14 octobre,
Fête de Sainte Angadrême de Renty, vierge ;
Mémoire de Saint Calliste 1er, pape et martyr.

Statue de Sainte Angadrême
église Notre-Dame du Marissel, à Beauvais
La fête de Sainte Angadrême (en latin : Angadrisma, d’où Angadresme, puis aujourd’hui Angadrême) nous ramène au VIIème siècle et nous permet d’admirer l’un des magnifiques fleurons de la sainteté des temps mérovingiens.
Angadrême était la fille unique de Robert (Chrodobertus dans les textes latins : d’où le fait qu’on le trouve aussi nommé Chrodobert ou Chrodebert) resté dans l’histoire sous le nom de Robert le Référendaire.
On ne connaît pas le nom de sa mère.
De même, on ne connaît pas la date de sa naissance, qui doit se situer au plus tard vers 615 selon l’âge qui lui est donné au moment de sa mort. Elle serait née à Thérouanne ou dans les environs : le village de Renty, en Artois, qui est associé au nom de Sainte Angadrême, est situé à un peu plus de quatre lieues à l’ouest de Thérouanne ; ce pourrait être le lieu de sa naissance, ou celui du domaine où elle a grandi.
Par son père, elle appartient à la haute noblesse franque : il est hautement probable que c’est cette lignée de laquelle est issue la famille royale des Robertiens, à laquelle, après Hugues Capet, est attribué le nom de Capétiens.
Robert, dit le Référendaire, exerça cette fonction, qui cumule à peu près les charges de chancelier et de garde des sceaux, pour les Rois Dagobert 1er et Clotaire III (fils de Sainte Bathilde). Ami et disciple de Saint Ouen (v. 603 – 686), fonctionnaire royal puis archevêque de Rouen, Robert, comme lui, embrassera la carrière ecclésiastique et deviendra évêque de Tours et peut-être aussi de Paris.
Robert donna pour précepteur à sa fille Audemar de Thérouanne (600-667) (en latin : Audomarus, aujourd’hui connu comme Saint Omer) : auprès de lui, Angadrême acquit non seulement une vaste culture profane, mais aussi de solides connaissances religieuses et développa une profonde vie spirituelle et une grande piété.
C’est ainsi que, grandissant en âge, en sagesse et en grâce, Angadrême, éprise du Christ, lui voua sa virginité.
Ignorant du vœu de sa fille, Robert avait résolu de la marier à Ansbert, fils du riche et noble Siwin (Silvinus), seigneur de Chaussy dans le Vexin français.
Il se trouve que le jeune homme, lui aussi, à l’insu de sa famille, avait fait vœu de virginité.
Les deux fiancés malgré eux, ayant de toute évidence compris quelle flamme intérieure les animait, s’ouvrirent l’un à l’autre de leur aspiration à la vie consacrée, mais l’un comme l’autre redoutaient de désobéir à leurs pères et de les contrister, en un temps où ces sortes d’engagement revêtaient des importances peu comprises aujourd’hui, et où leur rupture pouvaient avoir de redoutables conséquences.
Ansbert et Angadrême supplièrent Dieu de leur permettre de répondre à leur vocation, et Dieu les exauça d’une surprenante manière : Angadrême, qui était d’une grande beauté, avait demandé : « Que périssent ces charmes qui m’exposent à manquer à mes promesses ! qu’ils soient remplacés par des traits propres à éloigner de moi les vaines adulations des hommes » ; elle eut soudain le visage couvert d’une maladie de peau – qualifiée de lèpre – qui la rendit repoussante, et, les médecins jugeant qu’il n’y avait point de remède à ce mal, les parents durent naturellement convenir que les arrangements qu’ils avaient conclus étaient rendus caducs par cette maladie.
C’est ainsi qu’Ansbert, après avoir dû exercer un temps la charge de référendaire à la cour de Clotaire III, put finalement réaliser sa vocation et entrer à l’abbaye de Fontenelle (aujourd’hui Saint Wandrille). A la mort de Saint Wandrille (+ 668), Lambert, cousin germain d’Angadrême (il était fils d’Erlebert, frère de Robert), fut élu abbé, mais une dizaine d’années plus tard, Lambert fut choisi pour devenir archevêque de Lyon et Ansbert devint le troisième abbé de Fontenelle. A la mort de Saint Ouen (+ 684), à son corps défendant, il fut élu archevêque de Rouen.
Saint Ansbert est fêté le 9 février.
Saint Ouen, Saint Omer, Sainte Bathilde, Saint Lambert, Saint Ansbert… et quelques autres que les limites de cette publication ne me donnent pas le loisir de citer : on est frappé par cette « concentration » de sainteté dans la parenté et l’entourage de celle qui va devenir Sainte Angadrême !

Statue de Sainte Angadrême
cathédrale Saint-Pierre de Beauvais
Certaine qu’elle pourrait désormais accomplir sa vocation, Angadrême avoua à son père : « J’ai pris Jésus-Christ pour époux. Il veut que je n’appartienne à nul autre qu’à Lui. C’est pour me protéger et me défendre qu’Il m’a envoyé cette difformité ». Robert la conduisit lui-même à Rouen devant Saint Ouen qui lui remit le voile des vierges consacrées. Angadrême ne trouva pas seulement la paix et la joie de l’âme dans la reconnaissance de sa vocation et son accomplissement, mais elle fut aussi guérie de sa maladie de peau et retrouva toute sa beauté.
Ce miracle rendit encore plus éclatant l’authenticité de l’appel exclusif de Dieu envers la noble jeune fille.
Vers 660, après avoir vécu de manière exemplaire les vertus religieuses et la discipline communautaire, elle est contrainte d’accepter la charge d’abbesse, dans le monastère de vierges et de veuves que son Père, Robert, avait fait construire à quelque deux lieues de Beauvais, sur la route d’Amiens, entre Guignecourt et Abbeville-Saint-Lucien, à côté de l’oratoire de Saint Evrou (ou Evroult), au lieu-dit Oroër (nom dérivé du verbe latin orare – qui signifie prier – en raison du fait qu’il y avait un grand nombre d’oratoires qui permettaient de faire monter vers le ciel une sorte de louange continue).
Un jour l’oratoire de Saint Evrou fut en proie aux flammes. Angadrême se précipita pour saisir la châsse des reliques de Saint Evrou qu’elle opposa à l’incendie, lequel céda aussitôt.
La tradition rapporte aussi qu’Angadrême, étant allée faire des dévotions dans l’église Saint-Michel de Beauvais (à cette époque la clôture monastique des femmes n’était pas aussi stricte qu’elle le devint par la suite, et les moniales pouvaient sortir pour visiter les pauvres, soigner les malades et accomplir des pèlerinages) et y trouvant la lampe du Saint Sacrement éteinte, alla demander du feu à un boulanger voisin. Celui-ci, importuné, lui jeta violemment des charbons ardents qu’elle reçut dans ses habits sans qu’ils brûlassent. Effrayé, le boulanger se prosterna à ses pieds.
C’est cet événement qui fit que lorsque le monastère d’Oroër fut détruit par les normands (en l’an 851), on choisit de transférer les reliques de Sainte Angadrême dans l’église Saint-Michel plutôt qu’à la cathédrale (malheureusement cette église Saint-Michel fut à son tout détruite en 1810).
Ces deux faits – l’incendie de l’oratoire de Saint Evrou et le miracle des charbons ardents lancés par le boulanger – font que Sainte Angadrême est très spécialement invoquée contre les incendies et les méfaits du feu.

La prière de Sainte Angadrême préservant Beauvais de l’incendie
Tableau de la cathédrale Saint-Pierre de Beauvais
attribué à Claude François, dit Frère Luc (1614-1685)
Dans son monastère, Angadrême conduisit ses compagnes à la vertu bien plus par la force de ses exemples que par l’autorité de son commandement. En effet, ses compagnes, la voyant si assidue à la prière, si humble dans son gouvernement, si modeste dans sa tenue et sa vêture, ayant grand soin des pauvres et des nécessiteux, toujours attentive aux détresses spirituelles de ses sœurs, et utilisant un langage nourri par la méditation des saintes Ecritures pour les entraîner à l’amour de Dieu, voulurent la garder comme abbesse pendant plus de trente années !
Elle, toujours plus humble, leur tiendra ce langage au moment où elle allait recevoir les derniers sacrements : « Sur le point de recevoir mon Dieu et mon juge, moi, votre indigne abbesse, je vous demande pardon de tous les mauvais exemples que j’ai pu vous donner, et des peines dont j’ai été pour vous la cause. Je ne mérite pas ce pardon, je le sais ; mais vous aurez pitié de moi et de mes faiblesses ».
Elle rendit son âme à Dieu un 14 octobre, probablement en 695, âgée de plus de 80 ans.
Après sa mort, des miracles éclatants eurent lieu sur sa tombe, qui devint donc un lieu de pèlerinage, jusqu’à ce que les Normands détruisissent le monastère (il sera reconstruit ailleurs près de deux-cents ans plus tard), ce qui fut, comme nous l’avons dit plus haut, l’occasion du transfert de ses reliques dans l’église Saint-Michel de Beauvais.
La ville de Beauvais, en revanche, fut protégée du pillage et de la destruction des Normands, et depuis lors, Sainte Angadrême est la patronne principale de la ville (et la patronne secondaire du diocèse de Beauvais-Noyon-Senlis).
Cette protection se fit sentir d’une manière toute particulière lors de la guerre de Cent-Ans. En 1472, Beauvais fut assiégée par plus de 80.000 Bourguignons (alliés des Anglais), conduits par Charles le Téméraire.
La ville est à toute extrémité, les assiégés sont épuisés. C’est alors que les jeunes filles de Beauvais courent à l’église Saint-Michel et se chargent de la châsse de Sainte Angadrême qu’elles portent en procession sur les remparts : à cette vue, le courage renaît et une force quasi surnaturelle saisit les défenseurs : une ardeur guerrière s’empare des femmes elles-mêmes et, au plus fort du combat, au moment où un soldat bourguignon va planter son étendard sur le sommet du rempart où il vient de parvenir, une jeune fille, Jeanne Laîné (ou Laisné), l’abat avec une hachette. L’étendard bourguignon tombe dans le fossé, les défenseurs sont galvanisés et reprennent l’avantage.
Repoussés de toutes parts, les Bourguignons s’enfuient, laissant plus de 3.000 cadavres ou blessés, tandis qu’on ne déplore la perte que de 80 combattants parmi les Beauvaisiens, convaincus que la protection de Sainte Angadrême a été leur salut.
Jeanne Laîné ne sera plus désormais appelée que Jeanne Hachette.
Louis XI ordonna que chaque année, le dimanche le plus proche du 27 juin (jour de cette victoire), fut célébrée une procession solennelle pour rappeler la protection de Sainte Angadrême et la mémoire de l’héroïque Jeanne Hachette.
Cette procession fut accomplie jusqu’à la révolution qui l’abolit. Rétablie en 1805, elle fut supprimée par la « monarchie de juillet », à nouveau rétablie après la révolution de 1848 jusqu’en 1885 où les lois anti-catholiques de la république vont d’abord entraîner la dissociation (un cortège laïc nommé « fête de Jeanne Hachette » d’une part, et la procession religieuse avec la châsse de Sainte Angadrême d’autre part) puis la disparition pure et simple de la procession religieuse après les lois dites de « séparation ».

Les jeunes filles de Beauvais portant la châsse de Sainte Angadrême le 27 juin 1472
et l’héroïsme de Jeanne Hachette
(détail d’un tableau de la chapelle de Sainte Angadrême dans la cathédrale Saint-Pierre de Beauvais)

Prière à Sainte Angadrême
pour lui demander
la fidélité dans notre quête de la perfection
Nous recourrons à vous, puissante Sainte Angadrême, et nous vous supplions de nous assister de vos prières dans les nécessités de notre vie chrétienne :
- dès votre enfance, vous avez compris qu’il ne fallait rien préférer à l’amour de Jésus-Christ et vous êtes demeurée inébranlable dans votre résolution malgré les oppositions qu’elle rencontrait : aidez-nous à demeurer fidèles à nos devoirs de chrétiens, aux promesses de notre baptême, à nos engagements de piété et de charité, aux exigences de notre devoir d’état, et, ainsi, à croître chaque jour dans la pratique de l’amour de Dieu ;
- vous avez préféré sacrifier votre beauté et une situation enviée plutôt que de renier vos engagements : enseignez-nous à être généreux dans la pratique des renoncements qui s’imposent pour demeurer fidèles aux exigences de notre vocation chrétienne ;
- vous avez vécu humblement les vertus évangéliques dans l’obscur quotidien de la vie monastique : apprenez-nous à être fidèles dans les petites choses que nous imposent nos devoirs de chaque jour, en les accomplissant avec beaucoup d’exactitude et sans lassitude, avec l’esprit qui convient aux actions héroïques les plus éclatantes ;
- vous avez combattu les flammes de l’incendie par la prière et la foi dans l’intercession des saints : communiquez-nous votre ardeur pour nous opposer aux flammes des passions mauvaises et à la contagion du mal ;
- vous avez entendu les prières et les supplications de ceux qui criaient vers vous à l’heure du péril : soutenez notre espérance et fortifier notre confiance pour que nous ne nous découragions jamais, et puissions parvenir au bonheur éternel du ciel en votre compagnie et celle de tous les saints, dans la vision de Dieu Notre-Seigneur !
Ainsi soit-il.
(prière composée par Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur)
