2024-201. 16 septembre 1824 : Sa Majesté le Roi Louis XVIII rend son âme à Dieu (1ère partie).
16 septembre,
Fête des Saints Corneille et Cyprien (cf. > ici), pontifes et martyrs ;
Mémoire du 2ème jour dans l’octave des Sept-Douleurs ;
Mémoire des Saints Euphémie, Lucie et Géminien, martyrs ;
Anniversaire de la mort de Sa Majesté le Roi Louis XVIII (+ 16 septembre 1824).
En ce jour anniversaire de la très pieuse mort de Sa Majesté le Roi Louis XVIII, tout en renvoyant à ce que nous avons déjà écrit à son sujet (cf. > ici & > ici) – et que nous ne répèterons donc pas (mais que je me permets de vous encourager à relire) -, nous tenons à reproduire ci-dessous (en conservant la graphie d’origine) une première publication qui fut faite dans le bulletin légitimiste et catholique « L’Ami de la Religion et du Roi » (1814-1830), dans la livraison du mercredi 15 septembre 1824, c’est-à-dire la veille de la mort du Souverain (pendant la Restauration, le bulletin paraissait normalement deux fois par semaine, le mercredi et le samedi).
L’intérêt de cet article est très grand, puisque, en notre malheureux siècle où, sauf dans des milieux fervents, l’on considère que c’est « faire une belle mort » que de mourir subitement sans avoir eu le temps de s’y préparer spirituellement, où l’écrasante majorité des catholiques meurt sans le secours des sacrements, où le clergé « officiel » – à de rares exceptions près – manque à tous ses devoirs et responsabilités concernant le trépas des âmes confiées à ses soins, Sa Majesté Très Chrétienne le Roi Louis XVIII, Elle, pleinement consciente qu’Elle se devait d’être exemplaire pour ses sujets même dans sa mort, héroïque dans la fermeté avec laquelle Elle a assumé ses devoirs jusqu’au bout, résolue à « mourir comme un Bourbon doit le faire », nous donne la plus édifiante des leçons en ses ultimes moments terrestres.
Légende de la gravure :
« Les longues souffrances qui terminèrent la vie de Sa Majesté ne lui ôtèrent rien de son courage.
Après avoir satisfait aux devoirs de la Religion, il désira voir ses petits neveux, et,
étendant sur eux ses mains paternelles, il les bénit :
Adieu, dit-il, mes enfants. Vivez en paix, pour le bonheur de la France.»
« L’état de la santé du Roi excitoit, depuis quelque temps, de graves inquiétudes, ses infirmités anciennes et permanentes ayant augmenté sensiblement ; et un premier bulletin, publié le 12, annonça qu’on ne pouvoit se dissimuler que ses forces avoient considérablement diminué, et que les espérances qu’on avoit conçues sont très-affoiblies.
Dans cet état, la religion de S. M. lui fit désirer de s’environner de tous les secours de la Religion. Le Roi se confessa le dimanche [note : dimanche 12 septembre 1824], et vit de nouveau son confesseur le lundi matin [13 septembre]. La nuit n’ayant pas été bonne, S. M. témoigna le désir d’être administrée. Son confesseur se rendit pour cet effet chez M. le Grand-Aumônier [il s'agissait alors de Sa Grandeur Gustave Maximilien Juste de Croÿ (1773-1844), évêque de Strasbourg].
A huit heures, le prélat partit de la chapelle, portant processionnellement le Saint Sacrement, et accompagné de M. l’évêque d’Hermopolis [Denis-Antoine-Luc, comte-évêque Frayssinous (1765-1841), évêque in partibus d'Hermopolis, Grand Maître de l'Université et ministre des Affaires ecclésiastiques et de l'Instruction publique] et de plusieurs aumôniers du Roi, qui portoient des torches. M. le curé de Saint-Germain-l’Auxerrois [les Tuileries se trouvant sur le territoire de la paroisse de Saint-Germain-l'Auxerrois, c'en est le curé qui avait la juridiction ecclésiastique sur Sa Majesté], en étole, assistoit M. le Grand-Aumônier et portoit les saintes huiles. MONSIEUR [Monsieur frère du Roi, comte d'Artois, qui allait devenir Charles X] et ses augustes enfans [le Duc et la Duchesse d'Angoulème ainsi que la Duchesse de Berry] suivoient le Saint Sacrement avec des cierges allumés, et étoient accompagnés des personnes de leur maison. Le cortége étoit précédé et suivi des gardes du corps.
Arrivé dans la chambre du Roi, M. le Grand-Aumônier a exhorté en peu de mots l’auguste malade, et lui a donné le saint Viatique.
MONSIEUR, Mr. duc d’Angoulême, M. l’évêque d’Hermopolis et M. l’abbé de Saman tenoient la nappe de communion.
Immédiatement après, S. M. a reçu l’extrême-onction.
Les Princes sont retournés à la chapelle, et ont entendu la messe pour le Roi. A leur retour, S. M. leur a dit les choses les plus affectueuses, et a béni toute sa famille. Les Princes et Princesses ont montré la plus vive sensibilité. Nous joignons ici la lettre de M. le ministre des affaires ecclésiastiques aux évêques, et le Mandement de M. l’archevêque de Paris :
« Monseigneur, je suis dans la douloureuse nécessité de vous informer que l’état de santé où se trouve le Roi donne de vives inquiétudes : tous les cœurs français et chrétiens doivent se réunir pour implorer sur une tête si auguste et si chère les bénédictions du ciel ; votre dévoûment à la personne sacrée du Monarque et le zèle qui vous anime vous dicteront tout ce qui est convenable de faire dans cette conjoncture.
Veuillez, Monseigneur, agréer l’hommage de mes sentimens respectueux.Le ministre secrétaire d’Etat des affaires ecclésiastiques et de l’instruction publique,
† Signé, D., év. d’Hermopolis.»
« Le roi Ezéchias, si renommé dans Israël, par sa piété, son courage et la bonté de son cœur, tomba dans un état de maladie qui fit craindre pour ses jours ; il fut malade jusqu’à la mort, dit l’Ecriture : Egrotavit Ezechias usque ad mortem. Le prophète Isaïe étoit venu lui annoncer qu’il falloit mettre ordre aux affaires de sa maison, parce qu’il ne devoit pas en relever : Morieris tu, et non vives. Cependant le Seigneur, touché des larmes et des prières qui avoient été répandues en Sa présence, révoqua cet arrêt fatal, rendit au roi la santé, et daigna ajouter quinze années encore à un règne rempli de merveilles et de gloire.
Vous nous avez compris sans doute, N. T. C. F., et, quoique nous hésitions à vous l’annoncer, les précautions dont nous essayons d’envelopper une si triste nouvelle vous avertissent assez du malheur qui menace de plonger la France dans l’affliction et le deuil. En vain nous chercherions à vous le dissimuler, en vain, par une suite de son amour pour ses peuples, notre auguste et religieux Monarque, surmontant ses douleurs avec une rare magnanimité, avec une constance admirable, a voulu se roidir contre les efforts et les progrès du mal, et se survivre en quelque sorte à lui-même, afin de ne pas troubler, par des alarmes prématurées, le repos et le bonheur où sa sagesse a su maintenir le royaume, le moment est venu où il faut que la nature reconnoisse sa foiblesse sous la main puissante de Celui qui frappe ou qui guérit, qui donne ou qui ôte le salut aux princes.
Résigné toute sa vie aux décrets adorables de la Providence, plein de reconnoissance pour les bienfaits sans nombre qu’Elle a répandus sur lui et sur sa royale famille, pénétré de respect pour la foi de ses pères, notre Roi très-chrétien désire et réclame les secours de la religion, les sacremens de l’Eglise et les suffrages des fidèles, ou pour se préparer à paroitre devant Dieu qui juge les justices, si son heure suprême est arrivée, ou pour supporter avec patience les rigueurs de la maladie et les langueurs des infirmités, s’il plaisoit au Seigneur d’en prolonger les épreuves, ou enfin pour renouveler ses forces et ranimer la vigueur de son âme, si la divine Miséricorde, exauçant nos vœux, daignoit le rendre à son peuple, afin de le lui montrer encore long-temps sur le trône comme l’objet de Sa prédilection et l’instrument de Ses miracles.
Quels que soient, N. T. C. F., les impénétrables desseins de Dieu, la foi et l’amour nous appellent aux pieds des saints autels. Notre espérance ne sauroit être trompée. Français ! si nous ne pouvons sauver la vie du Roi, nous nous associerons du moins à son dernier combat ; nous voudrons l’aider à conquérir la couronne immortelle, et lui ouvrir, par les armes de la prière, cette cité céleste où règnent déjà tant de saints de sa noble race, et où, assis à leurs côtés, il deviendra, comme eux, le protecteur de la monarchie ».
En conséquence de ce Mandement, M. l’archevêque a fait donner dimanche à Notre-Dame un salut solennel, auquel il a officié.
Depuis ce temps, le prélat va tous les jours au château, et a assisté, le mardi, aux prières des agonisans qu’on a récitées pour Sa Majesté.
On a fait dans toutes les églises les prières des quarante-heures. Le Saint Sacrement a été exposé, et on a donné le salut. Les fidèles ont été exhortés à unir leurs prières, leurs aumônes et leurs bonnes œuvres pour la santé du Roi.
Beaucoup de personnes se portoient aux Tuileries pour s’informer de la santé du Roi, et on distribuoit de temps en temps des bulletins.
La Bourse, le Musée, et tous les lieux de réjouissance ont été fermés ».
(à suivre > ici)