9 juillet,
Dans l’Ordre de Saint Augustin, fête des Prodiges de la Bienheureuse Vierge Marie (cf. > ici) ;
Mémoire de Saint Jean Lenaerts d’Oosterwijk, chanoine régulier et de ses 18 compagnons, martyrs de Gorcum ;
Au couvent de Picpus, à Paris, la fête de Notre-Dame de Paix (cf. > ici).
Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,
Chaque 14 juillet, avec le Cercle Légitimiste du Vivarais, Frère Maximilien-Marie tient à organiser une « journée de mémoire », résolument et pleinement contrerévolutionnaire, d’autant que cette date correspond chez nous à l’anniversaire du massacre d’une dizaine d’ecclésiastiques, le 14 juillet 1792, à la suite de la terreur instituée par les patriotes dans le sud du Vivarais et le nord de l’Uzège, après l’échec du soulèvement dirigé par le comte de Saillans (cf. > ici).
En guise de préparation de cette horrible journée du 14 juillet, qui symbolise en quelque sorte à elle seule toutes les horreurs politiques et spirituelles de la révolution, et à l’occasion de laquelle il convient donc de redoubler de ferveur réparatrice (cf. > ici), je voudrais vous emmener, à travers un modeste article, en pèlerinage jusqu’à une humble et touchante chapelle placée sous le vocable de Notre-Dame de la Délivrance, et édifiée en action de grâces pour la protection dont la Très Sainte Mère de Dieu a entouré deux prêtres réfractaires pendant la persécution révolutionnaire.
La dite chapelle est sise au hameau de Chapias, sur le territoire de la commune de Labeaume (07120 – site de la commune > ici). Le 14 juillet 2012, les membres du Cercle Légitimiste du Vivarais s’y sont rendus en pèlerinage…
Le hameau de Chapias dans la garrigue
Au centre du hameau de Chapias, on arrive sur une petite place ombragée qui sert de parvis à une chapelle de dimensions respectables.
En face de la porte d’entrée, au centre de la placette, a été érigée une croix de mission.
La chapelle, comme toutes les maisons du hameau, est construite avec les pierres calcaires dont la garrigue environnante n’est pas avare. Au dessus de la porte d’entrée, sur le linteau, est gravée la date de 1814.
Au XIXème siècle, et jusqu’au milieu du XXème siècle, ce hameau, qui était assez peuplé et à une distance assez importante du chef-lieu, fut même érigé en paroisse indépendante, avec un curé résident : un presbytère est attenant à l’église.
La chapelle de Chapias.
Gravissant les trois marches du perron, nous pouvons entrer dans la chapelle.
Aussitôt, nous pouvons constater avec plaisir que les fureurs iconoclastes qui, sous le fallacieux prétexte de l’aggiornamento - dans les années consécutives au second concile du Vatican – , ont dépouillé nos églises pour en faire des copies de sinistres temples huguenots, n’ont eu ici qu’une action limitée.
A Chapias, on peut seulement déplorer la disparition de la table de communion au niveau des degrés qui marquent la séparation entre le sanctuaire et la nef et l’ajout, tout à fait inutile, d’une espèce de meuble sans goût ni grâce – il a l’élégance d’une verrue! – pour servir, plus encore que d’autel face au peuple, d’impitoyable témoin à charge contre le mauvais goût et le manque de solide formation liturgique d’une part importante du clergé.
Cela mis à part, on ne peut que se réjouir de voir que toutes les statues, les stations du chemin de Croix, les ex-votos, les tableaux des saints, les autels de marbre recouverts de nappes et parés de chandeliers sont tous en place, comme attendant la véritable restauration d’un authentique culte catholique…
Dans la lumière doucement tamisée par les vitraux, la sérénité du lieu vous imprègne.
Intérieur de la chapelle de Chapias.
Frère Maximilien-Marie a été particulièrement sensible au fait que notre glorieux Père Saint Augustin est représenté par l’un des vitraux du sanctuaire, et aussi que, en outre, il s’y trouve un beau tableau représentant Saint François de Sales :
Mais surtout, dès le moment où le visiteur entre, son œil est attiré par le grand tableau qui est accroché au fond du sanctuaire, bien au centre :
Le vœu des abbés Sévenier
Examinons ce tableau plus en détail :
Aux pieds d’une Vierge assise, tenant en sa main droite un sceptre fleurdelisé, portant sur ses genoux un Enfant Jésus qui bénit de la main droite tandis que de la gauche il s’enveloppe dans le manteau protecteur de sa mère, deux ecclésiastiques sont à genoux.
Celui de gauche, comme en témoigne sa chevelure blanche, est plus âgé. Leur attitude à tous deux et leurs regards montrent qu’ils prient, qu’ils se recommandent avec ferveur (il y a même une nuance d’inquiétude sur leurs visages) à l’intercession de Notre-Dame.
Le geste de bénédiction de l’Enfant Jésus, la tête tendrement inclinée de la Madone et le sourire qu’on lit sur ses lèvres laissent entendre que la requête des deux prêtres est agréée, que leur prière est exaucée.
Sur la droite du tableau, en haut de la montée d’escalier, ont été figurés des soldats (ou des gardes nationaux) les armes à la main, effectuant une perquisition.
Ces deux prêtres sont les deux abbés Sévenier.
Le plus âgé – né en 1733 – était en 1789 curé-prieur de la petite ville de Valgorge, dans les Cévennes vivaroises. Le plus jeune – il était né en 1760 – était le neveu et le vicaire du premier.
L’un comme l’autre refusèrent le serment schismatique à la constitution civile du clergé et devinrent donc des réfractaires, c’est-à-dire de dangereux hors-la-loi aux yeux des révolutionnaires : s’ils ne faisaient pas le choix de l’exil volontaire, ils étaient passibles de la déportation ou de la mort.
Dans un premier temps, ils se cachèrent chez certains de leurs paroissiens, et continuèrent à exercer leur ministère clandestinement. Mais le danger grandissant auquel ils exposaient ceux-là même qui les protégeaient les détermina à quitter le territoire de leur paroisse et à se retirer dans leur famille, au hameau de Chapias.
La famille Sévenier possédait une propriété relativement importante et devait faire appel à de la main d’oeuvre extérieure.
Les deux abbés – en habits civils – pouvaient donc se faire passer pour des domestiques, mais il fallut rapidement multiplier les mesures de discrétion pour que des employés à la langue trop bien pendue (et ce d’autant plus que des récompenses étaient promises aux délateurs) ne divulgassent point des informations susceptibles de mettre les deux prêtres et leur famille en danger.
Chapias : la « maison Sévenier » où les abbés se cachaient dans leur famille :
ci-dessus, dans son état actuel ;
ci-dessous, sur une photographie de la première moitié du XXème siècle.
Un jour, la garde nationale pénétra à l’improviste dans la maison alors que Madame Sévenier était auprès du feu avec son neveu, le plus jeune des prêtres ; elle eut alors la promptitude d’esprit de lui tendre un sac en lui disant sur le ton avec lequel on s’adresse à un domestique : « Prends ton goûter et va garder le troupeau ! » Les soldats laissèrent partir le « berger » ne se doutant pas de son identité et leur perquisition s’avéra, bien évidemment, infructueuse.
Une autre fois, les soldats vinrent en pleine nuit : à peine eurent-ils commencé de tambouriner à la porte que Madame Sévenier fit entrer les abbés dans une cache aménagée derrière une armoire, puis elle vida un seau d’eau sur le sol et alla se coucher dans le lit précédemment occupé par les prêtres. Pendant ce temps, Monsieur Sévenier, à la porte, avait un peu retardé l’entrée des révolutionnaires : ils fouillèrent la maison sans rien trouver, car – à cause du sol mouillé – ils ne mirent pas les genoux à terre pour se pencher et regarder sous l’armoire, se contentant d’y faire passer la baïonnette d’un fusil : cette fois encore la famille Sévenier avait eu chaud !
Les alentours de Chapias sont hérissés de rochers calcaires aux formes bizarres et la garrigue est un enchevêtrement d’arbustes méditerranéens, de haies épineuses, de sentiers tortueux, de petits clos entourés de murailles de pierres sèches, au milieu desquels il est bien malaisé à quelqu’un qui n’en est pas familier de ne pas se perdre.
En raison de la surveillance toujours plus suspicieuse et des perquisitions, il fut donc convenu que les deux abbés se réfugieraient pendant la journée à l’intérieur de l’un de ces gros rochers, situé à quelque 400 mètres de la maison : en effet, la Providence a fait que ce rocher est creux!
Depuis lors cette cachette naturelle est restée dans la mémoire collective comme « le rocher des curés » et sur le cliché ci-dessous vous apercevez sur l’avant (à hauteur de visage d’homme, car ce rocher mesure près de 4m de hauteur) une ouverture allongée par laquelle on pouvait faire passer de la nourriture aux deux réfractaires.
Le « rocher des curés »
Sur le cliché suivant, c’est le filleul de Frère Maximilien-Marie (il était alors âgé de 10 ans) qui est assis, à l’arrière du rocher, à l’endroit où se situe, à ras de terre, le passage étroit à travers lequel il faut ramper pour entrer dans la cachette.
L’entrée de la cache :
ci-dessus, lorsqu’on se trouve à l’extérieur ;
et ci-dessous lorsqu’on doit ramper pour y pénétrer (on aperçoit les chevilles du garçonnet déjà à l’intérieur).
Si un enfant de dix ans peut s’y faufiler sans problème, notre Frère – qui n’a ni la même souplesse ni la même circonférence (!!!) – a eu un peu plus de mal pour s’y faufiler et, lui qui n’aime pas les espaces étroits et confinés, n’a pas eu l’envie de demeurer très longtemps dans ce rocher, qui fut cependant sanctifié par les longues heures de prière et de véritable pénitence des deux abbés Sévenier.
Voici un cliché pris lorsqu’on est accroupi à l’intérieur de la cachette et qui montre la seule chose que l’on peut voir en levant la tête : le ciel à travers les branches…
Lorsque Frère Maximilien-Marie m’a montré cette photo, j’ai pensé que lorsqu’on est en butte à un monde hostile, nous n’avons plus qu’à lever les yeux et à crier vers le Ciel…
C’est ce que firent nos bons abbés : redoublant de confiance et de ferveur, ils se mirent sous la protection très spéciale de la Très Sainte Vierge et firent le vœu de lui bâtir une chapelle, s’ils sortaient saufs de la persécution révolutionnaire.
Cette scène, outre le tableau sus-cité, est sculptée en bas-relief sur le maître-autel de la chapelle :
Le vœu des abbés Sévenier, bas-relief du maître-autel de la chapelle.
Le 28 septembre 1798, le plus âgé des abbés, alors qu’il se dégourdissait un peu les jambes en dehors de la cache, se trouva nez à nez avec un révolutionnaire qui le fit prisonnier : emmené d’abord à Joyeuse, il fut transféré à Privas le 2 octobre, puis enfin à Orange où il devait comparaître devant le tribunal révolutionnaire.
Mais Notre-Dame de la Délivrance veillait : la révolution s’épuisait et le procès traîna en longueur… Des négociations eurent lieu et le vieil abbé fut libéré en échange de 1400 livres !
Il revint à Chapias.
Peu à peu les prêtres réfractaires pouvaient sortir de la clandestinité et reprendre leur ministère sans rien craindre : sitôt le concordat signé, les deux abbés Sévenier reprirent leurs postes à Valgorge.
Ils n’oublièrent pas leur promesse et, dès que ce fut possible, ils s’acquittèrent de la construction de la chapelle qu’ils avaient promise à la Madone.
Elle fut achevée en 1814, année du décès du plus âgé des deux prêtres.
Elle fut agrandie à deux reprises par la suite, et le plus jeune des abbés Sévenier en fut officiellement nommé chapelain, fonction qu’il exerça jusqu’à sa mort, en 1841.
Il fut inhumé aux pieds de Notre-Dame de la Délivrance.
Tombe du plus jeune des abbés Sévenier dans la chapelle.
Dès que la chapelle fut ouverte au culte, un véritable pèlerinage se développa : les fidèles des paroisses alentours vinrent de plus en plus nombreux se confier à la Très Sainte Vierge Marie, solliciter son intercession dans leurs nécessités spirituelles et temporelles, et la remercier lorsqu’ils étaient exaucés.
Cela rendit nécessaire la présence à temps plein d’un prêtre pour accueillir les pèlerins, diriger les exercices de dévotions, célébrer la Sainte Messe et administrer le sacrement de pénitence… De là, dans un premier temps, la nomination de l’abbé Pierre Sévenier comme chapelain, puis, dans la seconde partie du XIXème siècle, l’érection du hameau en paroisse, comme je l’ai signalé plus haut.
En 1884, à quelques centaines de mètres du hameau, sur une petite éminence de ce plateau calcaire (à 252 m. d’altitude, pour être précis), fut construite une tour crénelée de 12 mètres de haut, au sommet de laquelle fut placée une statue de pierre représentant la Vierge, couronnée, portant le Saint Enfant Jésus sur son bras gauche.
En ces temps de grande foi populaire, la tour devint le but vers lequel se rendaient les processions qui se faisaient à l’extérieur à l’occasion de toutes les grandes fêtes mariales.
Chapias : la tour de la Vierge à l’extérieur du hameau.
Frère Maximilien-Marie et ses amis s’y sont bien évidemment rendus et en ont fait l’ascension (du sommet on découvre, à 360°, un somptueux panorama) ; son filleul a même compté les marches : il y en a 53, comme le nombre des « Ave, Maria » d’un chapelet.
Au dessus de la porte d’entrée, le linteau porte gravé le monogramme de Marie, accompagné de cette inscription : 12 octobre 1884 – Notre-Dame du Très Saint Rosaire, priez pour nous.
Voilà donc, chers Amis, la présentation et l’histoire du sanctuaire de Notre-Dame de la Délivrance, au hameau de Chapias, en notre bas Vivarais, et j’espère qu’elles vous ont touchés autant que j’en fus ému lorsque notre Frère m’en a fait le récit.
Je ne veux pas terminer ma publication de ce jour sans vous avoir invités à prier Notre-Dame de la Délivrance avec beaucoup de confiance et d’amour, en contemplant la statue qui la représente dans le transept droit de la chapelle.
Lully.
Statue de N.D. de la Délivrance dans la chapelle de Chapias
O très Sainte Vierge Marie,
dont Jésus a fait notre Mère dans l’ordre de la grâce,
convaincu qu’une Mère est capable de tout
pour délivrer son enfant du mal et du danger,
je me présente devant Vous :
Notre-Dame de la Délivrance,
délivrez, si cela est possible, mon corps de toute atteinte de la maladie ;
délivrez-moi surtout des atteintes de ce mal suprême qu’est le péché ;
délivrez-moi de tout ce qui m’est un obstacle
pour vivre pleinement en enfant de Dieu !
Délivrez aussi, je Vous en supplie,
mon esprit de toute forme d’erreur, de mensonge et de mauvais jugement ;
délivrez enfin mon coeur de toute affection désordonnée,
de toute forme d’égoïsme, de jalousie, de rancune,
d’amertume et d’orgueil !
De même que Vous avez autrefois protégé ces bons prêtres
qui se confièrent à Vous au temps de la persécution,
daignez aujourd’hui tendre une oreille favorable
aux supplications que je fais monter vers Vous ;
daignez regarder favorablement les intentions dont mon coeur est rempli (…)
et Vous faire mon Ambassadrice devant le trône de la Très Sainte Trinité !
Ainsi soit-il.
(prière composée par Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur)