Archive pour la catégorie 'Chronique de Lully'

2023-61. Saint Jean, martyr devant la Porte Latine.

6 mai,
Fête de Saint Jean devant la Porte Latine (double majeur) ;
Anniversaire de la mort de l’Abbé Noël Blachère (cf. > ici) ;
Anniversaire de la prise de Rome par les troupes de Charles Quint (cf. > ici). 

       Nous reproduisons ci-dessous l’intégralité de la notice concernant la fête de Saint Jean devant la Porte Latine, célébrée le 6 mai dans le calendrier traditionnel, telle qu’elle se trouve dans « Les Petits Bollandistes » de Monseigneur Paul Guérin (au tome V, p. 359 et sv.).

St Jean devant la Porte Latine - Charles Le Brun - église Saint Nicolas du Chardonnet Paris

Charles Le Brun (1619-1690) :
Le martyre de Saint Jean devant la Porte Latine
(église Saint-Nicolas du Chardonnet – Paris)

Vers 95 – Pape : Saint Anaclet – Empereur : Domitien.

Sic eum volo manere, donec veniam.
Je veux qu’il survive au martyre,
jusqu’à ce qu’il meure de sa mort naturelle
et que Je vienne le chercher.
Joan. XXI, 22

   Les fils de Zébédée, Jacques et Jean, ne connaissaient encore ni le mystère de la croix ni la nature du royaume de Jésus-Christ, lorsque, par l’organe de leur mère, ils le priaient de les faire asseoir l’un à sa droite, et l’autre à sa gauche, c’est-à-dire de leur donner les deux premières places de son royaume. « Pouvez-vous », leur dit le Sauveur, « boire le calice que je dois boire ? pouvez-vous participer à mes opprobres et à mes souffrances ? » Les deux disciples répondirent affirmativement et protestèrent à leur divin Maître qu’ils étaient dans la résolution de tout endurer pour lui. Alors Jésus leur prédit qu’ils boiraient son calice et qu’ils auraient beaucoup à souffrir pour la vérité de son Evangile. Cette prédiction fut littéralement accomplie dans saint Jacques, lorsque Hérode le fit mourir à cause de la religion qu’il professait.

   Quant à saint Jean, qui aimait si tendrement son divin Maître et qui en était si tendrement aimé, on peut dire, sans faire violence au texte sacré, qu’il but le calice du Sauveur et qu’il en partagea l’amertume lorsqu’il assista à son crucifiement. En effet, son cœur était déchiré par le sentiment des douleurs qu’il lui voyait souffrir ; mais ce n’était encore là qu’un prélude de ses peines. Après la descente du Saint-Esprit, il se vit condamné, avec les autres Apôtres, à la prison, aux fouets, aux opprobres. Enfin la prédiction de Jésus-Christ eut son entier accomplissement lorsqu’il mérita, sous Domitien, la couronne du martyre.

   L’empereur Domitien, auteur de la seconde persécution générale suscitée à l’Eglise, était universellement haï pour sa cruauté, son orgueil et ses impudicités. Il fut, au rapport de Tacite, encore plus cruel que Néron, et il prenait plaisir à repaître ses yeux du spectacle des exécutions barbares dont l’autre, au moins, se dérobait ordinairement la vue. Sous son règne, Rome fut inondée du sang de ses plus illustres habitants. Ennemi de tout bien, il bannit ceux qui avaient la réputation d’hommes vertueux, entre autres Dion Chrysostome et le philosophe Epictète [1] ; mais ce fut sur les chrétiens que tombèrent ses principaux coups. Outre qu’il ne pouvait souffrir la sainteté de leur doctrine et de leur vie, qui lui était un reproche tacite de ses crimes, il était encore animé contre eux par cette haine que leur portaient tous les païens.

   Saint Jean l’Evangéliste vivait encore. Il était chargé du gouvernement de toutes les églises d’Asie, et jouissait d’une grande réputation, tant à cause de cette éminente dignité que de ses vertus et de ses miracles. Ayant été arrêté à Ephèse, il fut conduit à Rome l’an 95 de Jésus-Christ. Il parut devant l’empereur, qui, loin de se laisser attendrir par la vue de ce vénérable vieillard, eut la barbarie d’ordonner qu’on le jetât dans une chaudière remplie d’huile bouillante. Il y a toute apparence que le saint Apôtre souffrit d’abord une cruelle flagellation, conformément à ce qui se pratiquait à l’égard des criminels qui n’avaient point le droit de bourgeoisie romaine. Quoi qu’il en soit, on ne peut au moins douter qu’il n’ait été jeté dans l’huile bouillante : Tertullien, Eusèbe et saint Jérôme le disent expressément.

   Nous ne craignons point d’assurer que le Saint fit éclater une grande joie lorsqu’il entendit prononcer sa sentence ; il brûlait d’un ardent désir d’aller rejoindre son divin Maître, de lui rendre amour pour amour, et de se sacrifier pour Celui qui nous avait tous sauvés par l’effusion de son sang. Mais Dieu se contenta de ses dispositions, en lui accordant toutefois le mérite et l’honneur du martyre : il suspendit l’activité du feu, et lui conserva la vie, comme il l’avait conservée aux trois enfants qui furent jetés dans la fournaise de Babylone. L’huile bouillante se changea pour lui en un bain rafraîchissant, et il en sortit plus fort et plus vigoureux qu’il n’y était entré.

   L’empereur fut très frappé, ainsi que la plupart des païens, de cet événement ; mais il l’attribua au pouvoir de la magie. Ce que l’on publiait des prétendus prodiges opérés par le fameux Apollonius de Tyane, qu’il avait fait venir à Rome, ne contribua pas peu à le confirmer dans cette opinion. La délivrance miraculeuse de l’Apôtre ne fit donc sur lui aucune impression, ou plutôt elle ne servit qu’à augmenter son endurcissement dans le crime. Il se contenta toutefois de bannir le Saint dans l’île de Pathmos [2]. C’est là qu’il composa son apocalypse dont chaque mot, disent les Pères, est un mystère. Désormais la parole de Jésus-Christ : Eum volo manere donec veniam [Jn xxi, 22], — « Je veux qu’il vive jusqu’à ce que je vienne », était accomplie. L’apparition du Sauveur à saint Jean exilé dans Pathmos réalisait précisément sa promesse de le faire échapper à une mort violente et de le laisser mourir tranquillement lorsqu’il serait venu le visiter ; car telle est l’interprétation de ces mots : Je veux qu’il vive jusqu’à ce que je vienne, que les autres Apôtres avaient pris pour un brevet d’immortalité accordé à saint Jean.

   Domitien [3] ayant été assassiné l’année suivante, Nerva, rempli de bonnes qualités et d’un caractère naturellement pacifique, fut élevé à l’empire. Saint Jean eut la liberté de sortir du lieu de son exil et de retourner à Ephèse.

   Ce fut auprès de la porte appelée Latine parce qu’elle conduisait dans le Latium, qu’il remporta ce glorieux triomphe. Pour conserver la mémoire du miracle, on consacra une église en cet endroit sous les premiers empereurs chrétiens. On dit qu’il y avait un temple de Diane, dont on changea la destination pour le faire servir au culte du vrai Dieu. Cette église fut rebâtie, en 772, par le pape Adrien Ier. On visite, encore aujourd’hui, la chapelle Saint-Giovanni-in-oleo sur l’emplacement même du supplice.

   La fête de saint Jean, devant la Porte Latine, a été longtemps chômée en plusieurs églises. Elle a été d’obligation en Angleterre, au moins depuis le XIIe siècle jusqu’à la prétendue réforme ; mais on la mettait seulement au nombre des fêtes du second rang, auxquelles toute œuvre servile était défendue, excepté le labour des terres. Les Saxons, qui s’établirent dans la Grande-Bretagne, avaient une dévotion singulière à saint Pierre et à saint Jean l’Evangéliste. En plusieurs lieux, les imprimeurs honorent saint Jean, devant la Porte Latine, comme leur patron ; en d’autres, ce sont les vignerons et les tonneliers, à cause de la cuve ; ailleurs, ce sont les chandeliers et lampistes, à cause de l’huile et des matières graisseuses. En mémoire de son supplice, on l’invoque contre les brûlures. Quant au choix des imprimeurs, nous ne saurions l’expliquer. Serait-ce parce qu’ils ont commencé par imprimer du latin ? — Les mots Porte Latine doivent probablement avoir déterminé ce choix. Il va de soi que les lithographes, relieurs, régleurs et papetiers ont adopté le même patronage que les imprimeurs.

Tiré de Tertullien, Præscript., c. 36 ; de saint Jérôme, in Jovin., t. Ier, p. 14, et de Tillemont, Hist. eccles., t. Ier, p. 338, et de l’Istoria della Chiesa di S. Giovanni avanti Porta Latina scritta, da Gio Maris Crescembini, Roma, 1716, in‑4°.

Notes :

  1. L’auteur de l’Enchiridion, le plus parfait abrégé de morale qui soit sorti de la plume d’un païen. C’est avec raison que les Stoïciens ont regardé Epictète comme le plus grand philosophe de leur secte. L’empereur Marc-Antonin ne pouvait se rassasier de lire ses ouvrages. Saint Augustin et saint Charles Borromée les lisaient aussi avec beaucoup de plaisir. L’édition la plus complète et la meilleure que nous en ayons, est celle qui parut à. Londres en 1741, 2 vol. in‑4°, par les soins et avec les notes de Jean Upton. Il vient de paraître une excellente traduction du Manuel d’Epictète, avec de savantes notes et des réflexions très chrétiennes : elle a pour auteur M. Louis Cordier, curé de Pouilly-les-Chery (Aisne). Il faut joindre à ce livre un antre ouvrage du même auteur qui y sert de commentaire et dont voici le titre : Du stoïcisme et du Christianisme, rapports et différences.[]
  2. Une des îles Sporades, situées dans la mer Egée ou l’Archipel, où se trouve, dans le couvent de Saint-Jean nommé l’Apocalypse, un séminaire grec, avec une école, une bibliothèque et une collection de médailles.[]
  3. Domitien régna depuis l’an 81 jusqu’à l’an 96. Nous apprenons de Suétone et d’Eusèbe, qu’il porta l’impiété jusqu’à se faire donner le titre de Seigneur et de Dieu. C’était lui qui, renfermé dans son cabinet, employait une partie de son temps à prendre des mouches qu’il enfilait ensuite avec un poinçon. On vit surtout après sa mort combien il était détesté. On abattit ses statues, on ôta son nom des édifices publics, et ses décrets furent annulés par le sénat.[]

2023-60. La vie présente et la vie future.

3ème dimanche après Pâques, dit « dimanche de Jubilate ».
Epître : 1 Pierre II, 11-19 – Evangile : Jean XVI, 16-22.

   L’Evangile de ce troisième dimanche après Pâques nous prépare déjà à l’événement de l’Ascension de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à Son départ « physique » et « visible » de cette terre, sur laquelle Ses disciples devront désormais, jusqu’à Son avènement de la fin des temps, vivre de foi.
Au troisième nocturne des matines de ce dimanche, la Sainte Eglise nous donne à méditer trois extraits du Traité CI des « Traités sur l’Evangile de Saint Jean » de notre Bienheureux Père Saint Augustin : Traité CI ainsi intitulé « Depuis ces paroles de Notre-Seigneur : « Encore un peu de temps, et vous ne Me verrez plus », jusqu’à ces autres : « Et en ce jour vous ne Me demanderez rien » (Jean XVI, 16-23).
Voici donc ci-dessous le texte intégral de ce cent-unième traité sur l’Evangile de Saint Jean où le sublime Docteur d’Hippone commente la péricope évangélique lue ce dimanche à la Sainte Messe, et explique que si ces paroles « Encore un peu de temps… etc. » se sont vérifiées déjà pour le temps entre la mort de Notre-Seigneur et Sa résurrection, elles ont cependant particulièrement trait à cette vie présente, où nous gémissons, et ensuite à la vie éternelle où nous saurons tout et où rien ne nous manquera.

Apparition dans le Cénacle

   1. Ces paroles de Notre-Seigneur à Ses disciples : « Encore un peu de temps et vous ne me verrez plus, et encore un peu de temps et vous me verrez, parce que je vais à mon Père », étaient pour eux si obscures, avant l’accomplissement de ce qu’elles annonçaient, qu’ils se demandaient entre eux ce qu’Il voulait dire, et qu’ils avouaient n’y rien comprendre. L’Evangile, en effet, ajoute : « Quelques-uns donc des disciples se dirent entre eux : Qu’est-ce qu’Il nous dit : Encore un « peu de temps et vous Me verrez, et encore un peu de temps et vous ne Me verrez plus, parce que Je vais à Mon Père ? Ils disaient donc : Qu’est-ce qu’Il nous dit : Encore un peu de temps ? Nous ne savons ce qu’Il dit». Ce qui les embarrassait, c’est qu’Il disait : « Encore un peu de temps et vous ne Me verrez pas, et encore un peu de temps et vous Me verrez ». Auparavant Il leur avait dit, non pas : « Encore un peu de temps » ; mais seulement : « Je vais à Mon Père, et vous ne Me verrez plus » (cf. Jean XVI, 10).
Il semblait alors leur parler clairement, et entre eux ils ne se demandèrent rien à ce sujet. Mais ce qui leur était alors caché et leur fut découvert peu après, nous est maintenant connu. Peu après, en effet, Jésus-Christ souffrit, et ils ne Le virent plus ; et encore un peu après, Il ressuscita, et ils Le virent de nouveau.
Par le mot « plus » Il voulait leur faire comprendre qu’ils ne Le verraient plus à l’avenir, et nous avons déjà expliqué que c’est le sens qu’il faut donner à ces paroles : « Vous ne me verrez plus » ; car, à l’occasion de cet autre passage : « L’Esprit-Saint accusera le monde touchant la justice, parce que Je vais au Père, et vous ne Me verrez plus » (au traité XCV sur Saint Jean), nous avons dit qu’ils ne Le verraient plus dans un corps mortel.

   2. « Mais Jésus », continue l’Evangéliste, « connut qu’ils voulaient L’interroger, et Il leur dit : Vous vous demandez entre vous ce que J’ai dit : Encore un peu de temps, et vous ne Me verrez pas ; et encore un peu temps, et vous Me verrez. En vérité, en vérité, Je vous dis que vous pleurerez et vous gémirez, vous, et le monde se réjouira ; vous serez contristés, mais votre tristesse se changera en joie ». Ces paroles peuvent s’entendre en ce sens que les disciples furent contristés par la mort de Notre-Seigneur et réjouis aussitôt après par Sa résurrection. Mais le monde, et par là il faut entendre Ses ennemis, c’est-à-dire ceux qui Le mirent à mort, le monde s’est réjoui de la mort de Jésus-Christ, pendant que Ses disciples en étaient contristés. Par le mot « monde », on peut entendre la malice de ce monde, c’est-à-dire des hommes qui aiment le monde. C’est pourquoi l’apôtre saint Jacques dit dans son épître : « Quiconque voudra être ami de ce monde se rend ennemi de Dieu » (Jacques IV, 4). Inimitiés contre Dieu en raison desquelles on n’a pas épargné même Son Fils unique.

   3. Le Seigneur ajoute ensuite : « Une femme, lorsqu’elle enfante, est dans la tristesse, parce que son heure est venue; mais lorsqu’elle a enfanté un fils, elle ne se souvient plus de sa douleur à cause de sa joie, parce qu’un homme est né au monde. Et vous, vous avez maintenant de la tristesse ; mais Je vous verrai de nouveau, et votre coeur se réjouira, et personne ne vous ravira votre joie ». Cette comparaison ne paraît pas difficile à comprendre. L’explication en est toute trouvée, puisque Notre-Seigneur nous l’a donnée Lui-même. L’enfantement est comparé à la tristesse, et la délivrance à la joie, qui est d’ordinaire plus grande lorsque, au lieu d’une fille, c’est un garçon qui vient au monde. Quant à ces mots : « Personne ne vous ravira votre joie », comme Jésus Lui-même est leur joie, ils nous sont expliqués par ce que dit l’Apôtre : « Jésus-Christ ressuscitant d’entre les morts ne mourra plus, et la mort n’exercera plus jamais sur Lui son empire » (Rom. VI, 9).

   4. Jusque-là, nous n’avons fait que courir dans cette partie de l’Evangile que nous expliquons aujourd’hui, tant chaque chose est facile à comprendre ; mais ce qui suit demande une attention bien plus profonde. Que veulent dire en effet ces paroles : « Et en ce jour vous ne Me demanderez rien ? » Le mot ici employé, rogare, ne signifie pas seulement demander, il signifie encore interroger. Et l’Evangile grec, dont celui-ci est la traduction, emploie lui aussi un mot qui présente les deux sens. Ainsi le grec ne peut nous aider à découvrir le sens précis du mot latin ; et quand il pourrait le faire, toute difficulté n’aurait pas disparu. Car nous voyons qu’après Sa résurrection Notre-Seigneur a été interrogé et prié. Ses disciples L’ont interrogé, au moment où Il montait au ciel, pour savoir quand Il reviendrait et rétablirait le royaume d’Israël (cf. Act. I, 6). Il était déjà dans le ciel, quand Il fut prié par saint Etienne de vouloir bien recevoir son âme (cf. Act. VII, 58). Où est l’homme assez osé pour penser ou dire qu’il ne faut pas prier Jésus-Christ aujourd’hui qu’Il est assis au plus haut des cieux, puisqu’on Le priait lorsqu’Il était sur la terre ? qu’il ne faut pas prier Jésus-Christ aujourd’hui qu’Il est immortel, puisqu’il fallait Le prier quand Il était mortel ? Ah ! mes très-chers frères, prions-Le plutôt de vouloir bien résoudre Lui-même cette difficulté, en faisant briller Sa lumière dans nos coeurs, pour nous faire comprendre ce qu’Il a voulu dire.

   5. Je le pense, ces paroles : « De nouveau Je vous verrai et votre coeur se réjouira, et  personne ne vous enlèvera votre joie », doivent se rapporter non pas au temps où, après Sa résurrection, Il leur donna Sa chair à voir et à toucher (cf. Jean XX, 27), mais plutôt à ce temps dont Il avait déjà dit : « Celui qui M’aime sera aimé par Mon Père, et Je l’aimerai, et Je Me montrerai à lui » (Jean, XIV, 21). Déjà, en effet, Jésus-Christ était ressuscité, déjà Il S’était montré dans Sa chair à Ses disciples, déjà Il était assis à la droite du Père, quand l’apôtre Jean, dont nous expliquons l’Evangile, disait dans une de ses épîtres : « Mes bien-aimés, maintenant nous sommes les enfants de Dieu, mais ce que nous serons n’est point encore apparu ; nous savons que, quand Il apparaîtra, nous serons semblables à Lui, parce que nous Le verrons tel qu’Il est » (1 Jean III, 2). Cette vision n’est pas pour cette vie, mais pour la vie future ; elle est, non pas du temps, mais de l’éternité. « C’est », dit Celui qui est la vie, « c’est vie éternelle, de Vous connaître, Vous, le seul vrai Dieu, et Jésus-Christ que Vous avez envoyé » (Jean XVII, 3). Au sujet de cette vision et de cette connaissance, l’Apôtre nous dit : « Nous ne voyons rien maintenant a que comme dans un miroir et sous des images obscures ; mais alors nous verrons face à face. Maintenant je ne Le connais qu’imparfaitement, mais alors je Le connaîtrai comme je suis connu de Lui » (1 Cor. XIII, 12-13). Ce fruit de tout son travail, l’Eglise l’enfante aujourd’hui par ses désirs ; alors elle le produira en le voyant. Maintenant elle l’enfante en gémissant, alors elle le produira en se réjouissant ; maintenant elle l’enfante en priant, alors elle le produira en louant. Et c’est un garçon ; car c’est à ce fruit de la contemplation que se rapportent toutes les œuvres de l’action. Seul il est libre ; car il est désiré pour lui-même et il ne se rapporte à rien autre chose. C’est lui que sert toute action, c’est à lui que se rapporte tout ce qui se fait de bien, parce que le bien se fait pour lui ; on n’entre en possession de lui, et on ne le possède que pour lui-même, et ce n’est point pour autre chose. Il est la fin qui nous doit suffire : il est donc éternel ; car la seule fin qui puisse nous suffire est celle qui n’a pas de fin. C’est ce qui était inspiré à Philippe, lorsqu’il disait : « Montrez-nous le Père, et cela nous suffit ». En promettant de Le lui montrer, le Fils lui fait la promesse de Se montrer Lui-même : « Ne crois-tu pas que Je suis dans le Père et que le Père est en Moi ? » (Jean XIV, 8-10). C’est donc avec raison que nous entendons ces paroles : « Personne ne vous enlèvera votre joie», la joie de l’objet qui nous suffit.

   6. Par ce que nous venons de dire, il nous est, ce me semble, possible de mieux saisir ces paroles : « Encore un peu de temps et vous ne Me verrez plus, et encore un peu de temps et vous Me verrez ». Ce peu de temps dont parle Notre-Seigneur, c’est tout l’espace qui renferme le temps présent. C’est pourquoi notre Evangéliste dit encore dans une de ses épîtres : « C’est la dernière heure » (Jean II, 18). Et ce que Notre-Seigneur ajoute : « Parce que Je vais à Mon Père », doit se rapporter à la première phrase : « Encore un peu de temps et vous ne Me verrez plus » ; et non pas à la seconde, où Il dit : « et encore un peu de temps et vous Me verrez ». Dès lors qu’Il devait aller au Père, ils ne devaient plus Le voir. Il ne dit donc pas qu’Il devait mourir, et que jusqu’à Sa résurrection Il serait soustrait à leur vue ; mais Il dit qu’Il devait aller au Père ; ce qu’Il fit après Sa résurrection, lorsqu’après avoir conversé avec eux pendant quarante jours, Il monta au ciel (cf. Act. I, 3-9). Il dit donc « Encore un peu de temps et vous ne Me verrez plus ». Et Il le dit à ceux qui Le voyaient corporellement, parce qu’Il devait aller au Père, et qu’ils ne Le verraient plus comme homme mortel, et tel qu’Il était lorsqu’Il leur disait ces choses. Quant à ce qu’Il ajoute : « Et encore un peu de temps, et vous Me verrez », c’est à toute l’Eglise qu’Il le promet ; comme c’est à toute l’Eglise qu’Il a fait cette autre promesse : « Voici que Je suis avec vous jusqu’à la consommation des siècles » (Matth. XXVIII, 20). Le Seigneur ne retardera pas l’accomplissement de Sa promesse : Encore un peu de temps, et nous Le verrons, mais dans un état où nous n’aurons pas à Le prier ni à L’interroger, parce qu’il ne nous restera rien à désirer ni rien de caché à apprendre. Ce peu de temps nous paraît long, parce qu’il n’est pas encore passé ; mais quand il sera fini, nous comprendrons combien il était court. Que notre joie ne ressemble donc pas à celle du monde dont il est dit : « Mais le monde se réjouira »; et néanmoins, pendant l’enfantement du désir de l’éternité, que notre tristesse ne soit pas sans joie ; car, dit l’Apôtre : « Joyeux en espérance, patients en tribulations » (Rom. XII, 12). En effet, la femme qui enfante, et à laquelle nous avons été comparés, ressent plus de joie à mettre au monde un enfant, qu’elle ne ressent de tristesse à souffrir sa douleur présente. Mais finissons ici ce discours. Ce qui suit offre en effet une difficulté très-épineuse ; il faut ne pas le circonscrire dans le peu de temps qui nous reste, afin de pouvoir l’expliquer avec plus de loisir, s’il plait au Seigneur de nous en faire la grâce.

Ascension de NSJC

2023-59. Gouverner et se gouverner : lettre aux membres et amis de la Confrérie Royale pour le 25 avril 2023.

25 avril 2023,
fête de Saint Marc, évangéliste et martyr ;
à Rome, les litanies majeures (mineures en France) ;
anniversaire de la naissance de SMTC le Roi Louis XX.

Baptême du futur Louis XX

Baptême du futur Louis XX

En ce 25 avril,
nous souhaitons à Monseigneur le Prince Louis de Bourbon,

duc d’Anjou,
de jure Sa Majesté le Roi Louis XX
un très bon et heureux anniversaire,
et nous L’assurons de nos ferventes prières
pour Son Auguste Personne
et à toutes Ses intentions

Armes de France & Navarre

Lettre mensuelle aux membres et amis
de la
Confrérie Royale

Gouverner et se gouverner

       Gouverner est désiré avec concupiscence par ceux qui prétendent servir leur pays. En revanche, l’art du gouvernement est un art difficile et rares sont les artisans experts en cette matière. Saint Thomas d’Aquin, dans son étude sur La Royauté, précise ce qu’est gouverner : « […] Gouverner signifie conduire de manière appropriée ce qui est gouverné vers la fin qui lui est due. » (Livre II, chap. 3, art. 2) Une telle définition devrait ramener à des sentiments plus humbles ceux qui veulent détenir le pouvoir, car, la plupart du temps, le gouvernement ne poursuit pas un tel but mais plutôt la mise en place d’un programme bénéficiant à quelques-uns. Pour le Docteur angélique, la fondation d’une cité ou d’un royaume doit se conformer à la création du monde. De même, le gouvernement d’une cité ou d’un royaume devra se conformer au gouvernement divin. Toute personne ayant reçu une charge particulière doit aider les autres à atteindre leurs fins extrinsèques, autant qu’il en possède la capacité, comme lorsqu’un capitaine au long cours mène à bon port son navire. Ce dernier ne doit pas seulement conserver intact son vaisseau mais également le conduire jusqu’au port qui était prévu. Quelle est donc la fin ultime de la multitude des hommes ? Vivre selon la vertu. Reprenant ici une intuition aristotélicienne, l’Aquinate souligne que les hommes ne se rassemblent pas seulement pour vivre, comme le font aussi certaines espèces animales, pour se soutenir dans l’atteinte et l’exercice des vertus. Malgré tout, cela n’est pas le port final. Il faut s’élever encore : « La fin de la multitude associée n’est pas de vivre selon la vertu, mais de parvenir, grâce à une vie vertueuse, à la jouissance de Dieu. » (Livre II, chap. 3, art. 6) Un tel gouvernement échappe au roi temporel et repose en Dieu, le prince n’étant qu’un auxiliaire pour favoriser ceux qui ont mission de transmettre sur cette terre l’annonce de la gloire céleste, à savoir les prêtres. Dans une telle hiérarchie des fins à poursuivre, celles qui sont secondaires ne sont que des paliers pour atteindre la fin ultime. Les rois sont les serviteurs du roi qu’est le Christ et ils doivent se soumettre à son Vicaire sur terre, lui-même serviteur de Celui qui est la tête : « […] À celui en charge de la fin dernière doivent se soumettre ceux qui sont chargés des fins antécédentes ; et c’est par son commandement qu’ils sont dirigés. » (Livre II, chap. 3, art. 9)

   Nous sommes bien éloignés de cet idéal dans nos gouvernements contemporains, tant pour les biens intermédiaires et les fins extrinsèques que pour, bien entendu, le bien suprême et la fin ultime. Leonardo Castellani écrit très justement : « Dur et difficile de gouverner, mais incroyablement dangereux aussi. Non pas à cause du nombre incalculable de choses à faire, comme on le croit ordinairement, mais à cause du courage nécessaire à l’exécution des trois seules choses auxquelles le gouvernement est tenu, – d’après ce que j’ai lu chez Machiavel, qui le tirait lui-même de Tite-Live. Trois choses, pas une de plus, trois comme les personnes de la Sainte Trinité : faire la guerre, faire des routes et rendre justice. Et distribuer l’essence ? Laissons ça aux garagistes. Et quand les gouvernants sont corrompus ? Patience ! S’ils sont pris la main dans le sac, alors c’est là qu’il faut rendre la justice. » (Le Verbe dans le Sang, « Gouverner ») Un système républicain à la française tombe justement dans l’ornière du totalitarisme en ce qui concerne « les choses à faire ». L’État est anthropophage, dévorant ses propres enfants à force de les surveiller, de les manipuler et de les punir en toute occasion. Comme les apprentis sorciers en politique veulent prouver qu’ils sont capables de faire quelque chose, – ce qui est toujours regardé avec suspicion par les peuples-, ils décident de s’occuper de tout, surtout de ce qui ne les regarde pas comme la vie des familles, l’instruction, l’éducation, les arts, les fêtes, les loisirs et, bien évidemment, la religion. L’excellent Père Castellani souligne avec humour : « Le gouvernement enseigne et cultive à peu près comme le moustique ou la tique cultive l’organisme. » Souvent des voix s’élèvent pour défendre cette boulimie étatique, avançant l’argument que le monde actuel est très compliqué et qu’il nécessite des solutions et des actions qui ne le sont pas moins. En fait, plus un problème est complexe, plus les principes utilisés pour le résoudre devraient être simples. Gouverner est d’abord affaire de discrétion, de distance, de hauteur. Si la monarchie chrétienne française fut un modèle d’équilibre, – tenant compte qu’aucun système politique n’est infaillible et parfait -, ce fut grâce à quatre colonnes qui furent en même temps quatre protections contre les abus du pouvoir : les corporations, puissance financière ; l’université, centre du savoir ; la magistrature, gardienne des lois ; et l’Église, siège du pouvoir spirituel et du bien suprême. Le roi très chrétien devait gouverner en s’appuyant, bon gré mal gré, sur ces quatre piliers. Ce n’est plus le cas des élus républicains dont les assemblées, très réduites, sont au service d’un mythe : le progrès, et d’une puissance créée uniquement par l’homme : l’argent. La confrontation engendrée par un système niant Dieu conduit nécessairement à ce que Satan soit plus fort que le Créateur dans l’ordre matériel. Dieu est faible en politique et fort pour gouverner la création. Notre jésuite rebelle nous encourage en déduisant le point suivant : « Il y a une ruse de Dieu : caché dans sa manche, l’as de l’épée, carte de la Résurrection. Quand tout s’obscurcit, soyez sûr qu’alors viendra l’aube. Et souvenez-vous de la parabole du figuier. » Rappelons le contenu de cette parabole : « Apprenez la parabole prise du figuier. Quand ses rameaux sont encore tendres et ses feuilles naissantes, vous savez que l’été est proche. Ainsi vous-mêmes, lorsque vous verrez toutes ces choses, sachez que le Christ est proche, à la porte. » (Matthieu, XXIV. 32-33)

   Notre confiance dans le gouvernement du monde par Dieu est une invitation à relativiser les choses humaines, tout ce qui dépend de l’homme, tous ces biens secondaires, toutes ces fins extérieures. L’important est dans l’art de se gouverner soi-même, c’est-à-dire de cultiver les vertus qui seront le tremplin pour atteindre le bien éternel au-dessus de nous. Tout le reste peut sombrer dans le chaos. Voilà pourquoi tant de générations de chrétiens fervents ont résisté aux persécutions et se sont dirigés sans faillir vers le martyre. La vie intérieure exige plus de talent et de résistance que tous les gouvernements de la terre. Encore faut-il reconnaître Notre Seigneur comme le Roi qui dirige et qui donne les lois et les règles pour parvenir jusqu’à lui. Elles sont simples : renoncer à soi-même, puis prendre sa croix pour Le suivre. Nous sommes sous le règne de la divine providence et celle-ci ne régente pas toutes choses mais nous éclaire pour accomplir le bien. Saint Jérôme précisait à juste titre : « Il est absurde d’étendre la majesté de Dieu au point où il saurait à chaque instant combien de moustiques naissent et combien meurent [...]. Nous ne devons pas devenir des vains adulateurs de Dieu au point de galvauder la providence en l’étendant jusqu’à ces questions. » (Commentaire sur Habacuc) En revanche Dieu agit en tout ce qui contribue au bien moral et spirituel de l’homme, sans négliger le reste de la création, comme Notre Seigneur le rappelle : « Deux passereaux ne se vendent-ils pas un as ? Cependant pas un d’eux ne peut tomber sur la terre sans votre Père. Les cheveux mêmes de votre tête sont comptés. » (Matthieu, X. 29-30) Saint Augustin, dans La Cité de Dieu, luttera contre une idée erronée du destin et défendra cette Providence qui régit tout dans le moindre détail si cela est ordonné au bien des créatures. Notre tâche pour nous gouverner nous-mêmes est donc grandement facilité. L’horizon est dégagé et nous pouvons nous reposer en confiance. Tout en appelant de nos vœux un régime politique conforme aux vertus chrétiennes, -et en travaillant chacun à notre petit niveau à son avènement-, ne soyons pas inquiets, angoissés à cause du chaos du monde, des crises de notre pays, des blessures de l’Église. Celui qui aime est aux commandes. Il est un valeureux capitaine qui nous mènera à jeter l’ancre dans une baie paradisiaque.

Père Jean-François Thomas s.j.
Lundi Saint 3 avril 2023

Christ-Roi - église Sainte-Marie à Ely  Cambridgeshire

Prière de reconnaissance au Christ Sauveur, Père des miséricordes, extraite des œuvres de Saint Anselme :

21 avril,
fête de Saint Anselme de Cantorbéry, évêque et confesseur, docteur de l’Eglise (cf. > ici).

Saint Anselme de Cantorbery

Prière de reconnaissance au Christ Sauveur, Père des miséricordes,
extraite des œuvres de Saint Anselme :

       « En vérité, ô Seigneur Jésus, Vous êtes un Père, et de quel Pain délicieux ne nourrissez-Vous pas Vos enfants, afin de leur mieux témoigner la suavité de votre Amour ?
« Que tous les petits enfants viennent à moi » avez-Vous dit un jour. Ô douce Parole, qui résonne, délicieusement à mes oreilles, et que voilà un doux, un amoureux appel !
Vous ne méprisez personne, Vous ne rejetez personne.
J’ai péché ; mais voici que, comme un bon Père, Vous avez enduré mes injures, et c’est Vous qui me soutenez encore.
Si je me repens, Vous me pardonnez ; si je reviens, Vous me recevez ; si je me fais attendre, Vous m’attendez.
Suis-je errant ? Vous m’appelez ; si je résiste à cet appel, Vous m’appelez encore !
Suis-je endormi ? Vous me réveillez ; si je pleure, Vous me consolez ; si je rentre à la maison, Vous me tendez les bras !
Suis-je tombé,? Vous me relevez ; quand je frappe, Vous ouvrez ; quand je demande, Vous me donnez.

   Par combien de bienfaits ne m’avez-Vous pas enchainé, ô mon Jésus, ô mon Père !
Pour me faire monter au Ciel, Vous en êtes descendu ; pour me rendre la robe de l’innocence, Vous avez revêtu celle de la chair ; pour me rendre bon, pur et saint, Vous m’avez en personne donné des Commandements très-précis : plus que des commandements, des Exemples.
Pour me faire vivre heureux dans le Palais du Ciel au milieu de Vos saints, Vous êtes mort entre deux voleurs sur le gibet de la Croix.

   Enfin, pour que mon âme ne manquât jamais de la nourriture spirituelle, Vous m’avez laissé en héritage Votre Corps et Votre Sang Très Sacrés !
Ô Seigneur, ô Père qui Vous donnez tout entier à Vos fils, faites que je sois petit enfant pour être plus digne d’aller recevoir, à Votre table paternelle, le Pain des enfants. Et ayez pitié aussi de tous ces autres fils, de mes frères, pour lesquels je dois prier. Accordez-leur tout ce que je viens de demander pour moi…»

Ainsi soit-il.

   Autres prières de Saint Anselme publiées dans ce blogue :

- Louange à la Croix > ici
- Prière à la Vierge Marie dans le mystère de sa Purification > ici

Lumière entrant par un vitrail

2023-57. Où, à propos de la fête du Bienheureux Simon de Todi, on évoque les fautes contre le huitième commandement si fréquentes chez les fidèles et dans le clergé lui-même.

20 avril,
Dans l’Ordre de Saint Augustin, fête du Bienheureux Simon de Todi ;
Anniversaire de la naissance de SMTC le Roi Alphonse II de France (cf. > ici, et > ici).

Bienheureux Simon de Todi

Représentation récente du Bienheureux Simon de Todi

       L’extraordinaire fécondité spirituelle du grand Saint Augustin, se vérifie tout particulièrement par les innombrables fruits de sainteté qui se sont développés dans les familles religieuses vivant sous la Règle qu’il a laissée, magnifique héritage de l’expérience spirituelle vécue par le célèbre converti – et par ses proches – dès avant son baptême, le 24 avril 387 (cf. ce que nous en avons écrit > ici).
En France, l’Ordre des Ermites de Saint Augustin, dont les couvents étaient assez nombreux sous l’Ancien Régime, ne s’est jamais véritablement remis de la grande révolution, si bien que (hélas !), la grande majorité des catholiques français de cette première moitié du XXIème siècle, même dans les milieux fervents et instruits, ne sait pas grand chose de cet Ordre, qui subsiste pourtant heureusement en bien d’autres pays, ni des grands saints qu’il a donné à la Sainte Eglise.

   Le Bienheureux Simon de Todi est l’une de ces magnifiques figures de sainteté, dont le jour de la fête nous fournit l’occasion de faire une brève présentation.
Simon Rinalducci est né à Todi (province de Pérouse, en Ombrie), aux alentours de 1260. On ne sait pratiquement rien de son enfance et de son adolescence.
Vers 1280 il entra dans l’Ordre des Ermites de Saint Augustins, chez lesquels il fit ses études et fut ordonné prêtre : dès lors il est connu comme un théologien brillant et un excellent prédicateur. Il exerce la fonction de lecteur (terme par lequel on désigne alors, dans certains ordres religieux, celui qui donne les leçons de théologie) dans plusieurs couvents, puis il est désigné comme prieur de monastère, et enfin nommé prieur provincial d’Ombrie, ce qui l’amène donc à visiter les monastères de l’Ordre et à prendre les décisions pour que la discipline et la ferveur y soient non seulement observées, mais qu’elles y croissent en intensité et profondeur.

   Or nous savons bien que, même dans les milieux religieux – où l’on est supposé rechercher avec ardeur la perfection morale, tendre loyalement  à la sainteté et vivre plus qu’ailleurs dans la charité fraternelle -, le démon s’efforce d’introduire des éléments de dissension et de trouble.
Les responsabilités confiées au Frère Simon de Todi dans le gouvernement de l’Ordre, et les exigences de son gouvernement suscitèrent fatalement des jalousies et des mécontentements chez certains religieux moins fervents…
C’est ainsi qu’à l’occasion du chapitre général de Rimini, en 1318, plusieurs religieux calomnièrent le Père Simon, qui n’avait pu venir à ce chapitre : les supérieurs reçurent ces accusations (dont la teneur n’a pas été conservée par l’histoire) comme des faits avérés, sans chercher à les vérifier ni à les approfondir : ces accusations eurent évidemment des conséquences, tant pour la réputation que pour l’apostolat du Bienheureux qui fut relevé de ses fonctions et éloigné d’Ombrie, mais refusa toujours de se justifier, comme l’y exhortaient certains bons religieux qui savaient que tout cela n’était que le produit de la jalousie et de la méchanceté. Il ne se plaignit pas non plus, acceptant l’épreuve avec sérénité et esprit surnaturel, disant que Notre-Seigneur avait souffert bien davantage et de bien plus cruelle manière.

   Il fut alors envoyé à Bologne, où il exerça avec brio son ministère de prédication, convertissant et ramenant dans le bercail de la Sainte Eglise un très grand nombre de brebis égarées.
Il s’y montra aussi un exemple d’humilité et d’obéissance, malgré l’évidente injustice qui le frappait. Sa patience et son abnégation touchèrent au plus profond un très grand nombre d’âmes, et Dieu lui accorda des faveurs surnaturelles signalées, parmi lesquelles le don d’accomplir plusieurs miracles.
Les évêques se réjouissaient des heureux fruits de la prédication du 
Père Simon de Todi dans leurs diocèses, ce qui accrut le rayonnement de l’Ordre et favorisa des fondations de monastères.

   Le Bienheureux Simon de Todi rendit son âme à Dieu à Bologne le 20 avril 1322, dans le couvent Saint Jacques le Majeur où sa tombe devint rapidement un lieu de pèlerinage et de miracles : selon le témoignage du Bienheureux Jourdain de Saxe, il avait prophétisé le jour de sa mort.
Durant les trois années qui suivirent son trépas, trois notaires différents recensèrent cent-trente-six miracles obtenus sur sa tombe.
Son culte fut confirmé le 19 mars 1833 par le pape Grégoire XVI, et la basilique Saint Jacques le Majeur de Bologne, encore aujourd’hui desservie par les Augustins, conserve toujours ses restes vénérés.

Basilique Saint Jacques le Majeur à Bologne - intérieur

Bologne : intérieur de la basilique Saint Jacques le Majeur

       Malheureusement, et on ne peut pas y penser sans une très grande peine, le huitième commandement de Dieu, qui interdit le mensonge, les atteintes à la réputation et à l’honneur d’autrui (par la médisance, la diffamation, la calomnie, les jugements téméraires, les propos insidieux et les ragots), le faux témoignage et le parjure, est l’un de ceux qui est le plus malmené et sur lequel les fidèles semblent le moins sensibilisé de nos jours : à l’intérieur même du clergé – de la même façon que cela s’est passé jadis pour le Bienheureux Simon de Todi, ainsi que cela a été raconté ci-dessus – on peut fréquemment constater des fautes multiples contre ce commandement de Dieu, soit par frivolité soit par jalousie et méchanceté.
Il n’est même pas rare que des supérieurs ecclésiastiques, voire des organes de communication officiels de diocèses, donnent ce mauvais exemple et se fassent les colporteurs de telles graves injustices.
Il semble donc important de rappeler (la répétition n’est-elle pas la mère de la pédagogie ?) en ce jour l’enseignement pérenne de l’église sur le huitième commandement et les fautes que l’on commet contre lui. A cette fin, nous recopions ci-dessous le passage du Catéchisme de Saint Pie X qui le concerne :

Extrait du catéchisme de Saint Pie X : Le huitième commandement.

   Question : Que nous défend le huitième commandement : « Tu ne diras pas de faux témoignage » ?
Réponse : Le huitième commandement : Tu ne diras pas de faux témoignage, nous défend de déposer faussement en justice. Il nous défend encore la diffamation ou médisance, la calomnie, la flatterie, le jugement et le soupçon téméraires et toute sorte de mensonge.

   Q. : Qu’est-ce que la diffamation ou médisance ?
R. : La diffamation ou médisance est un péché qui consiste à manifester sans un juste motif les péchés et les défauts d’autrui.

   Q. : Qu’est-ce que la calomnie ?
R. : La calomnie est un péché qui consiste à attribuer méchamment au prochain des fautes et des défauts qu’il n’a pas.

   Q. : Qu’est-ce que la flatterie ?
R. : La flatterie est un péché qui consiste à tromper quelqu’un en disant faussement du bien de lui ou d’un autre, dans le but d’en retirer quelque avantage.

   Q. : Qu’est-ce que le jugement ou soupçon téméraire ?
R. : Le jugement ou le soupçon téméraire est un péché qui consiste à mal juger ou à soupçonner de mal le prochain sans un juste motif.

   Q. : Qu’est-ce que le mensonge ?
R. : Le mensonge est un péché qui consiste à affirmer comme vrai ou comme faux, par des paroles ou par des actes, ce qu’on ne croit pas tel.

   Q. : De combien d’espèces est le mensonge ?
R. : Le mensonge est de trois espèces : le mensonge joyeux, le mensonge officieux et le mensonge pernicieux.

   Q. : Qu’est-ce que le mensonge joyeux ?
R. : Le mensonge joyeux est celui dans lequel on ment par pure plaisanterie et sans faire tort à personne.

   Q. : Qu’est-ce que le mensonge officieux ?
R. : Le mensonge officieux est l’affirmation d’une chose fausse pour sa propre utilité ou celle d’un autre, mais sans qu’il y ait de préjudice pour personne.

   Q. : Qu’est-ce que le mensonge pernicieux ?
R. : Le mensonge pernicieux est l’affirmation d’une chose fausse qui fait tort au prochain.

   Q. : Est-il permis de mentir ?
R. : Il n’est jamais permis de mentir ni par plaisanterie, ni pour son propre avantage ni pour celui d’autrui, car c’est une chose mauvaise par elle-même.

   Q. : Quel péché est le mensonge ?
R. : Quand le mensonge est joyeux ou officieux, c’est un péché véniel ; mais s’il est pernicieux, c’est un péché mortel si le préjudice causé est grave.

   Q. : Est-il toujours nécessaire de dire tout ce qu’on pense ?
R. : Non, cela n’est pas toujours nécessaire, surtout quand celui qui vous interroge n’a pas le droit de savoir ce qu’il demande.

   Q. : Pour celui qui a péché contre le huitième commandement suffit-il qu’il s’en confesse ?
R. : Pour celui qui a péché contre le huitième commandement, il ne suffit pas qu’il s’en confesse ; il est obligé de rétracter ce qu’il a dit de calomnieux contre le prochain, et de réparer du mieux qu’il le peut les dommages qu’il lui a causés.

   Q. : Que nous ordonne le huitième commandement ?
R. : Le huitième commandement nous ordonne de dire quand il le faut la vérité, et d’interpréter en bien, autant que nous le pouvons, les actions de notre prochain.

   Puisse donc le Bienheureux Simon de Todi, fêté ce 20 avril, ancrer profondément ces divines vérités en nos âmes, nous assister pour que nous évitions comme la peste de tomber nous-mêmes en semblables fautes, et nous venir en aide pour supporter avec patience, à son exemple, les atteintes à notre réputation et à notre honneur que nous font subir les diffamateurs, médisants et calomniateurs qui ne manquent jamais de se manifester dès lors que l’on chatouille un peu leur autosuffisante médiocrité.

Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur.       

Albrecht Dürer - la calomnie

La calomnie (gravure d’Albrecht Dürer)

2023-56. Récoltes pascales.

- Méditation pour le dimanche de Quasimodo -

Andrea del Verrochio - l'incrédulité de Saint Thomas

Andrea di Michele di Cione dit Le Verrocchio (1435 – 1488) :
l’incrédulité de Saint Thomas confondue

Présence de Dieu.

« O Jésus, je viens à Vous comme Thomas ; faites que je ne sois pas incrédule, mais fidèle ».

Méditation.

   1 – La liturgie de ce jour s’occupe, d’une façon toute particulière, des nouveaux baptisés qui, à l’expiration de la semaine pascale, déposaient les vêtements blancs reçus au fonts baptismaux. C’est réellement à eux qu’est adressée l’affectueuse recommandation de Saint Pierre que nous lisons dans l’introït de la Messe : « Comme des enfants nouvellement nés, désirez ardemment le lait spirituel très pur ».
Ces paroles nous révèlent la sollicitude maternelle de l’Église pour ses enfants qu’elle a régénérés dans le Christ et surtout pour les nouveaux-nés.
Mais nous sommes aussi l’objet de cette sollicitude ; bien que baptisés dès notre venue au monde, on peut dire qu’à chaque fête de Pâques, en ressuscitant dans le Christ, nous renaissons en Lui à une vie nouvelle. Il nous faut donc être nous aussi semblables à des « enfants nouveaux-nés », dans lesquels il n’y a ni malice, ni fausseté, ni orgueil, ni présomption, mais qui sont pleins de candeur et de simplicité, de confiance et d’amour.
C’est un magnifique rappel à cette enfance spirituelle que Jésus nous a proposée comme condition indispensable pour arriver au salut : « Si vous ne vous convertissez et ne devenez comme les petits enfants, vous n’entrerez point dans le Royaume des cieux » (Matth. XVIII, 3). Chaque flot de grâce, purifiant et guérissant notre âme du péché et de ses racines, nous fait renaître à une vie nouvelle dans le Christ, vie innocente et pure, qui aspire uniquement « au lait spirituel très pur » de la doctrine du Christ, de Son amour et de Sa grâce.
Mais aujourd’hui, l’Église veut orienter d’une façon toute particulière nos désirs vers la foi : une foi qui nous fasse adhérer à Jésus pour être instruit par Lui, nourris et guidés vers la vie éternelle. La parole du Maître que nous avons méditée la semaine dernière, revient, également ici, bien à propos : « Celui qui croit en Moi, de son sein couleront des fleuves d’eau vive… jaillissant en vie éternelle » (Jean VII, 38 ; IV, 14).
Approchons de Jésus avec cette foi simple et sincère des enfants, et Il nous donnera l’abondance de Sa grâce en gage de vie éternelle.

Andrea del Verrochio - incrédilité de Saint Thomas détail 1

   2 – L’Evangile de ce jour a une valeur toute particulière pour nous affermir dans la foi.
Le doute de Thomas nous confirme dans la foi car, ainsi que le dit Saint Grégoire, « son incrédulité nous a été plus utile que la foi des autres apôtres » ; s’il n’avait pas douté, aucun homme n’aurait « mis son doigt dans la plaie des clous, ni sa main dans celle du côté » de Notre-Seigneur.
Jésus a eu pitié de la foi chancelante de l’apôtre, et aussi de la nôtre, et Il S’est laissé non seulement voir, comme Il l’avait fait auparavant, mais encore palper, en permettant à Thomas, l’incrédule, ce qu’Il avait refusé à Marie-Madeleine, la très fidèle.
Cela nous fait comprendre la conduite de Dieu : alors qu’Il accorde les consolations sensibles et les signes plus ou moins palpables de Sa présence à des âmes encore hésitantes dans la foi, Il conduit souvent par des voies très obscures ceux qui se sont donnés à Lui irrévocablement et sur la foi desquels Il peut compter.
Dieu est Père ; Il ne refuse à aucune âme qui Le cherche d’un cœur sincère ce qu’il lui faut pour soutenir sa foi ; mais Il refuse souvent aux plus forts ce qu’Il accorde aux plus faibles.
Jésus, ne nous dit-Il pas : « Heureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru » ? Bienheureux ceux qui, pour croire en Dieu, n’ont pas besoin de voir, de toucher, n’ont nul besoin de signes sensibles, mais sont capables d’affirmer sans réticence : « Scio cui credidi » (2 Tim. I, 12), je sais en qui j’ai mis ma confiance et je suis sûr de Lui.
Une foi semblable est plus méritoire pour nous puisque, se basant uniquement sur la parole de Dieu, elle est entièrement surnaturelle.
Elle est plus honorable pour Dieu puisqu’elle Lui fait plein crédit, sans exiger aucune preuve, et qu’elle persévère même au sein de l’obscurité et des événements les plus déconcertants, alors qu’il lui semble que le ciel est fermé et le Seigneur sourd à ses gémissements.
Une fois aussi forte est certainement le fruit de la grâce divine, mais nous devons nous préparer à la recevoir, soit en la demandant dans la prière, soit en nous exerçant dans la foi elle-même.

Andrea del Verrochio - incrédilité de Saint Thomas détail 2

Colloque :

   Mon Dieu, donnez-moi un cœur pur et simple, sans malice, sans hypocrisie.
« O Seigneur, accordez-moi la véritable pureté et la vraie simplicité, dans les regards, les paroles, le cœur, l’intention, les œuvres et dans toutes les manifestations tant intérieures qu’extérieures. Mais je voudrais savoir, Seigneur, ce qui empêche en moi le développement de ces vertus. Je te le dirai, ô mon âme, puisque je ne le puis faire comprendre à autrui. Sais-tu ce qui fait obstacle ? Le moindre regard qui ne soit pas dirigé vers Dieu, toutes les paroles qui ne sont pas prononcées pour Sa louange ou le réconfort du prochain. Et sais-tu comment tu expulses ces vertus de ton cœur ? Tu les bannis chaque fois que tu manques de cette pure intention d’honorer Dieu et d’aider ton prochain ; tu les chasses encore lorsque tu veux couvrir et excuser tes fautes, ne songeant pas que Dieu voit tout et qu’Il voit ton cœur. O Seigneur, donnez-moi cette véritable pureté et cette vraie simplicité, car Vous ne pouvez trouver Votre repos dans l’âme qui en est privée » (Sainte Marie-Madeleine de’ Pazzi).
O Seigneur, purifiez mon cœur et mes lèvres par le feu de votre charité, afin que je Vous aime et Vous cherche avec la pureté et la simplicité d’un enfant. Mais donnez-moi aussi la foi simple des petits, cette foi sans ombre, sans incertitude, sans raisonnement inutile ; une foi droite et pure qui trouve, dans Votre parole et Votre témoignage, sa satisfaction et son apaisement, sans rien vouloir d’autre.
« O Seigneur, que m’importe de sentir ou de ne pas sentir, d’être dans la nuit ou dans la lumière, de jouir ou de souffrir, lorsque je peux me recueillir sous la lumière créée en moi par Votre parole ! J’éprouve plutôt une sorte de honte à différencier ces choses et, s’il m’arrive d’être ému par elles, me méprisant profondément pour mon peu d’amour, je n’ai qu’à regarder en hâte mon Maître pour me faire délivrer par Lui… Vous m’enseignez à Vous exalter par-delà les douceurs et les consolations qui sont Vôtres, car je dois être résolu à tout dépasser pour m’unir à Vous » (cf. Saint Elisabeth de la Trinité).

Rd. Père Gabriel de Sainte-Marie-Madeleine, ocd.
In « Intimité divine »

Andrea del Verrochio - incrédilité de Saint Thomas détail 3

2023-55. Saint Justin, philosophe et martyr, le plus important des « Pères apologistes » du deuxième siècle.

14 avril,
fête de Saint Justin, père apologiste et martyr ;
Au diocèse de Viviers, fête de Saint Bénézet (cf. > ici et > ici).

       Le martyrologe hiéronymien place le martyre de Saint Justin de Naplouse à la date du 13 avril, d’où le fait que sa fête est célébrée le lendemain dans le calendrier traditionnel, puisque la date du 13 est déjà occupée. Le calendrier réformé l’a déplacée au 1er juin.
Dans ses catéchèses destinées à faire découvrir ou redécouvrir aux fidèles les Pères et Docteurs de l’Eglise, le pape Benoît XVI en a consacrée une à la figure de Saint Justin, que l’on appelle aussi le philosophe.

Saint Justin le Philosophe - peinture église Saint Justin à Rome

Peinture Murale de l’église Saint Justin, à Rome

Catéchèse de Sa Sainteté le Pape Benoît XVI
à l’occasion de l’audience générale
du
mercredi 21 mars 2007

présentant la figure
de
Saint Justin de Naplouse
philosophe, père apologiste et martyr

Chers frères et sœurs,

   Au cours de ces catéchèses, nous réfléchissons sur les grandes figures de l’Eglise naissante. Aujourd’hui, nous parlons de saint Justin, philosophe et martyr, le plus important des Pères apologistes du IIème siècle.
Le terme « apologiste » désigne les antiques écrivains chrétiens qui se proposaient de défendre la nouvelle religion des lourdes accusations des païens et des Juifs, et de diffuser la doctrine chrétienne dans des termes adaptés à la culture de leur époque. Ainsi, chez les apologistes est présente une double sollicitude : celle, plus proprement apologétique, de défendre le christianisme naissant (apologhía  en  grec  signifie précisément « défense »), et celle qui propose une sollicitude « missionnaire » qui a pour but d’exposer les contenus de la foi à travers  un  langage  et  des catégories de pensée compréhensibles par leurs contemporains.

   Justin était né aux environs de l’an 100 près de l’antique Sichem, en Samarie, en Terre Sainte ; il chercha longuement la vérité, se rendant en pèlerinage dans les diverses écoles de la tradition philosophique grecque. Finalement, – comme lui-même le raconte dans les premiers chapitres de son Dialogue avec Tryphon – un mystérieux personnage, un vieillard rencontré sur la plage de la mer, provoqua d’abord en lui une crise, en lui démontrant l’incapacité de l’homme à satisfaire par ses seules forces l’aspiration au divin. Puis il lui indiqua dans les anciens prophètes les personnes vers lesquelles se tourner pour trouver la voie de Dieu et la « véritable philosophie ». En le quittant, le vieillard l’exhorta à la prière, afin que lui soient ouvertes les portes de la lumière. Le récit reflète l’épisode crucial de la vie de Justin : au terme d’un long itinéraire philosophique de recherche de la vérité, il parvint à la foi chrétienne. Il fonda une école à Rome, où il initiait gratuitement les élèves à la nouvelle religion, considérée comme la véritable philosophie. En celle-ci, en effet, il avait trouvé la vérité et donc l’art de vivre de façon droite. Il fut dénoncé pour cette raison et fut décapité vers 165, sous le règne de Marc Aurèle, l’empereur philosophe auquel Justin lui-même avait adressé l’une de ses Apologies.

   Ces deux œuvres – les deux Apologies et le Dialogue avec le Juif Tryphon – sont les seules qui nous restent de lui. Dans celles-ci, Justin entend illustrer avant tout le projet divin de la création et du salut qui s’accomplit en Jésus Christ, le Logos, c’est-à-dire le Verbe éternel, la raison éternelle, la Raison créatrice. Chaque homme, en tant que créature rationnelle, participe au Logos, porte en lui le « germe » et peut accueillir les lumières de la vérité. Ainsi, le même Logos, qui s’est révélé comme dans une figure prophétique aux juifs dans la Loi antique, s’est manifesté partiellement, comme dans des « germes de vérité », également dans la philosophie grecque. A présent, conclut Justin, étant donné que le christianisme est la manifestation historique et personnelle du Logos dans sa totalité, il en découle que « tout ce qui a été exprimé de beau par quiconque, nous appartient à nous chrétiens » (2 Apol. 13, 4). De cette façon, Justin, tout en contestant les contradictions de la philosophie grecque, oriente de façon décidée vers le Logos toute vérité philosophique, en justifiant d’un point de vue rationnel la « prétention » de vérité et d’universalité de la religion chrétienne. Si l’Ancien Testament tend au Christ comme la figure oriente vers la réalité signifiée,  la  philosophie  grecque vise elle aussi au Christ et à l’Evangile, comme la partie tend à s’unir au tout. Et il dit que ces deux réalités, l’Ancien Testament et la philosophie grecque, sont comme les deux voies qui mènent au Christ, au Logos. Voilà pourquoi la philosophie grecque ne peut s’opposer à la vérité évangélique, et les chrétiens peuvent  y  puiser  avec  confiance, comme à un bien propre. C’est pourquoi mon vénéré prédécesseur, le Pape Jean-Paul II, définit Justin comme « pionnier d’une rencontre fructueuse avec la pensée philosophique, même marquée par un discernement prudent », car Justin, « tout en conservant même après sa conversion, une grande estime pour la philosophie grecque, [...] affirmait avec force et clarté qu’il avait trouvé dans le christianisme « la seule philosophie sûre et profitable » (Dialogue, 8, 1) » (Encyclique « Fides et ratio », n. 38).

   Dans l’ensemble, la figure et l’œuvre de Justin marquent le choix décidé de l’Eglise antique pour la philosophie, la raison, plutôt que pour la religion des païens. Avec la religion païenne en effet, les premiers chrétiens refusèrent absolument tout compromis. Ils estimaient qu’elle était une idolâtrie, au risque d’être taxés d’ »impiété » et d’ »athéisme ». Justin en particulier, notamment dans sa première Apologie, conduisit une critique implacable à l’égard de la religion païenne et de ses mythes, qu’il considérait comme des « fausses routes » diaboliques sur le chemin de la vérité. La philosophie représenta en revanche le domaine privilégié de la rencontre entre paganisme, judaïsme et christianisme précisément sur le plan de la critique contre la religion païenne et ses faux mythes. « Notre philosophie… » : c’est ainsi, de la manière la plus explicite, qu’un autre apologiste contemporain de Justin, l’Evêque Méliton de Sardes en vint à définir la nouvelle religion (ap. Hist. Eccl. 4, 26, 7).

   De fait, la religion païenne ne parcourait pas les voies du Logos mais s’obstinait sur celles du mythe, même si celui-ci était reconnu par la philosophie grecque comme privé de consistance dans la vérité. C’est pourquoi le crépuscule de la religion païenne était inéluctable:  il découlait comme une conséquence logique du détachement de la religion – réduite à un ensemble artificiel de cérémonies, de conventions et de coutumes – de la vérité de l’être. Justin, et avec lui les autres apologistes, marquèrent la prise de position nette de la foi chrétienne pour le Dieu des philosophes contre les faux dieux de la religion païenne. C’était le choix pour la vérité de l’être, contre le mythe de la coutume. Quelques décennies après Justin, Tertullien définit le même choix des chrétiens avec la sentence lapidaire et toujours valable : « Dominus noster Christus veritatem se, non con-suetudinem, cognominavit - le Christ a affirmé être la vérité, non la coutume » (De virgin. vle. 1, 1). On notera à ce propos que le terme consuetudo, ici employé par Tertullien en référence à la religion païenne, peut être traduit dans les langues modernes par les expressions « habitude culturelle », « mode du temps ».

   A une époque comme la nôtre, marquée par le relativisme dans le débat sur les valeurs et sur la religion – tout comme dans le dialogue interreligieux -, il s’agit là d’une leçon à ne pas oublier. Dans ce but, je vous repropose – et je conclus ainsi – les dernières paroles du mystérieux vieillard rencontré par le philosophe Justin au bord de la mer : « Prie avant tout pour que les portes de la lumière te soient ouvertes, parce que personne ne peut voir et comprendre, si Dieu et son Christ ne lui accordent pas de comprendre » (Dial.  7, 3).

Saint Justin buste reliquaire XVIIe siècle bois sculpté - Naples

Buste reliquaire de Saint Justin en bois polychrome (XVIIe siècle – Naples)

2023-54. « La fête de Pâques, porteuse d’un message d’espoir contenu au cœur de la religion catholique, et qui délivre une espérance universelle, promise à tous les peuples en général et à chaque homme en particulier. »

Saint Jour de Pâques de l’an de grâce 2023.

Trois lys blancs

       Dans une tribune libre, publiée dans l’hebdomadaire « Marianne » paru à la date du Vendredi Saint 7 avril 2023 (source > ici), Monseigneur le Prince Louis de Bourbon, duc d’Anjou, de jure Sa Majesté Très Chrétienne le Roi Louis XX, analyse les différentes crises, diplomatique et sociale, qui touchent l’Hexagone. Pour Sa Majesté, la France a besoin d’un renouveau social et moral. Nous ne pouvons que nous réjouir de voir que, depuis plusieurs mois déjà, des revues, qui – dans leurs principes fondateurs et leurs orientations politiques – ne sont pas, loin s’en faut, des organes de presse monarchistes, donnent la parole à notre Souverain légitime, lui donnant ainsi une audience nationale qui dépasse largement celui des publications légitimistes. Dans la joie et la lumière du Seigneur Ressuscité, méditons et approfondissons les paroles sages et fortes de Sa Majesté.

Monseigneur le Prince Louis de Bourbon duc d'Anjou

Monseigneur le Prince Louis de Bourbon, duc d’Anjou,
de jure Sa Majesté Très Chrétienne le Roi Louis XX

   Le printemps s’ouvre sur la fête de Pâques, porteuse d’un message d’espoir contenu au cœur de la religion catholique, et qui délivre une espérance universelle, promise à tous les peuples en général et à chaque homme en particulier. Elle nous pousse à croire qu’après chaque crépuscule, après chaque nuit, si longue et pénible soit-elle, une aube revient, plus éclatante à chaque fois. Croyant ou non, n’avons-nous tous pas besoin d’un tel message, d’un tel espoir dans des temps qui peuvent nous apparaître bien difficiles ?

   Néanmoins, l’espérance ne naît pas de nulle part. Il faut des forces vives, des actions authentiques et de véritables réalisations pour la susciter et lui donner sa force. Ainsi, notre chère France peut retrouver la force qu’elle semble avoir perdue seulement si des hommes et des femmes sont résolus à agir et à adopter des comportements moraux authentiques mus par la recherche du bien commun et de la justice. La crise sociale et les revers diplomatiques que la France essuie manifestent les difficultés du pouvoir à y parvenir. N’est-il pas temps de renouer avec un système capable de les guider sur cette voie ô combien nécessaire ?

Surmonter la crise

   Héritier d’une tradition millénaire, je sais au plus profond de moi qu’il n’y a pas de crise, pas de situation politique que la France n’ait su surmonter. Et une fois encore, je suis convaincu qu’existent des solutions pour bâtir l’avenir de notre pays dès lors qu’il n’est pas guidé par l’idéologie, mais abordé en termes de réalités, celles des hommes et du sol, et dans cette recherche du bien commun.

   Sur le plan international, alors que la guerre s’étend des portes de l’Europe à de multiples territoires, il devient chaque jour plus nécessaire que la France s’impose à nouveau en puissance médiatrice, capable de faire revenir une paix à laquelle nous aspirons tous. Cette paix à construire ne doit pas être seulement une cessation des opérations militaires, mais également une véritable entreprise de justice et de vérité, fondée sur les leçons du passé ainsi que sur la volonté profonde de bâtir un avenir pacifique. Plus que tout autre continent, l’Europe sait à quel point des paix qui s’écartent de ces principes ne sont que des cendres sous lesquelles couvent des braises ardentes promptes à se rallumer.

   Or, il est du devoir de notre pays d’être cette puissance diplomatique influente, capable d’apporter la paix là où les évènements l’imposent. Cela est aussi essentiel à la France qu’aux autres nations du monde. Sur le plan social, le dialogue basé sur un réel désir d’écoute et de compréhension, semble plus que jamais être la solution la plus constructive face aux démonstrations d’autoritarisme qui développent des rancœurs et cristallisent les antagonismes. Et il ne me semble pas vain de répéter que les gouvernants ne doivent jamais perdre de vue le bien de leurs peuples. Ces derniers ne sont ni à ignorer, ni à brusquer mais à écouter et à comprendre. Aucune pression, si puissante soit-elle, ne doit surseoir à ce principe. Et pourtant, cette fameuse réforme des retraites apparaît comme étant plus motivée par des logiques comptables que par un réel souci du bien commun.

Besoin d’une politique sociale

   Une fois de plus, la monarchie se révèle être, en creux, d’une modernité criante face aux problèmes actuels. De fait, le roi n’est l’homme d’aucun parti, d’aucun lobby, notamment financier, puisqu’il ne doit son trône à personne si ce n’est à sa naissance et à la providence. Cette autorité conférée qui échappe aux trafics des hommes, est la garantie d’une politique complètement indépendante, tournée vers le seul bien des peuples et du pays. Grâce à ce principe, la monarchie a toujours tenté d’apporter les remèdes aux maux sociaux qui rongeaient notre pays à différentes époques, du Livre des Métiers de Saint Louis aux préoccupations sociales de Charles X pour la classe ouvrière en formation. Et même en exil, les aînés de la maison de Bourbon ont eu soin d’être attentifs à la question sociale en France. Mon ancêtre, le Comte de Chambord (1820-1883) avait, ainsi, plus que bien des hommes politiques de son temps, senti la nécessité de protéger le peuple français des dangers de la société matérialiste et libérale qui se mettait en place.

   En 2018, j’avais déjà soutenu la profonde détresse du peuple français exprimée dans le mouvement social d’alors devant lequel le pouvoir est demeuré aveugle, cherchant des règlements uniquement matériels alors que les Français attendaient également de la considération. Aujourd’hui, je réitère ma profonde solidarité avec ceux qui souffrent, qui se sentent abandonnés et négligés. La violence à l’œuvre est évidemment à condamner, mais n’est-elle pas la manifestation profonde d’un dysfonctionnement majeur des institutions démocratiques qui auraient dû permettre de canaliser une violence symbolique sans laisser libre place aux voyous qui ne sont là que pour semer le chaos ?

   La France a, par le passé, séduit bien des fois les autres pays en matière de politique sociale. Durant la deuxième moitié du XXe siècle, elle était d’ailleurs devenue une référence, tant son système social démontrait son efficacité en matière de soins, de prévoyance et d’assistance. J’ose même dire que la politique sociale française fait désormais partie des emblèmes et des fiertés de notre pays et qu’elle est constitutive de son identité contemporaine. Il ne faut donc pas laisser dépérir cet héritage. À nouveau, les Français ont besoin d’une politique sociale pour le XXIe siècle, basée sur le long terme et sur les réalités de notre époque, et non de mesures vexatoires et expéditives. Tout est une question de volonté partagée.

Puiser dans l’histoire

   Les troubles autour de la réforme des retraites ne sont sûrement qu’un prétexte à une protestation d’une portée plus générale de nos compatriotes qui souffrent de vivre dans un système qui n’est plus adapté aux conditions économiques et sociales du siècle qui s’ouvre. Il est un devoir impérieux d’assurer à tous les Français qui travaillent les conditions nécessaires d’une subsistance digne qui prend en compte les nouvelles réalités qui s’écrivent tant en termes de mondialisation des échanges que d’innovations technologiques qui en sont encore à leurs balbutiements, et que de transformation dans le rapport au travail. Il s’agit seulement ici d’une œuvre de justice qu’un État doit à son peuple.

   Il est temps que la France retrouve, en puisant dans le meilleur des racines de son histoire, la volonté d’agir pour construire un avenir qui lui soit à la fois plus favorable au plan social comme à l’échelle internationale. C’est à ces conditions que la France contribuera à nouveau à façonner les destinées du monde. Que la fête de Pâques soit l’occasion de redonner l’espérance que je désire ardemment voir animer le cœur de chaque Français.

Louis

grandes armes de France

2023-53. Où Son Altesse Félinissime le Prince Tolbiac vous rapporte comment, au Mesnil-Marie, on est entré avec une grande ferveur dans la Semaine Sainte.

Lundi Saint 3 avril 2023 au soir.

Tolbiac sous les bancs de l'oratoire

Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,

       Vous vous en souvenez, je pense, je ne suis qu’un tout jeune chat et je ne suis arrivé au Mesnil-Marie que le 16 mai 2022 (cf. > ici) : c’est donc pour la première fois de ma vie de chat monastique que j’assiste aux cérémonies de la Semaine Sainte.
Mon papa-moine, pendant tout le Carême, m’a expliqué beaucoup de choses sur le péché et sur le grand mystère du salut, sur l’Incarnation du Verbe de Dieu qui a été accomplie en vue de la Rédemption par la Croix, Croix sur laquelle le Fils éternel devenu le « Fils de l’homme » a offert Sa vie en sacrifice… Bref ! toutes ces choses extraordinaires qui intéressent aussi les chats (puisque nous faisons partie de cette création qui attend avec ardeur la manifestation des enfants de Dieu et qui gémit dans l’attente de son affranchissement de la servitude dans laquelle l’a plongée le péché de l’homme – cf. Rom. VIII, 19-23) et que les catholiques apprennent normalement au catéchisme.

   Je parle évidemment d’un vrai catéchisme catholique, dont l’enseignement fondé sur la divine Révélation et sur la Tradition reçue des Apôtres, est nécessairement pérenne – comme le sont par exemple le « Catéchisme du concile de Trente » ou le « Catéchisme de Saint Pie X » - et non de ces ersatz de catéchismes, édulcorés et dénaturés, que l’on a malheureusement vu se répandre abondamment dans les diocèses et les paroisses depuis quelque soixante ans ; de pseudo catéchismes qui n’ont fait que diffuser des notions confuses et, en définitive, n’ont contribué qu’à occulter la Vérité intangible.
L’enseignement de la Vérité révélée confiée par Notre-Seigneur Jésus-Christ Lui-même à la Sainte Eglise catholique, en effet, ne peut être sujet à des variations et des changement au gré des
 modes humaines et en dépendance des délires d’ecclésiastiques transformés en girouettes oscillant au gré des vents intellectuels qui n’ont rien de commun avec le « souffle de l’Esprit-Saint », n’en déplaise à un certain cardinal, placé par l’actuel occupant du trône pontifical à la tête du « Dicastère pour le culte divin » - qui fut jadis la « Sacrée Congrégation des Rites » -, lequel cardinal a tenu il y a peu à ce sujet des propos formellement hérétiques !

Oratoire du Mesnil-Marie dimanche des Rameaux 2023

   Mais j’arrête là ma « charge » contre ces faux prophètes de la prétendue modernité et j’en reviens à mon propos initial : j’assiste donc pour la première fois aux cérémonies de la Semaine Sainte.

   Depuis le samedi de la quatrième semaine de Carême, auquel est donné le nom de « Sitientes » (qui est le premier mot de l’introït de la Sainte Messe de ce jour), notre oratoire, que le violet de l’autel et l’absence d’ornementation rendait déjà un peu austère, a pris un aspect encore plus grave lorsque les crucifix, statues et tableaux ont été recouverts des voiles violets prescrits par les rubriques.

   Et voici que la veille de ce dimanche des Rameaux, nous avons vu arriver en notre petit hameau les autres membres du Chapitre de Saint Remi (dont je vous rappelle que Frère Maximilien-Marie est chanoine, nonobstant les propos diffamatoires répandus à ce sujet) ainsi qu’un tout petit nombre de membres de l’Ordre de Saint Remi, qui sont venus vivre, dans le calme et la quasi solitude de notre ermitage, cette semaine la plus importante de l’année liturgique.

Croix de la procession des Rameaux

   J’ai donc pu assister aux préparatifs minutieux de la sacristie, et j’ai vu pour la première fois une procession des Rameaux.

   Bien que le temps fût plutôt à la pluie ce dimanche matin 2 avril, les faibles averses intermittentes n’ont pas empêché le bon déroulement de cette procession : modeste par la taille, mais grande par la ferveur.

   J’étais émerveillé par la sévère beauté de la chape violette, faite d’un beau velours de soie, brodé de fils d’or…

chape violette

   … et j’ai bien aimé aussi la chasuble, avec ses fleurs de lys, évocatrices de la royauté du Christ, Fils de David et Roi légitime de la sainte cité de Jérusalem : cette royauté qui ne procède pas de ce monde mais doit s’exercer sur lui, ainsi que l’enseignera Notre-Seigneur à Pilate ; cette royauté que chante l’hymne des vêpres de ce temps de la Passion, qui proclame que « Dieu a régné par le bois : regnavit a ligno Deus » !

chasuble violette fleurdelysée

   Je vous avoue que j’étais très intrigué et attiré par les rameaux bénits.
Lorsque, jeudi dernier, Frère Maximilien-Marie est revenu du sud du Vivarais avec une grande corbeille contenant des branches d’olivier, de laurier et de petites palmes, je n’y avais pas accordé beaucoup d’importance. Certes, comme tous les chats, j’aime bien l’odeur de l’olivier, mais maintenant qu’ils sont bénits, tous ces rameaux me semblent particulièrement intéressants et attrayants : je suis même monté sur l’armoire des reliques, en essayant de me dissimuler derrière la statue de Saint Augustin voilée, pour m’approcher au plus près de la croix de procession – voilée bien sûr – à laquelle est assujettie une petite palme.
J’ai même réussi à l’attraper et je voulais l’emporter (et aussi savoir quel goût elle avait, parce qu’il me semble que les objets bénits sont toujours meilleurs), mais mon papa-moine me l’a reprise en me faisant les gros yeux, et l’a replacée sur la croix de procession…

Tolbiac et la palme bénite de la croix de procession

   Toutefois mes facéties ne nuisent pas à l’ambiance de régularité, de recueillement et de ferveur qui règne en notre Mesnil-Marie : en témoigne cette autre photographie, ci-dessous, prise pendant l’adoration du Très Saint Sacrement, après les vêpres.

   Cela me donne vraiment envie d’être un bon chat-noine moi aussi.
Croyez-vous qu’un jour, en considération de mes efforts et de mon zèle pour le service divin, je serai jugé digne d’avoir une jolie mozette et une belle barrette galonnée de doré ?

Salut du Très Saint Sacrement - dimanche des Rameaux

   Il se fait tard ; je vais donc achever ma petite chronique de ce beau dimanche des Rameaux qui nous a fait entrer dans la Semaine Sainte.
Comme les offices vont être très longs et nos journées très remplies, je ne suis pas certain que j’aurais encore du temps pour vous écrire avant l’octave de Pâques…

   Néanmoins, il y a une chose que je veux vous redire et sur laquelle je veux insister, chers amis bipèdes qui avez l’immense grâce d’avoir été dotés d’une âme créée à l’image et ressemblance de Dieu, et appelée à la vie surnaturelle : profitez vraiment de cette Semaine Sainte pour intensifier votre connaissance des souffrances du Verbe de Dieu incarné, pour communier à Sa Passion rédemptrice, pour Lui tenir compagnie dans les affres de Son agonie à Gethsémani et sur la Croix, pour placer vos pas dans les Siens sur la Voie douloureuse, pour veiller auprès de Lui quand tant d’hommes pensent qu’il est ennuyeux et déplaisant de demeurer auprès de Lui, et – surtout ! – pour L’aimer toujours mieux et davantage, Lui qui vous a tant aimés et qui ne reçoit en retour qu’indifférences, mépris, tiédeur, offenses, outrages, blasphèmes et sacrilèges…

Bonne et très fervente Semaine Sainte !

Tolbiac

Tolbiac veillant le Christ au tombeau

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