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2013-70. Les femmes qui ne porteront pas la cocarde tricolore seront punies.

21 septembre 2013,
Fête de Saint Matthieu, apôtre et évangéliste.

   En faisant quelques études d’histoire, ce matin même, je me suis trouvé en présence d’un décret de la « Convention nationale » dont c’est très exactement le deux-cent-vingtième anniversaire, puisqu’il fut porté le 21 septembre 1793 (le ridicule calendrier révolutionnaire n’entrera en vigueur que le 6 octobre suivant), c’est-à-dire un an exactement après la proclamation de la république dont je vous ai entretenus l’an dernier (cf. > ici).
Je ne résiste pas au plaisir de vous en présenter une photographie.

2013-70. Les femmes qui ne porteront pas la cocarde tricolore seront punies. dans Commentaires d'actualité & humeurs decret-du-21-septembre-1793

   On remarquera que toute récalcitrante récidiviste est réputée suspecte, ce qui dans le contexte de cette époque (la fameuse « loi des suspects » avait été votée quatre jours auparavant, le 17 septembre 1793) était un quasi passeport pour comparaître devant le tribunal révolutionnaire…

   Je me suis demandé si ce décret avait été positivement abrogé par la république.
Si ce n’est pas le cas, et bien qu’il ne soit pas appliqué pour le moment, on pourrait peut-être suggérer aux petits pantins qui s’agitent là-haut pour ponctionner de toutes manières les Français – bien sûr sans augmenter les impôts et sans en créer de nouveaux ( – C’est promis : croix de bois, croix de fer, si je mens j’vais en enfer !) – , de lui redonner force et vigueur : il suffirait juste de commuer en amendes, immédiatement payantes en espèces sonnantes et trébuchantes, les jours de prison prévus par le sus-dit décret. 

   Et puis, par contrecoup, cela ne pourrait-il pas générer des emplois dans l’industrie textile ?
A condition, bien sûr, que l’on n’importe pas de Chine les dites cocardes !

Peut-être aussi les grands couturiers et les fabricants de prêt-à-porter pourraient-ils s’emparer du « concept » et « relouquer » les si seyants costumes des citoyennes de l’an II.

femme-sans-culotte 21 septembre 1793 dans Memento

   Ah ! Mais j’y pense : du fait des lois sur la « parité » et de la lutte contre toute forme de discrimination, il s’avérera indispensable-laïque-solidaire-et-citoyen, d’étendre ce décret aux hommes, aux transsexuels, aux eunuques, à ceux qui n’ont pas de genre déterminé ou qui n’ont pas encore réussi à se déterminer sur leur genre… C’est vrai, quoi, on ne peut pas – on ne doit pas ! – dispenser qui que ce soit du port obligatoire des glorieux insignes de la « liberté » !

Lully.

lully-tirant-la-langue cocarde tricolore

Publié dans:Commentaires d'actualité & humeurs, Memento |on 21 septembre, 2013 |7 Commentaires »

2013-68. Où, à l’occasion de l’anniversaire du martyre de l’abbé Claude Allier, leur instigateur et leur âme, on rappelle ce que furent les « Camps de Jalès ».

5 septembre 1793

« In memoria aeterna erit justus »

       A côté de l’événement joyeux de la naissance du Grand Roi que vient nous rappeler chaque 5 septembre, cette date marque aussi pour nous un autre anniversaire, tragique celui-là : l’anniversaire du martyre de Monsieur l’abbé Claude Allier, prieur curé de Chambonas, paroisse de l’ancien diocèse d’Uzès aux confins du Vivarais, qui fut guillotiné à Mende le 5 septembre 1793 (cf. > ici).
L’abbé Claude Allier fut le principal instigateur et l’âme des événements de 1790, 1791 et 1792 restés dans l’histoire sous le nom de « Camps de Jalès ».

   Je retranscris ci-dessous quelques passages de l’excellent ouvrage d’Albert Boudon-Lashermes intitulé « Les Chouans du Velay » (Cl. Ranchon, éditeur – Yssingeaux 1911) car la chouannerie vellave est en liens étroits avec ce qui s’est passé à Jalès.

2013-68. Où, à l'occasion de l'anniversaire du martyre de l'abbé Claude Allier, leur instigateur et leur âme, on rappelle ce que furent les

Village de Chambonas  aux confins de l’Uzège et du Vivarais :
à l’ombre du château, l’église romane dont l’abbé Claude Allier était le prieur.

lys5 Banne dans Memento

Au chapitre VII, intitulé : le Camp de Jalès.

   Le paysan des Cévennes n’avait pour l’Ancien Régime aucune antipathie. Homme de tradition, il voyait à regret le pays troublé par des innovations bruyantes et peu en harmonie avec ses idées catholiques, il déplorait l’attitude antireligieuse du nouveau gouvernement. Fermement attaché au Roi, il réprouvait hautement la conduite des chefs révolutionnaires de Paris.

   Un homme ardent et dévoué, Claude Allier, prieur de Chambonas en Vivarais, conçut le projet hardi de grouper toutes les bonnes volontés pour profiter de l’état d’âme des montagnards de la région et tenter un mouvement royaliste.
La Lozère, le Vivarais, le Gard, le Gévaudan et le Velay lui paraissaient disposés à prendre les armes pour secouer le joug tyrannique des nouveaux potentats. Il s’assura le concours de chefs vaillants et déterminés, se créa des intelligences dans toute la région restée fidèle aux traditions politiques et religieuses du pays, et parvint en assez peu de temps à créer une organisation puissante dont il pensa tirer parti pour la lutte qu’il voulait entreprendre.
Né dans la ville d’Orange, Claude Allier appartenait à une famille originaire de la région de Langogne, sur les confins de la Haute-Loire, de l’Ardèche et de la Lozère (…). Claude avait quatre frères : François (…), André (…), Dominique et Charles qui aidèrent Claude dans ses projets contre-révolutionnaires.
Claude Allier avait représenté à l’assemblée nationale le diocèse d’Uzès : il était âgé de quarante-trois ans. Entreprenant et tenace, il organisa avec une merveilleuse rapidité le mouvement royaliste qu’il avait entrepris.
Il sut s’entourer d’amis dévoués et actifs, faire comprendre aux paysans Cévenols que, seuls et isolés, ils étaient impuissants contre la révolution triomphante, mais qu’en se groupant et se prêtant un mutuel appui ils pouvaient devenir une force avec laquelle les puissants du jour auraient à compter.

   Le Vivarais, la Lozère, adhérèrent des premiers à cette entreprise qui arrivait à point dans un pays résolu à défendre jusqu’au bout sa liberté et son indépendance.
A leur exemple, le Velay présentait déjà, à cette époque, de graves indices de mécontentement (…).
Ce fut sur ces entrefaites qu’éclata le mouvement du « Camp de Jalès ».

chambonas-banne-jales-et-environs-300x186 camps de Jalès dans Vexilla Regis

Chambonas – en haut à gauche – dont l’abbé Claude Allier était prieur, 
l’ancienne Commanderie de Jalès – en bas sur la droite – , et leurs environs qui seront cités ci-dessous.
(cliquer sur l’image pour la voir en grand format)

   Claude Allier avait choisi comme point de concentration de ses troupes contre-révolutionnaires les châteaux de Jalès et de Bannes, perdus au milieu des Cévennes, au fond du département de l’Ardèche.
Lorsqu’il jugea le mouvement assez avancé et l’instant opportun, il fit convoquer dans la plaine de Jalès, en août 1790, toutes les gardes nationales de la région « sous prétexte de leur faire renouveler le serment civique du 14 juillet ».
Gentilshommes, prêtres et moines, bourgeois et paysans accoururent du Gard, de la Lozère, du Vivarais, du Gévaudan et du Velay.
Vingt mille hommes répondirent à l’appel du prieur de Chambonas, et, devant un autel dressé en plein air, prêtèrent serment de « défendre la nation, la loi et le Roi ». Ils ne se séparèrent « qu’après avoir bruyamment manifesté leurs sentiments royalistes et catholiques ».
Cette première réunion avait permis aux chefs de compter leurs hommes. Elle produisit une grande impression dans le pays et décida le prieur et ses amis à tenter l’aventure.

   Claude Allier fut aidé dans son entreprise par son frère, Dominique, homme intrépide et tenace dont l’endurance faisait l’admiration de ses compagnons de lutte ; par Mgr de Castellane, évêque de Mende ; M. de Malbosc ; M. de Chabannes ; le chevalier de Gratz ; le procureur-syndic de la Lozère, Rivière ; l’abbé de la Bastide de la Molette et son frère le chevalier ; l’abbé de Siran ; M. de Retz ; le chevalier de Borel ; le maire de Mende, Jourdan-Combettes ; enfin, le notaire Charrier, ancien député, que Mgr de Castellane avait fait venir dans sa forteresse de Chanac pour commander la petite troupe qu’il avait formée.
L’évêque de Mende, en effet, avait organisé dans son château une petite armée de paysans qu’il entretenait à ses frais et à qui des hommes dévoués enseignaient le maniement des armes.

   Une seconde fois, en février 1791, Claude Allier convoqua ses troupes dans la plaine de Jalès. Il ne s’agissait plus, alors, d’une manifestation platonique. Une organisation puissante avait été entreprise. Le « Camp de Jalès » devenait officiellement le centre de la résistance qu’allaient opposer à la révolution tous les braves gens du pays.
Les chefs du mouvement annonçaient hautement qu’ils voulaient « une insurrection générale, une marche rapide sur Paris, la dispersion de l’assemblée nationale et le rétablissement de l’Ancien Régime ».
Cependant, à cette armée il manquait un chef, un chef militaire, investi officiellement par les Princes du haut commandement. Il fut décidé que l’on attendrait pour commencer la lutte d’avoir obtenu la nomination d’un général. Les troupes quittèrent donc le « camp » et retournèrent dans leurs villages avec l’espoir d’en sortir bientôt pour ouvrir les hostilités.

commanderie-de-jales-porche Claude Allier

Ancienne commanderie templière de Jalès : le porche (état actuel)

   L’assemblée nationale en apprenant ce qui se passait dans les montagnes des Cévennes, ordonna l’arrestation de tous les chefs royalistes de la région et décréta d’accusation le prieur de Chambonas, le chevalier de Gratz, M.de Chabannes, M. de Malbosc, Rivière, et les deux de la Bastide, le chevalier et l’abbé.
Ce dernier, Clément de la Bastide de la Molette, chanoine d’Uzès, avait été autrefois officier et s’était vaillamment mis à la disposition de Mgr de Castellane et du prieur de Chambonas (…).

   L’abbé de la Bastide, son frère, le procureur Rivière, les trois Allier, réussirent à se cacher. M. de Malbosc fut pris, enfermé dans la citadelle du Pont-Saint-Esprit, et massacré impitoyablement.
Le prieur de Chambonas n’abandonna pas pour cela la lutte entreprise. D’autres chefs n’étaient pas encore dénoncés : l’abbé de Siran, de Retz, Charrier…
Il leur laissa le soin de maintenir l’union des troupes royalistes, et partit au commencement de janvier 1792 pour Coblentz où se trouvait la Cour. Reçu avec joie par les Princes, il leur exposa « avoir recruté à Nîmes, à Montpellier, à Arles, à Mende, au Puy, dans le Comtat et dans le Vivarais, 60.000 hommes » affiliés à la confédération de Jalès et prêts à se lever à l’appel des chefs royalistes.
Il dépeignit aux Princes l’état d’esprit des montagnards Cévenols, leur fit un tableau de la situation inaccessible des montagnes du Vivarais, du Velay et du Gévaudan, des dépôts d’armes, des magasins qui y existaient, et les pria de désigner un chef   »qui vint en leur nom se mettre à la tête des défenseurs de la Monarchie ».
Sur leur demande, il exposa le plan des conjurés : investir Nîmes, au midi, le Puy, au nord. « Maître de ces deux points, il tiendrait le midi » et marcherait sur Lyon où des troupes amies n’attendaient qu’un signal pour opérer leur jonction avec les Cévenols.
Claude Allier insista sur ce point « que le Velay était tout dévoué au Roi et que l’on trouverait à Yssingeaux et au Puy, – avec des ressources précieuses, armes, munitions et vivres, – des amis vaillants et fidèles qui lutteraient jusqu’à la mort ».
Les maires et les municipalités d’une grande partie de la Lozère, le commandant de la gendarmerie, le procureur-général syndic étaient dans le complot. Le succès était assuré.
Les Princes ne purent que féliciter le prieur de son dévouement et approuver son projet. Ils lui promirent des secours pécuniaires et un général.

   Claude Allier revint à Jalès, réunit tous les chefs de l’entreprise, leur fit le récit de son voyage et du succès de sa mission. Une adresse aux Princes fut aussitôt rédigée et revêtue de la signature des 57 chefs royalistes fédérés.
Il s’agissait maintenant de faire parvenir ce document à Coblentz. Dominique Allier offrit de s’en charger.
L’entreprise était périlleuse (…). Dominique avait l’âme vaillante ; il se déguisa en berger, acheta un troupeau, et, lentement, en menant devant lui ses moutons, il franchit à pied montagnes et vallées, plaines et collines.
Il arriva de la sorte à Chambéry, et, laissant ses moutons, traversa la Suisse allemande et le grand duché de Bade.
Les Princes ne furent pas peu surpris lorsqu’ils virent arriver le soi-disant berger et apprirent de quelle manière il était venu jusqu’à eux. Ils annoncèrent officiellement leur intention d’envoyer des chefs en Vivarais et de désigner dans la suite un Prince du Sang pour prendre le commandement en chef des troupes cévenoles.
Lorsque la chose fut connue à Coblentz tout le monde voulut être de l’expédition. Les Chevaliers de Malte promirent de concourir au soulèvement et de débarquer dans le Midi avec leurs frégates. Tous les émigrés sollicitèrent l’honneur d’aller au camp de Jalès ; les Princes n’eurent plus que l’embarras du choix.
Le 4 mars, le comte Thomas de Conway, maréchal de camp irlandais au service de la France et ancien gouverneur des établissements français aux Indes, fut nommé commandant en chef des armées royalistes du Midi, depuis Arles jusqu’à Jalès.
Les Princes lui ouvrirent un crédit de 300.000 livres et lui adjoignirent, pour commander plus spécialement le camp de Jalès et la région des Cévennes, le comte de Saillans (…), ancien lieutenant-colonel aux Chasseurs du Roussillon, émigré après l’échec du complot de Perpignan dont il avait été l’âme.

3-Saillans comte de Saillans

François-Louis, comte de Saillans (1741-1792)

au chapitre VIII, intitulé :  Conspiration de Saillans.

   Le comte de Saillans partit de Coblentz le 8 mars avec Dominique Allier, le vicomte de Blou, Isidore de Mélon, de Sainte-Croix, de Portalis, de Montfort, de Roux, de Saint-Victor (…).

   Cependant la joie des royalistes des Cévennes ne pouvait plus se contenir. Des indiscrétions avaient été commises dès le départ de Dominique pour Coblentz (…).
Au début de mars, un homme qui appartenait par toutes ses traditions de famille à l’aristocratie yssingelaise, mais qui par ambition s’était jeté dans le jacobinisme, informa la Législative que 20.000 paysans s’étaient armés en Lozère pour la contre-révolution. Il dénonça à la barre de l’assemblée Mgr de Castellane, évêque de Mende, le maire de cette ville, le commandant militaire, comme coupables d’avoir organisé un complot royaliste de concert avec les organisateurs du camp de Jalès. Il demanda, mais ne put obtenir, leur mise en accusation et le transfert à Marvejols du tribunal criminel et du directoire du département.
Le 20 mars, le même député demandait à l’assemblée la démolition des châteaux de Jalès et de Bannes dans lesquels étaient « approvisionnées les munitions de guerre des contre-révolutionnaires ».
Le 28 du même mois il obtenait enfin de la Législative la mise en accusation de Mgr de Castellane (*), de l’ancien député Charrier, du chevalier de Borel, de Jourdan-Combettes, maire de Mende, et M. de Retz (…).

   Lorsqu’on comprit enfin, à Paris, qu’il existait dans le Vivarais, le Gévaudan et le Velay une organisation royaliste sérieuse, que des troubles sanglants éclataient de tous côtés, que les châteaux de Bannes et de Jalès étaient devenus de véritables camps retranchés, qu’un soulèvement général allait se produire, on en fut vivement ému.
Tous les chefs dont on pu connaître les noms furent décrétés d’accusation ; des expéditions, des détachements de troupes régulières, volontaires et gardes nationaux, furent lancés à leur poursuite, mais presque tous restèrent introuvables.

   Aussi lorsque le prieur de Chambonas les convoqua pour le 19 mai à la Bastide pour leur présenter le comte de Saillans, bien peu manquèrent à l’appel.
Cette assemblée d’hommes dont la tête était mise à prix ne manquait pas de grandeur. Ils s’y rendirent, escortés par les paysans qui les cachaient dans le pays. Des gardes nationaux en tenue montèrent la garde autour de la Bastide. Saillans se présenta « revêtu de son uniforme bleu à boutons fleurdelysés, la cocarde blanche au chapeau ».
Acclamé par cette élite de royalistes cévenols, l’envoyé des Princes commença alors à courir les montagnes avec le prieur dont il avait partagé jusque là la retraite. Il visita tous les paysans fidèles, depuis le fond de la Lozère jusqu’aux rives du Rhône, voyageant la nuit, se cachant pendant le jour, changeant de costume presque journellement.
Dominique Allier le précédait, explorait le pays, dépistait les républicains et réunissait les montagnards. « Reçu partout comme un libérateur, Saillans charma tout le monde par sa bonne grâce ».

   Mais le temps pressait. Le Directoire venait de s’emparer du château de Bannes. Il ignorait encore, il est vrai, que le comte était arrivé dans les Cévennes, mais il pouvait l’apprendre d’un jour à l’autre. Il ne fallait plus tarder.
Le 23 juin, à minuit, une grande réunion eut lieu, mystérieusement dans la forêt de Malons, près de Saint-Ambroix. Saillans y rendit compte de sa tournée, y fit part de ses espérances. Le chevalier de Mélon y prononça un discours vibrant de foi royaliste (…) ; les royalistes étaient groupés autour du prieur, haletants d’espoir (…). 

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Banne : le château tel qu’on pouvait le voir avant les événements de juillet 1792.

au chapitre X : Saillans projette de s’emparer du Puy.

   Ainsi que Claude Allier l’avait affirmé aux Princes à Coblentz, la ville du Puy comptait de nombreux partisans de la Monarchie. Ils étaient, il est vrai, un peu réduits au silence par la présence des troupes régulières qui tenaient garnison dans la cité, ainsi que par le grand nombre d’étrangers qui l’avaient envahie, depuis l’origine de la révolution, aventuriers sortis d’un peu partout pour venir profiter du bouleversement de l’ordre social, se glisser dans les postes avantageux, piller, voler de tous côtés (…).

   Le comte de Saillans n’eut pas de peine à se ménager des intelligences dans la ville du Puy. Dès que l’on se fut rendu compte que l’on pouvait y compter sur des amis fidèles et dévoués, on songea à organiser un plan pour s’emparer de la capitale du Velay.
« Les deux tiers de ses habitants sont dévoués à la bonne cause », lit-on dans un document saisi par les révolutionnaires et écrit de la main du prieur de Chambonas. Claude Allier indiquait en outre dans son plan d’attaque que, « le Puy étant la plus grande ville et comme la capitale de toutes montagnes », la prise de cette cité par les royalistes produirait dans le pays une très grande impression et déciderait beaucoup de timides et d’hésitants à prendre les armes pour le Roi.
On s’occupa tout d’abord de désigner un chef aux royalistes dans chaque canton de l’ancien Velay. Théofrède Roudil de Chabannes fut placé à la tête de cette organisation (…).

le-puy-ancienne-gravure Dominique Allier

Gravure ancienne représentant la ville du Puy :
en sus de la position stratégique, pour tous les royalistes, le Puy est une ville sainte
dont l’antique pèlerinage, fréquenté par plusieurs Rois, donne à leur combat une dimension « mystique ».

au chapitre XI : échec du complot de Saillans.

   Le signal si longtemps attendu fut enfin donné, et l’armée royaliste fut officiellement convoquée pour marcher sur le Puy.
La réunion des troupes devait avoir lieu dans la nuit du 8 au 9 juillet. Le Velay devait rejoindre l’armée de Jalès sur le parcours de la route, et, dans la ville, tout se préparait en secret pour l’entrée des cocardes blanches.
L’enthousiasme était à son comble. Les royalistes, armés de pied en cap, causaient ouvertement en Vivarais de l’expédition du Puy ; on se réjouissait publiquement de l’approche de la délivrance ; on affichait devant la porte des églises des proclamations monarchistes ; on obligeait même les curés constitutionnels à en donner lecture en chaire.
Cette audace des contre-révolutionnaires, publiant de tous côtés leurs projets et se vantant déjà de la prise du Puy comme si elle était un fait accompli, produisait un effet considérable et plongeait dans l’épouvante les jacobins du pays.

   La proclamation du comte de Saillans aux troupes royalistes, affichée dans tous les hameaux, faisait de son côté une grande impression. Rédigée dans un style abandonné depuis plusieurs années, elle avait « un parfum d’Ancien Régime » qui réveillait les plus endormis et annonçait la fin d’un mauvais rêve.
Ce document était signé : « Comte de Saillans, chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis, commandant en second au nom de Monsieur et Monseigneur, comte d’Artois, dans le Bas-Languedoc, Vivarais, Velay et Gévaudan ».
Il commençait en ces termes :
« Peuple fidèle à votre Dieu, à votre Roi, levez la tête !
Assez et trop longtemps elle a été courbée sous le joug des plus vils tyrans ; assez et trop longtemps, vous avez été le jouet de la faction la plus impie et la plus barbare.
La Patrie déchirée, la Monarchie renversée, la Religion horriblement persécutée, le Trône avili, le Roi captif et dégradé, tous les gens de bien opprimés demandaient au Ciel et à la terre, depuis trois ans, les vengeurs de ces affreux attentats, de ces épouvantables désordres.
Seuls, vous tentâtes deux fois de réussir dans cette grande et glorieuse entreprise, mais vous ne pûtes pas avoir le succès désiré, par ce que vous n’aviez pas de chefs, parce qu’en un mot le moment n’était pas venu.
Le voici ; réjouissez-vous. Que les méchants tremblent : le jour de la vengeance est arrivé ; la foudre est prête, elle va éclater sur leurs têtes criminelles et les écraser…
Nous venons vers vous, peuple généreux et fidèle au meilleur comme au plus généreux des Rois… »

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Signature de Monsieur de Saillans (il n’était alors que chevalier) telle qu’elle figure sur les registres paroissiaux de Largentière à la date du 23 février 1767.

   L’annonce pompeuse et bruyante du soulèvement général, arrivant après plusieurs années de persécution et contrainte, causait une sorte de délire. On vit des curés réfractaires se mettre hardiment à la tête de leurs paroissiens et refuser « d’entendre en confession ceux qui ne voulaient pas partir ». Les percepteurs furent sommés « au nom du Roi » de verser entre les mains de l’administration militaire le contenu de leur caisse ; la cocarde blanche fut arborée partout et les sans-culottes durent eux-mêmes faire disparaître leur cocarde tricolore sous peine de la voir arracher de leur chapeau et fouler aux pieds au cri de « Vive le Roi ! » (…).

   Le complot allait réussir au-delà de toutes les espérances, lorsque, dans la journée du 1er juillet, un détachement de gendarmerie arrêta un porteur de dépêches et s’empara de ses papiers. Grande fut la surprise des gendarmes en lisant le contenu. Les autorités du département furent immédiatement averties ; la nouvelle se répandit en un instant. Les directoires des départements voisins, affolés, écrivirent dans toutes les directions pour demander du secours (…).

   De son côté, l’armée royaliste ne perdit pas de temps. Le 2 juillet, Guilhaume de Mélon se mit en route, à la tête d’une première troupe, et vint assiéger le fort de Bois-Bertrand où se trouvait une garnison républicaine.
Sommé « au nom du Roi »  d’avoir à évacuer la place, le capitaine refusa. Les royalistes firent alors le siège de Bois-Bertrand, tandis que le comte de Saillans formait une seconde colonne qu’il conduisait sur Beaulieu.
Le 3 juillet, Saillans réquisitionnait la garde nationale de Beaulieu, marchait sur Berrias dont il s’emparait, et y installait une garnison royaliste.
Le vicomte de Blou prenait le commandement d’une troisième colonne formée de plusieurs communes du Vivarais ; l’abbé de la Bastide se mettait à la tête d’une quatrième troupe.
Le 4, l’armée royaliste, partout triomphante, se réunissait à l’église de Bannes pour une Messe solennelle d’action de grâces. La cérémonie fut des plus imposantes ; on y bénit un drapeau blanc « tandis que, debout près de l’autel, le comte de Saillans, en grand uniforme, entonnait une hymne que l’assistance chanta avec lui ».

banne-le-chateau-etat-actuel Jalès

Banne : les ruines du château incendié en juillet 1792 (état actuel)

   Cependant les administrations départementales avaient maintenant des détails précis sur l’insurrection. L’affolement, dans la Haute-Loire comme dans l’Ardèche, n’avait plus de bornes. La lecture de la fameuse proclamation rédigée en style ci-devant aristocratique plongeait les administrateurs dans la stupeur la plus profonde. Il leur semblait inouï qu’un homme osât encore écrire et signer un pareil document ; il leur paraissait inconcevable que toute une population pût se lever à la suite de cet homme pour crier avec lui : « Vive le Roi ! » (…).
Les demandes de secours, les dépêches alarmantes se succédèrent avec précipitation ; et bientôt les renforts arrivèrent de tous côtés.
Le général Châteauneuf-Randon dirigea une troupe sur Privas ; le général d’Albignac en conduisit une autre vers Joyeuse. L’armée qui défendait la frontière dauphinoise contre le Roi de Sardaigne envoya au Puy un détachement de dragons « pour aider à la défense de cette ville qui était si attaquée ».
Le directoire de l’Ardèche s’établit en permanence à Saint-Ambroix et arrêta au passage le citoyen-général d’Albignac pour se mettre sous la protection de sa troupe.

   Le 8 juillet, le comte de Saillans et le chevalier de Mélon s’emparaient du château de Bannes après un siège de quatre jours, mais une armée arrivait du Gard, des gardes nationales, des grenadiers, des volontaires accouraient de partout, et bientôt, écrasés sous le nombre, les royalistes étaient à leur tout repoussés malgré les efforts héroïques de Dominique Allier et de Guilhaume de Mélon qui restèrent les derniers sur le champ de bataille.

   Après une défense désespéré, Jalès fut pris et livré aux flammes ; Saint-André de Cruzières fut brûlé ; le feu détruisit en partie Bannes et Berrias.

prise-et-incendie-de-jales-juillet-1792 le Puy

Gravure révolutionnaire représentant la prise et l’incendie de la Commanderie de Jalès :
on remarque qu’on a fait figurer sur cette représentation deux prêtres s’enfuyant (sur la droite)

   Saillans, fait prisonnier avec deux prêtres et quelques compagnons, fut conduit à la mairie des Vans où tous furent massacrés. Ce fut Jean-Louis Tourette, natif de Thueyts, et l’un des plus féroces révolutionnaires du Puy, qui trancha d’un coup de sabre la tête du comte de Saillans qu’il brandit ensuite comme un trophée au milieu des hurlements de joie de toute l’assistance.

crane-suppose-de-monsieur-de-saillans-eglise-de-largentiere Mgr de Castellane

Eglise de Largentière (07110) : juché sur l’un des chapiteaux du fond de la nef, ce crâne est traditionnellement présenté comme celui de Monsieur le comte de Saillans (pas de certitude absolue).
Après son massacre aux Vans, la tête du comte fut en effet promenée dans tous les villages du bas Vivarais afin d’inspirer la terreur aux populations ; on sait qu’elle fut ensuite gardée par un révolutionnaire de Largentière comme un trophée, et finalement enterrée dans un jardin proche de sa maison ; lorsqu’au XIXe siècle, à l’occasion de travaux, on retrouva un crâne dans ce jardin, on l’attribua à Monsieur de Saillans et il fut placé sur ce chapiteau où il se trouve toujours…

au chapitre XV : mort du prieur de Chambonas.

   (…) Après l’échec du comte de Saillans, le prieur de Chambonas, Claude Allier, s’était réfugié dans le canton de Saugues. Là, il organisait un nouveau soulèvement et préparait la formation d’un camp royaliste à Séneujols, dans les montagnes du Velay, lorsqu’il fut surpris dans une chaumière de Montrazon, paroisse de Thoras, le 18 août 1793, et guillotiné quinze jours plus tard, le 5 septembre.

lys5 prieur de Chambonas

   Ainsi que nous le disions en introduction de ces citations de l’ouvrage de Monsieur Boudon-Lashermes, c’est à Mende que l’abbé Claude Allier fut emmené prisonnier, comparut devant le tribunal révolutionnaire et fut guillotiné, le 5 septembre 1793.
Nous ne connaissons pas le lieu de sa sépulture et nous ne possédons pas non plus de portrait de lui.
Il demeure à jamais lié à l’histoire des « Camps de Jalès » dont il fut à l’origine et qu’il anima d’un souffle de véritable croisade, pour Dieu et pour le Roi.

Que sa mémoire soit à jamais en bénédiction !

commanderie-de-jales-puits-de-la-cour-dhonneur Velay

Ancienne commanderie templière de Jalès : la cour d’honneur et son puits (état actuel).

(*) Jean-Arnaud de Castellane, né le 11 décembre 1733 au Pont-Saint-Esprit, fut vicaire général de l’archevêque de Reims et aumônier du Roi. Promu à l’évêché de Mende le 1er novembre 1767 et sacré dans la chapelle royale le 25 janvier 1768, il fut le dernier comte-évêque du Gévaudan. Après l’échec de la conspiration de Saillans, il trouva d’abord refuge dans le Velay, puis à Lyon. Arrêté, il est massacré à Versailles le 9 septembre 1792 et repose au cimetière Saint-Louis de Versailles.

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2013-67. De l’anniversaire de la naissance de Louis XIV et de son prétendu refus d’obtempérer aux demandes du Sacré-Cœur.

Jeudi 5 septembre 2013,
375ème anniversaire de la naissance de Sa Majesté Très Chrétienne le Roi Louis XIV.

2013-67. De l'anniversaire de la naissance de Louis XIV et de son prétendu refus d'obtempérer aux demandes du Sacré-Cœur. dans Chronique de Lully louis-xiv-enfant

Louis-Dieudonné, Dauphin de France, futur Louis XIV
(anonyme, vers 1640)

       Le 5 septembre 1638, à Saint-Germain en Laye, naquit Louis-Dieudonné, Dauphin de France – fils de Leurs Majestés Très Chrétiennes le Roi Louis XIII et la Reine Anne d’Autriche – , futur Louis XIV le Grand.
Tous nos amis savent en quelle vénération nous tenons celui qui, pour toujours, demeure le Roi Soleil. Aussi, en notre Mesnil-Marie, ce trois-cent-soixante-quinzième anniversaire nous est une occasion toute particulière d’allégresse et d’action de grâces.

   En septembre 1638, ce fut une explosion de joie par tout le Royaume lorsque cette naissance tant espérée advint enfin.
En témoigne cette « Chanson à danser sur la naissance de Louis-Dieudonné » dont vous pouvez ici entendre un bref enregistrement :

Faire un clic droit sur l’image ci-dessous, puis « ouvrir le lien dans un nouvel onglet »

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   Voici l’intégralité des paroles de ce chant populaire qui décrit en particulier les réjouissances auxquelles se livrèrent les Parisiens en liesse :

1
Nous avons un Dauphin,
Le bonheur de la France !
Rions, buvons sans fin
A l’heureuse naissance :
Car Dieu nous l’a donné
Par, par, par l’entremise
Des prélats de tout l’Église.
On lui verra la barbe grise !


Lorsque ce Dieudonné 
Aura pris sa croissance, 
Il sera couronné 
Le plus grand Roy de France. 
L’Espagne, l’Empereur et l’Italie 
Le Crovate et l’Roy d’Hongrie 
En mourront tous de peur et d’envie.


La ville de Paris 
Se montra non pareille 
En festins et en ris ;
Le monde y fit merveille. 
Chacun de s’enyvrer faisoit grande gloire 
A sa santé, à sa mémoire 
Aussi bien maître Jean que Grégoire.


Au milieu du ruisseau 
Estoit la nappe mise :
Et qui buvoit de l’eau 
Estoit mis en chemise !
Ce n’estoit rien que jeux, 
Feux et lanternes ;
On couchoit dedans les tavernes ;
Et si j’n’ dis vray que l’on me berne.


Ce qui fut bien plaisant 
Fut Monsieur la Raillière :
Ce brave partisan
Fit faire une barrière 
De douze ou quinze muids 
Où tout le monde 
S’alloit abreuver à la ronde 
Et s’amusoit à tirer la bonde.

6
Monsieur de Benjamin,
Des escuyers la Source,
Fit planter un dauphin
Au milieu de sa course
Ou six vingts caveliers,
Avec la lance,
Lui faisoient tous la révérence
Et puis alloient brider la potence.


Au milieu du Pont Neuf 
Près du cheval de bronze, 
Depuis huit jusqu’à neuf, 
Depuis dix jusqu’à onze, 
On fit un si grand feu 
Qu’on eut grande peine 
A sauver la Samaritaine 
Et d’empêcher de brûler la Seyne !

8
Le feu fut merveilleux
Dans la place de Grève,
Et quasi jusqu’au cieux
La machine s’élève ;
Minerve y paroît de belle taille,
Vestue d’une cotte de maille
Qui mestoit tout son monde en bataille.


Enfin tout notre espoir 
Estoit que notre Reine 
Quelque jour nous fit voir 
Sa couche souveraine ;
Nous donnant un Dauphin par bon présage 
Il est beau, il est bon et sage 
Il fera des merveilles en son âge !

gabriel-blanchard-allegorie-de-la-naissance-de-louis-dieudonne 1638 dans Memento

Allégorie de la naissance du Dauphin Louis-Dieudonné
(tableau de Gabriel Blanchard) 

   Mais je veux surtout profiter de cet anniversaire pour répondre à une remarque qui m’est très souvent objectée – la plupart du temps par de fervents catholiques – au sujet du Grand Roi : « N’a-t-il donc pas refusé d’exécuter les demandes du Sacré-Cœur qui lui avaient été transmises par Sainte Marguerite-Marie ? »

   Je ne vais pas développer ici la teneur de ces demandes du Sacré-Cœur, ni évoquer les éventuelles difficultés que peut soulever ce message ; je veux uniquement m’occuper de savoir s’il est vrai que Sa Majesté le Roi Louis XIV y aurait opposé un refus.

sacre-coeur 1689 dans Vexilla Regis

   Dans la lettre numéro 100 - lettre qui ne porte pas de date mais qui fut écrite après le 17 juin 1689 – , après lui avoir décrit les grâces que la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus fera pleuvoir sur l’Ordre de la Visitation, Sainte Marguerite-Marie confie ceci à la Révérende Mère de Saumaise, supérieure du monastère de Dijon : « Et voici les paroles que j’entendis au sujet de notre Roi : Fais savoir au Fils aîné de Mon Sacré-Cœur, que, comme sa naissance temporelle a été obtenue par la dévotion aux mérites de Ma sainte Enfance, de même il obtiendra sa naissance de grâce et de gloire éternelle… », suivent alors les fameuses demandes à l’intention du Souverain (in « Vie et oeuvres de la Bienheureuse Marguerite-Marie Alacoque » – 3ème édition, par Monseigneur Gauthey, tome deuxième, p. 436).

   La question qui se pose d’emblée est celle-ci : comment une religieuse assujettie à la clôture très stricte d’un humble monastère dans une toute petite cité bourguignonne, religieuse qui n’a pas de parenté dans la très haute noblesse, qui ne cultive pas de relations à la Cour, et qui n’entretient pas de correspondance avec quelque prélat en vue, pourra-t-elle transmettre son message céleste à celui que Notre-Seigneur Lui-même n’appelle pas seulement le « Fils aîné de la Sainte Eglise » (titre officiel du Roi de France) mais le « Fils aîné de Son Sacré-Cœur » ?
Sainte Marguerite-Marie, que l’étude de l’ensemble des lettres à la Révérende Mère de Saumaise montre pressée de voir aboutir cette mission, a sans nul doute instamment prié et demandé à Notre-Seigneur comment il conviendrait de faire pour toucher le Roi Soleil. 

   Dans la lettre 107 – daté du 28 août 1689 et toujours adressée à la Révérende Mère de Saumaise – ,  on peut voir que la Sainte a reçu une réponse à ses interrogations, et elle en fait part à sa correspondante : « (…) Dieu a choisi le Révérend Père de La Chaise pour l’exécution de ce dessein (…) » (ibid. p. 455).

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Le Rd. Père François d’Aix de La Chaise (1624-1709)
confesseur de Sa Majesté le Roi Louis XIV pendant trente quatre ans.

   On comprend très bien que le confesseur de Sa Majesté  est un personnage clef pour emporter l’adhésion du Roi sur un sujet qui touche à la religion : la lettre 107, qui est assez longue, développe que « ce sera donc à lui de faire réussir la chose » (ibid.) et que pour atteindre le Père de La Chaise, la Révérende Mère de Saumaise n’a qu’à faire passer cette solennelle lettre 107 (je la qualifie de « solennelle » parce que l’on voit bien que Sainte Marguerite-Marie l’a rédigée non plus pour la seule Mère de Saumaise mais pour que celle-ci puisse la communiquer : le ton et le style y sont soignés, graves et presque emphatiques) à la Supérieure du monastère de la Visitation de Chaillot : en effet, ce monastère reçoit régulièrement le Père de La Chaise comme confesseur des moniales.

   On ne peut guère imaginer que la Révérende Mère de Saumaise, entièrement gagnée à la cause, se soit abstenue d’obtempérer aux indications « tactiques » suggérées par les inspirations de Sainte Marguerite-Marie, mais à partir de cette fin d’août 1689, nous n’avons plus de documents qui nous permettraient d’affirmer quoi que ce soit.

   La copie de cette lettre 107 de Sainte Marguerite-Marie est-elle parvenue à la Supérieure de Chaillot et, dans l’affirmative, cette Supérieure l’a-t-elle bien remise au Père de La Chaise ? 
S’il a bien eu en mains les demandes du Sacré-Cœur à l’adresse de son royal pénitent, le Père de La Chaise a-t-il été convaincu de leur authenticité surnaturelle ?
S’il a été au courant du message et convaincu de son authenticité, le Père de La Chaise l’a-t-il bien retransmis à Sa Majesté ? 
Toutes ces questions n’ont pas de réponse.
Nous n’avons aucun document, aucun témoignage, aucune preuve historique, ni même aucune ombre de preuve : Rien, strictement rien ne nous permet d’affirmer que le Grand Roi a été mis au courant de ce message ; de même que rien, strictement rien ne peut nous permettre d’affirmer qu’il ne l’a pas été.

   En l’absence de toute preuve, de tout document, de tout indice, il est donc absolument impossible – et véritablement injuste – d’affirmer de manière catégorique que Sa Majesté le Roi Louis XIV aurait refusé d’obtempérer aux demandes du Sacré-Cœur !

   En outre, il faut bien se garder de pécher par anachronisme : aux catholiques fervents du XXIe siècle il est bien facile d’avoir confiance dans les révélations de Sainte Marguerite-Marie, puisque cette dernière a été béatifiée par Pie IX, canonisée par Benoît XV, et que le culte du Sacré-Cœur – tel qu’il a été demandé par Notre-Seigneur par l’intermédiaire de la sainte Visitandine – a été pleinement authentifiée par l’Eglise.
Mais en 1689, ni le Père de La Chaise, ni Sa Majesté le Roi Louis XIV n’avaient ces garanties. En admettant que l’un et l’autre aient connu la lettre 107 de la Sœur Marguerite-Marie Alacoque – car, redisons-le, nous sommes là dans le royaume des « si » – , qu’est-ce qui leur permettait d’être certains de la vérité des voies mystiques de la moniale et de l’authenticité surnaturelle de ces demandes ?

   Gardons nous donc soigneusement de tout jugement téméraire en cette affaire ; acceptons humblement de ne pas connaître ce qu’il est réellement advenu, à ce moment-là, des demandes du Christ-Roi adressées au « Fils aîné de Son Sacré-Cœur », après que la Révérende Mère de Saumaise a reçu de Sainte Marguerite-Marie la mission de transmettre sa lettre au monastère de Chaillot…

   Ce qui est certain, en revanche, c’est qu’un siècle plus tard, le message avait fini par être connu de la famille royale, et que l’infortuné Louis XVI, en position plus que critique, tentera alors de répondre aux demandes du Cœur de Jésus (voir le texte de son vœu > ici), mais, pour reprendre les termes mêmes de Notre-Seigneur dans une communication à Sœur Lucie, il était alors « bien tard » (*)

Lully. 

frise-lys 5 septembre

(*) Sœur Lucie, dans une lettre à son évêque datée du 29 août 1931 (dite lettre de Rianjo), transcrit ces paroles de Notre-Seigneur : « Ils n’ont pas voulu écouter ma demande. Comme le roi de France, ils s’en repentiront, et ils le feront, mais ce sera bien tard… »

2013-64. Lettre ouverte à un Grand Aumônier de France retourné à Dieu.

Jeudi 22 août 2013,
fête du Coeur immaculé de Marie (cf. > ici).

2013-64. Lettre ouverte à un Grand Aumônier de France retourné à Dieu. dans Chronique de Lully abbe-chanut-aux-funerailles-de-mme-la-duchesse-de-segovie-11-mai-2012

Monsieur l’abbé Christian-Philippe Chanut
récitant les prières de l’absoute
aux funérailles de Madame la Duchesse de Ségovie
(Paris, église du Val de Grâce – 11 mai 2012) 

Cher, très cher Monsieur le Grand Aumônier,

       Le téléphone du Mesnil-Marie a sonné ce samedi 17 août vers 18h.
Dès que j’eusse reconnu la voix de notre amie commune, et avant même qu’elle n’eût formulé l’annonce de votre décès survenu quelque trois heures auparavant, j’ai su que votre âme avait quitté cette vallée de larmes…

   Mon dessein n’est pas de revenir ici sur votre biographie, plusieurs sites l’ont déjà évoquée et il me suffit d’y renvoyer (par ex. « Summorum Pontificum » > ici).
En me décidant à écrire, à vous écrire, aujourd’hui je désire faire oeuvre de justice, dans une note toute personnelle.

   Je vous ai rencontré pour la première fois le samedi 4 février 1995 : c’était le jour de la fête de Sainte Jeanne de France. Des relations communes m’avaient introduit auprès de vous, m’avaient fortement encouragé à m’ouvrir à vous et à solliciter vos conseils ; je me trouvais alors dans telle une période de désarroi et d’inquiétudes, environné de pièges et de dangers…
Vous m’avez écouté, avec beaucoup d’attention. Votre regard me scrutait avec une vraie sollicitude sacerdotale qui n’était en rien inquisitoriale ; vos questions, au-delà des explications qu’elles appelaient, avaient-elles finalement un autre but que de me permettre à moi-même de me les poser de la bonne manière, afin de découvrir – adjuvante Deo – les bonnes réponses ?
Jamais auprès de vous, je n’ai éprouvé ce sentiment de malaise qu’ont provoqué en moi tant de prêtres et de religieux qui, dès lors qu’on s’ouvre un peu à eux, donnent l’impression de vouloir en profiter pour s’imposer comme « directeurs spirituels » et « conseillers éclairés » dont le Saint-Esprit ne pourrait en aucune manière se passer !

   Nous nous rencontrâmes ensuite de manière irrégulière, au gré du calendrier des pèlerinages et des « cérémonies royales » à l’occasion desquelles j’eus, à plusieurs reprises, l’honneur d’être votre cérémoniaire, à la Chapelle Expiatoire ou à la Basilique nécropole royale de Saint-Denys.
A chacune de ces rencontres, sans beaucoup de mots, j’étais sensible à vos marques d’attention, à vos réflexions judicieuses, à votre sollicitude non feinte, à vos encouragements qu’une note d’humour affranchissait de toute condescendance, à l’exquise délicatesse que vous étiez capable de voiler sous les apparences de votre affable débonnaireté (ceux qui ne vous ont point connu ne peuvent avoir l’idée de ce à quoi je fais allusion).

   Nos échanges téléphoniques, sans être très fréquents, avaient toujours quelque chose d’un peu surréaliste : vous qui portiez de nombreuses et lourdes responsabilités, vous qui fréquentiez tant de « grands » – de la société ou de la pensée -, vous qui connaissiez tant de prêtres et de religieux, lors même que nous ne nous étions pas vus ou parlé depuis des mois, vous vous adressiez à ce pauvre petit moine comme si nous nous étions simplement quittés la veille et comme si (mais fallait-il écrire ce « comme si » ?) vous saviez ce que beaucoup de personnes pourtant côtoyées quotidiennement étaient, elles, incapables de percevoir.

   Tout le monde s’accordera à célébrer votre intelligence – vive et brillante -, votre science encyclopédique, votre éloquence admirable, la pertinence de vos analyses et la sagacité de vos jugements : je n’en parlerai donc pas.

   Lorsque votre décès m’a été annoncé, en revanche, il y a une réflexion du Saint Evangile selon Saint Jean qui m’est aussitôt revenue en mémoire : «Ipse autem Iesus non credebat semetispum eis, eo quod ipse nosset omnes. Et quia opus ei non erat ut quis testimonium perhiberet de homine ; ipse enim sciebat quid esset in homine » (Johan. II, 24-25) : Mais Jésus ne se fiait point à eux, parce qu’il les connaissait tous. Et parce qu’il n’avait pas besoin que personne lui rende témoignage d’aucun homme, car il savait par lui-même ce qu’il y avait dans l’homme.
Comme j’ai envie de vous appliquer à vous-même ces deux versets !

   Vous n’aviez point d’illusion sur ce qu’il y a dans l’homme et sur ce que l’on peut attendre des hommes.
Vous avez, par expérience – par tant de douloureuses expériences ! -, su ce dont les hommes sont capables, spécialement lorsque ce sont des « hommes d’Eglise », et vous avez bien connu à quelles mesquineries et méchancetés se peuvent livrer ceux qui, par vocation et par état, sont cependant et malgré tout des représentants de Dieu ici-bas…

Vous avez aussi éprouvé ce que sont capables de faire des supérieurs ecclésiastiques médiocres et sans talent, lorsqu’ils se rendent compte que l’un de leurs subordonnés est plus brillant et davantage capable qu’eux, mais qu’au lieu d’en tirer profit avec humilité, pour la gloire de Dieu, ils laissent libre court à ce que leur inspire ce qu’il y a de plus malheureusement humain en eux ! 
Je ne vous ai jamais trouvé amer en face de ces expériences qui font pourtant si mal. Votre bon sens surnaturel et votre humour – qui n’empêchent point la souffrance – vous aidaient à rebondir, et à grandir encore. 

   Monsieur le Grand Aumônier de France – puisque comme nous avions plaisir à vous appeler ainsi avec une respectueuse affection, en raison de la dignité dont vous avait revêtu notre regretté Prince Alphonse – , en d’autres temps (j’avais envie d’écrire : « en des temps normaux », car en définitive ce Grand Siècle que vous affectionniez tant n’était-il pas bien plus « normal » que l’effrayante période en laquelle nous sommes immergés ?), vous eussiez tout naturellement été promu à l’épiscopat : cela me paraît une évidence.
Mais, en sus de l’orthodoxie doctrinale, le talent, l’intelligence et la culture, surtout lorsqu’ils s’allient à l’indépendance d’un jugement sûr et à l’humour le plus fin, ne sont pas les vertus les plus signalées pour être évêque ou cardinal aujourd’hui au Royaume de France !

   Au sortir de l’hiver, alors que votre maladie donnait l’impression d’une rémission et peut-être d’un mieux, vous aviez confié à nos amis communs votre projet de passer au Mesnil-Marie au cours de cet été…
Las ! Le crabe ne faisait que semblant de dormir, et, depuis trois mois, nous avons suivi avec douleur, dans la prière, l’implacable évolution du mal qui vous rongeait.

   En ce jour radieux où nous célébrons la fête du Coeur immaculé de Marie, la Messe de vos funérailles a été célébrée ce matin par Monseigneur votre évêque dans votre paroisse de Milly-la-Forêt.
Nos prières continuent pour vous : vous le savez, je ne suis pas de ceux qui se font illusion en pensant, même au sujet de personnes très chères et très estimées, qu’elles vont au Ciel tout droit. 

   A Dieu, cher Monsieur le Grand Aumônier ! Nous prions pour le repos de votre âme : nous prions pour que Notre-Seigneur Jésus-Christ vous donne la récompense promise aux bons et fidèles serviteurs, nous prions pour que la céleste Reine de France – dans l’octave de l’Assomption de laquelle vous avez quitté cette terre -, pour que Saint Michel et pour que les Saints innombrables qui ont illustré l’Auguste Maison de France, vous introduisent très bientôt dans le Royaume Eternel dont le Royaume de France a pour vocation d’être une image, nous prions pour que vous retrouviez sans tarder notre cher et regretté Prince Alphonse et notre bonne Princesse Emmanuelle, auprès desquels vous avez exercé un si beau et précieux ministère…

Merci ! Merci mille fois, cher Monsieur l’Abbé ! 

Frère Maximilien-Marie.

frise lys deuil

2013-61. « Ainsi finit le Régiment des Gardes Suisses du Roi de France… »

10 août,
Fête de Saint Laurent, diacre et martyr.

Lacrymosa dies illa !

       J’ai déjà publié dans ce blogue le récit autobiographique de Pauline de Tourzel racontant la manière dont elle avait vécu cette terrible journée du 10 août 1792 dont la seule évocation nous tire des larmes et nous fait frisonner d’horreur (cf. > ici) ; en 2012, j’ai également mis en ligne quelques « Simples réflexions à propos du 10 août » (cf. > ici) auxquelles je me permets de vous renvoyer.
Aujourd’hui, c’est la narration du colonel de Pfyffer d’Altishoffen que l’on trouve dans l’ouvrage intitulé « Récit de pièces relatives au monument de Lucerne consacré à la mémoire des officiers et soldats suisses morts pour la cause du roi Louis XVI, les 10 août, 2 et 3 septembre 1792, avec un récit de la conduite du régiment des Gardes suisses », édité en 1821, que je vous invite à lire dans sa quasi intégralité.
Ce texte est un peu long, mais il est nécessaire de maintenir la mémoire de ces funestes événements, et d’en connaître certains détails provenant d’un témoin et qui ne sont évidemment pas rapportés par les mensonges de l’histoire officielle de la république…

2013-61. « Ainsi finit le Régiment des Gardes Suisses du Roi de France... » dans Chronique de Lully frise-lys

       « Dès le commencement de la révolution, la situation du Régiment des Gardes Suisses fut singulièrement pénible (…).
Le Régiment, environné de périls, harassé de fatigues, développa, dans toutes ces circonstances, un caractère inaltérable de sang-froid, d’ordre, de discipline. Il conserva dans le trouble, sa ponctualité de service des temps calmes : on n’épargna rien pour corrompre les soldats, promesses, menaces, séduction de principes, exemple des autres troupes, tout fut employé, rien ne les ébranla. Leur fidélité jeta l’ancre au milieu de la tempête politique qui les investissait de toutes parts.

   Un décret de l’assemblée constituante avait anéanti la discipline dans l’armée. Il n’eut jamais aucune influence sur le Régiment ; ce furent les soldats eux-mêmes qui réclamèrent le maintien des antiques règlements. Le corps entier ne formait qu’une famille, où le sort et les intérêts étaient mis en commun. Cet esprit de famille animait au même degré les subalternes et les chefs.
Il est un genre de récompense qu’une conduite noble, fière, toujours semblable à elle-même ne manque jamais d’obtenir. Partout où un détachement des Gardes Suisses se présentait, il était respecté, quelque faible qu’il fut. 

   Cependant les circonstances de la révolution allaient toujours croissant de gravité ! Chaque jour augmentait les fatigues des troupes fidèles, et il n’était personne qui ne prévît une catastrophe inévitable et prochaine. Cette considération détermina les officiers qui étaient, autorisés à aller jouir de leur semestre en Suisse à y renoncer, pour rester auprès de la personne du Roi et partager le sort de leurs camarades : on leur fit connaître que l’intention formelle de Sa Majesté s’y opposait. Tous insistèrent, tous chargèrent Monsieur le colonel d’Affry d’émettre de nouveau au ministre de la guerre leur vœu formel à cet égard ; mais ces instances ne produisirent qu’un ordre positif du Roi, que tous les officiers portés sur la liste des semestriers eussent à partir !
Le malheureux Prince cherchait à écarter l’ombre de ce qui eût pu donner du soupçon.

   A mesure que le danger devenait imminent et que l’on approchait de la crise, le caractère de loyauté du Régiment se prononçait davantage.
Le sort qu’on devait attendre était connu de chacun, mais tous voulurent mourir plutôt que de compromettre l’honneur et la réputation des Suisses, et de souiller des drapeaux sans tache !

   De tous côtés, il arrivait des rapports sur les intentions hostiles des Marseillais, et l’on manquait de munitions !
Depuis longtemps, les canons du régiment avaient été livrés sur ordre supérieur, contre lequel le corps des officiers avait en vain protesté. Les menaces des fédérés obligèrent les chefs à consigner les soldats dans les casernes ; on voulait éviter des querelles qui pouvaient avoir des suites fâcheuses et fournir des prétextes à la malveillance.

Les officiers profitèrent de ce temps de retraite pour retracer aux soldats leurs devoirs ; ils le tirent avec confiance et simplicité, ils leur montrèrent l’approche de l’orage, ils leur dirent que le temps était venu où leur fidélité serait mise à la plus rude épreuve !
Il faut le dire à l’honneur de ces braves, les exhorter était chose inutile ; pas un seul n’hésita.

Il n’y a que les âmes généreuses qui puissent bien comprendre une telle situation : elle dura plusieurs jours. 

gardes-suisses-sous-louis-xvi 10 août 1792 dans Lectures & relectures

Uniformes de la Garde Suisse sous Louis XVI

   Le 4 août, le Régiment reçut ordre de se porter sur Paris (l’on savait alors que les fédérés et les faubourgs devaient attaquer les Tuileries).
Le Régiment partit la nuit des casernes de Courbevoie et de Rueil, après avoir enterré une partie des drapeaux. Le marquis de Maillardoz, lieutenant-colonel, et le baron de Bachmann, major, vinrent au-devant. Le corps marchait dans le plus grand silence, avec les précautions usitées en temps de guerre en pays ennemi. Ce silence même, un ordre admirable, la contenance ferme et froide des soldats, imposèrent sans doute aux factieux. Tout fut tranquille au château et, la même nuit, le régiment retourna aux casernes.
Le lendemain, on en détacha trois cents hommes qu’on envoya en Normandie.

   Depuis le 4 août jusqu’au 8, la fermentation se développa. Dans tous les carrefours, les agents de la conspiration ameutaient et soulevaient le peuple. On les entendait provoquer publiquement au meurtre, au siège des Tuileries, au « châtiment du tyran ».

   Le 8 août, sur les huit heures du soir, Monsieur d’Erlach, capitaine de garde, remit à Monsieur de Glutz, aide-major, un ordre conçu en ces termes : « Monsieur le Colonel ordonne que le régiment soit rendu demain, à trois heures du matin, aux Tuileries » (…).

   On fit le partage des cartouches aux casernes, et l’on ne put pas en distribuer trente par homme !
Tout le monde marcha : ceux qu’un âge avancé dispensait du service voulurent le faire ce jour-là. Il ne resta aux casernes qu’un petit nombre de malades et les fourriers.
A la porte Maillot, une ordonnance venant de Paris remit au commandant un laissez-passer, signé Pétion.

   La nuit suivante (celle du 9 au 10 août), Messieurs Mandat, de Maillardoz et de Bachmann firent occuper les divers postes du château par la garde nationale et par les Suisses. On en plaça dans les cours, à la Chapelle, à la porte royale. Le baron Henri de Salis, comme le plus ancien capitaine du Régiment, commandait les postes des escaliers et de la cour de la Reine, et avait sous ses ordres le chevalier de Gibelin, sous aide-major, trois-cents hommes commandés par le capitaine de Dürler, qui avait sous lui Monsieur de Pfyffer d’Altischoffen, capitaine, et Monsieur de Glutz, aide-major. Ils étaient placés dans la cour dite des Suisses, pour se porter comme réserve où l’on en aurait besoin (…). 

   Des gentilshommes, des personnes sincèrement attachées au Roi, s’étaient rendus au château en assez grand nombre, armés d’épées et de pistolets (…).

   A onze heures du soir, on avait l’avis que le tocsin serait sonné à minuit. Bientôt on eut connaissance au château de l’arrêté du Faubourg Saint-Antoine dont voici les principaux articles : « Assiéger le château, exterminer tout le monde qui s’y trouvera, surtout les Suisses, forcer le Roi à abdiquer, et le conduire avec la Reine et la famille royale à Vincennes, pour s’en servir comme otages, pour le cas où les étrangers se porteraient sur Paris ».

   A minuit, l’on entendit sonner le tocsin et battre la générale.
Monsieur de Bachmann s’assura que tout était en ordre ; il donna des instructions aux officiers ; il envoya des officiers de l’état-major visiter les postes. Depuis ce moment, cet officier ne quitta pas le roi un seul instant. L’Europe sait qu’il a eu le même sort que ce Prince.
Le son lugubre du tocsin, loin de décourager les soldats, les animait toujours davantage.

   A deux heures du matin, quatre bataillons des faubourgs étaient déjà arrivés sur la place du Carrousel pour exécuter leur horrible projet ; ils n’attendaient que leurs complices.

   Entre quatre et cinq heures, Monsieur Mandat recul l’ordre de se rendre à la commune. On l’attendait pour l’égorger sur les degrés de l’Hôtel de Ville : on savait qu’il avait en sa possession un ordre, signé Pétion, de repousser la force par la force ; on supposait faussement qu’il le portait sur lui, et l’on voulait par le meurtre soustraire celle pièce à la publicité.

   Vers six heures du matin, le Roi tenant par la main Monseigneur le Dauphin, descendit dans la cour royale, accompagné de quelques chefs de division et de commandants de la garde nationale, et de Messieurs de Maillardoz et de Bachmann.
Il passa d’abord devant la garde nationale, puis devant les Suisses, qui crièrent : « Vive le Roi ! »
Au même instant, un bataillon armé de piques, qui entrait dans la cour, criait à tue-tête : « Vive la Nation ! »
Il en résulta une discussion très vive, à laquelle les canonniers de la garde nationale surtout prirent beaucoup départ. Monsieur de Dürler parvint néanmoins à les calmer, en leur représentant, dans son singulier langage, que le Roi et la Nation ne faisaient qu’un.
Le bataillon qui venait d’entrer dans la cour reconnut qu’il n’était pas à sa place et ils allèrent se ranger parmi leurs pareils.

   Bientôt après, Monsieur Roederer, procureur-général syndic, assisté d’un membre de la commune, tous deux en écharpe tricolore, et Monsieur de Boissieux, maréchal de camp, parcoururent tous les postes. Ils proclamèrent verbalement l’ordre déjà reçu par écrit, de défendre le château et de repousser la force par la force. Voici les termes de la proclamation : « Soldats, un attroupement va se présenter ; il est enjoint par le décret du 3 octobre, à nous, officiers de la loi, de requérir vous, gardes nationales, et vous, troupes de ligne, de vous opposer à cet attroupement, et de repousser la force par la force ».
Alors ceux des gardes nationaux qui n’avaient pas chargé, chargèrent leurs fusils, et les canonniers leurs pièces. 

prise-des-tuileries fin de la monarchie dans Memento

   A sept heures, les murmures recommencèrent, et des bataillons entiers de gardes nationaux se retirèrent : les uns allèrent rejoindre les factieux, un grand, nombre rentrèrent dans leurs foyers.
Ce fut alors qu’une députation de la garde nationale, conduite par Monsieur Roederer, Monsieur de Baumez et un troisième membre du département de Paris, vint solliciter le Roi, qui rentrait dans l’intérieur du château, de se rendre dans le sein de l’assemblée nationale.
Monsieur de Bachmann, témoin des instances par lesquelles on cherchait à arracher la détermination du monarque, se retourna vers Monsieur de Gibelin et lui dit : « Si le Roi va à l’Assemblée, il est perdu ».
Ce sont les dernières paroles que les camarades de ce chef vertueux aient recueillies de sa bouche. La Reine fit d’inutiles efforts pour empêcher ce funeste départ, après lequel la plus héroïque résistance ne pouvait plus avoir un heureux résultat, puisqu’elle était devenue sans objet.

   C’est à peu près vers neuf heures que le Roi se décida à venir dans l’Assemblée Nationale avec toute la famille royale et quelques gentilshommes.
Deux bataillons de la garde nationale et les Gardes Suisses de garde, en tête, Messieurs de Maillardoz, de Bachmann, de Salis-Zizer, aide-major, Chollet et Allimann, adjudants, escortaient Sa Majesté.

   Ce départ fut décisif pour la garde nationale qui occupait l’intérieur du château et les cours. La plus grande partie abandonna les Suisses ; les uns se réunirent aux bataillons des faubourgs et les autres se dispersèrent.
Mais tous ne partagèrent pas cette honteuse défection, et parmi ceux qui restèrent fidèles, il faut citer à la postérité la presque totalité des braves Grenadiers des Filles-Saint-Thomas [note : bataillon faisant partie de la garde nationale, créée le 13 juillet 1789].

   L’armée des faubourgs se mit en mouvement, ses canons en tête, et bientôt on la vit s’avancer vers les portes du château.
Le maréchal de camp de jour, se voyant presque seul avec les Suisses, jugea qu’il ne pourrait conserver les cours avec si peu de monde. Il cria : « Messieurs les Suisses, retirez-vous au château ! » Il fallu obéir, abandonner les cours, laisser six pièces de canon à la discrétion de l’ennemi.
On aurait dû prévoir qu’il faudrait les reprendre, sous peine d’être brûlé dans le château. Tout le monde le pensait, de simples soldats le disaient tout haut. Cependant le respect pour la discipline fit obéir (…).

   On garnit de soldats les escaliers et les croisées du château. Le premier peloton fut placé à la Chapelle, c’est-à-dire un peloton des Grenadiers des Filles-Saint-Thomas en première ligne, les Gardes Suisses en seconde. 
Monsieur le capitaine de Dürler trouva au premier appartement, en face du grand escalier, Monsieur le Maréchal de Mailly, qui était avec Monsieur de Zimmermann, officier-général et lieutenant des Grenadiers.
Monsieur le Maréchal ayant annoncé à Monsieur de Dürler qu’il était chargé de la part du Roi de prendre le commandement du château, Monsieur de Dürler lui dit : « Monsieur le Maréchal, quels sont vos ordres ? »
« De ne pas vous laisser forcer », répartit le Maréchal.
Monsieur de Dürler répondit : « On peut y compter ».
Ce fut le seul ordre que les Suisses reçurent de ce Maréchal de France. On ne leur reprochera point de ne pas l’avoir suivi à la lettre.

   Pendant que Monsieur de Dürler parlait à ce Maréchal, il vit distinctement par la fenêtre le portier du Roi ouvrir aux Marseillais la porte royale.  Ils entrèrent peu à peu, en élevant leurs chapeaux, et faisant signe aux Suisses de venir les joindre.
Un de la Lande, plus hardi que les autres, s’approcha d’une fenêtre et y lâcha un coup de pistolet. Le sergent Lendi allait répondre à cette insolente provocation, les officiers le retinrent. Mais cette preuve de modération, comme tous les actes de ce genre, ne fit qu’enhardir les assaillants.

combat-aux-tuileries-par-henri-motte-copie Gardes Suisses dans Vexilla Regis

Tableau de Henri Motte illustrant les combats à l’intérieur des Tuileries

   Toute la colonne ennemie étant entrée, elle plaça ses canons en batterie : on égorgea les sentinelles suisses placées au pied du grand escalier, et les premiers Marseillais essayèrent de monter au poste de la Chapelle le sabre à la main. Messieurs de Dürler, de Reding, Joseph de Zimmermann et de Glutz, aide-major, firent placer à la hâte une barre de bois en travers de l’escalier.
Monsieur de Boissieux crut le moment favorable pour haranguer les Marseillais, mais d’affreux hurlements couvrirent sa voix.
Les assaillants à la fin reconnurent l’inutilité de leur tentative. Ils se retirèrent en vociférant des injures contre les Suisses. 

   Un peu moins de huit cents Suisses, les deux compagnies qui accompagnaient le Roi n’ayant pu prendre part au combat, deux cents gentilshommes dont le courage était sans armes, un assez petit nombre de gardes nationaux intrépides et fidèles, tous sans commandant en chef, sans munitions sans canons… voilà l’état des choses au moment où le combat allait commencer ! Et cette poignée de braves, répartis sur plus de vingt postes, étaient attaqués par près de cent mille hommes d’une populace exaltée jusqu’à la fureur, qui avait avec elle cinquante pièces d’artillerie, qui disposait delà municipalité de Paris et qui se sentait encouragée par le corps législatif.

   La troupe des faubourgs fit une décharge qui blessa quelques soldats : les Grenadiers des Filles-Saint-Thomas ripostèrent, les Suisses suivirent leur exemple : les Marseillais répondirent par une décharge générale d’artillerie et de mousqueterie, qui coûta la vie à beaucoup de monde. Ce fut dans ce moment que Monsieur Philippe de Glutz, lieutenant des Grenadiers, fut tué, et que Monsieur de Castelberg eut la cheville du pied fracassée.
L’action, devenue générale, se décida rapidement en faveur des Suisses : le feu des croisées et celui de la réserve de Monsieur de Dürler furent très meurtriers. En peu de temps, la cour royale fut évacuée ; elle resta jonchée de morts, de mourants et de blessés.

   Messieurs de Dürler et de Pfyffer firent une sortie du château, avec cent-vingt hommes, ils prirent quatre pièces de canon, et redevinrent les maîtres de la porte royale. 
Pendant qu’ils traversaient le Carrousel, un autre détachement sous les ordre du capitaine Henri de Salis, s’emparait de trois canons à la porte du manège, et les amenait jusqu’à la grille du château. De là, ce détachement parvint à rejoindre le premier, mais sous le feu de l’artillerie qui, de la porte de la cour de la Reine, tirait à mitraille sur les Suisses.

   Les détachements réunis portèrent l’épouvante et la mort parmi les assaillants : la cour royale fut couverte de leurs morts. Les Suisses enlevèrent une partie des canons de leurs adversaires et ils réussirent à les conserver ; malheureusement, ils n’avaient point de munitions et ils ne purent faire qu’une seule décharge des canons conquis sur l’ennemi, les Marseillais ayant emporté dans leur fuite les cartouches, les mèches et les lances à feu ; c’est ce qui fit que les Suisses tentèrent toujours en vain de faire taire un feu de mitraille qui, d’une petite terrasse placée vis-à-vis du corps de garde des Suisses, plongeait dans la cour royale.
Ces admirables soldats de la fidélité essuyèrent un feu meurtrier avec le sang-froid et la tranquillité du vrai courage. Les détachements étaient criblés, ils se ralliaient toujours de nouveau, après des efforts qui tenaient du prodige.

   Les Suisses restèrent maîtres du champ de bataille : les officiers et les soldats s’attelèrent aux canons pris aux ennemis et les traînèrent ; partout on se battait avec un égal acharnement, partout l’ennemi était repoussé, et les Marseillais, qui formaient les têtes de colonnes d’attaque, s’éclaircissaient par des pertes immenses. Mais les Suisses voyaient avec anxiété qu’ils touchaient au moment où l’épuisement des munitions allait les exposer au feu de l’ennemi, sans moyen d’y répondre.

prise-des-tuileries-10-aout-92 prise des Tuileries

   Dans cet instant critique, Monsieur d’Herville, tué depuis glorieusement pour la cause royale à Quiberon, arrive sans armes, sans chapeau, à travers les coups de fusil et de canon. On veut lui montrer des dispositions qu’on venait de faire du côté du jardin. « Il s’agit bien de cela, dit-il ; il faut vous porter à l’Assemblée nationale, auprès du Roi. »
On crut pouvoir être utile à cet infortuné Monarque ; et une voix, c’était celle du baron de Viosmesnil, lieutenant-général, le frère aîné du maréchal de France de ce nom, une voix amie qui cria : « Oui, braves Suisses ! Allez sauver le Roi ! Vos ancêtres l’ont fait plus d’une fois… », en confirmant cette trompeuse espérance, emporta la résolution.
Il fallut chercher à se rallier ; on réunit les tambours qui n’avaient pas péri, on fit battre l’assemblée, et, malgré une grêle de balles qui tombaient de toute part, on parvint à ranger les soldats comme dans un jour de parade.
Pour couvrir la retraite, on pointa contre le vestibule deux des pièces enlevées aux assaillants, qui se trouvèrent encore chargées. On les plaça à côté de la grille. Monsieur de Dürler y laissa deux hommes, avec ordre de lâcher leurs coups de fusil sur la lumière, si l’on était poursuivi.
Cet ordre ne put pas être littéralement exécuté, mais l’un des deux hommes, le nommé Jean Hayot, du canton de Fribourg (ce brave vit encore retiré chez lui), mit le feu très à propos à l’une des pièces en battant le briquet sur la lumière.
Messieurs de Reding, de Glutz, de Gibelin aidèrent quelques soldats à transporter une troisième pièce de canon sous le vestibule, et ce fut dans cet instant que Monsieur de Reding eut le bras cassé d’un coup de carabine.
On partit. La traversée du jardin fut excessivement meurtrière. Il fallut essuyer un feu très vif, de canon et de mousqueterie qui partait de trois points différents, la porte du pont royal, celle de la cour du manège, et la terrasse des Feuillants. Dans ce trajet, Monsieur de Gross eut la cuisse cassée par une balle ; il tomba près du bassin après du groupe d’Arria et de Poetus.

   L’on arriva enfin dans les corridors de l’Assemblée nationale. Le baron Henri de Salis, emporté par son ardeur, entra dans la salle du corps législatif, l’épée à la main, au grand effroi du côté gauche de l’assemblée. Les députés qui le composaient crièrent : « Les Suisses ! Les Suisses ! » et l’on en remarqua plusieurs qui cherchaient à se sauver par les fenêtres.
Un membre de l’assemblée vint ordonner au commandant des Suisses de faire mettre bas les armes à sa troupe ; le commandant refusa de le faire. Monsieur de Dürler s’avança vers le Roi et lui dit : « Sire, on veut que je pose les armes. » Le Roi répondit : « Déposez-les entre les mains de la garde nationale ; je ne veux pas que de braves gens comme vous périssent ».
Un moment après, le Roi envoya à Monsieur de Dürler un billet de sa propre main conçu en ces termes : « Le Roi ordonne aux Suisses de déposer leurs armes et de se retirer aux casernes. »

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   Cet ordre fut un coup de foudre pour ces braves soldats. Ils criaient qu’ils pouvaient bien se défendre avec leurs baïonnettes, plusieurs pleuraient de rage. Mais dans cette horrible extrémité, la discipline et la fidélité triomphèrent encore. Ils savaient que cet ordre de quitter leurs armes les livrait sans défense à des tigres altérés de leur sang : tous obéirent.
Ce fut là le dernier sacrifice qu’on exigea des Suisses.

   On sépara les officiers des soldats : ceux-ci furent conduits à l’église des Feuillants, les officiers furent déposés dans la salle des inspecteurs. Des députés y entrèrent pour les voir, en manifestant une sorte d’inquiétude qui, dans les uns était accompagnée de férocité et de bassesse, dans les autres de regret et de pitié.

   Vers le soir, quelques personnes généreuses s’occupèrent à sauver les nobles restes du combat du 10 août et procurèrent aux officiers des déguisements et la faculté de sortir. Chacun isolément se tira d’affaire comme il put. Ces fidèles défenseurs du Roi de France erraient dans Paris, toujours proscrits par la fureur populaire, lors qu’un décret du corps législatif avait mis tous les Suisses sous la sauvegarde de la loi.

   Le château n’était plus défendu ; les assaillants y entrèrent, massacrant lâchement les blessés et tous ceux qui s’étaient perdus dans l’immensité du palais. Une partie des Suisses qui occupaient les appartements, n’avaient pu se rejoindre au détachement qui se retira sur l’assemblée nationale. Ils descendirent au moment même où les Marseillais entraient dans le château.
Ayant trouvé chargées deux des trois pièces que Monsieur de Dürler avait laissées, ils y mirent le feu, ce qui leur donna le temps d’opérer leur retraite par le jardin. Le Père Simon Lorettan, capucin et aumônier du Régiment, se trouvait avec eux ; il fallut traverser au milieu des décharges de canon et de mousqueterie.
Là périrent Messieurs le comte de Valdner, Simon de Maillarvoz, de Müller, et beaucoup de soldats.
Cette petite troupe s’était dirigée d’abord sur l’assemblée nationale, elle en fut écartée à coups de fusils. Elle se porta au pont tournant, elle le trouva levé. Elle put enfin sortir par le jardin du Dauphin. Arrivés à la place Louis XV, les Suisses furent chargés par la gendarmerie à cheval ; la plupart furent massacrés, et le Père Simon Lorettan ne dut son salut qu’à son déguisement.

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   Un moment après, le sergent Stoffel de Mels, canton de Saint-Gall, commandant de quinze hommes qu’il avait rassemblés de divers postes, se fit jour jusques sous le vestibule, où il trouva des Marseillais gardant les canons qu’on venait d’abandonner. Il les reprit sur eux, se défendit quelque temps, et réussit encore à opérer sa retraite sur l’assemblée nationale.
Accablés sous le nombre, cédant le champ de bataille pour rejoindre le Roi, les Suisses n’ont pu laisser d’autres trophées que les cadavres entassés de leurs ennemis. Mille traits particuliers d’héroïsme et de dévouement se perdent dans la gloire générale de cette journée, et nous regrettons de ne pouvoir en citer qu’un petit nombre.

   Monsieur de Montmollin, qui venait d’entrer au Régiment, emprunta  un uniforme à Monsieur de Forestier, pour pouvoir se trouver au combat. Il était enseigne de bataillon ; il a conservé jusqu’à son dernier soupir son drapeau, qui lui a coûté la vie. Il s’était fait jour avec quelques soldats jusqu’au pied de la statue de la place de Louis XV. Ne pouvant avancer, il se battit comme un héros, et après avoir tué de sa main plusieurs ennemis, percé par derrière, il tomba entre les bras d’un caporal, qui se perdit sans pouvoir le sauver : « Laissez-moi périr ici, lui dit-il, et ne pensez qu’à sauver le drapeau ». Le caporal qui le soutenait, reçoit au même instant un coup mortel, et Monsieur de Montmollin tombe en s’enveloppant dans son drapeau. Les meurtriers ne s’en emparèrent qu’en le déchirant.

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   Gaspard Xavier Stalder, de la ville de Lucerne, sergent de la compagnie Pfyffer, défendit avec deux hommes, contre les Marseillais, un des canons qui leur avaient été pris. De son feu, il leur tua sept hommes, jusqu’à l’épuisement des ses cartouches ; il resta seul. Les deux soldats ayant été tués à côté de lui, il continua le carnage le sabre à la main. Après avoir perdu le bras droit, coupé d’un coup de hache, il saisit son sabre de la main gauche et terrasse encore ceux qui l’approchent. Il tombe enfin, percé de coups, sur les corps de plus de vingt ennemis immolés de sa main. Des témoins oculaires parmi les ennemis ont attesté ce fait, ils n’ont jamais parlé qu’avec respect de ce héros.

   Ainsi finit le Régiment des Gardes Suisses du Roi de France, comme un de ces chênes robustes dont l’existence a bravé les orages de plusieurs siècles et qu’un tremblement de terre a pu seul renverser ! Il comptait un siècle et demi de fidèles services rendus à la France ; il est tombé le jour même où l’antique monarchie française s’écroulait (…) ».

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2013-57. Des réparations et expiations qu’il convient de faire monter vers le Ciel au jour du 14 juillet.

9 juillet,
Fête des Bienheureuses Martyres d’Orange (cf. > ici) ;
Dans l’Ordre de Saint Augustin, fête des Prodiges de la Bienheureuse Vierge Marie. 

2013-57. Des réparations et expiations qu'il convient de faire monter vers le Ciel au jour du 14 juillet. dans Chronique de Lully pillage-dune-eglise-pendant-la-grande-revolution

Pillage d’une église pendant la révolution
(tableau conservé au musée Carnavalet)

Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,

       Pendant le cours du mois de juin, j’ai insisté sur le caractère essentiellement réparateur du culte du Sacré-Coeur de Jésus, et j’ai rappelé combien les appels de Notre-Seigneur à la réparation étaient la conséquence des outrages et sacrilèges dont Il est accablé dans le Très Saint Sacrement de l’Eucharistie (cf. > ici).

   Dans quelques jours, le 14 juillet, la république française célébrera ce qu’elle considère comme sa grande « fête nationale » : la loi l’instituant, promulguée le 6 juillet 1880, a été proposée par des parlementaires qui se référaient au 14 juillet 1789 et à la prétendue « prise » de la Bastille, devenue le symbole de la fin de l’Ancien Régime.
A ceux qui protestèrent en disant qu’il ne convenait pas d’élever au rang de fête nationale un jour marqué par des effusions de sang et des exécutions sommaires, il fut répondu que le 14 juillet 1789 avait été suivi d’autres 14 juillet, en particulier celui de l’année 1790, et qu’on pouvait voir en cette dernière date l’accomplissement de « l’unité nationale » (sic).

Je connais quelques personnes qui colportent encore aujourd’hui cette manière de présenter les choses et qui se donnent ce jour-là une sorte de bonne conscience en prétextant qu’elles célèbrent l’anniversaire de la fête de la fédération ; mais lorsqu’on sait que la date de cette fête de la fédération a très précisément été choisie pour marquer le premier anniversaire de la prétendue « prise » de la Bastille, j’ai envie de dire que c’est bonnet phrygien et phrygien bonnet… (*)

   Par ailleurs, une étude objective menée en dehors des bobards de l’histoire officielle permet de rétablir la réalité des faits, et elle démontre de manière irréfragable que les événements qui vont depuis l’ouverture des Etats Généraux jusqu’à la fête de la fédération sont un enchaînement rigoureux de félonie, de parjures, de violences, d’atteintes aux droits les plus élémentaires, de crimes, de vols, de spoliations matérielles, psychologiques et institutionnelles… etc.
Qu’on se souvienne – pour ne citer qu’un seul exemple – du massacre des catholiques et des capucins de Nîmes survenu exactement un mois avant la fête de la fédération (cf. > ici). 

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Fête de la fédération du 14 juillet 1790 : le serment de La Fayette

   De toute manière, pour voir dans la fête de la fédération l’accomplissement de « l’unité nationale » il me semble qu’il faut se faire de drôles de noeuds au cerveau après s’être volontairement crevé les yeux.
Une grand’ Messe célébrée par un évêque impie et sacrilège, les conflits et les haines qui couvent dans les coeurs de ceux qui veulent prendre en mains la conduite de la révolution, la poudre mensongère jetée aux yeux du peuple abusé par une phraséologie grandiloquente qui voile les plus grands vices sous les atours de la vertu et des nobles idéaux, le serment imposé à un monarque qui n’est déjà plus libre, et le blasphème érigé en fondement d’une pseudo constitution (article 3 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 – « le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation » – qui prend le contre-pied des enseignements de la Sainte Ecriture : « omnis potestas a Deo : tout pouvoir vient de Dieu »)…
Ah ! la belle « unité nationale » que voilà !

Ecce Homo par Philippe de Champaigne

Philippe de Champaigne : Ecce Homo.

   Pour nous, il ne saurait en aucune manière être question de faire la fête le jour du 14 juillet : puisque les ennemis les plus acharnés de la société chrétienne traditionnelle y voient le début de l’avènement de leur monstrueuse idéologie, nous sommes bien obligés d’y voir le début d’une série de blasphèmes, de profanations et de sacrilèges dont il semble incroyable qu’ils aient pu se produire dans un pays qui brillait jusque là dans les premiers rangs des royaumes chrétiens et passait pour celui dans lequel régnait la plus exquise des civilisations…

   Qui pourra dire le nombre des sacrilèges qui furent alors perpétrés contre l’adorable Sacrement de l’autel ? Qui dira le nombre des lieux solennellement consacrés à Dieu – cathédrales, églises, chapelles, autels, couvents et abbayes – qui Lui furent volés en étant exécrés, souillés par des bacchanales, démolis ou attribués depuis lors à des usages profanes ? Qui dira le nombre des saintes reliques qui furent profanées et brûlées ? Qui dira le nombre de statues de la Madone et des Saints qui ont été détruites ou odieusement mutilées ? Qui dira le nombre des vases sacrés et ornements du culte, admirables produits de l’art conjugué à la foi, qui ont disparu après avoir servi à des beuveries et des scènes orgiaques ? Qui dira le nombre des prêtres et des religieux que l’on a poussés à rompre leurs engagements sacrés ? Et qui dira le nombre de prêtres, religieux et fidèles que, lorsqu’on ne pouvait les faire apostasier, l’on a martyrisés avec d’infinis raffinements de cruauté ? Qui dira le nombre de jurons et de blasphèmes contre le Saint Nom de Dieu qui furent alors proférés ? Qui dira le nombre des dimanches, jours dus au culte du Vrai Dieu par la plus stricte et la plus absolue des justices, que l’on a intentionnellement profanés ? Qui dira le nombre de péchés et de vices que cette funeste révolution a suscités et enracinés dans des coeurs qui étaient appelés à devenir de vivants sanctuaires de la Très Sainte Trinité ? Qui dira le nombre d’âmes qui ont été pour jamais livrées à l’enfer éternel, comme une sorte de tribut offert à Satan, par les chefs de la révolution ?

hans-memling-la-chute-des-damnes 14 juillet dans Memento

Hans Memling : la chute des damnés.

   Voilà pourquoi nous invitons et encourageons tous nos amis, et tous les amis de nos amis, à faire du 14 juillet une journée particulièrement intense de réparation et d’expiation adressée au divin Coeur de Jésus, par quelques sacrifices volontaires, par des prières de pénitence, et – autant que possible – par l’assistance à la Sainte Messe et l’offrande de la Sainte Communion réparatrice

Coeur de Jésus, broyé par les crimes de la France apostate, ayez pitié de nous !
Coeur de Jésus, broyé par les crimes de la France apostate, faites-nous miséricorde ! 

Lully.  

sacre-coeur blasphème dans Prier avec nous

(*) Pour lire ce qui s’est réellement passé le 14 juillet 1789 > ici.

2013-55. Du dix-septième centenaire de l’ Edit de Milan.

313 – 13 juin – 2013

2013-55. Du dix-septième centenaire de l' Edit de Milan. dans Memento constantin-par-le-bernin

Statue équestre de Constantin le Grand
Gian-Lorenzo Bernini, dit Le Bernin,  narthex de la basilique Saint-Pierre au Vatican.

Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,

En ce 13 juin de l’an de grâce 2013, en notre Mesnil-Marie, nous faisons monter vers le Ciel un vibrant Te Deum.

Bien sûr, nous nous réjouissons avec toute la Sainte Eglise de la fête de Saint Antoine de Padoue (cf. > ici), l’un des plus grands thaumaturges de tous les temps, mais ce n’est toutefois pas là le principal motif de notre action de grâces.
Bien sûr aussi, nous sommes dans une profonde allégresse en fêtant au jeudi qui suit la fête du Sacré-Coeur de Jésus, conformément aux usages propres à un certain nombre de congrégations et de quelques diocèses, la fête du Coeur Eucharistique de Notre-Seigneur (cf. > ici), mais ce n’est pas non plus le grand mobile de notre fervente exultation.

Le pourquoi de notre joie spirituelle de ce jour et de notre action de grâces réside dans le dix-septième centenaire de la publication de ce que l’on a coutume de nommer l’ Edit de Milan, décret impérial qui mit fin à l’ère des persécutions contre les chrétiens dans tout l’Empire Romain, facilita la conversion de ses peuples à la foi véritable, et prépara sa promotion au rang de religion officielle par Théodose le Grand, moins de quatre-vingt ans plus tard.

labarum-4 13 juin 313 dans Prier avec nous

Nous avons rappelé, le 28 octobre 2012, le dix-septième centenaire de la victoire de Constantin sur Maxence au Pont Milvius, après sa vision de la Croix et l’institution du Labarum (cf. > ici et ici).
Six mois plus tard – vraisemblablement à la fin du mois d’avril 313 – , les deux empereurs, Constantin et Licinius, lors d’une rencontre qui eut lieu à Milan, décidèrent de mettre fin aux persécutions contre les chrétiens : la dernière des grandes persécutions impériales, dite de Dioclétien, avait été déclenchée en 303 et avait duré quelque dix années.
Dans le centre historique de Milan, à l’emplacement de l’ancien palais impérial d’où lui vient son nom, l’église San Giorgio al Palazzo (Saint Georges du Palais) – église de l’Ordre Equestre Constantinien de Saint Georges – s’enorgueillit d’avoir été élevée sur les lieux de cette décision qui allait insuffler de profonds et durables bouleversements en Europe.

plaque-commemorative-de-ledit-de-milan-eglise-st-georges-du-palais Constantin le Grand dans Vexilla Regis

Basilique de saint Georges du Palais, plaque commémorative de l’Edit de Milan :
« Cette insigne basilique élevée à l’emplacement du palais impérial romain conserve et transmet à travers les siècles la mémoire du fameux Edit de Milan par lequel Constantin et Licinius, en l’an 313, reconnurent aux chrétiens le droit de professer librement la foi… » 

Pour être rigoureusement exact, cet Edit de Milan est à strictement parler la reprise d’un édit de tolérance plus ancien, nommé Edit de Sardique, publié par Galère à Nicomédie le 30 avril 311, mais sans avoir consulté les trois autres tétrarques (Constantin, Licinius et Maximin Daia).
L’Edit de Milan est une sorte de lettre circulaire qui reprend les dispositions de Galère et les étend à tout l’Empire : la date du 13 juin 313 est celle à laquelle Licinius la fit afficher à Nicomédie après avoir vaincu Maximin Daia ; à la suite de cela le texte fut placardé dans tout l’Empire.
L’historien Lactance nous en a conservé le texte que voici :

« Moi, Constantin Auguste, ainsi que moi, Licinius Auguste, réunis heureusement à Milan, pour discuter de tous les problèmes relatifs à la sécurité et au bien public, nous avons cru devoir régler en tout premier lieu, entre autres dispositions de nature à assurer, selon nous, le bien de la majorité, celles sur lesquelles repose le respect de la divinité, c’est-à-dire donner aux Chrétiens comme à tous, la liberté et la possibilité de suivre la religion de leur choix, afin que tout ce qu’il y a de divin au céleste séjour puisse être bienveillant et propice, à nous-mêmes et à tous ceux qui se trouvent sous notre autorité.
C’est pourquoi nous avons cru, dans un dessein salutaire et très droit, devoir prendre la décision de ne refuser cette possibilité à quiconque, qu’il ait attaché son âme à la religion des Chrétiens ou à celle qu’il croît lui convenir le mieux, afin que la divinité suprême, à qui nous rendons un hommage spontané, puisse nous témoigner en toutes choses sa faveur et sa bienveillance coutumières.
Il convient donc que Ton Excellence sache que nous avons décidé, supprimant complètement les restrictions contenues dans les écrits envoyés antérieurement à tes bureaux concernant le nom des Chrétiens, d’abolir les stipulations qui nous paraissaient tout à fait malencontreuses et étrangères à notre mansuétude, et de permettre dorénavant à tous ceux qui ont la détermination d’observer la religion des Chrétiens, de le faire librement et complètement, sans être inquiétés ni molestés.
Nous avons cru devoir porter à la connaissance de Ta Sollicitude ces décisions dans toute leur étendue, pour que tu saches bien que nous avons accordé auxdits Chrétiens la permission pleine et entière de pratiquer leur religion. Ton Dévouement se rendant exactement compte que nous leur accordons ce droit, sait que la même possibilité d’observer leur religion et leur culte est concédée aux autres citoyens, ouvertement et librement, ainsi qu’il convient à notre époque de paix, afin que chacun ait la libre faculté de pratiquer le culte de son choix. Ce qui a dicté notre action, c’est la volonté de ne point paraître avoir apporté la moindre restriction à aucun culte ni à aucune religion.
De plus, en ce qui concerne la communauté des Chrétiens, voici ce que nous avons cru devoir décider : les locaux où les Chrétiens avaient auparavant l’habitude de se réunir, et au sujet desquels les lettres précédemment adressées à tes bureaux contenaient aussi des instructions particulières, doivent leur être rendus sans paiement et sans aucune exigence d’indemnisation, toute duperie et toute équivoque étant hors de question, par ceux qui sont réputés les avoir achetés antérieurement, soit à notre trésor, soit par n’importe quel autre intermédiaire. De même, ceux qui les ont reçus en donation doivent aussi les rendre au plus tôt auxdits Chrétiens. De plus, si les acquéreurs de ces bâtiments ou les bénéficiaires de donation réclament quelque dédommagement de notre bienveillance, qu’ils s’adressent au vicaire, afin que par notre mansuétude, il soit également pourvu à ce qui les concerne. Tous ces locaux devront être rendus par ton intermédiaire, immédiatement et sans retard, à la communauté des Chrétiens. Et puisqu’il est constant que les Chrétiens possédaient non seulement les locaux où ils se réunissaient habituellement, mais d’autres encore, appartenant en droit à leur communauté, c’est-à-dire à des églises et non à des individus, tu feras rendre auxdits Chrétiens, c’est-à-dire à leur communauté et à leurs églises, toutes ces propriétés aux conditions reprises ci-dessus, sans équivoque ni contestation d’aucune sorte, sous la seule réserve, énoncée plus haut, que ceux qui leur auront fait cette restitution gratuitement, comme nous l’avons dit, peuvent attendre de notre bienveillance une indemnité.
En tout cela, tu devras prêter à la susdite communauté des Chrétiens ton appui le plus efficace, afin que notre ordre soit exécuté le plus tôt possible, et afin aussi qu’en cette matière il soit pourvu par notre mansuétude à la tranquillité publique. Ce n’est qu’ainsi que l’on verra, comme nous l’avons formulé plus haut, la faveur divine, dont nous avons éprouvé les effets dans des circonstances si graves, continuer à assurer le succès de nos entreprises, gage de la prospérité publique.
Afin, d’autre part, que la mise en forme de notre généreuse ordonnance puisse être portée à la connaissance de tous, il conviendra que tu fasses faire une proclamation pour la promulguer, que tu la fasses afficher partout et que tu la portes à la connaissance de tous, de façon que nul ne puisse ignorer la décision prise par notre bienveillance. »

monnaie de Constantin avec le labarum

Monnaie de Constantin portant le labarum surmonté du Chi-Rhô au revers.

L’histoire religieuse ne doit pas nous faire oublier le contexte politique : lors de leur rencontre de Milan, Constantin et Licinius s’étaient entendus pour mettre fin à la Tétrarchie, par l’élimination de Galère et de Maximin Daia : en posant un terme aux persécutions, ils pourraient désormais compter sur le soutien des chrétiens – de plus en plus nombreux puisque la persécution n’en avait pas réduit le nombre, loin s’en faut ! – et ils éliminaient une cause de division hautement préjudiciable à la cohésion de l’Empire.
Pour Licinius, cette décision n’était qu’un strict calcul politique et cet édit marquait un point final.
Pour Constantin, dans le coeur duquel la grâce divine avait déjà fait son chemin, la décision était en revanche assortie de motifs spirituels et n’était qu’une étape, voire un commencement.

D’ailleurs, sans attendre cet accord avec Licinius, dans le cours de l’hiver 212-213, Constantin avait écrit au gouverneur d’Afrique et à l’évêque de Carthage pour organiser la restitution des biens confisqués aux chrétiens et leur indemnisation (dans son « Histoire de la vie de l’Empereur Constantin », Eusèbe de Césarée nous a rapporté plus en détail ces décisions).

Dans un message lu à l’occasion des cérémonies et rencontres qui se sont déroulées en mai dernier à Milan pour célébrer ce dix-septième centenaire, et auxquelles a participé – entre autres – Sa Sainteté le Patriarche Bartholomée Ier de Constantinople, le Souverain Pontife a souligné l’importance de l’Edit de Milan, « décision historique qui, en décrétant la liberté de religion pour les chrétiens, a ouvert de nouveaux chemins à l’Evangile et a contribué de manière significative à l’avènement  de la civilisation européenne » (cf. > ici).

le-bernin-statue-equestre-de-constantin-detail dix-septième centenaire

Statue équestre de Constantin le Grand (détail)
Gian-Lorenzo Bernini, dit Le Bernin,  narthex de la basilique Saint-Pierre au Vatican. 

Pour nous, en notre Mesnil-Marie, nous inspirant de ce qui avait été fait en certaines paroisses en 1913 à l’occasion du seizième centenaire de l’Edit de Constantin, nous avons résolu afin d’en marquer l’anniversaire, d’ériger une Croix commémorative à l’entrée de notre « principauté » : j’aurai l’occasion de vous en reparler plus en détail…
Pour l’heure, soyons à l’action de grâce pour la façon dont la divine Providence a inspiré jadis Constantin le Grand, et prions instamment pour que les dirigeants des nations s’ouvrent comme lui à la Lumière du Christ Sauveur, en comprenant qu’il ne peut y avoir, même ici-bas, de véritable paix sociale et de vrai bonheur pour les peuples en dehors de l’obéissance aux lois divines et du salut par la Croix !

Lully.

 Edit de Milan

Pour nous aider, et en particulier pour nous permettre d’ériger la
Croix commémorative du dix-septième centenaire de l’Edit de Milan > ici 

Publié dans:Memento, Prier avec nous, Vexilla Regis |on 13 juin, 2013 |2 Commentaires »

2013-46. Du miracle de Bolsena.

Jeudi de la Fête du Très Saint Sacrement (* voir la note en bas de page).

2013-46. Du miracle de Bolsena. dans Chronique de Lully raphael-le-miracle-de-bolsena-vatican

Raphaël : le miracle de Bolsena (détail) – musées du Vatican.

Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,

       L’année 2013, nous a donné de commémorer le sept-cent cinquantième anniversaire d’un événement qui eut des conséquences extraordinaires dans la vie de toute l’église catholique : le miracle de Bolsena.

   Ce prodige advint au mois de décembre : décembre de l’an 1263. Mais il convient spécialement de le rappeler en ce jeudi de la fête du Très Saint Sacrement, puisque il fut déterminant pour l’établissement de cette fête dans l’Eglise universelle.

   Voici les faits tels qu’ils sont racontés dans l’ouvrage « Les miracles historiques du Saint Sacrement », publié en 1898 par le Rd. Père Eugène Couet, avec l’imprimatur du Rd. Père Lepidi, maître du Sacré Palais :

   « C’était l’époque où l’Allemagne, sans cesse déchirée par la guerre depuis la mort de l’impie Frédéric II, n’avait pu encore se choisir un empereur ; et les compétiteurs, se disputant la couronne, jetaient le trouble dans toutes les provinces germaniques.
Un prêtre de ces contrées, jusque-là distingué par sa piété et par la pratique des vertus sacerdotales, vit un jour sa foi attaquée par de terribles doutes ; ils portaient spécialement sur l’adorable Sacrement de l’autel. A chaque instant, il avait à subir de nouveaux assauts de la part de l’esprit des ténèbres : Hoc est Corpus meum ; Hic est Sanguis meus ! comment ces paroles, si simples et si courtes, peuvent-elles faire, du pain et du vin, la vraie Chair et le vrai Sang de Jésus-Christ ? Telles étaient les questions que le père du mensonge faisait renaître dans cette âme d’ailleurs fort attachée au service de Dieu. Il l’amenait peu à peu à ne voir dans le prêtre qu’un homme ordinaire, sans considérer le pouvoir auguste que lui a conféré l’onction sainte. Or, s’arrêter à la faiblesse du ministre et ne pas remonter jusqu’à Dieu, dont la puissance est sans bornes, c’est s’exposer aux plus fatales erreurs.
Mais le pauvre prêtre, ainsi tourmenté par l’épreuve, avait recours à la prière et demandait au Ciel la lumière qui lui rendrait la paix. Dieu ne dédaigna pas les cris de détresse de son ministre : et le Sacrement de vie, après avoir été l’occasion des manœuvres infernales, dut bientôt servir à la défaite de Satan.

bolsena-basilique-de-sainte-christine Bolsena dans De liturgia

Bolsena : la basilique de Sainte Christine dans laquelle eut lieu le miracle.

   « Il est sur la terre un lieu privilégié, où jaillit toujours vive et pure la source de la foi : c’est à la ville de Pierre qu’il faut aller puiser la vérité. Notre infortuné prêtre le compris, il fit vœu de visiter le tombeau des saints Apôtres pour s’y raffermir dans la croyance catholique. Après un long et pénible voyage, il arriva à Bolsena, antique cité qui, du temps des Romains, comptait parmi les principales villes de Toscane, mais qui ne garde plus de sa grandeur passée que des ruines et des tombeaux. C’était en décembre 1263. Un vieux temple, dédié jadis à Apollon, et dès les premiers siècles consacré à la glorieuse vierge Christine, se recommandait à la piété du pèlerin ; il voulut célébrer la sainte messe à l’autel où l’on voit encore, miraculeusement gravée dans le marbre, l’empreinte des pieds de l’illustre martyre.

bolsena-autel-du-miracle Eucharistie dans Memento

Bolsena, basilique Sainte Christine : autel où se produisit le miracle.

   « Parvenu au moment où il devait diviser l’Hostie sainte, le célébrant tenait ce Pain sacré sur le calice, quand il le vit, ô prodige ! prendre l’aspect d’une chair vive d’où le sang s’échappait goutte à goutte. La partie cependant qu’il tenait entre les doigts conservait l’apparence du pain, comme pour attester (suivant la remarque de Saint Pierre Damien au sujet d’un fait semblable) que cette Hostie, si subitement changée dans sa forme extérieure, était bien celle qui, peu d’instants avant, cachait sous le voile des accidents le Corps et le Sang de Jésus-Christ. Bientôt l’abondance du sang fut si grande qu’il empourpra le corporal de taches nombreuses ; plusieurs purificatoires, avec lesquels le prêtre essayait d’étancher cet écoulement mystérieux, furent aussi imbibés en peu de temps.

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Miniature représentant le miracle de Bolsena : l’Hostie sanglante.

   « La vue de cette Hostie changée en chair, ce sang qui coulait sans interruption remplirent le célébrant d’une frayeur indicible, mais aussi d’une sainte joie : car il reconnaissait que Dieu venait d’exaucer ses prières et répondait à ses doutes d’une manière irréfragable. Mais pour ne pas scandaliser les fidèles, s’ils venaient à savoir le motif qui avait déterminé ce prodige, il voulut tenir secret un événement si extraordinaire.
C’était compter sans les desseins de Dieu, qui voulait par là raviver la foi d’un grand nombre : aussi, comme il repliait le corporal pour dissimuler les taches qui en couvraient une grande partie, les merveilles se multiplièrent. Dans chacune des gouttes qui continuaient à couler de l’Hostie apparaissait une figure humaine, la face adorable du Sauveur couronné d’épines, telle qu’elle était à cette heure douloureuse où Pilate montra Jésus au peuple altéré de son sang.
La terreur empêcha le prêtre d’achever le Saint Sacrifice. Dans ces cas extraordinaires, comme l’enseigne Saint Thomas (summ. theol. p.3, qu.82 a.4), le célébrant peut se dispenser de terminer les fonctions sacrées. Il enveloppa donc dans le corporal tout maculé de sang l’Hostie changée en chair, la plaça dans le calice et quitta l’autel.

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Le prêtre tente de dissimuler le miracle en quittant l’autel
(toile dans la basilique Sainte Christine de Bolsena)

   « Mais le sang coulait si abondamment que, durant le trajet de la chapelle à la sacristie, de grosses gouttes tombèrent sur les pierres du pavé. C’est ce qui trahit le prêtre, et le miracle fut bientôt connut dans toute la ville.

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Basilique Sainte Christine de Bolsena : l’une des dalles tachée du sang miraculeux.

   « Le Souverain Pontife résidait alors avec sa cour à Orvieto, à six milles de Bolsena. Le pèlerin alla sans retard se jeter à ses pieds ; il raconta au Pape Urbain IV les épreuves que sa foi avait eu à subir et le miracle provoqué par ses doutes. Puis, muni de la bénédiction apostolique et désormais délivré de toute tentation, il se rendit au tombeau des saints Apôtres pour rendre grâce de ce bienfait et accomplir son vœu.
Le Pape Urbain IV ne resta pas indifférent à cet éclatant prodige. Deux grandes lumières de l’Eglise, saint Thomas d’Aquin et saint Bonaventure, se trouvaient alors à Orvieto ; il les députa sur le champ à Bolsena pour y faire une enquête. La vérité du miracle fut reconnue ; et le Pontife chargea l’évêque d’Orvieto d’aller chercher à l’église Sainte Christine l’adorable Hostie, le corporal et les autres linges ensanglantés. Urbain lui-même, entouré des cardinaux, du clergé et d’une foule immense, sortit en procession solennelle et vint au-devant de ce précieux trésor jusqu’au pont de Rivochiaro, à un quart de mille environ de la ville. Les enfants et les jeunes gens portaient des palmes et des branches d’olivier ; on chantait des hymnes et des cantiques au Dieu du Sacrement. Le Pape s’agenouilla pour prendre les vénérables Mystères et les porta comme en triomphe jusqu’à la cathédrale de Sainte Marie d’Orvieto. »

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Urbain IV accueillant les reliques du miracle de Bolsena pour les conduire à Orvieto.

   Pour compléter le récit du Rd. Père Couet, j’ajouterai les précisions suivantes :

   1) le Pape Urbain IV (1195 – 1264), né Jacques Pantaléon, de Troyes, avait été de 1241 à 1253 archidiacre de Liège : dans cette ville, il avait été été instruit des demandes de Notre-Seigneur concernant l’institution d’une fête en l’honneur du Saint Sacrement, transmises par la moniale augustinienne, sainte Julienne du Mont-Cornillon. Avec d’autres théologiens, il avait authentifié les voies mystiques de Julienne et la fête du Très Saint Sacrement avait été instituée à Liège en 1246 (voir > ici).
Elu au Souverain Pontificat le 19 août 1261, le miracle de Bolsena vint lui rappeler les demandes de Notre-Seigneur que sainte Julienne avait faites connaître ; ainsi, le 11 août 1264, par la bulle Transiturus (texte de cette constitution apostolique > ici), il étendit la fête du Très Saint Sacrement à l’Eglise universelle.
Urbain IV rendit son âme à Dieu quelques mois plus tard, le 2 octobre 1264. 

cathedrale-orvieto Présence réelle

Orvieto : la cathédrale reconstruite à partir de 1290 pour servir d’écrin au corporal du miracle.

   2) La cathédrale d’Orvieto, dans laquelle Urbain IV avait emmenée solennellement l’Hostie miraculeuse et le corporal taché de sang, fut réédifiée d’une manière somptueuse à partir de 1290. Ce linge miraculeux existe toujours ; le reliquaire dans lequel il est exposé (photo ci-dessous) est conçu de telle manière qu’il peut également servir d’ostensoir : un « cercle » d’orfèvrerie le surmonte dans lequel est insérée la lunule avec la Sainte Hostie, et pour la procession de la Fête-Dieu il est porté à travers les rues d’Orvieto au milieu d’un cortège magnifique. 

orvieto-corporal-du-miracle Saint-Sacrement

Orvieto : le corporal miraculeux.

   3) Les dalles du pavement de la basilique Sainte Christine de Bolsena tachées par le sang qui gouttait en abondance de l’Hostie miraculeuse, ont été enlevées du sol. Quatre d’entre elles se trouvent toujours à Sainte Christine : trois sont de simples dalles de pierre et se trouvent enchâssées dans des reliquaires muraux et la quatrième, qui était une pierre tombale, est exposée dans le reliquaire dont la photographie se trouve plus haut. La cinquième – qui est aussi une pierre tombale – a été offerte en 1602 à l’église paroissiale de Porchiano del Monte, où elle est également exposée dans un reliquaire.

* * * * * * *

   En un temps malheureux où de nombreuses erreurs se sont à nouveau introduites dans l’Eglise au sujet du Saint-Sacrifice de la Messe, où la croyance et la dévotion des fidèles envers la Très Sainte Eucharistie a été amoindrie, souvent par la faute de clercs qui manquent eux-mêmes de foi et sont coupables de graves désinvoltures ou manques de respect lorsqu’ils célèbrent les Saints Mystères, le rappel opportun du miracle de Bolsena vient à point nommé pour nous rappeler la foi authentique reçue de la Tradition ininterrompue depuis les Apôtres!

Que toujours soit loué, béni et adoré Jésus présent et vivant dans le Très Saint Sacrement de l’autel !

Lully.                           

                 Voir aussi :
- La biographie de Ste Julienne du Mont-Cornillon > ici
- l‘institution de la Fête-Dieu par Urbain IV et Jean XXII > ici

eucaristia04copie Sainte Julienne du Mont-Cornillon

(*) note : Faut-il le rappeler ? La fête du Très Saint Sacrement est fixée, dans l’Eglise universelle, au jeudi qui suit le dimanche de la Sainte Trinité : c’est une fête d’obligation, qui doit être fériée (canon 1246 §1). En France où – hélas ! – , depuis les limitations des fêtes religieuses imposées par l’impie Napoléon, les lois civiles ne permettent plus aux fidèles de chômer et d’assister à la Messe comme les dimanches et jours de grandes fêtes, la solennité est reportée au dimanche qui suit.

2013-44. Où, à propos de l’anniversaire du trépas du Grand Chanéac, Lully évoque les messes clandestines pendant la grande révolution et présente le calice d’un prêtre réfractaire.

Mercredi 15 mai 2013.

Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,

       Chaque année, à cette date du 15 mai, en notre Mesnil-Marie, nous commémorons avec une grande ferveur et reconnaissance l’anniversaire de la mort du «Grand Chanéac», Jean-Pierre François Chanéac (11 décembre 1759 – 15 mai 1841), « notre » chef chouan local dont j’ai déjà évoqué la figure dans les pages de ce blogue (cf. > ici) et pour la découverte duquel, vous le savez, Frère Maximilien-Marie consacre au cours de l’été des « promenades contées » qui permettent de le mieux connaître (cf. > ici).

2013-44. Où, à propos de l'anniversaire du trépas du Grand Chanéac, Lully évoque les messes clandestines pendant la grande révolution et présente le calice d'un prêtre réfractaire. dans Chronique de Lully 250px-cachet_chouan

   Dans la mémoire locale, le «Grand Chanéac» est resté « le protecteur des bons prêtres » et le « défenseur de la religion ».
En effet, dans cette période malheureuse qui vit la promulgation d’une « constitution civile du clergé » schismatique, la persécution contre les prêtres qui refusèrent le serment exigé par les autorités révolutionnaires, la fermeture des églises et l’abrogation du culte catholique romain, les fidèles des paroisses de nos hautes Boutières – comme aussi en Gévaudan, en Margeride et en Velay -, et cela dans une quasi unanimité, n’acceptèrent pas les lois anti-catholiques de la révolution.

   Alors que l’évêque de Viviers – le très fantasque et rousseauiste Charles-Louis de La Font de Savine – fut du très petit et peu glorieux nombre des évêques qui prêtèrent le serment schismatique, le clergé vivarois dans sa grande majorité se montra plus sensé que son chef : ce sont environ les deux tiers des prieurs, curés et vicaires qui refusèrent le serment impie ou qui ne le prêtèrent qu’avec des restrictions qui le rendaient invalide. De ce fait, ils durent quitter leurs cures et leurs églises.
Quelques uns, comme la loi les y contraignait, prirent le chemin de l’exil ; beaucoup allèrent trouver refuge dans leur famille ou chez des amis ; beaucoup aussi prirent le maquis et continuèrent, tant bien que mal, à diriger leurs paroisses dans la clandestinité, encouragés par «Monsieur Vernet», c’est-à-dire l’abbé Régis Vernet (1760 – 1843), prêtre de Saint-Sulpice, ancien supérieur du grand séminaire de Viviers, qui organisa et dirigea l’église clandestine de Viviers de 1791 à 1801, avec le soutien de Monseigneur Charles-François d’Aviau du Bois de Sanzay (1736-1826), archevêque de Vienne en Dauphiné, lequel, déguisé en colporteur, en perruquier, en manouvrier voire en mendiant, parcourut nos contrées pour y administrer les sacrements de confirmation et d’ordre.

   Dans nos hautes Boutières, partie reculée, escarpée et difficile d’accès du diocèse de Viviers, de très nombreux prêtres vinrent se cacher. La plupart des curés et vicaires de ce territoire des Boutières et de la montagne resta, dans la clandestinité, sur le territoire de leurs paroisses, protégés par leurs fidèles et par les chouans.
Les curés intrus, « jureurs » élus au chef-lieu du département, ne se hasardèrent jamais à venir prendre possession des cures et des églises.
Depuis l’entrée en vigueur de la constitution civile du clergé, jusque au concordat napoléonien, les fidèles ne furent jamais vraiment dépourvus de la Sainte Messe ni des sacrements : les exercices du culte se poursuivirent de manière très régulière dans les maisons particulières, dans les granges, parfois même dans les églises que protégeaient les jeunes gens en armes!

messe-sous-la-terreur grand Chanéac dans Memento

Messe clandestine pendant la grande révolution

   Beaucoup de prêtres qui officiaient dans la clandestinité n’avaient pu emporter avec eux, en quittant leurs églises, tous les objets du culte nécessaires à la célébration des saints mystères. C’est ainsi, en particulier, que furent alors réalisés des calices, patènes et ciboires en étain.

   Normalement (et les lois de l’Eglise actuellement en vigueur sont toujours catégoriques à ce sujet), le calice et la patène doivent être réalisés dans un matériau noble et solide, que l’on ne doit pas pouvoir briser, et – pour le moins – leur revêtement intérieur doit être d’or. En outre, ils doivent être consacrés par un évêque ou par son représentant.
En temps de persécution, par exception, il est toléré que la Sainte Messe puisse être célébrée avec des vases sacrés qui ne sont pas en matière noble et qui sont simplement bénits par un prêtre.

   Quand ils ne disposaient pas de calices et de patènes conformes aux règles canoniques, les prêtres réfractaires firent appel à l’ingéniosité et à l’habileté de quelque fidèle pour confectionner des vases sacrés en étain, avec le métal de ces couverts, écuelles, pichets ou gobelets que l’on pouvait trouver dans beaucoup de maisons.

   Après la révolution, la plupart de ces calices de fortune a été à nouveau fondue : leur non conformité aux règles liturgiques – tolérée en raison des circonstances particulières de la révolution – ne devait pas subsister après le retour à la normalité.
C’est pourquoi, aujourd’hui, le nombre de ces calices ayant servi aux Messes clandestines est relativement peu élevé.

   Aussi, quelle n’est pas notre joie et notre fierté d’en avoir un en notre Mesnil-Marie !
Nous l’avons reçu il y a quelques semaines, et lorsque Frère Maximilien-Marie l’a pris dans ses mains pour la première fois, il en a versé des larmes d’émotion.

En voici la photo :

calice-pretre-refractaire Mesnil-Marie dans Vexilla Regis

   Sa hauteur est de 26,7 cm. Il est donc tout entier en étain, et d’assez belle facture. Sa coupe porte des marques, liées sans doute aux vicissitudes de son histoire propre, que nous ne connaîtrons en totalité qu’au Ciel, lorsque nous communierons à l’omniscience de Dieu!

   Je vous écrivais que la plupart de ces calices ayant servis aux Messes des prêtres réfractaires avait été détruite.
Celui que nous possédons désormais a échappé à cette « régularisation » mais il a été rendu intentionnellement inutilisable, puisque un petit trou, très précis, a été percé dans le fond de la coupe : peut-être fut-ce la condition pour qu’il demeurât? Il ne pouvait plus servir au culte, mais le prêtre qui avait célébré avec pendant ces heures des plus sombres de notre histoire (ou sa famille) pouvait-il (elle) le conserver comme un pieux souvenir de ces temps tragiques.

calice-pretre-refractaire-detail Messes clandestines

Détail du calice : on aperçoit le trou foré dans le fond de la coupe.

   Quoi qu’il en soit, ce calice d’étain est pour nous véritablement une quasi relique, que nous conservons avec autant d’émotion que de dévotion, et il concrétise bien à nos yeux les efforts qui sont les nôtres pour entretenir et faire connaître la vérité sur cette horrible révolution, dont nous ne cessons toujours pas de subir les funestes conséquences.

patteschats Monseigneur d'AviauLully.

Pour aider le Refuge Notre-Dame de Compassion > ici

lys-2 Monseigneur de La Font de Savine

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