Archive pour la catégorie 'Chronique de Lully'

2024-194. Le 10 septembre, nous fêtons Saint Nicolas de Tolentino, le grand thaumaturge de l’Ordre des Ermites de Saint Augustin.

10 septembre,
Fête de Saint Nicolas de Tolentino, confesseur,
premier des Ermites de Saint Augustin à avoir été canonisé, saint patron des âmes du Purgatoire
(double de 2ème classe avec octave simple).

Martyrologe des Ermites de Saint Augustin pour le 10 septembre :

   « A Tolentino, dans la Marche d’Ancône, Saint Nicolas, confesseur de notre Ordre, célèbre par sa virginité, son abstinence, la grandeur de ses miracles et ses nombreuses vertus ».

Anonyme 1499 St Nicolas de Tolentino  auprès de la Vierge Marie

Saint Nicolas de Tolentino auprès de la Vierge (anonyme, 1499)

vignette augustinienne

       Contrairement à l’usage habituel des Ermites de Saint Augustin, le grand thaumaturge et le premier saint canonisé de l’Ordre, Saint Nicolas de Tolentino, est ainsi appelé non parce qu’il serait né et aurait été baptisé à Tolentino, cité de la province de Macerata dans la Marche d’Ancône, mais parce qu’il a passé une trentaine d’années dans cette ville.
Il est né, en effet, à Saint-Ange (aujourd’hui Sant’Angelo in Pontano), à une quinzaine de lieues au sud d’Ancône.

   Sa naissance, selon toute vraisemblance, eut lieu en l’an 1245. Ses pieux parents, Compaignon de Guarutti et Aimée de Guidiani, se distinguaient par une grande piété. Mais leur union était restée stérile et ils se trouvaient désormais avancés en âge.

   Sur une inspiration céleste, confirmée par l’apparition d’un ange, ils se rendirent en pèlerinage à Bari, auprès des reliques de Saint Nicolas de Myre, pour demander la grâce d’avoir un fils qui serait un imitateur des vertus du grand évêque : dans la nuit de veille qu’ils passèrent dans la basilique, Saint Nicolas leur apparut en songe, leur annonçant qu’ils étaient exaucés et qu’ils mettraient au monde un grand serviteur de la Sainte Eglise, remarquable par ses mortifications et ses vertus.
Il leur naquit en effet un fils auquel ils donnèrent, bien évidemment, le prénom de Nicolas.

Fresque de la basilique de Tolentino attribuée à Pierre de Rimini - St Nicolas de Bari annonce le destin de leur enfant aux parents

Saint Nicolas de Bari annonce aux futurs parents du futur Saint Nicolas de Tolentino le destin de leur enfant
[fresque de la basilique de Tolentino, attribuée à Pierre de Rimini (+ 1345)]

   Ses parents ne négligèrent rien pour le soutenir dans sa recherche de la vertu, pour laquelle il manifesta dès la plus tendre enfance un zèle fervent : fuyant les mondanités et les divertissements, Nicolas montra dès son jeune âge une attirance profonde pour la vie religieuse, l’oraison, la mortification (dès l’âge de sept ans il commença à jeûner trois fois par semaine) et l’étude des sciences sacrées.

   Il n’était encore qu’un enfant quand il fut pourvu d’un canonicat (ce qui signifie qu’il avait été tonsuré), mais il aspirait à une vie plus parfaite : à l’âge de onze ans, ayant entendu la prédication d’un Ermite de Saint Augustin sur ces paroles de Saint Jean : « Le monde passe et sa concupiscence avec lui » (1 Jean II, 17), avec la bénédiction de ses pieux parents heureux de sa vocation, il choisit d’entrer dans cet Ordre.

   Au terme de son noviciat (la durée canonique du noviciat était alors d’une année pleine), il fut admis à la profession religieuse : il avait une douzaine d’années (il faut bien avoir conscience que les « vœux temporaires » qui, dans le code de droit canonique aujourd’hui en vigueur, sont obligatoires, sont une « invention » de Léon XIII : auparavant – c’est-à-dire pendant plus de 1500 ans – après l’année de noviciat, on prononçait immédiatement les vœux perpétuels ; à la suite du concile de Trente, il sera prescrit de ne pas admettre les religieux à la profession perpétuelle avant qu’ils n’eussent atteint l’âge de 16 ans).

   Déjà, il faisait l’édification de sa communauté, et, pendant le temps de ses études de théologie, ses supérieurs l’envoyèrent dans plusieurs couvents afin que ses exemples contribuassent à stimuler la ferveur et la générosité des autres moines de l’Ordre.

   En 1269, à l’âge de 24 ans, il reçut l’ordination sacerdotale et fut dès lors principalement affecté au ministère de la prédication. En 1275, on l’enverra au couvent de Tolentino, dans lequel il résidera pendant trente ans, jusqu’à sa bienheureuse mort.

Nicolas entend la prédication d'un Ermite de Saint Augustin et entre dans l'Ordre

Nicolas, âgé de 11 ans, entend la prédication d’un Ermite de Saint Augustin et rejoint cet Ordre
[fresque de la basilique de Tolentino, attribuée à Pierre de Rimini (+ 1345)]

    La vie de Saint Nicolas de Tolentino, tout donné au salut des âmes, se passait, à l’extérieur, à catéchiser les humbles, à prêcher, à confesser : 

   « Son zèle est si animé, que les cœurs les plus rebelles se rendent à ses exhortations. Il embrase du feu de l’amour divin ceux qui sont de glace ; les plus obstinés sont ébranlés et enfin convertis par les puissants mouvements de ses paroles : en un mot, il gagne, par sa douceur, toutes les personnes qu’on lui envoie, pour les faire entrer dans la voie du salut ».
[Mgr Paul Guérin, in "Les Petits Bollandistes", tome XI, p.16]

   Et pour la vie intérieure, nous avons en Saint Nicolas de Tolentino un modèle de prière inlassable : oraison mentale et adoration du Très Saint Sacrement, immobile pendant des heures, attention presque continue aux mystères de la Passion de notre divin Rédempteur, sans oublier, bien sûr, une infaillible assiduité à l’office divin.

   Evidemment, a-t-on envie de dire, le démon était furieux et lui fit une guerre continuelle, essayant de le distraire de ses exercices de piété par des cris épouvantables ou des mugissements et rugissements d’animaux féroces ; l’ennemi de notre salut donnait l’impression d’arracher les tuiles du toit du couvent, de briser les charpentes, d’ébranler l’édifice ; il entra parfois dans sa cellule sous des formes animales et y brisa des objets… etc. Mais le diable s’en prit aussi physiquement à lui, le laissant parfois blessé et sanguinolent : à la suite de l’un de ces combats, que Saint Nicolas remporta comme à l’accoutumée en se « cramponnant » à l’invocation du Saint Nom de Jésus, il demeura boiteux pour le restant de ses jours.

St Nicolas de Tolentino - Libération de possédés

Saint Nicolas libère un démoniaque avec l’assistance de la Très Sainte Vierge et de l’Enfant Jésus
[fresque de la basilique de Tolentino, attribuée à Pierre de Rimini (+ 1345)]

   On ne peut énumérer ici tous les miracles qu’accomplit Saint Nicolas : guérisons et résurrections (même d’animaux), signes extraordinaires qui l’accompagnaient, visions et apparitions célestes, étoile qui le précédait dans ses déplacements, auditions de concerts angéliques… etc. On peut considérer qu’il est l’un des plus grands thaumaturges de la Sainte Eglise.

   Nous pourrons développer ce fait dans un article ultérieur, mais nous pouvons d’ores et déjà mentionner le fait que la Très Sainte Mère de Dieu montra à Saint Nicolas de Tolentino la translation miraculeuse de sa Sainte Maison de Nazareth et son arrivée sur la colline de Lorette.

   Il faut enfin mentionner aussi ses relations avec les âmes du Purgatoire, pour lesquelles il avait une profonde compassion et dont il eut de nombreuses et fréquentes visions : sur ce thème également nous nous proposons de rédiger, en temps opportun, un article spécialement consacré à cet aspect de sa sainteté, qui lui a valu d’être proclamé officiellement saint patron des âmes du Purgatoire, en 1884, par le pape Léon XIII.

   Saint Nicolas rendit son âme à Dieu le 10 septembre 1305, conformément à ce que, dans une vision où elle était accompagnée de notre Bienheureux Père Saint Augustin, la Madone lui avait annoncé le 5 septembre :

   « Sois plein de joie, ô Nicolas, trois jours après ma Nativité tu passeras de ce monde au Royaume du Ciel. Reçois donc les sacrements de l’Eglise, et hâte-toi de te préparer ! »

   Des miracles se produisirent dès après sa mort, pendant l’exposition de son corps et les funérailles. Il fut inhumé dans la chapelle de l’église conventuelle sur l’autel de laquelle il célébrait habituellement la Sainte Messe.
Très vite, des pèlerins y affluèrent pour se recommander à son intercession, et de très nombreuses guérisons y furent constatées.

   En 1325, vingt ans après sa mort, Jean XXII fit commencer l’instruction de sa cause de canonisation : 664 personnes vinrent témoigner, 371 dépositions furent retenues et 300 miracles consignés ; mais la cause fut ralentie par la période du grand schisme d’Occident et ce n’est qu’en 1446 que le pape Eugène IV (qui était lui-même Ermite de Saint Augustin) put procéder à la canonisation ; Sixte V le fit inférer au bréviaire romain et Alexandre VII lui conféra le titre de « Protecteur de l’Eglise universelle » ; enfin Clément X éleva l’office de sa fête au rit double pour toute l’Eglise (mais il est célébré sous le rit double de 2ème classe avec octave simple chez les Augustins dont il a été le premier canonisé, dont il est le plus éclatant modèle après Saint Augustin lui-même, et pour lesquels il est l’un des plus puissants protecteurs).

   D’autres articles entiers pourront aussi être consacrés aux reliques de Saint Nicolas de Tolentino, à son culte, aux pratiques de dévotion en son honneur, ainsi qu’aux petits pains bénits qui non seulement apportent du soulagement aux malades mais ont accompli des miracles tels que la cessation d’incendies ou la guérison d’animaux…

Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur. 

mort de Saint Nicolas de Tolentino

La mort de Saint Nicolas de Tolentino
[fresque de la basilique de Tolentino, attribuée à Pierre de Rimini (+ 1345)]

2024-193. De Notre-Dame de Pramailhet.

8 septembre,
Fête de la Nativité de Notre-Dame (double de 2ème classe) ;
Mémoire de Saint Hadrien de Nicomédie, martyr.

       Avant que ne s’achève cette journée, je voudrais vous parler d’un pèlerinage vivarois auquel Frère Maximilien-Marie est très attaché : celui qui se fait à la chapelle de Notre-Dame de Pramailhet (pèlerinage que feu le Maître-Chat Lully, mon prédécesseur, avait brièvement évoqué dans sa chronique de l’été 2009 > ici).

Notre-Dame de Pramailhet - statue 1

Statue de Notre-Dame de Pramailhet (état actuel)

   Traditionnellement, la grande journée de pèlerinage avait lieu le 8 septembre même, pour célébrer la Nativité de la Très Sainte Mère de Dieu.

   En notre France encore à majorité rurale et catholique des « années soixante » du précédent siècle, dans les populations catholiques villageoises de nos contrées, ce jour était considéré pratiquement comme un jour férié où l’on se faisait un quasi devoir de se rendre en pèlerinage en quelque sanctuaire local ou régional dédié à la Très Sainte Vierge.

la petite route qui conduit à la chapelle de Pramailhet

La petite route qui conduit à la chapelle de Pramailhet

   Lorsqu’il était enfant, heureux temps où la rentrée scolaire n’arrivait que vers la mi-septembre, Frère Maximilien-Marie, s’était rendu à plusieurs reprises, à pied, par les chemins ancestraux (des « drailles » en langue d’Oc), avec des cousines et quelques villageois de Saint-Priest (paroisse de laquelle est issue une partie de sa famille, et qui se trouve à environ une lieue et demi à vol d’oiseau de la chapelle de Pramailhet, ce qui représente environ deux heures et demi de marche puisque, en Vivarais, les chemins ne sont pas rectilignes mais doivent se conformer à un relief tourmenté).
Je vous invite d’ailleurs à vous rendre sur quelque carte géographique en ligne pour vous rendre compte par vous-mêmes de la position de cette chapelle qui se trouve aux coordonnées suivantes : 44.684148, 4.492325.
En procédant à des agrandissements ou bien à des visions de recul, vous pourrez vous faire une idée de sa situation, de son isolement, et du relief alentour, puisqu’elle se trouve presque en bordure d’un plateau surélevé duquel on bénéficie de panoramas saisissants sur nombre de villages du bas-Vivarais.
Ce plateau se nomme le Coiron. La chapelle se trouve à 800 mètres au sud du hameau de Pramailhet, au lieu-dit Combemale (ou Combe Male) : une « combe » désigne un vallon, l’adjectif « male » signifie mauvais ; Combemale veut donc dire « vallon mauvais » ou même « vallon maudit » ; nous reviendrons plus loin sur cette appellation.

les vallées vers le bas Vivarais que l'on aperçoit depuis la route de Pramailhet

Paysage des vallées qui s’ouvrent vers le bas Vivarais que l’on peut contempler
depuis la route du Coiron qui conduit à la chapelle de Pramailhet

   De nos jours, compte-tenu du fait que les conditions de vie ont bien changé, et que les fidèles qui subsistent auraient bien des difficultés à chômer le 8 septembre pour se rendre en pèlerinage à Pramailhet, le clergé a décidé de transférer le pèlerinage annuel au premier dimanche de septembre, et tente, ce jour-là, de redonner vie à la tradition des pèlerins venant à pied vers le petit sanctuaire.

   Le pèlerinage survit donc, mais on est bien loin des foules qu’il attira dans la seconde moitié du XIXème siècle, dans le contexte du sursaut religieux très marqué, ici comme dans le reste du Royaume.
La Restauration (1814-1830) avait favorisé de tout son pouvoir la reprise ou la fondation des écoles catholiques, des petits et grands séminaires, le renouveau des congrégations religieuses, encouragé les missions diocésaines, si bien que c’est véritablement à partir de 1850 que l’on commence à constater la fécondité spirituelle de ces vocations zélées, et à cueillir les fruits du zèle apostolique de ces jeunes prêtres ou religieux, généralement bien formés, qui se sont dépensés à la ré-évangélisation des paroisses et des campagnes, soutenus par les manifestations surnaturelles de la Madone à la rue du Bac (1830), à Notre-Dame des Victoires (1836), à La Salette (1846) et bientôt à Lourdes (1858).

   Aux alentours de 1872, un digne ecclésiastique témoin de la ferveur qui entoure alors le pèlerinage de Pramailhet avance le chiffre de 6000 pèlerins, et l’historien local Albin Mazon, alias le Docteur Francus, évoque des Messes célébrées toutes les semaines, en présence de nombreux fidèles, même en dehors des jours de fêtes mariales.

La chapelle de Pramailhet vers 1900

Des pèlerins à la chapelle de Pramailhet vers 1900

  Selon les traditions qui se racontaient à la veillée jadis, le nom de Combemale donné à ce vallon à 800 mètres au sud du hameau de Pramailhet serait lié à la mort tragique d’une jeune fille – une bergère ? – qui y aurait été sauvagement agressée, ou peut-être dévorée par des bêtes sauvages.
A quelle époque ? Nul ne le dit…

   Ces mêmes traditions locales, rapportent qu’il y aurait eu une sorte d’ermitage dans les parages : le nom de « Solitari » donné à un lieu-dit relativement proche en serait la survivance toponymique.
Il ne subsiste néanmoins rien de cet ermitage dont témoignent les traditions et nul ne peut dire à quelle période il fut habité, ni quand il aurait cessé d’exister. Aurait-ce été par simple abandon ? ou bien lors de dévastations, comme il y en eut lors des passages des grandes compagnies pendant la guerre de Cent Ans ? ou encore cela nous renvoie-t-il à des événements beaucoup plus anciens à la fin de l’Antiquité ou au début du Moyen-Age ?
Dans l’état actuel de nos connaissances, nous n’avons aucun élément de réponse.

   Nous savons seulement, et encore avec beaucoup d’imprécisions, que vers 1851, des travaux de terrassement effectués pour une restauration de la chapelle, ont permis de découvrir des vestiges de bâti ancien : mais cela n’a évidemment pas été étudié de manière rigoureuse et scientifique.

Chapelle de Pramailhet extérieur état actuel

Chapelle de Pramailhet, état actuel

   Les données parcellaires en notre possession attestent néanmoins de la reconstruction, en 1648, d’une chapelle détruite.
Il est bien question de reconstruction, ce qui signifie, en toute logique, qu’il y avait un édifice antérieur, dont on peut raisonnablement penser qu’il avait été ruiné par les sectateurs de Calvin, dont les ravages et destructions furent très nombreux dans toute cette partie du diocèse de Viviers.

   La chapelle de 1648 fut agrandie en 1781, ce dont témoigne la clef de voûte de la porte latérale.

clef de voûte datée de la porte latérale

   Dans la deuxième partie de la grande révolution (après la terreur robespierriste), lors même que le triste évêque parjure et jureur de Viviers – Monseigneur Charles de La Font de Savines – avait abandonné le diocèse, et que la persécution s’acharnait aussi bien sur les prêtres insermentés que sur les assermentés, des prêtres constitutionnels fanatiques s’établirent à Pramailhet et firent de la chapelle leur « cathédrale » (sic).
Les désordres se multiplièrent autour de cet avorton d’ « Eglise » schismatique : si le concordat de 1801 vint mettre fin à l’existence de cette petite communauté d’obstinés, le lieu resta pendant plusieurs années entouré de suspicions si bien que le pèlerinage finit par être interdit par l’autorité ecclésiastique, d’autant qu’un incendie, causé par la foudre, avait encore une fois ruiné la chapelle autour de laquelle se produisirent plusieurs scandales.

   La chapelle sera finalement relevée en 1851, agrandie en 1872, et, sous l’impulsion de prêtres zélés et équilibrés dûment autorisés par Monseigneur l’évêque de Viviers, le pèlerinage reprit son essor.

   La chapelle actuelle, qui est celle achevée en 1872, est de proportions modestes : 17 mètres de long et 8 de large ; elle est de style néo-roman. La nef comporte trois travées soulignées par des arcs-doubleaux ; l’abside à pans coupés comporte trois baies (dont l’une a été maçonnée pour la transformer en niche pour une statue de la Vierge à l’Enfant) ; à l’ouest – c’est-à-dire du côté de l’Evangile, car la chapelle n’est pas orientée (le chevet est au nord) – se trouve une chapelle latérale, qui formerait un transept si elle avait son pendant.

   Dans les années qui ont suivi le concile vaticandeux, la table de communion et le marchepied du maître-autel ont été misérablement retirés pour disposer un « autel face au peuple » sans style, aussi pitoyable qu’insignifiant.

Chapelle de Pramailhet intérieur état actuel

Intérieur de la chapelle de Pramailhet
(photo prise par Frère Maximilien-Marie en 2009)

Chapelle de Pramailhet - statue de Notre-Dame de l'Espérance au fond du sanctuaire

Statue de la Madone à l’Enfant
à laquelle est donné le vocable de Notre-Dame de l’Espérance
placée dans la niche (ancienne baie) du fond du sanctuaire

   Même si une grande statue dorée de belle facture, appelée Notre-Dame de l’Espérance, a été placée dans la baie centrale (murée) de l’abside, ce n’est pas elle qui fait l’objet du pèlerinage de Pramailhet, lequel se concrétise, de fait, autour d’une ancienne statue de pierre (il s’agit d’une pierre de grès), d’une quarantaine de centimètres de haut, pesant 15,400 kg.
A cette statue se rattache la principale tradition liée à ce lieu : elle aurait été découverte, miraculeusement par un laboureur dont les bœufs refusaient de piétiner la place où elle était enfouie.
D’aucuns ajoutent que, aiguillonnés par le paysan qui voulait à tout prix les faire avancer, les bœufs se seraient agenouillés et auraient incliné la tête, désignant par là l’endroit au dessous duquel la statue attendait qu’on la tirât de l’oubli et qu’on la vénérât à nouveau.

   Nous nous trouvons donc en présence d’une « statue trouvée ».
Des légendes analogues (mot qui ne signifie pas que ce soit une pure affabulation) existent en plusieurs autres lieux de pèlerinage (ce qui ne signifie pas non plus qu’il s’agisse d’une sorte de « figure de style » hagiographique sans consistante réelle).

Notre-Dame de Pramailhet - statue 2

   Le chanoine Saunier, docte prêtre du diocèse de Viviers qui, dans la seconde moitié du XIXème siècle, a essayé de donner quelques explications sur cette statue, est selon toute vraisemblance dans la vérité lorsqu’il écrit que nous nous trouvons en réalité en présence d’ « un tronçon de colonne de forme hexagonale, à pans inégaux, percé des deux côtés, dans le sens de la longueur, de manière à reposer sur une douille et à s’ajuster ainsi sur le fût d’une colonne ». Ce qui amène spontanément à penser quelle était originellement un élément d’une « croix de pierre à double face », comme on en produisit aux XIVème et XVème siècles dans nos contrées. Le style de la sculpture irait d’ailleurs dans le sens d’une telle datation.

   Quant à la polychromie qu’on observe sur cette statue, en l’absence d’une étude poussée sur les pigments et leur facture, on ne peut présentement dire s’ils sont d’origine ou s’ils sont le résultat, plus ou moins heureux, d’une intervention postérieure.

   Enfin, de toute évidence, la tête de la Vierge a été coupée et recollée : s’agit-il d’un « banal » accident (par exemple une chute) ? ou bien fut-ce le résultat du vandalisme huguenot ou révolutionnaire ? Là encore, nous n’avons aucun élément qui nous permette la moindre affirmation.

   L’arrière de ce tronçon semble indiquer qu’un élément y a été détruit ou martelé, mais encore une fois les constatations que nous pouvons aujourd’hui faire nous fournissent davantage d’éléments d’interrogations que des réponses.

Notre-Dame de Pramailhet - statue 4

   Cette statue, qui figure sur la liste des objets inscrits aux Monuments Historiques, est habituellement conservée, bien en sécurité, dans l’église de Saint-Etienne de Boulogne, et elle est apportée dans la chapelle solitaire le jour du pèlerinage.

   La tradition de sa découverte miraculeuse est-elle absolument conforme à la réalité ? Rien ne permet de l’infirmer de manière catégorique, comme rien ne nous permet de l’affirmer de manière « scientifique ».
Et rien non plus ne nous permet de proposer une date pour cette « découverte ».
Serait-ce elle qui, dans le contexte de la rechristianisation postérieure aux dévastations huguenotes et après la pacification apportée par l’intervention de Sa Majesté le Roi Louis XIII (siège de Privas et paix d’Alès en 1629), aurait suscité la reconstruction de 1648 ?

   En revanche il est indubitable qu’elle a contribué – et contribue encore – à faire venir des pèlerins, jadis très nombreux et en nombre plus réduit de nos jours, vers ce « coin perdu » du plateau du Coiron, où les ex-voto fixés aux murs de la chapelle montrent à l’évidence que la Vierge Marie se plaît à accorder ses grâces.

Notre-Dame de Pramailhet - statue 3

   Je suis très heureux d’avoir pu vous présenter ce lieu de pèlerinage ancien, qui a connu bien des vicissitudes, vous l’avez lu, et contre lequel, de toute évidence, le démon s’est acharné, suscitant de manière récurrente des destructions, troubles et scandales, afin d’en éloigner les âmes ; lieu autour duquel plane toujours, en quelque manière, un véritable mystère, en raison des nombreuses zones d’ombre laissées par notre connaissance très lacunaire de ses origines comme de pans entiers de son histoire. 

   Frère Maximilien-Marie, qui a pu, à plusieurs reprises, s’y rendre en dehors du jour officiel du pèlerinage, souvent tout seul, m’a expliqué qu’il règne en ce lieu une atmosphère très particulière de plénitude silencieuse qui rend quasi palpable la présence du monde invisible, et la réalité des combats entre les forces surnaturelles du Bien et les puissances infernales.

   Je vous souhaite, un jour d’avoir l’occasion de vous y rendre en pèlerinage, pour vous y placer sous le manteau maternel de Notre-Dame de Pramailhet, Notre-Dame de l’Espérance, victorieuse du serpent des origines et médiatrice des grâces divines… 

patte de chat  Tolbiac. 

2024-192. De Sainte Limbanie et du Bienheureux Ange de Foligno que nous fêtons le 6 septembre dans l’Ordre de Saint Augustin.

6 septembre,
Fête de Sainte Limbanie de Chypre, vierge,
et du Bienheureux Ange de Foligno, prêtre et confesseur de notre Ordre ;
Commencement de la neuvaine préparatoire à la fête de Notre-Dame des Douleurs (cf. > ici).

Sainte Limbanie et le Bienheureux Ange de Foligno - blogue

Martyrologe augustinien pour le 6 septembre :

   « A Gènes, la fête de Sainte Limbanie, vierge de notre Ordre, remarquable par son admirable pénitence et sa très haute contemplation, dont l’âme s’envola au Ciel le 14 août, en la vigile de l’Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie, mais qui est honorée aujourd’hui dans notre Ordre.
A Foligno, le Bienheureux Ange de Foligno, prêtre de notre Ordre, célèbre pour ses pénitences, son humilité et sa patience face aux offenses, qui rendit son âme à Dieu le 27 août en la vigile de notre Bienheureux Père Saint Augustin ; le pape Léon XIII approuva le culte immémorial qui lui était rendu et sa fête fut assignée à ce jour ».

vignette avec symboles augustiniens - blogue

       Sainte Limbanie (Limbania) est surtout connue et vénérée à Gènes où l’on a la certitude qu’elle était honorée d’un culte en 1294, dans l’église conventuelle de Saint Thomas (San Tommaso). Les leçons de son office (approuvé en  1609) enseignent qu’elle vécut au XIIème siècle et qu’elle était originaire de Chypre, mais sans donner davantage de précisions.

   Encore adolescente, alors que ses parents avaient résolu de la marier, Limbanie, qui avait consacré à Dieu sa virginité, s’enfuit en s’embarquant clandestinement sur un navire génois.
C’est ainsi qu’elle débarqua dans la capitale ligure, où elle ne connaissait évidemment personne : elle fut alors confiée aux bénédictines du couvent de Saint Thomas (San Tommaso), mais sans entrer dans la communauté.

   Limbanie choisit pour cellule une cavité sous le sol de la cuisine, où elle menait une vie de pénitence extraordinaire : on raconte en particulier qu’elle se flagellait avec des barres de fer.
Semi recluse, le temps qu’elle ne passait pas à la contemplation et à la prière, elle le consacrait à venir en aide aux hommes et aux animaux qui travaillaient dans le port voisin. C’est la raison pour laquelle, outre le bateau avec lequel elle est habituellement représentée – allusion à la manière dont elle s’était enfuie de Chypre -, on la représente en compagnie d’animaux, et on l’invoque aussi pour la protection des animaux, nos compagnons familiers ou nos aides dans les travaux.

Sainte Limbanie - blogue

Fray Miguel de Herrera (1696 -  vers 1780), moine augustin mexicain
qui travailla pour plusieurs couvents et monastères de la région de Puebla :

Sainte Limbanie entourée d’animaux (1725)
[musée d'art de Philadelphie]

   On la représente également tenant à la main un peigne en fer, symbole de sa vie de pénitence, mais aussi outil pour brosser le pelage des ânes.
En effet, la Via della Canellona, ​​​​importante artère commerciale conduisant à Ovada, vers le Piémont et vers la Lombardie, partait directement de la place sur laquelle donnait la façade de l’église Saint Thomas, dans laquelle, après sa mort, fut vénéré le tombeau de Sainte Limbanie : ainsi au Moyen-Age et à l’époque moderne, le sel et le corail qui arrivaient par voie maritime au port de Voltri, puis, au retour, le vin et les céréales qui seraient embarqués à Voltri, transitaient par là, transportés à dos d’ânes ou de mulets en longues caravanes.

   Les muletiers se recommandaient donc à Sainte Limbanie avant leur départ pour qu’elle les protégeât durant leur voyage, puis la remerciaient à leur retour.

Sainte Limbanie avec la brosse pour le pelage des animaux

Sainte Limbanie sur un bas-relief de la première renaissance,
représentée avec la brosse pour le pelage des animaux

   A sa mort, un 14 août (mais nous ignorons de quelle année), déjà vénérée par les gens du port pour la sainteté de sa vie et sa charité, les Bénédictines l’ensevelirent sous l’autel de l’église conventuelle.

   En 1344, un procès canonique fut instruit concernant les miracles qui lui étaient attribués, puis, en 1432, un autel fut consacré en son honneur. En 1562 fut fondue une cloche portant son effigie. Vers 1600, parut un livre publiant les miracles qu’elle avait accomplis et accomplissait.
En 1509, les Bénédictines étant parties, ce sont les Augustines qui s’installèrent à Saint-Thomas : c’est ainsi que Sainte Limbanie, qui n’avait pu être religieuse augustine puisqu’elle avait vécu à une époque où les moniales augustiniennes n’avaient pas encore été fondées, devint une Augustine d’adoption.
Sa fête était célébrée dans l’église de Saint-Thomas le 16 août, mais le 16 juin dans le diocèse de Gênes, tandis, comme nous l’avons vu en commençant cette notice, que l’Ordre de Saint Augustin l’assigna au 6 septembre.

   Lorsque, au XIXème siècle, le couvent de Saint-Thomas fut entièrement démoli pour faire place à la création du chemin de fer, les reliques de Sainte Limbanie furent transférées dans l’église de Voltri.

reliquaire d'argent de Sainte Limbanie XVe-XIXe siècles

Chef reliquaire d’argent de Sainte Limbanie
œuvre du XVème siècle restaurée et complétée au XIXème siècle

       Le Bienheureux Ange de Foligno (Angelo da Foligno) est née à Foligno, dans la noble famille Conti, en 1226. On ne connaît que peu de choses de son enfance et de sa jeunesse, ni du moment précis où il entra dans la vie religieuse.
Il est contemporain de la création de l’Ordre des Ermites de Saint Augustin (16 décembre 1243 & 9 avril 1256). Appartenait-il à l’une de ces communautés érémitiques vivant sous la Règle de Saint Augustin dont le Saint Siège voulut la réunion et la constitution en ordre mendiant, ou rejoignit-il l’Ordre après qu’il a été constitué ? On ne le sait pas.

   En revanche on sait que ce prêtre d’une grande piété, distingué par sa patience, son esprit de prière et sa mortification, fut employé par l’Ordre pour fonder plusieurs couvents augustiniens en Italie centrale, dont le couvent Saint-Augustin dans sa ville natale, et des documents attestent sa présence à Gubbio en 1293 et 1297. C’est à peu près tout !

   Toutefois, après sa mort, survenue à Foligno le 27 août 1312, âgé de 86 ans, en la vigile de notre Bienheureux Père Saint Augustin, il fut inhumé dans l’église conventuelle et aussitôt vénéré, invoqué, prié… et des grâces furent obtenues par son intercession.
Léon XIII approuva son culte immémorial en 1881.  

Bienheureux Ange de Foligno - blogue

2024-191. Où Son Altesse Félinissime le Prince Tolbiac évoque ses activités estivales dans sa principauté du Mesnil-Marie.

Mercredi soir 4 septembre 2024,
L’octave de notre Bienheureux Père Saint Augustin ;
Mémoire de Sainte Rosalie de Palerme, vierge (cf. > ici) ;
Anniversaire de la mort de Mère Anne-Marie de Jésus Crucifié (cf. > ici).

septembre félin - blogue

Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,

   Les études d’un chat monastique augustinien ne sont pas soumises aux rythmes et décrets de l’« éducation nationale » (sic) ni aux programmes décérébrants de « l’école de la république » (re-sic), voilà pourquoi, même si ce mois de septembre sera bien pour moi la période de la rentrée scolastique, cela ne se concrétisera qu’après les fêtes de l’Exaltation de la Sainte Croix et de Notre-Dame des Douleurs.
Je bénéficie donc d’encore quelques belles journées de grande liberté pendant lesquelles je peux gambader à ma guise à travers le hameau et dans les bois environnants.

   Depuis les jours qui ont suivi le 15 août, les gîtes ou maisons secondaires du hameau se sont progressivement vidés des vacanciers qui y séjournaient ; et depuis maintenant trois jours, il ne reste plus que les bipèdes qui y vivent à l’année, soit neufs humains répartis dans cinq des quatorze maisons que compte notre hameau.
Cela signifie aussi que le total des chats, chiens, poules, canards, autres volailles et lapins de basse-cour arrive à un chiffre très largement supérieur à celui des humains… et je ne vous parle pas de tous les animaux dits sauvages, à plumes ou à poils, qui peuplent nos bois et nos haies !

Tolbiac - 0 fin mai 2024

   A ce propos, je dois d’ailleurs vous dire que j’ai beaucoup perfectionné mes techniques de chasse au cours de l’été, et que je ne suis pas du tout mécontent de mon palmarès.

   Mon papa-moine - qui ne peut s’empêcher de me faire des réflexions désobligeantes lorsque je rapporte des oiseaux, des libellules et des lézards dans la maison, et qui fait parfois tout ce qui est en son pouvoir pour me forcer à les relâcher – a déclaré qu’il habitait chez un tueur en série. Rien que ça !!!
Je l’ai sommé de mettre davantage de modération dans ses propos en lui rappelant que je ne fais qui suivre la nature que m’a donnée notre commun divin Créateur, Lui qui a voulu que je fusse, comme tous mes congénères, un prédateur efficace, dont il est bien aise de profiter des talents puisqu’il n’y a pas de nuisibles à l’intérieur du Mesnil-Marie, et que, de ce fait, les réserves alimentaires, comme celles de la sacristie, et bien sûr les livres et les ornements sacrés, ne sont pas ravagés…  

Tolbiac - 1 début de l'été 2024

   Il m’a autorisé à publier sur ce blogue la photo suivante, mais n’a point voulu que je vous montrasse celles des serpents (vivants) que j’ai également capturés et parfois mis bien mal en point, après les avoir amenés dans la salle à manger…

Tolbiac - 2 juillet 2024

   Pendant les mois de juillet et d’août, ce qui m’est une fort plaisante distraction, ce sont les villégiateurs : ils effectuent des séjours plus ou moins longs dans leurs maisons secondaires ou bien dans les gîtes qu’ils louent dans le hameau.
Nous voyons ainsi se succéder des personnes très diverses, avec des accents du nord ou du midi, des tempéraments très contrastés, des habitudes de vie discrètes ou exubérantes : cela me permet d’étendre mon champ d’études sur ces étranges bipèdes, bien différents du spécimen monastique qui habite chez moi…

   Parfois je me place sur quelque toit pour les observer de plus près, mais avec la hauteur qui s’impose et me permet d’être hors d’atteinte de leur manie de me vouloir caresser, ce qui n’est habituellement permis qu’à mon papa-moine.

Tolbiac - 3 août 2024

   Il m’arrive néanmoins quelquefois de me mettre à leur niveau, lorsqu’ils ont bien compris que je ne suis pas une espèce de peluche vivante que l’on peut tripoter à sa guise, en se donnant l’illusion qu’on m’est supérieur et qu’on m’accorde l’aumône de ce qu’on imagine devoir immanquablement me faire plaisir selon leurs comprenette humaine si limitée…

   Bref ! quand je suis certain qu’ils ne seront donc point trop familiers ni condescendants avec moi, je les honore d’une plus grande proximité en leur faisant la grâce de me reposer dans l’une de leurs chaises longues.  

Tolbiac - 4 juillet & août 2024

   Dans ma noble magnanimité, s’ils sont très sages, je leur accorde aussi parfois un spectacle acrobatique qui suscite leurs exclamations admiratives.

Tolbiac - 5 juillet-août 2024

   N’allez tout de même pas imaginer que ma vie estivale ne consiste qu’à s’adonner superficiellement à ces divertissements pascaliens dont  le spectacle de la comédie humaine m’offre une inépuisable variété.

   Je reste très assidu et scrupuleusement exact à mes heures de contemplation et d’oraison de quiétude, ainsi qu’à mes temps quotidiens d’adoration silencieuse auprès du saint tabernacle.

Tolbiac - 6 août 2024

   Et puisque j’évoque ici l’espace de plénitude et de sereine intimité qu’est notre chapelle, même si je l’ai déjà fait dans une publication spéciale (cf. > ici), je tiens encore une fois à remercier tous les amis et bienfaiteurs dont la générosité nous a permis d’acquérir et d’y installer honorablement la statue de notre bon Saint Joseph…

   L’arrivée de cette statue m’a en outre valu l’incommensurable joie de disposer d’un nouveau carton pour les parties de cligne-musette !

Tolbiac - 7 le 9 août 2024

   Bon, j’ai encore une inspection à faire sur mes terres donc je vais arrêter là mon bavardage.
Après ma ronde vigilante de fin de journée, j’irai, bien sûr, me sustenter de quelques croquettes, mais ensuite – et j’ai hâte – j’irai m’abandonner à un sommeil réparateur bien mérité.

A bientôt, bien chers Amis,
et dans cette attente que le Seigneur des miséricordes vous bénisse et vous garde.

pattes de chat Tolbiac. 

Tolbiac - 8 le10 août 2024

P.S. Peut-être, si vous êtes dans nos parages, aurons-nous la joie de vous accueillir au Mesnil-Marie le samedi 14 septembre pour la journée de prière à l’occasion de la fête de l’Exaltation de la Sainte Croix (cf. > ici) ?

Publié dans:Annonces & Nouvelles, Chronique de Lully |on 4 septembre, 2024 |1 Commentaire »

2024-190. Deux messages de Sa Majesté complémentaires à celui publié le jour de la Saint-Louis.

       En complément du message publié au soir du 25 août dernier (dont nous avons donné le texte > ici) par le moyen des réseaux sociaux, Monseigneur le Prince Louis de Bourbon, duc d’Anjou, de jure Sa Majesté le Roi Louis XX, a le même jour signé un éditorial dans l’hebdomadaire « Valeurs Actuelles », puis, quelques jours plus tard, fait paraître une tribune dans ce même hebdomadaire.
Vous trouverez ces deux textes ci-dessous.

   Avec le message déjà publié (cf. > ici), nous nous trouvons avec une sorte de déclinaison de la pensée de Sa Majesté, axée autour de la fête de Saint-Louis, reprenant les mêmes idées, parfois les mêmes membres de phrase, mais en les associant avec certains autres détails ou nuances de pensée, tout à fait complémentaires, qui nous donnent à nous, lecteurs, une approche très intéressante : un peu à la manière dont nous pourrions observer attentivement les diverses facettes d’un même diamant.

Prince Louis de Bourbon - Louis XX

Armes de France gif

Editorial publié dans « Valeurs Actuelles » le 25 août 2024 :

La France traverse une crise telle

qu’elle n’en a peut-être jamais connue en temps de paix.

Chers Français,

       Quand je me suis exprimé, comme chaque année, le 25 août dernier, à l’occasion de la fête de la Saint-Louis, qui aurait pu penser que les mois qui allaient suivre, seraient si paradoxaux, mêlant le meilleur au pire.

   Le meilleur, d’un certain point de vue, demeure assurément ce que nous venons de vivre avec la parenthèse des Jeux Olympiques. Ces derniers ont certes été inaugurés, de manière ouvertement calamiteuse, par une cérémonie dont plusieurs éléments ont été si indignes de la France que de nombreux pays ont refusé de la diffuser sur leurs réseaux nationaux. Toutefois ces Jeux ont pu donner l’impression de vivre un moment d’unité retrouvée pour notre pays. Comme les autres nations,  ce dernier a vibré devant les nombreuses prouesses de ses champions.

   Les succès obtenus ont été nombreux et la position de la France a été magnifiée.  Remercions ainsi ceux qui se sont engagés jusqu’aux limites de leurs forces, de leur courage, de leur volonté. Soyons fiers de nos médaillés et saluons chaleureusement ceux des autres nations, dans un mouvement que nous souhaitons voir se prolonger, dès les jours prochains, pour les jeux para-olympiques.

   Le pire, à l’évidence, concerne, en revanche, la situation politique dégradée dans laquelle notre pays est entré depuis des mois au point de devoir constater, avec un Gouvernement démissionnaire, une quasi vacance apparente des pouvoirs. La France traverse ainsi une crise telle qu’elle n’en a peut-être jamais connue en temps de paix. Il y a un an nous avions, pourtant formulé l’espoir que, malgré les difficultés croissantes, des changements pourraient advenir. Changements si nécessaires pour notre cher Pays, dont la société fracturée est de plus en plus  fragilisée depuis des décennies.

   Au-delà de l’accumulation de mauvaises décisions prises (poursuite d’un déficit chronique et alimentation d’une dette abyssale, conséquences d’un accroissement de flux migratoires incontrôlés, subversions de tous ordres sur le plan du respect des valeurs et de l’ordre public …), il nous faut considérer surtout l’esprit sciemment et délibérément perverti dans lequel beaucoup de décisions ont été prises, ou beaucoup d’autres, ne l’ont pas été.

   Idées partisanes, intérêts privés ou communautaristes et options conjoncturelles ont, trop souvent remplacé les règles élémentaires de bon sens, d’équité et de justice, le souci des populations les plus fragiles, la pleine mesure des questions de société (sécurité intérieure et extérieure, politique familiale, personnes âgées,  retraite, Défense nationale…).

   Force est ainsi de reconnaître que l’organisation de notre société ne répond plus actuellement  aux besoins réels qu’expriment la majorité des Français. Cela sous-entend donc bien l’existence d’une véritable fracture qui s’aggrave entre eux et des institutions qui assurent de moins en moins correctement leurs fonctions.

   Nous constatons ainsi que, de plus en plus nombreux, certains de nos concitoyens se mettent en retrait de la société. Ce repli s’exprime de différentes manières : retour au troc ; recherche d’une auto-suffisance préférée à celle d’une aisance partagée, pourtant seule source de richesse et de progrès ; repli sur le village, sur le département, la région parfois. Mais fait-on nation ainsi ? Sans doute non et la France de tout temps a formé une nation forte parce que, au-delà des particularismes, elle unissait tous ses enfants dans un destin commun.

   Ainsi la France paraissait, il y a un an, à un tournant pouvant lui permettre de reprendre en main sa destinée. Le cadre proche des élections paraissait propice à exprimer de hautes ambitions, en permettant de renouveler certaines élites politiques et, de redéfinir les enjeux de la solidarité européenne. En effet, au-delà des questions économiques, il y a, sur ce point, nécessité de clarifier les questions de souveraineté, de sécurité et d’identité des composantes de notre continent, dans leur diversité, face aux dangers qui les menacent (immigration incontrôlée, mondialisation des échanges).

   Or le vrai débat qui semblait ainsi s’amorcer a été occulté, opposant un déni aux aspirations légitimes qui paraissaient s’exprimer avec force. Il en est résulté une situation en impasse et un blocage institutionnel tendant à affaiblir notre pays à l’intérieur comme sur la scène internationale.

   Comme pour toutes les crises profondes que notre cher Pays a traversées, nous ne pouvons qu’espérer que celle-ci ne soit que temporaire et que, en particulier, cesse le plus rapidement possible cette sorte d’inversion des valeurs. Le temps des faux bilans cachant la vérité est manifestement  passé et celui de la nécessité d’engager des actions concrètes et réalistes, doit s’imposer à tous, chacun dans son domaine, de manière à pouvoir, au quotidien, redonner un sens au mot avenir.

   Ne doutons pas un instant, la France va se reprendre. Les Français attendent ce renouveau, ce sursaut qui fera franchir les écueils qui guettent notre pays. Il importe donc de ne pas s’enfermer dans un isolement sans issue, mais, au contraire, de s’évertuer à donner du sens au débat politique en consacrant du temps à la réflexion et à des actions menées, dans le souci du Bien Commun. Déjà de nombreuses jeunes familles s’engagent dans cette voie.

   Au niveau personnel, cela passera par la nécessité de poser clairement des objectifs, souvent à rebours d’idées ambiantes. Au plan collectif, cela passera, par l’abandon du déni pour dresser le tableau de ce qui ne va pas et l’acceptation de la réalité, même si cette dernière impose des efforts, voire des sacrifices. Comme nos sportifs, les Français devront avoir une mentalité de gagnants.

   Pour notre société faite d’hommes et de femmes, il est absolument nécessaire de réaffirmer le principe de l’encouragement des valeurs familiales, seule garantie d’une évolution à nouveau positive de notre société vieillissante et rempart naturel contre les dangers des immigrations. Défendre la vie de la conception à la mort, doit demeurer également un objectif premier avec l’appui  unanime des religions qui ont accompagné et continuent d’accompagner, en leur diversité même, le déroulement de notre histoire.  Assurer enfin, dans l’esprit de saint Louis,  par la garantie du droit, la sécurité et le respect des personnes et des biens.

   Parce que la société est, par définition, une communauté civile, il nous faut redonner toute sa place à la morale sociale, notamment le « tu ne tueras pas », et aux règles communes partagées, claires et acceptées par tous, en étant justes et ressenties comme telles. Equilibre nécessaire entre droits et devoirs. Cette vie civile et sociale intègre une définition claire du principe de laïcité, qui ne doit pas être affirmé comme celui d’une exaltation des valeurs matérialistes et celui d’une hostilité intentionnelle et systématique à l’égard de l’expression de religions, mais celui de permettre, au contraire, aussi l’expression des transcendances sans lesquelles l’homme ne peut s’épanouir pleinement.

   Enfin, parce que notre France est une société inscrite dans un contexte international, l’avenir de notre pays nécessite de réaffirmer son engagement européen, sur la base du respect des intérêts nationaux de tous les Etats, en s’appuyant sur le principe de subsidiarité, toujours énoncé, mais si souvent détourné en pratique.  Cet esprit européen d’une véritable civilisation féconde, permettra  seul d’apporter le supplément d’âme qu’attend le monde à une époque où le dialogue et les relations entre les états et les blocs doivent s’inscrire sur des bases nouvelles.

   Puisse notre pays, en retrouvant le sens de sa mission, se reprendre à l’intérieur pour être fort vis-à-vis de l’extérieur. Que saint Louis, modèle des gouvernants, fêté en ce 25 août par les catholiques, nous aide ainsi à retrouver à nouveau l’Espérance en l’avenir de la France.

Louis de Bourbon,
duc d’Anjou.

Armes de France gif

Tribune publiée dans « Valeurs Actuelles » le 31 août 2024 :

La France doit retrouver le sens de sa mission civilisatrice.

Chers Français,

       Quand je m’exprimai, le 25 août dernier, à l’occasion de la fête de la Saint-Louis, qui aurait pensé que les mois qui suivraient seraient à ce point tourmentés ? A l’exception de la fierté que l’on tirerait des résultats de nos athlètes olympiques, quel regard positif tirer de l’année écoulée sur un pays toujours plus divisé ? Même dans les moments qui devraient rassembler les Français comme une certaine cérémonie d’ouverture, les dirigeants réussissent à briser cette aspiration par des ferments de haine.

   Que retenir sinon une situation politique toujours plus dégradée dans laquelle notre pays est enferré avec une quasi-vacance des pouvoirs ? La France traverse une crise telle qu’elle n’en a peut-être jamais connu en temps de paix. Il y a un an, nous formulions l’espoir que, malgré les difficultés croissantes, des changements pourraient advenir.

   Hélas, outre l’accumulation de mauvaises décisions prises (subversions sur le plan du respect des valeurs et de l’ordre public, poursuite d’un déficit chronique et augmentation d’une dette abyssale, conséquences de flux migratoires incontrôlés…), il nous faut considérer surtout l’esprit sciemment perverti dans lequel beaucoup de ces décisions ont été prises.

   Idées partisanes, intérêts privés ou communautaristes et options conjoncturelles chassent les règles de bon sens, d’équité, de justice, le souci des populations les plus fragiles, la pleine mesure des questions sociales et sociétales (sécurité intérieure et extérieure, politique familiale, personnes âgées, défense nationale…). Au lieu de porter haut de saines ambitions pour le pays, les élections récentes n’ont pas permis de renouveler certaines élites politiques et les véritables enjeux français et européens face aux dangers qui nous menacent ont été occultés.

   Force est de reconnaître que l’organisation de notre société et des institutions ne répond plus aux besoins qu’exprime la majorité des Français, une véritable fracture s’aggravant ainsi chaque jour. Comme pour toutes les crises profondes que notre cher pays a traversées, nous devons espérer que celle-ci ne soit que temporaire et qu’en particulier cesse le plus rapidement possible cette inversion des valeurs.

   Cela passera, souvent à rebours d’idées ambiantes, par la fin du déni et l’acceptation de la réalité, même si cette dernière impose des efforts, voire des sacrifices. Comme nos sportifs, les Français devront avoir une mentalité de gagnants. Il sera indispensable de réaffirmer le primat des valeurs familiales, seule garantie d’une évolution à nouveau positive de notre société vieillissante et rempart naturel contre les dangers des immigrations.

   Défendre la vie de la conception doit demeurer également un objectif premier, en redonnant toute sa place à la morale sociale, notamment au « Tu ne tueras pas ». Assurer enfin, dans l’esprit de Saint Louis, par la garantie du droit, la sécurité et le respect des personnes et des biens.

Louis de Bourbon,
duc d’Anjou.

Monogramme de louis XX - blogue

2024-189. Pèlerinages avec la Légitimité : Sainte-Anne d’Auray & Saint-Maximin.

       Dans les prochaines semaines, vont se dérouler deux pèlerinages à la participation desquels nous invitons largement nos amis, en fonction de leurs capacités physiques d’une part, et de leur implantation géographique d’autre part.

1) Les 28 & 29 septembre, aura lieu le 112ème pèlerinage légitimiste à Sainte-Anne d’Auray, organisé par l’UCLF (Union des Cercles légitimistes de France), que l’on ne présente plus et dont nous reproduisons ci-dessus le tract :

Pèlerinage Ste Anne d'Auray 2024 recto

Pèlerinage Ste Anne d'Auray 2024 verso

   2) Et le « ouiquinde » suivant, c’est-à-dire les 5 & 6 octobre, le pèlerinage « Nosto Fe » (deux mots de la langue provençale signifiant « Notre Foi » et rappelant les paroles du célèbre cantique « Prouvençau e catouli ») dont ce sera la première édition, et à l’occasion duquel les responsables du Camp Chouan ont créé le Chapitre légitimiste Sainte Pétronille.
Nous leur laissons la parole :

   « Le week-end du 5 et 6 octobre se tiendra le pèlerinage traditionnel Nosto Fé. À cette occasion nous avons créé un chapitre légitimiste sous le patronage de Sainte Pétronille. Il s’agit de la première édition de ce Pélé qui est le pendant provençal du Feiz et Breizh breton. L’idée est que sous le grand pèlerinage de Chartres, qui représente l’échelon national, se développent des pèlerinages provinciaux et enracinés. Aussi en Provence nous serons accompagnés de galoubets et de tambourins… » 

   Notez que le départ se fera au sanctuaire de Cotignac (lieu d’apparition de Notre-Dame, puis de Saint Joseph, lié à la naissance de Louis XIV), et l’arrivée à la basilique royale de Saint-Maximin, lieu de la sépulture de Sainte Marie-Magdeleine et où sont conservées ses reliques, sanctuaire lui aussi lié à la famille capétienne.

Nosto Fe 2024

   Nous ne pourrons y participer nous-mêmes, mais si des personnes du Dauphiné ou du Vivarais désiraient s’y rendre, nous pouvons les mettre en contact avec des pèlerins qui organisent un covoiturage depuis Montélimar.

2024-188. De Sainte Rosalie, vierge issue du sang de France, solitaire, céleste protectrice de Palerme.

4 septembre,
Octave de notre Bienheureux Père Saint Augustin ;
Mémoire de Sainte Rosalie la Palermitaine, vierge ;
Anniversaire de la mort de Mère Anne-Marie de Jésus Crucifié, calvairienne (+ 4 septembre 1653 – cf. ici).

Martyrologe romain pour le 4 septembre :

   « Panórmi natális sanctæ Rosáliæ, Vírginis Panormitánæ, ex régio Cároli Magni sánguine ortæ, quæ, pro Christi amóre, patérnum principátum aulámque profúgit, et, in móntibus ac spelúncis solitária, cæléstem vitam duxit : à Palerme, la naissance (au ciel) de Sainte Rosalie, vierge de Palerme, issue du sang royal de Charlemagne, qui, pour l’amour de Jésus-Christ, s’enfuit de la demeure princière paternelle, et solitaire dans les montagnes et les grottes, mena une vie toute céleste ».

statue de Sainte Rosalie devant la cathédrale de Palerme - blogue

Statue de Sainte Rosalie devant la cathédrale de Palerme

       Sainte Rosalie est née à Palerme, en Sicile, vers 1125. Fille de Sinibaldo Sinibaldi, chevalier renommé pour sa valeur, seigneur de Quisquina et de Monte delle Rose, que le Roi Roger II de Sicile (1095-1154) s’était attaché et auquel il avait donné pour épouse une de ses parentes, Maria Guiscarde, descendante de Charlemagne. Rosalie (Rosalia) avait reçu une éducation soignée et joignait les beautés du corps à celles de l’esprit ; très pieuse, elle aspirait à se consacrer totalement au service divin. 

   La tradition rapporte que, lors d’une partie de chasse, son père fut attaqué par un animal sauvage (les récits populaires parlent d’un lion) et ne dut d’avoir la vie sauve qu’à la courageuse intervention d’un jeune noble prénommé Baudoin, auquel Sinibaldo voulut témoigner sa reconnaissance. Comme beaucoup de jeunes chevaliers, Baudoin était épris de Rosalie et demanda sa main, qui lui fut accordée.
Rappelons qu’en ce temps-là et dans ce milieu les jeunes filles n’avaient bien souvent qu’à acquiescer à ce que leurs parents décidaient. Mais, à la veille des noces, s’approchant d’un miroir, en lieu et place de son propre reflet, elle vit le visage de Notre-Seigneur Jésus-Christ qui lui enjoignit de quitter le monde en Le choisissant pour unique Epoux.

l'ermitage de la grotte de Sainte Rosalie à Quisquina - blogue

Sanctuaire de la grotte de Sainte Rosalie, près de Quisquina, état actuel :
près de la grotte originelle, un ermitage a été édifié au XVIIème siècle,
dans lequel se sont depuis succédé des frères, dont le dernier est mort en 1986 âgé de 98 ans…

intérieur de la chapelle de l'ermitage adjoint à la grotte de Sainte Rosalie à Quisquina - blogue

Intérieur de l’église (XVIIème siècle) de l’ermitage
construit en avant de la grotte de Sainte Rosalie à Quisquina 

   Quoi qu’elle ne fût âgée que de 14 ans environ, Rosalie n’hésita pas et s’enfuit subrepticement du palais paternel, n’emportant avec elle qu’un crucifix et des instruments de pénitence.

   Guidée par deux anges, elle atteignit une grotte des monts Sicanes, sur les terres de son père près de Quisquina, et ne s’y livra plus qu’à la prière et à la contemplation, ne soutenant son corps que de fruits, racines et autres baies sauvages, et se désaltérant avec l’eau qui suintait des parois rocheuses, qu’elle recueillait dans un petit bassin qu’elle avait confectionné et qui existe toujours. On vénère aussi dans cette grotte, son premier ermitage, une inscription latine :

   « Ego Rosalia Sinibaldi Quisquini et Rosarum domini filia, amore Dei mei Jesus Christi in hoc antro habitare decrevi : moi Rosalie, fille de Sinibaldo, seigneur de Quisquina et de Monte delle Rose, pour l’amour de mon Seigneur Jésus-Christ, j’ai décidé de vivre dans cette grotte ».

   On raconte que Notre-Seigneur, Notre-Dame et les saints Anges la visitaient fréquemment.

intérieur de la grotte de Sainte Rosalie à Quisquina - blogue

L’intérieur de la grotte de Sainte Rosalie à Quisquina

   Un petit couvent de moines basiliens se trouvait dans les parages, et sans doute, Rosalie avait-elle discrètement recours à eux pour recevoir le secours des sacrements.

   On pense qu’elle vécut dans cette grotte pendant une douzaine d’années.

Extérieur de la grotte de Sainte Rosalie au Monte Pellegrino - blogue

Le sanctuaire de Sainte Rosalie au Mont Pèlerin, à Palerme, état actuel :
en avant de la grotte de Sainte Rosalie a été édifié un couvent
auquel on accède par une grande volée de marches

   Les anges l’avertirent que, si elle restait dans cette grotte proche de Quisquina, elle serait bientôt découverte : ils l’engagèrent donc à en partir, et ils se firent ses guides jusqu’à une autre grotte, creusée sur les flancs du Mont Pèlerin (Monte Pellegrino) en surplomb de la cité de Palerme.
A l’origine, cette grotte avait une ouverture tellement étroite qu’elle était difficilement repérable et qu’il était malaisé d’y pénétrer.
Un prieuré de bénédictins se trouvait dans les environs et, vraisemblablement, c’est là que, en toute discrétion, la sainte ermite put bénéficier des sacrements.

   Rosalie passa dans cette grotte les dernières années de sa courte vie, dans une prière quasi continuelle, la familiarité divine et une ascèse rigoureuse. C’est là qu’elle rendit son âme virginale à Dieu, son unique Epoux, le 4 septembre 1160. Elle était âgée d’environ 35 ans et avait vécu quelque vingt années de vie érémitique et pénitente très stricte, totalement cachée aux yeux des hommes.

entrée de la grotte-sanctuaire de Sainte Rosalie à Palerme - blogue

Grotte de Sainte Rosalie au Mont Pèlerin (Monte Pellegrino), à Palerme, dans son état actuel,
c’est-à-dire aménagée en sanctuaire,
après qu’une ouverture suffisante a été creusée dans la roche
afin de permettre aux pèlerins d’y pénétrer.

Intérieur de la grotte-sanctuaire de Sainte Rosalie à Palerme - blogue

   La sainte solitaire fut connue des fidèles après sa mort grâce au témoignage que lui rendirent les moines qui avaient été les discrets et lointains spectateurs de sa sainteté : assez rapidement, les deux grottes où elle avait vécue ignorée de tous devinrent des lieux de dévotion, où l’on éprouvait la puissance de son intercession. Mais on ignorait où se trouvait sa dépouille mortelle : malgré des recherches assidues, on ne trouvait pas le lieu de sa sépulture !

   En fait, son saint corps se trouvait toujours dans la grotte du Mont Pèlerin, mais il avait été enveloppé d’une espèce de gangue d’albâtre qui le dérobait aux regards.
Une opinion s’était répandue parmi le peuple de Palerme que les précieux restes mortels de la solitaire ne seraient retrouvés que le jour où la vengeance divine s’appesantirait sur la ville.

Statue de Sainte Rosalie dans la grotte-sanctuaire de Palerme - blogue

Statue de Sainte Rosalie dans la grotte-sanctuaire du Mont Pèlerin, à Palerme,
sous l’autel érigé au lieu de la découverte de son corps en 1624

Statue de Sainte Rosalie dans la grotte-sanctuaire de Palerme - détail

   C’est en effet ce qui arriva, en 1624, lorsque la peste se déclara et fit des ravages dans la population.
Les ardentes supplications aux saints protecteurs de la ville et de la Sicile, les processions avec les reliques, le recours aux saints qu’on invoque traditionnellement dans les temps d’épidémies contagieuses restaient vains.

   Une pieuse femme qui avait été atteinte par le mal, et dont on pensait qu’elle n’allait pas survivre, se traîna jusqu’à la grotte du Mont Pèlerin dans le but de boire de l’eau qui y ruisselait en invoquant Sainte Rosalie. Elle fut guérie et la sainte lui apparut en lui indiquant l’endroit où l’on trouverait son corps.
Il en fut de même avec un savonnier qui fuyait la cité après que son épouse avait succombé à l’épidémie. Elle enjoignit à ce dernier d’aller trouver le cardinal-archevêque Jean Doria (1573-1642), en précisant qu’elle demandait qu’on établît une procession annuelle avec ses reliques dans les rues de Palerme.

   On suivit donc les indications qui avaient été données par la sainte dans ces deux apparitions, et, le 15 juillet 1624, brisant la gangue d’albâtre, on découvrit le précieux corps de la princesse descendante de Charlemagne qui avait préféré la solitude contemplative et pénitente aux palais princiers.

Châsse d'argent de Sainte Rosalie - cathédrale de Palerme

Châsse d’argent contenant les reliques de Sainte Rosalie,
conservée de manière habituelle dans la chapelle qui lui est dédiée dans la cathédrale de Palerme,
solennellement portée en procession à travers la ville le 15 juillet,
et amenée à la grotte-ermitage du Mont Pèlerin le 3 septembre

Procession du 15 juillet dans les rues de Palerme avec la châsse de Sainte Rosalie

   Cependant le cardinal-archevêque et les autorités palermitaines hésitèrent un temps : les victimes de l’épidémie continuaient à mourir, mais nombre de ceux qui se plaçaient sous la protection de Sainte Rosalie se trouvaient rapidement guéris. Finalement, les saintes reliques furent exposées solennellement le 29 janvier 1625 et des prières publiques furent ordonnées devant elles : la peste cessa subitement !

   Dès lors, le cardinal Doria se dépensa pour faire reconnaître la sainteté de Sainte Rosalie par le Saint-Siège : elle fut inscrite au martyrologe romain en 1631 par le pape Urbain VIII (canonisation équipollente) et fut très solennellement proclamée sainte patronne et protectrice de la ville, qui célèbre Sainte Rosalie chaque année par plusieurs jours de festivités conclues par la procession très solennelle du 15 juillet dans les rues de Palerme ; puis à nouveau les 3 et 4 septembre, où une autre procession, que beaucoup de pèlerins suivent pieds nus ou même à genoux, amène la châsse depuis la cathédrale jusqu’à la grotte du Mont Pèlerin.

   Notons qu’en mars 2020, au début de l’épidémie de covid-19, des processions et prières publiques ont été organisées pour supplier Sainte Rosalie de protéger les habitants du virus, comme elle les avait jadis protégés de la peste, et qu’au mois de juillet suivant le maire de Palerme exprima publiquement sa gratitude envers la céleste protectrice de la cité.

   Et c’est ainsi qu’une princesse, dans les veines de laquelle coulait le sang de Saint Charlemagne, et qui voulut rester ignorée et loin du monde pendant sa courte vie, bien qu’elle soit aujourd’hui très peu connue en France, est néanmoins célèbre dans toute la Sicile et dans tous les pays, d’Europe, d’Amérique et d’Asie où les Siciliens ont exporté son culte.

Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur.

Sainte Rosalie - blogue

2024-187. Celui qui a reçu la charge du ministère a le grave devoir de conduire ses fidèles vers le salut et de les sanctifier pour les amener à la vie éternelle, et aux fidèles incombe le grave devoir de prier pour leurs pasteurs.

4 septembre,
Octave de notre Bienheureux Père Saint Augustin (double majeur) ;
Mémoire de Sainte Rosalie de Palerme, vierge (cf. > ici) ;
Anniversaire de la mort de Mère Anne-Marie de Jésus Crucifié, calvairienne (+ 4 septembre 1653 – cf. > ici).

       A l’occasion de la fête de Saint Augustin, nous avons publié le premier des deux sermons qui nous sont parvenus prononcés à l’occasion de l’anniversaire de son sacre (sermon CCCXXXIX – cf. > ici), appelé aussi premier sermon sur la charge pastorale ; à l’occasion du jour octave de cette fête, voici l’autre, qui traite du même sujet et qui a donc reçu le nom de second sermon sur la charge pastorale.
L’un comme l’autre, sous des points de vue complémentaires, nous montrent de manière fort édifiante la conscience aiguë dont le grand Docteur de l’Occident était habité des responsabilités de son ministère de successeur des Apôtres, et à ce titre, ce qu’il exprime est tout-à-la-fois une puissante leçon et un exemple stimulant pour tous ceux qui, dans la Sainte Eglise, ont charge d’âmes, en même temps qu’il décrit l’attitude spirituelle des fidèles envers leurs pasteurs légitimes.

Carl van Loo -Saint Augustin prêchant devant Valère - Basilique ND des Victoires Paris - blogue

Charles André van Loo (1705-1765) : la prédication de Saint Augustin devant Valère (milieu XVIIIème siècle)
[Basilique de Notre-Dame des Victoires, à Paris]

vignette augustinienne

Second sermon de notre

Bienheureux Père Saint Augustin

pour le jour anniversaire de son sacre

(sermon CCCXL)

La charge pastorale

§ 1. Introduction du discours : Saint Augustin sollicite instamment la prière de ses fidèles. La charge qu’il a reçu en devenant leur pasteur est pour eux, pour leur salut : il y a donc un devoir mutuel et réciproque des pasteurs et des fidèles les uns envers les autres.

   A la vérité, depuis que ce fardeau, dont j’ai à rendre un compte si difficile, est placé sur mes épaules, la pensée de ma dignité me tient constamment en éveil : toutefois je m’en sens beaucoup plus pénétré et plus ému, quand, en me renouvelant la mémoire du passé, ce jour anniversaire de mon sacre me met si vivement en présence du fardeau dont je suis chargé, qu’il me semble arriver pour m’en charger aujourd’hui seulement. Or, qu’y a-t-il à craindre dans cette dignité, sinon qu’on n’aime plus les dangers qu’elle renferme, que l’avancement de votre salut ?

   Ah ! aidez-moi donc de vos prières, afin que le Seigneur daigne porter avec moi ce fardeau qui est le Sien.
Quand vous priez pour moi, d’ailleurs, vous priez aussi pour vous, car le fardeau dont je vous parle est-il autre chose que vous ?
Priez pour moi sincèrement, comme je demande pour vous que vous ne me pesiez pas.
Jésus Notre-Seigneur n’appellerait pas ce fardeau léger, s’Il ne le portait avec quiconque en est chargé.
Vous aussi, soutenez-moi, et conformément au précepte de l’Apôtre, nous porterons les fardeaux les uns des autres et nous accomplirons ainsi la loi du Christ (Gal. VI, 2).
Ah ! si le Christ ne les porte avec nous, nous fléchissons ; et nous succombons, s’Il ne nous porte.

§ 2. L’évêque, comme ses fidèles, sont tous des rachetés : mais l’évêque est un serviteur au service du salut des fidèles, et à ce titre il doit donner l’exemple d’un plus grand amour du divin Sauveur.

   Si je m’effraie d’être à vous, je me console d’être avec vous ; car je suis à vous comme évêque, comme chrétien je suis avec vous ; le premier titre rappelle des obligations contractées, le second, la grâce reçue ; le premier, des dangers, le second, le salut ; en accomplissant les devoirs attachés au premier, nous sommes en proie aux secousses de la tempête sur une mer immense ; mais en nous rappelant quel Sang nous a rachetés, nous trouvons dans la tranquillité que nous inspire cette pensée, comme un port paisible, et tout en travaillant au devoir qui nous est propre, nous goûtons le repos de la grâce faite à tous.
Si donc je suis plus heureux d’être racheté avec vous que de vous être préposé, je ne vous en servirai que mieux, comme l’ordonne le Seigneur, pour ne pas payer d’ingratitude Celui qui m’a obtenu d’être avec vous Son serviteur.
Ne dois-je pas aimer mon Rédempteur et ne sais-je pas qu’Il a dit à Pierre : « Pierre, m’aimes-Tu ? Pais Mes brebis » (Jean, XXI, 17), et cela, une fois, deux fois, trois fois ? En lui demandant s’il L’aimait, Il le chargeait de travailler ; c’est que plus est grand l’amour, moins pèse le travail.

§ 3. La charge pastorale doit être exercée avec un amour désintéressé : le véritable pasteur rend grâces à Dieu du don qui lui a été fait par Dieu de la vocation au ministère apostolique en ne s’attribuant aucun mérite et en s’acquittant humblement de son travail de salut et de sanctification des âmes qui lui sont confiées.

   « Que rendrai-je au Seigneur pour tous les biens qu’Il m’a rendus ? » (Ps. CXV, 12).
Si je prétends Lui rendre en paissant Ses ouailles, je ne dois pas oublier que « ce n’est pas moi, mais la grâce de Dieu avec moi » qui accomplit ce devoir (1 Cor. XV, 10).
Comment rendre à Dieu quand, pour tout, Il me prévient ?
Et pourtant, si gratuit que soit notre amour, nous cherchons une récompense en paissant le troupeau sacré. Comment cela ? — Comment pouvons-nous dire : j’aime purement afin de pouvoir paître, et je demande à être récompensé de ce que je fais ? La chose serait impossible ; jamais le pur amour n’ambitionnerait de récompense, si sa récompense n’était Celui-là même à qui il S’attache (note : on remarque ici combien cette doctrine, que l’on retrouve souvent chez Saint Augustin, est opposée à ce que soutenait Fénelon quand il fut combattu par Bossuet). Eh ! si nous Lui témoignons, en paissant Son troupeau, notre reconnaissance pour le bienfait de la Rédemption, que Lui rendrons-nous pour la grâce d’être pasteurs ?
Il est vrai, et à Dieu ne plaise que ceci s’applique à nous, c’est notre malice personnelle qui nous rend mauvais pasteurs ; mais sans Sa grâce – et puisse-t-Il nous accorder celle-là -, nous ne saurions être bons pasteurs. Aussi « vous prions-nous et vous commandons-nous », mes frères, « de ne recevoir pas en vain », non plus « la grâce de Dieu » (2 Cor. VI, 1). Rendez fructueux notre ministère : « Vous êtes le champ que Dieu cultive » (1 Cor. III, 9). Accueillez, à l’extérieur, celui qui vous plante et vous arrose ; à l’intérieur, Celui qui donne l’accroissement.

§ 4. Saint Augustin dresse un tableau saisissant de la charge pastorale et montre par là les raisons pour lesquelles il incombe aux fidèles, comme un grave devoir, de prier pour leurs pasteurs :

   Il nous faut arrêter les inquiets, consoler les pusillanimes, soutenir les faibles, réfuter les contradicteurs, nous garder des astucieux, instruire les ignorants, exciter les paresseux, repousser les contentieux, réprimer les orgueilleux, apaiser les disputeurs, aider les indigents, délivrer les opprimés, encourager les bons, tolérer les méchants, aimer tout le monde.

   Sous le poids de devoirs si importants, si nombreux et si variés, aidez-nous de vos prières et de votre soumission, obtenez que nous soyons moins flattés de vous commander que de vous rendre service.
De même, en effet, qu’il est bon pour vous que nous nous appliquions à implorer pour votre salut la divine miséricorde, ainsi faut-il que pour nous vous répandiez vos prières devant le Seigneur.
Jugerions-nous peu convenable ce qu’a fait l’Apôtre, et ce que nous savons ? Il avait un si vif désir qu’on le recommandât à Dieu dans la prière, que s’adressant à un peuple tout entier, il lui disait d’un ton suppliant : « Priez en même temps pour nous aussi …etc. » (Colos. IV, 3).

§ 5. Conclusion : Saint Augustin, appuyé sur l’exemple de Saint Paul, presse ses ouailles de ne point négliger les devoirs qui leur incombent envers leur pasteur tout donné à sa tâche de les conduire à la vie éternelle.

   Ainsi devons-nous vous dire ce qui peut nous encourager nous-mêmes et vous instruire.
S’il faut, en effet, que nous réfléchissions avec beaucoup de crainte et d’application à la manière dont nous pourrons accomplir sans reproche les fonctions de notre pontificat, vous devez également chercher à accomplir humblement et généreusement tout ce qui vous sera prescrit.

   Par conséquent, mes bien-aimés, demandons avec une égale ardeur, que mon épiscopat profite et à vous et à moi. Il me profitera, si je dis ce qu’il faut faire ; et à vous, si vous faites ce que j’aurai dit. Oui, si nous prions pour vous et si vous priez pour nous sans cesse et avec l’amour parfait de la charité, nous parviendrons heureusement, avec l’aide du Seigneur, à l’éternelle béatitude.

Carl van Loo - Saint Augustin prêchant devant Valère - détail

2024-187. L’éloge de Saint Pie X par le Vénérable Pie XII.

3 septembre,
Fête de Saint Pie X, pape et confesseur ;
7ème jour dans l’octave de Saint Augustin.

   Voici le discours prononcé par le Vénérable Pie XII à l’occasion de la canonisation de Saint Pie X, son prédécesseur (29 mai 1954) : en dressant une synthèse spirituelle de son pontificat et de ses mesures les plus significatives, le pape Pacelli a rendu au pape Sarto un hommage incomparable et quasi prophétique puisqu’il a montré à travers lui les remèdes et les exemples à suivre pour sortir d’une crise qui ne faisait que couver dans l’ombre en 1954, mais qui a épouvantablement éclaté depuis et dans laquelle nous nous débattons encore. 

Pie XII cérémonie de canonisation de St Pie X 29 mai 1954

Sa Sainteté le Pape Pie XII à genoux pendant le Veni Creator
du rite de la canonisation de Saint Pie X,
sur le parvis de la basilique Vaticane, le soir du samedi 29 mai 1954

Armoiries de Saint Pie X

Discours prononcé par Sa Sainteté le Pape Pie XII,

le 29 mai 1954

à l’occasion de la canonisation de Saint Pie X

       « Cette heure d’éclatant triomphe que Dieu, qui élève les humbles, a préparée et comme hâtée, pour sceller l’ascension merveilleuse de son fidèle serviteur Pie X à la gloire suprême des autels, comble Notre âme d’une joie à laquelle, Vénérables Frères et chers fils, vous participez largement par votre présence.
Nous rendons donc de ferventes actions de grâces à la divine bonté pour Nous avoir permis de vivre cet événement extraordinaire, d’autant plus que, pour la première fois peut-être dans l’histoire de l’Eglise, la canonisation formelle d’un Pape est proclamée par Celui qui eut jadis le privilège d’être à son service dans la Curie Romaine.

   Date heureuse et mémorable, non seulement pour Nous qui la comptons parmi les jours fastes de Notre Pontificat, auquel la Providence avait cependant réservé tant de douleurs et de sollicitudes, mais aussi pour l’Eglise entière qui, groupée spirituellement autour de Nous, exulte à l’unisson d’une vive émotion religieuse.

   Le nom si cher de Pie X traverse en ce soir radieux toute la terre, d’un pôle à l’autre, scandé par les voix les plus diverses ; il suscite partout des pensées de céleste bonté, des élans puissants de foi, de pureté, de piété eucharistique, et résonne comme un témoignage éternel de la présence féconde du Christ dans son Eglise. Par un retour généreux, en exaltant son serviteur, Dieu atteste la sainteté éminente, par laquelle plus encore que par son office suprême, Pie X fut pendant sa vie le champion illustre de l’Eglise et se trouve par là aujourd’hui le Saint que la Providence présente à notre époque.

   Or, Nous désirons que vous contempliez précisément dans cette lumière la figure gigantesque et douce du Saint Pontife, pour que, une fois l’ombre descendue sur cette journée mémorable et rentrées dans le silence les voix de l’immense Hosanna, le rite solennel de sa canonisation reste une bénédiction pour vos âmes et pour le monde un gage de salut.

Armoiries de Saint Pie X

§1 – Pie X fut d’abord préoccupé de rendre l’Eglise plus accessible, notamment en formulant le Droit Canon.

   Le programme de son Pontificat fut annoncé solennellement par lui dès la première Encyclique (« E Supremi » du 4 octobre 1903) où il déclarait que son but unique était d’ « instaurare omnia in Christo » (Eph. I, 10), c’est-à-dire de récapituler, de ramener tout à l’unité dans le Christ.
Mais quelle est la voie qui nous ouvre l’accès à Jésus-Christ ? se demandait-il, en regardant avec amour les âmes perdues et hésitantes de son temps. La réponse, valable hier comme aujourd’hui et dans les siècles à venir, est : l’Eglise !
Ce fut donc son premier souci, poursuivi incessamment jusqu’à sa mort, de rendre l’Eglise toujours plus concrètement apte et ouverte au cheminement des hommes vers Jésus-Christ.
A cette fin, il conçut l’entreprise hardie de renouveler le corps des lois ecclésiastiques de manière à donner à l’organisme entier de l’Eglise un fonctionnement plus régulier, une sûreté et une promptitude de mouvements plus grandes, comme le demandait un monde extérieur imprégné d’un dynamisme et d’une complexité croissants. Il est bien vrai que cette entreprise, définie par lui-même, « une œuvre assurément difficile » était digne de son sens pratique éminent et de la vigueur de son caractère ; cependant il ne semble pas que la seule considération de son tempérament donne le dernier motif de la difficile entreprise.
La source profonde de l’œuvre législative de Pie X est à chercher surtout dans sa sainteté personnelle, dans sa persuasion intime que la réalité de Dieu perçue par lui dans une incessante communion de vie, est l’origine et le fondement de tout ordre, de toute justice, de tout droit dans le monde. Là où est Dieu, règnent l’ordre, la justice et le droit ; et, vice versa, tout ordre juste protégé par le droit, manifeste la présence de Dieu. Mais quelle institution sur la terre devait manifester plus éminemment que l’Eglise, corps mystique du Christ même, cette relation féconde entre Dieu et le droit ? Dieu bénit largement l’œuvre du Bienheureux Pontife, si bien que le Code de droit canon restera à jamais le grand monument de son Pontificat et qu’on pourra le considérer lui-même comme le Saint providentiel du temps présent.

   Puisse cet esprit de justice, dont Pie X fut un exemple et un modèle pour le monde contemporain pénétrer les salles de Conférences des Etats où l’on discute de très graves problèmes, concernant la famille humaine, en particulier la manière de bannir pour toujours la crainte de cataclysmes terribles et d’assurer aux peuples une ère durable de tranquillité et de paix.

Armoiries de Saint Pie X

§2 – Pie X fut aussi un intrépide défenseur de la foi.

   Pie X se révèle aussi champion convaincu de l’Eglise et Saint providentiel de nos temps dans la seconde entreprise qui distingue son oeuvre et ressembla, par ses épisodes parfois dramatiques, à la lutte engagée par un géant pour la défense d’un trésor inestimable : l’unité intérieure de l’Eglise dans son fondement intime : la foi.

   Déjà depuis son enfance, la Providence divine avait préparé son élu dans son humble famille, édifiée sur l’autorité, les bonnes mœurs et sur la foi elle-même vécue scrupuleusement. Sans doute tout autre Pontife, en vertu de la grâce d’état, aurait combattu et rejeté les assauts destinés à frapper l’Eglise à la base.
Il faut cependant reconnaître que la lucidité et la fermeté avec lesquelles Pie X conduisit la lutte victorieuse contre les erreurs du modernisme, attestent à quel degré héroïque la vertu de foi brûlait dans son coeur de saint. Uniquement soucieux de garder intact l’héritage de Dieu au troupeau qui lui était confié, le grand Pontife ne connut de faiblesse en face de quiconque, quelle que fût sa dignité ou son autorité, pas d’hésitations devant des doctrines séduisantes mais fausses, dans l’Eglise et au dehors, ni aucune crainte de s’attirer des offenses personnelles et de voir méconnaître injustement la pureté de ses intentions. Il eut la conscience claire de lutter pour la cause la plus sainte de Dieu et des âmes.
A la lettre, se vérifièrent en lui les paroles du Seigneur à l’Apôtre Pierre : « J’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille point, et toi… confirme tes frères » (Luc XXII, 32). La promesse et l’ordre du Christ suscitèrent encore une fois, dans la fermeté indéfectible d’un de ses Vicaires, la trempe indomptable d’un athlète.

   Il est juste que l’Eglise, en lui décernant à cette heure la gloire suprême à l’endroit même où depuis des siècles brille sans se ternir celle de Pierre et en confondant ainsi l’un et l’autre dans une seule apothéose, chante à Pie X sa reconnaissance et invoque en même temps son intercession pour se voir épargner de nouvelles luttes du même genre.
Mais ce dont il s’agissait précisément alors, c’est-à-dire la conservation de l’union intime de la foi et de la science, est un bien si grand pour toute l’humanité que cette seconde grande œuvre du Pontife est, elle aussi, d’une importance telle qu’elle dépasse largement les frontières du monde catholique.

   Lorsque, comme le modernisme, on sépare, en les opposant, la foi et la science dans leur source et leur objet, on provoque entres ces deux domaines vitaux, une scission tellement funeste que « la mort l’est à peine plus ». On l’a vu en pratique : au tournant du siècle, on a vu l’homme divisé au fond de lui-même, et gardant cependant encore l’illusion de conserver son unité dans une apparence fragile d’harmonie et de bonheur basés sur un progrès purement humain, se briser pour ainsi dire sous le poids d’une réalité bien différente.

   Le regard vigilant de Pie X vit s’approcher cette catastrophe spirituelle du monde moderne, cette déception spécialement amère dans les milieux cultivés. Il comprit qu’une foi apparente de ce genre, c’est-à-dire une foi qui au lieu de se fonder sur Dieu révélateur s’enracine dans un terrain purement humain, se dissoudrait pour beaucoup dans l’athéisme ; il perçut également le destin fatal d’une science qui, à l’encontre de la nature et par une limitation volontaire, s’interdisait de marcher vers le Vrai et le Bien absolus et ne laissait ainsi à l’homme sans Dieu, devant l’invincible obscurité où gisait pour lui tout l’être, que l’attitude de l’angoisse ou de l’arrogance.

   Le Saint opposa à un tel mal le seul moyen de salut possible et réel : la vérité catholique, biblique, de la foi acceptée comme « un hommage raisonnable » (Rom. XII, 1) rendu à Dieu et à sa révélation. Coordonnant ainsi foi et science, la première en tant qu’extension surnaturelle et parfois confirmation de la seconde, et la seconde comme voie d’accès à la première, il rendit au chrétien l’unité et la paix de l’esprit, conditions imprescriptibles de la vie.

   Si beaucoup aujourd’hui se tournent à nouveau vers cette vérité, poussés vers elle en quelque sorte par l’impression de vide et l’angoisse de leur abandon, et s’ils ont ainsi le bonheur de pouvoir la trouver fermement possédée par l’Eglise, ils doivent en être reconnaissants à l’action clairvoyante de Pie X. C’est à lui en effet que revient le mérite d’avoir préservé la vérité de l’erreur, soit chez ceux qui jouissent de toute sa lumière, c’est-à-dire les croyants, soit chez ceux qui la cherchent sincèrement. Pour les autres, sa fermeté envers l’erreur peut encore demeurer un scandale ; en réalité, c’est un service d’une extrême charité, rendu par un Saint, en tant que Chef de l’Eglise, à toute l’humanité.

Armoiries de Saint Pie X

§3 – Pie X vécut uni à Dieu, principalement dans l’Eucharistie.

   La sainteté, qui se révèle comme inspiratrice et comme guide des entreprises de Pie X que Nous venons de rappeler, brille encore plus immédiatement dans ses actions quotidiennes. C’est en lui-même d’abord qu’il réalisa, avant de le réaliser dans les autres, le programme qu’il s’était fixé : tout rassembler, tout ramener à l’unité dans le Christ.
Comme humble curé, comme évêque, comme Souverain Pontife, il fut toujours persuadé que la sainteté à laquelle Dieu le destinait était la sainteté sacerdotale. Quelle sainteté peut en effet plaire davantage à Dieu de la part d’un prêtre de la Loi nouvelle, sinon celle qui convient à un représentant du Prêtre Suprême et Eternel, Jésus-Christ, Lui qui laissa à l’Eglise le souvenir continuel, le renouvellement perpétuel du sacrifice de la Croix dans la Sainte Messe, jusqu’à ce qu’il vienne pour le jugement final (1 Cor. XI, 24-26) ; Lui qui par le sacrement de l’Eucharistie se donna Lui-même en nourriture aux âmes : « Qui mange de ce pain vivra éternellement » ? (Joan. VI, 58).

   Prêtre avant tout dans le ministère eucharistique, voilà le portrait le plus fidèle du saint Pie X.
Servir comme prêtre le mystère de l’Eucharistie et accomplir le commandement du Seigneur : « Faites ceci en mémoire de moi » (Luc. XXII, 19), ce fut sa vie. Du jour de son ordination, jusqu’à sa mort comme Pontife, il ne connut pas d’autre sentier possible pour arriver à l’amour héroïque de Dieu et pour payer généreusement de retour le Rédempteur du monde qui par le moyen de l’Eucharistie « a épanché en quelque sorte les richesses de son amour divin pour les hommes » (Conc. Trente. Session XIII, chap. 2).
Une des preuves les plus significatives de sa conscience sacerdotale fut l’ardeur avec laquelle il s’efforça de renouveler la dignité du culte et spécialement de vaincre les préjugés d’une pratique erronée, en promouvant résolument la fréquentation même quotidienne de la table du Seigneur par les fidèles, et en y conduisant sans hésiter les enfants, qu’il souleva en quelque sorte dans ses bras pour les offrir aux embrassements du Dieu caché sur les autels ; par là l’Epouse du Christ vit s’épanouir un nouveau printemps de vie eucharistique.

   Grâce à la vision profonde qu’il avait de l’Eglise comme société, Pie X reconnut dans l’Eucharistie le pouvoir d’alimenter substantiellement sa vie intime et de l’élever bien haut au-dessus de toutes les autres associations humaines. L’Eucharistie seule, en qui Dieu se donne à l’homme, peut fonder une vie de société digne de ses membres, cimentée par l’amour avant de l’être par l’autorité, riche en œuvres et tendant au perfectionnement des individus, c’est-à-dire « une vie cachée en Dieu avec le Christ ».

   Exemple providentiel pour le monde moderne dans lequel la société terrestre devenue toujours plus une sorte d’énigme à elle-même cherche avec anxiété une solution pour se redonner une âme ! Qu’il regarde donc comme un modèle l’Eglise réunie autour de ses autels. Là, dans le mystère eucharistique, l’homme découvre et reconnaît réellement son passé, son présent et son avenir comme une unité dans le Christ. Conscient et fort de cette solidarité avec le Christ et avec ses propres frères, chaque membre de l’une et de l’autre société, celle de la terre et celle du monde surnaturel, sera en état de puiser à l’autel la vie intérieure de dignité personnelle et de valeur personnelle, qui est actuellement sur le point d’être submergée par le caractère technique et l’organisation excessive de toute l’existence, du travail et même des loisirs. Dans l’Eglise seule, semble répéter le Saint Pontife, et par elle dans l’Eucharistie, qui est « une vie cachée avec le Christ en Dieu », se trouvent le secret et la source de rénovation de la vie sociale.

   De là vient la grave responsabilité de ceux à qui il incombe en tant que ministres de l’autel, d’ouvrir aux âmes la source salvifique de l’Eucharistie.
En vérité, l’action que peut déployer un prêtre pour le salut du monde moderne revêt de multiples formes, mais l’une d’elles est sans aucun doute la plus digne, la plus efficace et la plus durable dans ses effets : se faire dispensateur de l’Eucharistie après s’en être soi-même abondamment nourri. Son œuvre ne serait plus sacerdotale si, fût-ce même par zèle des âmes, il faisait passer au second rang sa vocation eucharistique.
Que les prêtres conforment leurs pensées à la sagesse inspirée de Pie X et orientent avec confiance dans la lumière de l’Eucharistie toute leur activité personnelle et apostolique. De même, que les religieux et les religieuses, qui vivent avec Jésus sous le même toit et se nourrissent chaque jour de sa chair, considèrent comme une règle sûre ce que le saint Pontife déclare dans une circonstance importante, à savoir que les liens qui les unissent à Dieu par le moyen des voeux et de la vie communautaire ne doivent être sacrifiés à aucun service du prochain, si légitime soit-il.

   L’âme doit plonger ses racines dans l’Eucharistie pour en tirer la sève surnaturelle de la vie intérieure, qui n’est pas seulement un bien fondamental des coeurs consacrés au Seigneur, mais aussi une nécessité pour tout chrétien, car Dieu l’appelle à faire son salut. Sans la vie intérieure, toute activité, si précieuse soit-elle, se dévalue en action presque mécanique, et ne peut avoir l’efficacité propre d’une opération vitale.
Eucharistie et vie intérieure : voici la prédication suprême et la plus générale que Pie X adresse en cette heure, du sommet de la gloire, à toutes les âmes. En tant qu’apôtre de la vie intérieure il se situe, à l’âge de la machine, de la technique, de l’organisation, comme le saint et le guide des hommes d’aujourd’hui.

Armoiries de Saint Pie X

Prière conclusive :

   Oui, ô Saint Pie X, gloire du Sacerdoce et honneur du Peuple chrétien ; — Toi en qui l’humilité parut fraterniser avec la grandeur, l’austérité avec la mansuétude, la piété simple avec la doctrine profonde ; Toi, Pontife de l’Eucharistie et du catéchisme, de la foi intègre et de la fermeté impavide ; tourne ton regard vers la Sainte Eglise, que Tu as tant aimée et à laquelle Tu as donné le meilleur des trésors que la divine Bonté, d’une main prodigue, avait déposés dans ton âme ; obtiens-lui l’intégrité et la constance au milieu des difficultés et des persécutions de notre temps ; soulève cette pauvre humanité, aux douleurs de qui Tu as tellement pris part qu’elles finirent par arrêter les battements de Ton grand coeur ; fais que la paix triomphe dans ce monde agité, la paix qui doit être harmonie entre les nations, accord fraternel et collaboration sincère entre les classes sociales, amour et charité entre les hommes, afin que de la sorte les angoisses qui épuisèrent Ta vie apostolique se transforment grâce à Ton intercession, en une réalité de bonheur, à la gloire de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui avec le Père et le Saint-Esprit vit et règne dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il ! »

Exposition de la chasse de St Pie X devant le maître autel de St Pierre après la canonisation

Exposition de la chasse de Saint Pie X devant l’autel de la confession de Saint-Pierre
après la cérémonie de canonisation, le 29 mai 1954

On trouvera aussi dans ce blogue :
- L’évocation de la mort de Saint Pie X et de son élévation sur les autels > ici
- Des prières à Saint Pie X composées par Pie XII > ici
- Les litanies de Saint Pie X > ici
- L’allocution de Saint Pie X « Gravissimum » au sujet de la loi de séparation en France > ici
- Un fameux discours de Saint Pie X en décembre 1908 au sujet de la France > ici
- Prophétie et prière de Saint Pie X pour la France > ici

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