2011-84. Félines (et impertinentes) réflexions d’actualité à propos de Luther et des Borgia.
10 novembre,
Fête de Saint Georges du Velay, évêque et confesseur (cf. > ici) ;
… et anniversaire de la naissance du moine apostat Martin Luther.
Chaque matin, je regarde quels sont les anniversaires historiques du jour : sans doute est-ce l’effet conjugué de la curiosité naturelle des chats – qui est qualité – et de l’éducation que m’a donnée mon papa-moine lequel est, vous le savez, un grand amateur d’histoire.
Aujourd’hui donc, j’ai noté l’anniversaire de la naissance de Martin Luther, le 10 novembre de l’année 1483.
Cela a réveillé en moi le souvenir de quelques réflexions que je m’étais déjà faites et que je me suis résolu à partager avec vous.
Comme j’ai un certain goût pour les formules provocatrices, j’avais même envie de donner à mon texte le titre suivant : « Et si nous faisions l’éloge de Luther? »
Je m’explique : il n’est en aucune manière dans mon intention de faire l’apologie de ce prétendu réformateur et de défendre les hérésies par lesquelles il a non seulement semé le trouble et le désordre dans l’Eglise, mais qui ont aussi introduit dans la Chrétienté occidentale des ferments durables de divisions politiques et sociétales véritablement diaboliques.
Je ne veux pas davantage disserter sur la personnalité complexe, sur les troubles psychologiques ni sur le déséquilibre spirituel de ce personnage que, pour ces raisons même et si l’on avait exercé alors un discernement digne de ce nom, l’on n’eût jamais dû accepter dans la vie religieuse ni ordonner prêtre ; je ne veux pas non plus m’étendre sur les abus réels commis par certains membres du clergé à cette époque-là, parce qu’ils ne furent qu’un prétexte et ne constituent pas le fond réel de la révolte de Luther.
Mais je voudrais faire remarquer que, sur quelques points, l’on doit reconnaître une véritable cohérence au moine apostat : lorsqu’il cessa de croire à la transubstantiation et au renouvellement non sanglant du Saint Sacrifice du Calvaire à la Messe, il cessa de la célébrer ; ayant renié ses vœux monastiques, il se mit en ménage avec une religieuse qu’il avait dévergondée ; en opposition ouverte avec la papauté, il quitta l’Eglise romaine…
C’est en cela que je serais tenté de « faire son éloge » : je me répète, non parce que je l’approuve, mais parce que finalement il fut cohérent.
10 décembre 1520 : Luther brûle la bulle « Exsurge,Domine » et le droit canonique
Cette cohérence fait défaut aujourd’hui à un certain nombre de prêtres, et même d’évêques.
En effet, je sais (parce que je suis témoin de certaines conversations qui ont lieu en notre Mesnil-Marie lorsque des personnes viennent rendre visite à Frère Maximilien-Marie et expriment leur souffrance en face de situations ou d’événements qui ont lieu dans leurs paroisses ou leurs diocèses) qu’il y a toujours à l’heure actuelle des membres du clergé qui sont en désaccord profond avec la Tradition et le Magistère authentiques de la Sainte Eglise, qui remettent en question les dogmes catholiques, qui ont renié leur promesse solennelle de célibat – prononcée devant Dieu et devant l’Eglise -, et vivent de manière plus ou moins discrète en concubinage, qui ne croient pas au Saint-Sacrifice de la Messe et à la doctrine eucharistique tels qu’ils ont été dogmatiquement définis par le Concile de Trente… etc.
Je ne fais que reprendre les trois points précédemment évoqués au sujet de Luther, mais je pourrais citer aussi nombre d’autres erreurs et hérésies qui portent atteinte aux points les plus fondamentaux de la foi chrétienne : la Sainte Trinité, l’Incarnation et la divinité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, la Rédemption… Cette énumération n’est – hélas ! – pas exhaustive.
Les questions que je me pose sont donc les suivantes :
- Pourquoi ces clercs restent-ils dans l’Eglise ?
- Pour quelles raisons, n’étant plus fidèles à la doctrine et à la discipline catholiques, ne rejoignent-ils pas des communautés protestantes ou des sectes professant les mêmes convictions que les leurs ?
- Quel « intérêt » ont-ils à demeurer à leurs postes où, en définitive, ils ne font que semer le trouble et la confusion, œuvrer à la perte de la foi des quelques fidèles qui fréquentent encore leurs églises, entretenir la crise et achever la liquidation spirituelle et temporelle des paroisses et des diocèses ?
- Le fait qu’ils demeurent apparemment dans l’Eglise alors qu’ils sont factuellement schismatiques et hérétiques est-il motivé par une vulgaire « nécessité alimentaire », ou bien est-il mû par la détermination perverse de continuer malgré tout à « travailler à faire avancer l’Eglise » ou à « faire évoluer les mentalités » (selon la phraséologie qui leur est particulière) à l’encontre des enseignements de la Foi catholique pérenne ?
Je m’interroge…
Portraits d’Alexandre VI et de Martin Luther
Un second point sur lequel je souhaitais vous livrer quelques réflexions est lié à la diffusion d’une série télévisée intitulée « Borgia » [note : ces lignes ont été rédigées à l'automne 2011]. Je ne la regarde pas, bien évidemment, mais j’ai lu quelques publications à son sujet.
J’ai particulièrement apprécié ce qu’en a écrit le journaliste et historien Jean Sévillia sur son blogue (article qui n’est malheureusement plus en ligne) :
»(…) Un décor fastueux, des personnages forts et une atmosphère qui laisse libre cours à la dague, au poison et aux plaisirs des sens. Sang, sexe et pouvoir : avec un tel cocktail, la série fera de l’audience. Mais quel rapport avec l’histoire, la vraie ?
« Il semble, écrit Marcel Brion, que l’on renonce volontiers à toutes les garanties de la critique historique lorsqu’il s’agit des Borgia, comme si leur seul nom, si bien chargé d’infamie, suffisait à justifier d’avance les attaques les plus violentes et souvent les moins valables » (…) s’agissant des Borgia, le mythe s’est dès l’origine substitué à la réalité : leur lecture renvoie dans la catégorie des fictions de barnum mis en scène sur Canal+.
Retracer la vie des Borgia suppose en effet de recourir aux sources authentiques et de leur faire subir un examen critique, ainsi que procèdent Brion et Cloulas, mais surtout d’éviter l’anachronisme. Du point de vue des mentalités, de l’organisation sociopolitique et même de l’institution pontificale, tout est situé et daté dans cette histoire.
(…) En 1517, les dérives romaines conduiront Martin Luther à déclarer la guerre à la papauté. En 1545, avec l’ouverture du concile de Trente, c’est l’Eglise elle-même, en réponse à la Réforme, qui s’attachera à remettre de l’ordre dans ses rangs, faisant émerger un nouveau clergé. En 1565, le troisième supérieur général des Jésuites sera François Borgia. Celui-ci, arrière-petit-fils d’Alexandre VI, mourra en 1572 et sera canonisé un siècle plus tard. Comme par hasard, ce Borgia-là n’aura jamais droit à un film. »
De mon côté je me faisais les réflexions suivantes :
1 – Quelque scandaleux qu’ait été le comportement d’Alexandre VI, et sans vouloir en aucune manière le justifier ni l’excuser, il n’en demeure pas moins que son pontificat a sans doute été moins dommageable à l’Eglise que les années qui ont suivi le second concile du Vatican sous le règne du – officiellement – « vertueux » Paul VI !
2 – Je fais mien ce commentaire de l’un des correspondants de Frère Maximilien-Marie : « La condamnable inconduite privée des mauvais clercs et des mauvais prélats n’aura, en toute bonne justice, précipité que leur âme en enfer ; les mauvais enseignements qui font perdre la foi et flattent les pécheurs font d’autres victimes ! D’ailleurs il y a peu de témoins des drames d’alcôve des Borgia, il en va autrement – hélas ! – de l’apostasie post-conciliaire… »
3 – Notre société d’une manière générale, et certaines chaînes de télévision en particulier érigent en règles de vie et en modèles les comportements les plus déviants, la licence des mœurs et l’immoralité… Toutefois elles deviennent étrangement prudes et rigoristes quand il s’agit d’évoquer la boue qui, en raison des péchés de ses enfants et non en raison de sa doctrine authentique, macule l’histoire bimillénaire de l’Eglise.
A n’en pas douter, si l’on suit la « logique » de certains média, l’infidélité de Luther à ses vœux, sa violence et ses débauches seraient des qualités, alors que des comportements identiques seraient le summum de l’abomination chez son contemporain Rodrigue Borgia !
Lully.