2014-29. De l’anniversaire de l’élection du Vénérable Pie XII au Souverain Pontificat.
- 2 mars 1939 -
Le 10 février 1939, dans sa quatre-vingt-deuxième année, s’éteignit le Pape Pie XI : il était resté 17 ans sur le trône de Saint Pierre.
Le conclave destiné à l’élection de son successeur fut convoqué pour le mercredi 1er mars.
Dès 1937, Pie XI avait laissé entendre qu’il souhaiterait avoir pour successeur celui qu’il avait appelé auprès de lui en février 1930 pour être son Secrétaire d’Etat : le cardinal Eugenio Pacelli.
Eugenio Pacelli, né le 2 mars 1876
cardinal du titre des Saints Jean et Paul en 1929
Secrétaire d’Etat de Pie XI en 1930
ici en compagnie de Pie XI en 1931
Les gouvernements français et anglais étaient favorables au cardinal Pacelli, ce qui n’était pas le cas du Troisième Reich et du régime mussolinien, car les dispositions du secrétaire d’Etat au sujet du nazisme et du fascisme étaient clairement connues.
L’ensemble des cardinaux français, à l’exception toutefois du cardinal Eugène Tisserant, semblait acquis à l’idée de l’élection de Pacelli.
Toutefois les pronostiqueurs faisaient remarquer que les chances d’élection pour un non-italien n’avaient jamais été aussi favorables, et qu’aucun secrétaire d’Etat n’avait été élu depuis 1667 (tout comme aucun Romain n’avait été élevé au Souverain Pontificat depuis 1670). A propos de Pacelli, ils rappelaient le proverbe selon lequel « celui qui entre pape au conclave en ressort cardinal ».
Parmi les « papabili » on citait le primat de Pologne August Hlond, l’archevêque de Cologne Karl Joseph Schulte, le camérier français Eugène Tisserant, l’archevêque de Milan Ildefonso Schuster, le patriarche de Venise Adeodato Piazza, et surtout l’évêque de Florence Elia Dalla Costa, favori des Italiens…
Le mercredi 1er mars 1939 donc, les cardinaux, au nombre de soixante-deux furent enfermés en conclave.
Le jeudi 2 mars 1939, au troisième tour de scrutin, Eugenio Pacelli fut élu et, à 17h 30, la fameuse fumée blanche s’éleva du tuyau de poêle sortant du toit de la Chapelle Sixtine.
Il semblerait qu’il avait reçu 35 votes dès le premier tour, 40 au deuxième et 61 au troisième (c’est-à-dire les suffrages de tous les cardinaux sauf le sien propre).
Voici une vidéo, réalisée avec les documentaires cinématographiques de l’époque, qui montre les préparatifs du conclave, l’ « Habemus Papam » et le couronnement de celui qui fut dès lors Sa Sainteté le Pape Pie XII.
Ce document est tout à la fois très émouvant et des plus intéressants, puisqu’il nous replonge dans un univers en quelque sorte disparu et qu’il permet à l’œil averti d’évaluer la dégringolade qui s’est produite depuis :
(faire un clic droit sur l’image ci-dessous, puis « ouvrir dans un nouvel onglet »)
Le nom de Pie, choisi par le 260ème pape, voulait exprimer la continuité avec le précédent pontificat ; il était aussi un hommage aux papes Pie IX sous le règne duquel Eugenio Pacelli était né et que ses parents avaient servi avec dévouement, et Pie X sous lequel sa propre carrière à la Curie avait pris son essor.
Il dira aussi que c’est un nom qui exprime la paix : en latin « pius » ne signifie pas seulement pieux, mais comprend aussi les notions de douceur et de bienveillance. En ce mois de mars 1939, le monde entier pressent et redoute l’éclatement d’un conflit majeur.
2 mars 1939 : dans la Chapelle Sixtine,
après que le cardinal Pacelli a accepté son élection et revêtu les ornements pontificaux,
les cardinaux viennent se prosterner devant lui, baiser sa mule et sa main
et recevoir de lui l’accolade de paix.
Mère Pascaline Lehnert, religieuse de la Sainte-Croix, aide-soignante de Monseigneur Pacelli depuis le temps où il était nonce apostolique à Munich et à laquelle il avait demandé de venir à Rome en 1930 pour être sa gouvernante, a laissé dans ses mémoires un récit de ces jours du conclave : elle raconte comment le cardinal Pacelli, camerlingue de la Sainte Eglise Romaine, fut affecté d’avoir à présider les funérailles de Pie XI auquel une affection filiale l’attachait. Elle explique aussi que le cardinal avait donné l’ordre aux religieuses qui s’occupaient de son appartement de mettre dans des caisses et des valises toutes ses affaires, parce qu’il comptait fermement quitter le Vatican dès la fin du conclave afin d’aller se reposer à Rorchach, dans les Alpes suisses (il avait même déjà obtenu le visa suisse sur son passeport !).
La Révérende Mère Pascaline Lehnert (1894-1983)
gouvernante du cardinal Pacelli puis de Sa Sainteté le Pape Pie XII
Pendant le conclave, le cardinal Pacelli garda son appartement, parce qu’il était inclus dans le périmètre du conclave, et les trois religieuses y étaient enfermées, continuant à faire les bagages de Son Eminence, rangeant ses livres et ses objets personnels dans des caisses. Les fenêtres étaient toutes condamnées – volets cloués – et il était interdit de les ouvrir sous peine d’excommunication.
« Comme le cardinal fut content lorsqu’au soir du 1er mars 1939, après avoir achevé son travail de camerlingue, il put se rendre dans son appartement, y manger et y dormir, bien que toutes les pièces fussent complètement vides (…). Cette dernière soirée avant le jour de l’élection fut comme toutes les autres. Le chapelet récité en commun vint clore pour nous la journée, tandis que le cardinal continua à prier et travailler comme toujours jusqu’au petit matin.
Aux premières heures du 2 mars, nous attendions tous dans l’antichambre de la chapelle pour offrir à Son Eminence nos voeux d’anniversaire. Il n’aimait guère recevoir de félicitations, et ce jour-là se contenta de dire en faisant un geste amical : « Priez, priez, pour que tout se passe bien ! »
Puis ce fut la messe – ici, on avait l’impression que rien ne pouvait affliger le cardinal et qu’il faisait descendre Dieu sur terre. Après le petit déjeuner, il se rendit à la Chapelle Sixtine, comme il se rendait autrefois à l’audience du Saint-Père.
Nous, dans la Cella n°13 ne savions, n’entendions et ne voyions rien de la foule massée sur la place Saint-Pierre ; en effet, tous les volets et toutes les fenêtres étaient fermés. En outre, il était interdit d’y aller. Et puis, il y avait encore beaucoup à faire, car lorsque Son Eminence reviendrait, elle voudrait voir les dernières caisses et valises prêtes. Le gâteau d’anniversaire avec les 63 bougies devrait aussi être prêt, même si elle n’y touchait pas.
Le cardinal revint après le premier scrutin – calme et maître de lui comme toujours. La curiosité nous eût bien fait poser des questions, mais nous ne dîmes pas un mot devant le sérieux et la gravité répandus sur sa personne (…) »
2 mars 1939 : dans la Chapelle Sixtine,
le nouveau Souverain Pontife, revêtu de la falda, de la chape et de la mitre,
assis au trône sur le marchepied de l’autel pour l’hommage des cardinaux.
« Il était environ 17h 30. Nous étions encore tout à fait occupées à ranger et à faire les valises, lorsque, montant de la place Saint-Pierre, nous parvinrent des cris et des applaudissements prolongés. Mais personne n’eût osé aller à une fenêtre et personne ne vint nous dire quoi que ce soit. Nous attendîmes donc – jusqu’à ce que la porte du grand bureau s’ouvrit. Sur le seuil apparut la haute et mince silhouette familière – cette fois-ci vêtus de blanc – , entourée du maître des cérémonies et d’autres prélats, qui, toutefois, se retirèrent aussitôt. – Ce n’était plus le cardinal Pacelli, c’était le pape Pie XII, qui, de retour de la première adoration dans la Sixtine, revenait chez lui.
Qui pourrait oublier un pareil moment ? En pleurant, nous, trois religieuses nous agenouillâmes et baisâmes pour la première fois la main du Saint-Père. Le Saint-Père, lui aussi, avait les yeux humides. Se regardant, il dit simplement : « Voyez ce qu’on m’a fait… ! »
Les mots manquaient – il n’y a pas de mots dans certaines situations – , et il n’y avait pas beaucoup de temps non plus, car déjà les prélats revenaient pour emmener le Saint-Père à la prochaine adoration. »
2 mars 1939 : Sa Sainteté le pape Pie XII qui vient d’être élu
dans les couloirs du conclave avant la première apparition à la loggia de la basilique vaticane.
« Bientôt arrivèrent proches parents et amis intimes, qui voulaient féliciter le Saint-Père. On ne pouvait presque pas parler, pour la raison bien simple que la voix s’y refusait. Et l’on ne pouvait pas non plus retenir ses larmes. On ne savait si ce qui émouvait le coeur était douleur ou joie.
Le Saint-Père fut d’une extrême bonté envers tous ceux qu’il rencontra après son retour à l’appartement. Mais maintenant son visage blême montrait une très grande fatigue. Lorsqu’il put enfin se libérer, il se laissa tomber dans un fauteuil et pendant plusieurs minutes recouvrit son visage de ses deux mains. En toute hâte, nous ressortîmes des paquest ce qui était nécessaire, mais nous étions toutes trop émues pour pouvoir fair du bon travail (…).
La place Saint-Pierre tout entière était encore pleine de gens poussant des acclamations. C’est à ce moment-là seulement que quelqu’un eut l’idée d’ouvrir les volets et de regarder cette marée humaine au-dessus de laquelle avait retenti, il y a peu de temps, pour la première fois, la bénédiction du nouveau pontife. C’était comme si les gens ne pouvaient s’arracher à l’endroit où ils avaient entendu l’heureuse nouvelle. Sans cesse reprenaient les cris de : « Viva il Papa, viva Pio XII. Viva, viva il Papa Romano di Roma ! »
C’étaient les Romains, tout particulièrement, qui étaient heureux de voir à nouveau, après tant de temps, l’un des leurs sur le trône de Pierre !
Il était temps de penser à une petite collation du soir ! Quant à changer de vêtements, le Saint-Père n’en avait pas besoin aujourd’hui, car il n’avait provisoirement qu’une seule soutane (qui ne lui allait d’ailleurs pas du tout). On entendait jusque dans la salle à manger les acclamations montant de la place Saint-Pierre. Après le dîner, auquel Pie XII toucha à peine, on se rendit, comme chaque jour, à la chapelle pour réciter le chapelet. Le seul à pouvoir prier sans s’arrêter, avec calme et recueillement, fut le Saint-Père. Nous autres devions sans cesse nous interrompre, parce que les larmes ne nous permettaient pas de continuer notre prière. Puis, pour la première fois, Sa Sainteté Pie XII nous donna la bénédiction du soir – celle-la même que, neuf années durant, nous avait donné le cardinal Pacelli. Pour nous, la journée était terminée ; pour le Saint-Père, elle continua, même aujourd’hui, et ne s’acheva sans doute, comme à l’accoutumée, qu’à 2h du matin, alors que nous avions déjà plusieurs heures de sommeil derrière nous. »
Pascalina Lenhert (1894-1983)
in « Pie XII – Mon privilège fut de le servir » (ed. Téqui).
Pie XII descendant la Scala Regia porté sur la sedia gestatoria.
On trouvera ci-après une
prière pour demander des grâces par l’intercession du Vénérable Pie XII
et pour obtenir la glorification de ce grand serviteur de Dieu > ici
Rappel :
Célébration du 50ème anniversaire de la mort de Sa Sainteté le Pape Pie XII,
le 9 octobre 2008, homélie de Sa Sainteté le Pape Benoît XVI
et étude apologétique sur ce grand pape > ici
