2025-172. Où, pour la clôture du mois du Saint Rosaire, nous vous racontons comment nous avons découvert le motet « Ave gratia plena » de Cornelis Verdonck.
31 octobre,
Fête de Sainte Notburge de Cologne, vierge (cf. > ici) ;
Vigile de la Toussaint (cf. > ici) ;
Conclusion du mois du Très Saint Rosaire (cf. > ici).
Gravure de Sainte Anne avec la Vierge et l’Enfant Jésus,
dans l’Oratoire du Mesnil-Marie.
Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,
Ceux d’entre vous qui fréquentent, de manière régulière ou occasionnelle, notre Oratoire du Mesnil-Marie, ont peut-être prêté attention, près de l’autel de la Très Sainte Vierge Marie, à une gravure encadrée, sur laquelle est figurée Sainte Anne, en compagnie de la Vierge Marie, sa fille, et du Saint Enfant Jésus.
Cette gravure, qui présente toutes les caractéristiques de la période maniériste ou du premier baroque, nous a été offerte par un ami, aujourd’hui défunt – hélas ! – qui l’avait chinée dans quelque brocante et avait pensé qu’elle pourrait être à notre goût. Comme elle est très correctement encadrée, dans un cadre doré simple mais élégant qui présente des marques d’ancienneté tout-à-fait charmantes, nous l’avons laissé tel quel.
Lorsque nous nettoyâmes la vitre protectrice, nous pûmes noter l’inscription qui figure sur l’espèce de petite contremarche de la surélévation du trône sur lequel les deux saintes sont assises : « Mater mea et fratres mei hi sunt qui verbum Dei audiunt et faciunt : Ma mère et mes frères sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et la mettent en pratique – Luc VIII, 21″.
Nous remarquâmes aussi sur la gauche l’inscription « P Bailly excu » et sur la droite « M de Vos pinx ». S’il était aisé de comprendre que la seconde désignait le peintre dont s’est inspiré le graveur, pour nous (mais peut-être l’un de nos lecteurs saura-t-il nous éclairer), la première inscription demeure énigmatique premièrement parce que nous ne savons pas de quel mot « excu » est l’abréviation, et deuxièmement parce que s’il y a bien eu un célèbre graveur parisien du nom de Bailly l’initiale de son prénom n’était pas « P » (si ce « P » est bien une initiale de prénom) puisqu’il se prénommait Jacques.

- Jacques Bailly, dit Jacques Bailly l’Ancien, né en 1629 et mort en 1679, fut un peintre, miniaturiste et graveur français, honoré du titre de peintre du Roi. On ne trouve pas dans sa descendance d’homme dont le prénom commence par la lettre P. Pour l’anecdote, notons qu’il fut l’arrière-grand-père de Jean-Sylvain Bailly, connu pour avoir été le premier maire de Paris au moment de la grande révolution.
De toute façon, le style de la gravure présente des caractères antérieurs à 1650. Nous ignorons s’il y a eu d’autres graveurs dans cette lignée avant Jacques Bailly, tout comme nous n’avons pas trouvé – pour l’instant – d’autre graveur portant ce patronyme.
- Maarten de Vos, en français Martin de Vos, né en 1532 à Anvers, où il est aussi mort le 4 décembre 1603, est un peintre flamand de sujets religieux, allégoriques ou historiques, et de portraits. Il est l’un des principaux représentants du maniérisme flamand et le précurseur de la grande école baroque d’Anvers. Ses œuvres ont très fréquemment servi d’inspiration pour des graveurs et des maîtres-verriers.
Son tableau « la Famille de Sainte Anne » est daté de 1585. Il semble évident que ce tableau est l’inspirateur de notre gravure, même s’il existe de très grandes différences entre les deux.

Martin de Vos (1532-1603) : la famille de Sainte Anne (1585)
[musée des Beaux-Arts de Gand]
1) Dans le tableau de Martin de Vos, ce n’est pas Sainte Anne qui se trouve juste à côté de la Vierge Marie, et à laquelle l’Enfant Jésus fait un câlin, mais Sainte Elisabeth, comme le prouve le jeune Saint Jean-Baptiste qui se trouve devant elle ; les deux autres femmes portant des enfants que l’on voit au premier plan sont les deux premières filles de Sainte Anne, laquelle se trouve dans la partie supérieure droite, debout, déposant la Vierge Marie, petite enfant, dans les bras de Saint Joachim.
2) Dans notre gravure, Sainte Anne a été substituée à Sainte Elisabeth, tous les autres personnages ont été supprimés, et on a un « effet miroir » (ce qui était à droite dans l’original se retrouve à gauche et vice versa) ; cependant la parenté demeure évidente comme on peut le constater dans la position de l’Enfant Jésus, et par la grappe de raisin qu’il dépose dans la main de Sa Mère.
(sur ce détail du tableau de Martin de Vos nous avons fait jouer l’effet miroir)
Vous aurez peut-être remarqué que, dans le haut de la gravure il se trouve une partition, portée par sept chérubins – deux d’entre eux portant des instruments de musique – voletant dans des nuées…

Jusqu’à l’année dernière, nous ne nous étions pas vraiment intéressés à cette partition, jusqu’à ce qu’un jeune ami, organiste, regardant de près cette gravure, nous déclarât : « Savez-vous que cette partition n’est pas du tout fantaisiste mais peut vraiment se chanter ? »
Toutefois les choses en restèrent là à ce moment.
Puis, en juillet 2025, un autre ami, maître de chœur dans sa paroisse, venu nous rendre visite, s’est lui aussi intéressé à cette gravure et à sa partition ; mais cette fois nous eûmes le fin mot de l’affaire puisque quelques jours seulement après le passage de cet ami, il nous adressa un courriel nous annonçant avoir trouvé la réponse, m’expliquant que cette partition est celle d’un motet de Cornelis Verdonck (1563-1525), compositeur flamand de la fin de la renaissance plutôt « conservateur », c’est à dire défendant la manière de composer de la seconde moitié du XVIème siècle en relative opposition aux évolutions stylistiques qui vont donner naissance au baroque.
La partition originale du motet « Ave gratia plena » est difficilement exploitable pour un non spécialiste de la musique médiévale. Elle se retrouve sur de nombreuses gravures religieuses flamandes de la fin du XVIème et du début du XVIIème siècle. Et notre ami nous en a envoyé la transcription selon les façons actuelles d’écrire la musique : qu’il en soit chaleureusement remercié !

Voilà donc comment la gravure ancienne qui nous a été offerte il y a de nombreuses années a été l’occasion d’une espèce de jeu de piste – dont je viens de vous donner les péripéties et maintenant résolu -, qui, en ce dernier jour du mois du Très Saint Rosaire, nous permet de méditer encore une fois les paroles de la salutation angélique - que nous récitons sur les grains de nos chapelets -, mises en musique par Cornelis Verdonck :
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