Archive pour la catégorie 'Chronique de Lully'

2012-82. « Et il y a déjà beaucoup d’antéchrists ».

XXIVème et dernier dimanche après la Pentecôte.

       Nous voici dans les derniers jours de l’année liturgique.
Le dernier dimanche après la Pentecôte nous fait entendre une nouvelle fois les versets 15 à 35 du vingt-quatrième chapitre de l’Evangile selon Saint Matthieu rapportant les paroles tellement fortes et saisissantes de Notre-Seigneur Jésus-Christ sur les signes annonciateurs de la fin des temps.
C’est la volonté de Dieu, exprimée à travers la Tradition et la sainte liturgie de Son Eglise, que nous nous attachions à méditer en ces jours les graves avertissements de Notre-Seigneur et de Ses Saints Apôtres.

   Or parmi les signes avant-coureurs de la fin des temps, nous savons qu’il y aura la parution de l’antéchrist« l’homme du péché, le fils de la perdition » (2 Thess. II, 2) – mais la Tradition chrétienne, à la suite de Saint Jean, désigne en fait sous ce nom deux réalités : a) une personne physique, faux-messie, instrument privilégié de Satan, qui étendra sa domination politique sur le monde dans les derniers temps ; mais aussi b) les faux-docteurs, faux prophètes et séducteurs des nations qui, tout au long de l’histoire de l’humanité, tentent de corrompre la vraie foi et d’égarer les fidèles par leurs doctrines fallacieuses.

   Vous allez trouver ci-dessous un texte particulièrement pertinent et « percutant », publié en 1863 par Monseigneur Pie , évêque de Poitiers et futur cardinal, commentant les paroles de l’Apôtre Saint Jean : « Et il y a déjà beaucoup d’antéchrists » (1 Johan. II, 18).
Cette Instruction Pastorale qui a quelque cent cinquante ans me paraît d’une singulière actualité : ce pourquoi je vous engage à la lire avec une extrême attention et en méditer tous les points, parce qu’ils peuvent s’accorder à la perfection au contexte actuel de l’Eglise et de la société.

Lully.

2012-82.

Mgr. Louis Edouard Pie (1815 – 1880), évêque de Poitiers,
cardinal-prêtre du titre de Sainte-Marie de la Victoire en 1879.

Instruction Pastorale
sur cette parole de Saint Jean :

« Et il y a déjà beaucoup d’antéchrists »

(carême 1863) 

Nos Très Chers Frères,

   I. Notre-Seigneur Jésus-Christ a dit : « Veillez à ce que personne ne vous séduise. Car plusieurs viendront en mon nom et diront : Je suis le Christ, et ils séduiront un grand nombre d’âmes… Et beaucoup de faux christs et de faux prophètes surgiront, et ils feront des signes et des prodiges étonnants, à ce point que les élus eux-mêmes, si cela se pouvait, seraient induits en erreur. Je vous prédis ces choses, afin que vous vous teniez pour avertis » (Matth. XXIV, 4-5, 24-25).
Cet avertissement du Sauveur, N.T.C.F. (*), vos pasteurs ont reçu la mission de vous le répèter souvent, mais particulièrement à ces époques de confusion et de crise où il semble que les légions infernales aient reçu une plus grande puissance de tromper et de nuire. Tels étaient les temps de saint Hilaire. Aussi est-ce sa voix et sa doctrine que nous venons vous faire entendre dans cette courte instruction pastorale.
Ce saint docteur, en expliquant l’Evangile à vos pères, s’est souvent attaché à leur donner le signalement de l’antéchrist ; et non seulement de cet antéchrist individuel et personnel qui accomplira un rôle si terrible dans les derniers jours du monde, mais encore des ces antéchrists nombreux et presque innombrables qui doivent, sur tout le parcours de la ligne des siècles, préparer la venue et faciliter la mission de l’antéchrist final.
Mes enfants, disait ce grand pontife s’appropriant les paroles de saint Jean, Filioli, parce que vous avez entendu dire peut-être que l’antéchrist vient, et que la dernière heure approche, ce que personne ne sait, moi je vous dis une chose certaine, « c’est qu’il y a déjà beaucoup d’antéchrists » (I Johan. II, 18). Que l’antéchrist, qui sera un et individuel à la fin des âges, soit auparavant nombreux et multiple, c’est ce que le témoignage de l’Ecriture rend incontestable. Quiconque nie le Christ tel qu’il a été annoncé par les apôtres, celui-là est un antéchrist. La signification propre du nom d’antéchrist, c’est d’être contraire à Jésus-Christ (St Hilaire, contra Auxentium, 2).
Or, s’il est écrit que les temps de l’antéchrist seront périlleux, que la bonne foi de beaucoup sera surprise, il ne faut pas moins de précautions envers ses devanciers et ses précurseurs. « Je n’ai qu’un avis à vous donner : Prenez garde à l’antéchrist, ayez peur de l’antéchrist : Unum moneo : cavete antichristum » (ibid. 12).
Et si vous me demandez  où se trouve aujourd’hui cet antéchrist dont vous avez tant à vous garder, il me serait vraiment plus facile de vous dire où il n’est pas.

   II. Antéchrist, celui qui nie que Jésus soit Dieu ; antéchrist, celui qui nie que Jésus soit homme ; antéchrist, celui qui nie que Jésus soit Dieu et homme tout ensemble.
Celui-là est un antéchrist, dit saint Jean, qui nie le Père, puisqu’en niant le Père, il nie le Fils : Hic est antichristus qui negat Patrem et Filium (1 Johan. II, 22). En effet, il n’y a pas d’antichristianisme plus radical que celui qui nie la divinité à sa source, à son principe. Comment le Christ serait-il Dieu, s’il n’y a pas de Dieu? Or, la négation de l’être divin, de la substance divine, de la personnalité divine, et l’introduction de je ne sais quelle théodicée sophistique qui, tout en maintenant la dénomination de Dieu, en supprime la réalité, et lui substitue des abstractions et des rêves qui flottent entre l’athéisme et le panthéisme ou qui n’ont aucun sens : voilà le symptôme capital de la situation intellectuelle du moment, voilà l’enseignement qui remplit les livres et qui inspire les leçons de toute une école nombreuse et puissante. En présence de ces doctrines, « je n’ai qu’un avis à vous donner : Prenez garde à l’antéchrist : Unum moneo, cavete antichristum ».
Saint Jean poursuit : « Quiconque nie le Fils, n’a point le Père, et il n’a pas la vie. Celui qui croit dans le Fils de Dieu a pour soi le témoignage de Dieu. Celui qui ne croit pas au Fils, rend Dieu menteur, parce qu’il ne croit pas au témoignage que Dieu a donné de son Fils (1 Johan. III, 23 – V, 10, 12). Beaucoup de séducteurs sont entrés dans le monde, qui ne confessent point que Jésus-Christ soit venu dans la chair : quiconque nie cela, est un séducteur et un antéchrist : Qui non confitetur Christum in carne venisse, hic est seductor et antichristus » (2 Johan. 7). Or, si vous écoutez ce qui se dit, si vous lisez ce qui s’écrit à cette heure, vous apprendrez ou bien que le personnage historique de Jésus n’a pas même existé, du moins tel qu’il est représenté par les Evangiles, ou bien qu’il a été un des types humains en qui s’est davantage manifesté cet idéal de sagesse, de raison, de perfection qu’on est convenu de nommer Dieu. On ne vous accordera point que le Fils de Marie soit le Fils de Dieu fait homme, le Verbe descendu dans la chair, celui en qui réside corporellement la plénitude de la divinité (Coloss. II, 9), et, pour tout dire, l’Homme-Dieu. Epouvanté de ces blasphèmes, qui sont le complet renversement du symbole chrétien, « je n’ai qu’une chose à vous dire : Prenez garde à l’antéchrist : Unum moneo : cavete antichristum ».
Que dirai-je encore? Antéchrist, celui qui nie le miracle, celui qui enseigne que le miracle n’a pas sa place possible dans la trame des choses humaines : car le Christ, encore bien que ses paroles eussent un accent qui pouvait mériter créance, n’a cependant établi sa divinité que par l’argument décisif du miracle (Johan. X, 25, 37, 38) ; et il a donné à ses apôtres, comme moyen de persuasion et de conquête, la puissance du miracle (Johan. XIV, 12 – Marc. XV, 20) ; et sa venue dans la chair, l’union de la nature humaine et de la nature divine en sa personne unique, c’est le miracle par excellence (Coloss. I, 26). Supprimer le miracle, c’est supprimer tout l’ordre surnaturel et chrétien. Ici encore : « Prenez garde à l’antéchrist : Unum moneo : cavete antichristum ».
Antéchrist, celui qui nie la révélation divine des Ecritures : car ce sont les prophéties inspirées divinement qui nous ont annoncé le Christ ; et ce sont les Evangiles écrits sous la dictée de l’Esprit-Saint, ainsi que les actes et les lettres des apôtres, qui nous font connaître le Christ (2 Petr. I, 31). Nous avons à alléguer ici les propres paroles de saint Hilaire : « Quiconque nie le Christ tel qu’il a été annoncé par les apôtres, celui-là est un antéchrist : Quisquis enim Christum, qualis ab apostolis est praedicatus, negavit, antichristus est ». Si donc vous entendez donner le démenti aux livres saints, si leur autorité est ravalée au niveau des conceptions et des productions de l’esprit humain, « j’ai un conseil à vous donner : Prenez garde à l’antéchrist : Unum moneo : cavete antichristum ».
Antéchrist, celui qui nie la divine institution et la divine mission de l’Eglise : car le terme des oeuvres, des souffrances et de la mort de Jésus-Christ, ç’a été la fondation de son Eglise. « Jésus-Christ a aimé son Eglise, et il s’est livré lui-même pour elle afin de la sanctifier, après l’avoir lavée dans le baptême d’eau par la parole de vie, pour la faire paraître devant lui pleine de gloire, n’ayant ni tache, ni ride, ni quoi que ce soit de défectueux, mais étant sainte et irrépréhensible » (Eph. V, 25, 27). Or, si l’Eglise n’a pas un caractère surnaturel, si elle est seulement une institution terrestre, un des établissements religieux destinés à jouer un rôle plus ou moins long au sein de l’humanité, une société exposée aux vicissitudes et aux défaillances des choses d’ici-bas, une école plus ou moins respectable de philosphie et de philanthropie, en un mot, si l’Eglise n’est pas divine, c’est que le Christ son fondateur, n’est pas Dieu. Rejeter la divinité de l’oeuvre, c’est rejeter la divinité de l’ouvrier. « J’ai toujours la même recommandation à vous faire : Prenez garde à l’antéchrist : Unum moneo : cavete antichristum ».
Antéchrist, celui qui nie la suprême et indéfectible autorité de Pierre. En effet, Jésus-Christ, après avoir regardé cet homme au visage, lui a dit : « Simon, fils de Jean, ton nom va être changé. Désormais tu t’appelleras Céphas, ce qui veut dire Pierre (Johan. I, 42) ; et sur cette pierre, je bâtirai mon Eglise, et les puissances de l’enfer ne prévaudront point contre elle ; et je te donnerai les clefs du royaume des cieux ; et tout ce que tu lieras sur la terre, sera lié dans le ciel ; et tout ce que tu délieras sur la terre, sera délié dans le ciel » (Matth. XVI, 18-19). Et le même Jésus lui a dit encore : « Simon, Simon, voici que satan vous a demandés tous pour vous cribler comme un froment. Mais moi, j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas ; et toi, quand tu seras converti, confirme tes frères » (Luc. XXII, 31-32). Or, si ces paroles de Jésus-Christ n’ont pas fait de Pierre le fondement inébranlable de l’Eglise, le roc immuable de la vérité, l’oracle infaillible de la foi, c’est que celui qui les a prononcées n’avait pas la puissance de les rendre efficaces. Toucher à Pierre, c’est toucher à la tête vivante, au chef invisible de l’Eglise chrétienne, qui revit et qui subsiste en lui. « Je vous crie donc encore : Prenez garde à l’antéchrist : Unum moneo : cavete antichristum ».
Antéchrist, celui qui nie ou qui déprime le sacerdoce chrétien. Car Jésus-Christ ressuscité a dit à ses apôtres : « Comme mon Père m’a envoyé, ainsi je vous envoie (Johan. XX, 21). Toute puissance m’a été donnée au ciel et sur la terre. Allez donc, enseignez toutes les nations, baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ; enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit ; et voici que moi je suis avec vous tous les jours jusqu’à la consommation des siècles » (Matth. XXVIII, 18-20). Or, si les pouvoirs ainsi conférés par Jésus ne sont pas les pleins pouvoirs d’enseigner la vérité au nom de Dieu par la prédication, d’administrer la grâce par les sacrements, de pourvoir à l’observation des préceptes divins par le gouvernement ecclésiastique, et si, dans l’exercice de ces pouvoirs, le sacerdoce chrétien n’est pas soutenu par une assistance continue et par une présence journalière du Christ en lui ; ici encore, il faut admettre que le Christ a dit plus qu’il n’a pu faire, et que, par conséquent, il n’est pas Dieu. Et sachant que le Seigneur a dit des lévites mêmes de l’ancienne loi : « Ne touchez pas à mes christs » (1 Paralip. XVI, 22), et qu’il a dit aux ministres de la loi nouvelle : « Celui qui vous reçoit me reçoit, et celui qui me reçoit, reçoit celui qui m’a envoyé » (Matth. X, 40) ; quand je vois la langue de mon pays se dépraver jusqu’à changer en titre d’insulte et de dédain cette première initiation sacerdotale et royale qui s’appelle la cléricature, et que les vocabulaires avaient longtemps donnée comme synonyme du savoir et de l’instruction libérale, je me sens épris d’une immense pitié pour une génération dont les sommités mêmes peuvent descendre à un pareil abaissement et se montrer coupables d’un tel oubli de respect envers ce que tous les peuples ont eu de plus sacré ; et « je redis toujours la même leçon : Prenez garde à l’antéchrist : Unum moneo : cavete antichristum ».
Antéchrist, celui qui nie la supériorité des temps et des pays chrétiens sur les temps et les pays infidèles ou idolâtres. Car si Jésus-Christ, qui nous a illuminés alors que nous étions assis dans les ténèbres et dans les ombres de la mort (Luc. I, 79), et qui a donné au monde le trésor de la vérité et de la grâce (Johan. I, 14), n’a pas enrichi le monde, je dis même le monde social et politique, de biens meilleurs que ceux qu’ils possédait au sein du paganisme, c’est que l’oeuvre du Christ n’est pas une oeuvre divine. Il y a plus : si l’Evangile, qui fait le salut des hommes, est impuissant à procurer le véritable progrès des peuples ; si la lumière révélée, profitable aux individus, est préjudiciable aux sociétés ; si le sceptre du Christ, doux et bienfaisant aux âmes, peut-être même aux familles, est mauvais et inacceptable pour les cités et les empires ; en d’autres termes, si Jésus-Christ, à qui les prophètes ont promis et à qui son Père a donné les nations en héritage (Psalm. II, 8), ne peut exercer sa puissance sur elles qu’à leur détriment et pour leur malheur temporel, il en faut conclure que Jésus-Christ n’est pas Dieu. Car, ni dans sa personne, ni dans l’exercice de ses droits, Jésus-Christ ne peut être divisé, dissous, fractionné ; en lui la distinction des natures et des opérations ne peut jamais être la séparation, l’opposition ; le divin ne peut être antipathique à l’humain, ni l’humain au divin. Au contraire, il est la paix, le rapprochement, la réconciliation ; il est le trait d’union « qui a fait les deux choses une : ipse est pax nostra qui fecit utraque unum » (Ephes. I, 14). C’est pourquoi saint Jean nous dit : « Tout esprit qui dissout Jésus n’est pas de Dieu, et c’est proprement lui qui est cet antéchrist dont vous avez entendu dire qu’il vient, et qu’il est déjà maintenant dans le monde : Et omnis spiritus qui solvit Jesum, ex Deo non est ; et hic est antichristus de quo audistis quoniam venit, et nunc jam in mundo est » (1 Johan. IV, 3). Lors donc que j’entends certains bruits qui montent, certains aphorismes qui prévalent de jour en jour, et qui introduisent au coeur des sociétés le dissolvant sous l’action duquel doit périr le monde, « je jette ce cri d’alarme : Prenez garde à l’antéchrist : Unum moneo : cavete antichristum ».

   III. Nous pourrions, N.T.C.F. (*), étendre encore le détail des erreurs qui s’accréditent chaque jour autour de nous, et qui constituent tout ce système qu’on peut appeler l’antichristianisme. Ce que nous avons dit est plus que suffisant pour exciter votre vigilance, et pour vous rendre de plus en plus défiants envers toute doctrine qui ne procède pas de l’Eglise, et qui n’est pas conforme à ce qui vous a été enseigné par vos légitimes pasteurs. Retenez fortement gravés dans votre esprit les paroles solennelles qu’adressait saint Paul à nos pères : « J’admire, écrivait-il aux Galates, que vous vous laissiez détourner si vite de celui qui vous a appelés à la grâce du Christ, pour passer avec tant de facilités à un autre évangile : ou plutôt, il n’y a pas d’autre évangile, mais il y a des gens qui vous troublent, et qui veulent renverser et changer l’Evangile de Jésus-Christ : nisi sunt aliqui qui vos conturbant, et volunt convertere Evangelium Christi. Mais quand nous vous annoncerions nous-mêmes, ou quand un ange du ciel vous annoncerait un évangile différent de celui que nous vous avons annoncé, qu’il soit anathème. Oui, nous vous le répétons : si quelqu’un vous enseigne un évangile autre que celui que vous avez reçu, qu’il soit anathème. Car je vous le déclare, mes Frères : l’Evangile que je vous ai prêché, n’a rien de l’homme ; en effet, je ne l’ai reçu ni appris d’aucun homme, mais de la révélation de Jésus-Christ » (Galat. I, 6-12).
Demeurez donc fermes dans la foi antique et invariable de la sainte Eglise, N.T.C.F. (*) ; « soyez des hommes, et ne soyez pas des enfants qui flottent et qui se laissent aller à tous les vents des opinions, séduits par les tromperies humaines et par les menées astucieuses de l’erreur qui les circonviennent » (Ephes. IV, 14). Le divin Sauveur a dit, en prédisant le temps de la ruine de Jérusalem : « Malheur à quiconque sera alors dans les douleurs de l’enfantement ou dans la période de l’allaitement! » (Matth. XXIV, 19). Ce que saint Hilaire explique ainsi : « Dans les jours orageux et difficiles de l’Eglise, malheur aux âmes travaillées par le doute, et chez qui la foi, la piété ne seront encore qu’à l’état de conception ou de première nutrition. Les unes, surprises dans l’embarras de leur incertitude, et attardés par les irrésolutions de leur esprit en travail, seront trop pesantes pour échapper aux poursuites de l’antéchrist ; les autres, n’ayant encore que dégusté les mystères de la foi, et n’étant imbues que d’une faible dose de la science divine, manqueront de la force et de l’habileté nécessaires pour soutenir de si grands assauts » (comment. in Matth. XXV, 6). C’est cet alourdissement et cette débilitation des âmes qui rendront les derniers temps si pernicieux, et qui occasionneront tant de défections.
En revanche, saint Augustin fait ressortir combien ces jours d’épreuve donnent de lustre et d’accroissement au mérite des âmes fidèles. Commentant ces mots de l’Apocalypse : « Il faut ensuite que le diable soit délié quelque temps » (Apoc. XX, 3), il montre que le démon n’est jamais lié d’une façon absolue pendant la vie de l’Eglise militante, mais que pourtant il l’est souvent en ce sens qu’il ne lui est pas permis d’user de toute sa force ni de toute sa ruse pour séduire les hommes. Car, s’il avait cette pleine puissance durant le cours de tous les siècles, l’infirmité du grand nombre est telle que beaucoup de faibles, dont il plaît à Dieu de grossir et de remplir son Eglise, seraient détournés de croire ou deviendraient apostats de leur croyance : ce que Dieu ne veut pas souffrir ; et voilà pourquoi le démon est en partie lié (De civitate Dei, Libr. XX, cap. VIII – De alligatione et solutione diaboli, n. 1 et 2). Mais, d’autre part, s’il n’était jamais déchaîné, la puissance de sa malice serait moins connue, la patience très fidèle de la cité sainte serait moins exercée, et l’on comprendrait moins l’immense fruit que le Tout-Puissant a su tirer de l’immense force du mal (ibid. 2). Le Seigneur le déliera donc pour un temps, afin de faire éclater l’énergie avec laquelle la cité de Dieu aura surmonté un si terrible adversaire, et cela à la grande gloire de son rédempteur, de son aide, de son libérateur (ibid.). Et le saint docteur va jusqu’à dire à ses contemporains : « Pour nous, mes frères, que sommes-nous, et quel mérite avons-nous en comparaison des saints et des fidèles qui seront alors, puisque, pour les éprouver, ce même ennemi sera déchaîné, que nous avons déjà, nous, tant de peine à combattre et à vaincre alors qu’il est lié » (ibid.).

   IV. Courage, donc, N.T.C.F. (*). Plus la religion est attaquée, plus l’Eglise est battue en brêche de toutes parts, plus les doctrines d’erreur et de perversion morale envahissent les discours, les livres, les théâtres et remplissent tout l’air de leurs miasmes pestilentiels, plus aussi vous pouvez acquérir devant Dieu de grandeur, de perfection, de mérite, si vous parvenez à éviter la contagion, si vous ne vous laissez ébranler dans aucune de vos convictions, et si vous demeurez pleinement fidèles au Seigneur Jésus que tant d’autres ont la faiblesse et le malheure d’abandonner. Ne vous laissez point éblouir par la force et le nombre des assaillants, ni par les avantages des adversaires de Jésus-Christ. Il est écrit que les méchants et les séducteurs réaliseront un progrès sur la terre, le prgrès dans le mal, le prgrès dans la destruction, le prgrès dans la désorganisation : proficient in pejus (2 Tim. III, 13) ; mais il est écrit aussi que ce genre de succès ne durera jamais longtemps, et que les hommes qui résistent à la vérité, gens corrompus dans leur esprit et réprouvés au regard de la foi, ne tarderont pas à être convaincus de folie comme tous leurs devanciers dans la même voie (2 Tim. III, 8-9).
Persévérez dans la foi, N.T.C.F. (*) ; persévérez aussi dans les oeuvres, surtout dans les oeuvres de la charité. C’est une doctrine constante, et qu’on ne doit pas abandonner à aucun prix, qu’il appartient à ceux qui croient à Dieu de se mettre en tête des bonnes oeuvres : l’humanité et principalement l’humanité souffrante trouvera toujours son avantage à ce qu’il en soit ainsi (Tit. III, 8). N’avons-nous pas entendu dire, en ces derniers jours encore, que l’aumône faite par un sentiment surnaturel et selon les traditions de la piété chrétienne, n’est plus de mise au sein de nos sociétés, et que son cachet « ecclésiastique » est une atteinte à la dignité de ceux qu’elle entreprend de soulager? Ainsi, dans l’ardeur qu’il met à séculariser toutes choses, le naturalisme entend que la bienfaisance demeure humaine, demeure profane, et qu’elle n’ait rien en commun avec l’ordre de la grâce et du salut. Propos exécrable, et qui, s’il pouvait parvenir à décourager la charité chrétienne et sacerdotale, n’aboutirait à rien moins qu’à tarir les plus abondantes et les plus opportunes ressources des malheureux. Ah! vous dirai-je encore ici : « Prenez garde à l’antéchrist : Unum moneo : cavet antichristum ». Ou plutôt, ayez les yeux toujours attachés sur le Christ, sur l’enfant-Dieu de l’étable de Bethléem, sur l’ouvrier-Dieu de l’atelier de Nazareth (Marc. VI, 3), sur celui qui, étant riche par nature, s’est fait pauvre pour nous enrichir par sa détresse (2 Corinth. VIII, 9), sur celui qui sera un jour notre juge, et qui, en considération de ces multitudes d’ouvriers indigents et privés de travail que vous aurez soulagés par amour pour lui, vous mettra en possession du royaume que son Père vous a préparé (Matth. XXV, 34-35).

(in « Oeuvres de Monseigneur l’Evêque de Poitiers » – Tome IV pp. 581-594)

(*) N.T.C.F. : abréviation de « Nos Très Chers Frères ». Cette abréviation se trouve dans le texte imprimé de l’Instruction Pastorale et nous avons respecté cette graphie originelle.

luca-signorelli-lantechrist-prechant-detail Antéchrist dans Commentaires d'actualité & humeurs

Luca Signorelli : l’antéchrist prêchant, inspiré par le diable (détail)

2012-81. « Je voudrais Vous aimer mille fois plus encore ! »

16 novembre,
fête de Sainte Gertrude d’Helfta.

       J’ai déjà eu l’occasion de vous parler de Sainte Gertrude « la Grande » (voir > ici - et qu’il ne faut pas confondre avec Sainte Gertrude de Nivelles, céleste protectrice des chats, dont j’avais parlé > ici) dont nous célébrons la fête ce 16 novembre.

   J’en profite donc pour publier une prière extraire des œuvres de Sainte Gertrude : une prière pour demander la grâce de mieux aimer soi-même Notre-Seigneur et pour qu’Il soit mieux aimé sur toute la terre.

   Mais en guise d’introduction à cette prière et à la réponse que le divin Sauveur Lui-même adressa à Sainte Gertrude en retour, permettez-moi de vous faire connaître cette modeste bande dessinée :

2012-81.

propos-dun-chat-a-une-souris-2 amour divin dans Chronique de Lully

coeurdejsuscopie bande dessinée dans De liturgia

Prière  pour demander le Saint Amour de Dieu
extraite des oeuvres de Sainte Gertrude :

   Dieu de mon cœur, je Vous aime de tout mon cœur, et je voudrais Vous aimer mille fois plus encore.
Oh ! que ne puis-je, que ne puis-je mille fois, mieux que toute autre créature, Vous louer, Vous aimer, Vous remercier, souffrir avec Vous, et exercer toutes les vertus dans le degré le plus parfait ! Avec quelle ardeur, avec quelle joie je le ferais, pour plaire souverainement à Votre divin Cœur !

   Ô mon doux Amour, si je pouvais réunir devant Vous, mon Seigneur et mon Dieu, tous les hommes, avec lesquels Vous faites vos délices d’habiter, je voudrais de tout mon cœur, pour y réussir, parcourir, nu-pieds, tout l’univers jusqu’au dernier jugement, et après avoir trouvé un de ceux dont le cœur est pour Vous, ô mon Amour, un séjour agréable, le porter sur mes épaules et venir Vous le présenter, afin de pouvoir ainsi satisfaire, au moins en quelque chose, les désirs infini de Votre très doux, de votre divin Amour.
De plus, s’il était possible, je voudrais diviser mon cœur en autant de parties qu’il y a d’hommes sur la terre, pour pouvoir leur communiquer à tous la sainte volonté de Vous servir et réjouir ainsi souverainement votre divin Cœur.

(Ste Gertrude, L. IV, ch. 21)

Et voici la réponse que Notre-Seigneur fit à sainte Gertrude après qu’elle eut fait cette prière :

   « Si de votre côté vous trouvez dans votre cœur, que vous voudriez en agir ainsi, soyez bien assurée que de Mon côté Je ne resterai pas en arrière, et que Ma générosité l’emportera d’autant plus sur la vôtre, que Je vous suis supérieur en tendresse et en amour » (L. IV, ch. 26).

coeurdejsuscopie chat dans Lectures & relectures

2012-80. Vingtième anniversaire du rappel à Dieu de l’abbé Bryan Houghton.

1992 – 19 novembre – 2012

2012-80. Vingtième anniversaire du rappel à Dieu de l'abbé Bryan Houghton. dans Annonces & Nouvelles abbbryanhoughtoncopie

Monsieur l’abbé Bryan Houghton a rendu son âme à Dieu le 19 novembre 1992, terrassé par une crise cardiaque.
Nous avons déjà évoqué dans les pages de ce blogue la noble figure de ce prêtre hors du commun, à l’occasion du centenaire de sa naissance, (cf. > ici) auquel les fidèles des diocèses de Viviers et Valence doivent d’avoir bénéficié de la Sainte Messe latine traditionnelle en un temps où elle était réputée « interdite »…

A l’occasion du vingtième anniversaire de son décès, l’association des Amis de la Chapelle Notre-Dame de la Rose (1), avec le soutien de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre - dont les prêtres de la maison de Lyon assurent désormais le service divin dans la chapelle – organise une journée commémorative, le dimanche 25 novembre 2012 (dernier dimanche après la Pentecôte) :

Programme

- 10h : à la Chapelle Notre-Dame de la Rose, Sainte Messe solennelle.
- Déjeûner au restaurant « le 45ème » (inscription préalable obligatoire : 06 08 00 82 92)
- 14h30 : conférence et échanges (Maison des Associations – 3ème étage – espace Saint-Martin)
- Vêpres et Salut du Très Saint-Sacrement à la Chapelle Notre-Dame de la Rose.

Cette journée commémorative et amicale sera honorée de la présence du supérieur du district de France de la FSSP et de représentants de l’Abbaye Sainte-Madeleine du Barroux.

eucaristia04copie 20 ans décès dans Nos amis les Saints

(1) La chapelle Notre Dame de la Rose (sise au 36 avenue Saint-Martin à Montélimar)chapelle romane du XIIe siècle – un des plus anciens édifices de Montélimar – située en limite de l’ancien bourg de Montélimar, au nord de la Porte Saint-Martin, bâtie sur un terre-plein surélevé par rapport à l’avenue, ancienne Nationale 7, sur le tracé de l’antique voie romaine d’Agrippa. Elle est constituée d’une nef unique voûtée en berceau avec une abside semi-circulaire. La façade, détruite pendant les guerres de religion du XVIe siècle, a été reconstruite au XVIIe siècle dans le style baroque. La chapelle est utilisée tous les dimanches et fêtes pour le culte catholique (« forme extraordinaire du rite romain »). Elle fait partie des sites de Montélimar ouverts à la visite lors des Journées Européennes du Patrimoine.
- L’Association des Amis de la Chapelle Notre-Dame de la Rose a pour mission de permettre le déroulement des cérémonies religieuses sous la forme extraordinaire du rit romain qui y sont célébrées par les prêtres de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre, en accord avec l’évêché de Valence et la paroisse de Montélimar. Elle œuvre également pour la conservation et la restauration de cette chapelle et recherche tous les concours et les financements qui permettront la sauvegarde de cet édifice qui fait partie de l’histoire de Montélimar (association déclarée en préfecture de Valence – Drôme – sous le numéro 026/3/010255 - Siège social : chez M. Pierre Sirot, 6 rue Rabelais, 26200 Montélimar).

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Façade de la chapelle Notre-Dame de la Rose – Montélimar (détail)

Publié dans:Annonces & Nouvelles, Nos amis les Saints |on 16 novembre, 2012 |1 Commentaire »

2012-78. La bonne mort (sermon de Saint Augustin).

Notre glorieux Père Saint Augustin est né le 13 novembre de l’an 354. Profitons donc de l’anniversaire de sa naissance pour nous replonger dans ses écrits, riches de tant de sagesse et de tant de lumières surnaturelles.
Je vous invite aujourd’hui à découvrir ou à redécouvrir un petit sermon qui s’accorde parfaitement à la thématique des fins dernières qui est celle de l’Eglise pendant le mois de novembre.

2012-78. La bonne mort (sermon de Saint Augustin). dans Lectures & relectures champaigne-st-augustin-detail-300x224

Philippe de Champaigne : saint Augustin (détail)

Vivez bien pour ne pas mourir mal!

Résumé : Saint Augustin fait d’abord ressortir que le texte du Saint Evangile nous fait entendre les paroles mêmes de Notre-Seigneur et que les prédicateurs de l’Evangile sont de véritables représentants du Christ. C’est donc le divin Sauveur qui, par le ministère du prédicateur, exhorte les fidèles à bien vivre : bien vivre pour bien mourir! Pour savoir en quoi consiste la bonne mort, saint Augustin ne veut pas qu’on s’en rapporte au témoignage des yeux ; il veut qu’on consulte la foi. Il illustre son propos par l’exemple du pauvre Lazare et du mauvais riche. La foi met en évidence que les suites de la mort de Lazare et les suites de la mort du mauvais riche sont bien différentes des apparences humaines! Que l’on multiplie donc les bonnes oeuvres si l’on veut avoir part à l’heureux sort de Lazare.

* * * * * * *

1. Ce que Notre-Seigneur Jésus-Christ disait à ses disciples, on l’écrivit alors et on prit les moyens de le faire arriver jusqu’à nos oreilles. Ainsi ce sont Ses paroles que nous venons d’entendre.
Eh! que nous servirait de Le voir sans L’entendre? Aujourd’hui encore nous ne perdons rien à ne pas Le voir, puisque nous L’entendons.
Il dit donc : «Qui vous méprise Me méprise» (Luc. X, 16). Si ce n’est qu’à ces Apôtres qu’Il a dit : «Qui vous méprise Me méprise», méprisez-nous ; mais si c’est Sa parole même qui nous a été adressée, qui nous a appelé et mis à leur place, prenez garde de nous mépriser ; l’injure que vous nous feriez pourrait monter jusqu’à Lui. Et si vous ne nous craignez point, craignez Celui qui a dit : «Qui vous méprise Me méprise»!
Mais qu’avons-nous à vous dire, nous qui ne craignons vos mépris que pour avoir à nous réjouir de votre bonne conduite? Que vos bonnes oeuvres nous dédommagent des périls que nous courons ; vivez bien, pour ne pas mourir mal.

2. Afin de bien comprendre ces mots : Vivez bien, pour ne pas mourir mal, ne considérez pas ces hommes qui ont pu vivre mal et mourir dans leurs lits ; à qui on a fait des funérailles pompeuses, qui ont été mis dans de précieux sarcophages, dans des sépulcres dont la richesse le disputait à la beauté ; et si chacun de vous souhaite une telle mort, ne croyez point que j’ai parlé sans motif grave en vous recommandant de bien vivre pour ne pas mourir mal.
Peut-être pourrait-on m’opposer un homme qui a bien vécu et qui pourtant, selon l’humaine opinion, a fait une mauvaise mort ; car il a péri ou d’une chute, ou dans un naufrage, ou sous la dent des bêtes. Un coeur charnel se dit alors : Que sert de bien vivre? Un tel a si bien vécu, et il a fait une telle mort!
Ah! rentrez en vous-mêmes, et si vous avez la foi, vous y trouverez Jésus-Christ, c’est là qu’Il vous parlera. Pour moi, je crie, il est vrai ; mais Lui, dans Son silence, vous instruit bien d’avantage. Si je m’exprime au dehors par un bruit de paroles, Il se fait entendre au dedans en vous inspirant Sa crainte. Qu’Il imprime donc dans vos coeurs ces mots que je me suis permis de vous adresser : Vivez bien, pour ne pas mourir mal. Car, la foi étant dans vos coeurs, Jésus-Christ y est aussi et c’est à Lui de vous faire saisir ce que je désire vous faire entendre.

3. Rappelez-vous ce riche et ce pauvre, dont il est parlé dans l’Evangile : l’un couvert de pourpre et de lin fin, et faisant chaque jour grande chère ; l’autre étendu à la porte du riche, souffrant de la faim, cherchant quelques miettes tombées de sa table, couvert d’ulcères et léché seulement par des chiens.
Rappelez-vous ces deux hommes. Mais comment vous les rappeler, si le Christ n’est dans vos coeurs?
Dites-moi donc ce que vous Lui avez demandé et ce que vous Lui avez répondu. Le voici : «Or il arriva que cet indigent mourut et fut porté par les anges dans le sein d’Abraham. Le riche mourut aussi et fut enseveli dans l’enfer. Mais, levant les yeux, lorsqu’il était dans les tourments, il vit Lazare en repos dans le sein d’Abraham ; et s’écriant alors, il dit : Père Abraham, ayez pitié de moi, et envoyez Lazare, afin qu’il trempe son doigt dans l’eau et qu’il en fasse, tomber une goutte sur ma langue, car je suis tourmenté dans cette flamme». Cet homme superbe durant sa vie est un mendiant dans les enfers. Ce pauvre, en effet, obtenait encore quelque miette ; mais lui ne recueille pas une goutte d’eau.

Or dites-moi quel est entre ces deux hommes celui qui est bien mort et quel est celui qui a fait une mauvaise mort? Ne consultez pas vos yeux, interrogez votre coeur. En consultant vos yeux, ils vous jetteraient dans l’erreur ; tant sont splendides et mondainement fastueux les honneurs qu’on a pu rendre au riche au moment de sa mort! Quelles troupes ne pouvait-il pas avoir de serviteurs et de servantes en deuil! Quelle armée de clients! Quelles brillantes funérailles! Quelle riche sépulture! On l’aura sans doute enseveli sous une masse de parfums. En conclurons-nous, mes frères, qu’il a fait une belle ou une triste mort? Au témoignage de l’oeil, sa mort est magnifique ; mais si vous consultez votre Maître intérieur, cette mort est affreuse.

4. Or si telle est la mort de ces orgueilleux qui conservent leurs biens sans en rien donner aux pauvres, à quelle mort doivent s’attendre les ravisseurs du bien d’autrui! N’ai-je donc pas eu raison de dire : Vivez bien pour ne pas mourir mal, pour ne pas mourir comme est mort ce riche?
Rien ne prouve que la mort est mauvaise, sinon le temps qui suit la mort. En face de cette idée, considérez donc le pauvre Lazare ; croyez-en, non pas vos yeux, car ils vous induiront en erreur, mais votre coeur. Représentez-vous ce pauvre, gisant à terre, couvert d’ulcères, et les chiens venaient lécher ses plaies. Mais quoi! vous détournez les yeux, votre coeur se soulève ; le dégoût vous suffoque à cette vue! Ouvrez l’œil du coeur. Ce pauvre est mort et les Anges viennent de l’emporter dans le sein d’Abraham. Aux funérailles du riche, on voyait sa famille en deuil ; à celles de Lazare on ne voit pas la joie des Anges.
Que répondit enfin Abraham à ce riche? «Souviens-toi, mon fils, que tu as reçu les biens durant ta vie» (Luc, XVI, 19-25).  Tu ne croyais bien que ce que tu pouvais posséder alors ; tu l’as reçu ; mais ton temps est passé, tu as tout perdu et il ne te reste que le séjour des enfers pour y être tourmenté.

5. N’est-il donc pas à propos, mes frères que nous vous rappelions ces vérités? Considérez les pauvres, soit couchés, soit debout ; considérez les pauvres et livrez-vous aux bonnes oeuvres. Vous qui en avez l’habitude, faites-en ; faites-en aussi vous qui ne l’avez pas. Que le nombre de ceux qui font le bien croisse avec le nombre des fidèles.
Vous ne voyez pas maintenant la grandeur du bien que vous faites.
Le paysan, quand il sème, ne voit pas non plus la moisson. Il la confie à la terre et toi, tu ne te confierais pas à Dieu? Pour nous aussi viendra la récolte. Songe que s’il nous en coûte aujourd’hui d’agir, s’il nous en coûte de faire le bien, notre récompense est assurée, car il est écrit : «Ils s’en allaient et pleuraient en répandant leurs semences; mais ils reviendront avec joie, portant leurs gerbes dans leurs mains» (Ps. CXXV, 6).

le-banquet-du-mauvais-riche-et-le-pauvre-lazare-v.1595-leandro-bassano apparences trompeuse dans Nos amis les Saints

Le pauvre Lazare et le banquet du mauvais riche
Leandro Bassano – vers 1595. 

2012-77. « J’ai reçu ce qui m’était promis… »

« Spes non confundit – l’espérance ne trompe pas. »
(Rom. V, 5) 

8 novembre, octave de la Toussaint.

Le « Leimon » (Λειμών) ou « Pré spirituel » est l’un des joyaux de la littérature spirituelle de l’Orient chrétien.
Son auteur, Jean Moschos (ou Moschus) – né à Damas vers 550 et mort à Rome en 619 – fut un moine éminent par sa quête spirituelle. Il recueillit « à la manière des adroites abeilles » une quantité d’anecdotes, de maximes, de sentences, d’apophtegmes, et une foule de détails concrets, voire pittoresques, sur la vie des moines de son époque, en Judée, au Sinaï, en Egypte, en Asie Mineure ou en Afrique du nord…
Ces témoignages sont précieux : ils nous restituent les vestiges d’un monde oriental pétri de christianisme et épris de radicalisme évangélique qui allait être englouti par la déferlante mahométane destructrice quelques années plus tard.
Le « Pré spirituel »  est une source vive ; on y puise les exemples savoureux et les enseignements profonds de ces « pneumatophores » qui, avec une exquise humanité, avaient le don de communiquer les lumières qu’ils avaient reçues de Dieu.
Voilà pourquoi cet ouvrage, traduit en latin, a été diffusé pendant tout le Moyen-Age et faisait partie du cycle obligé des études monastiques. Il fut imprimé pour la première fois à Paris en 1624 (*).

En ce jour octave de la Toussaint, je veux vous rapporter l’une des anecdotes qui nous fut transmise par Jean Moschos : elle me paraît très adaptée tout à la fois
1) à l’esprit des Béatitudes dont l’Evangile a été chanté pour la fête de tous les Saints,
2) à l’espérance surnaturelle que la méditation des fins dernières, spécialement recommandée en cette période liturgique, doit stimuler en nos âmes,
et en particulier
3) à la perspective du Jugement dernier au cours duquel nous serons jugés sur la charité…

2012-77.

Le philosophe Synésios de Cyrène (né vers 370 – mort vers 414), qui avait été élu évêque de Ptolémaïs en Cyrénaïque,  trouva, en arrivant dans cette ville, un de ses anciens compagnons d’études à Alexandrie, qui se nommait Evagre, philosophe néoplatonicien comme lui, mais qui demeurait profondément attaché au culte des idoles.
Synésios, justement en raison des liens d’amitié qui l’unissaient à Evagre, s’attacha à lui ouvrir l’esprit aux vérités du christianisme et à le gagner à la pleine lumière spirituelle.

Un jour, Evagre lui fit cette objection :
« Parmi toutes les choses que vous enseignez, vous, les chrétiens, il y en a une qui me déplaît particulièrement. C’est celle-ci : vous prétendez que ce monde finira un jour, et qu’à ce moment-là tous les hommes qui auront existé au cours des siècles ressusciteront avec leurs corps. Avec cette chair nouvelle, dites-vous, ils vivront éternellement et recevront auprès de Dieu leur récompense. Vous ajoutez que celui qui a pitié du pauvre prête à Dieu Lui-même, que celui qui distribue aux malheureux accumule des trésors dans le ciel, que le centuple lui est réservé par le Christ, avec la vie éternelle, au moment où il mourra… Tout cela ne me paraît pas sérieux. Ce sont des fables ou des plaisanteries! »

L’évêque Synésios assura son ami que toutes ces croyances étaient absolument vraies, qu’il les avaient d’ailleurs fort bien énoncées, et qu’il n’y avait en elles rien qui fût contraire à la raison ou qui pût faire sourire.
Au bout de pas mal de temps et au terme de longs entretiens avec Synésios, le philosophe accueillit la foi et se fit baptiser avec ses enfants et toute sa maisonnée.

Quelque temps après son baptême, Evagre donna à l’évêque trois pièces d’or en faveur des pauvres en lui disant :
« Accepte ces trois pièces et donne-les aux pauvres, puis fais-moi un document portant que le Christ me les rendra dans la vie future ».
Synésios reçut les pièces d’or et signa volontiers le parchemin que son ami lui demandait.

Plusieurs années après, le philosophe tomba très gravement malade. Sentant qu’il était proche de sa fin, il dit à ses enfants :
« Lorsque vous me rendrez les derniers devoirs, mettez ce document entre mes mains et ensevelissez-moi avec… »
Lorsqu’il décéda, ses enfants accomplirent cette recommandation de leur père.

Trois jours après sa sépulture, durant la nuit, Evagre apparut en songe à Synésios et lui dit : 
« Va au tombeau où je repose et reprends-y ton parchemin, car j’ai reçu ce qui m’était promis. Je suis content et je n’ai plus rien à réclamer : pour t’en donner l’assurance, j’ai complété le document. »

L’évêque ignorait qu’Evagre eût été enseveli avec sa lettre. Il fit appeler les fils du défunt et les interrogea. Puis il leur raconta le songe qu’il avait eu…
Ils se rendirent alors au tombeau du philosophe et firent procéder à l’ouverture. On prit le document que le corps d’Evagre tenait encore et on le déroula.
On y lisait ces mots, écrits tout fraîchement de la main du défunt :
« Moi, Evagre, philosophe, à toi, saint seigneur Synésios, évêque, salut! J’ai reçu ce que tu as écrit dans ce billet. Je suis heureux ; je n’ai plus de réclamation à faire au sujet de l’or que je t’avais donné et que, par toi, j’ai offert au Christ, notre Sauveur. »

Tous ceux qui étaient là furent très étonnés par cette découverte. Ils rendirent gloire à Dieu qui avait permis ce miracle et donné une telle preuve de Sa bonté envers Ses serviteurs lorsqu’ils ont confiance en Ses paroles.

Le récit de Jean Moschos ajoute que ce document fut conservé longtemps dans l’église cathédrale de Ptolémaïs : tout sacristain qui entrait en fonction en recevait la garde en même temps que celle des vases sacrés ; il devait le garder avec le plus grand soin et le transmettre intact à ceux qui viendraient après lui. 

parchemin-2 espérance chrétienne dans Nos amis les Saints

(*) Le « Pré Spirituel » a été réédité aux éditions J.P. Migne (Paris) dans la collection « les Pères dans la Foi » (numéro 94-95).

2012-76. « Ce qui m’est encore le plus sensible est que ce sont des cœurs qui me sont consacrés qui en usent ainsi… »

Mardi 6 novembre 2012.

Mon très cher Lully,

En corollaire de ce que je t’ai écrit hier (cf. > ici), je voudrais aujourd’hui te montrer une photographie : elle a été prise dans l’après-midi de ce 5 novembre 2012, et elle représente l’autel de la chapelle du Sacré-Cœur de Jésus, dans l’église Saint-Martin de Vals-les-Bains où j’ai été baptisé.

Cette chapelle du Sacré-Cœur est également la chapelle où se trouvent les fonts baptismaux : c’est donc aux pieds du Sacré-Cœur que j’ai reçu le don précieux de la régénération et la vie de la grâce.
Pour moi, qui suis tout dévoué au mystère de ce Sacré-Cœur, qui me dépense pour faire connaître les demandes qu’Il a adressées à toute l’Eglise par l’intermédiaire de Sainte Marguerite-Marie (cf. > ici) et qui souhaite ardemment susciter des réponses toujours plus généreuses à Ses appels, ce m’est un vrai bonheur spirituel de penser que j’ai été fait enfant de Dieu le Père, en étant incorporé au Christ, Son Fils incarné, par la puissance du Saint-Esprit, devant l’autel du Sacré-Cœur, surmonté d’un vitrail représentant l’apparition à Sainte Marguerite-Marie.

Je trouve tout particulièrement éloquent le lien qui est établi par la disposition de ces lieux : l’eau sainte du Baptême est celle qui a jailli, avec le Sang rédempteur, du Cœur de Notre-Seigneur ouvert par la lance du centurion (cf. Johan. XIX, 34) ; cela est en pleine et parfaite conformité avec les commentaires des Pères de l’Eglise.

Mais Je te laisse voir cette photographie…

2012-76.

N’es-tu pas, comme moi, cher Lully, frappé par l’impression d’abandon et par la saleté de cet autel ?

Si cela m’eût été possible, je me fusse précipité pour ôter ces horribles toiles d’araignées chargées de poussière noire, mais cette chapelle est fermée par une grille qu’il m’était impossible de franchir (et qui ne doit pas souvent être ouverte : il est probable que les baptêmes soient célébrés dans le sanctuaire au dessus d’un grand saladier ou d’une bassine à confiture!).
Tu remarqueras aussi que, contrairement aux règles du respect dû aux autels, celui-ci – comme d’ailleurs la plupart des autres dans cette église – n’est recouvert ni d’une nappe ni d’un tapis protecteur mais de ce qui, de loin, m’a semblé être une espèce de « placoplâtre » !!!

Je n’ai pu m’empêcher de penser aussitôt aux plaintes de Notre-Seigneur Jésus-Christ retranscrites par Sainte Marguerite-Marie :

- « Voilà l’état où me réduit mon peuple choisi que j’avais destiné pour apaiser ma justice et il me persécute secrètement… » (in « Mémoire composé par ordre de la Mère de Saumaise » § 36).

- « (…) Il me découvrit les merveilles inexplicables de son pur amour, et jusqu’à quel excès il l’avait porté, d’aimer les hommes, dont il ne recevait que des ingratitudes et méconnaissances. « Ce qui m’est beaucoup plus sensible, me dit-il, que tout ce que j’ai souffert en ma passion ; d’autant que s’ils me rendaient quelque retour d’amour j’estimerais peu tout ce que j’ai fait pour eux, et voudrais, s’ils se pouvait, en faire encore davantage ; mais ils n’ont que des froideurs et du rebut pour tous mes empressements à leur faire du bien… »  (in « Autobiographie » § 56).

- «  Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes qu’il n’a rien épargné jusqu’à s’épuiser et se consumer pour leur témoigner son amour. Et pour reconnaissance, je ne reçois de la plupart que des ingratitudes, par leurs irrévérences et leurs sacrilèges, et par les froideurs et les mépris qu’ils ont pour moi dans ce sacrement d’amour. Mais ce qui m’est encore le plus sensible est que ce sont des cœurs qui me sont consacrés qui en usent ainsi… » (in « Autobiographie » § 92).

J’ai aussi repensé à la phrase du Saint Curé d’Ars : « Le sacerdoce, c’est l’amour du Cœur de Jésus », ainsi qu’à la dixième des promesses du Sacré-Cœur : « Je donnerai aux prêtres (sous entendu : qui pratiqueront cette dévotion envers le divin Cœur de Jésus) le talent de toucher les cœurs les plus endurcis » (cf. > ici).
A contrario, cela laisse entendre qu’un prêtre qui n’a pas de dévotion envers le Sacré-Cœur, qui n’a pas un fervent amour du Cœur de Jésus, sera un bien piètre apôtre et n’aura guère de talent pour toucher les cœurs…
Si l’état de cette chapelle et de cet autel est représentatif de la ferveur et de la dévotion du clergé local, on ne doit pas s’étonner de constater que ses lieux de culte se vident et que les fidèles soient de moins en moins nombreux !

Je conclurai ces quelques réflexions par cette citation de Maurice Barrès : « Devant ces églises, ça et là, à demi-désertes, à demi-écroulées, je me surprends à méditer la grande vérité, le mot décisif : les églises de France ont besoin de saints ! » (in « La grande pitié des églises de France »).

Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur.

sacrec15 abandon dans Commentaires d'actualité & humeurs

Bande dessinée
« Je veux que tu me serves d’instrument pour attirer des coeurs à mon amour » > ici

2012-75. « Je me suis rendu aujourd’hui aux funérailles d’une vieille amie… »

Lundi 5 novembre 2012.

Mon très cher Lully,

Tu m’as demandé de mettre par écrit ce que je t’ai raconté tout à l’heure en rentrant. Je m’en acquitte bien volontiers.
J’ai bien conscience toutefois – puisque ton blogue est public et qu’il n’y a pas que les amis du Refuge Notre-Dame de Compassion qui peuvent en lire les textes – que cela risque de me susciter de nouvelles critiques et inimitiés. Je n’en ai cure, puisque ce que je vais écrire n’est que vérité et qu’il ne peut donc y avoir que des ennemis de la vérité pour y trouver à redire.

* * * * * * *

Je me suis rendu aujourd’hui aux funérailles d’une vieille amie, décédée dans sa quatre-vingt-quatorzième année. Elle priait à mon intention avant même que je ne la connaisse – au temps de mes lointaines années de lycée! – parce qu’elle avait entendu parler de moi par des amis communs.
Ce n’est qu’après être entré dans la vie religieuse que je l’ai rencontrée pour la première fois et, depuis lors, nous sommes toujours restés en contact.

Native de la petite ville où j’ai moi-même passé mon enfance et mon adolescence, l’église dans laquelle ses funérailles étaient aujourd’hui célébrées – église dans laquelle elle avait été baptisée et confirmée, église dans laquelle elle avait fait sa première communion et s’était mariée – est aussi l’église où j’ai moi-même reçu les sacrements de baptême, de confirmation et d’Eucharistie, église où ont mûri beaucoup de choses dans mon âme, église dans laquelle je n’entre jamais sans une profonde émotion spirituelle…

2012-75.

Cependant le bonheur intérieur que j’ai toujours à retourner dans « mon » église était aujourd’hui – et il en est ainsi toutes les fois où les convenances m’obligent à assister à une cérémonie religieuse en dehors des églises où est célébré le rite latin traditionnel – mêlé à de la crainte et à de l’appréhension.
Je pense que beaucoup de fidèles catholiques pratiquant la « forme extraordinaire du rite romain » doivent éprouver les mêmes inquiétudes que moi chaque fois qu’ils doivent assister à un culte « post-conciliaire ».

Qui va célébrer? Ce prêtre sera-t-il vraiment catholique? Comment va-t-il célébrer? Que vais-je devoir subir comme entorses aux règles liturgiques? Quelles chansonnettes insipides mes oreilles vont-elles devoir supporter? Quelles âneries, quelles erreurs ou même quelles hérésies vais-je encore devoir entendre au sermon?… etc.
Toutes ces questions, je ne peux pas faire autrement que de me les poser car si (heureusement!) il existe des diocèses où la messe montinienne est célébrée de manière convenable, avec toute la Foi de l’Eglise, dans une très grande majorité de paroisses, tu sais, mon cher Lully, que c’est – hélas! – quelque chose de tout à fait exceptionnel sur le territoire de ce diocèse-ci.

Et – tu le sais aussi d’expérience – il est vain de tenter de respectueuses protestations auprès de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements puisque la réponse sera ce qu’elle a déjà été : « Ce Dicastère vous invite à porter vos observations à l’attention de votre Evêque, qui est compétent pour connaître les affaires relatives à la célébration de la liturgie dans son diocèse » (sic), et que par ailleurs l’exemple des entorses aux règles de la liturgie est donné par ceux-là mêmes dont la charge serait de les faire appliquer!…

Bref! Comme chaque fois que je ne peux faire autrement que d’assister à une cérémonie en dehors de la « forme extraordinaire du rite romain », je me suis donc préparé à y assister comme on va assister à un rite étranger, et en m’efforçant malgré tout de prier intérieurement pour le repos de l’âme de ma vieille amie, indépendamment de ce qui se passerait dans le sanctuaire ou autour de moi.
Je dis bien : « Comme à chaque fois que je ne peux faire autrement… » Ces circonstances qui ne permettent pas de faire « autrement » ce sont essentiellement, comme aujourd’hui, des funérailles auxquelles les convenances ainsi que l’amitié que vous portiez au défunt ne vous autorisent pas de vous dérober.

Les dimanches et fêtes, la question ne se pose pas : je vais dans une église dont je suis certain que le prêtre est catholique, la liturgie catholique, l’enseignement catholique… quand bien même il me faut pour cela parcourir habituellement 120 kilomètres, et parfois 220.
Les quelques dimanches où les conditions de circulation ne me permettent pas de me rendre dans ma paroisse – pleinement catholique – , je sanctifie le dimanche de mon mieux au Mesnil-Marie, paisiblement, sans chercher à me rendre à tout prix – à 15 km de là – dans une église de ma paroisse territoriale où il y a une « messe » : en effet je doute fermement qu’elle remplisse les conditions de validité de la célébration du Saint-Sacrifice.

Ce ne sont pas là des paroles en l’air.
Pour qu’une Messe soit valide, il faut qu’elle soit célébrée par un prêtre validement ordonné, qui prononce, sur le pain et sur le vin, les paroles de la consécration reçues par l’Eglise, avec l’intention de faire ce que veut faire l’Eglise.
L’intention du prêtre n’est pas son intention « subjective », mais l’intention qu’il manifeste à travers le rite qu’il utilise.
Je me répète et j’insiste :
il est nécessaire que le prêtre aie l’intention de faire ce que l’Eglise fait. Or ce que l’Eglise fait est codifié par le rite et par les règles liturgiques précises qui ont été édictées par le Saint-Siège.

Un prêtre qui, malgré ce qui est écrit dans le missel et malgré les multiples rappels à l’ordre de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, n’utilise pas les ornements prescrits, invente les oraisons ou va les prendre dans des « fiches » non approuvées par l’autorité compétente, modifie les textes, fait des ajouts ou bien retranche des parties entières des formules liturgiques, montre à l’évidence qu’il se fiche complètement de ce que veut faire l’Eglise.
Si, en outre, dans une discussion, ce même prêtre a nié devant vous la doctrine catholique du Saint-Sacrifice telle qu’elle a été définie par le Concile de Trente comme aussi d’autres points non négligeables de la foi catholique, et que vous savez qu’il lui arrive de « concélébrer » avec un pasteur, il vous est très légitimement permis de douter de la validité de la « messe » (ou prétendue telle) qu’il célèbre.

J’ai été long, mais il fallait redire ces choses pour bien faire comprendre que ces craintes et appréhensions que j’éprouvais en me rendant aux funérailles de ma vieille amie ne sont pas d’ordre subjectif mais sont au contraire pleinement fondées.

* * * * * * *

C’est bien ce que je redoutais auquel j’ai assisté aujourd’hui.

J’ai beau « pratiquer » avec la messe latine traditionnelle, je connais néanmoins les règles liturgiques du nouvel ordo.
Il était donc difficile que je ne remarquasse pas les irrégularités de cette « messe » : le « salut à l’assemblée » a consisté en un interminable laiüs dont je ne suis pas parvenu à comprendre le sens ; le texte de la « préparation pénitentielle » n’appartenait pas aux formules proposées par le missel ; tous les « le Seigneur soit avec vous » prescrits ont été omis par le célébrant ; il n’y a pas eu d’acclamation liturgique de l’Evangile (qui est devenue « bonne nouvelle ») ; dans la lecture de la péricope évangélique nous avons eu droit à « venez à moi, vous tous et vous toutes, qui ployez sous le poids du fardeau… » parce que, de toute évidence, il convenait de faire ressortir que Notre-Seigneur Jésus-Christ n’était pas machiste ; le sermon était un charabia incompréhensible ; à l’offertoire « le travail des hommes » a été remplacé par « le travail de tous » (tiens! nous n’avons pas eu droit à « et de toutes ») et à donné lieu à une glose de tonalité syndicale ; le lavabo a disparu ; le « sanctus » était trafiqué ; la prière eucharistique (numéro deux bien évidemment : il faut faire vite!) a subi un soudain développement sur l’assemblée plénière des évêques de France ; l’embolisme du Pater est passé à la trappe ; l’ « Agnus Dei » était un « chant de paix » ; l’oraison après la communion était de toute évidence une improvisation dont la conclusion s’adressait au Fils par le Père (oui, oui! j’ai bien entendu) et dont le Saint-Esprit s’était envolé ; l’absoute a consisté en un dernier prêchi-prêcha qui n’était pas une prière ; l’aspersion du corps par le célébrant avec l’eau (était-elle bénite?) ressemblait à une grimace mais pas à un signe de croix… (je ne dirai rien des cantiques très « datés » qui nous ont été infligés : hérités des années soixante-dix du siècle passé, ils ne constituent nullement une prière pour les défunts).

A côté de ce « célébrant principal », il y avait un prêtre concélébrant, très digne, ami de la défunte : c’est lui qui lui a donné les derniers sacrements. Je sais qu’il a la foi catholique, et il avait l’air bien ennuyé de la tournure de ces funérailles.
Lorsque j’ai été le saluer après la cérémonie, il m’a confié qu’il n’était pas certain que le célébrant principal avait consacré réellement, mais que lui-même avait dit les paroles correctes et que la messe était valide…

Tout cela est absolument affligeant et l’on se trouve bien loin de la plénitude de paix et d’espérance que donne la célébration des funérailles selon la « forme extraordinaire du rite romain » avec les sublimes pièces de la « messe des morts »!
Pour moi, vous vous en doutez bien, je ferai célébrer des Saintes Messes de Requiem, dans le rite latin traditionnel, à l’intention de ma vieille amie.
Et vous, qui m’avez lu, ayez la charité, je vous le demande, de réciter à son intention un « De Profundis » ou un « Requiem aeternam ». Soyez en remerciés!

Frère Maximilien-Marie du Sacré-Coeur.

Recette du Mesnil-Marie : une purée pommes de terre et citrouille.

Recette du Mesnil-Marie : une purée pommes de terre et citrouille. dans Recettes du Mesnil-Marie chatpotimarron

Légume de saison, la citrouille – outre l’avantage qu’elle peut avoir de se transformer de temps en temps en carrosse – peut se prêter à de nombreuses et délicieuses variations de recettes. Celle dont je vous livre ci-dessous le « secret » a été élaborée ce matin par Frère Maximilien-Marie lui-même à partir des légumes de notre potager.

- Il faut d’abord faire une purée de pommes de terre selon la manière habituelle, ni trop épaisse, ni trop liquide.
Prévoyant des parts généreuses pour huit convives, Frère Maximilien-Marie a utilisé trois kilos de pommes de terre et du lait entier, mais – à cause de ce qui va suivre – il n’a rajouté ni beurre ni fromage râpé.
Lorsque la purée de pommes de terre est prête, la mettre de côté, pour s’occuper de la citrouille.

- Il a utilisé les deux tiers d’une citrouille dont le diamètre était d’environ 40 cm. Il l’a épluchée et coupée en dés qu’il a fait cuire à la poêle dans de la graisse de confit de canard qu’il avait en réserve.
Il faut que le feu ne soit ni trop fort ni trop doux.

Etant donné la quantité, Frère Maximilien-Marie a dû répartir les dés de citrouille en trois poêlées et pour chacune il a fallu une bonne demi-heure de cuisson en remuant régulièrement : la citrouille doit devenir « fondante » mais ne doit pas griller.
Après cuisson il faut laisser égoutter la purée de citrouille ainsi obtenue, pour ne pas garder trop de graisse, cependant il ne faut pas non plus l’essorer.

- Il faut ensuite réunir la purée de pommes de terre et la purée de citrouille dans le même fait-tout, bien mélanger – toujours à la cuiller en bois! – pour que votre purée soit homogène, et y ajouter, à votre convenance, du sel, du poivre, de la muscade râpée, voire un peu de sel de cèleri

Réchauffer à feu très doux, ou bien dans un plat à four, avant de servir (en ayant soin de ne pas laisser accrocher au fond du fait-tout).
Je peux vous certifier que nos amis qui ont été les « cobayes » de cette recette se sont régalés et se sont tous resservis… certains même deux fois.

Alors, bon appétit à vous aussi !

puree-pommes-de-terre-et-citrouille citrouille dans Recettes du Mesnil-Marie

Publié dans:Recettes du Mesnil-Marie |on 3 novembre, 2012 |4 Commentaires »

2012-74. Des indulgences applicables aux défunts.

2 novembre, Jour des morts.

       Profitons de cette commémoraison solennelle des fidèles trépassés pour évoquer la doctrine catholique des indulgences et les normes actuellement en vigueur.
Les indulgences sont en effet un moyen précieux pour aider au soulagement et à la délivrance des âmes du Purgatoire.
Je ne vais pas exposer ici la théologie des indulgences (on se reportera pour cela aux ouvrages spécialisés) mais seulement rappeler quelques éléments d’ordre pratique. 

   Est-il nécessaire de préciser que contrairement aux mensonges colportés par un certain nombre de clercs modernistes – et ignorants – , les indulgences n’ont pas été « supprimées par le concile » (que ne lui fera-t-on pas dire à celui-là!)?
En effet, « depuis le concile », la doctrine et la pratique en ont été plusieurs fois réaffirmées, clarifiées et précisées par le Magistère ecclésiastique.

   Par une Constitution Apostolique intitulée Indulgentiarum doctrina, en date du 1er janvier 1967, Paul VI, après avoir résumé la doctrine catholique, ordonnait la révision de l’ensemble des concessions d’indulgences accumulées depuis des siècles et la préparation d’un nouveau recueil (texte complet de cette Constitution > ici).
C’est ainsi que, un an et demi plus tard, à l’occasion de la fête des Saints Apôtres Pierre et Paul, le 29 juin 1968, un décret de la Sacrée Pénitencerie Apostolique approuvé par le Souverain Pontife rendait public et faisait entrer en vigueur les normes et les concessions d’un Enchiridion Indulgentiarum (en Français : manuel des indulgences), dans lequel il était précisé que toutes les indulgences précédemment concédées et qui n’étaient pas reprises dans ce recueil étaient abrogées et sans valeur désormais.

   L’année suivante, les éditions Lethielleux faisaient paraître la traduction française autorisée par le Saint-Siège de cet Enchiridion Indulgentiarum, sous le titre « Manuel des Indulgences – normes et concessions ».
Ce petit ouvrage en langue française a été réédité sans modifications plusieurs fois depuis et il peut se trouver assez facilement en librairie de nos jours, alors qu’en réalité le texte latin officiel a reçu plusieurs modifications depuis 1968, ce qui fait que les catholiques français n’ont généralement pas accès aux normes et concessions réellement en vigueur. 

   La plus récente des mises à jour de l’Enchiridion Indulgentiarum, contenant les dispositions actuelles, est la quatrième édition depuis le règne de Paul VI. Elle date de 1999 et elle est entrée en vigueur en vertu d’un décret de la Pénitencerie Apostolique signé le 16 juillet 1999.
Le texte latin officiel en est disponible sur le site internet du Saint-Siège > ici.

2012-74. Des indulgences applicables aux défunts. dans Chronique de Lully tiarepie9 

   Pour rendre service à un certain nombre de mes lecteurs, qui ne sont pas toujours à l’aise avec la langue latine en dehors des textes qu’ils pratiquent habituellement dans leur missel, voici résumées ci-dessous les principales normes et concessions actuelles concernant les indulgences applicables aux défunts.

   On ne peut obtenir qu’une seule indulgence plénière par jour – sauf pour le cas particulier d’une personne qui aurait obtenu une indulgence plénière et qui, se trouvant ce même jour en péril de mort, recevrait l’indulgence plénière in articulo mortis -, mais on peut obtenir plusieurs indulgences partielles chaque jour (N°18 des Normes).

   Il faut ensuite savoir que toute indulgence – plénière ou partielle – peut être appliquée à un défunt particulier ou aux défunts de manière générale par mode de suffrage (N°3 des Normes).

   Dans les « concessions générales » il est tout d’abord statué que les fidèles peuvent quotidiennement obtenir des indulgences partielles lorsque
- 1) ils font monter vers Dieu de pieuses invocations – et même si ce n’est que mentalement – au cours des occupations habituelles de leur devoir d’état et dans les difficultés et épreuves de la vie, avec foi et humilité ;
- 2) ils s’appliquent au service de leurs frères nécessiteux et aux oeuvres de miséricorde, en esprit de foi ;
- 3) mus par l’esprit de pénitence, ils s’abstiennent volontairement de choses normalement permises ;
- 4) ils rendent ouvertement témoignage de leur foi devant les autres.
Toutes ces indulgences partielles peuvent donc être obtenues à plusieurs reprises tout au long de nos journées et être offertes à l’intention des défunts.

   Il y a aussi quatre indulgences plénières qui peuvent être obtenues quotidiennement (aux conditions habituelles des indulgences plénières mais – redisons-le – on ne peut en gagner qu’une seule par jour) et offertes à l’intention des défunts :
- 1) si l’on adore le Très Saint Sacrement pendant au moins une demi heure ;
- 2) si l’on médite le Chemin de la Croix ;
- 3) si l’on récite le Saint Rosaire (ou l’hymne acathiste) en commun, dans une église, un oratoire, en famille, en communauté religieuse ou avec quelque groupe de prière ;
- 4) si l’on s’applique à la lecture de la Sainte Ecriture pendant au moins une demi-heure.

   Je ne peux pas faire ici la liste de toutes les nombreuses concessions particulières habituelles, qui sont regroupées en 33 paragraphes, auxquelles s’ajoutent des concessions extraordinaires promulguées à l’occasion des jubilés ou aussi – depuis la mi-octobre 2012 et jusqu’à la fin novembre 2013 – dans le contexte particulier de l’Année de la Foi (voir > ici, et > ici).
Toutefois, en ce « jour des morts », j’attire votre attention sur le paragraphe 29 des concessions particulières dont je vous reproduis ci-dessous le texte officiel.

indulgences-pour-les-defunts 2 novembre dans De liturgia

En voici une traduction :

§ 1. L’indulgence plénière, applicable seulement aux âmes retenues dans le Purgatoire, est concédée au fidèle qui
tous les jours, du premier jusqu’au huit novembre, effectuera une pieuse visite de cimetière et y priera pour les défunts, même si c’est seulement mentalement.
le jour de la commémoraison des fidèles défunts (ou, selon les dispositions de l’Evêque du lieu, soit le dimanche précédent soit le dimanche suivant, soit le jour de la Toussaint), visitera une église ou un oratoire et y récitera le Pater et le Credo.

§2. L’indulgence partielle, applicable seulement aux âmes retenues dans le Purgatoire, est accordée au fidèle qui
1° effectuera une pieuse visite de cimetière et y priera pour les défunts, même si c’est seulement mentalement.
2° récitera avec piété les laudes ou les vêpres de l’Office des Défunts ou bien l‘invocation « Requiem aeternam… »

- Requiem aeternam dona eis, Domine, et lux perpetua luceat eis. Requiescant in pace. Amen ( traduction : « Donnez-leur, Seigneur, le repos éternel, et que la lumière sans déclin brille pour eux. Qu’ils reposent en paix. Ainsi soit-il! »)

   Enfin, l’Enchiridion Indulgentiarum précise que les conférences épiscopales auront le soin d’ajouter dans les éditions nationales de ce recueil les prières pour les défunts qui sont les plus usitées ou les plus chères aux fidèles sur le territoire où s’exerce leur compétence.

tiarepie9 défunts dans Lectures & relectures

Complément :
Que signifie exactement « prier aux intentions du Souverain Pontife » ?
C’est l’une des conditions générales, en effet, pour obtenir une indulgence plénière.
La réponse est > ici.

Prière à la Vierge de Compassion en faveur des âmes du Purgatoire > ici
Le Musée du Purgatoire, à Rome > ici
A propos du 2 novembre > ici

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