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2010-39. Où, à l’occasion de l’anniversaire de la bataille de Castelfidardo, on évoque la création du bataillon des Zouaves Pontificaux.

Samedi 18 septembre 2010.

       Vous vous souvenez peut-être qu’au mois d’avril de cette année 2010 Frère Maximilien-Marie s’est rendu en pèlerinage à Rome et dans les Marches avec l’association des descendants des Zouaves Pontificaux à l’occasion du 150ème anniversaire de la bataille de Castelfidardo (vous pouvez en retrouver le compte-rendu ici). Ce pèlerinage a en effet permis à tous les participants  de revenir sur les lieux où se sont illustrés ceux qui avaient généreusement mis leurs personnes au service de la défense des Etats de l’Eglise et qui se sont vaillamment battus pour défendre l’indépendance du Saint Siège.

   C’est aujourd’hui, 18 septembre, l’anniversaire exact de cette fameuse bataille de Castelfidardo. Aussi vais-je en profiter pour résumer ici cette grande page d’histoire et pour vous rappeler ce que furent les Zouaves Pontificaux.

Lully.               

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I . Les Etats de l’Eglise.

   Les Etats de l’Eglise, appelés aussi Patrimoine de Saint-Pierre ou Etats Pontificaux, ont été créés en 756 par une donation de Pépin le Bref au Pape Etienne II, afin d’assurer l’indépendance spirituelle du Pontife Romain qui, étant désormais lui-même souverain indépendant, ne se trouverait plus soumis à la tutelle d’un souverain laïc.

   Les Etats Pontificaux ont été, jusqu’en 1870, l’un des plus anciens Etats souverains d’Europe.
Ils ont connus diverses vicissitudes au cours des siècles, jusqu’à être supprimés pendant quelques années en raison des invasions françaises au moment de la révolution et du remodelage de l’Europe par Napoléon. Rétablis par le Congrès de Vienne, ils occupaient en 1860 une grande partie de l’Italie centrale, soit à peu près le territoire des actuelles provinces du Latium, de l’Ombrie, des Marches et de la Romagne. La ville de Rome en était la capitale. Les Etats de l’Eglise avaient deux grandes entrées maritimes : Civita Vecchia sur la Méditerranée et Ancône sur l’Adriatique.

Les Etats de l'Eglise en 1860

L’Italie en 1860 : en bleu les Etats de l’Eglise.

II . La révolution romaine de 1848 et les évènements jusqu’en 1860.

   Elu Pape en 1846, le Bienheureux Pie IX (1792-1878) eut à faire face en 1848 à une révolution libérale et républicaine dirigée par Giuseppe Mazzini (1805-1872), fondateur du mouvement révolutionnaire « Jeune Italie », et par Giuseppe Garibaldi (1807-1882). Le Souverain Pontife avait alors dû s’enfuir de Rome, où la République avait été proclamée. Il s’était réfugié à Gaëte, dans le Royaume de Naples. Quelques mois plus tard, il avait été rétabli dans ses droits et dans sa souveraineté grâce à une intervention militaire franco-autrichienne : le corps expéditionnaire français, sous les ordres du Général Oudinot, avait débarqué à Civita Vecchia et les troupes autrichiennes avaient occupé la Romagne.

le Bx Pie IX à son avènement

Le Bienheureux Pie IX à son avènement (1846).

   Le Pape Pie IX avait été rétabli sur son trône,  mais les Etats de l’Eglise restaient néanmoins menacés.

   En effet, au Nord, Victor-Emmanuel II, roi du Piémont, voulait faire l’unité de l’Italie sous le sceptre de la Maison de Savoie et se servait de Garibaldi, qui voulait lui aussi réaliser l’unité italienne mais sous une version républicaine.

   Victor-Emmanuel II voulait dans un premier temps conquérir la Lombardie, qui était sous domination autrichienne, puis annexer les Duchés de Toscane, de Parme et de Modène. Il avait pour cela besoin de l’appui de Napoléon III contre l’Autriche, et il avait promis en échange au chef d’état français la cession de la Savoie et du Comté de Nice. En mai et juin 1859, les armées piémontaises et françaises remportèrent sur les Autrichiens, les batailles de Magenta et de Solférino qui permirent à Victor Emmanuel II d’annexer au royaume de Piémont non seulement la Lombardie, les Duchés de Toscane, de Parme et de Modène mais aussi la Romagne qui appartenait aux Etats de l’Eglise. 

   Ainsi donc tout en soutenant officiellement le pouvoir temporel du Pape par la présence de troupes françaises à Rome, Napoléon III – dont on connait les liens à cette branche de la maçonnerie italienne qui se nomme le carbonarisme – faisait aussi le jeu de la Maison de Savoie contre le Souverain Pontife. On voit bien ici la vérité des paroles que la Sainte Vierge, en apparaissant à La Salette, avait dites à Mélanie : « Qu’il (Pie IX) se méfie de Napoléon : son cœur est double… »
Le rattachement à la France de la Savoie et du Comté de Nice fut la récompense d’un double jeu et d’une trahison !

III . Le début de l’année 1860.

   De son côté, Garibaldi avait débarqué en Sicile avec ses « chemises rouges » en avril 1860. Passant de la Sicile au Royaume de Naples et multipliant les actes de pillage et de terrorisme, il conquit en quelques mois tout le sud de la péninsule, contraignant le roi de Naples, François II de Bourbon et son épouse Marie-Sophie (sœur de la célèbre Sissi) à se réfugier à Rome.

Le Roi François II de Bourbon

François II de Bourbon, dernier roi de Naples.

   Le Corps Expéditionnaire français du Général Oudinot avait bien pour mission de défendre le Souverain Pontife contre des menées intérieures et extérieures hostiles, mais il n’était en réalité et avant la lettre qu’une sorte de « FORPRONU« , s’interposant entre les troupes piémontaises et les troupes pontificales et s’efforçant d’éviter tout affrontement entre elles.
Le double jeu diplomatique de Napoléon III les empêchait en effet d’effectuer des opérations militaires défensives ou offensives classiques.

   A la suite de l’annexion de la Romagne par Victor Emmanuel II, le Cardinal Antonelli, Secrétaire d’Etat (Ministre des Affaires Etrangères) de Pie IX avait fait appel aux gouvernements de l’Europe catholique pour défendre militairement le Patrimoine de Saint Pierre, mais en vain.

   Monseigneur François-Xavier de Mérode, alors pro-ministre des armées des Etats Pontificaux, décida donc d’assurer seul, sans alliés, la défense de la souveraineté temporelle du Saint Père.

Monseigneur de Mérode

Monseigneur de Mérode.

IV . Monseigneur de Mérode.

   Frédéric François-Xavier de Mérode était né à Bruxelles le 26 mars 1820, fils puîné du Comte Félix de Mérode, d’antique noblesse belge, et de Rosalie de Grammont, de vieille noblesse française.

   Après des études au collège des jésuites de Namur puis au collège de Juilly, près de Paris, où il s’était plus distingué par les farces qu’il faisait à ses professeurs et à ses surveillants que par ses succès scolaires, il entra à l’école militaire de Bruxelles en 1839. Il en sortit sous-lieutenant d’infanterie deux ans plus tard. D’abord affecté à Mons puis à Liège au régiment des grenadiers, il se lassa vite de la vie de garnison : il sollicita donc et obtint du roi Léopold Ier l’autorisation de participer à la conquête de l’Algérie avec l’armée française. A cette époque où l’armée belge commençait tout juste à s’organiser, après l’indépendance, conquise contre le royaume de Hollande, il n’était pas rare que certains de ses officiers allassent s’entraîner sous des drapeaux étrangers : en 1840, seize officiers belges avaient déjà précédé le sous-lieutenant de Mérode en servant de l’autre côté de la Méditerranée dans les troupes françaises.

   Attaché, en août 1844, à l’état major particulier du Maréchal Bugeaud, il souhaita aussitôt participer directement aux combats et prit part à une expédition dirigée par le Général de Saint-Arnaud contre les Kabyles, peu après la bataille d’Isly. Il se distingua au cours de cette campagne et le Maréchal Bugeaud le signala pour sa bravoure : le roi Louis-Philippe lui décerna alors la Croix de la Légion d’Honneur. C’était le 27 novembre 1844, soit quatre mois seulement après son départ de Belgique. L’année 1845 le vit participer à une expédition sur la frontière algéro-marocaine contre la tribu des Flittas puis à une campagne contre les Chaouïas dans les Aurès. Il brilla notamment aux combats d’Aydoussa où il eut son uniforme percé de plusieurs balles. Entre temps le roi des Belges l’avait promu au grade de lieutenant.

   Rentré à Bruxelles après dix huit mois de séjour en Afrique (janvier 1846), le lieutenant François-Xavier de Mérode, dont la vocation religieuse était latente bien avant son entrée à l’école militaire, se rendit à Rome. C’est de là  que, le 30 novembre 1847, il envoya sa lettre de démission. Léopold Ier le libéra de ses obligations le 23 décembre après l’avoir promu au grade de capitaine en second.

   Entré au séminaire au début de l’année 1848, il reçut la tonsure le 17 septembre de la même année et les deux premiers ordres mineurs le 23 du même mois. Ainsi qu’il a été dit plus haut, les Etats Pontificaux étaient alors aux prises avec la révolution mazzinienne et garibaldienne, et l’abbé de Mérode se montra « un vrai soldat sous la soutane« . Ordonné diacre le 7 avril 1849, il n’hésita pas à reprendre des habits civils pour braver la fureur des insurgés romains et pour servir la cause de l’Eglise en protégeant couvents et vases sacrés des pillages des révolutionnaires.
Sa détermination ne l’empêchait pas d’être charitable : il soigna de nombreux blessés ennemis, s’attirant même les félicitations de Garibaldi!

   Après l’entrée des troupes du corps expéditionnaire français dans Rome, François-Xavier de Mérode, fut ordonné prêtre le 22 septembre 1849. Il fut aussitôt nommé aumônier militaire, à Rome puis à Viterbe. Il retrouva ainsi dans le corps expéditionnaire français certains de ses anciens compagnons de sa campagne d’Afrique, très étonnés de reconnaître sous l’habit ecclésiastique le brillant officier belge qui avait été l’un des leurs quelques années plus tôt !

   Alors qu’il s’apprêtait à rejoindre son diocèse belge, le 12 avril 1850, il fut attaché au Vatican comme camérier secret du Sa Sainteté et, neuf ans plus tard, nommé à la tête des armées pontificales ainsi qu’à la direction du département de la guerre du Saint-Siège.

   Doté d’un profond sens politique, Monseigneur de Mérode avait compris que les Etats de l’Eglise, qui avaient jusqu’alors été l’objet de la bienveillance des vieilles nations chrétiennes, avaient dorénavant l’opinion publique de l’Europe contre eux. Ayant des relations en France, il démasqua très tôt le double jeu diplomatique de Napoléon III et fit admettre au Souverain Pontife que la protection du corps expéditionnaire français n’était qu’illusoire ; ce faisant il s’attira les foudres de la diplomatie du second empire et même de ses anciens compagnons d’armes d’Afrique.

   Pour Monseigneur François-Xavier de Mérode, le Patrimoine de Saint Pierre aurait bientôt à se défendre militairement et, pour sa défense, il ne pourrait plus compter que sur lui-même !

V . L’organisation de l’armée pontificale.

   L’armée pontificale que Monseigneur de Mérode trouva en prenant ses fonctions était dans un état affligeant. Elle comptait moins de 10.000 hommes, mal entraînés, mal encadrés, mal équipés : les fusils dataient de l’époque napoléonienne, les canons  étaient obsolètes… etc.
Depuis 1797, date du traité de Tolentino, les troupes du Saint-Siège n’avaient tiré que quelques rares coups de fusil et encore seulement dans des actes de police contre les fameux brigands romains. L’ancien arsenal du Vatican n’était plus qu’un musée. Les espions piémontais et garibaldiens avaient relevé que l’unique arsenal où se trouvaient les munitions était librement accessible l’après midi, parce que le gardien faisait une longue sieste !!!

   Le directeur du département de la guerre du Saint-Siège, avec l’accord du Pape, fit alors appel à l’un de ses parents éloignés, qu’il avait connu en Algérie : le Général Christophe Louis Léon Juchault de La Moricière. Il le supplia de l’aider à réorganiser et commander les troupes pontificales. Héros du siège de Constantine et ancien Colonel des Zouaves, La Moricière se trouvait alors en exil à Bruxelles parce qu’il s’était opposé au coup d’état du 2 décembre 1851.

La Moricière met son épée au service de Pie IX

Le Général de La Moricière mettant son épée au service de Pie IX.

   Fervent catholique, le Général de La Moricière accepta avec enthousiasme et arriva à Rome le 1er avril 1860. Il commença un rude travail de reprise en main des troupes pontificales mais, jugeant que les effectifs dont il disposait seraient certainement insuffisants en cas de conflit, il lança, conjointement avec Monseigneur de Mérode, un appel solennel aux catholiques de toute l’Europe – et du monde entier – pour venir défendre les Etats de l’Eglise.
Des comités de recrutement et de financement se formèrent rapidement, en premier lieu en Belgique et en France, et, en quelques mois, avec les 300 premiers volontaires arrivés à Rome, le Général de La Moricière put constituer un bataillon « franco-belge » dont le commandement fut confié au Général-marquis Georges de Pimodan et au Commandant Louis de Becdelièvre (promu lieutenant-colonel après Castelfidardo).

Georges de Pimodan

Georges de La Vallée de Rarecourt Général-marquis de Pimodan.

VI . La bataille de Castelfidardo.

   Pressentant une réorganisation et un accroissement rapide des effectifs des troupes pontificales, les stratèges piémontais envahirent l’Ombrie et les Marches, en septembre 1860, sans que les troupes autrichiennes qui gardaient la région ne s’interposassent. Il s’agissait pour les Piémontais de réaliser la jonction des territoires du nord avec ceux du sud, conquis par Garibaldi.

   La Moricière se porta alors sur Ancône pour défendre ce port stratégique. C’est à Castelfidardo, petite ville de la région des Marches – à une dizaine de kilomètres du célèbre sanctuaire de Lorette où les pontificaux passèrent la nuit en prière -, que les troupes piémontaises et les troupes pontificales se rencontrèrent, le 18 septembre 1860. Ce fut une bataille sanglante dans des conditions des plus inégales : moins de 10.000 Pontificaux contre près de 60.000 Piémontais !

La bataille de Castelfidardo

La bataille de Castelfidardo
(tableau conservé à l’hôtel de ville de Castelfidardo)

   L’Armée pontificale fut défaite et les deux tiers des effectifs du bataillon des « franco-belges » furent tués au combat ou grièvement blessés. Pimodan lui-même, après s’être héroïquement battu à leur tête, fut mortellement blessé et succomba à ses blessures.

   Enfermé dans le port d’Ancône avec une poignée d’hommes, La Moricière soutint le siège durant dix jours sous des bombardements qui venaient à la fois de la terre et de la mer. Malgré tant d’héroïsme, il fallut cependant capituler.
Après Castelfidardo, les Etats de l’Eglise se trouvèrent réduits au seul Latium.

   Le héros du siège de Constantine, qui n’avait jamais connu la défaite durant toute sa carrière, resta encore quelques mois à Rome pour achever la réorganisation de l’armée pontificale, puis il rentra en France où il mourut au château de Prouzel, près d’Amiens, le 11 septembre 1865.

Cénotaphe de La Moricière

Cathédrale de Nantes : cénotaphe du Général de La Moricière.

VII . La création du bataillon des Zouaves Pontificaux.

   La défaite de Castelfidardo ne découragea pas Monseigneur de Mérode. L’héroïsme des troupes pontificales face à un ennemi qui lui était six fois supérieur en nombre eut un tel retentissement dans le monde catholique que les volontaires affluèrent à Rome.
En janvier 1861, avec les survivants du bataillon « franco-belge » et les nouvelles recrues, le directeur du Département de la Guerre du Saint-Siège créa un bataillon de Zouaves Pontificaux.

   Pourquoi ce nom ? Déjà au cours de l’année 1860, le Général de La Moricière avait conçu pour le bataillon des « franco-belges », une tenue adaptée au climat de l’Italie centrale et inspirée de celles des Zouaves d’Afrique de l’armée française : une courte veste à soutaches et au col dégagé, un grand pantalon bouffant retenu par une large ceinture rouge, un petit képi à visière carrée…
Cet uniforme n’avait pas soulevé l’enthousiasme des cardinaux de la Curie ; l’un d’eux avait même ironisé : « Voilà bien une une idée de Français d’habiller les soldats du Pape en musulmans ! »  Mais le Bienheureux Pie IX avait été conquis et donné son assentiment…

   En fait, l’armée pontificale n’avait eu ni le temps ni les moyens financiers pour équiper les 300 premiers « franco-belges » avec cet uniforme avant la bataille de Castelfidardo – seuls les Officiers en avaient été pourvus – mais, à partir de 1861 et jusqu’en 1870, toutes les nouvelles recrues le portèrent.

Zouave Pontifical

   Le corps des Zouaves Pontificaux comptait, à sa création, environ 600 hommes de troupe, sous-officiers et officiers, et il resta sous le commandement de Becdelièvre.

   Par la suite, ses effectifs varièrent sensiblement au gré des fluctuations de la situation politique, militaire et financière du Saint-Siège. Ils baissent à 300 en 1863, remontent à 700 en 1865, atteignent 1.500 en 1868 pour arriver à 3.000 en 1870 lors du siège de Rome.
Un second bataillon fut créé en décembre 1866 ; puis, en janvier 1867, le Corps devint un régiment à quatre bataillons.

   A certaines époques, le gouvernement pontifical fut, pour des motifs financiers, obligé de limiter les recrutements, et les volontaires les plus fortunés durent parfois s’équiper à leurs frais en uniforme et même en armes…

Commandant Louis de Becdelièvre

Le Commandant de Becdelièvre.

   Les volontaires provenaient de différents pays : pour ce qui est du nombre, les Néerlandais dominaient (on dut même refuser – avec diplomatie – des hollandais protestants !), venaient ensuite les Français et les Belges ; on trouve aussi dans les rangs des Zouaves des Italiens non ressortissants des Etats Pontificaux, des Allemands, des Autrichiens, des Suisses, des Britanniques, des Irlandais, et même un chinois…

   En 1868, 130 Canadiens francophones traversèrent l’Atlantique pour se mettre au service de Sa Sainteté le Pape Pie IX.

   Au total, ce sont plus de 9.000 engagements qui furent contractés en près de dix ans (nota bene : ce nombre concerne les engagements et non les individus, une même personne ayant pu souscrire plusieurs engagements dont la durée pouvait varier de six mois à un an ou quatre ans).

   Si, chez les Néerlandais et les Belges, les volontaires appartenaient surtout aux classes populaires, chez les Français la noblesse représentait plus du tiers des recrues. L’on trouve de grands noms comme ceux des ducs de Blacas, de Chevreuse, de Luynes, le Prince de Bourbon-Este.
Après la bataille de Castelfidardo, en regardant la liste des morts et des blessés pontificaux le Général piémontais Cialdini aurait dit, avec un humour des plus noirs : « On croirait une liste d’invités à un bal de Louis XIV ! ».
La bourgeoisie française était représentée par des médecins, des notaires, des journalistes, des commerçants aisés, des étudiants…

   Ces volontaires français étaient majoritairement originaires de Bretagne et de Vendée. Huit diocèses de l’Ouest de la France ont fourni 37 % des volontaires français (le diocèse de Nantes en représente près de 12 % à lui seul).
Il y eut également un nombre significatif de recrues originaires des département du nord et du sud-ouest de la France. Et si l’Alsace-Lorraine et le sud sont peu représentés, c’est que ces régions ont, à partir de 1866, fourni les volontaires d’un autre corps de bataille français appelé « Légion d’Antibes » (ou encore « Légion Romaine« ).

   La plupart des engagés étaient jeunes : certains n’avaient pas plus de 16 ou 17 ans, quand ils endossèrent l’uniforme des Zouaves Pontificaux. Mais l’âge n’était pas non plus un handicap qui dispensât de défendre le Pape : Monsieur de Coislin avait 65 ans lors de son premier engagement !

Les quatre frères Charette

Athanase de Charette et ses frères.

   Les motivations des volontaires était essentiellement religieuses et parfois politiques. Religieuses parce que tous étaient convaincus que la puissance temporelle du Souverain Pontife était garante de son indépendance religieuse ; politiques parfois car tous les Zouaves Pontificaux issus de la noblesse étaient des royalistes, légitimistes convaincus, descendants de familles qui s’étaient illustrées dans la lutte contre la révolution : Cathelineau, Charette pour ne citer que les plus célèbres…
De la même manière chez les bourgeois et dans les classes populaires le parti royaliste dominait.
Garibaldi montre bien qu’il ne connaissait pas vraiment les Zouaves Pontificaux lorsqu’il juge, dans ses « Mémoires d’un chemise rouge » les militaires étrangers au service de Pie IX comme « quelques milliers de mercenaires, déchets de tous les cloaques de l’Europe » !

   Les Zouaves Pontificaux ne furent pas l’unique corps militaire formé de volontaires catholiques étrangers : 5.000 Autrichiens répondirent à l’appel de Monseigneur de Mérode et du Général de La Moricière pour former cinq bataillons de « bersaglieri » (tirailleurs), 3.000 Suisses renforcèrent les régiments étrangers, 800 Irlandais créèrent le « Bataillon de Saint Patrick ».

Médaille de Castelfidardo

Médaille commémorative de Castelfidardo :
« la victoire qui a vaincu le monde, c’est notre foi! »

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2010-37. De l’anniversaire de la bénédiction de la statue monumentale de Notre-Dame de France au Puy-en-Velay.

Panorama du Puy en Velay

Panorama de la ville du Puy

12 septembre 1860

Monogramme Marie 2

       C’est en la fête du Saint Nom de Marie, le 12 septembre 1860, que fut bénite la statue monumentale de la Vierge à l’Enfant, nommée Notre-Dame de France, qui domine la ville du Puy-en-Velay.

   Fondue dans le bronze de 213 canons pris aux Russes le 8 septembre 1855 à la bataille de Sébastopol, cette œuvre impressionnante, haute de 22,70 mètres et pesant 835 tonnes, a pu être réalisée grâce à une souscription nationale. Elle s’inscrit dans le grand mouvement de renouveau  spirituel du XIXème siècle :  malgré la grande révolution et ses petites sœurs de 1830 et de 1848, qui ont causé de grands tords à l’Eglise et ont éloigné d’elles des pans entiers de la société, le catholicisme français au milieu du XIXème siècle donne une image d’unité et de croissance, de zèle et de ferveur. L’épiscopat est moins tenté par les sirènes du gallicanisme, les vocations sacerdotales et religieuses sont en hausse, l’expansion missionnaire est admirable de générosité et d’audace, les œuvres sociales et éducatives fleurissent…
L’élan qui suscite l’édification de la statue de Notre-Dame de France est bien représenté par les audaces techniques de ce temps qui vont être mises au service de ce monument de foi et d’espérance.

   Ce temps est aussi, bien sûr, une période de grande ferveur mariale : au moment de la bénédiction de la statue, Notre-Dame s’est déjà manifestée à la rue du Bac, à La Salette et à Lourdes; elle apparaîtra encore à Pontmain et Pellevoisin. Dans chacune de ces apparitions, Marie parle de la France et lui indique les voies de la conversion et de la pénitence par lesquelles elle retrouvera son unité et la paix sociale. La basilique de Notre-Dame des Victoires est le centre de la dévotion au Coeur immaculé de Marie, refuge des pécheurs, et des centaines de conversion se produisent dans son rayonnement.

Notre-Dame de France - 1860

Image souvenir du 12 septembre 1860

   La première pierre du socle de Notre-Dame de France est bénite le 8 décembre 1854, en communion avec le Bienheureux Pape Pie IX qui proclame le dogme de la Conception Immaculée de Marie.

   J’ai aussi sous les yeux le récit d’Adrien Roselat, journaliste du « Moniteur de la Haute-Loire », qui fit le 13 septembre 1860 le compte-rendu de la cérémonie de la veille. Je ne résiste pas au plaisir de vous le retranscrire, car – même plus de 150 ans plus tard – il transmet encore quelque chose de l’émotion et de la ferveur qui marquèrent cette journée :

   « Dès le 11 septembre, d’innombrables caravanes de pèlerins se pressent aux barrières de la ville. Tous les genres de véhicules se suivent sans discontinuité. Les arrivants récitent à haute voix les litanies de la Sainte Vierge ou chantent des cantiques de circonstance, improvisés. Les églises du Puy restent ouvertes toute la nuit pour abriter les pèlerins.

   A 7 heures du matin, l’artillerie municipale se fait entendre place du Martouret. A 9 heures et demi, le son de toutes les cloches des églises donne le signal de la procession générale qui, formée sur les grands escaliers de la Cathédrale, se dirige alors vers la place Saint-Laurent où douze gendarmes à cheval ouvrent le défilé.

   Dans cet important cortège : les membres du chapitre, 4000 religieux ou religieuses dont 800 prêtres, 123 séminaristes, 52 chanoines étrangers, 20 chanoines titulaires ou honoraires du diocèse, 500 pénitents blancs, 420 Frères du Sacré-Cœur, 600 religieuses de l’instruction, 200 religieuses de saint-Joseph, 32 sœurs franciscaines, 120 sœurs de Saint-Pierre… Les diverses corporations de la ville, tous les corps de métiers rangés sous leurs bannières respectives, les membres de la commission de l’œuvre résidant au Puy, les quatre délégués de la commission parisienne, M. le Préfet de la Haute-Loire suivi des membres du Conseil de Préfecture, le général commandant la subdivision, le maire du Puy et son conseil, Bonnassieux auteur de la statue, Prénat fondeur, les princes Alphonse et Camille de Polignac, gagnent avec ferveur la place du Breuil où doit se dérouler la bénédiction.

   Les prélats et les notabilités prennent place sur l’estrade qui fait face à la statue. Aux côtés de Mgr de Morlhon siègent : Son Eminence le Cardinal Donnet évêque de Bordeaux, Mgr de Gerphanion archevêque d’Albi, Mgr Guibert archevêque de Tours, Mgr Peron évêque de Clermont, Mgr de Marguerye évêque d’Autun, Mgr Berteheau évêque de Tulle, Mgr Foulquier évêque de Mende, Mgr Lyonnet évêque de Valence, Mgr de Charbonnel évêque de Toronto, Mgr de Pompignac évêque de Saint-Flour, Mgr Delcusy évêque de Viviers.

   Les regards se tournent alors vers le Rocher Corneille. Le clergé entonne un hymne à la Vierge et le voile qui recouvrait Notre-Dame de France est retiré au son des tambours et clairons et des salves d’artillerie. Les prélats procèdent alors à la bénédiction de la statue, l’assistance entonne le Salve Regina, puis Mgr de Morlhon célèbre la Messe. Le sermon est prononcé par le chanoine Cambalot.

   Puis la procession gagne après un long circuit les escaliers de la Cathédrale où les douze prélats donnent finalement la bénédiction solennelle à l’assistance.

   Les notables et les commissions se rendent alors au Grand Séminaire pour se restaurer. Dans la salle du banquet, ont été placés les bustes de Napoléon III et Pie IX. Le soir, illuminations, lanternes vénitiennes, guirlandes de fleurs envahissent la cité. Sur la place du Breuil, sur l’estrade, des chœurs entonnent des cantiques à la Vierge pendant qu’un feu d’artifice est tiré. La statue apparaît entourée de feux de bengale. Des feux allumés sur les collines entourant la ville embrasent l’horizon. A onze heures, les illuminations s’éteignent et la ville du Puy s’endort en paix ».

procession du 12 septembre 1860

   Que Notre-Dame de France bénisse le pays dont elle est la Reine ! Qu’elle bénisse et protège chacun d’entre vous, chacune de vos familles ! Qu’elle intercède pour la France et lui donne de revenir à la Source purifiante et sanctifiante qui coule du divin Cœur de Jésus pour y être lavée et pardonnée, pour y être régénérée et vivifiée, pour y renouveler l’alliance avec la Sagesse Eternelle jadis conclue dans les fonts baptismaux de Reims…

Lully.

Armoiries de la ville du Puy en Velay

2010-36. Prophétie et prière de Saint Pie X pour la France.

3 septembre,
Fête du saint Pape Pie X ;
7ème jour dans l’octave de Saint Augustin.

       Profitons de la fête de ce jour pour publier un texte très célèbre mais qu’il est toujours bon et réconfortant de lire, particulièrement en nos temps de décadence sociale et spirituelle, temps d’incertitudes et de crise profonde pour notre Patrie.

   Saint Pie X, qui aimait beaucoup la France et fut très affecté par les événements douloureux qui affectèrent les catholiques français au cours de son pontificat (expulsion des congrégations, loi dite de « séparation des Eglises et de l’Etat », inventaires et vexations contre le clergé…), prononça un jour ces paroles que l’on considère comme une prophétie sur l’avenir de la France :

Saint Pie X

       « Le peuple qui a fait alliance avec Dieu aux Fonts Baptismaux de Reims se repentira et retournera à sa première vocation.
Les mérites de tant de ses Fils qui prêchent la vérité de l’Evangile dans le monde presque entier et dont beaucoup l’ont scellée de leur sang, les prières de tant de Saints qui désirent ardemment avoir pour compagnons dans la Gloire Céleste les frères bien-aimés de leur patrie, la piété généreuse de tant de ses Fils, qui, sans s’arrêter à aucun sacrifice, pourvoient à la dignité du clergé et à la splendeur du culte catholique, et, par dessus tout, les gémissements de tant de petits enfants qui, devant les Tabernacles répandent leur âme dans les expressions que Dieu même met sur leurs lèvres, appelleront certainement sur cette nation les miséricordes Divines. Les fautes ne resteront pas impunies, mais elle ne périra jamais, la Fille de tant de mérites, de tant de soupirs et de tant de larmes.

   Un jour viendra, et nous espérons qu’il n’est pas très éloigné, où la France, comme Saül sur le chemin de Damas, sera enveloppée d’une Lumière Céleste et entendra une voix qui lui répétera : « Ma Fille, pourquoi Me persécutes-tu ? » . Et, sur sa réponse : « Qui es-tu, Seigneur ? », la voix répliquera : « Je suis Jésus, que tu persécutes. Il t’est dur de regimber contre l’aiguillon, parce que, dans ton obstination, tu te ruines toi-même « . Et elle, tremblante, étonnée, dira : »Seigneur, que voulez-vous que je fasse ? ». Et Lui : « Lève-toi, lave-toi des souillures qui t’ont défigurée, réveille dans ton sein les sentiments assoupis et le pacte de notre alliance, et va, Fille Aînée de l’Eglise, nation prédestinée, vase d’élection, va porter, comme par le passé, Mon Nom devant tous les peuples et devant les rois de la Terre ».

A l’occasion de la béatification de Jeanne d’Arc, le saint Pontife prononça aussi les paroles suivantes :

   « Je n’ai pas seulement l’espérance, j’ai la certitude du plein Triomphe… Je suis affermi dans cette certitude par la protection des martyrs qui ont donné leur sang pour la foi, et par l’intercession de Jeanne d’Arc, qui, comme elle vit dans le Cœur des Français, répète aussi sans cesse au Ciel la prière : Grand Dieu, sauvez la France ! ».

Avec les mots mêmes de Saint Pie X, prions aujourd’hui pour la France :

« Ô Marie, conçue sans péché,
regardez la France,
priez pour la France,
sauvez la France !
Plus la France est coupable,
lus elle a besoin de votre intercession :
un mot à Jésus reposant dans vos bras, et la France est sauvée !
Ô Jésus, obéissant à Marie, sauvez la France ! »

Armoiries de Saint Pie X

On trouvera aussi dans ce blogue :
- L’évocation de la mort de Saint Pie X et de son élévation sur les autels > ici
- Des prières à Saint Pie X composées par Pie XII > ici
- Les litanies de Saint Pie X > ici
- Le discours de Pie XII pour la canonisation de Saint Pie X > ici
- L’allocution de Saint Pie X « Gravissimum » au sujet de la loi de séparation en France > ici
- Un fameux discours de Saint Pie X en décembre 1908 au sujet de la France > ici

2010-35. Versailles, 8 h 23, ce 1er septembre 1715 : le Grand Roi rend son âme à Dieu.

« Dieu seul est grand, mes frères et dans ces derniers moments surtout où il préside à la mort des rois de la terre ».

(J.B. Massillon : Oraison funèbre du Roi très chrétien, Louis le Grand)

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1er septembre

       La date du 1er septembre vient rappeler à notre souvenir le jour où le Grand Roi -Louis XIV – rendit son âme à Dieu. Il était dans sa 77ème année et avait régné 72 ans sur la France.

   Malgré toutes les caricatures, malgré toutes les interprétations déformantes imposées par l’histoire républicaine officielle, malgré tous les jugements simplistes, malgré toutes les représentations erronées et les fables, malgré enfin la presque interminable et désolante déclinaison des incompréhensions de ce que furent sa  véritable personnalité et son règne (à commencer par celles dont le très mesquin Saint-Simon fait étalage à presque chaque page), la figure du Roi Soleil ne cesse cependant pas d’exercer une espèce de fascination sur le monde entier.

   A mon humble avis, le « Louis XIV » de François Bluche demeure l’un des meilleurs ouvrages qui a jamais été écrit : très abordable, je le recommande instamment à tous ceux qui veulent approfondir avec honnêteté leur connaissance du Grand Roi, de sa personne et de son règne.

   A l’occasion de l’anniversaire de sa mort, je tiens à publier les lignes par lesquelles cette crapule de Voltaire (mais c’est tout-à-fait à dessein que je le cite) – dans son « Siècle de Louis XIV » – a rapporté les derniers instants du Souverain.  Est-il utile de préciser que le persifleur de Ferney ne fait pourtant pas partie de mes auteurs favoris? Ses appréciations toutefois font ici montre d’un grand équilibre et de beaucoup de justesse et je souscris entièrement à cette affirmation : « …ses grandes qualités et ses actions l’ont emporté sur ses fautes ».

Buste de Louis XIV - Le Bernin

       « Louis XIV fut attaqué, vers le milieu du mois d’août 1715, au retour de Marly, de la maladie qui termina ses jours. Ses jambes s’enflèrent ; la gangrène commença à se manifester. Le comte de Stair, ambassadeur d’Angleterre, paria, selon le génie de sa nation, que le roi ne passerait pas le mois de septembre. Le duc d’Orléans, qui, au voyage de Marly, avait été absolument seul, eut alors toute la cour auprès de sa personne. Un empirique, dans les derniers jours de la maladie du roi, lui donna un élixir qui ranima ses forces. Il mangea, et l’empirique assura qu’il guérirait. La foule qui entourait le duc d’Orléans diminua dans le moment. « Si le roi mange une seconde fois, dit le duc d’Orléans, nous n’aurons plus personne ». Mais la maladie était mortelle. Les mesures étaient prises pour donner la régence absolue au duc d’Orléans. Le roi ne la lui avait laissée que très limitée par son testament, déposé au parlement ; ou plutôt il ne l’avait établi que chef d’un conseil de régence, dans lequel il n’aurait eu que la voix prépondérante. Cependant il lui dit : « Je vous ai conservé tous les droits que vous donne votre naissance ». C’est qu’il ne croyait pas qu’il y eût de loi fondamentale qui donnât, dans une minorité, un pouvoir sans bornes à l’héritier présomptif du royaume. Cette autorité suprême, dont on peut abuser, est dangereuse ; mais l’autorité partagée l’est encore davantage. Il crut qu’ayant été si bien obéi pendant sa vie, il le serait après sa mort, et ne se souvenait pas qu’on avait cassé le testament de son père. (…)

   Quoique la vie et la mort de Louis XIV eussent été glorieuses, il ne fut pas aussi regretté qu’il le méritait. L’amour de la nouveauté, l’approche d’un temps de minorité, où chacun se figurait une fortune, la querelle de la Constitution qui aigrissait les esprits, tout fit recevoir la nouvelle de sa mort avec un sentiment qui allait plus loin que l’indifférence. Nous avons vu ce même peuple qui, en 1686, avait demandé au ciel avec larmes la guérison de son roi malade, suivre son convoi funèbre avec des démonstrations bien différentes. On prétend que la reine sa mère lui avait dit un jour dans sa grande jeunesse : « Mon fils, ressemblez à votre grand-père, et non pas à votre père ». Le roi en ayant demandé la raison : « C’est, dit-elle, qu’à la mort de Henri IV on pleurait, et qu’on a ri à celle de Louis XIII ».

   Quoiqu’on lui ait reproché des petitesses, des duretés dans son zèle contre le jansénisme, trop de hauteur avec les étrangers dans ses succès, de la faiblesse pour plusieurs femmes, de trop grandes sévérités dans des choses personnelles, des guerres légèrement entreprises, l’embrasement du Palatinat, les persécutions contre les réformés : cependant ses grandes qualités et ses actions, mises enfin dans la balance, l’ont emporté sur ses fautes. Le temps, qui mûrit les opinions des hommes, a mis le sceau à sa réputation ; et malgré tout ce qu’on a écrit contre lui, on ne prononcera point son nom sans respect, et sans concevoir à ce nom l’idée d’un siècle éternellement mémorable. Si l’on considère ce prince dans sa vie privée, on le voit à la vérité trop plein de sa grandeur, mais affable, ne donnant point à sa mère de part au gouvernement, mais remplissant avec elle tous les devoirs d’un fils, et observant avec son épouse tous les dehors de la bienséance : bon père, bon maître, toujours décent en public, laborieux dans le cabinet, exact dans les affaires, pensant juste, parlant bien, et aimable avec dignité.

   D’ailleurs personne n’ignore avec quelle grandeur d’âme il vit approcher la mort, disant à Madame de Maintenon : «J’avais cru qu’il était plus difficile de mourir» ; et à ses domestiques : « Pourquoi pleurez-vous ? m’avez-vous cru immortel ?» donnant tranquillement ses ordres sur beaucoup de choses, et même sur sa pompe funèbre. Quiconque a beaucoup de témoins de sa mort meurt toujours avec courage. Louis XIII, dans sa dernière maladie, avait mis en musique le De profundis qu’on devait chanter pour lui. Le courage d’esprit avec lequel Louis XIV vit sa fin fut dépouillé de cette ostentation répandue sur toute sa vie. Son courage alla jusqu’à avouer ses fautes. Son successeur a toujours conservé, écrites au chevet de son lit, les paroles remarquables que ce monarque lui dit, en le tenant sur son lit entre ses bras : ces paroles ne sont point telles qu’elles sont rapportées dans foules les histoires. Les voici fidèlement copiées :

   «Vous allez être bientôt roi d’un grand royaume. Ce que je vous recommande plus fortement est de n’oublier jamais les obligations que vous avez à Dieu. Souvenez-vous que vous lui devez tout ce que vous êtes. Tâchez de conserver la paix avec vos voisins. J’ai trop aimé la guerre ; ne m’imitez pas en cela, non plus que dans les trop grandes dépenses que j’ai faites. Prenez conseil en toutes choses, et cherchez à connaître le meilleur pour le suivre toujours. Soulagez vos peuples le plus tôt que vous le pourrez, et faites ce que j’ai eu le malheur de ne pouvoir faire moi-même, etc.»

   Ce discours est très éloigné de la petitesse d’esprit qu’on lui impute dans quelques Mémoires… »

Voltaire – « Le Siècle de Louis XIV »,  chap. XXVIII.

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2010-32. Anniversaire du Serment anti-moderniste (1er septembre 1910).

       Le 1er septembre 1910, par le motu proprio « Sacrorum antistitum » le Pape Saint Pie X promulguait le « Serment anti-moderniste ».
Pour lutter contre les idées pernicieuses et destructrices de la foi, telles que le naturalisme, le libéralisme, le panthéisme et l’évolutionnisme spéculatif en matière dogmatique, Saint Pie X avait promulgué en 1907 l’encyclique qui condamnait  avec vigueur ces erreurs modernes.
Il jugea nécessaire de compléter cet enseignement par une cérémonie de prestation de serment par laquelle chaque nouveau prêtre, le jour de son ordination sacerdotale, ou quiconque parmi les clercs devant accéder à une chaire d’enseignement ou à un office ecclésiastique (et même les laïcs appelés à enseigner dans les universités catholiques), devait solennellement abjurer, toutes les inexactitudes doctrinales dénoncées par la sus-dite encyclique.

   En 1917, lors de la publication du Code de Droit Canonique, ce serment fut mis en tête de l’ouvrage.
Mais cinquante ans plus tard, en 1967, dans les illusoires euphories de « l’après concile », Paul VI l’abrogea : plus d’un demi siècle de recul nous permet d’apprécier la pertinence et la sagacité d’une telle mesure…!!!

   Même si Jean Paul II, en 1998, par la lettre apostolique « Ad tuendam Fidem », a institué un nouveau serment destiné à garantir la fidélité des théologiens et des prêtres, on peut néanmoins dire que cette dernière profession de foi n’a pas la même vigueur ni la même précision que le « Serment anti-moderniste« .

   Aussi, puisque nous sommes au jour anniversaire de la publication de ce dernier, il nous paraît opportun de publier ici la traduction de ce texte qui appartient toujours aux « Symboles et définitions de la Foi catholique ».

Saint Pie X

   Moi, N…, j’embrasse et reçois fermement toutes et chacune des vérités qui ont été définies, affirmées et déclarées par le magistère infaillible de l’Eglise, principalement les chapitres de doctrine qui sont directement opposés aux erreurs de ce temps.

- Et d’abord, je professe que Dieu, principe et fin de toutes choses, peut être certainement connu, et par conséquent aussi, démontré à la lumière naturelle de la raison « par ce qui a été fait » [Rom. I,20], c’est-à-dire par les œuvres visibles de la création, comme la cause par les effets.

- Deuxièmement, j’admets et je reconnais les preuves extérieures de la Révélation, c’est-à-dire les faits divins, particulièrement les miracles et les prophéties comme des signes très certains de l’origine divine de la religion chrétienne et je tiens qu’ils sont tout à fait adaptés à l’intelligence de tous les temps et de tous les hommes, même ceux d’aujourd’hui.

- Troisièmement, je crois aussi fermement que l’Eglise, gardienne et maîtresse de la Parole révélée, a été instituée immédiatement et directement par le Christ en personne, vrai et historique, lorsqu’il vivait parmi nous, et qu’elle a été bâtie sur Pierre, chef de la hiérarchie apostolique, et sur ses successeurs pour les siècles.

- Quatrièmement, je reçois sincèrement la doctrine de la foi transmise des apôtres jusqu’à nous toujours dans le même sens et dans la même interprétation par les pères orthodoxes ; pour cette raison, je rejette absolument l’invention hérétique de l’évolution des dogmes, qui passeraient d’un sens à l’autre, différent de celui que l’Eglise a d’abord professé. Je condamne également toute erreur qui substitue au dépôt divin révélé, confié à l’Epouse du Christ, pour qu’elle garde fidèlement, une invention philosophique ou une création de la conscience humaine, formée peu à peu par l’effort humain et qu’un progrès indéfini perfectionnerait à l’avenir.

- Cinquièmement, je tiens très certainement et professe sincèrement que la foi n’est pas un sentiment religieux aveugle qui émerge des ténèbres du subconscient sous la pression du cœur et l’inclination de la volonté moralement informée, mais qu’elle est un véritable assentiment de l’intelligence à la vérité reçue du dehors, de l’écoute, par lequel nous croyons vrai, à cause de l’autorité de Dieu souverainement véridique, ce qui a été dit, attesté et révélé par le Dieu personnel, notre Créateur et notre Seigneur.

   Je me soumets aussi, avec la révérence voulue, et j’adhère de tout mon cœur à toutes les condamnations, déclarations, prescriptions, qui se trouvent dans l’encyclique Pascendi et dans le décret Lamentabili, notamment sur ce qu’on appelle l’histoire des dogmes.

   De même, je réprouve l’erreur de ceux qui affirment que la foi proposée par l’Eglise peut être en contradiction avec l’histoire, et que les dogmes catholiques, au sens où on les comprend aujourd’hui, ne peuvent être mis d’accord avec une connaissance plus exacte des origines de la religion chrétienne.

   Je condamne et rejette aussi l’opinion de ceux qui disent que le chrétien savant revêt une double personnalité, celle du croyant et celle de l’historien, comme s’il était permis à l’historien de tenir ce qui contredit la foi du croyant, ou de poser des prémices d’où il suivra que les dogmes sont faux ou douteux, pourvu que ces dogmes ne soient pas niés directement.

   Je réprouve également la manière de juger et d’interpréter l’Ecriture sainte qui, dédaignant la tradition de l’Eglise, l’analogie de la foi et les règles du Siège apostolique, s’attache aux inventions des rationalistes et adopte la critique textuelle comme unique et souveraine règle, avec autant de dérèglement que de témérité.

   Je rejette en outre l’opinion de ceux qui tiennent que le professeur des disciplines historico-théologiques ou l’auteur écrivant sur ces questions doivent d’abord mettre de côté toute opinion préconçue, à propos, soit de l’origine surnaturelle de la tradition catholique, soit de l’aide promise par Dieu pour la conservation éternelle de chacune des vérités révélées ; ensuite, que les écrits de chacun des Pères sont à interpréter uniquement par les principes scientifiques, indépendamment de toute autorité sacrée, avec la liberté critique en usage dans l’étude de n’importe quel document profane.

   Enfin, d’une manière générale, je professe n’avoir absolument rien de commun avec l’erreur des modernistes qui tiennent qu’il n’y a rien de divin dans la tradition sacrée, ou, bien pis, qui admettent le divin dans un sens panthéiste, si bien qu’il ne reste plus qu’un fait pur et simple, à mettre au même niveau que les faits de l’histoire : les hommes par leurs efforts, leur habileté, leur génie continuant, à travers les âges, l’enseignement inauguré par le Christ et ses apôtres.

   Enfin, je garde très fermement et je garderai jusqu’à mon dernier soupir la foi des Pères sur le charisme certain de la vérité qui est, qui a été et qui sera toujours « dans la succession de l’épiscopat depuis les apôtres », non pas pour qu’on tienne ce qu’il semble meilleur et plus adapté à la culture de chaque âge de pouvoir tenir, mais pour que « jamais on ne croie autre chose, ni qu’on ne comprenne autrement la vérité absolue et immuable prêchée depuis le commencement par les apôtres.

   Toutes ces choses, je promets de les observer fidèlement, entièrement et sincèrement, et de les garder inviolablement, sans jamais m’en écarter ni en enseignant ni de quelque manière que ce soit dans ma parole et dans mes écrits. J’en fais le serment ; je le jure. Qu’ainsi Dieu me soit en aide et ces saints Evangiles.

Armoiries de Saint Pie X

2010-26 : Les préludes à la fondation de l’Ordre de la Visitation.

       Nous l’avons déjà dit, le quatrième centenaire de la fondation de l’Ordre de la Visitation, en raison des liens qui unissent le Refuge Notre-Dame de Compassion à cette famille religieuse (cf. > ici), est une invitation à se replonger dans l’esprit de Saint François de Sales et fournit l’occasion de nouveaux approfondissements.

   A l’occasion du dimanche de la Sainte-Trinité, nous avons retracé la manière dont s’était passée l’ouverture du premier monastère dans la maison dite « de la Galerie » (cf. ici), mais il n’est pas inutile de rappeler ce que furent les préludes à la fondation de l’Ordre.

Saint François de Sales

   En accédant au sacerdoce, puis en étant élevé à l’épiscopat, Saint François de Sales ne se trouva pas seulement affronté aux erreurs doctrinales du protestantisme et aux ravages humains et spirituels qu’il avait provoqués dans les populations, mais il fut également aux prises avec les désordres du clergé et le relâchement des ordres monastiques. En 1604, il écrivait au Pape Clément VIII : « Il est très affligeant qu’entre plusieurs monastères établis dans ce diocèse, on n’en puisse à peine trouver un seul où la discipline ne soit ébranlée et même tout à fait foulée aux pieds, en sorte qu’on ne voit plus même un vestige de l’antique et céleste ferveur…« 

   Le saint évêque comprenait avec beaucoup de souffrance intérieure qu’il était vain de vouloir porter ses diocésains à vivre avec ferveur et générosité pour Dieu, si les âmes dédiées à Son service continuaient à donner le mauvais exemple.  Il aura fort à faire pour réformer son clergé et mettre en oeuvre les décisions du Concile de Trente concernant l’admission et la formation aux Ordres Sacrés, la « formation continue » des prêtres et la discipline ecclésiastique.

   Pour le clergé régulier également il dut prendre des mesures énergiques ; c’est ainsi qu’il remplaça les chanoines réguliers du monastère Notre-Dame d’Abondance, qui n’étaient plus que six – âgés ou infirmes – et incapables d’assurer décemment le culte divin, par les cisterciens de la réforme des Feuillants, remplis de ferveur. Il dut aussi mener une lutte serrée contre les bénédictins relâchés du prieuré de Talloires pour les obliger à se corriger ou à quitter les lieux.

   En 1603, dans une lettre au Nonce Apostolique à la Cour de Turin,  Monseigneur de Sales observait que pour réussir à assainir les instituts religieux « il faudrait un réformateur de grande autorité et prudence« . Il avait trop d’humilité pour penser qu’il puisse l’être  lui-même : il est cependant bien vrai que Dieu le destinait à avoir une influence déterminante sur le renouveau de la vie religieuse en général. « Réformateur », Saint François de Sales le sera en devenant fondateur. En effet, non seulement son action en faveur d’une vie religieuse profondément accordée à l’esprit de l’Evangile va donner sa pleine mesure par la fondation de l’Ordre de la Visitation, mais il va se faire que l’esprit particulier qu’il insufflera à cette nouvelle famille religieuse prédisposera l’Ordre à être le lieu privilégié des révélations du Sacré-Coeur, grâce auxquelles l’ensemble des communautés religieuses et l’Eglise tout entière seront ensuite revivifiées.

   En 1604, Monsieur de Genève (ses contemporains l’appelaient ainsi : on donnait aux évêques le titre de « Monsieur » suivi du nom de leur évêché) accepta de prêcher le carême à Dijon. C’est ainsi qu’il va entrer en relation d’amitié avec la famille du Président du Parlement de Dijon, Monsieur Frémyot : il y a d’abord le fils, Monseigneur André Frémyot qui vient d’être nommé archevêque de Bourges et n’est pas encore sacré (c’est Saint François de Sales qui lui confèrera la consécration épiscopale), et il y a surtout Jeanne-Françoise, l’une des deux filles.

Jeanne-Françoise Frémyot baronne de Chantal

   Jeanne-Françoise Frémyot est née à Dijon le 23 janvier 1572 (elle plus jeune que Saint François de Sales de 4 ans et demi). Elle n’a que 18 mois lorsque sa mère meurt. Son père lui fit donner une éducation soignée. Elle fait montre dès sa jeunesse d’un esprit vif, d’une volonté ferme et d’une foi profonde. A 20 ans elle a épousé le baron Christophe de Rabutin-Chantal dont elle est très éprise : c’est un mariage heureux! Mais au cours de l’hiver 1600, Christophe est mortellement blessé au cours d’une partie de chasse. Il meurt après neuf jours de terribles souffrances, mais dans des dispositions spirituelles admirables. La jeune veuve a 28 ans et quatre enfants : l’aîné, Celse-Bénigne (*), a tout juste 6 ans ; derrière lui viennent trois filles.

   Tout en assumant ses devoirs de mère et de bru, la jeune veuve s’engage dans les voies de la sainteté : elle consacre de longues heures à l’oraison, aux visites charitables auprès des pauvres et des malades, assiste les mourants… Son humilité et sa patience font l’admiration de son entourage. Elle prend pour directeur spirituel un religieux plein de zèle et de ferveur, certes, mais qui dont les qualités de discernement sont fort réduites. Insatisfaite, elle se sent toutefois liée à lui par des voeux qu’il l’a contrainte à prononcer. En 1602, un jour où elle prie Dieu de lui donner un guide spirituel selon son coeur, elle a soudain la vision d’un évêque habillé comme pour dire la messe, tandis qu’une voix lui dit : « Voici le guide bien-aimé de Dieu et des hommes, entre les mains duquel tu dois reposer ta conscience. » Deux ans plus tard, pressé par son père de venir suivre les exercices du carême à Dijon, elle reconnait du premier coup d’œil en Saint François de Sales, lorsqu’il monte en chaire, l’évêque de sa vision.

   Monsieur de Genève aussi, du haut de la chaire, reconnut Madame de Chantal : avant de venir à Dijon, se préparant dans la retraite à ses prédications de carême, il avait vu en esprit une femme de taille plus élevée que la moyenne, au visage empreint de modestie, portant la robe des veuves. Il demanda qui était cette dame à Monseigneur Frémyot, qui fut bien aise de lui dire que c’était sa soeur et qui la lui présenta peu après. Saint François de Sales reçut les confidences de la jeune femme, la libéra de ses voeux imprudents et – après de longues prières – finit par lui déclarer le 5 août suivant qu’il avait acquis la certitude que Dieu voulait qu’il accepte d’être son conseiller spirituel.

   Il faudra cependant plusieurs années de maturation pour que la pieuse baronne soit prête à la fondation que Dieu a révélée au saint évêque. D’abord parce qu’il faut que Madame de Chantal lève les obstacles familiaux, et en particulier attende que ses enfants puissent se passer d’elle…

   A la Pentecôte 1607, Saint François de Sales s’assure des dispositions de Madame de Chantal. La Révérende Mère de Chaugy – biographe des premières moniales de la Visitation – a relaté ainsi cet entretien :

« Après la messe, avec un visage grave et sérieux, tout recueilli en Dieu, il lui dit : « Ma fille, je suis résolu de ce que je veux faire de vous ». « Et moi, dit-elle, Monseigneur et mon Père, je suis résolue d’obéir ». Sur cela elle se mit à genoux, le bienheureux l’y laissa et se tint debout à deux pas d’elle : « Oui, il faut entrer à Sainte Claire ». « Mon Père, je suis toute prête ». « Non, dit-il, vous n’êtes pas assez robuste, il faut être soeur de l’hôpital de Beaune ». « Tout ce qui vous plaira ». « Ce n’est pas encore ce que je veux, dit-il, il faut être Carmélite ». « Je suis prête d’obéir », répond-elle. Ensuite il lui proposa diverses autres conditions pour l’éprouver et il trouva que c’était une cire amollie par la chaleur divine et disposée à recevoir toutes les formes d’une vie religieuse, telle qu’il lui plairait. Et là-dessus, il lui déclara fort amplement le dessein qu’il avait de notre cher Institut » (Mère de Chaugy, p.95).

   Madame de Chantal confiera plus tard qu’à l’énoncé des projets de Monseigneur de Sales elle fut remplie d’un immense bonheur car « je sentis aussitôt une grande correspondance intérieure avec une douce satisfaction et lumière, qui m’assurait que telle était la volonté de Dieu ».

   Il faudra encore trois années pour arriver à l’ouverture du premier monastère : trois années riches d’échanges, de mûrissements et de lumières célestes avant qu’au soir du dimanche de la Sainte-Trinité 6 juin 1610 les trois premières Mères et la première Sœur puissent entrer dans la petite maison « de la Galerie » au bord du lac, et y commencer la vie de communauté.

Frère Maximilien-Marie

Armoiries de la Visitation

(*) Celse-Bénigne de Rabutin-Chantal épousera Marie de Coulanges qui,  en 1626, lui donnera une fille, prénommée elle aussi Marie. Marie de Rabutin-Chantal épousera en 1644 Henri de Sévigné : la célèbre marquise épistolière est donc la petite-fille de Sainte Jeanne de Chantal.

2010-23. Dimanche de la Sainte Trinité 1610 : fondation de l’Ordre de la Visitation.

        Voici ce qu’on peut lire dans le coutumier des Religieuses de la Visitation Sainte-Marie :
« La fête de la Sainte Trinité, jour auquel Dieu donna commencement à la Congrégation en l’an 1610…« 

Sainte Trinité 1610 : Saint François de Sales remet à la baronne de Chantal le livre de la Règle

       Nous avons évoqué > ici , l’ouverture de l’année jubilaire du 4ème centenaire de la fondation de l’Ordre de la Visitation. Si le 6 juin de cette année 2010 en est bien l’anniversaire exact selon les éphémérides, les anciens livres de la Congrégation célèbrent à deux reprises la mémoire de cet évènement a) en l’associant à la fête de la Très Sainte Trinité, puis b) à la date du 6 juin (puisque le 6 juin 1610 était cette année-là celui du dimanche de cette fête), jour qui doit être chômé dans la Congrégation lorsqu’il tombe en semaine.

   Initialement, Saint François de Sales et Sainte Jeanne-Françoise de Chantal avaient choisi la date hautement symbolique du dimanche de Pentecôte, 30 mai 1610, mais divers contretemps les obligèrent à sursoir d’une semaine. C’est ainsi que l’ouverture du premier monastère de l’ordre fut définitivement fixée au dimanche de la Sainte Trinité, qui coïncidait avec la fête de Saint Claude. Ce ne fut pas sans frapper Madame de Chantal qui se rappela qu’au tout début de sa rencontre avec le saint évêque de Genève, elle avait entendu dans un songe une voix mystérieuse qui lui annonçait son « entrée au repos des enfants de Dieu » par la « porte de Saint Claude » : la divine Providence avait de toute évidence prévu et voulu ce délai.

   Le matin du dimanche 6 juin 1610 donc, Madame de Chantal et ses deux premières compagnes – Mesdemoiselles Favre et de Bréchard -, vinrent dans l’oratoire de l’évêché : elles y assistèrent à la Messe de Monseigneur et communièrent de sa main. Elles passèrent ensuite une partie du dimanche soit à prier dans les église d’Annecy, soit à visiter des familles pauvres. Elles soupèrent à l’évêché avec Monseigneur et ses frères, le chanoine Jean-François et les seigneurs Louis et Bernard de Sales. En sortant de table, on passa à l’oratoire.

    »Vous êtes bien heureuses, vous que le Seigneur a sauvées, dit Monseigneur aux trois femmes agenouillées devant lui. Ayez un très grand et très humble courage, Dieu sera votre Dieu! » Puis il remit à Madame de Chantal l’ébauche de la Règle : « Suivez ce chemin, ma très chère fille, et le faites suivre à celles que le Ciel a destinées pour suivre vos traces« . Enfin, les yeux levés, il les bénit toutes les trois « au Nom du Père tout-puissant qui les attirait, du Fils éternelle Sagesse qui les régissait et du Saint-Esprit qui les animait de ses amoureuses flammes« .

   Par cette belle et longue soirée dominicale, les promeneurs se dirigeaient en grand nombre vers la rive du lac. Ils s’arrêtèrent pour contempler un spectacle sans exemple : sur les neuf heures, la baronne de Chantal avait quitté l’évêché – donnant le bras à son gendre Bernard de Sales, frère puiné du saint évêque -, suivie de mesdemoiselles Jacqueline Favre et Charlotte de Bréchard, qu’entouraient le chanoine Jean-François et le seigneur Louis de Sales ainsi qu’un groupe d’amis, heureux de témoigner de leur sympathie à l’oeuvre naissante. Un murmure de louanges parcourut le peuple et des acclamations retentirent.

   A la maison de la Galerie, Jacqueline Coste, déjà en fonction sous son costume de servante (en effet les Soeurs tourières porteront pendant longtemps l’habit ordinaire des domestiques de ce temps), ouvrit la porte aux arrivantes. Après s’être recueillies dans la petite chapelle, les nouvelles Religieuses montèrent dans leurs chambres. Jeanne-Françoise de Chantal s’écria alors : « Voici le lieu de nos délices et de notre repos! » A trois reprises elle entonna le Gloria Patri que ses compagnes chantèrent avec elle. Ensuite elle embrassa cordialement ses deux soeurs en religion qui, à genoux, firent entre ses mains promesse de fidèle obéissance. La prière du soir achevée, la Mère de Chantal – ce sera désormais son nom – lut à ses filles la Sainte Règle ; et dès lors – note la Mère de Chaugy dans ses mémoires – « le petit volume de cette grande loi ne bougea de sa bouche« .

   Le lendemain matin, au lever, toutes trois revêtirent leur costume de noviciat : robe noire, collet blanc, bandeau noir au front, coiffe de taffetas noir nouée sous le menton, qu’elle garderont jusqu’au jour de leur profession où alors à proprement parler elles prendront le voile. Elles se mirent en oraison dans leur chapelle où, à huit heures, Monseigneur vint dire la Messe et établit la clôture. Il déclara qu’il n’avait plus désormais devant lui ni dame ni demoiselles, mais une Mère qui vivait parmi des Sœurs. Et l’on rapporte qu’en rentrant à l’évêché il dit à ses frères avec un sourire empreint d’une innocente malice : « Vraiment, nos dames n’ont pas pris une coiffure à leur avantage« …

(d’après Monseigneur Francis Trochu)

Lire aussi ici « les préludes à la fondation de l’Ordre de la Visitation », en cliquant > ici.

2010-19. « Le plus riche patrimoine de notre nation, la première de nos gloires et la première de nos nécessités sociales, c’est notre sainte religion… »

8 mai,
En un certain nombre de diocèses et de congrégations :
Fête de Marie Médiatrice de toutes grâces ;
Mémoire de l’apparition de Saint Michel archange au Mont Gargan ;
Anniversaire de la délivrance d’Orléans par Sainte Jeanne d’Arc.

       Le 8 mai 1429, Sainte Jeanne d’Arc fit son entrée triomphale dans la ville d’Orléans dont elle avait fait lever le siège mené depuis plusieurs mois par les troupes anglaises.
Cette date marque le renouveau de l’espérance pour les peuples de la France envahie, humiliée, désemparée… Chaque année, les fêtes johanniques d’Orléans célèbrent le souvenir de ce haut fait et du retentissement qu’il eut par tout le Royaume.

   Le 24 juin 1920 – quelques semaines après la canonisation de Jehanne (16 mai 1920) – à l’initiative de Joseph Fabre, une loi fut adoptée qui instituait le deuxième dimanche du mois de mai comme fête nationale de Sainte Jeanne d’Arc.
Aussi lorsque en 1922 le Pape Pie XI la déclara patronne de la France en second (expression qui est préférable à celle de « patronne secondaire ») - la patronne principale étant Notre-Dame de l’Assomption – , la fête liturgique de Sainte Jeanne d’Arc (le 30 mai) devint une fête qui, dans toute la France, se devait d’avoir une célébration reportée au dimanche. La solennité en fut alors naturellement fixée non pas au dimanche qui suivait le 30 mai, mais également au deuxième dimanche de mai pour la faire correspondre à la fête nationale.

   Nous ne pouvons que déplorer et réprouver la manière dont, dans le calendrier liturgique réformé, la célébration de la fête de Sainte Jeanne d’Arc a été rétrogradée par les instances épiscopales françaises au mépris de toutes les règles liturgiques, pour des raisons qui semblent tout à fait idéologiques. Le tristement célèbre Pierre Cauchon, vendu à l’envahisseur et ennemi de la légitimité dynastique, aurait-il eu une descendance dans les évêques du XXème siècle ?

   Pour marquer la célébration de la fête nationale et la solennité de Sainte Jeanne d’Arc, je livre aujourd’hui à votre méditation ces lignes extraites de l’éloge de Jeanne d’Arc (elle n’était alors même pas béatifiée) prononcé dans la cathédrale Sainte-Croix d’Orléans le 8 mai 1844 par Monseigneur Louis-Edouard Pie, qui n’était encore que vicaire général du diocèse de Chartres, et deviendrait quelques années plus tard évêque de Poitiers.

2010-19. « Le plus riche patrimoine de notre nation, la première de nos gloires et la première de nos nécessités sociales, c'est notre sainte religion... » dans Chronique de Lully lenepveujeannedarcausigedorlanscopie

       « Souffrez qu’en face des autels, je proclame ces grands principes qui seront toujours compris en France : que c’est la justice qui élève les nations, et que c’est le péché qui les fait descendre dans l’abîme ; qu’il est une Providence sur les peuples, et qu’en particulier il est une Providence pour la France ; Providence qui ne lui a jamais manqué, et qui n’est jamais plus près de se manifester avec éclat que quand tout semble perdu et désespéré ; que le plus riche patrimoine de notre nation, la première de nos gloires et la première de nos nécessités sociales, c’est notre sainte religion catholique, et qu’un Français ne peut abdiquer sa foi sans répudier tout le passé, sans sacrifier tout l’avenir de son pays.

   (…) Jehanne d’Arc est de Dieu ; elle est l’envoyée de Dieu ; elle n’a cessé de le dire. Et quel Français se sentirait le triste courage de nier le témoignage des paroles de Jehanne, si magnifiquement confirmé par le témoignage de ses oeuvres et par le témoignage de sa vie et de sa mort? Et cela pour ne pas vouloir reconnaître cette vérité si consolante, savoir : que Dieu aime la France et qu’au besoin il la sauve par des miracles.

    »Prince de Bourgogne, écrivait Jehanne à l’ennemi de son Roi, je vous fais asçavoir de par le Roy du Ciel, pour votre bien et votre honneur, que vous ne gaignerez point bataille à l’encontre des loyaulx Françoys et tous ceux qui guerroyent contre le Roy Jhésus, Roy du Ciel et de tout le monde ; s’il vous plaît aguerroyer, allez sur le Sarrazin.« 

   Vous l’entendez, Messieurs, le saint royaume de France, le royaume des loyaux Français, c’est le royaume de Dieu-même ; les ennemis de la France, ce sont les ennemis de Jésus. Oui, Dieu aime la France, parce que Dieu aime son Eglise, rapporte tout à son Eglise, à cette Eglise qui traverse les siècles, sauvant les âmes et recrutant les légions de l’éternité ; Dieu, dis-je, aime la France, parce qu’il aime son Eglise, et que la France, dans tous les temps, a beaucoup fait pour l’Eglise de Dieu. Et nous, Messieurs, si nous aimons notre pays, si nous aimons la France, et certes nous l’aimons tous, aimons notre Dieu, aimons notre foi, aimons l’Eglise notre Mère, la nourrice de nos pères et la nôtre.

   Le Français, on vous le dira du couchant à l’aurore, son nom est CHRETIEN, son surnom CATHOLIQUE. C’est à ce titre que la France est grande parmi les nations ; c’est à ce prix que Dieu la protège, et qu’il la maintient heureuse et libre. Et si vous voulez savoir en un seul mot toute la philosophie de son histoire, la voici : « Et non fuit qui insultaret populo isti, nisi quando recessit a cultu Domini Dei sui : et il ne s’est trouvé personne qui insultât ce peuple, sinon quand il s’est éloigné du Seigneur son Dieu » (Judith V, 17). »

blasonjdarc 8 mai dans Lectures & relectures

Voir aussi le discours du Cardinal Eugenio Pacelli sur la Vocation de la France, prononcé dans la chaire de Notre-Dame de Paris le 13 juillet 1937 > ici.

Prière (pour neuvaine) et cantique en l’honneur de Sainte Jeanne d’Arc > ici.

2010-8. De la pieuse mémoire d’Andreas Hofer, le « Chouan du Tyrol », au jour anniversaire de sa mort héroïque.

- 20 février 1810 -

Sacré-Cœur vitrail

       En 1805, par le traité de Presbourg, consécutif aux défaites d’Ulm et d’Austerlitz, l’Autriche fut contrainte de céder le Tyrol au jeune royaume de Bavière, totalement soumis à la tyrannie napoléonienne.

   Les anciens droits des Tyroliens furent alors annulés par les Bavarois, qui exigeaient – entre autres – que les jeunes gens effectuent un service militaire de six ans dans les armées de celui auquel on n’a pas sans raison donné le surnom d’ «ogre corse». Les coutumes des Tyroliens et leurs pratiques religieuses étaient menacées : en particulier les pèlerinages, les processions et les manifestations extérieures de la foi furent interdits.

   Le mécontentement de cette population si fortement ancrée dans la religion catholique et si attachée à la Maison de Habsbourg alla croissant et entraina en 1809 un mouvement de résistance armée, comparable à celui qui avait soulevé les provinces de l’ouest de la France en 1793. La figure centrale en fut un habitant de la vallée du Passeiertal, au Tyrol du Sud, Andreas Hofer.

   Destin hors du commun que celui de ce paysan-aubergiste, robuste père de famille, simple et pieux, dont la figure n’est pas sans rappeler celle de Jacques Cathelineau.

Andreas Hofer

Andreas Hofer, homme de foi et de détermination héroïque.

   Devenu par nécessité régent du Tyrol au nom des Habsbourg, en entraînant ses montagnards au cri de « Pour Dieu, l’Empereur et la Patrie », Andreas Hofer a pris place parmi les plus grands héros de la résistance catholique contre l’impiété révolutionnaire, car Napoléon ne fut jamais rien d’autre que « la révolution couronnée ».

   On doit à Jean Sévillia une magnifique biographie de ce « Chouan du Tyrol » : son livre raconte une épopée passionnante et révèle un personnage malheureusement encore trop méconnu en France.
Ce récit, clair et rigoureux, renverse le mythe officiel de la « France libératrice de l’Europe ».

2010-8. De la pieuse mémoire d'Andreas Hofer, le

   Les troupes franco-bavaroises du maréchal Lefèbvre et du prince Eugène de Beauharnais, sous-estimant totalement ces « péquenauds », subirent de cuisantes défaites. Elles étaient habituées à des combats ouverts sur les champs de bataille et furent déroutées par cette guérilla populaire. Les Tyroliens combattaient avec ce dont ils disposaient : fourches, faux, fusils de chasse… Leur courage était galvanisé par le soutien massif des religieux.

   Par trois fois, le puissant ennemi se fit repousser de la province alpine, mais le destin du Tyrol se jouait bien loin de là, sur les champs de bataille européens et à la table des conférences de paix. A la fin de l’année 1809, alors que bien des insurgés avaient été tués, que des centaines de villages et de fermes avaient été réduits en cendre, que la famine et la misère régnaient sur le Tyrol, ces héroïques chouans durent rendre les armes. Andreas Hofer, trahi par un voisin, fut livré aux troupes françaises et emprisonné à Mantoue au début de l’année 1810.

Arrestation d'Andreas Hofer

Arrestation d’Andreas Hofer

Andreas Hofer emmené pour être fusillé

Andreas Hofer emmené pour être fusillé

   On raconte que Napoléon donna l’ordre d’un « juste procès avant de le descendre » : ce trait est bien dans le style de ce dictateur – qu’on se souvienne de l’exécution du duc d’Enghien – même si plus tard il prétendra auprès de Metternich qu’Hofer avait été exécuté, contre sa décision. Andreas Hofer fut fusillé par les français le 20 février 1810

   Des monuments honorent la mémoire d’Andreas Hofer aux quatre coins du Tyrol. L’un des plus importants se situe au Bergisel, proche d’Innsbruck, lieu d’une importante victoire.

Monument d'Andreas Hofer à Innsbruck (Bergisel)

   En 1823, les restes d’Andreas Hofer furent ramenés à Innsbruck et reposent depuis lors, dans l’attente de la résurrection, dans « l’église de la Cour » (Hofkirche), parfois nommée l’église « des bonshommes noirs » ou des franciscains.

   La mémoire d’Andreas Hofer fut honorée comme celle d’un martyr au Tyrol et en Autriche. Son nom devint une sorte de point de ralliement contre le pouvoir de Napoléon.
Le chant « Zu Mantua in Banden » (« Emprisonné à Mantoue ») qui retrace la mort du héros, est devenu l’hymne du Tyrol. La fête du Sacré-Coeur de Jésus, dont les résistants à Napoléon arboraient l’image sur la poitrine, est depuis lors la grande fête de cette province qui reconnaît en Andreas Hofer une sorte d’incarnation de ses sentiments de foi et de patriotisme.

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   Nous ne laissons jamais passer l’anniversaire de l’exécution de ce héros catholique sans nous recueillir en sa mémoire et sans le remercier pour le courage et l’abnégation avec lesquels il s’est opposé aux menées impies du prétendu « empereur des Français ».

Lully.

Armoiries du Tyrol

Armoiries du Tyrol

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