Archive pour la catégorie 'Memento'

2014-8. «O mon peuple, que vous ai-je donc fait ? »

Complainte

Complainte Louis XVI

       Chaque année, à l’approche du 21 janvier, triste anniversaire du martyre de Sa Majesté le Roi Louis XVI, je publie quelque texte en rapport avec ce monarque ou avec sa passion.
Cette année, j’ai choisi ce chant, intitulé « Complainte de Louis XVI aux Français », que sans doute beaucoup d’entre vous connaissent déjà.

   On ne connaît pas l’auteur des paroles de cette complainte, mais il est certain qu’elle fut écrite dans le temps même du procès de l’infortuné monarque.

   La citation qui lui est mise en exergue, est constituée par les premiers mots des Impropères, ce chant de la liturgie du Vendredi Saint dans lequel le Christ Sauveur adresse des reproches au peuple d’Israël, lequel, en échange de tous les bienfaits reçus de Dieu au cours de son histoire, Lui a infligé les ignominies de la Passion.
C’est une manière non équivoque de rappeler que le Roi de France est un « christ » – mot qui signifie « oint » – , puisqu’il a reçu l’onction sainte du Sacre (cf. notre publication sur la sainte Ampoule > ici).
Par cette onction, le Souverain est devenu un personnage sacré, le lieu-tenant de Dieu dans l’ordre temporel pour le gouvernement du Royaume de France.
La révolution, par les ignominies qu’elle a infligées au Roi Très Chrétien, a encore davantage identifié le Roi Louis XVI au Christ Sauveur : comme Lui, le Prince innocent a été trahi, abandonné, emprisonné, iniquement jugé, condamné au mépris de la justice, alors qu’il n’avait fait que du bien… 

   La première publication de cette complainte que j’ai trouvée, est aux pages 257 et 258 dans le tome premier du « Dernier tableau de Paris, ou récit historique de la révolution du 10 août 1792 , des causes qui l’ont produite, des évènements qui l’ont précédée, et des crimes qui l’ont suivie », publié à Londres par J. Peltier en septembre 1793.
Voici la photographie de la note qui introduit le texte de cette complainte :

note complainte

« La romance qui suit a été distribuée par milliers, et chantée publiquement à Paris,
le jour même que la défense du Roi a été prononcée. Cela prouve bien clairement que c’est la faction, et non la nation, qui accuse son Roi. »

   J’ai ensuite retrouvé le texte de cette complainte dans « l’Almanach des gens de bien pour l’année 1797 », publié à Paris par le fameux polémiste monarchiste Christophe Félix Louis Ventre de La Touloubre, dit Galart de Montjoie.
Après quoi, tout au long du XIXe siècle et jusqu’à nos jours, on la retrouve dans nombre de publications monarchistes, jusqu’à avoir même été chantée dans une émission de télévision : c’est l’enregistrement que l’on trouvera ci-après, lequel, toutefois, n’est pas exactement conforme, en ce qui concerne les reprises, avec le premier texte publié par J. Peltier, qui est celui que je reproduis textuellement ci-dessous (j’en ai seulement modernisé la graphie, mais conservé scrupuleusement la ponctuation).

Lully.

frise lys

O mon peuple ! que vous ai-je donc fait ?
J’aimais la vertu, la justice ;
Votre bonheur fut mon unique objet ;
Et vous me traînez au supplice ! (bis)

Français, Français, n’est-ce pas parmi vous
Que Louis reçut la naissance ?
Le même ciel nous a vu naître tous ;
J’étais enfant dans votre enfance.

O mon peuple, ai-je donc mérité
Tant de tourments et tant de peines !
Quand je vous ai donné la liberté,
Pourquoi me chargez vous de chaînes ? (bis)

Tout jeune, encor, tous les Français en moi
Voyaient leur appui tutélaire ;
Je n’étais pas encore votre Roi,
Et déjà j’étais votre père.
O mon peuple ! Que vous ai-je donc fait.. etc.

Quand je montai sur ce Trône éclatant
Que me destina ma naissance,
Mon premier pas dans ce poste brillant
Fut un Edit de bienfaisance.
O mon peuple ! Ai-je donc mérité… etc.

Le bon Henry, longtemps cher à vos cœurs,
Eut cependant quelques faiblesses ;
Mais Louis XVI, ami des bonnes mœurs,
N’eut ni favoris, ni maîtresses.
O mon peuple ! Que vous ai-je donc fait… etc.

Nommez les donc, nommez moi les sujets
Dont ma main signa la sentence !
Un seul jour vit périr plus de Français
Que les vingt ans de ma puissance !
O mon peuple ! Ai-je donc mérité… etc.

Si ma mort peut faire votre bonheur,
Prenez mes jours, je vous les donne.
Votre bon Roi, déplorant votre erreur,
Meurt innocent et vous pardonne.

O mon peuple ! recevez mes adieux ;
Soyez heureux, je meurs sans peine.
Puisse mon sang, en coulant sous vos yeux,
Dans vos coeurs éteindre la haine. (bis)

Pour entendre l’enregistrement faire un clic droit sur l’image ci-dessous puis « ouvrir dans un nouvel onglet »

Image de prévisualisation YouTube

frise lys

On trouvera aussi dans ce blogue :
Le discours du Pape Pie VI proclamant que Louis XVI est un martyr > ici
Le récit des dernières heures du Roi martyr > ici
Le testament de Louis XVI > ici
Le voeu de Louis XVI au Sacré-Coeur de Jésus > ici
Des Maximes écrites par le Roi Louis XVI > ici

La Messe de Requiem composée par Cherubini
pour le service funèbre à la mémoire de Louis XVI > ici

2014-6. « C’est l’absolu qui me donne la norme du relatif. » (Gustave Thibon)

       Chaque année, l’approche du 19 janvier - anniversaire de la mort (sans doute serait-il plus juste d’écrire : de l’entrée dans la lumière éternelle) de Gustave Thibon - , m’est une occasion de me replonger avec une intensité nouvelle, plus encore que dans l’oeuvre – ses livres sont toujours à portée de main dans mon bureau et me servent une nourriture quotidienne – , dans la pensée et dans l’âme de Thibon, et de resserrer ainsi les liens profonds que j’ai tissés avec lui depuis mon adolescence.
J’ai choisi, cette année, de partager avec vous un extrait de l’ouvrage intitulé « Entretiens avec Christian Chabanis » (Fayard – 1975), dans lequel sont retranscrits les échanges qui eurent lieu au cours de trois émissions diffusées par TF1 en février-mars 1975.
Je m’approprie totalement ce qu’a écrit magnifiquement Christian Chabanis comme dernière phrase de la préface de cet ouvrage : « J’ai reçu de Thibon ce qui n’appartient pas à Thibon non plus qu’à moi-même, mais en quoi nous communions ensemble : sans doute est-ce la raison pour quoi je ne lui mesure pas ma reconnaissance à l’aune du relatif. »

Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur.                                          

Entretiens avec Christian Chabanis

frise

Eglise et politique.

   Christian Chabanis :
- Vous devez concevoir assez difficilement que l’Eglise – l’Eglise catholique, précisément – ait pu bénir la démocratie avec le luxe de louanges qu’elle lui prodigue depuis quelques années, et cesse de bénir d’autre formules politiques qui semblaient connaître sa prédilection jusque-là ?

   Gustave Thibon :
- Le mot « Eglise » est peut-être un peu exagéré : disons certains hommes d’Eglise, et même un bon nombre d’hommes d’Eglise. Cela ne m’étonne pas. Ce n’est pas d’hier que le clergé flatte les pouvoirs établis. Il flatte aujourd’hui la démocratie comme il flattait la monarchie, et il flatte aussi le socialisme, non comme pouvoir établi, du moins en Europe occidentale, mais comme pouvoir dont il prévoit l’avènement dans un proche avenir. Je note d’abord qu’il est normal que l’autorité religieuse ne fasse pas obstacle à l’autorité politique et qu’elle vive en bonne entente avec celle-ci. Ce qui me choque, c’est de la voir parfois coller au pouvoir temporel avec une servilité déconcertante.
Si j’étais méchant – j’y ai souvent pensé et ce serait une aubaine pour les anticléricaux, mais les anticléricaux sont mal renseignés – , je ferais une anthologie de mandements d’évêques, de la révolution française à nos jours. Vous verriez, d’un régime à l’autre, à quel point chacun a pu être démesurément exalté. D’abord les mandements des évêques sur Napoléon le Grand. Je me souviens de je ne sais quel texte dans lequel, après la victoire d’Austerlitz, et un parallèle entre Napoléon et Alexandre où Napoléon jouait d’ailleurs le beau rôle – notez qu’au point de vue stratégique, valeur militaire, ce parallèle pouvait se défendre – , un évêque concluait en disant : « Mais tandis qu’Alexandre luttait, mû par une insatiable ambition, le modeste et timide Napoléon ne tire l’épée que pour les droits de Dieu ! »
Voyons, si vous aviez à qualifier Napoléon, est-ce les mots de « timide » et de « modeste » qui vous viendraient sur les lèvres ? Il faut vraiment être évêque pour trouver cela.
Ensuite, les louanges de la révolution de 48 ; tel évêque plantait l’arbre de la liberté, mais trois ans après, quand Louis-Napoléon fut arrivé au pouvoir, encensait « le nouveau Constantin qui nous a délivrés de l’hydre de l’anarchie ». Et ça continue : « La France, c’est Pétain » et « Pétain, c’est la France » ! A quelques années de là, de Gaulle est comparé au Saint-Esprit ! Dans je ne sais quelle église où il fait sa visite le jour de la fête du Bon Pasteur, on ose lui dire qu’il « connaît ses brebis et que ses brebis le connaissent » ! Ce que personne n’avait osé dire à Louis XIV ! Et pourtant, les flatteurs ne manquaient pas sous l’Ancien Régime !
Cela ne m’étonne pas du tout. Quant les hommes qui sont chargés d’enseigner le surnaturel, le divin, se mettent à verser dans le social, ils y versent de tout leur poids. C’est un peu comme si ce poids d’absolu qu’implique la religion se déversait sur le relatif, ce qui crée des exagérations ridicules.
Aujourd’hui, c’est la même chose vis-à-vis des démocraties et du socialisme. Si j’étais démocrate, si j’étais socialiste, la seule alliance qui me dégoûterait serait l’alliance des curés ! Elle est dictée, je ne dirai pas par l’intérêt personnel, mais par un conformisme aveugle à l’égard du pouvoir quel qu’il soit. Vous l’avez dit d’ailleurs un jour : « L’abbé de rue et l’abbé de cour se rejoignent ! » Et quand on encense le peuple, ce n’est pas les hommes du peuple, ce n’est pas les pauvres qu’on loue, mais cette immense force sociale que constitue la masse des pauvres. C’est donc toujours la puissance qui est adorée.

(…)

   Christian Chabanis :
- Pourrait-on parler, à votre sens, d’une politique chrétienne ?

   Gustave Thibon :
- Oui, à la limite d’une politique inspirée non par la mystique chrétienne – ce n’est pas l’affaire de la politique – , mais par un ensemble de règles empiriques qui tendent à respecter le plus possible la personnalité des hommes et leur liberté. Dans ce cas-là, on peut parler de politique chrétienne. Mais uniquement en ce sens. Et sans inféoder totalement le christianisme à cette politique, car le christianisme la déborde de toute part.
(…) Une politique ne peut jamais être totalement une politique de sainteté, pour l’excellente raison que toute politique doit tenir compte du mal et, dans un certain sens, composer avec le mal. Imaginez-vous un homme politique appliquant à la lettre, dans ses rapports avec les ennemis de son pays (un Hitler ou un Staline, par exemple), les conseils évangéliques : « Ne résiste pas au méchant » ou « Tends l’autre joue » ? Tout au plus, la sainteté pourrait-elle dicter à un homme politique certaines décisions qui vont dans le sens de la justice, de la loyauté, de la paix, etc. Mais toujours en tenant compte d’une infinité de contingences qui n’ont rien à voir avec le surnaturel.

   C.C. :
- Les réflexions que vous inspire le politique sont dictées cependant par cette expérience profonde dont nous avons d’abord parlé : l’expérience mystique. Le regard que vous posez sur toute chose, vous le posez en particulier sur le politique, à partir de la dimension métaphysique, si bien que votre pensée juge aussi le politique à travers l’absolu.

   G.T. :
- Sans aucun doute. Je le juge à travers l’absolu pour le considérer comme relatif. C’est l’absolu qui me donne la norme du relatif.

   C.C. :
- Du relatif dans tous les ordres de réalité ?

   G.T. :
- Du relatif politique comme du relatif de l’amour humain, comme du relatif de la morale, comme du relatif de toutes les réalités non surnaturelles, non divines. Lesquelles doivent être mises à leur place : non pas niées, non pas exaltées, mais bien situées. Sinon nous tombons dans ce que les hindous appellent « l’égarement des contraires » : on va indéfiniment d’une idolâtrie à l’idolâtrie opposée. Car il est beaucoup plus facile de mettre les choses à l’envers que de les remettre à leur place.

   C.C. :
- Et les choses à leur place, c’est la hiérarchie des valeurs et la hiérarchie des êtres que vous considérez comme fondamentales. A partir non seulement des mœurs, comme nous l’avons dit tout à l’heure, mais à partir d’un regard sur les mœurs qui vient du plus haut qu’elles ?

   G.T. :
- Bien sûr. (…)
Au fond, la société qui se rapproche le plus de mon idéal est celle où il existe encore des communautés naturelles, des groupes humains, où chaque individu exerce le maximum de libertés et de responsabilités personnelles, court ses risques personnels et ses chances personnelles, et peut s’intégrer dans un ensemble où il n’est pas simplement régi par la bureaucratie, où il a des contacts humains, où le prochain ait pour chacun une âme et un visage. Le pire, c’est l’administratif régnant en tout et partout. Qui donc a dit que les sociétés commencent par le sacré et finissent par l’administratif ?

Avec une pensée infiniment fraternelle G. Thibon

« Avec une pensée infiniment fraternelle – G. Thibon »
(conclusion d’un message de dédicace à l’intention de Frère Maximilien-Marie)

Quelque autres publications consacrées à Gustave Thibon dans les pages de ce blogue :
– « In memoriam : Gustave Thibon » (2008) > ici
- « Gustave Thibon : dix ans déjà ! » (2011) > ici
– « Eloignement et connaissance » (extrait de « Retour au réel ») > ici
- Le message de ND de La Salette au monde paysan > ici
- « Le goût de l’aliment éternel » > ici
- « Libertés » (extrait de « Diagnostics ») > ici
Le sport dans la société moderne > ici

2014-4. Le 17 janvier 1871 à Notre-Dame des Victoires.

17 janvier,
Anniversaire de l’apparition de Notre-Dame à Pontmain.

   Le 16 janvier l’archiconfrérie du Coeur immaculé de Marie Refuge des pécheurs, établi dans la basilique de Notre-Dame des Victoires à Paris, célèbre sa fête patronale (cf. > ici).
Le lendemain de cette fête liturgique, on commémore l’apparition de la Très Sainte Vierge dans le ciel du village de Pontmain.

Voici aujourd’hui un texte qui m’a été adressé par un ami et qui établit en quelque sorte un lien entre la basilique de Notre-Dame des Victoires et l’apparition de la Très Sainte Vierge Marie à Pontmain, le 17 janvier 1871.

Autel de ND des Victoires

Autel de l’archiconfrérie du Coeur immaculé de Marie Refuge des pécheurs
(basilique Notre-Dame des Victoires – Paris)

Monogramme Marie 2

Le 17 janvier 1871 à Notre-Dame des Victoires
récit de Louis Colin 
(*)

in « Notre-Dame de Pontmain – Son message à la France»
(1894 réédité en 2011 - 
pp. 97-101 ; 221-223 )

       Notre-Dame des Victoires, érigée en ex-voto pour remercier la Mère de Dieu de la défaite des protestants qui menaçaient alors de faire passer à l’hérésie la nation prédestinée, est sortie du cœur de Louis XIII en même temps et par le même mouvement que la consécration solennelle de son royaume à Marie.
Celui-ci, glorieux et victorieux autrefois dans le monde, maintenant broyé sous le talon de la protestante Allemagne et livré sans merci à ses innombrables armées, n’a plus qu’une seule ressource, celle d’y demander à genoux sa délivrance. Elle sera la victoire de Notre-Dame, à laquelle, par droit de naissance et de consécration nationale, appartient la France qui, par elle et avec elle, ne saurait ni devenir protestante ni mourir.

   Le 15 janvier, une neuvaine y fut annoncée qui devait s’ouvrir le 17, à huit heures du soir, et qui ne s’ouvrit pas ce jour-là sans difficultés.
Mgr Darboy, pour des raisons personnelles sans doute, voulut avoir une autre date qui fût sienne.
Quelles étaient les pensées de l’Archevêque ? Pourquoi ce retard ? Les événements peuvent seuls expliquer les lenteurs qu’il voulut y mettre ; car ce ne fut pas le 17, mais le 20 janvier, c’est-à-dire trois jours après, que la neuvaine devait officiellement commencer.

   La poussée des fidèles avait pourtant quelque chose de si extraordinaire et de si irrésistible que, craignant de mécontenter les foules qui, depuis l’annonce du 17, accouraient déjà de tout Paris, M. Chanal, curé de la paroisse, délégua un de ses vicaires, l’abbé Laurent Amodru, auprès de l’archidiacre Surat, pour lui exposer la situation difficile et imprévue dans laquelle on allait forcément se trouver.
« Continuez, répondit à celui-ci Mgr Surat, continuez les exercices préparatoires, comme s’il ne s’agissait de rien. »
Réponse qui fut un blanc-seing donné au curé pour en agir comme il était convenu.

   Bien qu’elle eût changé son nom primitif contre celui, plus modeste et plus accommodant, d’exercices préparatoires, la neuvaine du 17 s’ouvrit à point nommé, et lorsque huit heures de la nuit eurent sonnées à la grande horloge, dans la nef de la petite église un millier de fidèles, pliés sous les maux de la patrie, assistaient aux prières plus ardentes ce soir-là de l’Archiconfrérie.

   Un prédicateur monta en chaire, et ce prédicateur était l’abbé Laurent Amodru, revenu de l’archevêché.
De quoi pouvait-il entretenir les âmes, sinon des douleurs communes à tous ?
Le voilà qui parle de nos humiliations, de nos soldats, de nos défaites, du péril que court la France penchée au bord de l’abîme.
Puis subitement, comme s’il fût transporté et hors de lui-même, sous l’action d’un souffle inconnu, il demande que chacun fasse un vœu pour obtenir la cessation du fléau qui pèse sur le pays.
Ce vœu, c’est un cœur d’argent qui sera solennellement offert à Notre-Dame des Victoires, à la clôture de la neuvaine qui va commencer.

   L’auditoire à cette proposition se sent tressaillir, et les cœurs se réveillent à la douce espérance.
Du banc d’œuvre où il est assis, M. l’abbé Chanal, curé de la paroisse, se lève à son tour comme électrisé. Debout et d’une voix forte, tremblante aussi d’émotion et de larmes, il s’écrie :
« C’est de tout mon cœur, mes frères, que j’approuve l’ex-voto dont vient de vous parler le prédicateur. Oui, nous l’offrirons tous à Notre-Dame des Victoires pour qu’elle nous accorde la cessation de la guerre et arrête les châtiments du ciel. Nous jurerons en même temps de servir Dieu par la sanctification du dimanche, ainsi que vous venez de l’entendre. Ce cœur d’or et d’argent rappellera nos promesses, en même temps qu’il sera le témoignage de notre reconnaissance envers la sainte Vierge ! »

   Après quoi, une multitude de fidèles se presse aux bureaux de l’Archiconfrérie pour y déposer son obole.
La commotion produite sur tous était si visible que l’abbé François Amodru, [le frère de Laurent qui avait pris la parole], à la vue du mouvement extraordinaire qui agitait la foule, fut pris d’inquiétude.
Il se précipita vers son frère, et avec l’accent d’un homme tout troublé :
« Qu’avez-vous fait, mon frère, lui dit-il, qu’avez-vous fait ? Vous n’êtes comme moi qu’un simple vicaire, et voilà que du haut de la chaire vous avez mis tout le monde sur pied par une initiative qui n’appartient qu’à M. le curé ! Comment, sans vous être entendu au préalable avec lui, avez-vous osé émettre la proposition d’un ex-voto général ? Nos confrères en sont aussi surpris que moi. Voyez cette foule qui accourt… Comment y suffire ? »
II continuait… 

   Mais le frère, l’arrêtant d’un geste, lui dit avec douceur :
Mon ami, soyez en paix ; ce que j’ai fait, je devais le faire, puisque M. le curé l’a grandement et solennellement approuvé.
Mais, s’il ne l’avait pas approuvé ?
S’il n’avait pas dû l’approuver, je n’aurais peut-être pas dit ce que j’ai dit.
Alors vous avez donc eu…
Ne me parlez pas de cela et soyez en paix. Les prières de l’Archiconfrérie et des milliers d’âmes qui sont venues ici pour y prier durant tout le siège ont fait violence au ciel.
Sur ce, le frère étonné regarda son frère, et leur dialogue palpitant s’arrêta là.

   Au même moment un chrétien, aux oreilles duquel le nom de Pontmain n’avait jamais retenti, s’était recueilli en sa demeure. Profondément bouleversé par ce qu’il venait de voir, d’ouïr et de sentir à Notre-Dame des Victoires, il prenait une feuille de papier pour y laisser déborder le trop plein de son cœur.
Lui aussi était sous le charme intime d’une espérance soudaine, et tandis que la bienheureuse Apparition s’évanouissait lentement au ciel des cieux, un rayon lointain de ses étoiles lui tomba sous la plume qui d’un seul trait, à neuf heures du soir, écrivit à l’abbé Amodru la lettre mémorable que voici :

« Paris 17 janvier 1871

 « Monsieur l’Abbé,

    « Je reviens de Notre-Dame des Victoires, profondément ému des paroles que, dans une improvisation évidemment inspirée, vous avez adressées ce soir aux nombreux fidèles réunis au pied de l’autel de Marie.
 Déjà bien souvent, en dépit de nos rêves et malgré les nuages sombres dont notre horizon se voile de plus en plus, vous avez ranimé notre foi chancelante, et, puisant dans votre cœur une inaltérable confiance en la très sainte Vierge, vous nous avez répété ce cri que vos lèvres articulent avec une émotion si communicative :
Non, Paris ne tombera pas au pouvoir de l’ennemi et ne périra pas. Une barrière infranchissable s’élève entre lui et la capitale menacée. Notre-Dame des Victoires nous garde et nous défend.

Mû, j’allais dire entraîné, par une confiance qui semble puiser une force nouvelle dans le péril qui grandit d’heure en heure, vous venez ce soir même, dans un langage aussi pieux qu’émouvant, de faire passer en nos âmes attristées la sainte conviction qui anime la vôtre !

Une pensée, avez-vous dit, se présente en ce moment à mon esprit. Nous allons tous publiquement et solennellement supplier la Très Sainte Vierge de nous venir en aide, et nous ne franchirons pas le seuil de ce saint temple consacré à sa gloire sans lui avoir non moins solennellement promis de lui offrir un cœur d’argent qui apprendra aux générations futures qu’aujourd’hui, ENTRE HUIT ET NEUF HEURES DU SOIR, tout un peuple s’est prosterné aux pieds de Notre-Dame des Victoires et a été sauvé par elle !

Un tel discours prononcé dans un semblable moment, appuyé, sanctionné, d’ailleurs, d’une exhortation véhémente de M. le Curé, devait aller directement au cœur de chacun des assistants. Un long frémissement s’empara, en effet, de la pieuse assemblée qu’un souffle divin venait de transformer tout à coup. L’émotion qui s’est emparée de moi s’est produite dans toutes les âmes. C’est avec bonheur que je le constate, et chacun voudra, je n’en doute pas, réaliser au plus tôt un vœu à la fois si saint et si consolant.

Je m’empresse, quant à moi, de venir, dès ce soir même, vous prier d’en recevoir ici l’expression solennelle. Veuillez, s’il se peut, l’offrir demain matin à Notre-Dame des Victoires, la suppliant de daigner l’accueillir comme un encens d’agréable odeur, composé des prières aussi bien que des voeux de ses plus fidèles sujets.

Et maintenant, monsieur l’Abbé, laissez-moi vous le dire, avec le respect dû à votre personne aussi bien qu’à votre caractère, vous avez su, en ces temps de défaillance et de découragement, maintenir en nous, vos fidèles auditeurs, la foi qui soutient et l’espérance qui fortifie. Ce double sentiment, je dirais cette double vertu, si je ne parlais ici que des autres, a été le partage de tous ceux qui ont écouté votre voix. Je n’en veux d’autre preuve que cette parole dite à mon oreille au moment de la sortie du temple : « La sainte Vierge ne saurait se montrer insensible à une foi si vive, AVANT HUIT JOURS, LA PAIX SERA SIGNÉE. »

Nous aurons donc, grâce à vous et à Notre-Dame des Victoires, attendu avec un calme égal à notre résignation l’heure fixée par la Providence pour le salut de notre malheureux pays. Cette heure bénie et si souvent attendue A SONNÉ CE SOIR, quelque chose me le dit. A l’exemple du saint vieillard Siméon, nous pourrons bientôt entonner le cantique d’allégresse : Nunc, dimittis servum suum, Domine,et les Annales de l’Archiconfrérie, déjà si riches en pieux souvenirs, s’illustreront encore de cette date à jamais mémorable du 17 janvier 1871.

Daignez, etc.,

Signé : Martel, Contrôleur des Monnaies

Apparition de ND à Pontmain 17 janvier 1871

Pontmain : 17 janvier 1871, entre 8h et 9h du soir…

(*) Louis Frédéric Colin, né à Lignières (département du Cher) le 14 janvier 1835, fit ses études au séminaire de Saint Sulpice à Paris, où il fut ordonné prêtre le 17 décembre 1859. Il choisit alors d’intégrer la compagnie des Prêtres de Saint-Sulpice et un professeur de la Compagnie de Saint-Sulpice, occupa postes de professeur en France de 1860 à 1862, avant d’être envoyé au Québec : curé de Notre-Dame des Neiges à Montréal (1862-1863), professeur de droit canonique au grand séminaire (1863-1864), vicaire à Notre-Dame (1864-1874) et à nouveau professeur de droit canonique au grand séminaire (1874-1875), il devient directeur du grand séminaire de Montréal (1875-1881) puis supérieur des Sulpiciens du Canada (1881-1902). Il rendit son âme à Dieu le 27 novembre 1902. Une école et une avenue portent son nom à Montréal.

frise avec lys naturel

Concernant Notre-Dame des Victoires voir aussi :
– Historique de la basilique Notre-Dame des Victoires > ici
– Prière au Coeur immaculé de Marie Refuge des pécheurs > ici
– Litanies de Notre-Dame des Victoires > ici

Concernant Notre-Dame de Pontmain, voir aussi :
– Récit de l’apparition > ici
– Le cantique « Mère de l’Espérance » > ici

2013-81. In memoriam : Joseph-Etienne de Surville, marquis de Mirabel, et Dominique Allier.

   Nous avons rappelé en son temps l’anniversaire du martyre de l’abbé Claude Allier, prieur de Chambonas, et avons évoqué à cette occasion ce que furent les « Camps de Jalès » (cf. > ici).
Attachons-nous aujourd’hui à la figure de deux de ses continuateurs : le marquis de Surville et Dominique Allier, frère de l’abbé. Cet automne 2013 marque le deux-cent-quinzième anniversaire de leur exécution, à des dates et en des lieux différents, mais après avoir été capturés ensemble toutefois.

2013-81. In memoriam : Joseph-Etienne de Surville, marquis de Mirabel, et Dominique Allier. dans Chronique de Lully surville-dazur-a-trois-roses-dargent-au-chef-dhermines

Surville : d’azur à trois roses d’argent au chef d’hermines

A – Joseph-Etienne de Surville, marquis de Mirabel.

   Il est né le 16 juin 1755 dans une  très ancienne famille de la noblesse vivaroise dont on a la trace au XIIIe siècle. Son père, Jacques de Surville, était capitaine au régiment d’infanterie de Berry ; sa mère était Suzanne de Rey.
Les Surville, délaissant leurs fiefs campagnards, s’étaient établis à Viviers, où leur hôtel particulier existe encore.

   Joseph-Etienne embrasse la carrière militaire et entre, à l’âge de 16 ans, au régiment de Picardie, créé par Henri II en 1558, qui sera renommé régiment Colonel-Général en 1780. Il prend part à la campagne de Corse (1774-1779).
En 1780, il part avec le comte de Rochambeau pour soutenir les insurgés américains contre les troupes britanniques : il est distingué pour son intrépidité au combat.
Rentré en France, on le retrouve en garnison avec le régiment Colonel-Général à Brest en 1783, à Besançon en 1784.
Erreur de jeunesse, entraînement des cadres de l’armée chez lesquels c’est un véritable phénomène de mode, ambiance générale de la haute société menée par l’esprit des « lumières », c’est à Besançon que Joseph-Etienne de Surville est initié à la maçonnerie (loge « la Modeste »), ce qui cependant ne semble pas influencer durablement ses convictions profondes tant pour ce qui concerne la religion que dans l’ordre politique.
Il est possible qu’il ait connu à cette époque le jeune Louis de Frotté, entré en 1781 au régiment Colonel-Général.

chateau-du-pradel-la-chapelle 17 novembre 1798 dans Memento

Château du Pradel : la chapelle et l’entrée des bâtiments (état au début du XXe siècle)

   Le 28 février 1786, à l’âge de 31 ans, il épouse Marie-Pauline d’Arlempdes de Mirabel, dans la chapelle du château du Pradel (ancienne propriété du célèbre Olivier de Serre), proche de Villeneuve de Berg.
Ce mariage lui apportant le marquisat de Mirabel, Joseph-Etienne prend alors le titre de marquis.
De cette union naîtra un seul enfant, qui décédera à l’âge de 4 ans.

   Joseph-Etienne entre le 24 juin de cette même année 1786 au conseil municipal de Viviers. L’année suivante, le 30 juin 1787, il succède à son père comme premier consul de la cité.
En 1788 et 1789 il prend part aux assemblées de la noblesse du Vivarais.
A ma connaissance, on ne possède pas de portrait de lui. Les archives départementales de la Haute-Loire conservent la description faite par les révolutionnaires au moment de son arrestation : « D’une taille de cinq pieds deux à trois pouces », c’est-à-dire qu’il mesure environ 1,70 m, mais le reste est tout-à-fait imprécis : « il possède une jolie figure pleine » et « homme d’esprit, l’air fin et aisé ».

   Tous les historiens ne s’accordent pas sur sa participation au mouvement de Jalès. Il semblerait qu’il ait été arrêté une première fois après l’échec de la conspiration de Saillans (cf. > ici), mais qu’il ait réussi à s’échapper.
En mai 1793, il rejoint l’armée de Condé dans le Würtenberg. Inscrit sur la liste des émigrés, ses biens sont spoliés et vendus ; l’hôtel de Surville, à Viviers, est pillé, et toutes les archives en sont brûlées.

L’inaction lui pesant, il rentre clandestinement en Vivarais au début de l’année 1795. C’est alors qu’il s’engage activement dans le mouvement de chouannerie qui s’étend du Rouergue aux Monts du Lyonnais, en passant par le Gévaudan, la Margeride, les hautes Cévennes, le Vivarais, le Velay et le Forez : il est aux côtés du comte de La Motte (cf. > ici), des frères Allier - on trouvera ci-après le texte de la proclamation du 3 mai 1796 – , et il est en relation avec « notre » Grand Chanéac (cf. > ici) … etc.
Il fut arrêté dans la haute vallée de l’Ardèche, près de Mayres, et conduit à Aubenas, mais parvint à s’échapper encore une fois. 

   L’abbé Charles Jolivet dans son ouvrage sur « Les Chouans du Vivarais » écrit que « malgré le prestige de son nom et la confiance qu’inspira sa valeur, il ne jouera jamais qu’un rôle secondaire ».
Ce jugement nous semble injuste et sévère. Tout d’abord, en effet, le marquis de Surville a joué un rôle non négligeable d’agent de liaison d’une part entre les divers groupes de Chouans, et d’autre part entre l’ensemble du mouvement contre-révolutionnaire du sud-est du Royaume et la Cour en exil : il a ainsi parcouru à maintes reprises les provinces du haut-Languedoc, le Vivarais, le Velay et les environs de Lyon pour ensuite traverser la Suisse et les provinces de l’Empire en guerre, afin de rejoindre, au milieu d’innombrables périls, les Princes émigrés.
Puis il a aussi mené personnellement à bien des actions d’éclat à la tête de sa petite troupe, comme la prise de Pont-Saint-Esprit le 30 septembre 1797.
Dès le 10 juillet 1796, il avait été promu dans l’Ordre Royal de Saint-Louis, et c’est Sa Majesté le Roi Louis XVIII elle-même qui lui en remit le ruban le 8 mars 1797. 

   Nous verrons plus loin dans quelles circonstances il fut arrêté, le 2 octobre 1798.

250px-cachet_chouan 18 octobre 1798 dans Vexilla Regis

B – Déclaration de l’armée chrétienne et royale d’Orient – 3 mai 1796.

Telle qu’elle est citée par Albert Boudon-Lashermes
in « Les Chouans du Velay » (1911) pp. 437-438 

Vive la Religion ! Vive le Roi ! Vive la liberté !

Nous, fidèles sujets de Sa Majesté Très Chrétienne Louis-Stanislas-Xavier, Roi de France et de Navarre,
profondément affectés des malheurs de notre déplorable patrie, regardant cet enchaînement de calamités comme l’effet de la plus terrible vengeance que l’Eternel ait jamais exercée contre aucun peuple de la terre, presque inondée du sang de nos concitoyens de tout âge, et marchant à travers les tombeaux de quatre millions d’entre eux, nous osons supplier ce Dieu de justice et de clémence de daigner enfin mettre un terme à ces terribles fléaux…
En présumant de Ses bontés inépuisables, persuadés que l’obligation première qu’Il nous impose est de rétablir, avec les saints autels, le trône de nos Rois, Fils aînés de l’Eglise, nous déclarons avoir pris à la face du Ciel et sous Ses divins auspices les engagements ci-après énoncés :
1° – De replacer la couronne de nos Rois dans la maison régnante des Bourbons et sur la tête de Louis XVIIIe du nom, sucesseur légitime de feu Louis XVII son auguste et trop infortuné neveu ; … de lui prêter une assistance continue pour rétablir les anciennes lois de son Etat, à l’abri desquelles nos anciens vécurent plus ou moins heureux pendant quatorze siècles.
2° – De faire revivre, dans son premier éclat et dans toute sa pureté, la religion catholique, apostolique et romaine…
Telle est irrévocablement la tâche honorable à l’éxécution de laquelle nous jurons de sacrifier notre repos, notre fortune et nos vies…
Fait au quartier général, sur les bords du Lac d’Issarlès, le 3 mai, jour de l’Invention de la Croix, l’an 1796 et le deuxième du règne de Louis XVIII.

Signé, au nom de tous nos frères d’armes présents :
Les généraux de l’armée chrétienne et royale de l’Orient,

Marquis de Surville
La Mothe 

lac-dissarles abbé Claude Allier

Le lac d’Issarlès : d’une superficie de quelque 90 hectares, 5 km de circonférence et 138 m de profondeur
situé à 1000 m d’altitude dans une région difficile d’accès, les Chouans du Vivarais en firent le lieu de leur quartier général depuis lequel ils lancèrent la proclamation du 3 mai 1796. 

C – Dominique Allier.

   Frère de l’abbé Claude Allier, Dominique seconda son aîné le prieur de Chambonas dans ses entreprises à Jalès, ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le dire (cf. > ici), puis dans la tentative de formation d’un camp royaliste à Séneujols, dans les montagnes du Velay (près de Saugues).
Après l’arrestation et le martyre de l’Abbé Allier, en septembre 1793, Dominique était activement recherché et dut vivre dans la clandestinité (on sait qu’il utilisera des pseudonymes), avec son jeune frère Charles. Peut-être – on ne peut en avoir la certitude absolue – prirent-ils part tous les deux à la défense de Lyon contre les troupes de la Convention.

   L’arrivée du comte de la Motte aux confins du Vivarais et du Velay, vers la fin de l’année 1793 ou au début de l’année 1794, permet de réorganiser et de relancer le mouvement contre-révolutionnaire qui avait été initié par l’abbé Claude Allier, comme nous l’avions aussi déjà raconté (cf. > ici).
Désormais, Dominique Allier sera l’un des plus actifs et des plus efficaces des auxiliaires du comte de La Motte. Ce dernier ne connaissait pas le pays et ses hommes, c’est Dominique Allier qui le présente aux chouans locaux, et qui le met en relation avec la population rurale, toujours méfiante au premier abord.

   Le signalement de Dominique Allier conservé aux Archives de la Haute-Loire le décrit comme étant âgé de 37 à 38 ans (en 1798), d’une taille de « cinq pieds quatre à cinq pouces » (soit environ 1,73 m), les cheveux chatains, la « figure laide et fort rouge », très marquée par la petite vérole, les yeux petits, avec une cicatrice à l’une des paupières qui lui défigure l’oeil, « il prend beaucoup de tabac », est peu loquace, a une certaine rusticité de manières.
Par son allure et ses habitudes de vie, il est très proche des paysans des hauts plateaux du Vivarais et du Velay.
L’abbé Charles Jolivet, déjà cité, écrit à son sujet : « Allier se présente au paysan comme le défenseur de ses intérêts matériels et moraux les plus chers, le redresseur des torts sociaux et surtout le protecteur de la religion, des bons prêtres et de toutes les victimes de la révolution ».

   Après l’exécution sommaire du général-comte de la Motte dans sa prison au Puy (5 octobre 1797), le marquis de Surville obtient pour Dominique Allier une nomination officielle de chef des Royalistes des Cévennes : il le lui écrit depuis Constance le 1er juillet 1798.
Surville et Allier, malgré l’acharnement mis par les « crapauds bleus » à leur recherche, leur jouèrent encore de nombreux « tours » et vinrent s’établir à la limite du Velay et du Forez, aux alentours de Tiranges, Retournac, Craponne, Bas-en-Basset …etc., contrées dont la grande majorité des habitants était ouvertement hostile à la république.

tiranges-vue-generale camps de Jalès

Tiranges (vue générale ancienne) : ce village appartient à l’ancienne province du Forez et a été intégré au département de la Haute-Loire ; il est sis à l’extrémité d’un haut plateau en bordure de la vallée de l’Ance, dont les escarpements font un lieu de refuge idéal.

D – Arrestation et exécution du marquis de Surville et de Dominique Allier.

   Le 2 octobre 1798, alors qu’ils étaient cachés dans le souterrain de la maison de Marie-Anne Théoleyre, veuve Brun, au bord des gorges de l’Ance, le marquis de Surville, Dominique Allier, un prêtre – l’abbé Aulagne – et un jeune chouan de 24 ans nommé Jean-Baptiste Robert, furent trahis (pour 800 livres), pris et conduits au Puy.
Fut également captif dans le même temps Jean-François-Joseph de Charbonnel de Jussac, né en 1774, qui avait été lieutenant du comte de La Motte.

   Dès le 12 octobre, les « patriotes » du Puy étaient avertis de plusieurs côtés que des attroupements se formaient, en Vivarais, en Gévaudan, en Margeride et en Forez, et que des groupes contre-révolutionnaires assez nombreux s’apprêtaient à marcher sur la capitale du Velay afin d’y délivrer Surville, Allier et les leurs.
Pris de panique, les révolutionnaires du Puy firent alors partir Dominique Allier, Jean-François de Charbonnel et Jean-Baptiste Robert pour Lyon, pour qu’ils y soient jugés par un tribunal militaire : ils comparurent le 15 novembre et furent passés par les armes le 17 novembre 1798.
Leur mort fut annoncée à Paris par le communiqué suivant envoyé par les révolutionnaires du Puy :
« Citoyen ministre, nous venons à l’instant de recevoir une lettre du général Pille dont le contenu doit épouvanter tous les ennemis de la république. Elle vous apprendra que la terre de la liberté a dévoré trois de ses plus grands ennemis dans nos contrées, et que Dominique Allier, Charbonnel de Jussac et Robert ne sont plus. Vive la république ! » 

   Quant au marquis de Surville, il avait été gardé au Puy et, sans aucun retard, après un simulacre de procès, il avait été fusillé, contre la façade méridionale de l’église Saint-Laurent, le 18 octobre 1798. Il était âgé de 43 ans et 4 mois.

   Voici le récit de ses dernier instants, écrit par Albert Boudon-Lashermes :
« Une foule immense de sans-culottes, de garde-nationaux, de troupes de ligne, gendarmerie, chasseurs et canonniers avait envahi les abords de Saint-Laurent pour assister à la mort de Surville.
D’un pas assuré, il descendit l’escalier de sa prison ; sa bouche et son cœur priaient. Il monta sur le tombereau, et, calme et souriant, traversa la rue Grange-vieille en saluant les amis accourus sur son passage. Le cortège sortit du Puy par la porte Pannessac.

le-puy-en-velay-porte-pannessac Charbonnel de Jussac

Le Puy-en-Velay : la Porte Pannessac (avant sa mutilation)

- Monsieur, dit-il à l’officier qui commandait le détachement, je crois inutile de vous demander un prêtre fidèle ; ce serait d’ailleurs l’exposer à de grands malheurs. Veuillez donc, s’il vous plaît, m’envoyer le curé constitutionnel.
Le prêtre arrive : « Je vous plains, Monsieur, d’avoir donné ce funeste exemple de prévarication ; je sais néanmoins que, dans le cas où je me trouve, je puis me servir de vous. Veuillez m’écouter ».
Le prêtre schismatique, attendri, remplit son pénible ministère. M. de Surville reçut ses consolations avec une piété et une douceur angéliques.
Un sergent s’avança pour lui bander les yeux : « Comment ! dit-il, depuis ma plus tendre enfance je sers mon Dieu et mon Roi, et vous ne me supposez pas assez de courage pour voir le plomb mortel ? »
Et, mettant la main sur son coeur, il s’écria : « C’est ici qu’il faut frapper ! »
La décharge retentit et Surville tomba mort au pied du contrefort de l’église. »

(Albert Boudon-Lashermes, in « Les Chouans du Velay » pp. 453-454)

   Albin Mazon de son côté écrit de manière plus laconique mais en apportant néanmoins quelques détails supplémentaires : « Conduit sur la place de la fraternité, en face de la ci-devant église des Jacobins, le marquis de Surville refuse de se laisser bander les yeux. « Vive Dieu et Vive le Roi, c’est ici qu’il faut frapper ! » criait-il. Et il montrait son coeur. Trois balles au moins le frappèrent au front ».

   Sans postérité, la branche aînée de la famille de Surville s’éteignit avec le marquis.
Son épouse, Marie-Pauline d’Arlempdes de Mirabel, lui survécut jusqu’en 1848. C’est elle qui fit publier, en 1803, selon les consignes que Joseph-Etienne lui avait laissées, les « Poésies de Marguerite-Éléonore-Clotilde de Vallon-Chalys, depuis Madame de Surville, poète français du xve siècle ». Ces poèmes de celle que l’on nomme plus communément Clotilde de Surville sont l’une des énigmes laissées par la mort du marquis (voir l’article de Wikipédia > ici).

   Pour nous, nous gardons vivante la mémoire du marquis de Surville et de ses intrépides compagnons, et chaque fois que, au Puy-en-Velay, Frère Maximilien-Marie passe à côté de l’église Saint-Laurent (ancienne église des Jacobins, c’est-à-dire des dominicains, avant la révolution), il a une pensée reconnaissante pour ce pur et généreux héros.

Lully.

le-puy-eglise-saint-laurent chouannerie

Le Puy, église Saint-Laurent contre le mur méridional de laquelle fut fusillé le marquis de Surville.

lys2 comte de La Motte

Publié dans:Chronique de Lully, Memento, Vexilla Regis |on 16 novembre, 2013 |6 Commentaires »

2013-77. In memoriam : Charles-Melchior Artus, marquis de Bonchamps.

- 18 octobre 1793 -

Anniversaire de la mort
de
Charles-Melchior Artus de Bonchamps 

2013-77. In memoriam : Charles-Melchior Artus, marquis de Bonchamps. dans Chronique de Lully charles-melchior-artus-marquis-de-bonchamps

« J’ai servi mon Dieu, mon Roi, ma Patrie. J’ai su pardonner. »

   Charles-Melchior Artus, marquis de Bonchamps, est né le 10 Mai 1760 au château du Crucifix (aujourd’hui détruit, seul un calvaire en marque le lieu), à Juvardeil, paroisse angevine de la partie orientale du Segréen, sur la rive droite de la Sarthe.

   A l’âge de 16 ans, il s’engage dans le régiment d’Aquitaine : à 22 ans (1782), il est lieutenant et combat en Inde contre les Anglais, dans le régiment du Bailli de Suffren ; à 27 ans (1787), il est capitaine de grenadiers.
En 1789, il épouse Marie Renée Marguerite de Scépeaux. Comme il est en désaccord avec les idées de la révolution, il se retire des cadres de l’armée et, avec sa jeune épouse, vient s’installer dans les Mauges, en son château de la Baronnière, sur la paroisse de La Chapelle-Saint-Florent, au sud du Marillais, à une lieue environ de Saint-Florent-le-Vieil.
Néanmoins, un peu plus tard il reprend du service et, le 10 Août 1792, il participe à la défense des Tuileries (cf. > ici) : à cette occasion, il sauve la vie de Henri de La Rochejaquelein.

bonchamps-blason 18 octobre dans Lectures & relectures

Armoiries de la famille Artus de Bonchamps :
De gueules à deux triangles vidés d’or entrelacés en forme d’étoile

   Au lendemain de l’insurrection qui éclate à Saint-Florent-le-Vieil le 12 mars 1793, lorsque les paysans décident de se choisir un chef, ils viennent – comme tout naturellement – chercher Bonchamps : dans un premier temps celui-ci refuse, car il ne croit pas aux chances de ce soulèvement ; puis il prend la tête de ces hommes dont il fera les meilleurs soldats de l’insurrection, surnommés « les Bonchamps ».
Avec eux, le 3 mai, il s’empare de Bressuire et se dirige ensuite – avec La Rochejaquelein - vers Thouars, qu’ils emportent le 5 : ils gracient les prisonniers et libèrent également le général républicain Quétineau, auquel ils proposent de rester avec eux en tant que prisonnier sur parole ; Quétineau refuse, ne voulant pas passer pour traître, ce qui ne l’empêchera pas d’être jugé, condamné à mort et exécuté par les siens.
Le 25 mai, Bonchamps et ses hommes partent à l’assaut de Fontenay tenue par 4.000 bleus. Bonchamps est blessé par un hussard à qui il vient de faire grâce : malgré les exemples de leur chef, ses soldats, furieux, massacreront une soixantaine de bleus pour ne pas laisser échapper le coupable ! Fontenay est prise, mais Bonchamps doit aller se reposer au château de Laubedière, à La Gaubretière.
Le 12 juin 1793, il est présent à Saumur où, avec les autres chefs vendéens, il élit Jacques Cathelineau (cf. > ici) comme premier généralissime de la grande Armée Catholique et Royale.

   Devant le Conseil, il ne cessera de défendre son plan qui consiste à traverser la Loire pour soulever l’Anjou, la Bretagne et la Normandie. Cependant, c’est le plan de Cathelineau qui est retenu : s’emparer de Nantes.
A la tête de 7.000 hommes, Bonchamps s’empare de Varades, d’Ancenis et de Oudon avant d’attaquer Nantes, le 29 Juin, par la route d’Angers, dans le faubourg de Saint Donatien.
Malgré de lourdes pertes, l’armée avance jusqu’à la cathédrale Saint Pierre, au cœur de la ville. Toutefois, n’ayant aucune nouvelle des troupes de Charette ni de celles de Cathelineau, il recule vers Ancenis : en fait, Cathelineau a été mortellement blessé, et l’Armée Catholique et Royale doit se replier.

coeurvendeen 18 octobre 1793 dans Memento

   Blessé à Châtillon, le 5 juillet, lors de la victoire sur les troupes commandées par Westermann, Bonchamps est transporté au château de Jallais : il ne peut participer au conseil qui, le 19 juillet, élit Maurice de Gigost d’Elbée (cf. > ici) comme nouveau généralissime ; Cathelineau en effet a rendu son âme à Dieu le 14 juillet.
Sans illusion, d’Elbée confie à Poirier de Beauvais : « Je ne suis pas à ma place ; il est un autre homme qu’on aurait dû faire généralissime et toutes nos affaires eussent prospéré !… Il faut être obéi, et je ne le suis pas. C’est là, n’en doutez pas, le vrai motif pour lequel on n’a pas nommé Monsieur de Bonchamps. On est convaincu qu’il est plus militaire que je ne le suis, mais aussi qu’il a plus de fermeté, et qu’avec moi l’on fera ce que l’on voudra, parce qu’on suppose que je n’irai point sévir contre des gens qui marquent par leur naissance, leurs propriétés et leur influence. Oui, si Monsieur de Bonchamps était à ma place tout irait bien ; dans ce cas, je me ferais honneur d’être son aide de camp ».
Bonchamps, le bras en écharpe, se rend le 17 septembre à Cholet, où les chefs vendéens sont rassemblés. Ils décident d’anéantir l’armée de Mayence de Kléber, à Torfou : Charette et Lescure doivent attaquer d’un côté, pendant que d’Elbée et Bonchamps prennent l’autre flanc.
Bonchamps attaque trois fois de suite les troupes de Kléber, mais la diversion de Charette et Lescure n’a pas lieu, et il est repoussé trois fois, sans toutefois être mis en déroute. Les généraux vendéens ont tout de même l’avantage mais ils attendaient un succès plus complet.

coeurvendeen Bonchamps dans Vexilla Regis

   D’Elbée et Bonchamps viennent ensuite attaquer Westermann à Châtillon, le 10 octobre, pour lui barrer la route de Cholet. Les paysans vendéens ne peuvent lutter avantageusement dans la nuit : la petite ville dans laquelle s’entassent 30.000 royalistes tombe aux mains de 1.500 républicains.

   Bleus et Blancs se retrouvent à Cholet le 17 Octobre 1793 : c’est l’une des plus grandes bataille de la guerre de Vendée. La Rochejaquelein conduit la droite de l’armée vendéenne, Stofflet et Marigny arrivent à gauche,  d’Elbée et Bonchamps attaquent au centre.
Craignant l’issue du combat, Bonchamps donne l’ordre à Autichamps et à Talmond de prendre Varades, en vue de permettre à l’Armée Catholique et Royale de traverser la Loire, en cas de déroute.

   La division de La Rochejaquelein fonce en tête et s’empare de la forêt de Cholet. D’Elbée et Bonchamps attaquent la brigade de Marceau : ils écrasent les premiers rangs, puis le combat se stabilise ; nul n’avance ni ne recule.
La Rochejaquelein commence à faiblir tandis que, à gauche, dans le bois Grolleau, Stofflet et Marigny n’arrivent pas à prendre le dessus. La bataille est indécise. 
Haxo harcelle la division de La Rochejaquelein qui finit par se disloquer. Et c’est le carnage !
L’armée républicaine poursuit les Royalistes épuisés. Le massacre ne s’arrête qu’à la nuit tombée. Bonchamps et d’Elbée ont été mortellement blessés.
Bonchamps est frappé au moment où il prend connaissance d’un message d’Autichamp et de Talmond qui annonce la prise de Varades.
La Vendée est en flammes ; une foule immense se rue vers la Loire… vers ce qu’elle pense être son salut.
Le passage du fleuve commence à l’aide d’une vingtaine de barques le 18 Octobre 1793.

bonchamps-blesse-passe-la-loire-apres-la-2e-bataille-de-cholet Charles-Melchior Artus de Bonchamps

Bonchamps, mortellement blessé, est transporté dans une barque sur la rive droite de la Loire
après la défaite du 17 octobre 1793 à Cholet (vitrail de l’église du Pin en Mauges) ;
c’est au cours de ce transport qu’il dit au prêtre qui l’assiste :
« J’ai servi mon Dieu, mon Roi, ma Patrie. J’ai su pardonner ».

   A Saint-Florent-Le-Vieil, sont détenus cinq mille prisonniers républicains dans l’abbatiale et dans le parc.
Que faut-il en faire ? L’avis général est de les fusiller ; toutefois, prisonniers depuis plusieurs mois, ils ne sont pas la cause des massacres actuels.

Bonchamps est mis au courant de la délibération du conseil de guerre, et il envoie demander la grâce des prisonniers.
Il n’est d’ailleurs pas le seul : Lescure agonisant ne veut pas non plus du massacre, et les habitants de Saint-Florent refusent que leur ville soit associée à cette tuerie. Les dernières volontés de Bonchamps seront déterminantes. Voici le récit qu’en a laissé son épouse :

   « Monsieur de Bonchamps, après sa blessure, a été transporté à Saint-Florent, où se trouvent 5 000 prisonniers renfermés dans l’église. La religion avait jusqu’alors préservé les Vendéens de représailles sanguinaires ; mais lorsqu’on leur annonça que mon infortuné mari était blessé mortellement, leur fureur égala leur désespoir ; ils jurèrent la mort des prisonniers.
Monsieur de Bonchamps avait été porté chez Monsieur Duval, dans le bas de la ville. Tous les officiers de son armée se rangèrent à genoux autour du matelas sur lequel il était étendu, attendant avec anxiété la décision du chirurgien. Mais la blessure ne laissait aucune espérance ; monsieur de Bonchamps le reconnut à la sombre tristesse qui régnait sur toutes les figures. Il chercha à calmer la douleur de ses officiers, demanda avec instance que ses derniers ordres fussent exécutés, et aussitôt il prescrivit que l’on donnât la vie aux prisonniers ; puis se tournant, vers d’Autichamp, il ajouta : « Mon ami, c’est sûrement le dernier ordre que je vous donnerai, laissez-moi l’assurance qu’il sera exécuté ».
En effet, cet ordre, donné sur son lit de mort, produisit tout l’effet qu’on en devait attendre ; à peine fut-il connu des soldats que de toutes parts ils s’écrièrent : « Grâce ! Grâce ! Bonchamps l’ordonne ! ». Et les prisonniers furent sauvés
. »

grace-aux-prisonniers-bonchamps-mourant Charles-Melchior de Bonchamps

« Grâce ! Grâce ! Bonchamps l’ordonne ! »
(vitrail de l’église du Pin en Mauges).

   Au hameau de La Meilleraie, Bonchamps rendit son dernier soupir ce 18 octobre 1793 vers 23h : comme Notre-Seigneur Jésus-Christ il était âgé de trente-trois ans et demi et, comme Lui, il avait, en mourant, fait entendre des paroles de pardon et de miséricorde.

   Au cours de la nuit, il fut enterré dans le cimetière de Varades, tout fut fait pour que sa sépulture demeure inconnue des républicains.
Certains récits prétendent que malgré ces précautions, les bleus le déterrèrent et envoyèrent sa tête à Paris. Cette version des faits n’est pas recevable, nous le verrons plus tard.

   Le 19 Octobre 1793, Merlin de Thionville écrivit au Comité de Salut Public : « D’Elbée est blessé à mort. Bonchamps n’a plus que quelques heures à vivre. Ces lâches ennemis de la Nation ont, à ce qui se dit ici, épargné plus de quatre mille des nôtres qu’ils tenaient prisonniers. Le fait est vrai, car je le tiens de la bouche même de plusieurs d’entre eux. Quelques-uns se laissaient toucher par ce trait d’incroyable hypocrisie. Je les ai pérorés, et ils ont bientôt compris qu’ils ne devaient aucune reconnaissance aux Brigands… Des hommes libres acceptant la vie de la main des esclaves ! Ce n’est pas révolutionnaire… N’en parlez pas même à la Convention. Les Brigands n’ont pas le temps d’écrire ou de faire des journaux. Cela s’oubliera comme tant d’autres choses… ».

   Toutefois, beaucoup des prisonniers républicains de Saint-Florent qui eurent la vie sauve grâce au pardon de Bonchamps n’ont pas oublié. Pierre Haudaudine, révolutionnaire nantais qui était du nombre, recueille le 14 Octobre 1794 de nombreuses signatures de ses anciens compagnons : « Nous soussignés, habitants de Nantes, déclarons et attestons sur l’honneur qu’ayant fait partie des prisonniers républicains qui se trouvèrent, le 18 Octobre 1793, entassés, au nombre de cinq mille cinq cents environ, à Saint-Florent-le-Vieil, où notre délivrance eut lieu le lendemain par l’armée républicaine, nous ne dûmes notre salut, à cette fatale époque, qu’au caractère noble et généreux de M. de Bonchamps, l’un des généraux de l’armée vendéenne, qui peu d’instant avant sa mort, parvint par ses exhortations, à contenir la fureur de ses troupes, et leur fit même la défense la plus vigoureuse d’attenter à la vie des prisonniers, dont le sacrifice paraissait résolu. »

   Madame de Bonchamps et sa fille, condamnées à mort par le tribunal militaire du Mans, furent sauvées par cette intervention du révolutionnaire nantais.

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Tombeau de Bonchamps dans l’abbatiale de Saint-Florent-le-Vieil, oeuvre de David d’Angers.

   Parmi les soldats républicains sauvés par le pardon de Bonchamps à l’agonie, se trouvait aussi le père de Pierre-Jean David, plus connu sous le nom de David d’Angers.
A la Restauration, Madame de Bonchamps fit exhumer les restes de son époux : en 1817, la tombe du cimetière de Varades fut ouverte et la dépouille du général fut d’abord transférée dans une chapelle du cimetière de La Chapelle Saint-Florent. Mais, huit ans plus tard, le 18 juin 1825, un nouveau transfert, solennel, eut lieu, lorsque le magnifique mausolée ciselé par le talent et la reconnaissance de Pierre-Jean David fut achevé dans l’église abbatiale de Saint-Florent-le-Vieil.
La reconnaissance des ossements du général-marquis de Bonchamps mentionne alors la présence de son crâne, ce qui infirme donc la légende de la décapitation de sa dépouille et de l’envoi de sa tête à la Convention.

fleur-de-lys héros chrétien

   « J’ai servi mon Dieu, mon Roi, ma Patrie. J’ai su pardonner ». Le témoignage que s’est rendu à lui-même le héros mourant était juste, et il demeure pour chacun de nous un splendide exemple : servir les causes justes, jusqu’au don le plus total ; savoir se battre pour elles avec toute notre énergie ; mais ne jamais pour autant laisser de place à la haine et à la vengeance à l’intérieur de nos âmes.

statue-de-bonchamps-par-david-dangers marquis de Bonchamps

2013-76. « Le caractère ferme et résolu dont cette princesse était éminemment douée ne lui permit jamais de plier aux circonstances même les plus difficiles ».

- 16 octobre -

Anniversaire de l’exécution
de

Sa Majesté la Reine Marie-Antoinette.

   Indépendamment des fêtes liturgiques qui illustrent ce jour, le 16 octobre ramène le triste anniversaire de l’exécution de Sa Majesté la Reine Marie-Antoinette.
Après avoir publié la dernière lettre de l’infortunée souveraine, improprement appelée « testament » (cf. > ici) ainsi que la photographie des toutes dernières lignes qu’elle traça sur la page de garde de son livre d’heures (cf. > ici), nous voulons faire connaître une oraison funèbre publiée en 1814, œuvre d’un certain F. Roullion-Petit dont nous confessons ne rien connaître par ailleurs.
Si cette œuvre présente d’évidentes imperfections d’ordre historique – mais qui pouvait alors connaître avec précision ces détails que d’actuels chercheurs commencent seulement à mettre en valeur ? – , elle n’en est pas moins remarquable par le style (tant de prêtres actuellement sont incapables de parler et d’écrire correctement notre belle langue !) et par les sentiments qui l’animent.
Afin d’en faciliter la lecture nous avons modernisé l’orthographe, mais avons scrupuleusement conservé la ponctuation de l’opuscule que nous avons eu en mains.
Nous avons été spécialement sensibles aux dernières lignes de cette oraison funèbre qui, même en dehors du contexte de la Restauration et de la dédicace à Madame la duchesse d’Angoulême – l’unique survivante de l’horrible tour du Temple – , peuvent encore aujourd’hui exprimer nos plus chères espérances pour la France à travers le rétablissement providentiel des Lys et des légitimes héritiers de la Couronne. A cette belle péroraison pouvons-nous dire autre chose qu’un vibrant « ainsi soit-il » ?
« Dieu tout puissant, Vous seul pouvez opérer cet éclatant phénomène ; Vous seul pouvez recueillir et rétablir sur leur sol natal ces rameaux épars et dispersés ; Vous seul pouvez assurer un abri tutélaire à cette fleur tendre et délicate, échappée, comme par miracle, aux secousses les plus violentes des vents les plus impétueux : sauvée sous l’égide de Votre divine bonté, elle offrira un jour le spectacle le plus touchant et le plus admirable ; elle paraîtra au milieu de ce peuple naguère livré aux plus funestes égarements : sa présence sera celle de l’ange consolateur ; devant elle marcheront la paix, la concorde et le bonheur. Avec quel ravissement tout un peuple, ivre d’amour, de joie et d’espérance, contemplera cette heureuse production sur laquelle la nature s’est plu à verser ses dons les plus riches, et la Providence ses faveurs les plus signalées et les plus extraordinaires. »

2013-76. « Le caractère ferme et résolu dont cette princesse était éminemment douée ne lui permit jamais de plier aux circonstances même les plus difficiles ». dans Chronique de Lully frise-lys-300x40

vitrail-de-lexecution-de-s.m.-la-reine-marie-antoinette-eglise-de-la-boissiere-de-montaigu 16 octobre dans Lectures & relectures

Vitrail représentant l’exécution de Sa Majesté la Reine Marie-Antoinette
(église de La Boissière de Montaigu – Vendée) 

Oraison funèbre
de
Marie-Antoinette,
archiduchesse d’Autriche,
fille de l’Impératrice-Reine Marie-Thérèse,
femme de Louis XVI

dédiée à Son Altesse Royale Madame,
Duchesse d’Angoulême

par F. Rouillion-Petit,
ancien professeur d’éloquence et de philosophie.

Paris
1814

   Il est des âmes privilégiées à qui la nature semble avoir départi des forces surnaturelles qui les élèvent au-dessus de tous les événements, en leur inspirant, au milieu des plus grands périls, cette courageuse fermeté que rien ne peut ébranler. Ces caractères augustes, bien faits pour exciter l’étonnement et l’admiration, n’empruntent leur éclat, ni de la fortune, ni de la grandeur : il semble au contraire que c’est dans les épreuves de la plus cruelle adversité qu’ils puisent leur force et leur résistance ; et que plus les obstacles se multiplient et les dangers s’accroissent ; plus leur volonté se roidit, plus leur caractère se raffermit. Horace s’était dignement pénétré de l’énergie de ces sortes de caractères, lorsque parlant de l’homme, fort et robuste, il dit, pour peindre d’un seul trait, ce courage inébranlable, qui n’est susceptible d’aucune crainte ; que l’univers entier s’écroulerait vainement sous ses pieds, on le verrait calme et paisible au milieu de cette épouvantable catastrophe.
Ces êtres d’une espèce rare et extraordinaire semblent commander par eux-mêmes le respect et l’admiration. Tant est grand et irrésistible l’ascendant d’un noble caractère, le pouvoir d’une vertu qui ne se laisse ni séduire ni intimider ! Un pareil spectacle est imposant, et mérite bien sans doute de fixer les regards des faibles mortels. Mais si à cette admirable qualité viennent se joindre la pompe des grandeurs, l’éclat du rang, la splendeur des dignités, une origine des plus illustres, de quelle vive émotion, de quels transports de respect et d’enthousiasme ne sommes-nous pas pénétrés, en contemplant l’auguste victime qui, livrée aux traits de la plus affreuse persécution, en butte à tous les outrages de l’infortune et de la calamité, voyant se ramasser sur sa tête toutes sortes d’orages et de tempêtes, aperçoit autour d’elle les éclats de la foudre ; et après avoir vu périr de la manière la plus épouvantable tout ce qui l’intéresse, tout ce qui l’attache à l’existence, est-elle même frappée du coup funeste ; et tombe victime courageuse des coups terribles auxquels la fragilité humaine ne peut se soustraire ; sans que sa vertu découvre la moindre faiblesse, sans que son courage se démente un seul instant.
Tel est le spectacle intéressant que nous présente Marie-Antoinette, Reine de France, dans cette lutte pénible et douloureuse, où la révolte aux prises avec l’autorité, après avoir déchiré la monarchie par lambeaux, porta ses mains criminelles, sur les dépositaires de la puissance souveraine ; et se souilla du sang de ces victimes illustres, qui méritèrent à tant de titres les respects et l’admiration du monde entier.

   Digne fille de Marie-Thérèse, dès l’aurore de sa vie, tout annonçait dans cette princesse une âme grande et fière. A peine âgée de quinze ans, elle fut mariée à Louis XVI, et fut reçue en France, comme un ange consolateur qui devait faire oublier les malheurs du long règne de Louis XV. Elle parut au milieu du peuple le plus aimant de la terre sous le cortège des grâces et de la beauté : au port le plus majestueux, aux yeux les plus beaux et les plus expressifs, à la taille la plus élégante et la plus noble, elle joignait un esprit vif, une humeur enjouée, un caractère ferme et décidé, un ton de grandeur et de fierté même, qui décélait l’éclat et la majesté du rang, et qui semblait annoncer l’auguste fille des Césars. Des fêtes et des réjouissances célébrèrent cette glorieuse union que tous les français accueillirent avec les transports de l’enthousiasme : un accident funeste qu’une sage prévoyance aurait dû prévoir et empêcher, couvrit d’un crêpe funèbre des jours consacrés à la joie et aux plus douces réjouissances ; et sembla préluder à ce long tissu de peines et de souffrances, dont l’auguste couple devait être enveloppé.
Ainsi dès le début d’une navigation, s’il survient dans le bâtiment quelqu’accident funeste, la tristesse s’empare de tout l’équipage, qui dès lors calcule et prévoit en quelque sorte tous les périls attachés à sa périlleuse entreprise.
L’événement pénible qui avait attristé tous les coeurs développa l’âme sensible et généreuse de Marie-Antoinette. On la vit, avec autant d’attendrissement que de reconnaissance, partager avec son époux le soin douloureux de secourir et consoler les familles infortunées, qu’une circonstance malheureuse avait condamnées aux larmes et à la douleur. Tout annonçait dans la jeune princesse une âme grande et généreuse ; et le peuple se plaisait à la contempler comme le digne objet qui devait fixer ses plus chères espérances. Fatiguées de ce tableau journalier de relâchement et de licence, dont les derniers temps du règne de Louis XV présentaient l’affligeant spectacle, la cour et la ville voyaient avec ravissement la jeune dauphine offrir le modèle des moeurs pures et innocentes et de la beauté embellie par la décence : ses grâces, son esprit, son amabilité enchantaient tout le monde, et la rendaient chaque jour plus chère aux français ; les tracasseries que lui faisait éprouver la favorite, ne faisaient qu’ajouter au vif intérêt dont elle était l’objet.
Forte de la tendresse de l’attachement de son auguste époux, elle supporta avec calme et dignité des dégoûts, qui ne pouvant être que passagers et de peu de durée, ne firent qu’effleurer son âme sensible et fière. Occupée uniquement du bonheur de Louis XVI, elle oubliait les torts injustes du vieux monarque ; et les écarts d’une créature, vile à ses yeux, ne devaient point altérer la douce sérénité de son coeur.
Le temps, ce destructeur impitoyable, qui, dans sa marche constante et rapide, entraîne indifféremment le monarque et les sujets, devait changer cet ordre de choses ; et en arrachant les jeunes époux à une dépendance pénible devait aussi leur faire parcourir le cercle douloureux des vicissitudes les plus accablantes. A peine assis sur le trône de ses pères, Louis XVI vit s’entr’ouvrir sous ses pas un abîme profond qui dut l’effrayer et l’intimider. Dans la circonstance difficile où il se trouva placé, Marie-Antoinette lui traça plus d’une fois la marche qu’il devait suivre, et lui offrit souvent des conseils, où brillèrent à la fois sa pénétration, sa politique et son courage ; et l’histoire, en peignant ces temps désastreux, prouvera sans doute, que, si Marie-Antoinette avait tenu les rènes de l’état, elles n’eussent point flotté incertaines dans ses mains ; que la révolte et la violation des principes eussent été comprimés dès leur origine ; qu’un prince du sang n’aurait pas offert impunément l’exemple scandaleux d’un perturbateur et d’un factieux qui poussa l’oubli de ses devoirs les plus sacrés, au point de venir jusques sur les marches du trône, prêt à l’ensanglanter et à s’y assoir ; et si la fortune injuste et capricieuse eût trahi son noble courage et sa ferme intrépidité, elle aurait su du moins par un courageux dévouement tracer aux têtes couronnées un exemple illustre et mémorable.

   Le caractère ferme et résolu dont cette princesse était éminemment douée ne lui permit jamais de plier aux circonstances même les plus difficiles : courageuse au point de braver les plus grands périls et de vouloir maîtriser les événements par le seul ascendant d’une volonté inflexible, elle dédaigna trop peut-être cet art mensonger d’une politique prévoyante qui sait composer avec la nécessité, en ménageant ou caressant même des passions dangereuses : l’esprit de condescendance ne pouvait dans elle s’allier avec cette marche fixe et régulière que lui traçait son grand caractère : aussi, nous ne craignons pas de l’avouer, cette volonté poussée quelquefois en quelque sorte jusqu’à l’opiniâtreté put compromettre sans doute les intérêts de la monarchie, tandis qu’en s’écartant momentanément de la règle austère des principes, il eut été possible, facile même de produire les plus heureux changements : en effet, si l’on transporte sa pensée vers ces temps orageux qui nous offrirent les premiers actes du drame révolutionnaire, qui pourrait disconvenir que les hommes influents qui dirigeaient la révolution et sapaient chaque jour le trône jusqu’aux fondements, pouvaient être accessibles aux faveurs de la cour, et se laisser influencer par les chatouillements de l’ambition ? N’est-on pas persuadé, convaincu, que des talents fameux qui mettaient impitoyablement la monarchie en lambeaux, auraient certainement changé de rôle, si la Reine par l’inflexibilité de ses principes, n’eût empêché les résultats d’une politique commandée impérieusement par la nécessité la plus rigoureuse. Mirabeau, le célèbre Mirabeau, eût sans contredit cessé d’être l’orateur du peuple, dès le moment où il serait devenu le ministre de Louis XVI ; et ce colosse révolutionnaire, après avoir ébranlé la monarchie, et l’avoir poussée jusques sur le pendant de l’abîme, aurait pu la rétablir peut-être dans toute sa force et sa splendeur, si Marie-Antoinette dirigée par des principes immuables qui ne lui permettaient point de capituler avec les ennemis de la couronne, ne s’était opposée à ce qu’il fût appelé au ministère.
Ainsi le chêne majestueux, dédaignant la souplesse du roseau, n’incline point sa tête superbe sous les coups redoublés des vents les plus impétueux ; et le roi des forêts sera déchiré, déraciné, plutôt que de se courber devant les plus fiers ouragans.

   Cependant les événements se pressent de plus en plus ; ils s’accumulent avec une rapidité effrayante ; chaque jour on voit arracher une colonne du temple monarchique ; chaque jour avilie, dégradée, la royauté semble pencher vers sa ruine : au milieu des outrages sans nombre et de toute espèce dont la cour est sans cesse abreuvée, tout semble ployer sous la force irrésistible des circonstances ; tout cède à l’empire tumultueux des passions déchaînées ; et dans cette lutte trop inégale, où la force et la fureur sont aux prises avec la douceur et la bonté d’un monarque, qui semble assurer le triomphe de ses ennemis par la tendresse inépuisable qui le porte à ménager ses sujets, Marie-Antoinette toujours ferme et résolue, fait seule tête à l’orage qu’elle semble braver avec un noble dédain ; son caractère se déploie toujours avec cette noble assurance, avec cette imposante majesté qui fait plus d’une fois frémir ses ennemis, et qui commandent le respect et l’admiration de la postérité. Quelle noble fierté ne montre-t-elle point, lorsqu’on vient l’insulter jusques dans son palais ! Que de fermeté, que de grandeur d’âme, lorsque des hordes nombreuses cherchent à l’effrayer de leurs horribles menaces !
Entourée de son auguste famille, elle semble protéger de la force de sa grande âme la faiblesse de ces rejettons illustres, qui dans des temps plus heureux, feraient la gloire et l’ornement de la France.
A quelles pénibles souffrances dut être livré le coeur généreux d’une mère sensible, au milieu de cette troupe de forcenés, qui foulant aux pieds la majesté du pouvoir souverain, brisant en quelque sorte la dignité du trône, venait insulter ses maîtres jusques dans leur asile sacré ! De quelle grandeur d’âme ne fallait-il pas être doué pour en imposer à ces furieux livrés aux débordements des passions les plus féroces ? Qu’on se rappelle le caractère magnanime que déployé la Reine, dans ces terribles circonstances : plusieurs fois elle traversa ces dangereux attroupements composés d’individus capables de se porter aux derniers excès, aux plus sanglants outrages ; et toujours on la vit, le front calme et serein, déployant cette majestueuse dignité, qui semblait dire aux rebelles : Je ne vous crains point ; et malgré vos fureurs, je vous forcerai à respecter votre souveraine. Tel est l’ascendant irrésistible d’un caractère ferme et résolut, qu’il arrête comme par enchantement, les flots tumultueux des passions les plus furieuses et les plus acharnées ! Telle était l’égide protectrice qui préserva si souvent la princesse des plus grands périls, et l’arracha comme par miracle aux fureurs de la multitude. Ce noble élan d’un caractère si magnanime ne se démentit pas un seul instant : ce n’était point chez la Reine de ces éclairs passagers qui brillent de loin en loin, pour disparaître ensuite, et se cacher dans l’ombre et les ténèbres : cette flamme sublime jetta constamment la lumière la plus vive et la plus soutenue : et dans les conjonctures les plus difficiles, dans ces moments redoutables, où  tous les esprits étaient épouvantés, Marie-Antoinette conserva son courage, et ne se laissa point intimider par les dangers même les plus graves et les plus imminents. Funeste et cruelle journée du dix août, tu fis briller dans tout son éclat ce caractère grand et magnanime : tu nous montras la Reine disposée à braver et les fureurs du peuple et les foudres de la guerre ; prête à affronter la mort, et à rallier autour du trône par son courage et sa noble intrépidité ses appuis et ses défenseurs. Quelle scène imposante et terrible ! De nombreux bataillons investissaient toutes les avenues du château des Tuileries : la cour, entourée d’une faible garde et de quelques serviteurs fidèles qui, à la vue du péril, s’étaient ralliés autour du monarque, ne pouvait opposer qu’une poignée d’hommes à une armée immense : le mouvement d’une artillerie formidable, les cris de rage et de fureur d’une partie des assaillants, un tel spectacle était bien fait sans doute pour intimider le courage le plus intrépide. Cependant à la vue des ces préparatifs menaçants, bien loin de s’effrayer, la digne fille de Marie-Thérèse sentit en quelque sorte sa grande âme se développer : inaccessible à la faiblesse et à la crainte, elle ne vit point la chance meurtrière des combats ; elle ne calcula point les dangers d’une défense presque impossible ; elle ne connut, elle n’éprouva qu’un seul sentiment, celui de vaincre, ou de s’ensevelir sous les décombres de la monarchie. Dans cette circonstance urgente et décisive, elle se présente à Louis XVI, un pistolet à la main.
« Le moment est venu, lui dit-elle, où vous devez prouver que vous êtes digne de régner : on menace votre couronne ; vous devez la défendre : paraissez à la tête de vos gardes ; montrez-vous disposé à repousser la force par la force ; et tout rentrera dans l’ordre : le temps presse, ajouta-t-elle, tout est perdu, si vous ne prenez de suite le seul parti qui vous prescrivent les circonstances : ne croyez pas que ce peuple qui vous brave, parce qu’il vous croit faible, vous respectera davantage, lorsqu’il vous aura vaincu et enchaîné : craignez les effets de sa fureur ; craignez-les, et pour vous et pour votre famille ».

   Le vertueux monarque était capable sans doute d’écouter et de suivre les nobles inspirations du courage : mais sa douceur et sa bonté ne lui permirent pas de supporter la pensée de voir couler sous ses yeux le sang de ses sujets, quelque coupables qu’ils fussent. Le doigt de l’Eternel avait marqué ce moment redoutable pour celui de la chute de la monarchie, soit pour offrir à la terre un exemple mémorable de la fragilité des grandeurs terrestres, soit pour faire connaître aux nations à quels terribles fléaux elles s’exposent, en brisant de leurs coupables mains l’égide tutélaire d’un pouvoir paternel et protecteur, qui peut seul opposer un mur d’airain, soit aux sanglantes factions, soit au féroce despotisme.
Les décrets terribles sont accomplis ; l’arbre majestueux qui avait jeté de profondes racines sur le sol de la France, à laquelle il offrait un abri bienfaisant, a succombé sous la hache meurtrière des partis : la bannière de la révolte a usurpé sa place, après avoir dispersé ses utiles rameaux : bientôt elle couvrira ce sol infortuné de ruines et de cadavres ; et cette terre si féconde, devenue stérile, ne sera plus arrosée que de sang et de larmes : bientôt l’ordre des temps, la saison des âges seront invertis ; et la faux meurtrière de la mort frappera impitoyablement cette vive et brillante jeunesse qui, par une destruction anticipée, laissera sans consolation la vieillesse triste et délaissée, et sans appui, cet âge faible et tendre, qui appelera vainement ses protecteurs naturels.

   Mais suivons l’auguste famille dans l’indigne demeure qu’on lui a fixée : contemplons la dignité souveraine déchue de ses prérogatives et de ses droits, pour être précipitée du faîte des grandeurs dans l’abîme profond de la plus cruelle adversité. L’héritier de soixante-sept monarques est arraché de son palais, pour être enfermé dans la tour du Temple : son illustre compagne, la fille des Césars, a été dépouillée de ce rang élevé, où sa naissance et ses qualités personnelles l’avaient également appelée, pour être mise dans les fers. Ces tendres rejetons, l’espoir de l’état, le gage de la prospérité publique, qui ont à peine salué l’aurore de leur existence, voeint tout-à-coup s’éclipser la grandeur de leur rang, disparaître les hommages qu’ils étaient appelés par leur illustre naissance à recueillir : ainsi, la rose printannière, après s’être épanouie sous la douce influence de l’astre lumineux, perd tout-à-coup son éclat et sa fraîcheur, que lui a ravis le souffle empoisonné d’un vent brûlant. Désormais c’est à l’école du malheur, c’est sous le poids des plus cruelles tribulations, sous les yeux des infortunés auteurs de leurs jours, que les Enfants de France vont faire le dur et pénible apprentissage de la royauté. Tristes et fâcheuses vicissitudes des grandeurs d’ici-bas, et qui nous prouvent bien toute la fragilité ou plutôt le néant des dignités humaines. O vous qui connaissez les douces émotions du sentiment ! vous que les vices du siècle n’ont point dégradés, corrompus, portez vos regards sur ce touchant spectacle, qui doit exciter à la fois votre attendrissement et votre admiration. Marie-Antoinette n’est plus cette princesse auguste qui, assise sur un trône puissant, déploya toujours ces qualités sublimes qui rendront sa mémoire chère à la postérité : elle n’est plus cette Reine adorée, qui embellissait le trône par ses vertus et par cette dignité majestueuse qui frappait et attirait tous les regards : c’est une victime touchante des caprices injustes de la fortune ; c’est une mère de famille qui concentre ses nobles occupations sur les dignes objets de sa tendresse ; c’st là que ses regards ainsi que sa pensée se portent continuellement : avec quelle généreuse sollicitude ne veille-t-elle pas sur sout ce qui peut intéresser leur existence. Son coeur souffre, sa grande âme est souvent attérée ; mais ses souffrances personnelles ne sont comptées pour rien dans les larmes amères qu’elle est forcée de répandre. Si ses yeux versent souvent des pleurs, c’est en les portant sur cet époux vertueux, si digne d’amour et de respect : si son coeur se gonfle de chagrin, c’est lorsque sa pensée se fixe sur ces jeunes et intéressantes victimes dont elle pressent la douloureuse destinée : ses alarmes sont souvent cruelles et terribles, parce que le sentiment qui les produit est aussi vif que profond. Qui pourra consoler cette intéressante famille au milieu de tant et de si pénibles tribulations ? La vertu peut-elle donc supporter de si fortes épreuves ? L’auguste fille du ciel, cette vierge pure et respectable qui sait si bien alléger les maux des mortels infortunés, tristes jouets de la perversité humaine, a pu seule créer ces sublimes consolations qui soutiennent avec tant de force et de sécurité les victimes illustres précipitées dans un abîme de souffrance. Ce noble caractère que la nature a départi à la Reine, puise surtout dans les principes sacrés d’une religion révérée, ses forces et sa constance ; et si, vaincue, prête à succomber sous le poids excessif des tourments qui s’accroissent chaque jour, cette princesse sent quelquefois son courage s’affaiblir et sa force l’abandonner, bientôt cet ange de paix, de doucer et de bonté, que les liens du sang ont associée à ses malheurs, lui présente ces pensées sublimes et entraînantes qui élèvent l’âme jusqu’au Créateur suprême, et effacent, en quelque sorte, jusqu’aux sentiments des plus horribles souffrances. Sans doute il fallait la réunion et le secours d’un si puissant auxiliaire, pour pouvoir supporter un sort qui excède les forces humaines. Qu’on se peigne cette Reine illustre en butte à tous les outrages, à toutes les tracasseries, inquiète sur le sort qu’on prépare à son auguste époux, effrayée des traitements cruels qu’on lui fait souffrir, privée fréquemment de toute consolation par la séparation brusque et douloureuse de tout ce qu’elle a de plus cher au monde, ne prévoyant que trop la destinée inévitable qui l’entraîne, et à laquelle aucune puissance ne saurait la soustraire : obligée souvent de dissimuler sa tendresse pour ne pas offrir à ses persécuteurs de nouveaux moyens de torturer son coeur : forcée tant de fois à dévorer seule et en silence sa douleur : privée à la fois de ses douces et touchantes consolations et ne pouvant épancher son âme, entourée de ses bourreaux qui épiaient jusqu’aux plus douces affections de la nature, pour les étoufer ou les punir, par un raffinement de persécution et de cruauté. Dieu ! quelle fermeté a pu supporter tant de souffrances ; et quelle âme a pu résister à tant de secousses ! Cependant l’événement le plus cruel ne s’est point encore appesanti sur elle ; ils sont dans les fers ; ils souffrent tous les tourments ; mais ils vivent tous encore ; et une séparation éternelle n’a point frappé du coup le plus funeste l’auguste victime : hélas ! le plus cruel sacrifice est résolu : Marie-Antoinette a pu survivre à la perte du trône ; mais comment survivra-t-elle à la perte de cet époux qui ne vécut, qui ne respira que pour elle, et qui lui donna tant de marques de son amour ? Clartés célestes, couvrez-vous des ombres de la nuit ! ô terre, séjour de crimes et de larmes, couvre-toi d’un crêpe funêbre ! le meilleur des Rois a péri victime de son amour pour son peuple ! Puissance divine, vous seule avez pu soutenir jusqu’à ce jour le courage surnaturel de cette princesse digne d’un sort aussi heureux qu’il est cruel : vous seule pouvez l’empêcher de succomber sous le poids de sa douleur : vous seule pouvez lui montrer qu’il est des devoirs auxquels on doit se sacrifier : inspirée par cette tendresse inépuisable qui l’attache si fortement à ces augustes orphelins qui réclament jusqu’aux dernières étincelles de son amour, l’infortunée Reine va supporter encore l’accablant fardeau de la vie, pour boire, hélas ! jusqu’à la dernière goutte, la liqueur dégoûtante qu’elle doit prendre dans le calice de la douleur. Ainsi, elle était réservée à souffrir tous les genres de supplice qui pouvaient froisser et tourmenter sa grande âme.
Bientôt elle arrivera au terme de ses malheurs et de ses souffrances : bientôt elle partagera le sort funeste de son vertueux époux. Tendresse maternelle, à quels cruels tourments serez-vous livrée ! quel affreux avenir ! Laisser sur cette terre sanglante, dans les fers et la captivité ces chers orphelins, seuls, sans appui, au milieu de leurs ennemis les plus implacables, quel coeur ne serait brisé, anéanti, à cette triste et accablante pensée ? En vain la force et la raison cherchent à éloigner cette affreuse image ; le cri perçant de la nature, l’accent touchant de l’amour maternel viennent frapper à chaque instant l’imagination effrayée de la princesse. Ils n’auront plus d’appui, ils n’auront plus de consolation : tout leur sera ravi ; l’espérance elle-même, qui se plaît à verser sur les plus cruelles blessures un baume vivifiant et consolateur, l’espérance s’enfuira épouvantée ; et désertera ce triste séjour où le crime compte ses victimes, pour les précipiter dans le gouffre de l’éternité. Dieu ! quel sort affreux ! et ce sont là les tristes préludes du sacrifice que le crime et la fureur doivent ordonner.

   C’en est fait ; la catastrophe approche : l’âme oppressée sous le poids accablant des tourments les plus horribles, l’esprit affaissé, anéanti, l’infortunée mère a dit un éternel adieu à ses tristes et malheureux enfants. Pour la dernière fois, elle connaît les étreintes de la tendresse, d’une tendresse, hélas ! bien douloureuse ! Princesse adorable, ange de douceur et de bonté, vertueuse Elisabeth, c’est sur vous seule désormais que doit porter tout le fardeau de la douleur ; c’est à vous qu’est confiée le précieux dépôt : c’est vous qui devez présider aux destinées de ces tristes orphelins, de ces intéressantes victimes. Ah ! sans doute, vous étez bien digne de cette honorable confiance, et le sort de ces précieux enfants du malheur ne pouvait être confié à des mains plus pures : mais, hélas ! pouviez-vous échapper à la fureur des factions ? vos vertus touchantes et sublimes n’étaient-elles pas un titre suffisant à la proscription et à la mort ? Cette douloureuse pensée n’avait point échappé aux tristes pressentiments de la Reine, et cette cruelle conviction dut ajouter un grand poids à l’amertume de ses chagrins.

   Mais quittons ce tableau déchirant, et suivons l’infortunée Marie-Antoinette au lieu redoutable où l’on doit décider de son sort. Contemplons cette scène terrible où l’auguste princesse déploya plus que jamais ce caractère sublime qui attache autant qu’il étonne : voyez avec quel calme, avec quelle dignité elle répond à ses accusateurs ; avec quelle présence d’esprit elle repousse leurs odieuses calomnies ; avec quel art elle évite, dans ses réponses, tout ce qui pourrait compromettre quelques serviteurs fidèles. Elle écarte avec une sagacité qui ferait honneur au plus habile légiste, toutes les questions insidieuses qui tendaient à envelopper d’autres infortunés dans sa disgrâce. Qui pourrait lire les pièces de ce célèbre procès, sans être pénétré d’admiration pour le caractère magnanime et les talents supérieurs que la Reine déploya dans ces terribles circonstances ? Le trouble et l’inquiétude ne la dominèrent pas un seul instant ; et ses réponses, faites avec autant de justesse que de précision, durent exciter un étonnement universel. Mais ce qui frappe, ce qui transporte, ce qui ravit, c’est cette réponse sublime, admirable, extraordinaire que lui dictèrent à la fois son coeur et son génie, lorsqu’on eut la coupable audace de lui faire l’interpellation la plus monstrueuse : « Je demande, s’écria-t-elle avec l’accent d’une noble et généreuse indignation, s’il est dans cette enceinte une seule mère de famille qui n’ait pas frémi, en entendant prononcer une pareille infamie. »
Mais que pouvaient les talents et le courage, ou même la vertu, contre ce courant destructeur, qui, dans ses affreux ravages, devait épouvanter la terre et les siècles futurs de ses horribles fureurs ? L’épouse de Louis XVI était destinée, comme lui, à recevoir la palme du martyre.
Augustes Enfants de France, que deviendrez-vous ? Nobles et intéressantes victimes, qui pourra désormais alléger vos souffrances, vous consoler dans vos douleurs ? qui pourra essuyer ces tristes larmes que votre cruelle destinée va vous forcer chaque jour à répandre ? qui cicatrisera ces plaies sanglantes qui, chaque jour, vont s’agrandir ? Hélas ! la dernière consolation, le dernier appui qui vous restent, vont vous être inhumainement ravis : vous ne verrez plus autour de vous que la destruction, le carnage et la mort. Quelle puissance protectrice pourra donc vous arracher de cet odieux séjour ? Que deviendra l’héritage de vos pères ? quel sera votre sort ? abandonnés de la nature entière, jetés au milieu des hommes, comme un voyageur au milieu d’une île déserte, vous serez les tristes jouets du sort le plus rigoureux. Passions affreuses, factions sanglantes ; dévorerez-vous jusqu’au dernier rejeton de l’illustre famille ? Est-ce donc ainsi que sera foulée, brisée, anéantie la fleur des lys à qui la France doit tant de siècles de jouissances, de bonheur et de gloire ? Déjà cette plante majestueuse se courbe languissamment ; un bouton précieux de cette auguste tige va se flétrir et disparaître sans retour : son existence a été mutilée par le souffle impur du plus cruel Aquilon. Qui protégera et sauvera les précieux restes qui échapperont à la faux meurtrière ? Dieu tout puissant, vous seul pouvez opérer cet éclatant phénomène ; vous seul pouvez recueillir et rétablir sur leur sol natal ces rameaux épars et dispersés ; vous seul pouvez assurer un abri tutélaire à cette fleur tendre et délicate, échappée, comme par miracle, aux secousses les plus violentes des vents les plus impétueux : sauvée sous l’égide de votre divine bonté, elle offrira un jour le spectacle le plus touchant et le plus admirable ; elle paraîtra au milieu de ce peuple naguère livré aux plus funestes égarements : sa présence sera celle de l’ange consolateur ; devant elle marcheront la paix, la concorde et le bonheur. Avec quel ravissement tout un peuple, ivre d’amour, de joie et d’espérance, contemplera cette heureuse production sur laquelle la nature s’est plu à verser ses dons les plus riches, et la Providence ses faveurs les plus signalées et les plus extraordinaires.

monogramme-de-la-reine-192x300 duchesse d'Angoulème dans Memento

La dernière lettre de Sa Majesté la Reine > ici
Fac-similé des dernières lignes écrites de sa main > ici

frise-lys-300x40 exécution de la Reine dans Vexilla Regis

2013-70. Les femmes qui ne porteront pas la cocarde tricolore seront punies.

21 septembre 2013,
Fête de Saint Matthieu, apôtre et évangéliste.

   En faisant quelques études d’histoire, ce matin même, je me suis trouvé en présence d’un décret de la « Convention nationale » dont c’est très exactement le deux-cent-vingtième anniversaire, puisqu’il fut porté le 21 septembre 1793 (le ridicule calendrier révolutionnaire n’entrera en vigueur que le 6 octobre suivant), c’est-à-dire un an exactement après la proclamation de la république dont je vous ai entretenus l’an dernier (cf. > ici).
Je ne résiste pas au plaisir de vous en présenter une photographie.

2013-70. Les femmes qui ne porteront pas la cocarde tricolore seront punies. dans Commentaires d'actualité & humeurs decret-du-21-septembre-1793

   On remarquera que toute récalcitrante récidiviste est réputée suspecte, ce qui dans le contexte de cette époque (la fameuse « loi des suspects » avait été votée quatre jours auparavant, le 17 septembre 1793) était un quasi passeport pour comparaître devant le tribunal révolutionnaire…

   Je me suis demandé si ce décret avait été positivement abrogé par la république.
Si ce n’est pas le cas, et bien qu’il ne soit pas appliqué pour le moment, on pourrait peut-être suggérer aux petits pantins qui s’agitent là-haut pour ponctionner de toutes manières les Français – bien sûr sans augmenter les impôts et sans en créer de nouveaux ( – C’est promis : croix de bois, croix de fer, si je mens j’vais en enfer !) – , de lui redonner force et vigueur : il suffirait juste de commuer en amendes, immédiatement payantes en espèces sonnantes et trébuchantes, les jours de prison prévus par le sus-dit décret. 

   Et puis, par contrecoup, cela ne pourrait-il pas générer des emplois dans l’industrie textile ?
A condition, bien sûr, que l’on n’importe pas de Chine les dites cocardes !

Peut-être aussi les grands couturiers et les fabricants de prêt-à-porter pourraient-ils s’emparer du « concept » et « relouquer » les si seyants costumes des citoyennes de l’an II.

femme-sans-culotte 21 septembre 1793 dans Memento

   Ah ! Mais j’y pense : du fait des lois sur la « parité » et de la lutte contre toute forme de discrimination, il s’avérera indispensable-laïque-solidaire-et-citoyen, d’étendre ce décret aux hommes, aux transsexuels, aux eunuques, à ceux qui n’ont pas de genre déterminé ou qui n’ont pas encore réussi à se déterminer sur leur genre… C’est vrai, quoi, on ne peut pas – on ne doit pas ! – dispenser qui que ce soit du port obligatoire des glorieux insignes de la « liberté » !

Lully.

lully-tirant-la-langue cocarde tricolore

Publié dans:Commentaires d'actualité & humeurs, Memento |on 21 septembre, 2013 |7 Commentaires »

2013-68. Où, à l’occasion de l’anniversaire du martyre de l’abbé Claude Allier, leur instigateur et leur âme, on rappelle ce que furent les « Camps de Jalès ».

5 septembre 1793

« In memoria aeterna erit justus »

       A côté de l’événement joyeux de la naissance du Grand Roi que vient nous rappeler chaque 5 septembre, cette date marque aussi pour nous un autre anniversaire, tragique celui-là : l’anniversaire du martyre de Monsieur l’abbé Claude Allier, prieur curé de Chambonas, paroisse de l’ancien diocèse d’Uzès aux confins du Vivarais, qui fut guillotiné à Mende le 5 septembre 1793 (cf. > ici).
L’abbé Claude Allier fut le principal instigateur et l’âme des événements de 1790, 1791 et 1792 restés dans l’histoire sous le nom de « Camps de Jalès ».

   Je retranscris ci-dessous quelques passages de l’excellent ouvrage d’Albert Boudon-Lashermes intitulé « Les Chouans du Velay » (Cl. Ranchon, éditeur – Yssingeaux 1911) car la chouannerie vellave est en liens étroits avec ce qui s’est passé à Jalès.

2013-68. Où, à l'occasion de l'anniversaire du martyre de l'abbé Claude Allier, leur instigateur et leur âme, on rappelle ce que furent les

Village de Chambonas  aux confins de l’Uzège et du Vivarais :
à l’ombre du château, l’église romane dont l’abbé Claude Allier était le prieur.

lys5 Banne dans Memento

Au chapitre VII, intitulé : le Camp de Jalès.

   Le paysan des Cévennes n’avait pour l’Ancien Régime aucune antipathie. Homme de tradition, il voyait à regret le pays troublé par des innovations bruyantes et peu en harmonie avec ses idées catholiques, il déplorait l’attitude antireligieuse du nouveau gouvernement. Fermement attaché au Roi, il réprouvait hautement la conduite des chefs révolutionnaires de Paris.

   Un homme ardent et dévoué, Claude Allier, prieur de Chambonas en Vivarais, conçut le projet hardi de grouper toutes les bonnes volontés pour profiter de l’état d’âme des montagnards de la région et tenter un mouvement royaliste.
La Lozère, le Vivarais, le Gard, le Gévaudan et le Velay lui paraissaient disposés à prendre les armes pour secouer le joug tyrannique des nouveaux potentats. Il s’assura le concours de chefs vaillants et déterminés, se créa des intelligences dans toute la région restée fidèle aux traditions politiques et religieuses du pays, et parvint en assez peu de temps à créer une organisation puissante dont il pensa tirer parti pour la lutte qu’il voulait entreprendre.
Né dans la ville d’Orange, Claude Allier appartenait à une famille originaire de la région de Langogne, sur les confins de la Haute-Loire, de l’Ardèche et de la Lozère (…). Claude avait quatre frères : François (…), André (…), Dominique et Charles qui aidèrent Claude dans ses projets contre-révolutionnaires.
Claude Allier avait représenté à l’assemblée nationale le diocèse d’Uzès : il était âgé de quarante-trois ans. Entreprenant et tenace, il organisa avec une merveilleuse rapidité le mouvement royaliste qu’il avait entrepris.
Il sut s’entourer d’amis dévoués et actifs, faire comprendre aux paysans Cévenols que, seuls et isolés, ils étaient impuissants contre la révolution triomphante, mais qu’en se groupant et se prêtant un mutuel appui ils pouvaient devenir une force avec laquelle les puissants du jour auraient à compter.

   Le Vivarais, la Lozère, adhérèrent des premiers à cette entreprise qui arrivait à point dans un pays résolu à défendre jusqu’au bout sa liberté et son indépendance.
A leur exemple, le Velay présentait déjà, à cette époque, de graves indices de mécontentement (…).
Ce fut sur ces entrefaites qu’éclata le mouvement du « Camp de Jalès ».

chambonas-banne-jales-et-environs-300x186 camps de Jalès dans Vexilla Regis

Chambonas – en haut à gauche – dont l’abbé Claude Allier était prieur, 
l’ancienne Commanderie de Jalès – en bas sur la droite – , et leurs environs qui seront cités ci-dessous.
(cliquer sur l’image pour la voir en grand format)

   Claude Allier avait choisi comme point de concentration de ses troupes contre-révolutionnaires les châteaux de Jalès et de Bannes, perdus au milieu des Cévennes, au fond du département de l’Ardèche.
Lorsqu’il jugea le mouvement assez avancé et l’instant opportun, il fit convoquer dans la plaine de Jalès, en août 1790, toutes les gardes nationales de la région « sous prétexte de leur faire renouveler le serment civique du 14 juillet ».
Gentilshommes, prêtres et moines, bourgeois et paysans accoururent du Gard, de la Lozère, du Vivarais, du Gévaudan et du Velay.
Vingt mille hommes répondirent à l’appel du prieur de Chambonas, et, devant un autel dressé en plein air, prêtèrent serment de « défendre la nation, la loi et le Roi ». Ils ne se séparèrent « qu’après avoir bruyamment manifesté leurs sentiments royalistes et catholiques ».
Cette première réunion avait permis aux chefs de compter leurs hommes. Elle produisit une grande impression dans le pays et décida le prieur et ses amis à tenter l’aventure.

   Claude Allier fut aidé dans son entreprise par son frère, Dominique, homme intrépide et tenace dont l’endurance faisait l’admiration de ses compagnons de lutte ; par Mgr de Castellane, évêque de Mende ; M. de Malbosc ; M. de Chabannes ; le chevalier de Gratz ; le procureur-syndic de la Lozère, Rivière ; l’abbé de la Bastide de la Molette et son frère le chevalier ; l’abbé de Siran ; M. de Retz ; le chevalier de Borel ; le maire de Mende, Jourdan-Combettes ; enfin, le notaire Charrier, ancien député, que Mgr de Castellane avait fait venir dans sa forteresse de Chanac pour commander la petite troupe qu’il avait formée.
L’évêque de Mende, en effet, avait organisé dans son château une petite armée de paysans qu’il entretenait à ses frais et à qui des hommes dévoués enseignaient le maniement des armes.

   Une seconde fois, en février 1791, Claude Allier convoqua ses troupes dans la plaine de Jalès. Il ne s’agissait plus, alors, d’une manifestation platonique. Une organisation puissante avait été entreprise. Le « Camp de Jalès » devenait officiellement le centre de la résistance qu’allaient opposer à la révolution tous les braves gens du pays.
Les chefs du mouvement annonçaient hautement qu’ils voulaient « une insurrection générale, une marche rapide sur Paris, la dispersion de l’assemblée nationale et le rétablissement de l’Ancien Régime ».
Cependant, à cette armée il manquait un chef, un chef militaire, investi officiellement par les Princes du haut commandement. Il fut décidé que l’on attendrait pour commencer la lutte d’avoir obtenu la nomination d’un général. Les troupes quittèrent donc le « camp » et retournèrent dans leurs villages avec l’espoir d’en sortir bientôt pour ouvrir les hostilités.

commanderie-de-jales-porche Claude Allier

Ancienne commanderie templière de Jalès : le porche (état actuel)

   L’assemblée nationale en apprenant ce qui se passait dans les montagnes des Cévennes, ordonna l’arrestation de tous les chefs royalistes de la région et décréta d’accusation le prieur de Chambonas, le chevalier de Gratz, M.de Chabannes, M. de Malbosc, Rivière, et les deux de la Bastide, le chevalier et l’abbé.
Ce dernier, Clément de la Bastide de la Molette, chanoine d’Uzès, avait été autrefois officier et s’était vaillamment mis à la disposition de Mgr de Castellane et du prieur de Chambonas (…).

   L’abbé de la Bastide, son frère, le procureur Rivière, les trois Allier, réussirent à se cacher. M. de Malbosc fut pris, enfermé dans la citadelle du Pont-Saint-Esprit, et massacré impitoyablement.
Le prieur de Chambonas n’abandonna pas pour cela la lutte entreprise. D’autres chefs n’étaient pas encore dénoncés : l’abbé de Siran, de Retz, Charrier…
Il leur laissa le soin de maintenir l’union des troupes royalistes, et partit au commencement de janvier 1792 pour Coblentz où se trouvait la Cour. Reçu avec joie par les Princes, il leur exposa « avoir recruté à Nîmes, à Montpellier, à Arles, à Mende, au Puy, dans le Comtat et dans le Vivarais, 60.000 hommes » affiliés à la confédération de Jalès et prêts à se lever à l’appel des chefs royalistes.
Il dépeignit aux Princes l’état d’esprit des montagnards Cévenols, leur fit un tableau de la situation inaccessible des montagnes du Vivarais, du Velay et du Gévaudan, des dépôts d’armes, des magasins qui y existaient, et les pria de désigner un chef   »qui vint en leur nom se mettre à la tête des défenseurs de la Monarchie ».
Sur leur demande, il exposa le plan des conjurés : investir Nîmes, au midi, le Puy, au nord. « Maître de ces deux points, il tiendrait le midi » et marcherait sur Lyon où des troupes amies n’attendaient qu’un signal pour opérer leur jonction avec les Cévenols.
Claude Allier insista sur ce point « que le Velay était tout dévoué au Roi et que l’on trouverait à Yssingeaux et au Puy, – avec des ressources précieuses, armes, munitions et vivres, – des amis vaillants et fidèles qui lutteraient jusqu’à la mort ».
Les maires et les municipalités d’une grande partie de la Lozère, le commandant de la gendarmerie, le procureur-général syndic étaient dans le complot. Le succès était assuré.
Les Princes ne purent que féliciter le prieur de son dévouement et approuver son projet. Ils lui promirent des secours pécuniaires et un général.

   Claude Allier revint à Jalès, réunit tous les chefs de l’entreprise, leur fit le récit de son voyage et du succès de sa mission. Une adresse aux Princes fut aussitôt rédigée et revêtue de la signature des 57 chefs royalistes fédérés.
Il s’agissait maintenant de faire parvenir ce document à Coblentz. Dominique Allier offrit de s’en charger.
L’entreprise était périlleuse (…). Dominique avait l’âme vaillante ; il se déguisa en berger, acheta un troupeau, et, lentement, en menant devant lui ses moutons, il franchit à pied montagnes et vallées, plaines et collines.
Il arriva de la sorte à Chambéry, et, laissant ses moutons, traversa la Suisse allemande et le grand duché de Bade.
Les Princes ne furent pas peu surpris lorsqu’ils virent arriver le soi-disant berger et apprirent de quelle manière il était venu jusqu’à eux. Ils annoncèrent officiellement leur intention d’envoyer des chefs en Vivarais et de désigner dans la suite un Prince du Sang pour prendre le commandement en chef des troupes cévenoles.
Lorsque la chose fut connue à Coblentz tout le monde voulut être de l’expédition. Les Chevaliers de Malte promirent de concourir au soulèvement et de débarquer dans le Midi avec leurs frégates. Tous les émigrés sollicitèrent l’honneur d’aller au camp de Jalès ; les Princes n’eurent plus que l’embarras du choix.
Le 4 mars, le comte Thomas de Conway, maréchal de camp irlandais au service de la France et ancien gouverneur des établissements français aux Indes, fut nommé commandant en chef des armées royalistes du Midi, depuis Arles jusqu’à Jalès.
Les Princes lui ouvrirent un crédit de 300.000 livres et lui adjoignirent, pour commander plus spécialement le camp de Jalès et la région des Cévennes, le comte de Saillans (…), ancien lieutenant-colonel aux Chasseurs du Roussillon, émigré après l’échec du complot de Perpignan dont il avait été l’âme.

3-Saillans comte de Saillans

François-Louis, comte de Saillans (1741-1792)

au chapitre VIII, intitulé :  Conspiration de Saillans.

   Le comte de Saillans partit de Coblentz le 8 mars avec Dominique Allier, le vicomte de Blou, Isidore de Mélon, de Sainte-Croix, de Portalis, de Montfort, de Roux, de Saint-Victor (…).

   Cependant la joie des royalistes des Cévennes ne pouvait plus se contenir. Des indiscrétions avaient été commises dès le départ de Dominique pour Coblentz (…).
Au début de mars, un homme qui appartenait par toutes ses traditions de famille à l’aristocratie yssingelaise, mais qui par ambition s’était jeté dans le jacobinisme, informa la Législative que 20.000 paysans s’étaient armés en Lozère pour la contre-révolution. Il dénonça à la barre de l’assemblée Mgr de Castellane, évêque de Mende, le maire de cette ville, le commandant militaire, comme coupables d’avoir organisé un complot royaliste de concert avec les organisateurs du camp de Jalès. Il demanda, mais ne put obtenir, leur mise en accusation et le transfert à Marvejols du tribunal criminel et du directoire du département.
Le 20 mars, le même député demandait à l’assemblée la démolition des châteaux de Jalès et de Bannes dans lesquels étaient « approvisionnées les munitions de guerre des contre-révolutionnaires ».
Le 28 du même mois il obtenait enfin de la Législative la mise en accusation de Mgr de Castellane (*), de l’ancien député Charrier, du chevalier de Borel, de Jourdan-Combettes, maire de Mende, et M. de Retz (…).

   Lorsqu’on comprit enfin, à Paris, qu’il existait dans le Vivarais, le Gévaudan et le Velay une organisation royaliste sérieuse, que des troubles sanglants éclataient de tous côtés, que les châteaux de Bannes et de Jalès étaient devenus de véritables camps retranchés, qu’un soulèvement général allait se produire, on en fut vivement ému.
Tous les chefs dont on pu connaître les noms furent décrétés d’accusation ; des expéditions, des détachements de troupes régulières, volontaires et gardes nationaux, furent lancés à leur poursuite, mais presque tous restèrent introuvables.

   Aussi lorsque le prieur de Chambonas les convoqua pour le 19 mai à la Bastide pour leur présenter le comte de Saillans, bien peu manquèrent à l’appel.
Cette assemblée d’hommes dont la tête était mise à prix ne manquait pas de grandeur. Ils s’y rendirent, escortés par les paysans qui les cachaient dans le pays. Des gardes nationaux en tenue montèrent la garde autour de la Bastide. Saillans se présenta « revêtu de son uniforme bleu à boutons fleurdelysés, la cocarde blanche au chapeau ».
Acclamé par cette élite de royalistes cévenols, l’envoyé des Princes commença alors à courir les montagnes avec le prieur dont il avait partagé jusque là la retraite. Il visita tous les paysans fidèles, depuis le fond de la Lozère jusqu’aux rives du Rhône, voyageant la nuit, se cachant pendant le jour, changeant de costume presque journellement.
Dominique Allier le précédait, explorait le pays, dépistait les républicains et réunissait les montagnards. « Reçu partout comme un libérateur, Saillans charma tout le monde par sa bonne grâce ».

   Mais le temps pressait. Le Directoire venait de s’emparer du château de Bannes. Il ignorait encore, il est vrai, que le comte était arrivé dans les Cévennes, mais il pouvait l’apprendre d’un jour à l’autre. Il ne fallait plus tarder.
Le 23 juin, à minuit, une grande réunion eut lieu, mystérieusement dans la forêt de Malons, près de Saint-Ambroix. Saillans y rendit compte de sa tournée, y fit part de ses espérances. Le chevalier de Mélon y prononça un discours vibrant de foi royaliste (…) ; les royalistes étaient groupés autour du prieur, haletants d’espoir (…). 

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Banne : le château tel qu’on pouvait le voir avant les événements de juillet 1792.

au chapitre X : Saillans projette de s’emparer du Puy.

   Ainsi que Claude Allier l’avait affirmé aux Princes à Coblentz, la ville du Puy comptait de nombreux partisans de la Monarchie. Ils étaient, il est vrai, un peu réduits au silence par la présence des troupes régulières qui tenaient garnison dans la cité, ainsi que par le grand nombre d’étrangers qui l’avaient envahie, depuis l’origine de la révolution, aventuriers sortis d’un peu partout pour venir profiter du bouleversement de l’ordre social, se glisser dans les postes avantageux, piller, voler de tous côtés (…).

   Le comte de Saillans n’eut pas de peine à se ménager des intelligences dans la ville du Puy. Dès que l’on se fut rendu compte que l’on pouvait y compter sur des amis fidèles et dévoués, on songea à organiser un plan pour s’emparer de la capitale du Velay.
« Les deux tiers de ses habitants sont dévoués à la bonne cause », lit-on dans un document saisi par les révolutionnaires et écrit de la main du prieur de Chambonas. Claude Allier indiquait en outre dans son plan d’attaque que, « le Puy étant la plus grande ville et comme la capitale de toutes montagnes », la prise de cette cité par les royalistes produirait dans le pays une très grande impression et déciderait beaucoup de timides et d’hésitants à prendre les armes pour le Roi.
On s’occupa tout d’abord de désigner un chef aux royalistes dans chaque canton de l’ancien Velay. Théofrède Roudil de Chabannes fut placé à la tête de cette organisation (…).

le-puy-ancienne-gravure Dominique Allier

Gravure ancienne représentant la ville du Puy :
en sus de la position stratégique, pour tous les royalistes, le Puy est une ville sainte
dont l’antique pèlerinage, fréquenté par plusieurs Rois, donne à leur combat une dimension « mystique ».

au chapitre XI : échec du complot de Saillans.

   Le signal si longtemps attendu fut enfin donné, et l’armée royaliste fut officiellement convoquée pour marcher sur le Puy.
La réunion des troupes devait avoir lieu dans la nuit du 8 au 9 juillet. Le Velay devait rejoindre l’armée de Jalès sur le parcours de la route, et, dans la ville, tout se préparait en secret pour l’entrée des cocardes blanches.
L’enthousiasme était à son comble. Les royalistes, armés de pied en cap, causaient ouvertement en Vivarais de l’expédition du Puy ; on se réjouissait publiquement de l’approche de la délivrance ; on affichait devant la porte des églises des proclamations monarchistes ; on obligeait même les curés constitutionnels à en donner lecture en chaire.
Cette audace des contre-révolutionnaires, publiant de tous côtés leurs projets et se vantant déjà de la prise du Puy comme si elle était un fait accompli, produisait un effet considérable et plongeait dans l’épouvante les jacobins du pays.

   La proclamation du comte de Saillans aux troupes royalistes, affichée dans tous les hameaux, faisait de son côté une grande impression. Rédigée dans un style abandonné depuis plusieurs années, elle avait « un parfum d’Ancien Régime » qui réveillait les plus endormis et annonçait la fin d’un mauvais rêve.
Ce document était signé : « Comte de Saillans, chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis, commandant en second au nom de Monsieur et Monseigneur, comte d’Artois, dans le Bas-Languedoc, Vivarais, Velay et Gévaudan ».
Il commençait en ces termes :
« Peuple fidèle à votre Dieu, à votre Roi, levez la tête !
Assez et trop longtemps elle a été courbée sous le joug des plus vils tyrans ; assez et trop longtemps, vous avez été le jouet de la faction la plus impie et la plus barbare.
La Patrie déchirée, la Monarchie renversée, la Religion horriblement persécutée, le Trône avili, le Roi captif et dégradé, tous les gens de bien opprimés demandaient au Ciel et à la terre, depuis trois ans, les vengeurs de ces affreux attentats, de ces épouvantables désordres.
Seuls, vous tentâtes deux fois de réussir dans cette grande et glorieuse entreprise, mais vous ne pûtes pas avoir le succès désiré, par ce que vous n’aviez pas de chefs, parce qu’en un mot le moment n’était pas venu.
Le voici ; réjouissez-vous. Que les méchants tremblent : le jour de la vengeance est arrivé ; la foudre est prête, elle va éclater sur leurs têtes criminelles et les écraser…
Nous venons vers vous, peuple généreux et fidèle au meilleur comme au plus généreux des Rois… »

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Signature de Monsieur de Saillans (il n’était alors que chevalier) telle qu’elle figure sur les registres paroissiaux de Largentière à la date du 23 février 1767.

   L’annonce pompeuse et bruyante du soulèvement général, arrivant après plusieurs années de persécution et contrainte, causait une sorte de délire. On vit des curés réfractaires se mettre hardiment à la tête de leurs paroissiens et refuser « d’entendre en confession ceux qui ne voulaient pas partir ». Les percepteurs furent sommés « au nom du Roi » de verser entre les mains de l’administration militaire le contenu de leur caisse ; la cocarde blanche fut arborée partout et les sans-culottes durent eux-mêmes faire disparaître leur cocarde tricolore sous peine de la voir arracher de leur chapeau et fouler aux pieds au cri de « Vive le Roi ! » (…).

   Le complot allait réussir au-delà de toutes les espérances, lorsque, dans la journée du 1er juillet, un détachement de gendarmerie arrêta un porteur de dépêches et s’empara de ses papiers. Grande fut la surprise des gendarmes en lisant le contenu. Les autorités du département furent immédiatement averties ; la nouvelle se répandit en un instant. Les directoires des départements voisins, affolés, écrivirent dans toutes les directions pour demander du secours (…).

   De son côté, l’armée royaliste ne perdit pas de temps. Le 2 juillet, Guilhaume de Mélon se mit en route, à la tête d’une première troupe, et vint assiéger le fort de Bois-Bertrand où se trouvait une garnison républicaine.
Sommé « au nom du Roi »  d’avoir à évacuer la place, le capitaine refusa. Les royalistes firent alors le siège de Bois-Bertrand, tandis que le comte de Saillans formait une seconde colonne qu’il conduisait sur Beaulieu.
Le 3 juillet, Saillans réquisitionnait la garde nationale de Beaulieu, marchait sur Berrias dont il s’emparait, et y installait une garnison royaliste.
Le vicomte de Blou prenait le commandement d’une troisième colonne formée de plusieurs communes du Vivarais ; l’abbé de la Bastide se mettait à la tête d’une quatrième troupe.
Le 4, l’armée royaliste, partout triomphante, se réunissait à l’église de Bannes pour une Messe solennelle d’action de grâces. La cérémonie fut des plus imposantes ; on y bénit un drapeau blanc « tandis que, debout près de l’autel, le comte de Saillans, en grand uniforme, entonnait une hymne que l’assistance chanta avec lui ».

banne-le-chateau-etat-actuel Jalès

Banne : les ruines du château incendié en juillet 1792 (état actuel)

   Cependant les administrations départementales avaient maintenant des détails précis sur l’insurrection. L’affolement, dans la Haute-Loire comme dans l’Ardèche, n’avait plus de bornes. La lecture de la fameuse proclamation rédigée en style ci-devant aristocratique plongeait les administrateurs dans la stupeur la plus profonde. Il leur semblait inouï qu’un homme osât encore écrire et signer un pareil document ; il leur paraissait inconcevable que toute une population pût se lever à la suite de cet homme pour crier avec lui : « Vive le Roi ! » (…).
Les demandes de secours, les dépêches alarmantes se succédèrent avec précipitation ; et bientôt les renforts arrivèrent de tous côtés.
Le général Châteauneuf-Randon dirigea une troupe sur Privas ; le général d’Albignac en conduisit une autre vers Joyeuse. L’armée qui défendait la frontière dauphinoise contre le Roi de Sardaigne envoya au Puy un détachement de dragons « pour aider à la défense de cette ville qui était si attaquée ».
Le directoire de l’Ardèche s’établit en permanence à Saint-Ambroix et arrêta au passage le citoyen-général d’Albignac pour se mettre sous la protection de sa troupe.

   Le 8 juillet, le comte de Saillans et le chevalier de Mélon s’emparaient du château de Bannes après un siège de quatre jours, mais une armée arrivait du Gard, des gardes nationales, des grenadiers, des volontaires accouraient de partout, et bientôt, écrasés sous le nombre, les royalistes étaient à leur tout repoussés malgré les efforts héroïques de Dominique Allier et de Guilhaume de Mélon qui restèrent les derniers sur le champ de bataille.

   Après une défense désespéré, Jalès fut pris et livré aux flammes ; Saint-André de Cruzières fut brûlé ; le feu détruisit en partie Bannes et Berrias.

prise-et-incendie-de-jales-juillet-1792 le Puy

Gravure révolutionnaire représentant la prise et l’incendie de la Commanderie de Jalès :
on remarque qu’on a fait figurer sur cette représentation deux prêtres s’enfuyant (sur la droite)

   Saillans, fait prisonnier avec deux prêtres et quelques compagnons, fut conduit à la mairie des Vans où tous furent massacrés. Ce fut Jean-Louis Tourette, natif de Thueyts, et l’un des plus féroces révolutionnaires du Puy, qui trancha d’un coup de sabre la tête du comte de Saillans qu’il brandit ensuite comme un trophée au milieu des hurlements de joie de toute l’assistance.

crane-suppose-de-monsieur-de-saillans-eglise-de-largentiere Mgr de Castellane

Eglise de Largentière (07110) : juché sur l’un des chapiteaux du fond de la nef, ce crâne est traditionnellement présenté comme celui de Monsieur le comte de Saillans (pas de certitude absolue).
Après son massacre aux Vans, la tête du comte fut en effet promenée dans tous les villages du bas Vivarais afin d’inspirer la terreur aux populations ; on sait qu’elle fut ensuite gardée par un révolutionnaire de Largentière comme un trophée, et finalement enterrée dans un jardin proche de sa maison ; lorsqu’au XIXe siècle, à l’occasion de travaux, on retrouva un crâne dans ce jardin, on l’attribua à Monsieur de Saillans et il fut placé sur ce chapiteau où il se trouve toujours…

au chapitre XV : mort du prieur de Chambonas.

   (…) Après l’échec du comte de Saillans, le prieur de Chambonas, Claude Allier, s’était réfugié dans le canton de Saugues. Là, il organisait un nouveau soulèvement et préparait la formation d’un camp royaliste à Séneujols, dans les montagnes du Velay, lorsqu’il fut surpris dans une chaumière de Montrazon, paroisse de Thoras, le 18 août 1793, et guillotiné quinze jours plus tard, le 5 septembre.

lys5 prieur de Chambonas

   Ainsi que nous le disions en introduction de ces citations de l’ouvrage de Monsieur Boudon-Lashermes, c’est à Mende que l’abbé Claude Allier fut emmené prisonnier, comparut devant le tribunal révolutionnaire et fut guillotiné, le 5 septembre 1793.
Nous ne connaissons pas le lieu de sa sépulture et nous ne possédons pas non plus de portrait de lui.
Il demeure à jamais lié à l’histoire des « Camps de Jalès » dont il fut à l’origine et qu’il anima d’un souffle de véritable croisade, pour Dieu et pour le Roi.

Que sa mémoire soit à jamais en bénédiction !

commanderie-de-jales-puits-de-la-cour-dhonneur Velay

Ancienne commanderie templière de Jalès : la cour d’honneur et son puits (état actuel).

(*) Jean-Arnaud de Castellane, né le 11 décembre 1733 au Pont-Saint-Esprit, fut vicaire général de l’archevêque de Reims et aumônier du Roi. Promu à l’évêché de Mende le 1er novembre 1767 et sacré dans la chapelle royale le 25 janvier 1768, il fut le dernier comte-évêque du Gévaudan. Après l’échec de la conspiration de Saillans, il trouva d’abord refuge dans le Velay, puis à Lyon. Arrêté, il est massacré à Versailles le 9 septembre 1792 et repose au cimetière Saint-Louis de Versailles.

Publié dans:Chronique de Lully, Memento, Vexilla Regis |on 6 septembre, 2013 |6 Commentaires »

2013-67. De l’anniversaire de la naissance de Louis XIV et de son prétendu refus d’obtempérer aux demandes du Sacré-Cœur.

Jeudi 5 septembre 2013,
375ème anniversaire de la naissance de Sa Majesté Très Chrétienne le Roi Louis XIV.

2013-67. De l'anniversaire de la naissance de Louis XIV et de son prétendu refus d'obtempérer aux demandes du Sacré-Cœur. dans Chronique de Lully louis-xiv-enfant

Louis-Dieudonné, Dauphin de France, futur Louis XIV
(anonyme, vers 1640)

       Le 5 septembre 1638, à Saint-Germain en Laye, naquit Louis-Dieudonné, Dauphin de France – fils de Leurs Majestés Très Chrétiennes le Roi Louis XIII et la Reine Anne d’Autriche – , futur Louis XIV le Grand.
Tous nos amis savent en quelle vénération nous tenons celui qui, pour toujours, demeure le Roi Soleil. Aussi, en notre Mesnil-Marie, ce trois-cent-soixante-quinzième anniversaire nous est une occasion toute particulière d’allégresse et d’action de grâces.

   En septembre 1638, ce fut une explosion de joie par tout le Royaume lorsque cette naissance tant espérée advint enfin.
En témoigne cette « Chanson à danser sur la naissance de Louis-Dieudonné » dont vous pouvez ici entendre un bref enregistrement :

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   Voici l’intégralité des paroles de ce chant populaire qui décrit en particulier les réjouissances auxquelles se livrèrent les Parisiens en liesse :

1
Nous avons un Dauphin,
Le bonheur de la France !
Rions, buvons sans fin
A l’heureuse naissance :
Car Dieu nous l’a donné
Par, par, par l’entremise
Des prélats de tout l’Église.
On lui verra la barbe grise !


Lorsque ce Dieudonné 
Aura pris sa croissance, 
Il sera couronné 
Le plus grand Roy de France. 
L’Espagne, l’Empereur et l’Italie 
Le Crovate et l’Roy d’Hongrie 
En mourront tous de peur et d’envie.


La ville de Paris 
Se montra non pareille 
En festins et en ris ;
Le monde y fit merveille. 
Chacun de s’enyvrer faisoit grande gloire 
A sa santé, à sa mémoire 
Aussi bien maître Jean que Grégoire.


Au milieu du ruisseau 
Estoit la nappe mise :
Et qui buvoit de l’eau 
Estoit mis en chemise !
Ce n’estoit rien que jeux, 
Feux et lanternes ;
On couchoit dedans les tavernes ;
Et si j’n’ dis vray que l’on me berne.


Ce qui fut bien plaisant 
Fut Monsieur la Raillière :
Ce brave partisan
Fit faire une barrière 
De douze ou quinze muids 
Où tout le monde 
S’alloit abreuver à la ronde 
Et s’amusoit à tirer la bonde.

6
Monsieur de Benjamin,
Des escuyers la Source,
Fit planter un dauphin
Au milieu de sa course
Ou six vingts caveliers,
Avec la lance,
Lui faisoient tous la révérence
Et puis alloient brider la potence.


Au milieu du Pont Neuf 
Près du cheval de bronze, 
Depuis huit jusqu’à neuf, 
Depuis dix jusqu’à onze, 
On fit un si grand feu 
Qu’on eut grande peine 
A sauver la Samaritaine 
Et d’empêcher de brûler la Seyne !

8
Le feu fut merveilleux
Dans la place de Grève,
Et quasi jusqu’au cieux
La machine s’élève ;
Minerve y paroît de belle taille,
Vestue d’une cotte de maille
Qui mestoit tout son monde en bataille.


Enfin tout notre espoir 
Estoit que notre Reine 
Quelque jour nous fit voir 
Sa couche souveraine ;
Nous donnant un Dauphin par bon présage 
Il est beau, il est bon et sage 
Il fera des merveilles en son âge !

gabriel-blanchard-allegorie-de-la-naissance-de-louis-dieudonne 1638 dans Memento

Allégorie de la naissance du Dauphin Louis-Dieudonné
(tableau de Gabriel Blanchard) 

   Mais je veux surtout profiter de cet anniversaire pour répondre à une remarque qui m’est très souvent objectée – la plupart du temps par de fervents catholiques – au sujet du Grand Roi : « N’a-t-il donc pas refusé d’exécuter les demandes du Sacré-Cœur qui lui avaient été transmises par Sainte Marguerite-Marie ? »

   Je ne vais pas développer ici la teneur de ces demandes du Sacré-Cœur, ni évoquer les éventuelles difficultés que peut soulever ce message ; je veux uniquement m’occuper de savoir s’il est vrai que Sa Majesté le Roi Louis XIV y aurait opposé un refus.

sacre-coeur 1689 dans Vexilla Regis

   Dans la lettre numéro 100 - lettre qui ne porte pas de date mais qui fut écrite après le 17 juin 1689 – , après lui avoir décrit les grâces que la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus fera pleuvoir sur l’Ordre de la Visitation, Sainte Marguerite-Marie confie ceci à la Révérende Mère de Saumaise, supérieure du monastère de Dijon : « Et voici les paroles que j’entendis au sujet de notre Roi : Fais savoir au Fils aîné de Mon Sacré-Cœur, que, comme sa naissance temporelle a été obtenue par la dévotion aux mérites de Ma sainte Enfance, de même il obtiendra sa naissance de grâce et de gloire éternelle… », suivent alors les fameuses demandes à l’intention du Souverain (in « Vie et oeuvres de la Bienheureuse Marguerite-Marie Alacoque » – 3ème édition, par Monseigneur Gauthey, tome deuxième, p. 436).

   La question qui se pose d’emblée est celle-ci : comment une religieuse assujettie à la clôture très stricte d’un humble monastère dans une toute petite cité bourguignonne, religieuse qui n’a pas de parenté dans la très haute noblesse, qui ne cultive pas de relations à la Cour, et qui n’entretient pas de correspondance avec quelque prélat en vue, pourra-t-elle transmettre son message céleste à celui que Notre-Seigneur Lui-même n’appelle pas seulement le « Fils aîné de la Sainte Eglise » (titre officiel du Roi de France) mais le « Fils aîné de Son Sacré-Cœur » ?
Sainte Marguerite-Marie, que l’étude de l’ensemble des lettres à la Révérende Mère de Saumaise montre pressée de voir aboutir cette mission, a sans nul doute instamment prié et demandé à Notre-Seigneur comment il conviendrait de faire pour toucher le Roi Soleil. 

   Dans la lettre 107 – daté du 28 août 1689 et toujours adressée à la Révérende Mère de Saumaise – ,  on peut voir que la Sainte a reçu une réponse à ses interrogations, et elle en fait part à sa correspondante : « (…) Dieu a choisi le Révérend Père de La Chaise pour l’exécution de ce dessein (…) » (ibid. p. 455).

rd.p.-francois-daix-de-la-chaise-sj 375e anniversaire de la naissance

Le Rd. Père François d’Aix de La Chaise (1624-1709)
confesseur de Sa Majesté le Roi Louis XIV pendant trente quatre ans.

   On comprend très bien que le confesseur de Sa Majesté  est un personnage clef pour emporter l’adhésion du Roi sur un sujet qui touche à la religion : la lettre 107, qui est assez longue, développe que « ce sera donc à lui de faire réussir la chose » (ibid.) et que pour atteindre le Père de La Chaise, la Révérende Mère de Saumaise n’a qu’à faire passer cette solennelle lettre 107 (je la qualifie de « solennelle » parce que l’on voit bien que Sainte Marguerite-Marie l’a rédigée non plus pour la seule Mère de Saumaise mais pour que celle-ci puisse la communiquer : le ton et le style y sont soignés, graves et presque emphatiques) à la Supérieure du monastère de la Visitation de Chaillot : en effet, ce monastère reçoit régulièrement le Père de La Chaise comme confesseur des moniales.

   On ne peut guère imaginer que la Révérende Mère de Saumaise, entièrement gagnée à la cause, se soit abstenue d’obtempérer aux indications « tactiques » suggérées par les inspirations de Sainte Marguerite-Marie, mais à partir de cette fin d’août 1689, nous n’avons plus de documents qui nous permettraient d’affirmer quoi que ce soit.

   La copie de cette lettre 107 de Sainte Marguerite-Marie est-elle parvenue à la Supérieure de Chaillot et, dans l’affirmative, cette Supérieure l’a-t-elle bien remise au Père de La Chaise ? 
S’il a bien eu en mains les demandes du Sacré-Cœur à l’adresse de son royal pénitent, le Père de La Chaise a-t-il été convaincu de leur authenticité surnaturelle ?
S’il a été au courant du message et convaincu de son authenticité, le Père de La Chaise l’a-t-il bien retransmis à Sa Majesté ? 
Toutes ces questions n’ont pas de réponse.
Nous n’avons aucun document, aucun témoignage, aucune preuve historique, ni même aucune ombre de preuve : Rien, strictement rien ne nous permet d’affirmer que le Grand Roi a été mis au courant de ce message ; de même que rien, strictement rien ne peut nous permettre d’affirmer qu’il ne l’a pas été.

   En l’absence de toute preuve, de tout document, de tout indice, il est donc absolument impossible – et véritablement injuste – d’affirmer de manière catégorique que Sa Majesté le Roi Louis XIV aurait refusé d’obtempérer aux demandes du Sacré-Cœur !

   En outre, il faut bien se garder de pécher par anachronisme : aux catholiques fervents du XXIe siècle il est bien facile d’avoir confiance dans les révélations de Sainte Marguerite-Marie, puisque cette dernière a été béatifiée par Pie IX, canonisée par Benoît XV, et que le culte du Sacré-Cœur – tel qu’il a été demandé par Notre-Seigneur par l’intermédiaire de la sainte Visitandine – a été pleinement authentifiée par l’Eglise.
Mais en 1689, ni le Père de La Chaise, ni Sa Majesté le Roi Louis XIV n’avaient ces garanties. En admettant que l’un et l’autre aient connu la lettre 107 de la Sœur Marguerite-Marie Alacoque – car, redisons-le, nous sommes là dans le royaume des « si » – , qu’est-ce qui leur permettait d’être certains de la vérité des voies mystiques de la moniale et de l’authenticité surnaturelle de ces demandes ?

   Gardons nous donc soigneusement de tout jugement téméraire en cette affaire ; acceptons humblement de ne pas connaître ce qu’il est réellement advenu, à ce moment-là, des demandes du Christ-Roi adressées au « Fils aîné de Son Sacré-Cœur », après que la Révérende Mère de Saumaise a reçu de Sainte Marguerite-Marie la mission de transmettre sa lettre au monastère de Chaillot…

   Ce qui est certain, en revanche, c’est qu’un siècle plus tard, le message avait fini par être connu de la famille royale, et que l’infortuné Louis XVI, en position plus que critique, tentera alors de répondre aux demandes du Cœur de Jésus (voir le texte de son vœu > ici), mais, pour reprendre les termes mêmes de Notre-Seigneur dans une communication à Sœur Lucie, il était alors « bien tard » (*)

Lully. 

frise-lys 5 septembre

(*) Sœur Lucie, dans une lettre à son évêque datée du 29 août 1931 (dite lettre de Rianjo), transcrit ces paroles de Notre-Seigneur : « Ils n’ont pas voulu écouter ma demande. Comme le roi de France, ils s’en repentiront, et ils le feront, mais ce sera bien tard… »

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