Archive pour la catégorie 'Chronique de Lully'

2023-7. « Cette gloire que les Mages saluaient dans l’avenir, nous la voyons dans le présent ! »

10 janvier,
5ème jour dans l’octave de l’Epiphanie ;
Anniversaire de la naissance de Sainte Philomène (cf. > ici).

       Nous continuons notre progression dans l’étude des sermons de notre Bienheureux Père Saint Augustin pour l’Epiphanie : ce cinquième sermon, se fondant sur les précédents approfondissements, nous apporte encore quelques lumières nouvelles.

étoile resplendissante

Sermon CCIII de notre Bienheureux Père Saint Augustin

cinquième sermon pour l’Epiphanie

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§ 1 – Sens du mot Epiphanie et de cette fête.

   Le mot Epiphanie, qui vient du grec, peut se traduire par manifestation. C’est donc pour S’être aujourd’hui manifesté aux Gentils que le Rédempteur de tous les Gentils a établi cette fête pour la Gentilité tout entière ; et après avoir, il y a quelques jours, célébré Sa naissance, nous célébrons aujourd’hui Sa manifestation.
Né il y a treize jours, Jésus-Christ Notre-Seigneur a été aujourd’hui même, dit la tradition, adoré par les Mages. L’adoration a eu lieu : nous en avons pour garant la vérité évangélique.
Quel jour a-t-elle eu lieu ? Une fête aussi solennelle le proclame partout avec autorité.

§ 2 – C’est à cette date que des hommes issus de la Gentilité ont commencé à être chrétiens, aussi l’Epiphanie est-elle une fête tout particulièrement importante pour l’Eglise, puisque c’est le jour où les chrétiens issus du Judaïsme et ceux issus de la Gentilité deviennent une seule Eglise dans le Christ Pierre angulaire. 

   Puisque les Mages ont connu, les premiers d’entre les Gentils, Jésus-Christ Notre-Seigneur ; puisque, sans avoir encore entendu Sa parole, ils ont suivi l’étoile qui leur a apparu (Matth. II, 1-12), et dont l’éloquence céleste et visible leur a tenu lieu de la parole du Verbe encore enfant ; ne semblait-il pas, n’était-il pas véritablement juste que les Gentils vissent avec reconnaissance le jour où fut accordée la grâce du salut aux premiers d’entre eux, et qu’ils le consacrassent à Notre-Seigneur Jésus-Christ pour Le remercier et Le servir solennellement ?
Les premiers d’entre les Juifs qui furent appelés à la foi et à la connaissance du Christ, sont ces pasteurs qui, le jour même de Sa naissance, vinrent de près Le contempler. Ils y furent invités par les Anges, comme les Mages par une étoile. Il leur fut dit : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux » (Luc II, 14) ; et pour les Mages s’accomplit cet oracle : « Les cieux racontent la gloire de Dieu » (Ps. XVIII, 2). Les uns et les autres, toutefois, furent comme les premières pierres de ces deux murs de direction différente, la 
circoncision et l’incirconcision ; ils coururent se réunir à la Pierre angulaire, afin d’y trouver la paix et de se confondre dans l’unité (Ephés. II, 11-22).

§ 3 - Si les Juifs ont eu le privilège d’avoir été appelés les premiers à cette grâce, les Gentils semblent, d’après l’Ecriture, y avoir apporté une humilité plus profonde.

   Cependant les premiers louèrent Dieu de ce qu’ils avaient vu le Christ, et non contents d’avoir vu le Christ les seconds L’adorèrent.
Les uns furent appelés les premiers à la grâce, les autres montrèrent une humilité plus profonde.
Ne dirait-on pas que, moins coupables, les bergers ressentaient une joie plus vive du salut qui leur venait du ciel, tandis que, plus chargés de crimes, les Mages imploraient plus humblement le pardon ?
Aussi les divines Ecritures montrent-elles dans les Gentils plus d’humilité que dans les Juifs. N’était-il pas gentil ce centurion qui après avoir fait au Seigneur un accueil si cordial, se proclama indigne de Le recevoir dans sa demeure, ne voulut pas qu’Il y vînt voir son serviteur malade, mais seulement qu’Il décrétât sa guérison (Matth, VIII, 5-10), Le retenant ainsi dans son cœur, quand pour L’honorer davantage il L’éloignait de sa demeure ? Aussi le Seigneur s’écria-t-Il : « Je n’ai pas découvert une telle foi en Israël ». N’était-elle pas une gentille aussi, cette Chananéenne qui après avoir entendu le Seigneur la traiter de chienne, et déclarer qu’elle n’était pas digne qu’on lui jetât le pain des enfants, ne laissa pas de demander les miettes qu’on ne refuse pas à une chienne, méritant ainsi de n’être plus ce qu’elle ne nia point avoir été ? Elle aussi entendit le Seigneur S’écrier : « ô femme, que ta foi est grande » (Matth. XV, 21-28). Oui, parce qu’elle s’était rapetissée elle-même, l’humilité avait agrandi sa foi.
Ainsi donc les bergers viennent de près voir le Christ, et les Mages viennent de loin L’adorer.
Cette humilité a mérité au sauvageon d’être greffé sur l’olivier franc et, contre sa nature, de produire des olives véritables (Rom. XI, 17) ; la grâce changeant ainsi la nature.

§ 4 – Ici Saint Augustin se livre à une interprétation symbolique fondée sur la numérologie sacrée qu’il affectionne particulièrement : les quatre points cardinaux, les trois Personnes divines, les détails de la vision de Saint Pierre, le nombre des Apôtres… Ainsi les douze jours qui se sont écoulés entre la naissance du Sauveur et l’adoration des Mages, paraissent désigner que les Gentils devaient se convertir dans le monde entier.

   Le monde entier était couvert de ces sauvageons amers ; et une fois greffé par la grâce le monde entier s’est adouci et éclairé. Des extrémités de la terre accourent des hommes qui disent avec Jérémie: « Il n’est que trop vrai, nos pères ont adoré le mensonge » (Jérem. XVI, 19). Et ils viennent, non pas d’un côté seulement, mais comme l’enseigne l’Evangile de saint Luc, « de l’Orient et de l’Occident, du Nord et du Midi », pour prendre place avec Abraham, Isaac et Jacob, au festin du Royaume des cieux (Luc XIII, 29).
Ainsi c’est des quatre points cardinaux que la grâce de la Trinité appelle à la foi l’univers entier.
Or ce nombre quatre multiplié par trois, est le nombre sacré des douze Apôtres, lesquels paraissaient figurer ainsi que le salut serait accordé aux quatre parties du monde 
par la grâce de l’auguste Trinité. Ce nombre était marqué aussi par cette nappe immense que saint Pierre aperçut, remplie de toutes sortes d’animaux (Act. X, 11), représentant tous les Gentils. Suspendue aux quatre coins elle fut à trois reprises descendue du ciel puis remontée : trois fois quatre font douze. Ne serait-ce pas pour ce motif que durant les douze jours qui suivirent la naissance du Seigneur, les Mages, les prémices de la Gentilité, furent en marche pour aller voir et adorer le Christ, et méritèrent d’être sauvés eux-mêmes ainsi que d’être le type du salut de tous les Gentils ?

§ 5 – Magnifique conclusion : les Mages sont nos pères dans la foi, et ce dont ils furent les prémices, nous en voyons l’accomplissement dans la diffusion de l’Eglise parmi tous les peuples.

   Ah ! célébrons donc ce jour encore avec la plus ardente dévotion ; si nos pères dans la foi ont adoré le Seigneur Jésus couché dans un humble réduit, nous aussi adorons-Le maintenant qu’Il habite au ciel. Car cette gloire que les Mages saluaient dans l’avenir, nous la voyons dans le présent. Les prémices des Gentils adoraient l’Enfant attaché au sein de Sa Mère ; les Gentils adorent aujourd’hui le Triomphateur siégeant à la droite de Dieu Son Père.

Adoration des Rois - Vitrail St-Pierre Mâcon

L’adoration des Rois Mages
(Mâcon – église Saint-Pierre)

2023-6. « Il ne nous reste plus qu’à suivre un chemin nouveau, qu’à ne retourner point par où nous sommes venus… »

9 janvier,
4ème jour dans l’octave de l’Epiphanie ;
Fête de la Bienheureuse Pauline-Marie Jaricot, vierge (cf. > ici).

    Saint Augustin insiste abondamment sur les mêmes thèmes dans ses sermons pour l’Epiphanie : c’est « la même chose », mais avec des nuances particulières à chaque fois, qui permettent de comprendre comment s’opérait la « rumination » de la Sainte Ecriture qui se faisait dans l’âme de ce grand contemplatif qu’était le saint évêque, son acharnement pour aller jusqu’au bout de l’approfondissement de tout ce que les textes sacrés peuvent nous faire comprendre des desseins divins.

Gravure de l'adoration des Rois - XVIIIème siècle

Sermon CCII de notre Bienheureux Père Saint Augustin

quatrième sermon pour l’Epiphanie de Notre-Seigneur

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§ 1 – C’est aujourd’hui que, représentants de la Gentilité, les Mages viennent, après les bergers juifs, s’unir à Jésus-Christ, et fonder ainsi l’unité de l’Eglise.

   Quelle joie nous apporte, dans l’univers entier, la solennité de ce jour ? Que nous rappelle le retour de cet anniversaire ? L’époque où nous sommes demande que je l’expose par ce discours, qui revient également chaque année. Le mot grec Epiphanie peut se rendre dans notre langue par celui de manifestation. C’est à pareil jour en effet, croit-on, que les Mages sont venus adorer le Seigneur, avertis par l’apparition d’une étoile et conduits par sa marche. Le jour même de la nativité ils virent cette étoile en Orient et comprirent de qui elle annonçait l’avènement. A dater de ce jour jusqu’à celui-ci ils franchirent la distance, effrayèrent Hérode par la nouvelle qu’ils lui apprirent ; et lorsque les Juifs interrogés par eux leur eurent répondu, d’après les prophéties de l’Écriture, ils surent que le Seigneur était né dans la ville de Bethléem. Conduits ensuite par la même étoile, ils arrivèrent près du Seigneur Lui-même : après L’avoir reconnu ils L’adorèrent, Lui offrirent de l’or, de l’encens et de la myrrhe, puis retournèrent par un autre chemin (cf. Matth. II, 1-12). Il est vrai, le jour même de Sa naissance Il Se manifesta aux bergers qu’Il fit avertir par un ange ; le même jour encore il Se fit annoncer par l’étoile, au loin, en Orient, aux Mages ; mais c’est aujourd’hui seulement qu’Il a été adoré par eux. Si donc toute l’Église des Gentils a voulu célébrer ce jour avec une grande dévotion, n’est-ce point parce que les Mages étaient les prémices de la gentilité ? Les bergers étaient Israélites, les Mages Gentils ; les premiers étaient près, les seconds éloignés ; mais les uns comme les autres accoururent se joindre à la même Pierre angulaire. « Ainsi en venant Il a annoncé la paix, comme dit l’Apôtre, et à nous qui étions loin, et à ceux qui étaient près. Car c’est Lui qui est notre paix, Lui qui des deux en a fait un, Lui qui les a établis tous deux en Lui, pour fonder sur l’unité l’homme nouveau, pour mettre la paix ; de plus Il a changé ces deux peuples réunis en un seul corps, en les réconciliant avec Dieu et en détruisant leurs inimitiés dans sa propre personne » (Ephés. II, 11-22).

§ 2 – Les Donatistes ne veulent pas de cette fête. C’est pourtant aujourd’hui que le Sauveur « enlève glorieusement les dépouilles de Damas et de Samarie ».

   On comprend pourquoi les Donatistes n’ont jamais voulu célébrer avec nous cette fête : ils n’aiment pas l’unité et ne sont pas en communion avec l’Église d’Orient, où se montra cette étoile. Pour nous, au contraire, honorons en demeurant dans l’unité catholique, ce jour où Se révéla notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, et où Il recueillit en quelque sorte les prémices de la gentilité. N’est-ce pas alors que, selon l’oracle d’un prophète, avant de pouvoir bégayer encore les noms de son père et de sa mère (Isaïe VIII, 4) – en d’autres termes, avant de pouvoir, comme fils de l’homme, articuler aucune parole humaine -, Il S’empara des dépouilles de Samarie et de la puissance de Damas, de ce qui faisait la gloire de cette ville ? Jouissant, à une certaine époque, de ce que le monde appelle prospérité, Damas s’était enorgueillie de ses richesses. Mais les richesses sont représentées par l’or principalement, et les Mages offrirent avec humilité de l’or au Christ. Quant aux dépouilles de Samarie, il faut entendre par là ceux qui l’habitaient ; car Samarie est ici l’emblème de l’idolâtrie, à laquelle s’était livré dans ses murs le peuple d’Israël en se séparant du Seigneur. Avant donc de marcher, avec le glaive spirituel, contre le royaume du démon établi par tout l’univers, le Christ encore enfant enleva à sa domination ces premières dépouilles de l’idolâtrie ; détachant les Mages de cette superstition contagieuse après les avoir déterminés à L’adorer Lui-même ; leur parlant du haut du ciel par le moyen d’une étoile, avant de parler sur la terre par l’organe humain de la pensée ; leur apprenant en même temps, non par la bouche, mais par l’impression du Verbe fait chair, qui Il était, dans quelle région et en faveur de qui Il était venu au monde.

§ 3 - Si le Fils de Dieu venu en notre chair semble donner des marques de faiblesse, c’est pour nous enseigner l’humilité.

   Car ce même Verbe qui, dès le commencement, était Dieu, en Dieu, et qui venait de Se faire chair pour habiter parmi nous, était en même temps près de nous et dans le sein de Son Père, ne quittant point les anges dans le ciel, et sur la terre nous attirant à Lui par le moyen des anges ; faisant, par Son Verbe, briller l’immuable vérité aux yeux des habitants des cieux, et obligé, par l’étroitesse de l’étable, de demeurer couché dans une crèche ; montrant dans le ciel une étoile nouvelle, et Se présentant Lui-même aux adorations de la terre. Et néanmoins cet Enfant si puissant, ce Petit si grand, S’enfuit en Egypte porté sur les bras de Ses parents, pour échapper à l’inimitié d’Hérode. Ainsi disait-Il à Ses membres, non par Ses paroles, mais par Ses actions et en gardant le silence : « Si on vous persécute dans une ville, fuyez dans une autre » (Matth. X, 23). Pour nous servir en effet de modèle, ne s’était-Il point revêtu d’une chair mortelle, d’une chair où Il devait souffrir pour nous la mort au temps convenable ? Aussi les Mages Lui avaient-ils offert, non-seulement de l’or pour L’honorer et de l’encens pour L’adorer, mais encore de la myrrhe pour témoigner qu’on devait L’ensevelir un jour. Il fit voir aussi, dans la personne des petits enfants mis à mort par Hérode, ce que devaient être, quelle innocence et quelle humilité devaient avoir ceux qui mourraient pour Sa gloire. Car les deux ans qu’ils avaient rappellent les deux commandements qui comprennent toute la Loi et les Prophètes (Matth. XXII, 37-40).

§ 4 - Et s’il veut que les Mages interrogent les Juifs et retournent par un autre chemin, c’est pour nous rappeler la docilité à sa parole, à laquelle les Juifs se sont soustraits. Les Saintes Ecritures que les Juifs, devenus ennemis du Christ, conservent néanmoins attestent de la vérité des prophéties.

   Mais qui ne se demande avec surprise pourquoi les Juifs, questionnés par les Mages, leur firent connaître d’après l’Ecriture en quel lieu devait naître le Christ, sans aller L’adorer avec eux ? Ce phénomène ne se reproduit-il pas encore aujourd’hui sous nos yeux, puisque les pratiques religieuses auxquelles se soumettent ces cœurs durs ne prêchent que le Christ en qui ils refusent de croire ? Quand aussi ils immolent et mangent l’Agneau pascal (cf. Exod. XII, 9), ne montrent-ils pas le Christ aux Gentils, sans pourtant L’adorer avec eux ? Et quand rencontrant des hommes qui se demandent si les passages des Prophètes relatifs au Christ n’ont pas été composés après coup par des chrétiens, nous les renvoyons aux exemplaires que les Juifs ont en main, afin de dissiper leur doute ; alors encore n’est-ce pas les Juifs qui montrent le Christ aux Gentils sans vouloir L’adorer avec eux ?

§ 4 - Le Sauveur en ce mystère nous enseigne aussi l’esprit de pénitence, nécessaire aux vrais membres de son Eglise, et la nécessité de la conversion.  

   Pour nous, mes biens-aimés, dont les Mages étaient comme les prémices ; pour nous qui sommes l’héritage de Jésus-Christ jusqu’aux extrémités de la terre ; pour nous en faveur de qui une partie d’Israël est tombée dans l’aveuglement jusqu’à ce que soit entrée la plénitude des Gentils (Rom. XI, 25) ; pour nous qui connaissons Notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, et qui savons qu’afin de nous consoler Il a été jeté dans un étroit réduit et qu’Il trône au ciel pour nous élever jusqu’à Lui, ayons soin, en Le prêchant sur cette terre, dans ce pays où vit notre corps, de ne pas repasser par où nous sommes venus, de ne pas reprendre les traces de notre première vie. Voilà pourquoi les Mages ne retournèrent point par le chemin qui les avait amenés. Changer de chemin, c’est changer de vie. A nous aussi les cieux ont raconté la gloire de Dieu (Ps. XVIII, 2) ; nous aussi nous avons été amenés à adorer le Christ par la vérité qui brille dans l’Evangile, comme brillait l’étoile dans le ciel ; nous aussi nous avons prêté une oreille docile aux prophéties publiées par les Juifs, au témoignage rendu par ces Juifs qui ne marchent pas avec nous ; nous aussi nous avons vu dans le Christ notre Roi, notre Pontife et la Victime immolée pour nous, et nos louanges ont été pour Lui comme une offrande d’or, d’encens et de myrrhe : il ne nous reste donc plus qu’à suivre un chemin nouveau, pour publier Sa gloire, qu’à ne retourner point par où nous sommes venus.  

Gravure de l'adoration des Rois - XVIIIème siècle - détail

2023-5. « C’est Dieu qui nous éclaire par le moyen de nos ennemis ! »

8 janvier,
3ème jour dans l’octave de l’Epiphanie.

       Continuons notre approfondissement du mystère de l’Epiphanie à travers la lecture et la méditation des sermons de notre Bienheureux Père Saint Augustin prononcés à l’occasion de cette fête pour l’instruction des fidèles d’Hippone, qu’il portait à des réflexions profondes sur le salut de l’humanité…

Notre-Dame de Paris - portail Sainte Anne - tympan - les Mages chez Hérode

Les Rois Mages à la cour d’Hérode s’enquièrent du lieu de la naissance du Roi des Juifs
les docteurs de Jérusalem consultent les Saintes Ecritures
(Cathédrale Notre-Dame de Paris, tympan du portail Sainte Anne)

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 Sermon CCI de notre Bienheureux Père Saint Augustin :

troisième sermon pour l’Epiphanie

§ 1 – Saint Augustin, qui dans les deux premiers sermons pour la fête de l’Epiphanie a déjà mis ce mystère de la vie de Notre-Seigneur en lien avec le texte de Saint Paul où ce dernier évoque la réunion des anciens Juifs et des anciens Gentils dans le Christ qui les unit, revient encore sur ce passage dès l’introduction de ce troisième sermon :

     Il y a quelque jours seulement nous célébrions la naissance du Seigneur ; nous célébrons aujourd’hui, à aussi juste titre, le jour solennel où Il commença à Se révéler aux Gentils. Des bergers juifs l’autre jour Le contemplèrent aussitôt qu’Il fut né ; des Mages venus d’Orient L’adorent aujourd’hui. C’est qu’en naissant Il était déjà cette Pierre angulaire sur laquelle devaient reposer les deux murailles de la circoncision et de l’incirconcision, accourant vers Lui de directions fort opposées afin de s’unir en Lui, en Lui devenu notre paix pour n’avoir fait qu’un peuple des deux (Ephés. II, 11-22). C’est ce qu’ont figuré les bergers parmi les Juifs, et les Mages parmi les Gentils ; en eux a commencé ce qui devait se développer et s’étendre dans l’univers entier. Ainsi donc célébrons avec une joie vive et toute spirituelle ces deux jours de la Nativité et de la Manifestation de Notre-Seigneur.

§ 2 – Il met en parallèle la perfidie, c’est-à-dire la transgression de la foi, de ceux qui avaient reçu toutes lumières par les Saintes Ecritures et qui n’ont pas obéi à ce que Dieu leur avait révélé, et l’obéissance des Mages païens au signe providentiel qui leur fut donné dans l’étoile miraculeuse :

   C’est à la voix d’un ange que les bergers juifs accoururent à Lui, et les Mages de la gentilité à l’indication d’une étoile. Cette étoile couvre de confusion les vains calculs et les conjectures des astrologues, puisqu’elle conduit les adorateurs des astres à adorer plutôt le Créateur du ciel et de la terre. C’est Lui en effet qui fit briller en naissant cette étoile nouvelle, comme Il obscurcit en mourant le soleil déjà si ancien. A cette lumière commença la foi des Gentils, comme à ces ténèbres s’accusa la perfidie des Juifs.
Qu’était-ce donc que cette étoile que jamais auparavant on n’avait aperçue parmi les astres, et qu’on ne put plus signaler ensuite ? Qu’était-elle, sinon le langage magnifique du ciel racontant la gloire de Dieu, publiant, par son éclat tout nouveau, l’enfantement nouveau d’une Vierge et préludant à l’Evangile qui devait la remplacer dans l’univers entier quand elle aurait disparu ?
Qu’est-ce aussi que dirent les Mages en arrivant ? « Où est le Roi des Juifs qui vient de naître ? » Quoi ! n’était-Il pas né auparavant bien des rois des Juifs ? Comment se fait-il que des étrangers désirent avec tant d’ardeur connaître et adorer Celui-ci ? « Nous avons vu, disent-ils, Son étoile en Orient, et nous sommes venus L’adorer » (Matth. II, 2). Le chercheraient-ils avec tant d’ardeur, désireraient-ils L’adorer avec une piété si affectueuse, si dans ce Roi des Juifs ils ne voyaient en même temps le Roi des siècles ?

§ 3 – Saint Augustin insiste sur le fait que les Mages utilisent le terme « Roi des Juifs » que Pilate fera inscrire sur le titre de la croix : il en tire des considérations pertinentes sur la conversion des païens au Dieu unique dont la révélation avait été confiée au peuple israélite, et sur la transgression de ce dernier :

   Aussi Pilate avait-il reçu comme un souffle de vérité, quand au jour de Sa Passion il écrivit ainsi Son titre : « Roi des Juifs », titre que les Juifs s’efforcèrent de corriger au lieu de se corriger eux-mêmes. « Ce que j’ai écrit, je l’ai écrit », leur répondit Pilate (Jean, XIX, 19, 22) ; car il avait été dit, dans un psaume prophétique : « Ne change rien aux mots écrits du titre » (Ps. LVI, 1). Mais étudions ce grand et merveilleux mystère.
Les Mages étaient des gentils, et Pilate également gentil : les premiers virent l’étoile dans le ciel, le second grava le titre sur la croix ; mais tous cherchaient ou reconnaissaient dans Jésus, non pas le Roi des Gentils, mais le Roi des Juifs.
Quant aux Juifs mêmes on ne les vit ni suivre l’étoile, ni adopter le titre. Ah ! c’était l’emblème de ce que devait dire plus tard le Seigneur en personne : « Beaucoup viendront d’Orient et d’Occident et prendront place au festin avec Abraham, Isaac et Jacob dans le Royaume des cieux ; tandis que les enfants du royaume s’en iront dans les ténèbres extérieures » (Matth. VIII, 11-12). Les Mages effectivement vinrent d’Orient et Pilate d’Occident ; voilà pourquoi les uns rendirent témoignage au Roi des Juifs à Son lever, c’est-à-dire à Sa naissance ; et l’autre à Son coucher, c’est-à-dire à Sa mort ; afin de prendre place au festin du Royaume des cieux avec Abraham, Isaac et Jacob, dont les Juifs étaient issus, et sur lesquels ils étaient eux-mêmes entés par la foi sans en descendre par la chair : c’était donc déjà l’emblème du sauvageon dont parle l’Apôtre, qui devait se greffer sur l’olivier franc (Rom, XI, 24).
Si donc ces Gentils ne cherchaient ni n’adoraient le Roi des Gentils mais le Roi des Juifs, c’est que le sauvageon devait être greffé sur l’olivier et non l’olivier sur le sauvageon. De plus, lorsque les Mages demandèrent où devait naître le Christ, les rameaux qui devaient être rompus, les Juifs infidèles, répondirent : « A Bethléem de Juda » (Matth. II, 5) ; et quand Pilate leur reprocha de vouloir faire crucifier leur Roi, leur animosité contre Lui se montra de plus en plus opiniâtre.
Si donc les Mages durent aux Juifs, qui leur firent connaître le lieu de la naissance du Christ, de pouvoir L’adorer, c’est que l’Ecriture, confiée d’abord aux Juifs, nous Le révèle à nous-mêmes ; et si Pilate, le représentant des Gentils, se lava les mains pendant que les Juifs demandaient la mort du Sauveur, c’est que le sang versé par eux nous sert pour nous purifier de nos péchés.
Mais nous traiterons ailleurs, au temps même de la Passion, du témoignage que rendit Pilate en écrivant au haut de la croix que Jésus était le Roi des Juifs.

§ 4 – La disparition de l’étoile miraculeuse entrait dans un dessein divin : d’une part amener les anciens païens aux Ecritures confiées à Israël, et d’autre part manifester de manière pérenne l’apostasie d’Israël, dont l’incrédulité rend témoignage à la foi embrassée par les peuples issus de la Gentilité.

   Achevons ce que nous avons encore à dire de la manifestation, ou, comme parlent les Grecs, de l’Epiphanie du Sauveur, lorsque après Sa naissance Il commença à Se révéler aux Gentils et qu’Il reçut les adorations des Mages.
Nous ne saurions nous lasser de considérer comment les Juifs répondirent aux questions des Mages sur le lieu où devait naître le Christ, lorsqu’ils leur dirent que c’était « à Bethléem de Juda », sans néanmoins venir eux-mêmes vers Lui ; comment encore l’étoile reparut, quand les Mages eurent quitté les Juifs, et les conduisit jusqu’au lieu où était l’Enfant divin : n’était-ce pas faire entendre clairement qu’elle pouvait aussi bien leur indiquer la ville de Bethléem, et que si elle disparut un moment c’était pour les porter à s’adresser aux Juifs ? Si donc les Juifs furent interrogés, c’était pour enseigner qu’ils étaient dépositaires des divins oracles, moins pour leur propre salut que pour le salut et l’instruction des Gentils ; et si ce peuple reste expulsé de son pays et dispersé dans le monde, c’est pour le forcer de rendre témoignage à la foi même dont il est l’ennemi. Sans temple, sans sacrifice, sans sacerdoce, sans empire, quelques rites anciens lui suffisent pour maintenir son nom et sa nationalité, l’empêchent de disparaître en se confondant complètement avec les peuples parmi lesquels il est répandu, et de perdre le témoignage qu’il rend à la vérité. C’est Caïn recevant au front un signe qui empêche de le mettre à mort, quoique par orgueil et par envie il ait donné la mort au juste, son frère (Gen. IV, 1-15).
On peut, avec quelque vraisemblance, interpréter dans ce sens un passage du psaume cinquante-huitième, où le Christ dit au nom de Son corps mystique : « Mon Dieu m’a dit, au sujet de mes ennemis : Ne les fais pas mourir, dans la crainte qu’on n’oublie un jour ta loi » (Ps. LVIII, 12). Ces ennemis de la foi chrétienne ne montrent-ils pas aux Gentils comment le Christ a été prédit ? et en voyant avec quel éclat sont accomplies les prophéties, n’aurait-on pas été porté à croire qu’elles avaient été, après coup, fabriquées par les chrétiens ? Mais quand les Juifs déploient leurs exemplaires, c’est Dieu qui nous éclaire par le moyen de nos ennemis. En ne les mettant point à mort, en ne les faisant point disparaître complètement du globe, Il préserve Sa loi de l’oubli ; et quand les Juifs la lisent, quand ils en observent quelques points, d’une façon même purement charnelle, ne dirait-on pas qu’ils y cherchent leur condamnation et notre justification ?

Notre-Dame de Paris - portail Sainte Anne - tympan - Mages chez Hérode - détail

Les savants juifs consultant les livres sacrés au sujet du lieu de la naissance du Messie
(détail de la visite des Mages chez Hérode au portail Sainte Anne, cathédrale Notre-Dame de Paris)

2023-4. « Ce rayonnement de la vérité dans l’esprit des Mages fait ressortir l’aveuglement des Juifs ».

7 janvier,
2ème jour dans l’octave de l’Epiphanie.

       Le corpus des sermons notre Bienheureux Père Saint Augustin a recueilli un nombre assez important de textes de prédications consacrées à l’approfondissement du mystère de l’Epiphanie : comme il est impossible de tous les lire le jour même de la fête, il nous semble très judicieux d’en lire et méditer un pendant chaque jour de l’octave, puisque le propre d’une octave liturgique est justement de faire durer une fête importante pendant huit jours afin de la mieux célébrer et d’en recevoir davantage les grâces et toutes les richesses spirituelles.

   Voici donc le deuxième sermon du grand Docteur d’Hippone sur l’Epiphanie. 

Vitrail de la Nativité - église Saint-Laurent de Soulaines-Dhuys (diocèse de Troyes)

Vitrail de la nativité montrant la venue à la Crèche des bergers et des Mages
(église Saint-Laurent de Soulaines-Dhuis, dans le diocèse de Troyes)

Etoiles

 « Ce rayonnement de la vérité dans l’esprit des Mages
fait ressortir l’aveuglement des Juifs »

Sermon CC de notre Bienheureux Père Saint Augustin
deuxième sermon pour la fête de l’Epiphanie

§ 1 – La venue des Mages met en valeur l’appel des peuples païens au salut : c’est un grand mystère, plein de contrastes, qui nous porte à l’action de grâces, puisque nous sommes issus de la gentilité.

   Des Mages sont venus d’Orient pour adorer l’Enfant de la Vierge. Voilà le motif de la fête d’aujourd’hui, voilà pourquoi cette solennité et ce discours, qui sont pour nous une dette.
Les Mages virent d’abord ce jour ; devant nous il est ramené chaque année par la fête. Ils étaient les premiers de la gentilité ; nous en sommes le peuple. Nous avons été instruits par la langue des Apôtres ; ils le furent, eux, par une étoile, interprète du ciel. Les mêmes Apôtres, comme s’ils eussent été le ciel, nous ont raconté la gloire de Dieu (cf. Ps. XVIII, 1). Pourquoi d’ailleurs ne verrions-nous pas en eux le ciel, puisqu’ils sont devenus le trône de Dieu, conformément à ces paroles de l’Ecriture : « L’âme du juste est le siège de la sagesse » (Sag. VII) ? N’est-ce point dans ce ciel que Celui qui a créé et qui habite le ciel, a fait retentir Son tonnerre et trembler l’univers entier, lequel maintenant est croyant ?
O mystère étonnant ! Il était couché dans une crèche, et d’Orient Il amenait les Mages ; il était caché au fond d’une étable, et proclamé du haut du ciel, afin qu’ainsi proclamé dans le ciel on Le reconnût dans l’étable, ce qui a fait donner à ce jour le nom d’Epiphanie, c’est-à-dire manifestation. Ainsi mettait-Il en relief et Sa grandeur et Son humilité ; car si les astres Le révélaient au loin dans le ciel, il fallait Le chercher pour Le trouver dans un étroit réduit ; et s’Il était faible dans ce petit corps et enveloppé des langes de l’enfance, Il n’en était pas moins adoré par les Mages et redouté des méchants.

§ 2 – Saint Augustin oppose les craintes du roi Hérode à la dévotion des rois chrétiens heureux d’être devenus les serviteurs du Christ, unique Sauveur.

   Car Hérode Le redouta lorsqu’il eut entendu les Mages, encore à la recherche de ce petit Enfant dont le ciel leur avait attesté la naissance.
Eh ! que sera Son tribunal quand Il viendra nous juger, puisque des rois superbes ont ainsi tremblé devant le berceau de Son enfance muette ? Que les rois aujourd’hui sont bien mieux inspirés, puisqu’au lieu de chercher, comme Hérode, à Le mettre à mort, ils sont heureux de L’adorer comme les Mages ; maintenant surtout qu’en subissant pour Ses ennemis et de la part de Ses ennemis la mort dont nous menaçait l’ennemi, Il l’a étouffée dans Son propre corps !
Toutefois, si un roi impie a tremblé devant Lui quand Il prenait encore le sein de Sa Mère, maintenant qu’Il siège à la droite de Son Père, que les rois aient pour Lui une crainte pieuse. Qu’ils écoutent ces paroles : « Et maintenant, ô rois, comprenez, instruisez-vous, vous qui jugez la terre ; servez le Seigneur avec crainte, et réjouissez-vous en Lui avec frayeur » (Ps. II, 10-11). En effet ce grand Roi qui châtie les rois impies et qui dirige les rois pieux, n’est pas né comme naissent les rois de la terre, attendu que la couronne ne Lui vient pas de ce monde. Sa grandeur se manifeste dès Sa naissance dans la virginité de Sa Mère, comme la grandeur de Sa Mère éclate dans la divinité de son Fils. Si donc de tant de rois qui sont nés et qui sont morts parmi les Juifs, il n’en est aucun autre que des Mages aient cherché pour L’adorer, c’est qu’il n’en est aucun autre que leur ait fait connaître le langage des cieux.

§ 3 – La foi des Mages fait ressortir l’aveuglement des Juifs, qui avaient pourtant reçus des lumières plus grandes sur le Messie : cette incrédulité des Juifs fait aussi davantage ressortir le miracle de l’adhésion des anciens peuples païens au Sauveur qui avait été promis à Israël. Le témoignage qu’ils sont capables de donner les rend d’autant plus coupables.

   N’oublions pas toutefois combien ce rayonnement de la vérité dans l’esprit des Mages fait ressortir l’aveuglement des Juifs. Les premiers venaient voir le Messie dans le pays de ceux-ci, et ceux-ci ne L’y voyaient point. Ils Le trouvèrent parmi eux sous la forme d’un enfant sans parole, et eux Le renièrent quand Il enseignait en leur présence. Accourus de loin, des étrangers adorèrent parmi eux le Christ dans un enfant qui ne disait rien encore ; et eux, Ses concitoyens, Le crucifièrent dans la vigueur de l’âge et lorsqu’Il faisait des miracles. Les uns le reconnurent pour leur Dieu malgré la faiblesse de Ses membres, et les autres n’épargnèrent pas même Son humanité, malgré la puissance de Ses œuvres.
Mais devait-on être plus frappé de voir une étoile nouvelle briller au moment de Sa naissance, que de voir le soleil s’obscurcir au moment de Sa mort ?
Il est vrai, l’étoile qui conduisit les Mages à l’endroit même où était le Dieu-Enfant avec la Vierge Sa Mère, et qui pouvait également les conduire jusqu’à la ville où Il était né, disparut tout à coup et ne se montra plus à eux pour un moment. Ils durent interroger les Juifs sur le nom de la cité où devait naître le Christ, leur demander ce que disaient sur ce point les divines Ecritures ; et les Juifs durent répondre : « A Bethléem de Juda ; car voici ce qui est écrit : Et toi, Bethléem, terre de Juda tu n’es pas la moindre des principales villes de Juda, puisque de toi sortira le Chef qui conduira mon peuple d’Israël » (Matth. II, 1-6). La divine Providence ne voulait-elle pas nous montrer par là que les Juifs ne conserveraient plus que les saints livres, pour éclairer les Gentils et s’aveugler eux-mêmes ; et qu’ils les porteraient dans le monde, non point comme un moyen de salut pour eux, mais comme un témoignage du salut qui nous serait accordé ? Aussi, quand aujourd’hui nous citons les antiques prophéties relatives au Christ et dont les événements accomplis ont fait éclater la lumière, s’il arrive aux païens que nous voulons gagner de nous objecter qu’elles ne sont pas si anciennes, que nous les avons fabriquées après coup pour donner aux faits l’air d’avoir été prédits, nous ouvrons, pour dissiper ce doute, les exemplaires juifs. Ainsi les païens sont figurés par ces Mages à qui les Juifs faisaient connaître d’après l’Ecriture la ville où était né le Christ, sans qu’eux-mêmes se missent en peine soit de Le rechercher, soit de Le reconnaître.

§ 4 – Saint Augustin applique au mystère de l’Epiphanie ce que Saint Paul a écrit au sujet des deux peuples unis par la Pierre angulaire qu’est le Christ unique Sauveur ; il termine par une note d’espérance dans la conversion du peuple jadis élu et aujourd’hui séparé de son Messie.

   Maintenant donc, mes bien-aimés, enfants et héritiers de la grâce, réfléchissez à votre vocation, et puisque le Christ a été révélé aux Juifs et aux Gentils comme étant la pierre angulaire, attachez-vous à Lui avec un amour dont rien ne dompte la persévérance.
Oui, dès le berceau où reposait Son enfance, ceux qui étaient près et ceux qui étaient loin L’ont également connu ; les Juifs qui étaient près, dans la personne des bergers, et les Gentils qui étaient loin, dans la personne des Mages. Les uns sont venus à Lui le jour même de Sa naissance, et les autres aujourd’hui, d’après ce que l’on croit. S’Il S’est manifesté aux premiers, ce n’est point parce qu’ils étaient savants ; aux seconds, ce n’est point parce qu’ils étaient justes. L’ignorance n’est-elle pas le caractère de ces pasteurs des champs, et l’impiété la marque de ces Mages sacrilèges ? Les uns comme les autres, toutefois, ont été attirés par la Pierre angulaire ; car elle est venue choisir ce qu’il y a d’insensé dans le monde pour confondre les sages (1 Cor. I, 27), appeler les pécheurs et non les justes (Matth. IX, 13), afin que personne n’eût à s’enorgueillir de sa grandeur ni à désespérer de sa bassesse. Aussi n’est-il pas étonnant que les Scribes et les Pharisiens, pour se croire trop savants et trop justes, L’aient rejetée de leur édifice après avoir montré, par la lecture des oracles prophétiques, la ville où Il venait de naître. Il n’en est pas moins devenu la première Pierre de l’angle (Ps. CXVII, 22), accomplissant par Sa Passion ce qu’Il avait indiqué à Sa naissance ; et pour ce motif attachons-nous à Lui avec ce mur où je vois les restes d’Israël qui doivent leur salut au choix de la grâce (Rom. XI, 5). Car ces Israélites, qui n’avaient pas à venir de loin pour se lier à la Pierre angulaire, étaient figurés par les bergers, comme nous, qui avons été appelés de si loin, l’étions par les Mages, pour n’être plus des hôtes et des étrangers, mais pour être des concitoyens des saints, pour faire partie de la maison de Dieu, pour être bâtis ensemble sur le fondement des Apôtres et des Prophètes, pour avoir comme principale Pierre angulaire Jésus-Christ même, Lui qui a réuni les deux en un (Ephés. II, 11-22), afin de nous faire aimer l’unité dans Sa personne, afin aussi de nous inspirer une ardeur infatigable à recueillir les rameaux qui, après avoir été greffés sur l’olivier franc en ont été détachés par l’orgueil pour s’attacher à l’hérésie, et que Dieu est assez puissant pour greffer de nouveau (Rom. XI, 17-24).

La synagogue aveuglée - statuaire de Notre-Dame de Paris

La Synagogue aveuglée
(statuaire de Notre-Dame de Paris)

2023-3. « Célébrons avec pompe et avec dévotion le jour où le Christ fut reconnu et adoré des Mages de la gentilité ! »

6 janvier,
Epiphanie de Notre-Seigneur Jésus-Christ ;
Mémoire des Saints Gaspard, Melchior et Balthasar, rois et confesseurs (cf. > ici) ;
Anniversaire de la naissance de Sainte Jeanne d’Arc ;
Anniversaire de l’assassinat de Maurice Gigost d’Elbée (cf. > ici) ;
Anniversaire de l’apparition de la Sainte Face de NSJC à Rome (cf. > ici).

Epiphanie - basilique de Saint-Denys

L’Epiphanie (détail d’une verrière de la basilique nécropole royale de Saint-Denys)

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« Célébrons avec pompe et avec dévotion
le jour où le Christ fut reconnu et adoré des Mages de la gentilité ! »

Sermon CXCIX de notre Bienheureux Père Saint Augustin
premier sermon pour la fête de l’Epiphanie

§ 1. Introduction : les deux fêtes que nous célébrons – la Nativité d’une part et l’Epiphanie d’autre part – sont deux aspects d’un même mystère, celui de la gloire de Dieu par le salut des Juifs et des Gentils en un unique Messie :

   Nous célébrions dernièrement le jour où le Seigneur est né parmi les Juifs ; nous célébrons aujourd’hui celui où Il a été adoré par les gentils. « Ainsi le salut vient des Juifs » (Jean IV, 22) ; et ce «salut s’étend jusqu’aux extrémités de la terre » (cf. Isaïe XLIX, 6).
Le premier jour ce sont les bergers qui L’ont adoré, ce sont les Mages aujourd’hui. Aux uns Il a été annoncé par des anges, aux autres par une étoile ; et tous, en voyant sur la terre le Roi du ciel, ont appris du ciel même que Dieu allait être glorifié au plus haut des cieux et la paix accordée sur la terre aux hommes de bonne volonté (cf. Luc II, 14). Car le Sauveur « est notre paix, puisque de deux il a fait un » ; et c’est ainsi que muet encore Il S’annonce comme la pierre angulaire, et qu’Il Se montre tel dès le début de Sa vie. Dès lors en effet Il commence à unir en Lui les deux murs qui viennent de directions différentes ; amenant les bergers de la Judée et les Mages de l’Orient, « afin de former en Lui-même un seul homme de ces deux peuples, en accordant la paix à ceux qui étaient loin, et la paix à ceux qui étaient proche » (Ephes. II, 14-20). Voilà pourquoi les uns en venant plus tôt et de près, et les autres en venant de loin et aujourd’hui seulement, ont signalé aux siècles futurs deux jours à célébrer, quoique les uns comme les autres n’aient vu qu’une seule et même Lumière du monde.

§ 2. Celui qui est annoncé aux uns par des anges, aux autres par une étoile, et aussi révélé par le témoignage des Saintes Ecritures. Saint Augustin met en lumière les diverses attitudes de ceux qui sont en face de cette révélation du Messie et blâme l’attitude des savants de Jérusalem.

   Mais aujourd’hui il nous faut parler de ceux d’entre eux que la foi a amenés, de pays lointains, aux pieds du Christ. Ils sont donc venus et L’ont cherché en disant : « Où est le Roi des Juifs qui vient de naître ? Car nous avons vu Son étoile en Orient et nous sommes venus L’adorer » (Matth. II, 2).
C’est à la fois annoncer et questionner, croire et chercher : n’est-ce pas l’image de ceux qui se conduisent par la foi et qui désirent voir la réalité ?

Cependant, n’était-il pas né bien des fois en Judée d’autres rois des Juifs ? Pourquoi Celui-ci est-Il par des étrangers reconnu dans le ciel et cherché sur la terre ? Pourquoi rayonne-t-Il en haut, et se cache-t-Il en bas ? Les Mages voient en Orient une étoile, et ils comprennent qu’il est né un Roi en Judée ! Quel est donc ce Roi, si petit et si grand, qui ne parle pas encore sur la terre et qui déjà promulgue Ses lois dans le ciel ?
Toutefois, comme Il voulait Se faire connaître à nous par les Saintes Ecritures, après avoir fait briller pour les Mages un signe aussi éclatant dans le ciel et leur avoir révélé au cœur qu’Il était né dans la Judée, le Seigneur voulut, à cause de nous, que leur foi en Lui fût appuyée aussi sur Ses prophètes. En s’informant de la ville où était né Celui qu’ils aspiraient à contempler et à adorer, ils eurent besoin d’interroger les princes des Juifs, de savoir quelle réponse ils trouveraient pour eux dans l’Ecriture, dans l’Ecriture qu’ils avaient sur les lèvres et non dans le cœur. C’étaient donc des infidèles qui instruisaient les fidèles touchant le bienfait de la foi ; des hommes qui mentaient par eux-mêmes et qui contre eux-mêmes proclamaient la vérité. Ah ! qu’ils étaient éloignés d’accompagner ces étrangers à la recherche du Christ, quoiqu’ils eussent appris d’eux que c’était après avoir vu Son étoile qu’ils étaient venus L’adorer ; de les conduire eux-mêmes dans cette cité de Bethléem de Juda, qu’ils venaient de leur faire connaître d’après les livres saints ; de contempler enfin, de comprendre et d’adorer avec eux ! Malheureux, qui sont morts de soif, après avoir montré à d’autres la fontaine de vie ; semblables à ces pierres milliaires qui indiquent la route aux voyageurs et qui demeurent insensibles et immobiles.
Les Mages donc cherchaient pour trouver, Hérode cherchait pour tuer ; quant aux Juifs ils lisaient le nom de la ville où naissait le nouveau Roi, mais ils ne comprenaient pas le temps de Son arrivée.
Placés entre l’amour pieux des Mages et la crainte sanguinaire d’Hérode, les Juifs se perdirent tout en indiquant Bethléem. Sans chercher alors le Christ qui venait de naître dans cette ville, ils devaient Le voir plus tard ; Le voir non pas silencieux mais rendant Ses oracles, Le renier et Le mettre à mort.
Combien l’ignorance des enfants qu’Hérode persécuta dans sa frayeur, était préférable à la science de ces docteurs qu’il consulta dans son trouble ! Sans pouvoir confesser encore le Christ, ces enfants purent souffrir pour Lui ; tandis qu’après avoir pu connaître la ville où Il était né, ces docteurs ne s’attachèrent point à la vérité qu’Il prêchait.

§ 3. Dans ce paragraphe, Saint Augustin fustige les savants superficiels qui prétendent, à partir du fait de l’apparition de l’étoile miraculeuse que le Christ aurait été soumis aux lois d’une astrologie impie qui est une négation de la liberté humaine et qui dédouane les comportements mauvais des hommes par le déterminisme astrologique. Les astres n’exercent évidemment aucun empire sur le Christ ; au contraire ils Lui obéissent à Sa naissance comme ils Lui obéiront à Sa mort.

   C’est bien l’étoile qui conduisit les mages au lieu précis où était Dieu même, le Verbe devenu enfant.
Rougis enfin, folie sacrilège, science ignorante, si je puis parler ainsi, qui t’imagines que le Christ en naissant fut soumis à l’arrêt des astres, parce que, d’après l’Evangile, des Mages virent, à Sa naissance, Son étoile en Orient. Tu n’aurais pas raison, alors même que les autres hommes seraient, en naissant, assujettis de cette sorte à la fatalité, puisqu’ils ne naissent pas, comme le Fils de Dieu, par leur volonté propre, mais d’après les lois d’une nature mortelle. Or, il est si peu vrai que le Christ soit né sous l’empire des astres, qu’aucun de ceux qui ont la vraie foi chrétienne, ne le dirait d’aucun homme absolument. Que ces esprits superficiels publient sur les naissances humaines ce que leur suggère leur défaut de sens ; qu’ils nient en eux l’existence de la liberté quand ils pèchent ; qu’ils imaginent je ne sais quelle fatalité pour excuser leurs crimes ; qu’ils travaillent à faire remonter jusqu’au ciel même les désordres qui les font détester par les hommes sur la terre ; qu’ils multiplient les mensonges pour en rejeter la responsabilité sur les astres : au moins que nul d’entre eux ne perde de vue comment il croit pouvoir régler, non pas sa vie, mais sa famille, quelque autorité qu’il y possède. Eh ! pourrait-il, avec ce sentiment, frapper ses esclaves lorsqu’ils lui manquent dans sa demeure, sans avoir dû préalablement blasphémer contre ses dieux qui brillent au haut du ciel ?

Cependant ni les vains raisonnements de ces hommes, ni les livres qui sont pour eux, non pas des livres révélateurs mais sûrement des livres menteurs, ne leur permettent de croire que le Christ soit né sous l’empire des astres, parce qu’à Sa naissance les Mages virent une étoile en Orient. Cette apparition prouve au contraire que loin d’être dominé par elle, le Christ dominait cette étoile. Aussi ne suivait-elle point dans le ciel la route ordinaire des étoiles, puisqu’elle conduisit jusqu’au lieu même où venait de naître le Christ ceux qui Le cherchaient pour L’adorer. Ce n’est donc pas à elle qu’on doit rapporter la vie admirable du Christ, c’est au Christ plutôt qu’il faut attribuer la merveille de son apparition ; elle ne fut point l’auteur des miracles du Christ, le Christ montra au contraire qu’elle était un de Ses miracles. Fils du Père, c’est Lui qui a formé le ciel et la terre ; comme Fils de Sa mère, il fit briller dans le ciel un nouvel astre aux yeux de la terre. Si une nouvelle étoile répandit à Sa naissance une lumière nouvelle, l’antique lumière du monde s’éclipsa à Sa mort dans le soleil même. Les cieux à Sa naissance rayonnèrent d’une gloire nouvelle, comme les enfers à Sa mort furent saisis d’une nouvelle frayeur, comme les disciples à Sa Résurrection se sentirent embrasés d’un nouvel amour, comme en s’ouvrant à Son Ascension l’empyrée Lui rendit un hommage nouveau.

§ 4. Conclusion : exhortation à célébrer dans les mystères de la Nativité et de l’Epiphanie les prémices du Salut pour les Juifs et pour les Gentils.

   Ainsi donc célébrons avec pompe et avec dévotion le jour où le Christ fut reconnu et adoré des Mages de la gentilité (Matth. XI, 1-11) ; comme nous célébrions cet autre jour où les pasteurs de la Judée vinrent le contempler après Sa naissance (Luc II, 8-20). C’est Lui, le Seigneur notre Dieu, qui a choisi dans la Judée des pasteurs, c’est-à-dire Ses Apôtres, afin de recueillir par eux les pécheurs de la gentilité pour les sauver.

Epiphanie - Basilique de Saint Denys - détail

Epiphanie : les Rois Mages suivant l’étoile miraculeuse (Basilique de Saint-Denys)

2023-2. Vœux de Son Altesse Félinissime le Prince Tolbiac aux amis du Refuge Notre-Dame de Compassion.

5 janvier 2023,
Vigile de l’Epiphanie ;
Mémoire de Saint Télesphore, pape et martyr ;
Mémoire de Saint Siméon le stylite, ermite et confesseur ;
Anniversaire de la naissance de Jacques Cathelineau (cf. > ici).

Tolbiac - illustrations vœux 5 janvier 2023

Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,

   Après la publication des vœux de Leurs Majestés comme première publication de l’année (cf. > ici), c’est à moi que Frère Maximilien-Marie a confié le soin de vous présenter les vœux du Mesnil-Marie : « Tu es le successeur du Maître-Chat Lully, m’a-t-il dit ; il est donc juste que ce soit toi qui te mettes à l’œuvre pour cet exercice important des premiers jours de l’année civile. C’est une tradition qui compte beaucoup chez les humains et tu as bien compris que, désormais, beaucoup d’humains te regardent car tu es devenu un authentique représentant de notre modeste Refuge Notre-Dame de Compassion… »
C’était sans appel, je n’avais plus qu’à m’exécuter : j’ai donc invoqué le Saint-Esprit, ainsi que Frère Maximilien-Marie m’a appris à le faire, et j’ai noté mes idées sur un petit carnet avant de finaliser leur rédaction.
Et puis, comme nous, les chats, nous faisons, depuis fort longtemps, partie des thèmes de prédilection pour l’illustration des cartes de vœux du Nouvel An, je me suis aussi inspiré de ce que les chats des âges passés ont permis d’exprimer sur les cartes anciennes…

1) Pour une vraie « Bonne Année » : laissez le Saint-Esprit gonfler votre voile !

Voeux 2023 1

   Si vous êtes baptisé, si vous êtes en état de grâce, le Saint-Esprit réside en vous d’une manière particulière : soyez à son écoute !
Faites silence pour entendre la voix de ce Maître intérieur, et obéissez à Ses inspirations avec l’absolue certitude qu’Il désire uniquement votre salut et votre sanctification.
Si vous n’êtes pas très sûr de bien comprendre ce qu’Il susurre à l’intérieur de votre âme, recourrez aux conseils et au discernement d’un guide spirituel auquel vous savez pouvoir faire pleinement confiance, puis avancez, le cœur serein et pleinement dilaté, en chantant intérieurement :

Esprit Saint,
âme de mon âme, je vous adore,
éclairez-moi, guidez-moi,
fortifiez-moi, consolez-moi,
dites-moi ce que je dois faire,
donnez-moi vos ordres.
Je vous promets de me soumettre à tout ce que vous désirez de moi,
et d’accepter tout ce que vous permettrez qui m’arrive,
faites-moi seulement connaître votre volonté.

(Prière du Cardinal Mercier).

2) Pour une vraie « Bonne Année » : vivez en harmonie !

Voeux 2023 2

   Vous le savez, nous les chats, nous sommes très particulièrement sensibles à l’harmonie des formes, des volumes, des espaces, des ambiances et de nos environnements : sur ce point-là, au moins, imitez-nous ; soyez des chats !
Comment ? En étant cohérents, absolument cohérents : que votre vie extérieure manifeste votre foi, votre espérance et votre charité.
Ce que vous affirmez de vos convictions intellectuelles et spirituelles, que votre comportement en témoigne bien davantage que vos paroles. Foin des fausses notes et des accords dissonants ou imparfaits : vivez en harmonie ! Soyez harmonie !  

3) Pour une « Bonne Année » : ne vous laissez pas paralyser par les épines !

Voeux 2023 3

   En cette période de Noël, vous les humains, vous aimez décorer vos maisons et vos crèches avec du houx. Si vous avez apporté un sapin dans votre maison, vous savez aussi que ses feuilles sont en réalité des épines, et certaines peuvent piquer, de la même manière que les pointes acérées des feuilles de houx… Malgré cela, vous en faites des ornements et vous vous réjouissez auprès d’eux. Que ce que vous faites avec ces végétaux piquants soit pour vous une parabole : la vie ici-bas vous fait, et fera encore, rencontrer bien des épines ; certaines épreuves vous sembleront bien lourdes ; certaines blessures vous paraîtront bien profondes et impossible à cicatriser… N’envenimez pas votre douleur avec le poison du repli sur vous-même et de l’amertume.
Dépassez la piqûre, dépassez la blessure, transcendez la douleur ! Avec Jésus, pour Lequel vous décorez vos maisons à Noël, transformez les épines et les feuilles piquantes de la vie en ornements surnaturels et salvateurs, par l’offrande généreuse et par l’amour, fixant vos regards sur le bois de la Croix qu’annonçait le bois de la Crèche…

4) Pour une « Bonne Année » : composez chaque jour un bouquet !

Voeux 2023 4

   Votre Père céleste très aimant, vous donne et vous comble chaque jour : vous ne pourrez jamais lui rendre l’équivalent, ni même le dixième, ni même le centième de tout ce qu’Il fait pour vous…
Notre très douce Dame Marie vous protège, veille maternellement sur vous, intercède pour vous et, parfois, répare vos bêtises avant que le Bon Dieu n’ait le temps de froncer le sourcil : vous ne pourrez jamais lui rendre l’équivalent de tout ce dont vous lui êtes redevable…
Mais comme un petit enfant aimant, malgré ses maladresses et ses chutes, vous pouvez chaque soir leur offrir un petit bouquet dont les humbles fleurettes leur diront merci : ne passez pas un soir sans revenir vers Dieu notre Père et vers Notre-Dame avec quelques humbles fleurs cueillies et réunies au fil du jour… Petites fleurs de vos efforts, petites fleurs de vos sacrifices, petites fleurs de vos actes de vertu, petites fleurs assemblées en bouquet que vous posez sans rien dire entre leurs mains, en leur donnant un humble et tendre baiser.

5) Pour une « Bonne Année » : pardonnez et vengez-vous par la bonté !

Voeux 2023 5

   Je sais très bien que ce n’est pas facile, car moi-même je suis plutôt un bagarreur, et lorsque l’un de mes congénères m’agresse, je riposte spontanément avec mes griffes et mes jeunes crocs acérés…
Et pourtant, le Saint Evangile nous enseigne avec insistance, par de nombreuses répétitions dans les Ecritures Sacrées, qu’il nous faut pardonner, pardonner encore, pardonner sans limite, pardonner toujours, pardonner sans se lasser ! C’est d’ailleurs LA condition pour que nous puissions nous-mêmes être pardonnés par Dieu, auquel nous demandons plusieurs fois par jour « remettez-nous nos dettes selon la mesure avec laquelle nous-mêmes nous remettons à nos débiteurs » (Pater noster).
C’est une source de très grande sérénité intérieure et de joie profonde que de savoir non seulement pardonner, mais aussi « se venger » à la manière des saints : non pas se venger en rendant le mal pour le mal, œil pour œil et dent pour dent, mais se venger en rendant le bien pour le mal, un bienfait pour un crasse, un sourire pour une grimace, une amabilité pour une vacherie, un mot gentil pour une insulte… etc.
C’est ainsi que le Bon Dieu Lui-même Se venge des pécheurs : à leurs outrages et abominations, Il a répondu par le don de Son Fils bien-aimé , un don total jusqu’à la Croix.

Alors, oui, de tout cœur, chers Amis : Sainte Année !
C’est bien ainsi que, tous, malgré les épreuves qui viennent,
- épreuves qui peuvent être bien graves et bien terribles en 2023 -
malgré la méchanceté des hommes et la dureté des événements
nous vivrons, envers et contre tout, une bonne et heureuse année !

Patte de chatTolbiac

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2023-1. Vœux de Leurs Majestés pour l’an de grâce 2023.

1er janvier 2023,
Fête de la Circoncision de NSJC et octave de la Nativité (cf. > ici) ;
Jour de l’an (cf. > ici).

Trois lys blancs

1er janvier 2023 - Louis XX et la Famille Royale

En ce premier jour de l’année, la Princesse Marie-Marguerite et moi, vous souhaitons une bonne année 2023.

Ayons l’espérance au cœur et la volonté d’être les serviteurs du bien
pour une société plus juste et pour une France unie.

Que Saint Louis, modèle des gouvernants, veille sur notre pays et son salut.

Armes de France & Navarre

2022-140. Faisons fructifier le temps.

31 décembre,
Fête de Saint Sylvestre 1er, pape et confesseur ;
7ème jour dans l’octave de la Nativité ;
Anniversaire de la sainte mort de Saint Jean-François Régis (31 décembre 1640 – cf. > ici).

Angelots annonçant la Nativité - Goupy

Faisons fructifier le temps :

Présence de Dieu :

En ce dernier jour de l’an, je me recueille aux pieds de Jésus Enfant pour examiner, à la lumière de l’éternité, la valeur du temps.

Méditation :

   1 – Le temps passe et ne revient pas. Dieu a assigné à chacun de nous un temps déterminé pour réaliser Son plan divin sur notre âme ; nous avons uniquement ce temps, nous n’en avons pas d’autre ! Le temps mal employé est perdu pour toujours. Notre vie est faites de cette course ininterrompue du temps, de ce flux continuel, qui ne connaît pas de reflux.
Dans l’éternité, au contraire, nous serons fixés, stabilisés à jamais, dans le degré d’amour que nous aurons atteint ici-bas, dans le temps. Si ce degré est grand, nous serons éternellement établis dans ce grand degré d’amour et de gloire, mais si nous ne possédons qu’un petit degré, nous n’en aurons pas davantage pendant toute l’éternité. Lorsque le temps sera écoulé, le progrès ne sera plus possible : « Ainsi donc, pendant que nous en avons le temps, faisons ce qui est bien » (Gal. VI, 10).
« Il s’agit de donner à chaque instant le maximum d’amour, de rendre éternel l’instant qui fuit, lui donnant valeur d’éternité » : voilà la meilleure manière d’employer le temps que Dieu nous a accordé. La charité nous permet d’adhérer avec soumission et amour à la volonté de Dieu. Ainsi, au soir de la vie, aurons-nous réalisé le plan divin sur notre âme. En effet, nous serons parvenus alors au degré d’amour que Dieu attend de chacun de nous, pour L’aimer et Le glorifier in aeternum.

Crèche et rayon de lumière - Gouppy

   2 – L’augmentation de la charité en nous dépend donc de nos actes méritoires, c’est-à-dire de nos bonnes œuvres accomplies sous la propulsion de la charité.
Tout acte bon mérite un accroissement de charité ; celui-ci peut-être accordé soit immédiatement, soit seulement à la fin de notre vie, selon que notre âme met dans ses actes tout l’amour dont elle est capable ou, au contraire, les pose nonchalamment, avec mesquinerie ou négligence. Dans le premier cas, l’augmentation de la, charité se produit à la manière des intérêts immédiatement incorporés au capital et qui, par conséquent, fructifient avec lui. Dans le second cas, elle est pareille à ces intérêts indépendants du capital, ne croissant pas avec lui, tout en demeurant la propriété du bénéficiaire.
Certes, pour que le mérite de nos bonnes œuvres – c’est-à-dire l’augmentation de charité méritée – soit immédiatement accordé à l’âme, il lui faut remplir une condition : agir avec tout l’amour dont elle est capable, déployer totalement sa bonne volonté et sa générosité. Il semble qe l’âme s’ouvre pour recevoir un accroissement d’amour dont l’effet s’ajoute immédiatement au capital de charité qu’elle possède, en augmentant le degré et l’intensité.
Pour accroître notre amour, nous n’avons ici-bas que la brève journée de notre vie terrestre. Or, si nous voulons en retirer le plus de fruit possible, nous devons surmonter notre inertie naturelle et accomplir nos bonnes œuvres « de tout notre cœur ». Alors notre amour croîtra démesurément et notre âme pourra dire au Seigneur, comme Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus : « Votre amour a grandi avec moi et maintenant c’est un abîme dont je ne puis sonder la profondeur » (Histoire d’une âme, X).
Il convient donc de nous presser, tant que en avons encore le temps, car « vient la nuit où personne ne peut travailler » (Jean IX, 14).

Concert angélique - Gouppy

Colloque :

   Seigneur, si je parcours du regard cette année écoulée, année que Votre divine Providence m’avait accordée pour augmenter en moi Votre amour, je ne puis que me lamenter quand je constate une nouvelle fois combien je Vous ai peu aimé, ô mon Dieu ! Comme j’ai mal employé mon temps !

   Oh ! « comme mes désirs ont tardé à s’enflammer, et comme Vous avez commencé de bonne heure, ô Seigneur, à m’amener à Vous et m’appeler pour que je me consacre à Vous tout entière ! Abandonneriez-Vous, par hasard, le misérable ou éloigneriez-Vous le pauvre mendiant quand il veut se rapprocher de Vous ? Y aurait-il des limites, ô Seigneur, à Vos grandeurs et à la magnificence de Vos œuvres ? O mon Dieu et ma Miséricorde, comme il Vous serait facile de manifester à présent en Votre servante les trésors de Votre amour ! Vous êtes tout-puissant, ô grand Dieu ! Montrez donc maintenant si mon âme se comprend bien quand elle considère le temps perdu et affirme qu’en un seul instant Vous puvez, Seigneur, me le faire regagner. Mais il semble que je déraisonne, car le temps perdu ne saurait, dit-on, se recouvrer.
Béni soit mon Dieu ! Je confesse Votre souveraine puissance. Si Vous êtes tout-puissant, et Vous l’êtes certainement, qu’y a-t-il d’impossible à Celui qui peut tout ?
Vous le savez bien, ô mon Dieu, malgré mes misères, je n’ai jamais cessé de reconnaître la grandeur de Votre puissance et de Votre miséricorde. En cela, au moins, je ne Vous ai point offensé ; tenez-en compte, ô Seigneur. Réparez donc, mon Dieu, le temps que j’ai perdu, donnez-moi Votre grâce pour le présent et pour l’avenir, afin que je paraisse devant Vous revêtue de la robe nuptiale. Si Vous le voulez, Vous le pouvez » (Sainte Thérèse de Jésus, Exclamations IV).

   De mon côté, Seigneur, je ne trouve comme moyen efficace de regagner le temps perdu que de m’exercer de toutes mes forces à augmenter mon amour. Oui, mon amour croîtra, si je réussis à accomplir pour Vous « de tout mon cœur » ou « de toute ma bonne volonté » chacun de mes devoirs, chaque œuvre bonne.
Hélas ! je suis si faible, si lâche, si indolent, je fuis si facilement l’effort, j’évite ou du moins diminue, la portée de mes sacrifices ! Ma nature tend toujours au plus facile, au moins fatigant, elle tombe aisément dans le laisser-aller ou l’ennui. Aidez-moi, Seigneur, renflouez mon amour par la force toute-puissante du Vôtre. Ce que j’exécute pour Vous est si minime, si ténu ; faites au moins, ô mon Dieu, que je l’accomplisse avec le maximum d’amour dont Vous m’avez rendu capable.

Rd Père Gabriel de Sainte Marie-Madeleine, 
in « Intimité divine », 31 décembre.

Voir aussi :
« Renoncer à l’impiété et aux désirs du siècle, et vivre sobrement,
et justement, et pieusement dans ce monde, attendant la bienheureuse espérance… » > ici

adoration anges et enfants - Gouppy

Lanterne de Noël

2022-139. Du bienheureux trépas de Saint François de Sales.

28 décembre,
Fête des Saints Innocents (cf. > ici) ;
Anniversaire de la mort de Saint François de Sales (cf. > ici).

Apothéose de Saint François de Sales

28 décembre 1622
à Lyon
Saint François de Sales rend son âme à Dieu

       1622 : Sa Grandeur Monseigneur François-Bonaventure de Sales, Prince-évêque de Genève, en exil à Annecy, bien qu’il ne soit âgé que de 55 ans, est un homme fatigué, usé. Depuis longtemps, il « souffre de douleurs d’estomac, de fièvres et autres incommodités ». De plus, ces derniers temps ses douleurs aux jambes se sont accentuées, des plaies s’y sont ouvertes, si bien que les déplacements à cheval, surtout en ces pays de montagne aux sentiers accidentés, sont devenus dangereux. Cependant, selon le témoignage de ses familiers, « il gardait toujours son visage serein et ne se plaignait aucunement ».
Au printemps, il a dû, mandaté par Sa Sainteté le Pape Grégoire XV, présider le chapitre général des Feuillants (Ordre de Citeaux réformé) à Pignerol, puis séjourner quelque temps à Turin, où réside la cour du Duc-souverain de Savoie. De retour à Annecy, les chaleurs de l’été n’ont pas permis de soulagement à son état, d’autant que Monseigneur ne se ménage en rien…

   Et voilà qu’à la fin du mois d’octobre, Monseigneur de Sales reçoit de Son Altesse le Duc Charles-Emmanuel 1er « commandement exprès » d’accompagner son fils, le Cardinal Maurice de Savoie, en Avignon. En effet, après la signature du traité de paix de Montpellier (18 octobre 1622) avec le Duc de Rohan, chef des protestants du Midi, Sa Majesté Très Chrétienne le Roi Louis XIII a décidé de remonter à Paris par la vallée du Rhône.
Afin de renforcer les liens d’amitié entre le Duché souverain de Savoie et le Royaume de France, une rencontre a donc été programmée en terre pontificale, où seront réunis les Souverains de ces deux puissants Etats catholiques, puisque le Duc de Savoie lui-même viendra aussi rencontrer Sa Majesté le Roi Louis XIII. N’oublions d’ailleurs pas que la propre sœur de Louis XIII, Chrestienne [Christine] de France (1606-1663), a épousé en 1619 le Prince de Piémont, futur Duc souverain Victor-Amédée 1er.

   A cette nouvelle, il se fait grand émoi autour de François ! Tout le monde le supplie d’informer Son Altesse « du misérable état dans lequel il se trouve ». Mais lui répond sereinement : « Que voulez-vous, il faut aller où Dieu nous appelle ».
Il ne cache toutefois pas son pressentiment de la mort. Devant son frère Jean-François, qui est son coadjuteur, son cousin Louis et quelques amis rassemblés il annonce paisiblement : « L’heure du départ approche… Il sera suivi d’un autre et j’ai désiré faire mon testament ». Il leur en fait lecture dans l’émotion générale. Le lendemain, il se confesse et l’après-midi confère avec son successeur de toutes choses encore nécessaires. A la fin, il s’écrie joyeusement : « Ah, vraiment ! Il me semble par la grâce de Dieu que je ne tiens plus à la terre que du bout du pied seulement, car l’autre est déjà levé en l’air pour partir ! » Puis viennent les adieux à son cher clergé d’Annecy, au chapitre de la Cathédrale.
Il fait aussi appeler la petite fille du boulanger de l’évêché : « Adieu, ma fille, nous ne nous reverrons qu’au Paradis ». Elle mourra bientôt en effet.
Au matin du 8 novembre, il se rend à « la sainte Source » (c’est ainsi qu’on nomme le premier monastère de la Visitation à Annecy), où après avoir célébré la Sainte Messe, il fait ses adieux à ses filles : « Mes chères filles, que votre seul désir soit Dieu ; votre crainte, de Le perdre ; votre ambition, de Le posséder à jamais ». Puis, très vite : « Adieu, adieu, mes filles, jusqu’à l’éternité !»

Saint François de Sales en prière

   Le 9 novembre au matin, une foule s’est groupée autour des chevaux. Il y a aussi les pauvres d’Annecy, touchés par la misère. François donne ordre de distribuer généreusement des boisseaux de grains ; puis la petite troupe se met en marche et gagne le Rhône qu’il va falloir descendre. Il neige : « Il monte alors dans une nacelle et, en une bise très violente, se met à la merci du Rhône presque tout gelé par l’extrême rigueur du froid ». Il débarque pour aller souper et coucher à Belley.
Le jeudi 10 novembre, il atteint Lyon. La Révérende Mère de Chantal, qu’il n’a pas vue depuis trois ans, l’y attend : elle désire si ardemment s’entretenir avec lui, non seulement des affaires de l’Ordre, mais aussi de son âme. Cependant, on presse Monseigneur de reprendre le bateau, et lui donne mission à la fondatrice d’aller visiter deux monastères.
Le 11, il est à Vienne, puis ce sera Valence où un monastère de la Visitation vient d’être fondé. Ici, les biographes notent l’histoire de la bienfaitrice grâce à laquelle le monastère a été fondé : c’est une dame de 84 ans que la supérieure hésite à accepter, ce qui lui vaut cette réponse de Monseigneur : « La Visitation est fondée pour les jeunes, pour les vieilles, pour les saines, pour les maladives et les infirmes ». Et il promet qu’à son retour il donnera lui même le voile à la dame.
Le 14, à Bourg-Saint-Andéol, il est reçu « comme un saint tombé du ciel » : les consuls, le clergé, la foule en liesse l’arrachent presque à sa suite pour le conduire à l’église où est chanté un solennel Te Deum.
Enfin le 15, le peuple d’Avignon, enthousiaste, le reçoit avec la même exultation. Maisons, fenêtres et rues sont pavoisées, les oriflammes flottent et les tapisseries pendent. Surpris, dérouté, François de Sales voudrait échapper aux acclamations et tente de se dissimuler dans une boutique. En vain.
Il loge dans une modeste auberge, et aussitôt installé dans sa petite chambre il se met au travail.

Le lendemain, 16 novembre, les trompettes annoncent l’arrivée du Roi de France et du Duc de Savoie dans la Cité des Papes. Tout le monde se précipite aux fenêtres pour voir passer les somptueux cortèges des souverains et de leurs suites, mais François refuse : « Je vous laisse la place…Pour moi, je ne suis plus du monde, je m’en vais à mon Père qui est aux Cieux. Il faut que je travaille à son œuvre, pour lui rendre bon compte ».
Les fêtes succèdent aux cérémonies. François n’y assiste que lorsqu’il y est obligé. Il s’entretient de certains intérêts savoisiens, visite les Jésuites, célèbre la Sainte Messe en public et prêche.
Lui qui a toujours eu une très grande dévotion pour les deux sœurs, hôtesses de Notre-Seigneur à Béthanie, voudrait se rendre en pèlerinage à la Sainte Baume, mais le Prince-cardinal Maurice de Savoie ne veut pas qu’il s’absente : 
« Monseigneur, votre cœur est à la Sainte Baume, où vous êtes toujours solitaire !» Et il lui propose plutôt d’aller à Tarascon, rendre visite à Sainte Marthe : pèlerinage qu’il accomplit le 22 novembre.

   Enfin, le 25, tous s’embarquent pour remonter le Rhône jusqu’à Lyon où le Roi doit arriver le 29 novembre. Les deux Reines, Marie de Médicis et Anne d’Autriche les y attendent. Encore une fois ce sont les inconforts du voyage : une nuit, l’auberge où ils font étape n’a pour leur permettre de se reposer qu’un grenier garni de paille, pourtant Monseigneur, au matin, se montre jovial : « Je n’ai jamais si bien dormi !»
A Valence, il tient promesse et remet le voile à la postulante de 84 ans qui lui demande si elle ne peut pas en même temps faire sa profession. Il lui répond doucement qu’elle la fera au bout de son année de noviciat, conformément à la Règle à laquelle il ne faut point déroger sans raison. Cette religieuse, non seulement fera sa profession à la fin de son noviciat, mais servira Notre-Seigneur pendant plus de vingt années, mourant plus que centenaire !

Saint François de Sales remettant les Constitutions aux premières Visitandines

   A Lyon, refusant toutes propositions de logement, François va demander asile à ses filles de la Visitation Sainte-Marie de Bellecour, insistant pour s’installer dans la cahute du jardinier : « Je ne suis jamais mieux que quand je ne suis guère bien !» Il y sera plus libre, dit-il, pour accueillir sans déranger ceux qui viendraient le visiter, tout en restant proche de la Visitation, « comme un père avec ses filles ».
De fait, ce sera alors un flot continu de personnes sollicitant ses avis, ses conseils, sa direction dans cette chambrette sans confort. A celà s’ajoutent évidemment les cérémonies officielles et les prédications. Tout le monde veut le voir, tout le monde veut l’entendre : « Mon Dieu, que bienheureux sont ceux qui, dégagés des Cours et des compliments qui y règnent, vivent paisiblement dans la sainte solitude au pied du crucifix !»

   On ne peut tout détailler dans le cadre d’un article de blogue : ceux qui veulent connaître tous les détails de ces journées de Monsieur de Genève à Lyon en ce mois de décembre 1622 les trouveront aisément dans le remarquable ouvrage de Monseigneur Francis Trochu.
L’entrée solennelle de Louis XIII a lieu le 8 décembre, mais François n’y assiste pas : il préfère passer cette journée, mariale entre toutes, dans la cité qui honore depuis déjà des siècles la Conception immaculée de la Mère de Dieu, auprès de ses filles. En outre, la Révérende Mère de Chantal vient d’arriver ! Ce sera la dernière rencontre du Fondateur de la Visitation Sainte-Marie avec celle qui en est la Pierre fondamentale.
Ardente comme toujours, Mère Jeanne-Françoise désire « revoir toute son âme avec lui », moment qu’elle attend depuis trois ans ! De plus, elle a également des questions importantes à soumettre pour le bien de l’Ordre. Mais il faut compter avec le très grand nombre des ecclésiastiques, des princes, princesses, grands Seigneurs et grandes dames, rassemblés pour l’occasion, qui veulent s’entretenir avec Monseigneur… Attendant cette rencontre depuis trois longues années, voilà qu’« il n’a pas un quart d’heure à lui » pour rencontrer Mère de Chantal. Le 12 décembre pourtant, il vient au parloir : « Nous aurons quelques heures libres. Qui commencera de nous deux à dire ce qu’il a à dire ? » - « Moi, s’il vous plait, mon Père, mon cœur a grand besoin d’être revu de vous ». Suave mais grave, il la reprend : « Eh quoi ! Ma Mère, avez-vous encore des désirs empressés et du choix ? Je vous croyais trouver toute angélique ! » Il se moque gentiment mais en fait, il sait qu’elle n’a plus besoin de son enseignement : « Ma Mère, nous parlerons de nous-même à Annecy ; maintenant achevons les affaires de notre congrégation… » Elle obéit aussitôt. Puis, après quatre heures de travail sur des sujets d’importance pour l’Ordre, il lui demande de rentrer à Annecy en passant par Grenoble, Valence, Chambéry, Belley… Une fois de plus, elle prend la route, et le chemin du saint abandon à la divine Providence.

Mort de Saint François de Sales - vitrail de l'église Saint-François de Sales Paris 17e

   La santé de l’évêque aurait besoin de ménagement et de beaucoup de repos, mais la volonté des Princes lui impose de rester davantage à Lyon. Sa chambrette et le parloir de la Visitation continuent à être un vrai « carrefour spirituel ». Confessions, prédications, visites continuent jusqu’à la veille de Noël !
Le 24 décembre, le froid est très rigoureux et la ville est enveloppée d’un épais brouillard. Malgré cela, sur la demande de la Reine-mère, il monte à la Croix-Rousse pour bénir la première pierre de la nouvelle église des Récollets : la cérémonie dure près de trois heures, 
il prend froid et revient avec un fort mal de tête. Il célèbre la Sainte Messe de Minuit chez ses « chère filles » de la Visitation. La Supérieure, Mère de Blonay, a remarqué le visage rayonnant de Monseigneur au Gloria et lui demandera ce qui s’est passé : « Que voulez-vous ! Quand l’ouïe du cœur est un peu dure, il est besoin que les Anges me parlent à l’oreille du cœur… » Il prêche pontificalement après la Messe de la Nuit, puis se rend chez les Dominicains où il confesse les Princes de Piémont, célèbre la Messe de l’Aurore et les communie.
De retour à la Visitation, il doit attendre jusqu’à midi pour célébrer la troisième Messe, celle du Saint Jour de Noël, car il a voulu attendre que l’aumônier de la Visitation, ait célébré ses trois Messes.
Après un très léger repas, il doit, entre autres, remettre l’habit à deux postulantes (et prêcher encore), puis aller faire ses adieux à la Reine-mère qui s’en va le lendemain et cela le mènera jusque tard dans la nuit !
Le lendemain, fête de Saint Etienne, il fait à ses filles le dernier entretien spirituel de sa vie : « Mes chères filles, il faut s’en aller, j’arrive à ma fin…» Après de nombreuses questions et réponses, il donne des enseignements admirables sur le saint abandon : « La vertu et l’amour de Dieu exceptés, la perfection consiste à ne rien demander et à ne rien refuser, mais se tenir prêt à faire l’obéissance ». A la fin, Mère de Blonay insiste : « Qu’est-ce que vous désirez qu’il nous reste le plus engravé dans l’esprit ?» - « Je vous l’ai déjà tant dit ! Ne demandez rien, ne refusez rien ».
Lors d’une visite au noviciat, Mère de Blonay lui demande d’écrire une pensée « pour nous avancer en la vertu ». Il prend la feuille de papier qu’elle lui tend et écrit, en haut : Humilité, puis au milieu et en bas, le même et unique mot : Humilité.
Puis en sortant du parloir de la Visitation, dans la cour, il rencontre les gouverneurs de Bourgogne et de Lyon et doit rester nue tête dans un froid glacial. Lorsqu’il pourra partir prendre congé du Prince de Piémont, il était frigorifié : « Je sens ma vue diminuer, il s’en faut aller et bénir Dieu ».

Annecy - gisant de cire de Saint François de Sales

   Le jour de Saint Jean l’Evangéliste, il se confesse et dit sa Messe « avec une dévotion extraordinaire ».
Puis il est encore accablé de visites. Il écrit deux lettres, les dernières. A 14 h, « s’étant soulevé de son siège, il est soudainement saisi de l’apoplexie dont il meurt le lendemain ». « Il fait sa profession de foi et s’offre en holocauste, consacre sa mémoire au Père, son entendement au Fils, sa volonté au Saint Esprit, son corps, sa langue et ses souffrances à la sainte humanité de Jésus Christ ». Il réclame l’extrême-onction qu’il recevra à minuit.

   Le 28 décembre, ce ne furent pourtant encore que visites. Après l’avoir saigné le matin, sur les cinq heures du soir, « les médecins jugèrent et résolurent de se servir de moyens extrêmes ». Des « moyens » vraiment extrêmes ! Cataplasmes sur le front : en les lui ôtant, on lui arrache la peau. Après lui avoir demandé son accord, les chirurgiens plongent trois fois les « bottons ardents » (tiges de fer rougies au feu) dans la nuque « d’où il sortit une grosse fumée ». On l’entendait gémir doucement « jetant toutefois forces larmes et ne proférant autre chose que les sacrés noms de Jésus et de Marie ». Un vrai martyre ! Le malade s’affaiblit de plus en plus, on le remet au lit. Il dit alors ces dernières paroles : « Le jour baisse, il se fait tard… Jésus, Maria !»
Son agonie dure deux heures. Il fait signe qu’il entend et comprend. Comme il l’avait demandé, on lui répète souvent ce verset : « Mon cœur et ma chair sont un cri vers le Dieu vivant ».
« Son âme, dit un témoin, était tellement avant aux doux ravissements de l’Eternité, qu’elle lui faisait tressaillir le cœur et le corps ensemble, bondissant de joie par l’espérance qu’ils avaient de se réunir en la résurrection générale, pour louer éternellement le Dieu vivant ».
On récitait les prières des agonisants à son chevet, avec les litanies des Saints, et c’est au moment même où on invoquait les Saints Innocents que Monseigneur François de Sales rendit son dernier soupir, ce jour des Saints Innocents, vers huit heures du soir, comme un dernier signe de la pureté de sa vie et de l’innocence de ses mœurs.
Il avait exactement 55 ans, quatre mois et sept jours, et avait dirigé son évêché de Genève pendant 20 ans et 20 jours.

Lyon - rue Saint François de Sales - plaque commémorative du lieu de la mort du saint

Plaque commémorative posée à l’angle de la rue Sainte-Hélène et de la rue Saint-François de Sales, à Lyon,
où se trouvait la « cahutte » du jardinier dans laquelle Saint François de Sales rendit son âme à Dieu

Lire aussi :
Béatification et canonisation de Saint François de Sales > ici

Armoiries de Saint François de Sales

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