sang coulera dans les rues (ici, note Sœur Catherine, la Sainte Vierge ne pouvait presque plus parler, tant sa peine était grande). Mon enfant, me dit-elle, le monde entier sera dans la tristesse. A ces mots, je pensai : quand est‑ce que ce sera ? J’ai très bien compris : quarante ans. » 

   Voici donc un résumé, assez complet toutefois, de cette première apparition de la Très Sainte Vierge Marie dans la chapelle de la rue du Bac, à Paris.
On peut affirmer que, hors ce qui concerne les congrégations fondées par Saint Vincent de Paul, une grande partie des paroles de la Mère de Dieu ont une portée « politique » puisqu’elles annoncent les troubles sociaux et les révolutions qui vont se produire à partir de ce mois de juillet 1830 jusqu’au printemps 1870.
Mais on ne peut évidemment pas faire autrement que de remarquer la sollicitude particulière de la Reine du Ciel pour la famille vincentienne, et cela explique en quelque sorte pourquoi elle développe toutes les observations qu’elle a à faire à leur sujet au jour précis de la fête liturgique de Saint Vincent de Paul.

   Lorsqu’elle fait quelque chose, la Vierge Marie ne laisse rien au hasard, jusque dans des détails particulièrement précis et significatifs.

Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur

Groupe statuaire de l'apparition du 19 juillet 1830

Prières à Notre-Dame Auxiliatrice :

24 mai,
Fête de Marie Auxiliatrice (cf. > ici et > ici) ;
Anniversaire du début des massacres des religieux otages de la Commune (cf. > ici).

Tableau de Marie Auxiliatrice - Turin

Célèbre tableau de Marie Auxiliatrice
dans la basilique du même nom édifiée par Saint Jean Bosco à Turin

Prière de Saint Jean Bosco à Marie Auxiliatrice :

       O Marie, Vierge puissante, vous êtes la grande et illustre protectrice de l’Église ; vous êtes l’aide merveilleuse des chrétiens ; vous êtes terrible comme une armée en ligne de bataille.
Vous qui seule avez détruit toutes les hérésies dans le monde entier, protégez-nous dans notre détresse, dans notre lutte et dans notre défense difficile contre l’ennemi ; et, à l’heure de notre mort, accueillez nos âmes au Paradis.

Ainsi soit-il.

Monogramme Marie 2

Autre prière à Notre-Dame Auxiliatrice :

       Très Sainte Vierge Marie, Notre-Dame Auxiliatrice, nous nous présentons aujourd’hui devant vous pour demander votre puissante intercession.

Nous vous demandons de nous protéger de tout mal et de nous défendre des attaques du malin.
Nous vous demandons de nous donner le courage et la force de défendre notre foi en Jésus-Christ, même face à la persécution et à l’adversité.
Nous vous demandons de nous guider dans notre vie quotidienne et de nous aider à toujours vivre selon la volonté de Dieu.
Nous vous demandons de prier pour nous et d’intercéder pour nous auprès de votre Fils, Notre-Seigneur Jésus-Christ.

   O Marie, Notre-Dame Auxiliatrice, nous nous confions à vos soins affectueux.
Nous vous demandons de nous aider à être de fidèles disciples de votre Fils et de nous conduire à la vie éternelle avec Lui dans les cieux.

Ainsi soit-il.

 Marie Auxiliatrice - statue

Statue de Notre-Dame Auxiliatrice

2023-63 : Le 8 mai nous célébrons la fête de Marie Médiatrice de toutes grâces : « Personne ne la vaut pour unir les hommes à Jésus ».

8 mai,
Fête de Marie Médiatrice de toutes grâces ;
Mémoire de l’apparition de Saint Michel archange au Mont Gargan ;
Anniversaire de la délivrance d’Orléans par Sainte Jeanne d’Arc (cf. > ici).

       Le 12 janvier 1921, le Saint Siège accorda à la Belgique, ainsi qu’à tous les diocèses et Congrégations religieuses qui en feraient la demande la fête de Marie Médiatrice de toutes grâces à la date du 31 mai.
Cependant, en 1954, l’institution de la fête de Marie Reine à cette même date (cf. > ici) par le Pape Pie XII, entraîna pour les diocèses qui célébraient justement ce jour-là la fête de Marie Médiatrice un changement de calendrier.

Dans ce diocèse de Viviers où nous sommes établis, et dans d’autres diocèses aussi, la fête de Marie Médiatrice de toutes grâces fut alors fixée au 8 mai.
La réforme du calendrier et des rubriques voulue par Jean XXIII – second du nom -, en 1960, l’a maintenue à cette date dans cette partie du Missel où l’on trouve les fêtes  « pro aliquibus locis », c’est-à-dire propres à certains lieux.

   La doctrine de la médiation de la Très Sainte Vierge Marie appartient à l’enseignement traditionnel de l’Eglise depuis la plus haute antiquité, mais, bien sûr, sa compréhension et son explicitation se sont développées avec les siècles.
A l’occasion de cette fête, nous vous invitons à lire ou relire l’encyclique de Saint Pie X, datée du 2 février 1904. Certes, cette encyclique ne traite que de manière indirecte de cette médiation universelle de Notre-Dame, puisque son objet premier était l’indiction d’un jubilé pour célébrer le cinquantième anniversaire de la proclamation du dogme de la Conception immaculée de la Très Sainte Vierge, néanmoins dans le cours de ce texte, se trouvent des formulations non équivoques de cette croyance traditionnelle, dont on espère qu’un jour elle sera élevée au rang de dogme.

Colmars-les-Alpes - Marie Médiatrice de toutes grâces

Tableau représentant la médiation universelle de la Très Sainte Vierge Marie
dans l’église de Colmars-les-Alpes (diocèse de Digne)

Monogramme Marie 2

Lettre encyclique « ad diem illum »
du 2 février 1904

A nos vénérables frères les patriarches, primats, archevêques, évêques
et autres ordinaires en paix et en communion avec le siège apostolique
Pie X, pape,
salut et bénédiction apostolique

Le cinquantième anniversaire de la définition de l’Immaculée Conception

   Le cours du temps nous ramènera dans peu de mois à ce jour d’incomparable allégresse où, entouré d’une magnifique couronne de cardinaux et d’évêques – il y a de cela cinquante ans -, Notre prédécesseur Pie IX, pontife de sainte mémoire, déclara et proclama de révélation divine, par l’autorité du magistère apostolique, que Marie a été, dès le premier instant de sa conception, totalement exempte de la tache originelle. Proclamation dont nul n’ignore qu’elle fut accueillie par tous les fidèles de l’univers d’un tel cœur, avec de tels transports de joie et d’enthousiasme, qu’il n’y eut jamais, de mémoire d’homme, manifestation de piété soit à l’égard de l’auguste Mère de Dieu, soit envers le Vicaire de Jésus-Christ, ni si grandiose, ni si unanime.

   Aujourd’hui, vénérables frères, bien qu’à la distance d’un demi-siècle, ne pouvons-nous espérer que le souvenir ravivé de la Vierge Immaculée provoque en nos âmes comme un écho de ces saintes allégresses et renouvelle les spectacles magnifiques de foi et d’amour envers l’auguste Mère de Dieu, qui se contemplèrent en ce passé déjà lointain ? Ce qui Nous le fait désirer ardemment, c’est un sentiment, que Nous avons toujours nourri en Notre cœur, de piété envers la bienheureuse Vierge aussi bien que de gratitude profonde pour ses bienfaits. Ce qui, d’ailleurs, Nous en donne l’assurance, c’est le zèle des catholiques, perpétuellement en éveil et qui va au-devant de tout nouvel honneur, de tout nouveau témoignage d’amour à rendre à la sublime Vierge. Cependant, Nous ne voulons pas dissimuler qu’une chose avive grandement en Nous ce désir : c’est qu’il Nous semble, à en croire un secret pressentiment de votre âme, que Nous pouvons nous promettre pour un avenir peu éloigné l’accomplissement des hautes espérances, et assurément non téméraires, que fit concevoir à notre prédécesseur Pie IX et à tout l’épiscopat catholique la définition solennelle du dogme de l’Immaculée Conception de Marie.

Bienfaits de la définition de 1854

   Ces espérances, à la vérité, il en est peu qui ne se lamentent de ne les avoir point vues jusqu’ici se réaliser, et qui n’empruntent à Jérémie cette parole : Nous avons attendu la paix, et ce bien n’est pas venu : le temps de la guérison, et voici la terreur (Jer. VIII, 15). Mais ne faut-il pas taxer de peu de foi des hommes qui négligent ainsi de pénétrer ou de considérer sous leur vrai jour les œuvres de Dieu ? Qui pourrait compter, en effet, qui pourrait supputer les trésors secrets de grâces que, durant tout ce temps, Dieu a versés dans son Église à la prière de la Vierge ? Et, laissant même cela, que dire de ce concile du Vatican, si admirable d’opportunité ? et de la définition de l’infaillibilité pontificale, formule si bien à point à l’encontre des erreurs qui allaient sitôt surgir ? et de cet élan de piété, enfin, chose nouvelle et véritablement inouïe, qui fait affluer, depuis longtemps déjà, aux pieds du Vicaire de Jésus-Christ, pour le vénérer face à face, les fidèles de toute langue et de tout climat ? Et n’est-ce pas un admirable effet de la divine Providence que nos deux prédécesseurs, Pie IX et Léon XIII, aient pu, en des temps si troublés, gouverner saintement l’Église, dans des conditions de durée qui n’avaient été accordées à aucun autre pontificat ? A quoi il faut ajouter que Pie IX n’avait pas plus tôt déclaré de croyance catholique la conception sans tache de Marie que, dans la ville de Lourdes, s’inauguraient de merveilleuses manifestations de la Vierge, et ce fut, on le sait, l’origine de ces temples élevés en l’honneur de l’Immaculée Mère de Dieu, ouvrages de haute magnificence et d’immense travail, où des prodiges quotidiens, dus à son intercession, fournissent de splendides arguments pour confondre l’incrédulité moderne. – Tant et de si insignes bienfaits accordés par Dieu sur les pieuses sollicitations de Marie, durant les cinquante années qui vont finir, ne doivent-ils pas nous faire espérer le salut pour un temps plus prochain que nous ne l’avions cru ? Aussi bien est-ce comme une loi de la Providence divine, l’expérience nous l’apprend, que des dernières extrémités du mal à la délivrance il n’y a jamais bien loin. Son temps est près de venir, et ses jours ne sont pas loin. Car le Seigneur prendra Jacob en pitié, et en Israël encore il aura son élu (Is. XIV, 1). C’est donc avec une entière confiance que nous pouvons attendre nous-mêmes de nous écrier sous peu : Le Seigneur a brisé la verge des impies. La terre est dans la paix et le silence ; elle s’est réjouie et elle a exulté (Is. XIV, 5 et 7).

   Mais, si le cinquantième anniversaire de l’acte pontifical par lequel fut déclarée sans souillure la conception de Marie, doit provoquer au sein du peuple chrétien d’enthousiastes élans, la raison en est surtout dans une nécessité qu’ont exposée Nos précédentes Lettres encycliques, Nous voulons dire de tout restaurer en Jésus-Christ. Car, qui ne tient pour établi qu’il n’est route ni plus sûre ni plus facile que Marie par où les hommes puissent arriver jusqu’à Jésus-Christ, et obtenir, moyennant Jésus-Christ, cette parfaite adoption des fils, qui fait saint et sans tache sous le regard de Dieu ?

Marie, fondement de notre foi

   Certes, s’il a été dit avec vérité à la Vierge : Bienheureuse qui avez cru, car les choses s’accompliront qui vous ont été dites par le Seigneur (Luc I, 45), savoir qu’elle concevrait et enfanterait le Fils de Dieu ; si, conséquemment, elle a accueilli dans son sein celui qui par nature est Vérité, de façon que, engendré dans un nouvel ordre et par une nouvelle naissance …, invisible en lui-même, il se rendît visible dans notre chair (S. Léon le Grand, Serm. 2 de Nativ. Domini, c. II) ; du moment que le Fils de Dieu est l’auteur et le consommateur de notre foi (Hébr. XII, 2), il est de toute nécessité que Marie soit dite participante des divins mystères et en quelque sorte leur gardienne, et que sur elle aussi, comme sur le plus noble fondement après Jésus-Christ, repose la foi de tous les siècles.

   Comment en serait-il autrement ? Dieu n’eût-il pu, par une autre voie que Marie, nous octroyer le réparateur de l’humanité et le fondateur de la foi ? Mais, puisqu’il a plu à l’éternelle Providence que l’Homme-Dieu nous fût donné par la Vierge, et puisque celle-ci, l’ayant eu de la féconde vertu du divin Esprit, l’a porté en réalité dans son sein, que reste-t-il si ce n’est que nous recevions Jésus des mains de Marie ?

   Aussi, voyons-nous que dans les Saintes Écritures, partout où est prophétisée la grâce qui doit nous advenir (1 Pierre I, 10), partout aussi, ou peu s’en faut, le Sauveur des hommes y apparaît en compagnie de sa sainte Mère. Il sortira, l’Agneau dominateur de la terre, mais de la pierre du désert ; elle montera, la fleur, mais de la tige de Jessé. A voir, dans l’avenir, Marie écraser la tête du serpent, Adam contient les larmes que la malédiction arrachait à son cœur. Marie occupe la pensée de Noé dans les flancs de l’arche libératrice ; d’Abraham, empêché d’immoler son fils ; de Jacob, contemplant l’échelle où montent et d’où descendent les anges ; de Moïse, en admiration devant le buisson qui brûle sans se consumer ; de David, chantant et sautant en conduisant l’arche divine ; d’Elie, apercevant la petite nuée qui monte de la mer. Et, sans nous étendre davantage, nous trouvons en Marie, après Jésus, la fin de la loi, la vérité des images et des oracles.

Elle nous fait connaître Jésus.

   Qu’il appartienne à la Vierge, surtout à elle, de conduire à la connaissance de Jésus, c’est de quoi l’on ne peut douter, si l’on considère, entre autres choses, que, seule au monde, elle a eu avec lui, dans une communauté de toit et dans une familiarité intime de trente années, ces relations étroites qui sont de mise entre une mère et son fils. Les admirables mystères de la naissance et de l’enfance de Jésus, ceux notamment qui se rapportent à son incarnation, principe et fondement de notre foi, à qui ont-ils été plus amplement dévoilés qu’à sa Mère ? Elle conservait et repassait dans son cœur (Luc II, 19) ce qu’elle avait vu de ses actes à Bethléem, ce qu’elle en avait vu à Jérusalem dans le temple ; mais initiée encore à ses conseils et aux desseins secrets de sa volonté, elle a vécu, doit-on dire, la vie même de son Fils. Non, personne au monde comme elle n’a connu à fond Jésus ; personne n’est meilleur maître et meilleur guide pour faire connaître Jésus.

   Il suit de là, et Nous l’avons déjà insinué, que personne ne la vaut, non plus, pour unir les hommes à Jésus. Si, en effet, selon la doctrine du divin Maître, la vie éternelle consiste à vous connaître, vous qui êtes le seul vrai Dieu, et celui que vous avez envoyé, Jésus-Christ (Jean XVII, 3) : comme nous parvenons par Marie à la connaissance de Jésus-Christ, par elle aussi, il nous est plus facile d’acquérir la vie dont il est le principe et la source.

Elle est la Mère des membres du Christ.

   Et maintenant, pour peu que nous considérions combien de motifs et combien pressants invitent cette Mère très sainte à nous donner largement de l’abondance de ces trésors, quels surcroîts n’y puisera pas notre espérance !

   Marie n’est-elle pas la Mère de Dieu ? Elle est donc aussi notre Mère.

   Car un principe à poser, c’est que Jésus, Verbe fait chair, est en même temps le Sauveur du genre humain. Or, en temps que Dieu-Homme, il a un corps comme les autres hommes ; en tant que Rédempteur de notre race, un corps spirituel, ou, comme on dit, mystique, qui n’est autre que la société des chrétiens liés à lui par la foi. Nombreux comme nous sommes, nous faisons un seul corps en Jésus-Christ (Rom. XII, 5). Or, la Vierge n’a pas seulement conçu le Fils de Dieu afin que, recevant d’elle la nature humaine, il devint homme ; mais afin qu’il devînt encore, moyennant cette nature reçue d’elle, le Sauveur des hommes. Ce qui explique la parole des anges aux bergers : Un Sauveur vous est né, qui est le Christ, le Seigneur (Luc II, 11).

   Aussi, dans le chaste sein de la Vierge, où Jésus a pris une chair mortelle, là même il s’est adjoint un corps spirituel formé de tous ceux qui devaient croire en lui : et l’on peut dire que, tenant Jésus dans son sein, Marie y portait encore tous ceux dont la vie du Sauveur renfermait la vie.

   Nous tous donc, qui, unis au Christ, sommes, comme parle l’Apôtre, les membres de son corps issus de sa chair et de ses os (Ephes. V, 30), nous devons nous dire originaires du sein de la Vierge, d’où nous sortîmes un jour à l’instar d’un corps attaché à sa tête.

   C’est pour cela que nous sommes appelés, en un sens spirituel, à la vérité, et tout mystique, les fils de Marie, et qu’elle est, de son côté, notre Mère à tous. Mère selon l’esprit, Mère véritable néanmoins des membres de Jésus-Christ, que nous sommes nous-mêmes (S. Aug., Lib. de S. Virginitate, c. VI). Si donc la bienheureuse Vierge est tout à la fois Mère de Dieu et des hommes, qui peut douter qu’elle ne s’emploie de toutes ses forces, auprès de son Fils, tête du corps de l’Église (Coloss. I, 18), afin qu’il répande sur nous qui sommes ses membres les dons de sa grâce, celui notamment de la connaître et de vivre par lui (1 Jean IV, 9) ?

   Mais il n’est pas seulement à la louange de la Vierge qu’elle a fourni la matière de sa chair au Fils unique de Dieu, devant naître avec des membres humains (S. Bède le Vénérable., l. IV, in Luc. XI), et qu’elle a ainsi préparé une victime pour le salut des hommes ; sa mission fut encore de la garder, cette victime, de la nourrir et de la présenter au jour voulu, à l’autel.

   Aussi, entre Marie et Jésus, perpétuelle société de vie et de souffrance, qui fait qu’on peut leur appliquer à égal titre cette parole du Prophète : Ma vie s’est consumée dans la douleur et mes années dans les gémissements (Ps. XXX, 11). Et quand vint pour Jésus l’heure suprême, on vit la Vierge debout auprès de la croix, saisie sans doute par l’horreur du spectacle, heureuse pourtant de ce que son Fils s’immolait pour le salut du genre humain, et, d’ailleurs, participant tellement à ses douleurs que de prendre sur elle les tourments qu’il endurait lui eût paru, si la chose eût été possible, infiniment préférable (S. Bonav., I Sent., d. 48, ad Litt., dub. 4).

   La conséquence de cette communauté de sentiments et de souffrances entre Marie et Jésus, c’est que Marie mérita très légitimement de devenir la réparatrice de l’humanité déchue (Eadmer, De Excellentia Virg. Mariæ, c. IX), et, partant, la dispensatrice de tous les trésors que Jésus nous a acquis par sa mort et par son sang.

   Certes, l’on ne peut dire que la dispensation de ces trésors ne soit un droit propre et particulier de Jésus-Christ, car ils sont le fruit exclusif de sa mort, et lui-même est, de par sa nature, le médiateur de Dieu et des hommes.

   Toutefois, en raison de cette société de douleurs et d’angoisses, déjà mentionnée, entre la Mère et le Fils a été donné à cette auguste Vierge d’être auprès de son Fils unique la très puissante médiatrice et avocate du monde entier (Pie IX, in Bull. Ineffabilis).

   La source est donc Jésus Christ : de la plénitude de qui nous avons tout reçu (Jean I, 16) ; par qui tout le corps, lié et rendu compact moyennant les jointures de communication, prend les accroissements propres au corps et s’édifie dans la charité (Ephes. IV, 16). Mais Marie, comme le remarque justement saint Bernard, est l’aqueduc (Serm. de temp.in Nativ. B. V.,  » De Aquæductu « , n. 4) ; ou, si l’on veut, cette partie médiane qui a pour propre de rattacher le corps à la tête et de transmettre au corps les influences et efficacités de la tête, Nous voulons dire le cou. Oui, dit saint Bernardin de Sienne, elle est le cou de notre chef, moyennant lequel celui-ci communique à son corps mystique tous les dons spirituels (S. Bernardin de Sienne, Quadrag. de Evangelio æterno, Serm. X, a. III, c.3). Il s’en faut donc grandement, on le voit, que Nous attribuions à la Mère de Dieu une vertu productrice de la grâce, vertu qui est de Dieu seul. Néanmoins, parce que Marie l’emporte sur tous en sainteté et en union avec Jésus-Christ et qu’elle a été associée par Jésus-Christ à l’œuvre de la rédemption, elle nous mérite de congruo, comme disent les théologiens, ce que Jésus-Christ nous a mérité de condigno, et elle est le ministre suprême de la dispensation des grâcesLui, Jésus, siège à la droite de la majesté divine dans la sublimité des cieux (Hebr. I, 3). Elle, Marie, se tient à la droite de son Fils ; refuge si assuré et secours si fidèle contre tous les dangers, que l’on n’a rien à craindre, à désespérer de rien sous sa conduite, sous ses auspices, sous son patronage, sous sa protection (Pie IX, in Bull. Ineffabilis).

   Ces principes posés, et pour revenir à notre dessein, qui ne reconnaîtra que c’est à juste titre que Nous avons affirmé de Marie que, compagne assidue de Jésus, de la maison de Nazareth au plateau du Calvaire, initiée plus que toute autre aux secrets de son cœur, dispensatrice, comme de droit maternel, des trésors de ses mérites, elle est, pour toutes ces causes, d’un secours très certain et très efficace pour arriver à la connaissance et à l’amour de Jésus-Christ ? Ces hommes, hélas ! nous en fournissent dans leur conduite une preuve trop péremptoire qui, séduits par les artifices du démon ou trompés par de fausses doctrines, croient pouvoir se passer du secours de la Vierge. Infortunés, qui négligent Marie sous prétexte d’honneur à rendre à Jésus-Christ ! Comme si l’on pouvait trouver l’Enfant autrement qu’avec la Mère !

La vraie dévotion : la conversion du cœur

   S’il en est ainsi, Vénérables Frères, c’est à ce but que doivent surtout viser toutes les solennités qui se préparent partout en l’honneur de la Sainte et Immaculée Conception de Marie. Nul hommage, en effet, ne lui est plus agréable, nul ne lui est plus doux, que si nous connaissons et aimons véritablement Jésus-Christ. Que les foules emplissent donc les temples, qu’il se célèbre des fêtes pompeuses, qu’il y ait des réjouissances publiques : ce sont choses éminemment propres à raviver la foi. Mais nous n’aurons là, s’il ne s’y ajoute les sentiments du cœur, que pure forme, que simples apparences de piété. A ce spectacle, la Vierge, empruntant les paroles de Jésus-Christ, nous adressera ce juste reproche : Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi (Matth. XV, 8).

   Car enfin, pour être de bon aloi, le culte de la Mère de Dieu doit jaillir du cœur ; les actes du corps n’ont ici utilité ni valeur s’ils sont isolés des actes de l’âme. Or, ceux-ci ne peuvent se rapporter qu’à un seul objet, qui est que nous observions pleinement ce que le divin Fils de Marie commande. Car, si l’amour véritable est celui-là seul qui a la vertu d’unir les volontés, il est de toute nécessité que nous ayons cette même volonté avec Marie de servir Jésus Notre-Seigneur. La recommandation que fit cette Vierge très prudente aux serviteurs des noces de Cana, elle nous l’adresse à nous-mêmes : Faites tout ce qu’il vous dira (Jean II, 5). Or, voici la parole de Jésus-Christ : Si vous voulez entrer dans la vie, observez les commandements (Matth. XIX, 17).

   Que chacun se persuade donc bien de cette vérité que, si sa piété à l’égard de la bienheureuse Vierge ne le retient pas de pécher ou ne lui inspire pas la volonté d’amender une vie coupable, c’est là une piété fallacieuse et mensongère, dépourvue qu’elle est de son effet propre et de son fruit naturel.

La sainteté divine exigeait l’Immaculée Conception

   Que si quelqu’un désire à ces choses une confirmation, il est facile de la trouver dans le dogme même de la Conception Immaculée de Marie. Car, pour omettre la tradition, source de vérité aussi bien que la Sainte Écriture, comment cette persuasion de l’Immaculée Conception de la Vierge a-t-elle paru de tout temps si conforme au sens catholique, qu’on a pu la tenir comme incorporée et comme innée à l’âme des fidèles ? Nous avons en horreur de dire de cette femme – c’est la réponse de Denys le Chartreux – que, devant écraser un jour la tête du serpent, elle ait jamais été écrasée par lui, et que, mère de Dieu, elle ait jamais été fille du démon (III Sent., d. II, q. 1). Non, l’intelligence chrétienne ne pouvait se faire à cette idée que la chair du Christ, sainte, sans tache et innocente, eût pris origine au sein de Marie, d’une chair ayant jamais, ne fût-ce que pour un rapide instant, contracté quelque souillure. Et pourquoi cela, si ce n’est qu’une opposition infinie sépare Dieu du péché ? C’est là, sans contredit, l’origine de cette conviction commune à tous les chrétiens, que Jésus-Christ avant même que, revêtu de la nature humaine, il nous lavât de nos péchés dans son sang (cf. Apoc. VII, 14), dut accorder à Marie cette grâce et ce privilège spécial d’être préservée et exempte, dès le premier instant de sa conception, de toute contagion de la tache originelle.

   Si donc Dieu a en telle horreur le péché que d’avoir voulu affranchir la future Mère de son Fils non seulement de ces taches qui se contractent volontairement, mais, par une faveur spéciale et en prévision des mérites de Jésus-Christ, de cette autre encore dont une sorte de funeste héritage nous transmet à nous tous, les enfants d’Adam, la triste marque, qui peut douter que ce ne soit un devoir pour quiconque prétend à gagner par ses hommages le cœur de Marie, de corriger ce qu’il peut y avoir en lui d’habitudes vicieuses et dépravées, et de dompter les passions qui l’incitent au mal ?

La dévotion mène à l’imitation des vertus de Marie

   Quiconque veut, en outre, – et qui ne doit le vouloir ? – que sa dévotion envers la Vierge soit digne d’elle et parfaite, doit aller plus loin, et tendre, par tous les efforts, à l’imitation de ses exemples. C’est une loi divine, en effet, que ceux-là seuls obtiennent l’éternelle béatitude qui se trouvent avoir reproduit en eux, par une fidèle imitation, la forme de la patience et de la sainteté de Jésus-Christ : car ceux qu’il a connus dans sa prescience, il les a prédestinés pour être conformes à l’image de son Fils, afin que celui-ci soit l’aîné entre plusieurs frères (Rom. VIII, 29). Mais telle est généralement notre infirmité, que la sublimité de cet exemplaire aisément nous décourage. Aussi a-ce été, de la part de Dieu, une attention toute providentielle, que de nous en proposer un autre aussi rapproché de Jésus-Christ qu’il est permis à l’humaine nature, et néanmoins merveilleusement accommodé à notre faiblesse. C’est la Mère de Dieu, et nul autre. Telle fut Marie, dit à ce sujet saint Ambroise, que sa vie, à elle seule, est pour tous un enseignement. D’où il conclut avec beaucoup de justesse : Ayez donc sous vos yeux, dépeintes comme dans une image, la virginité et la vie de la bienheureuse Vierge, laquelle réfléchit, ainsi qu’un miroir, l’éclat de la pureté et la forme même de la vertu (De Virginib., l. II, c. II).

   Or, s’il convient à des fils de ne laisser aucune des vertus de cette Mère très sainte sans l’imiter, toutefois désirons-Nous que les fidèles s’appliquent de préférence aux principales et qui sont comme les nerfs et les jointures de la vie chrétienne, Nous voulons dire la foi, l’espérance et la charité à l’égard de Dieu et du prochain. Vertus dont la vie de Marie porte, dans toutes ses phases, la rayonnante empreinte, mais qui atteignirent à leur plus haut degré de splendeur dans le temps qu’elle assista son Fils mourant. – Jésus est cloué à la croix, et on lui reproche, en le maudissant, de s’être fait le Fils de Dieu (Jean XIX, 7). Marie, elle, avec une indéfectible constance, reconnaît et adore en lui la divinité. Elle l’ensevelit après sa mort, mais sans douter un seul instant de sa résurrection. Quant à la charité dont elle brille pour Dieu, cette vertu va jusqu’à la rendre participante des tourments de Jésus-Christ et l’associée de sa Passion ; avec lui, d’ailleurs, et comme arrachée au sentiment de sa propre douleur, elle implore pardon pour les bourreaux, malgré ce cri de leur haine : Que son sang soit sur nous et sur nos enfants (Matth. XXVII, 25).

L’Immaculée Conception, rempart de la foi

   Mais, afin que l’on ne croie pas que Nous ayons perdu de vue Notre sujet, qui est le mystère de l’Immaculée Conception, que de secours efficaces n’y trouve-t-on pas, et dans leur propre source, pour conserver ces mêmes vertus et les pratiquer comme il convient !

   D’où partent, en réalité, les ennemis de la religion pour semer tant et de si graves erreurs, dont la foi d’un si grand nombre se trouve ébranlée ? Ils commencent par nier la chute primitive de l’homme et sa déchéance. Pures fables, donc, que la tache originelle et tous les maux qui en ont été la suite : les sources de l’humanité viciées, viciant à leur tour toute la race humaine ; conséquemment, le mal introduit parmi les hommes, et entraînant la nécessité d’un rédempteur. Tout cela rejeté, il est aisé de comprendre qu’il ne reste plus de place ni au Christ, ni à l’Église, ni à la grâce, ni à quoi que ce soit qui passe la nature. C’est l’édifice de la foi renversé de fond en comble. – Or, que les peuples croient et qu’ils professent que la Vierge Marie a été, dès le premier instant de sa conception, préservée de toute souillure : dès lors, il est nécessaire qu’ils admettent, et la faute originelle, et la réhabilitation de l’humanité par Jésus-Christ, et l’Évangile et l’Église, et enfin la loi de la souffrance : en vertu de quoi tout ce qu’il y a de rationalisme et de matérialisme au monde est arraché par la racine et détruit, et il reste cette gloire à la sagesse chrétienne d’avoir conservé et défendu la vérité.

   De plus, c’est une perversité commune aux ennemis de la foi, surtout à notre époque, de répudier, et de proclamer qu’il les faut répudier, tout respect et toute obéissance à l’égard de l’autorité de l’Église, voire même de tout pouvoir humain, dans la pensée qu’il leur sera plus facile ensuite de venir à bout de la foi. C’est ici l’origine de l’anarchisme, doctrine la plus nuisible et la plus pernicieuse qui soit à toute espèce d’ordre, naturel et surnaturel.

   Or, une telle peste, également fatale à la société et au nom chrétien, trouve sa ruine dans le dogme de l’Immaculée Conception de Marie, par l’obligation qu’il impose de reconnaître à l’Église un pouvoir, devant lequel non seulement la volonté ait à plier, mais encore l’esprit. Car c’est par l’effet d’une soumission de ce genre que le peuple chrétien adresse cette louange à la Vierge : Vous êtes toute belle, ô Marie, et la tache originelle n’est point en vous (Alléluia de la messe de l’Immaculée Conception).

   Et par là se trouve justifié une fois de plus ce que l’Église affirme d’elle, que, seule, elle a exterminé les hérésies dans le monde entier.

   Que si la foi, comme dit l’Apôtre, n’est pas autre chose que le fondement des choses à espérer (Hebr. XI, 1), on conviendra aisément que par le fait que l’Immaculée Conception de Marie confirme notre foi, par là aussi elle ravive en nous l’espérance. D’autant plus que si la Vierge a été affranchie de la tache originelle, c’est parce qu’elle devait être la Mère du Christ : or, elle fut Mère du Christ afin que nos âmes pussent revivre à l’espérance des biens éternels.

   Et maintenant, pour omettre ici la charité à l’égard de Dieu, qui ne trouverait dans la contemplation de la Vierge immaculée un stimulant à garder religieusement le précepte de Jésus-Christ, celui qu’il a déclaré sien par excellence, savoir que nous nous aimions les uns les autres, comme il nous a aimés ?

Marie veille sur l’Eglise

   Un grand signe – c’est en ces termes que l’apôtre saint Jean décrit une vision divine – un grand signe est apparu dans le ciel : une femme, revêtue du soleil, ayant sous ses pieds la lune, et, autour de sa tête, une couronne de douze étoiles (Apoc. XII, 1). Or, nul n’ignore que cette femme signifie la Vierge Marie, qui, sans atteinte pour son intégrité, engendra notre Chef. Et l’Apôtre de poursuivre : Ayant un fruit en son sein, l’enfantement lui arrachait de grands cris et lui causait de cruelles douleurs (Apoc. XII, 2). Saint Jean vit donc la très sainte Mère de Dieu au sein de l’éternelle béatitude et toutefois en travail d’un mystérieux enfantement. Quel enfantement ? Le nôtre assurément, à nous qui, retenus encore dans cet exil, avons besoin d’être engendrés au parfait amour de Dieu et à l’éternelle félicité. Quant aux douleurs de l’enfantement, elles marquent l’ardeur et l’amour avec lesquels Marie veille sur nous du haut du ciel, et travaille, par d’infatigables prières, à porter à sa plénitude le nombre des élus.

   C’est notre désir que tous les fidèles s’appliquent à acquérir cette vertu de charité, et profitent surtout pour cela des fêtes extraordinaires qui vont se célébrer en l’honneur de la Conception immaculée de Marie.

   Avec quelle rage, avec quelle frénésie n’attaque-t-on pas aujourd’hui Jésus-Christ et la religion qu’il a fondée ! Quel danger donc pour un grand nombre, danger actuel et pressant, de se laisser entraîner aux envahissements de l’erreur et de perdre la foi ! C’est pourquoi que celui qui pense être debout prenne garde de tomber (1 Cor. X, 12). Mais que tous aussi adressent à Dieu, avec l’appui de la Vierge, d’humbles et instantes prières, afin qu’il ramène au chemin de la vérité ceux qui ont eu le malheur de s’en écarter. Car Nous savons d’expérience que la prière qui jaillit de la charité et qui s’appuie sur l’intercession de Marie n’a jamais été vaine.

   Assurément, il n’y a pas à attendre que les attaques contre l’Église cessent jamais : car il est nécessaire que des hérésies se produisent, afin que les âmes de foi éprouvée soient manifestées parmi vous (1 Cor. XI, 19). Mais la Vierge ne laissera pas, de son côté, de nous soutenir dans nos épreuves, si dures soient-elles, et de poursuivre la lutte qu’elle a engagée dès sa conception, en sorte que quotidiennement nous pourrons répéter cette parole : Aujourd’hui a été brisée par elle la tête de l’antique serpent (Off. Imm. Conc. Aux II Vêpres à Magnif.).

Indiction du jubilé

   Et afin que les trésors des grâces célestes, plus largement ouverts que d’ordinaire, nous aident à joindre l’imitation de la Bienheureuse Vierge aux hommages que nous lui rendrons, plus solennels, durant toute cette année ; et afin que nous arrivions plus facilement ainsi à tout restaurer en Jésus-Christ, conformément à l’exemple de Nos prédécesseurs au début de leur pontificat, nous avons résolu d’accorder à tout l’univers une indulgence extraordinaire, sous forme de jubilé.

   C’est pourquoi, Nous appuyant sur la miséricorde du Dieu tout-puissant et sur l’autorité des bienheureux apôtres, Pierre et Paul ; au nom de ce pouvoir de lier et de délier qui Nous a été confié, malgré notre indignité : à tous et à chacun des fidèles de l’un et de l’autre sexe, résidant dans cette ville de Rome, ou s’y trouvant de passage, qui auront visité trois fois les quatre basiliques patriarcales, à partir du Ier dimanche de la Quadragésime, 21 février, jusqu’au 2 juin inclusivement, jour où se célèbre la solennité du Très Saint-Sacrement, et qui, pendant un certain temps, auront pieusement prié pour la liberté et l’exaltation de l’Église catholique et du Siège apostolique, pour l’extirpation des hérésies et la conversion des pécheurs, pour la concorde de tous les princes chrétiens, pour la paix et l’unité de tout le peuple fidèle, et selon nos intentions ; qui auront, durant la période indiquée, et hors des jours non compris dans l’indult quadragésimal, jeûné une fois, ne faisant usage que d’aliments maigres ; qui, ayant confessé leurs péchés, auront reçu le sacrement de l’Eucharistie ; de même, à tous les autres, de tout pays, résidant hors de Rome, qui, durant la période susdite, ou dans le cours de trois mois, à déterminer exactement par l’Ordinaire, et même non continus, s’il le juge bon pour la commodité des fidèles, et en tout cas avant le 8 décembre, auront visité trois fois l’église cathédrale, ou, à son défaut l’église paroissiale, ou, à son défaut encore, la principale église du lieu, et qui auront dévotement accompli les autres œuvres ci-dessus indiquées, Nous concédons et accordons l’indulgence plénière de tous leurs péchés ; permettant aussi que cette indulgence, gagnable une seule fois, puisse être appliquée, par manière de suffrage, aux âmes qui ont quitté cette vie en grâce avec Dieu.

   Nous accordons en outre que les voyageurs de terre et de mer, en accomplissant, dès leur retour à leur domicile, les œuvres marquées plus haut, puissent gagner la même indulgence.

   Aux confesseurs approuvés de fait par leurs propres Ordinaires, Nous donnons la faculté de commuer en d’autres œuvres de piété celles prescrites par Nous, et ce, en faveur des Réguliers de l’un et de l’autre sexe et de toutes les autres personnes, quelles qu’elles soient, qui ne pourraient accomplir ces dernières, avec faculté aussi de dispenser de la communion ceux des enfants qui n’auraient pas encore été admis à la recevoir.

   De plus, à tous et à chacun des fidèles, tant laïques qu’ecclésiastiques, soit réguliers, soit séculiers, de quelque Ordre ou Institut que ce soit, y inclus ceux qui demandent une mention spéciale, Nous accordons la permission de se choisir, pour l’effet dont il s’agit, un prêtre quelconque, tant régulier que séculier, entre les prêtres effectivement approuvés (et de cette faculté pourront user encore les religieuses, les novices et autres personnes habitant les monastères cloîtrés, pourvu que le confesseur, dans ce cas, soit approuvé pour les religieuses), lequel prêtre, les personnes susdites se présentant à lui, pendant la période marquée, et lui faisant leur confession avec l’intention de gagner l’indulgence du jubilé et d’accomplir les autres œuvres qui y sont requises, pourra, pour cette fois seulement et uniquement au for de la conscience, les absoudre de toute excommunication, suspense et autres sentences et censures ecclésiastiques, portées et infligées pour quelque cause que ce soit, par la loi ou par le juge, même dans les cas réservés d’une manière spéciale, qu’ils le soient à n’importe qui, fût-ce au Souverain Pontife et au Siège apostolique, ainsi que de tous les péchés ou délits réservés aux Ordinaires et à Nous-même et au Siège apostolique, non toutefois sans avoir enjoint au préalable une pénitence salutaire et tout ce que le droit prescrit qu’il soit enjoint, et s’il s’agit d’hérésie, sans l’abjuration et la rétractation des erreurs exigée par le droit ; de commuer, en outre, toute espèce de vœux, même émis sous serment et réserves au Siège apostolique (exception faite de ceux de chasteté, d’entrée en religion, ou emportant une obligation acceptée par un tiers), de commuer ces vœux, disons-Nous, en d’autres œuvres pieuses et salutaires, et s’il s’agit de pénitents constitués dans les ordres, et même réguliers, de les dispenser de toute irrégularité contraire à l’exercice de l’ordre ou à l’avancement à quelque ordre supérieur, mais contractée seulement pour violation de censure.

   Nous n’entendons pas, d’ailleurs, par les présentes, dispenser des autres irrégularités, quelles qu’elles soient et contractées de quelque façon que ce soit, ou par délit ou par défaut, soit publique, soit occulte, ou par chose infamante, ou par quelque autre incapacité ou inhabilité ; comme Nous ne voulons pas non plus déroger à la Constitution promulguée par Benoît XIV, d’heureuse mémoire, laquelle débute par ces mots : Sacramentum pœnitentiæ, avec les déclarations y annexées ; ni enfin que les présentes puissent ou doivent être d’aucune espèce d’utilité à ceux que Nous-même et le Siège apostolique, ou quelque prélat ou juge ecclésiastique aurait nommément excommuniés, suspendus, interdits ou déclarés sous le coup d’autres sentences ou censures, ou qui auraient été publiquement dénoncés, à moins qu’ils n’aient donné satisfaction, durant la période susdite, et qu’ils ne se soient accordés, s’il y avait lieu, avec les parties.

   A quoi il Nous plaît d’ajouter que Nous voulons et accordons que, même durant tout ce temps du jubilé, chacun garde intégralement le privilège de gagner, sans en excepter les plénières, toutes les indulgences accordées par Nous ou par nos prédécesseurs.

« L’arc-en-ciel »

   Nous mettons fin à ces lettres, vénérables frères, en exprimant à nouveau la grande espérance que Nous avons au cœur, qui est que, moyennant les grâces extraordinaires de ce jubilé, accordé par Nous sous les auspices de la Vierge Immaculée, beaucoup qui se sont misérablement séparés de Jésus-Christ reviendront à lui, et que refleurira, dans le peuple chrétien, l’amour des vertus et l’ardeur de la piété. Il y a cinquante ans, quand Pie IX, Notre prédécesseur, déclara que la Conception Immaculée de la bienheureuse Mère de Jésus-Christ devait être tenue de foi catholique, on vit, Nous l’avons rappelé, une abondance incroyable de grâces se répandre sur la terre, et un accroissement d’espérance en la Vierge amener partout un progrès considérable dans l’antique religion des peuples. Qu’est-ce donc qui Nous empêche d’attendre quelque chose de mieux encore pour l’avenir ? Certes, Nous traversons une époque funeste, et Nous avons le droit de pousser cette plainte du Prophète : Il n’est plus de vérité, il n’est plus de miséricorde, il n’est plus de science sur la terre. La malédiction et le mensonge et l’homicide et le vol et l’adultère débordent partout (Os. IV, 1-2). Cependant, du milieu de ce qu’on peut appeler un déluge de maux, l’œil contemple, semblable à un arc-en-ciel, la Vierge très clémente, arbitre de paix entre Dieu et les hommes. Je placerai un arc dans la nue et il sera un signe d’alliance entre moi et la terre (Gen. IX, 13). Que la tempête se déchaîne donc, et qu’une nuit épaisse enveloppe le ciel : nul ne doit trembler. La vue de Marie apaisera Dieu et il pardonnera. L’arc-en-ciel sera dans la nue, et à le voir je me souviendrai du pacte éternel (Gen. IX, 16). Et il n’y aura plus de déluge pour engloutir toute chair (Ib., 15). Nul doute que si Nous Nous confions, comme il convient, en Marie, surtout dans le temps que nous célébrerons avec une plus ardente piété son Immaculée Conception, nul doute, disons-Nous, que Nous ne sentions qu’elle est toujours cette Vierge très puissante qui, de son pied virginal, a brisé la tête du serpent (Off. Imm. Conc. B. V. M.).

   Comme gage de ces grâces, vénérables Frères, Nous vous accordons dans le Seigneur, avec toute l’effusion de votre cœur, à vous et à vos peuples, la bénédiction apostolique.

Donné à Rome, auprès de Saint-Pierre, le 2 février 1904, de notre Pontificat la première année

Pie X, Pape

armoiries Saint Pie X

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