Archive pour la catégorie 'Chronique de Lully'

2015-104. Nous devons attendre le second avènement de Notre-Seigneur sans relâcher notre vigilance et sans cesser de nous purifier par les oeuvres de la pénitence.

Deuxième sermon de notre glorieux Père Saint Augustin
sur
l’avènement du Sauveur.

       On ne le répètera jamais assez, le temps de l’Avent est d’abord et principalement un temps de préparation au second avènement de Notre-Seigneur Jésus-Christ, dont le premier avènement – Sa naissance à Bethléem – est le gage : la liturgie de l’Avent est très claire à ce sujet, et ce n’est qu’à partir du mercredi des Quatre-Temps, c’est à dire au milieu de la troisième semaine de l’Avent, que l’Eglise nous prépare à la célébration de l’anniversaire de la naissance du Sauveur sur la terre.
Voici donc, dans cet esprit de la liturgie de l’Avent ; un court sermon de notre glorieux Père Saint Augustin qui vient nous stimuler à la vigilance, à la pénitence et à la pratique des bonnes oeuvres.

Vitrail ouest (partie centrale) de l'église de Fairford

Fairford (comté du Gloucercestershire – Angleterre), église Sainte-Marie (XV-XVI èmes siècles)
Partie centrale de la verrière ouest : le retour du Christ comme Juge à la fin des temps.

§ 1 – Entrée en matière : Saint Augustin veut seulement être l’interprête de ce que le Saint-Esprit a proclamé par Saint Paul.

   « Nous attendons le Sauveur, Notre-Seigneur Jésus-Christ » (Philip. III, 20).
Bien-aimés frères, pour vous entretenir de la solennité qui est proche, je ne me servirai pas d’un exorde qui vienne de moi ; je n’emploierai point de paroles dictées par la sagesse humaine, mais je m’arrêterai aux paroles d’un célèbre prédicateur, m’efforçant de les faire bien comprendre à mes fidèles auditeurs et de leur montrer ce que le Docteur des nations prêche dans la foi et la vérité, ce qu’annonce cette trompette de Dieu, cette cymbale de Jésus-Christ.

§ 2 – Saint Augustin apporte le témoignage des Saintes Ecritures pour établir qu’il y a deux avènements de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

   « Nous attendons le Sauveur, Notre-Seigneur Jésus-Christ ».
Or, comme l’ont entendu les oreilles catholiques sur le giron de l’Eglise, le Sauveur, que nous croyons être déjà venu pour restaurer le monde, reviendra encore, un jour, pour nous juger tous, et nous L’attendons : la foi en ce qui est arrivé doit, par la charité, nous affermir dans la pratique du bien, comme l’attente de ce qui arrivera au moment de notre mort doit nous rendre vigilants et nous éloigner du mal.
Nous devons croire, en effet, sans ombre de doute, que le Christ est venu, puisque « nous avons reçu Sa miséricorde au milieu de son temple » (Ps. XLVI, 10) ». D’ailleurs, « le Verbe S’est fait chair, et Il a habité parmi nous » (Jean I, 14) ; « Il a abaissé les cieux, et Il est descendu » (Ps. XVII, 10) ; car « Celui qui est descendu est le même qui est monté au-dessus de tous les cieux » (Ephés. IV, 10), et qui, à la fin des temps, redescendra du ciel. Il en est descendu pour nous arracher à la malédiction de la loi, et faire de nous les enfants adoptifs de Dieu (Ephés. I, 5).
Oui, le Fils de Dieu est descendu, Il a pris notre nature, et Il est devenu le Fils de l’homme, afin de communiquer Sa gloire aux enfants des hommes et d’en faire les enfants de Dieu. Parce qu’Il S’est abaissé jusqu’à notre niveau, nous avons tous été élevés jusqu’à Lui. Il est aussi monté, afin d’envoyer du haut des cieux, à Ses fidèles, le don du Saint-Esprit, et d’inspirer aux coeurs de Ses disciples l’amour des choses célestes. Il est monté afin que le troupeau, qui se trouvait placé si bas, pût monter avec courage jusqu’au point culminant où l’a précédé le Pasteur. Enfin, Il descendra de nouveau, lorsqu’au dernier jour Il viendra rendre à chacun selon ses oeuvres : c’est ce que l’ange a dit aux disciples du Sauveur, lorsque, stupéfaits et étonnés, ils Le voyaient monter au ciel : « Hommes de Galilée, pourquoi demeurez-vous là regardant les cieux ? » (Act. I, 11).
Vous l’avez entendu, Celui que la foi catholique croit et confesse avoir déjà opéré un premier avènement, reviendra indubitablement à la fin des siècles. Il est venu, d’abord, dans un état d’humiliation, et pour être jugé : Il reviendra, en second lieu, dans un appareil terrible, et Il jugera les vivants et les morts. A son premier avènement, « Il est venu chez Lui, et les siens ne l’ont point connu » (Jean I, 11). A son second avènement, « tout genou fléchira devant Lui dans le ciel, sur la terre et dans les enfers » (Philip. II, 11), pour Lui rendre hommage. Voilà le redoutable et terrible Juge que nous attendons avec crainte et tremblement ; « Il changera notre misérable corps » (Philip. III, 21).

§ 3 – Rappel du péché originel.

   Par un bienfait tout gratuit de son divin Auteur, le premier homme a été formé et créé à la ressemblance du Très-Haut. Le Fils de Dieu est l’image du Père, la splendeur et la figure de Sa substance (cf. Hébr. I, 3). Mais, préférablement à toutes les autres créatures, l’homme a été fait à l’image de Dieu, quant à son âme, pour qu’il fût capable de raisonner, charitable, juste, saint et innocent, pour qu’en lui, comme dans un miroir, se reflétassent les traits brillants de son Créateur. Il a conservé sa ressemblance avec Dieu tant que sa raison est restée dominante et que son coeur ne s’est laissé ni obscurcir ni aveugler par les ténèbres de l’iniquité ; mais, en cédant aux suggestions de son épouse, en mangeant du fruit défendu, il a affaibli et complètement effacé en lui les traits de l’image divine qui s’y trouvait empreinte ; alors la masse du genre humain a été viciée et corrompue en sa personne. En effet, le vice, dont la racine de l’arbre se trouvait infectée, s’est à tel point communiqué à la tige et aux branches, que tous les hommes, issus d’Adam par l’effet de la concupiscence charnelle, sont sujets à la loi du péché et à la mort. Paul l’affirme, car il dit : « En lui tous ont péché » (Rom. V, 12), et « par la désobéissance d’un seul, plusieurs sont devenus pécheurs » (Rom. V, 19).

§ 4 – Le Christ Sauveur est venu opérer la réparation de l’homme déchu : mystères de l’Incarnation et de la Rédemption.

   Dans ces derniers temps est venu en ce monde le Fils du Dieu qui l’a tiré du néant ; descendant du trône de Son Père, sans Se dépouiller de Sa splendeur, prenant notre nature sans perdre la Sienne, Il a uni notre humanité à Sa divinité dans le sein d’une Vierge, sans que l’intégrité de cette Vierge ait souffert la moindre atteinte ; Il est né de la chair, mais non par l’effet de la concupiscence ; Il S’est fait homme, mais non par le concours de l’homme. Il était « saint, innocent, sans tache » (Hébr. VII, 26), et étranger à toute convoitise charnelle.
C’est ainsi que le Médiateur de Dieu et des hommes est devenu participant de notre nature, c’est ainsi qu’Il nous a conféré Sa grâce et a merveilleusement reformé en nous les traits de ressemblance avec Dieu, qu’y avait effacés la gourmandise de notre premier père ; c’est ainsi, enfin, qu’Il nous a ramenés à une condition singulièrement meilleure, puisqu’à la suite de la prévarication primitive, les hommes étaient forcément condamnés à mourir, et que par la résurrection finale ils deviendront immortels.

§ 5 – Nous devons attendre le second avènement de Notre-Seigneur sans relâcher notre vigilance et sans cesser de nous purifier par les oeuvres de la pénitence.

   Mes très-chers frères, ce Juge si bon et si miséricordieux, qui « changera la misérable condition de notre corps » (Philip. III, 21), nous devons donc L’attendre dans les sentiments d’une inquiétude et d’une crainte extrêmes.
Changeons de vie, déplorons amèrement les péchés que nous avons commis, et puisque nous imprimons sans cesse à notre âme la tache de l’iniquité, purifions notre conscience par un nouveau baptême, celui de nos larmes. Comme nous le dit l’Apôtre : « Vivons avec sobriété, justice et piété en ce monde, en attendant le bonheur que nous espérons et l’avènement du grand Dieu » (Tit. II, 13).
Que l’apparence trompeuse des biens passagers d’ici-bas ne nous induise point en une fausse sécurité ; que les charmes de la terre ne nous arrêtent pas dans l’accomplissement de l’oeuvre de Dieu ; soupirons plutôt après les choses du ciel ; débarrassons-nous, par les gémissements de la pénitence, du fardeau de nos fautes ; puissent nos bonnes oeuvres nous donner l’espérance des joies de l’éternité !
Alors nous attendrons avec crainte et tremblement le Sauveur, Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartiennent la gloire et l’honneur, pour les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

Vitrail ouest de l'église de Fairford - le Christ Juge

Le Christ Juge (détail de la verrière ouest de l’église Sainte-Marie de Fairford)

2015-103. Le sac de Rome : un châtiment miséricordieux.

6 mai,
Fête de Saint Jean devant la Porte Latine ;
Anniversaire de la prise de Rome par les troupes de Charles Quint (6 mai 1527).

frise

Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,

       Le mercredi 2 décembre 2015, dans Corrispondenza Romana, le professeur Roberto de Mattei a publié un rappel historique qui doit être regardé comme une véritable parabole pour notre temps, au vu des événements actuels dans l’Eglise et dans le monde.
Notre amie Béatrice en a publié la traduction dans Benoît et moi, et nous nous empressons de la répercuter ci-dessous : car il faut bien se souvenir – il en a toujours été ainsi dans l’Ancien comme dans le Nouveau Testament, et dans toute l’histoire de l’Eglise – que lorsque « la coupe est pleine », Dieu châtie.
Les châtiments divins consistent bien souvent à abandonner les hommes aux conséquences de leurs iniquités. Mais ce faisant – à rebours des conceptions erronées de la miséricorde couramment répandues aujourd’hui, qui ne sont souvent que sensiblerie humaine – , à travers le « châtiment » Dieu exerce au plus haut point une authentique miséricorde, celle qui permet la conversion, la pénitence, l’expiation et, in fine, le salut éternel.

   Ainsi du sac de Rome en 1527 après la prise de la ville le 6 mai.
Ainsi peut-être des événements qui pourraient se produire en nos temps.

Lully.

frise

le sac de Rome en 1527

Le sac de Rome, tableau de Francisco Javier Amérigo Aparicio (1884).

Le sac de Rome :
un châtiment miséricordieux.

   L’Eglise vit une époque d’égarement doctrinal et moral. Le schisme a explosé en Allemagne, mais le pape ne semble pas réaliser l’ampleur de la tragédie. Un groupe de cardinaux et d’évêques a préconisé la nécessité d’un accord avec les hérétiques. Comme il arrive toujours dans les pires heures de l’histoire, les événements se succèdent très rapidement.

   Le dimanche 5 mai 1527, une armée descendue de Lombardie atteignit le Janicule. L’empereur Charles-Quint, rendu furieux par l’alliance politique du pape Clément VII avec son adversaire, le roi de France François Ier, avait envoyé une armée contre la capitale de la chrétienté. Ce soir-là, le soleil se coucha pour la dernière fois sur la beauté éblouissante de la Rome de la Renaissance. Environ 20 mille hommes, italiens, espagnols et allemands, dont les mercenaires lansquenets, de confession luthérienne, se préparent à prendre d’assaut la ville éternelle. Leur commandant leur avait donné la permission de piller. Toute la nuit, la cloche du Capitole sonna à la volée pour appeler les Romains aux armes, mais il était trop tard pour improviser une défense efficace. A l’aube du 6 mai, à la faveur d’un épais brouillard, les lansquenets se ruèrent à l’assaut des murs, entre Sant’Onofrio al Janicolo et Santo Spirito in Sassia (note du traducteur : deux églises romaines). Les gardes suisses se rassemblèrent autour de l’obélisque du Vatican, décidés à rester fidèles à leur serment jusqu’à la mort. Les derniers d’entre eux furent sacrifiés sur l’autel de la basilique Saint-Pierre. Leur résistance permit au pape de prendre la fuite, avec quelques cardinaux. A travers le Passetto del Borgo, un passage reliant le Vatican au Chateau Saint-Ange, Clément atteignit la forteresse, seul rempart resté contre l’ennemi. Du haut des gradins le pape assista au terrible carnage commencé avec le massacre de ceux qui avaient afflué vers les portes du château pour trouver un abri, tandis que les malades de l’hôpital Santo Spirito in Sassia étaient trucidés à coups de lance et d’épée .

   La licence illimitée de voler et de tuer dura huit jours et l’occupation de la ville, neuf mois. « L’enfer n’est rien en comparaison de l’aspect qu’a maintenant Rome », lit-on dans un rapport vénitien du 10 mai 1527, reproduit par Ludwig von Pastor (1).

   Les religieux furent les principales victimes de la fureur des lansquenets. Les palais des cardinaux furent pillés, les églises profanées, des prêtres et des moines tués ou faits esclaves, les religieuses violées et vendues sur les marchés. On vit des parodies obscènes de cérémonies religieuses, des calices de messe utilisés pour s’enivrer parmi les blasphèmes, des hosties consacrées rôties dans des poêles et données en nourriture aux animaux, des tombeaux de saints violés, les têtes d’apôtres, comme celle de Saint André, utilisées pour jouer à la balle dans les rues. Un âne fut revêtu d’habits ecclésiastiques et conduit à l’autel d’une église. Le prêtre qui refusa de lui donner la communion fut mis en pièces. La ville fut outragée dans ses symboles religieux et dans ses souvenirs les plus sacrés (2).

   Clément VII, de la famille des Médicis n’avait pas répondu à l’appel de son prédécesseur Adrien VI pour une réforme radicale de l’Eglise. Martin Luther répandait ses hérésies depuis dix ans, mais la Rome des Papes continuait à être immergée dans le relativisme et l’hédonisme. Les Romains, toutefois, n’étaient pas tous corrompus et efféminés, comme semble le croire l’historien Gregorovius. Ces nobles, tels Jules Vallati, Giambattista Savelli et Pierpaolo Tebaldi, qui, hissant une bannière avec l’enseigne « Pro Fide et Patria« , opposèrent l’ultime résistance héroïque au Pont Sixte (note du traducteur : pont sur le Tibre) ne l’étaient certes pas ; pas non plus les élèves du Collège Capranica, qui accoururent et moururent au Pont Saint-Esprit pour défendre le pape en danger. A cette hécatombe l’institution ecclésiastique romaine doit le titre de « Almo ». Clément VII se sauva et gouverna l’Église jusqu’en 1534, affrontant, après le schisme luthérien, celui anglican, mais avoir assisté sans pouvoir rien faire au pillage de la ville, fut pour lui plus dur que la mort elle-même.

   Le 17 Octobre 1528, les troupes impériales abandonnèrent une ville en ruines. Un témoin oculaire, un Espagnol, nous offre un tableau terrifiant de la ville un mois après le sac : « A Rome, capitale de la chrétienté, aucune cloche ne sonne plus, aucune église n’est ouverte, on ne dit plus de messe, il n’y a plus ni dimanche ni jour de fête. Les riches boutiques des marchands servent d’écuries pour les chevaux, les plus splendides palais sont dévastés, de nombreuses maisons ont été incendiées, d’autres réduites en pièces, privées de portes et de fenêtres, les rues sont transformées en fumier. C’est l’horrible puanteur des cadavres : les hommes et les bêtes ont la même sépulture ; dans les églises, j’ai vu des cadavres rongés par les chiens. Je ne trouve rien d’autre à comparer à cela, sauf la destruction de Jérusalem. Maintenant, je reconnais la justice de Dieu, qui n’oublie pas, même si elle vient tard. A Rome se commettaient ouvertement tous les péchés : sodomie, simonie, idolâtrie, hypocrisie, tromperie ; c’est pourquoi nous ne pouvons pas croire que cela soit arrivé par hasard. Mais par la justice divine » (3).

   Le Pape Clément VII commanda à Michel-Ange le Jugement Dernier dans la Chapelle Sixtine comme pour immortaliser le drame que l’Église de Rome avait subi durant ces années,. Tous comprirent qu’il s’agissait d’un châtiment du Ciel. Il y avait eu des avertissements, comme [par exemple] un éclair de foudre tombé sur le Vatican et l’apparition d’un ermite, Brandano da Petroio, vénéré par les foules comme « le fou du Christ », et qui le jour du Jeudi Saint 1527, tandis que Clément VII bénissait la foule à Saint-Pierre, avait crié : « Bâtard sodomite, pour tes péchés Rome sera détruite. Confesse toi et convertis toi, parce que dans quatorze jours, la colère de Dieu s’abattra sur toi et sur la ville ».

   L’année précédente, fin août, les armées chrétiennes avaient été défaites par les Ottomans sur le champ de Mohacs. Le roi de Hongrie Louis II Jagellon mourut dans la bataille et l’armée de Soliman le Magnifique occupa Buda. La vague islamique semblait inexorable en Europe.
Et pourtant, l’heure du châtiment fut, comme toujours, l’heure de la miséricorde. Les hommes d’Eglise réalisèrent à quel point, follement, ils avaient poursuivi l’attrait du plaisir et de la puissance. Après le terrible sac, la ville changea profondément. La Rome jouisseuse de la Renaissance se transforma en la Rome austère et pénitente de la Contre-Réforme.

   Parmi ceux qui souffrirent du Sac de Rome, figurait Gian Matteo Giberti, évêque de Vérone, mais qui résidait alors à Rome. Emprisonné par les assiégeants, il jura qu’il n’abandonnerait jamais sa résidence épiscopale, s’il était libéré. Il tint parole, retourna à Vérone et il se consacra avec toutes ses énergies à la réforme de son diocèse, jusqu’à sa mort en 1543. Saint-Charles Borromée, qui sera le modèle des évêques de la Réforme catholique s’inspirera de son exemple.

   Etaient également à Rome Carlo Carafa et saint Gaétan de Thiene qui, en 1524, avaient fondé l’Ordre des Théatins, un institut religieux raillé pour sa position doctrinale intransigeante et pour l’abandon à la divine Providence au point d’attendre l’aumône sans jamais la demander. Les deux co-fondateurs de l’ordre furent emprisonnés et torturés par les Lansquenets et échappèrent miraculeusement à la mort. Lorsque Carafa devint cardinal et président du premier tribunal de la Sainte Inquisition romaine et universelle, il voulut à ses côtés un autre saint, le Père Michele Ghislieri, un dominicain. Les deux hommes, Carafa et Ghislieri, sous les noms de Paul IV et de Pie V, seront les deux papes par excellence de la Contre-Réforme catholique du XVIe siècle. Le Concile de Trente (1545-1563) et la victoire de Lépante contre les Turcs (1571) démontrèrent que, même dans les heures les plus sombres de l’histoire, avec l’aide de Dieu, la renaissance est possible : mais aux origines de cette renaissance, il y avait eu le châtiment purificateur du Sac de Rome.

Professeur Roberto de Mattei

   Notes de l’auteur :
(1) Histoire des papes, Desclée, Rome, 1942, vol. IV, 2, p. 261.
(2) voir aussi André Chastel, le Sac de Rome, Einaudi, Turin 1983 ; Umberto Roberto, Roma capta. Il Sacco della città dai Galli ai Lanzichenecchi, Laterza, Bari 2012.
(3) L. von Pastor, Histoire des papes, cit., p. 278.

Professeur Roberto de Mattei

Professeur Roberto de Mattei

2015-102. Du Bienheureux Charles de Jésus que nous fêtons avec ferveur le 1er décembre.

Mardi 1er décembre 2015,
Fête du Bienheureux Charles de Jésus.

Viviers séminaire statue Charles de Foucauld

Statue du Bienheureux Charles de Jésus
érigée devant l’ancien grand séminaire de Viviers,
aujourd’hui « maison diocésaine Charles de Foucauld ».

Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,

       Ainsi que je vous l’écrivais hier (ici > 2015-100), notre Frère Maximilien-Marie était ce dernier dimanche à Montélimar et à Viviers, pour la Sainte Messe du premier dimanche de l’Avent et pour participer à l’hommage filial rendu par les fidèles de la chapelle Notre-Dame de la Rose au cher abbé Bryan Houghton.
Mais, comme je vous l’écrivais également hier, il y a une seconde partie au compte-rendu de ce dimanche : en prévision de la fête liturgique de ce jour, celle du Bienheureux Charles de Jésus, prêtre du diocèse de Viviers, Frère Maximilien-Marie, lorsqu’il avait compris dimanche matin que l’état des routes ne lui permettrait pas de se rendre à notre paroisse de Ceyssac, avait pris la résolution de se rendre à la Sainte Messe à Montélimar avec la pensée qu’il se rendrait ensuite à Viviers pour y visiter l’exposition consacrée au Bienheureux Père de Jésus.

   En effet, le diocèse de Viviers a inauguré le dimanche 22 novembre dernier une « année Charles de Foucauld » : commencée en novembre 2015 en commémorant le dixième anniversaire de la béatification du célèbre ermite du Sahara (à Rome, le 13 novembre 2005), elle s’achèvera au début décembre 2016 par la célébration du centenaire de sa mort (à Tamanrasset, le 1er décembre 1916).

Viviers séminaire Porche

Viviers, porche de la « maison diocésaine » – ancien grand séminaire -
avec l’annonce de l’ « année Charles de Foucauld ».

   A l’occasion de cette année particulière, jalonnée de diverses manifestations, la « maison diocésaine Charles de Foucauld » (ancien grand séminaire), a mis en place une exposition qui présente des photographies, des objets de culte, des souvenirs… etc. du Bienheureux Charles de Jésus.
Cette exposition se trouve dans ce qui fut naguère la chapelle de la Sainte Vierge jouxtant la grande chapelle du séminaire dans laquelle le Bienheureux Charles reçut l’ordination sacerdotale, le 9 juin 1901.

   J’avais déjà, dans les pages de ce blogue, évoqué les liens du Père de Foucauld avec le diocèse de Viviers à l’occasion du cent-dixième anniversaire de son ordination (voir ici > 2011-46), et je vous renvoie au texte et aux photographies que je publiais alors (en particulier la grande chapelle du séminaire dans son état ancien et la chasuble de la première Messe du Bienheureux Charles).

   Frère Maximilien-Marie a lui-même des liens spirituels très forts avec le Bienheureux Charles de Jésus, dont les écrits, depuis l’époque de son noviciat, l’ont régulièrement nourri.
En outre, en novembre 2005 – conjuguant d’une part la générosité d’une grande amie qui lui avait offert le voyage et le séjour à Rome, et d’autre part la confiante amitié du prêtre qui en était alors l’aumônier et l’avait sollicité pour guider dans la Ville Eternelle et accompagner à la cérémonie de béatification la délégation de l’Ecole de Cavalerie de Saumur - , la divine Providence avait, d’une manière vraiment merveilleuse, ménagé à notre Frère de remarquables rencontres avec des ecclésiastiques prudents et avisés travaillant à la Curie, lesquels lui avaient alors prodigué de sages conseils pour l’établissement du Refuge Notre-Dame de Compassion, si bien que la béatification du Père Charles de Jésus représente une date très importante pour notre très modeste oeuvre…

Viviers séminaire grande chapelle

Viviers, grande chapelle (état actuel) de la « maison diocésaine »
- ancien grand séminaire - ,

dans laquelle le Bienheureux Charles de Jésus fut ordonné prêtre, le 9 juin 1901.

   Lorsqu’il était jeune religieux, Frère Maximilien-Marie a également un peu connu l’un des derniers chanoines de la cathédrale de Viviers, le chanoine Briand : mort à la veille de ses cent ans en 1993, ce prêtre atypique, avait passé son enfance à Viviers où il était enfant de choeur à la paroisse.
Le 9 juin 1901, alors qu’il était âgé de sept ans, son curé l’avait emmené à la chapelle du grand séminaire pour y assister à l’ordination sacerdotale de Charles de Jésus par Monseigneur Montéty, en présence de Monseigneur Bonnet, évêque de Viviers.

Grâce aux souvenirs du chanoine Briand, nous ont été transmis quelques détails de cette ordination dont les biographes n’ont pas toujours eu connaissance.

   Mais il est bien temps de vous présenter quelques unes des photographies de cette exposition réalisées par Frère Maximilien-Marie, dimanche dernier à Viviers.

Viviers séminaire ancienne chapelle de la Vierge exposition Foucauld

Viviers, ancienne chapelle de la Sainte Vierge jouxtant la grande chapelle du séminaire :
sur l’autel sont présentés quelques uns des éléments de l’exposition consacrée au Bienheureux Charles de Jésus…

Viviers séminaire expo Foucauld étole et bourse 1ère Messe

en particulier, dans cette vitrine,
l’étole, le manipule  et le voile de calice de l’ornement de la première Messe
du Bienheureux Charles de Jésus

(prêtés par l’abbaye de Notre-Dame des Neiges où la chasuble se trouve exposée)

Viviers séminaire expo Foucauld

Viviers, ancienne chapelle de la Sainte Vierge jouxtant la grande chapelle du séminaire,
vitrines présentant des photographies, souvenirs, ou objets
ayant été à l’usage du Bienheureux Charles de Jésus.

Viviers séminaire expo Foucauld linge d'autel

Dessin de Notre-Seigneur en prière réalisé par le Bienheureux Charles de Jésus
et pale de calice qui a été à son usage.

Viviers séminaire expo Foucauld ostensoir

Photographies de la « khaoua » de Beni-Abbès,
ostensoir et chandeliers à l’usage du Bienheureux Charles de Jésus.

Viviers séminaire expo Foucauld chemin de croix

Petites stations, en bois, du Chemin de Croix (stations XI, XII et XIII)
réalisées et dessinées par le Bienheureux Charles de Jésus pour sa chapelle.

Viviers séminaire expo Foucauld bréviaire

Bréviaire du Bienheureux Charles de Jésus,
sur la page de garde sont écrites de sa main les lignes suivantes
(sous le titre « Breviarium Romanum ») :

VIS COMME SI TU DEVAIS MARTYR AUJOURD’HUI.
Sacré-Coeur Foucauld
Plus tout nous manque sur terre,
plus nous trouvons
ce que peut nous donner de meilleur la terre :
la CROIX.
Sacré-Coeur Foucauld

Plus nous embrassons la Croix,
plus nous étreignons étroitement
JESUS
qui y est attaché.

Sacré-Coeur Foucauld

+ Armand de Foucauld, Prêtre, Vicaire Général de Mgr. du Lau archevêque
d’Arles ; mort Martyr à la prison du Couvent des Carmes, le 2 septembre 1792.
(mon arrière grand-oncle.)
+ Jean-Marie du Lau, Archevêque d’Arles ; mort Martyr à la prison du
couvent des Carmes, le 2 septembre 1792. (mon arrière-grand-oncle à
la mode de Bretagne.)                                                                             

   Grâce à ces quelques photographies, chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion, qui pour la plupart êtes très loin de notre Vivarais et n’y viendrez pas forcément dans les prochains mois afin de visiter « pour de vrai » cette exposition, j’ai néanmoins voulu vous permettre d’en profiter un peu à la suite de Frère Maximilien-Marie, qui avait très spécialement pour dessein, en se recueillant devant toutes ces précieuses reliques, de recommander au Bienheureux Charles de Jésus la centaine de participants (soit via Facebook soit par un envoi quotidien direct dans leur boite aux lettres électronique) à la préparation spirituelle de cet Avent 2015 (cf. > ici), préparation qui est tout imprégnée des textes du Père de Foucauld et de son cher directeur spirituel, l’abbé Henri Huvelin.

 Belle et fervente fête du Bienheureux Charles de Jésus à vous tous !
Qu’il intercède pour chacun d’entre nous !
Qu’il prie pour notre France qui en a si grand besoin !

Lully.

Relique du Bienheureux Charles de Foucauld

Relique du Bienheureux Charles de Jésus dans l’oratoire du Mesnil-Marie.

2015-101. De la restauration de la chapelle Notre-Dame de la Rose dans laquelle Monsieur l’abbé Bryan Houghton avait restauré le culte catholique.

Lundi soir 30 novembre 2015,
fête de l’apôtre Saint André, le Protoklite.

Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,

Il faut que je prenne quelques instants, ce soir, pour vous parler de la manière dont notre Frère Maximilien-Marie a passé le premier dimanche de l’Avent – hier donc – , et je le ferai même en deux parties…

Ce dimanche 29 novembre, même si dans le reste de la journée allait se produire une hausse assez spectaculaire des températures, au petit matin le thermomètre était très proche de 0° dans notre hameau, et les routes qui traversent le massif du Mézenc étaient déconseillées à la circulation en raison du verglas.
Alors Frère Maximilien-Marie a résolu de se rendre à la Sainte Messe à la chapelle Notre-Dame de la Rose, à Montélimar, où elle est célébrée à 8 h 45 : il a donc pris la route à 6 h 45, puisqu’il faut compter deux heures de trajet pour s’y rendre.

J’avais eu l’occasion de vous parler de cette chapelle, à laquelle notre Frère est très attaché, il y a exactement trois ans, à l’occasion de la célébration du vingtième anniversaire du rappel à Dieu de Monsieur l’abbé Bryan Houghton, le 26 novembre 2012 (voir ici > 2012.84). 
Je me permets de me citer moi-même, car j’écrivais alors : « (…) que soient chaleureusement remerciés les fidèles, et tout spécialement les responsables et membres de l’association des Amis de la Chapelle Notre-Dame de la Rose (…) qui maintiennent sur place le souvenir vivant et agissent pour que perdure l’oeuvre de l’abbé Houghton qui rendit cette antique chapelle au culte pour lequel elle avait été construite.
Souhaitons, pour terminer, que les démarches entreprises en vue de la mise hors d’eau et la restauration nécessaire de ce bel édifice soient promptement couronnées de succès, afin que le trésor inestimable de la Sainte Messe traditionnelle soit célébré dans un écrin pleinement digne de lui !»
Or, justement, Frère Maximilien-Marie m’a rapporté quelques photos tout-à-fait impressionnantes que je me dois de partager avec vous.

ND de la Rose - toiture restaurée

Montélimar, chapelle Notre-Dame de la Rose : la toiture restaurée.

La chapelle Notre-Dame de la Rose est l’un des plus anciens édifices de Montélimar : chapelle romane du XIIème siècle, gravement endommagée et en partie détruite par les huguenots au XVIème siècle, réparée et modifiée au XVIIème siècle – notamment par l’élévation d’une façade de style baroque et l’adjonction de chapelles latérales – , elle fut spoliée comme « bien national » puis vendue lors de la révolution. Rachetée par une vieille famille de la ville, elle a été leur caveau familial pendant près de deux siècles.

C’est en 1984 que l’abbé Houghton y restaura la célébration du culte catholique.
On sait que, retiré à Viviers dans une maison du quartier canonial qu’il avait acquise, l’abbé Bryan Houghton célébrait la Sainte Messe tridentine pratiquement tous les jours au maître-autel de la cathédrale Saint-Vincent (voir > ici), avec l’accord de l’évêque, le très libéral Monseigneur Hermil (cf. > ici et ici).
Saluons donc le fait – il mérite d’être souligné – que la cathédrale de Viviers (dans laquelle par ailleurs il n’y avait que très rarement des célébrations « officielles ») fut jusqu’en 1992, c’est-à-dire jusqu’à la mort de l’abbé Houghton, l’unique cathédrale de France dans laquelle la Sainte Messe traditionnelle restait célébrée de manière quasi quotidienne !
Néanmoins cette permission n’était accordée à l’abbé Houghton qu’à la condition qu’il n’y eût point de fidèles qui y assistât…

Or il y avait tout de même des fidèles qui demandaient à bénéficier de la Sainte Messe traditionnelle les dimanches et fêtes : c’est la raison pour laquelle l’abbé Houghton - j’ai déjà eu l’occasion de le raconter plus en détail à l’occasion du centenaire de sa naissance (voir > ici) – instaura la célébration dominicale de la Sainte Messe traditionnelle à Notre-Dame de la Rose.

ND de la Rose - le sanctuaire pour un dimanche vert

Chapelle Notre-Dame de la Rose :
le sanctuaire prêt pour la célébration de la Sainte Messe à l’occasion d’un « dimanche vert »

La chapelle, devenue propriété de l’évêché de Valence, était affectée par de très importantes dégradations.
L’association des « Amis de Notre-Dame de la Rose », depuis des années, oeuvrait en vue de sa restauration : un cabinet d’architectes du patrimoine avait souligné l’intérêt artistique et patrimonial de l’édifice pluriséculaire, tout en pointant du doigt la nécessité de très gros travaux.

Après diverses recherches de financement, l’espoir est venu de Monaco.
En effet, à l’occasion d’une visite qu’il fit à Montélimar en 2013, Son Altesse Sérénissime le Prince Albert II, dont les ancêtres furent suzerains du duché de Valentinois, voulut bien accorder son intérêt à Notre-Dame de la Rose, au point qu’il décida d’un don important en sa faveur.
Ce fut une véritable impulsion : la générosité du Prince en a suscité d’autres, les dons de particuliers ou d’associations ont suivi, si bien que, depuis un an, la chapelle est entrée dans une phase de véritable renaissance.
Le chantier à obtenu le label de la Fondation du Patrimoine qui a ouvert une souscription publique…

La toiture prenait l’eau au point qu’il pleuvait dans la chapelle, et de très importantes remontées capillaires d’humidité en altéraient les murs.
Le toit a été entièrement refaite (voir photo ci-dessus) : toutes les anciennes tuiles qui pouvaient l’être ont été soigneusement nettoyées pour être réutilisées, et d’autres tuiles anciennes de même facture ont remplacé celles qui étaient déficientes.
Le drainage périphérique de l’édifice a été réalisé.
Le clocheton, qui était chancelant, a été consolidé et, depuis plusieurs mois déjà, la cloche de la chapelle – que l’on craignait de mettre en branle par crainte de la voir tomber – peut à nouveau faire entendre sa voix et annoncer la célébration de la Messe.

Ce dimanche, lorsqu’il est arrivé à Montélimar, Frère Maximilien-Marie a été enchanté de voir que la restauration des façades est presque achevée. En témoignent ces deux photographies : la première prise le 25 novembre 2012 et la seconde ce 29 novembre 2015…

ND de la Rose - Montélimar 25 nov 2012

ND de la Rose - Montélimar 29 nov 2015

Après ces très importants travaux extérieurs, sans lesquels cela était absolument impensable, la réfection des décors intérieurs pourra être envisagée… en fonction, bien sûr, des ressources disponibles.

Quelle joie, en tout cas, pour tous ceux qui ont tissé des liens très forts avec cette chapelle, d’assister à cette véritable « transfiguration », et nous ne doutons pas que, depuis son éternité, Monsieur l’abbé Houghton, qui y avait restauré le culte catholique, se réjouit lui aussi grandement de cette restauration.

Justement, il se trouve que ce dernier dimanche du mois de novembre, les fidèles de Notre-Dame de la Rose avaient programmé un pèlerinage à Viviers sur la tombe de leur ancien pasteur. Frère Maximilien-Marie a été très chaleureusement invité à y participer, ce qui l’a beaucoup touché.

Dans l’après-midi de ce dimanche 29 novembre 2015, donc, autour de Monsieur l’abbé Thibault Paris, de la Fraternité Saint-Pierre, qui est le desservant actuellement désigné pour la chapelle Notre-Dame de la Rose,  un petit groupe fervent a récité un chapelet à l’intérieur de la chapelle sépucrale des chanoines de la cathédrale de Viviers, édifiée au centre du cimetière (chapelle qu’ils avaient eux-mêmes nettoyée) avant d’aller se recueillir sur la tombe de l’abbé Bryan Houghton qui se trouve à quelques dizaines de mètres de son chevet.

Viviers, chapelle sépulcrale des chanoines au cimetière - intérieur

Chapelle sépulcrale des chanoines de la cathédrale de Viviers, édifiée au milieu du cimetière,
dans laquelle les fidèles de Notre-Dame de la Rose ont récité le chapelet.

Viviers cimetière tombe de l'abbé Bryan Houghton

Cimetière de Viviers, pierre tombale de Monsieur l’abbé Bryan Houghton.

Sur le compte-rendu de cet hommage filial qu’ont rendu les fidèles – ils n’ont jamais autant mérité ce nom ! – de Notre-Dame de la Rose, j’achève ce soir la première partie de mon compte-rendu du premier dimanche de l’Avent.
Je reviendrai vers vous dès demain pour la seconde…

pattes de chatLully.

Publié dans:Chronique de Lully, Memento |on 30 novembre, 2015 |3 Commentaires »

2015-100. La légende du blason des Rois de France orné des trois fleurs de lys représentée dans les « Heures de Bedford ».

27 novembre.

Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,

       Outre la fête liturgique de la manifestation de la médaille de l’Immaculée Conception, dite « médaille miraculeuse », révélée à Sainte Catherine Labouré (27 novembre 1830 – cf. > ici), chaque 27 novembre ramène aussi l’anniversaire du rappel à Dieu de notre premier Roi catholique : Clovis 1er le Grand.
A l’occasion du quinzième centenaire de sa mort, en 2011, j’avais déjà célébré sa mémoire dans les pages de ce blogue (cf. > ici), mais aujourd’hui, en son honneur, à travers les admirables miniatures d’un remarquable manuscrit du premier quart du XVème siècle, je souhaite vous rappeler l’une des plus belles légendes nous rapportant l’origine des fleurs de lys des Rois de France.

Heures de Bedford 1er feuillet

Grande miniature de la légende du blason aux trois fleurs de lys donné à Clovis par Sainte Clotilde
(Heures de Bedford, feuillet 288 verso)

   Le manuscrit en question est un livre d’heures à l’usage de Paris, pour sa majeure partie enluminé en cette même ville. Comme on ne connaît pas le nom de celui qui a réalisé ces enluminures, on l’a surnommé « le Maître de Bedford ».
L’ouvrage aurait été réalisé en 1415, commandé par Louis de Guyenne, fils de Charles VI ; puis, en 1423, il serait devenu la propriété de Jean de Lancastre, duc de Bedford, lorsque il épousa Anne de Bourgogne, fille de Jean sans peur : c’est de là que lui vient le nom d’ « Heures de Bedford » par lequel il est désigné. Depuis la fin du XVIIIème siècle, il est conservé à la British Library sous la référence Add.Ms 18850.

   Les « Heures de Bedford » sont constituées de 289 feuillets contenant 38 grandes miniatures, 3 initiales historiées et environ 1250 illustrations de marge : on y trouve un calendrier, des passages de l’Evangile, des prières à la Vierge, l’office de la Sainte Vierge, les psaumes de la pénitence et des litanies, les heures de la semaine… etc.
Tout à la fin, sur trois pages (verso du feuillet 288 et les deux côtés du feuillet 289), vient la légende du blason des Rois de France ornée des trois fleurs de lys.

   Il existe plusieurs explications ou légendes sur l’origine des fleurs de lys : celle qui est rapportée et illustrée ici fait en quelque sorte figure de « version officielle » ; on en trouve des traces antérieurement mais on peut dire qu’elle se trouve définitivement fixée au début du XVème siècle.

Heures de Bedford 2ème page feuillet 289 recto

 Légende du blason aux trois fleurs de lys donné à Clovis par Sainte Clotilde
(Heures de Bedford, feuillet 289 recto)

Heures de Bedford 3ème page feuillet 298 verso

 Légende du blason aux trois fleurs de lys donné à Clovis par Sainte Clotilde
(Heures de Bedford, feuillet 289 verso)

   Selon cette légende donc, dans l’ancienne forêt de Crüye (que, depuis le XVIIIème siècle, on appelle désormais forêt de Marly), dans un vallon près d’une source, vivait un saint ermite auquel la Reine Clotilde se plaisait à rendre visite : elle bénéficiait de ses sages conseils spirituels et veillait à sa subsistance.
Dans sa prière, l’ermite fut gratifié d’une vision : il vit un ange, mandaté par Notre-Seigneur, qui lui montrait un écu d’azur orné de trois fleurs de lys d’or et lui enjoignait de faire savoir au Roi Clovis que Dieu voulait qu’il l’adoptât désormais à la place de l’écu aux trois croissants (certains auteurs disent crapauds) qui avait jusqu’alors été le sien.

   Le saint moine en informa donc Sainte Clotilde qui parvint ensuite à convaincre Clovis alors qu’il se préparait à guerroyer contre Audoc, chef sarrasin venu d’Allemagne.
La bataille, dans la plaine de Conflans-Sainte-Honorine, fut terrible, mais les guerriers de Clovis galvanisés y firent montre d’un courage et d’une force extraordinaires, si bien que la défaite d’Audoc fut totale et que cela détermina Clovis à adopter définitivement les trois fleurs de lys pour emblème.
A quelque temps de là, définitivement converti, il fut baptisé par Saint Remi.

   La victoire fut achevée au lieu dit Mont-joye, qui était tout proche du vallon de l’ermite. C’est à ce fait que la tradition capétienne rapporte le cri de guerre « Montjoie ! » (auquel – au début du XIIIème siècle – fut ajouté le nom de Saint Denys)
Au lieu-dit Mont-joye se trouvait une tour (dont il ne reste que quelques vestiges enfouis), et proche d’elle, à l’emplacement de l’ermitage, fut par la suite fondée l’abbaye de Joyenval (Joye-en-val), en l’honneur du don céleste des trois fleurs de lys.
L’abbaye fut détruite à la révolution et il n’en subsiste aujourd’hui que quelques éléments, à l’intérieur du golf de Joyenval (sur l’actuelle commune de Chambourcy).

   Tous ces éléments se retrouvent dans les enluminures des « Heures de Bedford » dont je vous ai ci-dessus montré les trois pages relatant cette légende – et en particulier la grande enluminure du verso du feuillet 288 – mais dont nous allons maintenant admirer les détails.

   Voyons en premier lieu (en haut à droite), Dieu, représenté comme un Roi portant couronne, remettant en mains propres à un ange le symbole qu’Il souhaite voir adopter par Clovis.

Heures de Bedford-détail 1

   En s’approchant d’un peu plus près encore on est émerveillé par les détails de cette scène : la main droite de Dieu bénissant l’insigne royal qu’Il confie à l’ange, la couronne fermée – comme celle des empereurs – , et Son attitude légèrement inclinée qui exprime une sollicitude particulière.

   Peut-être faut-il que je précise (pour les jeunes chats qui auraient un ventre à la place des yeux, et pour certains humains qui ne seraient pas très instruits des représentations de l’art religieux médiéval) que ce ne sont pas des poissons rouges qui forment un cercle autour du Seigneur Dieu, mais des séraphins : ils forment le plus élevé des neufs chœurs des anges, ils contemplent Dieu face à face et – comme dans la vision du prophète Isaïe (VI, 1-3) – ils ont six ailes dont une paire leur sert à se recouvrir eux-mêmes, par respect pour Dieu dont ils sont les plus proches ; ils sont représentés en rouge parce qu’ils sont ardents plus que des braises (leur nom dérive du verbe hébreu qui signifie brûler).

Heures de Bedford-détail 2

Dans le registre inférieur, sur la gauche de la page, on aperçoit en arrière-plan l’ermitage, en partie caché par les arbres de la forêt de Crüye.

Heures de Bedford-détail 3

Devant, se trouve la scène où l’ermite, fléchissant respectueusement un genou devant Sainte Clotilde, lui fait part de sa vision. 

Heures de Bedford-détail 4

   Voyez comme il est bien figuré cet ermite : les pieds nus dans ses sandales, le bâton noueux qui lui sert de canne, sa longue chevelure rejetée en arrière et sa grande barbe fleurie !

Heures de Bedford-détail 5

   Sainte Clotilde est montrée comme une souveraine du XVème siècle.
Elle est accompagnée de trois nobles dames, probablement des dames d’atours : leurs robes chatoyantes et riches, ainsi que leurs doubles hennins montrent bien qu’il ne s’agit pas de domestiques ; l’une d’entre elle porte la traîne de son manteau royal, et une autre porte son livre d’heures.
Sainte Clotilde les surpasse en magnificence : sur sa robe particulièrement ample, elle a revêtu un surcot d’hermine avec une large broderie centrale ; sa chevelure est coiffée en macarons, bordés de perles semble-t-il, et elle porte une couronne ouvragée, constellée de pierreries.

Son attitude exprime une sorte de surprise et son visage trahit une certaine inquiétude, un trouble intérieur : « Comment vais-je pouvoir convaincre mon mari de la réalité de ces choses divines, alors qu’il n’est pas encore chrétien ? »

Heures de Bedford-détail 6

   Au-dessus de cette scène on remarque l’ange, en train de retourner vers Dieu. Son expression est toute de sereine confiance pour les suites de la mission dont il a été le messager.

Heures de Bedford-détail 7

   Une complicité féline me porte au passage à vous faire remarquer l’expèce de lynx ou de gros chat sauvage qui est à l’affût dans un repli du terrain proche de l’ermitage…

Heures de Bedford-détail 8

   La partie la plus importante de cette grande enluminure représente ensuite le moment où la Reine Clotilde convainct son royal époux d’adopter l’écu d’azur aux trois fleurs de lys.

   La scène se passe à l’intérieur d’un château qui, s’il présente encore certains aspects de la forteresse médiévale (tours, créneaux, échauguettes, barbacane, chemin de ronde, meurtrières, machicoulis et bretêches) par ses toitures d’ardoise aux faîtages dorés, ses délicates mansardes, ses balustrades et fenêtres caractéristiques du gothique flamboyant, son perron orné qui descend vers le jardin intérieur, et par la richesse de l’ornementation des murs intérieurs, montre bien qu’il est une demeure royale davantage ordonnée à l’apparat qu’à la vie de garnison.

   Le Roi Clovis, assisté de ses écuyers, est en train de revêtir son armure : l’attitude de celui qui lui présente son écu semble marquer la surprise de n’y plus voir les trois croissants (ou crapauds) qui y figuraient précédemment. Sainte Clotilde est assise, ce qui dénote une certaine forme d’autorité en face de son époux.

Heures de Bedford-détail 9

   Remarquons au passage l’écuyer en train d’ajuster aux pieds de Clovis des éperons dorés. Voyez aussi le petit chien qui a le regard levé vers son maître.

Heures de Bedford-détail 11

   Un gros plan sur le couple royal fait en premier lieu ressortir que Clotilde – tout en présentant elle-même de la main droite l’écu fleurdelysé à Clovis - est en train de lui expliquer ce dont il s’agit : on le voit à son index gauche tendu.

   On voit aussi que Clovis, dont le regard est fixé sur le visage de son épouse, est en train d’accepter ces nouveaux symboles sur son écu : cela est manifesté par le fait qu’il le saisit de sa main gauche. L’autre main, posée sur sa hanche, contribue encore à exprimer une forme de confiance, alors que si elle était levée et tournée vers l’écu, un peu inclinée vers l’arrière, elle indiquerait le rejet ou du moins une forme de réticence.

   Parmi les autres détails dignes d’intérêt, il faut admirer l’écuyer en train d’assujettir à l’épaule l’armure de son souverain, ainsi que le heaume, surmonté de la couronne, qui est posé sur la table. 

Heures de Bedford-détail 12

   La miniature du bas de page, au recto du feuillet 289, illustre la bataille au cours de laquelle Clovis est victorieux d’Audoc : le Roi franc est identifié par une tunique bleu brodée de fleurs de lys, enfilée par dessus l’armure, et non plus seulement par un écu.

Heures de Bedford-détail 13

   Enfin, la miniature de la marge gauche au verso du feuillet 289, représente le baptême de Clovis.
Le Roi est debout dans la cuve baptismale sur le côté gauche de laquelle Saint Remi reçoit d’une colombe divine la Sainte Ampoule (cf. > ici), avec laquelle ensuite – sur le côté droit de la cuve – il lui confère l’onction sainte : onction qui est tout à la fois celle du sacrement et celle du sacre.

Heures de Bedford-détail 14

   On le voit, la « légende » (en latin « legenda » signifie : les choses qu’il faut lire) illustrée dans ces « Heures de Bedford », tout en restant fondamentalement fidèle aux grandes lignes des faits historiques, opère néanmoins quelques confusions ou télescopages (le chef sarrasin venu d’Allemagne, la bataille de Conflans-Sainte-Honorine remplaçant celle de Tolbiac… etc.), mais cela importe peu pour l’homme du XVème siècle qui ne perçoit pas l’histoire comme nous la concevons de nos jours, après plus de deux siècles marqués par le rationalisme et l’hyper-criticisme, mais davantage comme un récit manifestant les interventions de Dieu dans le temps des hommes.

   La « légende » est profondément vraie dans la mesure où, plus que le comment détaillé des faits et des événements, elle veut nous en révéler le sens caché et la réalité spirituelle.

   Cette « légende » nous est chère, et nous la recevons comme surnaturellement authentique, au-delà de ses inexactitudes, parce qu’elle a été ainsi comprise et vécue par les hommes des générations passés qui regardaient la royauté française – la sainte royauté française – avec les yeux illuminés de l’âme.
Ainsi a-t-elle fait vivre jadis les loyaux serviteurs de nos Rois, successeurs de Clovis ; ainsi nous vivifie-t-elle encore aujourd’hui, en instillant dans nos coeurs l’amour mystique et la dévotion filliale pour la glorieuse royauté qui a fait la France, et sans laquelle la France se défait…

Patte de chat Lully.

Heures de Bedford-détail fleurs de lys

2015-98. De quelques réflexions sur les conditions d’une authentique et solide restauration royale.

23 novembre,
Fête de Saint Clément 1er, pape et martyr (cf. > ici) ;
Anniversaire du rappel à Dieu de Louis de Bonald, baron-pair de France.

Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,

    Ce jour du 23 novembre est l’anniversaire du rappel à Dieu de Louis Gabriel Ambroise, vicomte de Bonald, chevalier de Saint-Louis, baron-pair de France et membre de l’Académie Française (+ 23 novembre 1840).

Millau - buste de Louis de Bonald

Buste de Louis de Bonald à Millau.

   La présentation et l’analyse de la très intéressante pensée de Louis de Bonald va bien au-delà des limites et du cadre de mon modeste blogue ; aussi ne puis-je que renvoyer mes lecteurs qui voudraient l’approfondir aux textes mêmes de ce grand auteur, ou à ce qui en a été publié par des auteurs de confiance (comme par exemple sur l’excellent site Vive le Roy, ici > de la souveraineté, ou ici > du gouvernement représentatif, ou encore ici > droit divin).

   Pour aujourd’hui, en me contentant de leur donner pour exergue l’une des plus fameuses citations de celui qui demeure l’une des voix les plus autorisées et l’un des penseurs les plus solides de la contre-révolution, je voulais alimenter votre réflexion de quelques pensées sur les conditions d’une authentique et solide restauration royale

Lully.

frise lys

« La révolution a commencé par la déclaration des droits de l’homme :
elle ne finira que par la déclaration des droits de Dieu ».
                                                                                                                          Louis de Bonald.

       1) – Il y a un assez grand nombre de personnes qui se disent favorables à la royauté ; mais, parmi elles, on trouve un très large éventail de conceptions, parfois très opposées les unes aux autres : qu’y a-t-il de commun entre un « orléaniste » et un « légitimiste » (pour ne parler que des deux grands courants royalistes) ? Il n’est même pas certain que, si l’on demandait aux uns et aux autres de définir le mot « roi » qu’ils ont en commun, on obtienne la même notion.
Parmi les royalistes on en trouve un assez grand nombre qui se dit « légitimiste », c’est-à-dire soutenant les droits dynastiques de Monseigneur le Prince Louis de Bourbon, duc d’Anjou ; mais, parmi ces « légitimistes », existe encore un certaine variété d’idées divergentes, voire absolument incompatibles entre elles. Il y a ceux qui, à la suite du Comte de Chambord, tiennent fermement aux principes de la monarchie capétienne traditionnelle, et il y a ceux qui s’accommoderaient d’une royauté qualifiée de « moderne » dont la quasi seule différence avec l’actuelle cinquième république consisterait dans le fait qu’au lieu d’un président de la république élu, il y aurait à la tête de l’Etat Louis XX et ses successeurs.
La restauration royale à laquelle nous aspirons, à laquelle nous travaillons, est celle d’une monarchie traditionnelle pleinement conforme aux principes et traditions de celle qui a succombé sous les coups de la sinistre révolution : pas une royauté parlementaire, ou « constitutionnelle », comme on en trouve en plusieurs pays d’Europe aujourd’hui.

        2) – On trouve également un nombre assez important de personnes favorables à la royauté, qui vivent avec l’illusion que le seul fait de placer un roi (Louis XX par exemple, mais un certain nombre de « survivantistes » ou de « providentialistes » partagent aussi ce genre d’idées en promouvant leurs candidats – connus ou cachés -) à la tête de la France telle qu’elle se trouve aujourd’hui, comme une espèce de « deus ex machina », pour que, comme par enchantement, tout se retrouve automatiquement changé, amélioré, renouvelé.
Il m’est arrivé de recevoir des messages que je qualifie volontiers de délirants : des personnes sans nul doute enthousiastes, mais à mon avis manquant pour le moins de réalisme (si ce n’est d’équilibre intellectuel et psychologique), qui m’écrivent qu’elles sont prêtes, dès aujourd’hui ou dès demain, à conduire le Prince à Reims et, là, à demander à l’archevêque de lui conférer le Sacre !
S’imaginent-elles être de « nouvelles Jeanne d’Arc » ?
En tout cas, d’après elles, sitôt la cérémonie achevée, la France serait transformée et, telle la « Belle au bois dormant » au contact des lèvres du prince charmant, se réveillerait catholique et royale…
Les « zinzins » de cette sorte (qui, en plus, sont très souvent animés d’un zèle indiscret et tapageur), à mon avis, portent un tort considérable à l’idée royale.

       3) - Vouloir, aujourd’hui, restaurer en France une royauté, d’un claquement de doigts, relève d’un manque de réalisme absolu. Or le réalisme est, philosophiquement, l’un des piliers de la monarchie légitime.
La restauration monarchique ne sera pas le début du renouveau que nous espérons et auquel nous travaillons, avec nos faibles moyens actuels : elle en sera la clef de voûte, l’achèvement.
La restauration royale, en France, ne se pourra faire que sur les fondements solides d’une restauration spirituelle, d’une pleine restauration catholique. Elle ne sera pas simplement politique, dans le sens où elle ne consistera pas à remplacer le système républicain actuellement en place par un système monarchique, de la même façon que l’on opère un simple ravalement de façade ou comme un changement de décor au théâtre. Il faudra – ni plus ni moins – revenir au Pacte de Reims, acte fondateur de la monarchie traditionnelle en ce Royaume, acte fondateur qui a été renouvelé, réitéré et réactualisé à chacun des Sacres de nos Souverains.

       4) – Aussi, pour travailler efficacement au rétablissement d’institutions monarchiques stables et pérennes, faut-il commencer par travailler à la conversion des mentalités, des intelligences, des cœurs, des esprits et des âmes.
C’est bien – malgré le remarquable travail des Chevaliers de la Foi, malgré l’action de la Congrégation, et malgré le soutien et les convictions sincères du Roi Charles X – parce qu’elle a échoué dans le domaine de la conversion profonde et générale des Français (conversion à tous les niveaux : intelligences, moeurs, mentalités, esprits et âmes) que la Restauration de 1815 n’a pas pu se maintenir, malgré ses brillantes réussites économiques et militaires.
La façade, aussi belle fut-elle, avait seulement masqué et non renouvelé les mentalités polluées et viciées par les idées révolutionnaires : elle n’avait pas restauré en profondeur la compréhension et l’amour religieux du mystère sacré de la Royauté traditionnelle qui ne peut s’épanouir et subsister que dans une Chrétienté vivante, individuellement et socialement.

       5) – L’expérience me montre encore que beaucoup de royalistes, beaucoup de légitimistes, ont en vérité peur des exigences d’une telle restauration, peur des conséquences que cela entraînerait dans leur propre vie, finalement peur d’avoir à mettre en oeuvre une vraie et absolue cohérence entre leurs idées et leurs mœurs, leurs paroles et leur mode de vie.
Ils vivent dans une espèce de pieuse nostalgie, qui ne les contraint pas à renoncer à l’esprit du monde ni à leurs continues compromissions avec les modes et avec l’air du temps : ils n’ont pas envie de se convertir.
Ils se précipitent, la bouche en coeur, aux « coquetèles », aux bals et aux cérémonies où l’on annonce la présence du Prince, mais ils prennent bien garde de s’engager – surtout si cela impose quelque sacrifice et si cela exige de la persévérance – dans un travail de fond.
Ils sont de pauvres courtisans, ils ne seront jamais de valeureux chouans.

       6) – Il est indubitable que l’un des premiers et des plus urgents devoirs des légitimistes, aujourd’hui, consiste à acquérir non seulement une nécessaire formation intellectuelle – philosophique, historique, doctrinale… etc. – , mais, en outre et par-dessus tout, une encore plus nécessaire et solide formation spirituelle.
La vie spirituelle des légitimistes ne peut seulement consister dans une honnête connaissance du catéchisme, et dans une pratique religieuse régulière mais trop formelle ; elle doit imprégner, animer vivifier tout leur quotidien.
C’est parce qu’il sera l’incarnation d’un catholicisme fort et décomplexé (comme l’on dit aujourd’hui), épanoui et rayonnant, que le témoignage des légitimistes sera conquérant.

       7) – La restauration de la monarchie légitime sera un miracle de la grâce, quelque chose qui ressemblera – dans l’ordre social et politique – à la résurrection du corps de Lazare en putréfaction, quelque chose de plus grand encore que le miracle du sursaut national suscité par l’intervention de ce doigt de Dieu dans notre histoire que fut Sainte Jeanne d’Arc.
Mais les miracles ont un prix : de la même manière que le rachat et le salut des âmes ont pour rançon les tourments de la douloureuse Passion, la conversion de la France et son retour de fille prodigue repentante dans les bras de ce lieu-tenant de Dieu sur terre qu’est le Roi légitime, désigné par les Lois Fondamentales du Royaume, exige de nouveaux Golgotha : des prières toujours plus ferventes, des sacrifices toujours plus généreux, des pénitences volontaires toujours plus nombreuses, et des immolations secrètes dans le Gethsémani de ces nuits de l’âme et de l’esprit que connaissent les privilégiés du Coeur de Jésus…

Addenda :

a) – Que l’on ne se méprenne pas sur nos paroles. Nous sommes fermement convaincus que « de la forme donnée à la société, en harmonie ou non avec les lois divines, dépend et s’infiltre le bien ou le mal des âmes… » (Pie XII, radio-message du 1er juin 1941 pour le cinquantième anniversaire de l’encyclique « Rerum novarum ») ; si ce n’était pas le cas, nous ne militerions pas pour la restauration de la monarchie traditionnelle. Mais « la forme donnée à la société » ne peut perdurer si les individus, les familles et les corps intermédiaires qui composent cette société n’adhèrent pas aux principes qui fondent cette « forme », et si celle-ci est seulement imposée d’en-haut sur des sujets totalement passifs.

b) – Certains, parfois, insistent tellement sur le devoir fait aux chrétiens de travailler à leur perfection pour infléchir sur la marche du monde, qu’ils en arrivent presque à conclure – ou à laisser penser à leurs auditeurs – qu’il serait résolument vain de tenter d’agir ici-bas si l’on n’est pas arrivé à un haut degré de vertu, voire parvenu à la sainteté ! Semblable exagération n’est pas conforme à l’Evangile, n’est pas conforme à l’enseignement et à la pratique séculaire de l’Eglise. Certes, plus une âme est sainte et plus elle a d’influence, non seulement dans le seul domaine de la spiritualité, mais aussi sur la société des hommes : « Toute âme qui s’élève élève le monde » (Elisabeth Leseur). Toutefois, même s’il n’est pas parvenu à la perfection, même s’il lutte encore parfois douloureusement contre ses propres péchés et ses tendances désordonnées, même si sa faiblesse lui est l’occasion de chutes (et donc aussi – normalement – de relèvements !) tout chrétien, quelque imparfait qu’il soit encore, est appelé et habilité à travailler – selon sa mesure, ses capacités et sa place dans la société – pour qu’elle soit toujours plus conforme aux lois divines et aux merveilleux desseins de la Providence sur sa patrie.

Scapulaire Sacré-Coeur

« La révolution a commencé par la déclaration des droits de l’homme :
elle ne finira que par la déclaration des droits de Dieu ».

                                                           Louis de Bonald.

frise lys

Recette du Mesnil-Marie : Gâteau à la crème de marron.

21 novembre, fête de la Présentation de Notre-Dame au Temple.

La fête de la Présentation de la Très Sainte Vierge Marie au Temple, très aimée en notre Mesnil-Marie (cf. > ici, > ici, > ici et > ici), se doit d’être, selon un néologisme de Frère Maximilien-Marie, une « fête bon-dessertifère » : on sait que le suffixe « -fère », dérivé du verbe latin ferre, indique l’action de porter, d’apporter ou de contenir.
Alors, puisque bon dessert il doit y avoir, bon dessert il y aura ! Je vous propose ci-dessous – parce que nous sommes en automne et parce qu’en Vivarais la châtaigne est par excellence le fruit de l’automne – un excellent gâteau à base de crème de marron, l’une de nos plus fameuses spécialité vivaroise…
Allez ! Vite ! A vos jattes et à vos fourneaux !

Lully.

châtaignes

Ingrédients :

3 œufs, 100 grammes de sucre, 100 grammes de farine, 150 grammes de beurre, 500 grammes de crème de marron.

Préparation :

préchauffer le four à 230° (thermostat 8) ; dans une casserole faire fondre le beurre et y ajouter le sucre tout en remuant ; hors du feu ajouter la crème de marron, bien mélanger, puis laisser refroidir un peu le mélange ; battre les œufs en omelette, les ajouter au mélange, enfin ajouter la farine ; mettre sur une plaque – ou un plat pas très profond – préalablement revêtu de papier cuisson,  et enfourner ; baisser le thermostat du four à 180° (thermostat 6) ; laisser cuire pendant 30 mn environ (surveiller).
A
 la sortie du four, couper en petits carrés (on peut, si on le souhaite, le saupoudrer de sucre glace, mais cela n’a rien d’impératif).
Ce gâteau se déguste seul ou bien accompagné d’un fromage blanc léger, ou encore d’une crème fouettée.

gâteau à la crème de marron

chat cuisinier.jpg

Publié dans:Recettes du Mesnil-Marie |on 21 novembre, 2015 |6 Commentaires »

2015-97. De la ruineuse pseudo pastorale des pasteurs félons.

Dimanche dans l’octave du Sacré-Cœur,
3ème après la Pentecôte :
dimanche de la brebis égarée et de la drachme perdue.

Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,

       Dans l’exact prolongement du texte de Monsieur l’abbé Bryan Houghton que j’avais livré à votre réflexion > ici, je voudrais aujourd’hui porter à votre connaissance et méditation un autre texte, antérieur de trente ans à celui de « Prêtre rejeté » : un texte extrait cette fois d’un opuscule dont la première publication, en italien, date de 1970 (la première traduction française paraîtra deux ans plus tard – en 1972, aux éditions du Cèdre).
L’ouvrage dont il est tiré s’intitule « Il Quinto Evangelo » et a été traduit en français sous le titre « Un nouvel Evangile ».
Frère Maximilien-Marie l’eut entre les mains dès le début de sa formation religieuse, au tout début des années 80 du précédent siècle, et très régulièrement, avec le sourire satisfait d’un gourmet comblé par la qualité et la finesse du met qu’il déguste, il en savoure quelque extrait. Car le livre est véritablement savoureux.

   Son auteur est Don Giacomo Biffi, qui était alors curé dans l’archidiocèse de Milan.
Né en 1928, ordonné prêtre en 1950, professeur de théologie, curé, évêque auxiliaire de Milan en 1976, archevêque de Bologne de 1984 à 2003, il fut honoré de la pourpre cardinalice dès 1985.
Monsieur le cardinal Biffi s’est distingué à plusieurs reprises par quelques courageuses interventions, à contre-courant des modes ecclésiastiques et sociétales. En 2007, Monsieur le cardinal Biffi a publié une nouvelle édition, mise à jour, de son « Quinto Evangelo », preuve que cet ouvrage – publié dans les immédiates années post-conciliaires – lui tenait à coeur et lui semblait n’avoir rien perdu de son actualité… Malheureusement !
Son Eminence a été rappelée à Dieu le 15 juillet de cette année 2015, dans sa quatre-vingt-huitième année, elle aurait fêtée le soixante-cinquième anniversaire de son ordination sacerdotale le 23 décembre prochain.

   Le « Cinquième Evangile » se compose d’une trentaine de fragments dont on nous dit qu’ils sont tirés de très antiques manuscrits retrouvés en Terre Sainte.
L’extraordinaire intérêt des dits fragments réside dans le fait qu’ils nous livrent les véritables paroles de Jésus, consignées par écrit avant que l’ « institution Eglise » ne les ait modifiées. Ces citations authentiques retrouvées viennent justifier les changements intervenus dans la liturgie, dans l’enseignement de la doctrine, dans la pastorale et dans la morale « depuis LE concile ».
On l’aura compris : Don Giacomo Biffi, dès le début de ces années de folie qui ont suivi le second concile du Vatican, avec une décapante lucidité, a manié l’arme d’une sagace goguenardise pour démontrer de quelle manière ces changements, relectures et remises en question orchestrées par le clergé progressiste étaient un détournement et une trahison des véritables Evangiles, un ébranlement de fond des bases les plus solides du Christianisme.
Quarante-cinq ans après sa première publication, alors que nombre de fidèles, de prêtres, et même d’évêques et de cardinaux, continuent – hélas ! – à semer la désolation et la ruine par leurs remises en question et leur infidélité à la sainte Tradition, la salutaire ironie déployée dans ce « Cinquième Evangile » est toujours précieuse pour nous faire réfléchir sur notre propre fidélité aux véritables Paroles de vie et de salut contenues dans les Saints Evangiles.

Lully.

Cardinal Giacomo Biffi

Giacomo, cardinal Biffi (1928-2015), archevêque émérite de Bologne.

Note préliminaire :
Dans l’ouvrage de Don Giacomo Biffi, chacun des prétendus fragments « authentiques » du « véritable Evangile retrouvé » est d’abord présenté en caractère gras, avec en regard le texte de l’Evangile tel qu’il était reçu jusqu’ici, puis il fait l’objet d’un commentaire dans lequel les idées nouvelles se trouvent exposées, avec cette subtile ironie et cette désopilante sagacité qui, feignant d’adopter les arguments des démoliseurs de la foi, les dénonce ainsi d’une manière bien plus percutante qu’un long traité d’apologétique…

20

Le Royaume des cieux est semblable à un berger qui avait cent brebis et qui, en ayant perdu quatre-vingt-dix-neuf, reproche à la dernière son manque d’initiative, la met à la porte et, ayant fermé sa bergerie, s’en va à l’auberge discuter de pastorale.

Selon vous, si un homme possède cent brebis et en perd une, ne laissera-t-il pas les quatre-vingt-dix-neuf autres [en lieu sûr] sur la montagne pour aller à la recherche de la brebis égarée ? Et s’il parvient à la retrouver, il en a plus de joie que ne lui en donnent les quatre-vingt-dix-neuf qu’il n’a pas perdues.

Matth. XVIII, 12-13

   Commençons par applaudir les quatre-vingt-dix-neuf brebis perdues ; leur perte n’est pas une perte commune, c’est plutôt une forme de protestation contre la notion même de bergerie.
Cette image de bergerie évoque en effet l’idée d’enclos, de clôture, de ségrégation. Comment les autres pourront-ils s’unir au troupeau, si à un moment donné de leur cheminement ils se heurtent contre une barrière ?
Pour ne rien dire du fait que la vie de ghetto – à l’abri des périls mais aussi des émotions de l’aventure – finit par déformer la personnalité et par engendrer des complexes, d’infériorité ou de supériorité selon les tempéraments, dont il est bien difficile de guérir. Mieux vaut pour une brebis le risque du loup que  la certitude de l’avilissement de la bergerie.
Il peut arriver que le berger ne soit pas suffisamment perspicace pour s’en rendre compte : en ce cas, il faut avoir le courage de lui forcer la main. L’exode de masse, mentionné par la parabole, est le moyen le plus efficace pour faire entendre raison à qui s’obstine à fermer les yeux. Une fois la bergerie démolie, tous pourront revenir ensemble, brebis, loups et autres animaux, et il y aura un seul troupeau sans un seul pasteur.

   Mais dans la parabole le pasteur comprend ce qui se passe, de sorte qu’il voit d’un mauvais oeil la seule brebis qui soit restée.
Cet animal – à qui il convient pourtant, en toute objectivité, de reconnaître un certain non-conformisme – suffit à lui seul à gâcher l’aventure d’une époque nouvelle : tant qu’il sera là la bergerie demeurera, et tant que la bergerie demeurera les brebis en liberté éprouveront quelque inquiétude quant à la sagesse de leur évasion. Et cela n’est pas bon : même pour se faire dévorer il faut jouir d’une certaine tranquillité intérieure.

   Donc, à la porte, brebis récalcitrante ! Force nous est de te contraindre à la liberté. Ne serait-ce que parce qu’à toi seule tu fais perdre son temps à ton gardien, tu le fatigues, et ainsi tu entraves le progrès de la culture. Ce ne sera que lorsque tu auras courageusement pris le chemin de la forêt que le berger pourra discuter avec ses collègues des moyens les plus adaptés de faire prospérer un élevage. Ce ne sera que lorsqu’il n’y aura plus de bergerie (et plus de brebis) que l’on pourra élaborer en toute rigueur scientifique – sans compromis avec les conditions concrètes et avec la survivance de conceptions dépassées – une vraie et parfaite théologie pastorale.

Giacomo Biffi, « Un Nouvel Evangile » (Il Quinto Evangelo), Editions du Cèdre – 1972
(fragment N° 20, pp. 69-71).

armoiries du cardinal Giacomo Biffi

Armoiries du cardinal Giacomo Biffi,
avec sa devise : 
« Là où se trouve la foi, là est la liberté »

2015-96. « L’Eglise est devenue une masse informe de groupes de discussion…»

Jeudi soir 19 novembre 2015,
Fête de Sainte Elisabeth de Hongrie ;
23 ème anniversaire du rappel à Dieu de l’abbé Bryan Houghton.

Je ne veux pas achever cette journée, chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion, sans venir auprès de vous avec un excellent texte de Monsieur l’abbé Bryan Houghton (cf. ici) dont ce 19 novembre est l’anniversaire du rappel à Dieu (voir aussi ici).
Extrait de son bel ouvrage « Prêtre rejeté », publié en 1990, ce texte a donc 25 ans… et n’a pas pris une seule ride : hélas !
On peut même dire que les pitoyables rebondissements grand-guignolesques du dernier synode romain et les scandaleuses prises de position de certains hauts dignitaires de la Sainte Eglise Romaine lui ont donné une nouvelle actualité et en ont – malheureusement – confirmé les analyses.

Je le laisse à votre lecture, à votre réflexion, à votre méditation.

Lully.

abbé Bryan Houghton

Monsieur l’abbé Bryan Houghton (2 avril 1911 – 19 novembre 1992)

L’Eglise est devenue une masse informe de groupes de discussion…

« (…) La plus grande tragédie de l’histoire de l’Eglise est sans doute la décision des Pères de Vatican II de se constituer en Cercle épiscopal de discussion pastorale au lieu de tenir un concile dogmatique. En matière de dogme, ils possédaient l’autorité divine et la compétence humaine. En tant que cercle de discussion, ils n’avaient pas plus d’autorité et sans doute moins de compétence que la Société des débats de Trifouillis-les-Oies. Les documents qu’ils ont produits sont des monuments à la « volonté générale ». Quiconque dispose d’une réserve suffisante d’anti-soporifique peut les ingurgiter.
Quoi que l’on pense du IIe concile du Vatican, il a porté un fruit indiscutable : l’Eglise entière, l’Epouse immaculée, l’Arche du salut, s’est transformée en une masse informe de cercles de discussion. Il y a les synodes romains, les conférences épiscopales nationales et régionales, les assemblées de prêtres, les commissions de ceci et de cela, les rassemblements diocésains, les cours de recyclage, les journées d’étude. Les rencontres de doyenné, les journées de récollection, les retraites et, dans une certaine mesure, la messe, ont été transformées en cercles de discussion. Les malheureux laïcs ont été pris, eux aussi dans le tourbillon et dirigés vers des commissions et des conciles à tous niveaux.
Personne ne fait rien parce que cela supposerait l’acte d’une volonté personnelle, mais tout est mis en discussion dans l’ouverture, l’irresponsabilité et l’abstraction les plus complètes. Tout est remis en cause, jusqu’aux fondements de la religion. Dans le monde réel, très peu de chose peut être remis en cause et nous sommes dirigés par les circonstances – par la Providence divine. Rien de tel dans une discussion de groupe : l’homme y est absolument libre dans le monde abstrait de sa propre cervelle, de ses opinions dégagées de toute responsabilité. C’est là que germe, fleurit et fructifie la « volonté générale ».
Un autre point mérite d’être souligné. Le mot « pastoral » change tout à fait de sens selon qu’il est employé dans les discussions de groupe ou qu’il s’agit du monde réel. Telle que les prêtres d’autrefois la concevaient, la pastorale consistait à rendre témoignage aux dogmes que l’Eglise enseignait en vertu de son autorité divine. Mais ni le dogme ni l’autorité n’ont droit de cité dans les cercles de discussion. Il s’ensuit que le mot « pastoral » prend dans cet univers la signification contraire : il veut dire « non dogmatique » et « sans autorité ». Quand il s’est déclaré « concile pastoral » et non « dogmatique », Vatican II ne voulait pas dire que l’on devrait tenir les dogmes pour acquis et qu’il entendait se préoccuper des moyens de mieux les faire connaître aux fidèles et aux infidèles. Il voulait dire que les discussions ne devaient pas être entravées par les dogmes. En fait, « pastoral » sonne mieux que « existentiel » ; c’est en somme l’adjectif d’orthopraxis puisqu’on ne dit pas « orthopratique ». Le mot a ainsi trompé maints bons prêtres et évêques. Prenons un exemple : les divorcés remariés. Selon la pastorale d’un curé d’autrefois, il n’aurait été question que de sainteté, d’héroïsme, de vivre en frère et soeur, d’assister à la messe sans communier, etc., toutes recommandations dérivées du dogme. Aujourd’hui, si l’on nous demande de réfléchir à la question des divorcés remariés du « point de vue pastoral », nous savons que nous devons faire abstraction de l’enseignement dogmatique de l’Eglise, et les encourager à la communion quotidienne avant de les faire entrer au conseil paroissial.
Le double fait que la discussion doit être ouverte et qu’elle ne doit pas être contrecarrée par l’autorité conduit à un curieux phénomène. La volonté générale qui en résulte permet n’importe quel changement, aussi scandaleux qu’il soit, mais refuse toute forme de tradition, aussi souhaitable qu’elle soit. Pourquoi ? Parce que la tradition est la plus fondamentale des formes d’autorité. Nous ne pouvons que constater ce phénomène tout autour de nous dans l’Eglise, depuis qu’elle est devenue une masse informe de groupes de discussion. La révolution est là (…). »

Abbé Bryan Hougthon, in « Prêtre rejeté », chap. XIII : « L’Eglise du bavardage »,
(pp. 130-132 dans l’édition revue et augmentée de 2005 – Dominique Martin-Morin).

prélats en discussion

1...132133134135136...224

A tempo di Blog |
Cehl Meeah |
le monde selon Darwicha |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | mythologie
| jamaa
| iletaitunefoi