Archive pour la catégorie 'Chronique de Lully'

2016-22. Procès-verbal de l’interrogatoire du chevalier François-Athanase de Charette de la Contrie, la veille de son exécution.

- 29 mars 1796 -

Accipe sanctum gladium, munus a Deo, quo deicies adversarios populi mei Israel :
Reçois le glaive saint, don de Dieu, avec lequel tu extermineras les ennemis de mon peuple Israël !
(2 Machab. XV, 16) 

F.A. de Charette - Vitrail de l'église de Beaupréau

François-Athanase de Charette de la Contrie
(détail d’un vitrail de l’église de Baupréau – Anjou)

   Le récit des derniers instants du Chevalier de Charette est bien connu, aussi n’est-ce point lui que je vais rapporter ici.
Comme pour Jean-Nicolas Stofflet le 25 février dernier (cf. > ici), j’ai pris le parti de retranscrire dans son intégralité le procès-verbal de l’interrogatoire de François-Athanase de Charette de la Contrie, qui eut lieu le « 8 germinal an IV », c’est-à-dire le lundi 28 mars 1796, tel qu’il est publié dans le même ouvrage intitulé : « Correspondance secrète de Charette, Stofflet, Puisaye et autres… » (je renvoie aussi à la présentation de ce livre que j’ai déjà faite > ici).

Comme à mon accoutumée, je respecte l’orthographe et la ponctuation utilisées dans cette édition réalisée deux ans et demi après les faits.

incipit de l'interrogatoire de Charette

   Interrogatoire prèté devant nous Pierre Perrin, rapporteur près le conseile militaire du 4° bataillon de l’Hérault, désigné par le général Dutilh, pour faire les fonctions de rapporteur dans le jugement du nommé CHARETTE, chef des brigands, détenu dans la maison d’arestation du Bouffay, à Nantes, ainsi qu’il suit :

Demande : Quel est votre nom, votre âge, vos qualités ?
Réponse : François-Athanase Charette de la Contrie, âgé de 33 ans, natif de Couffé, département de la Loire-Inférieure, lieutenant de vaisseau avant la révolution, et à présent lieutenant-général nommé par le roi Louis XVIII, et en dernier lieu, chef de l’armée royale de la Vendée.

D. Qui vous avoit nommé chef de l’armée royale de la Vendée ?
R. Louis XVIII.

D. Par quelle voie et à quelle époque avez-vous reçu cette nomination ?
R. Qu’il ne se rappelle précisément de l’époque ; mais qu’il croit que c’est depuis environ sept mois, par la voie de M. Lefevre, émigré, employé au service de l’Angleterre, et qu’au surplus on peut connoître précisément la date de ladite nomination au moyen des papiers qui ont été pris sur lui par le général Travot.

D. Vous étiez donc en relation avec Louis XVIII ?
R. Que c’est par le canal du comte d’Artois qu’il reçut ladite nomination, et qu’il n’avoit point de relation directe avec Louis XVIII.

D. Votre correspondance avec le comte d’Artois étoit-elle bien active ?
R. Non.

D. Quel étoit le but de cette correspondance ?
R. Que c’étoit pour lui faire connoître l’état de son armée.

D. Cette correspondance existoit-elle depuis long-temps ?
R. Elle existoit depuis environ 8 mois.

D. Avant l’époque où votre correspondance avec le comte d’Artois a commencé, à qui rendiez-vous compte de la situation de votre armée, et dans quel dessein faisiez-vous la guerre ?
R. Qu’il ne rendoit aucun compte à personne, et qu’il avoit en vue de procurer à la France un gouvernement monarchique.

D. Ne vous étiez-vous pas soumis aux lois de la république lors de la pacification qui eut lieu à Nantes ?
R. Que par le traité qu’il avoit fait avec les représentans du peuple, il s’étoit soumis aux lois de la république.

D. Pourquoi avez-vous ensuite repris les armes contre elle ?
R. Parce que la république avoit placé des postes dans l’intérieur du pays qui étoit sous ses ordres, et parce que les républicains avoient marché contre l’un de ses chefs de division, et enlevé un autre, ainsi que plusieurs commandans de paroisses.

D. Puisque vous vous étiez soumis aux lois de la république, et que vous étiez rentré sous l’obéissance de ses lois, vous ne deviez point vous formaliser de ce que le gouvernement républicain exerçoit sa surveillance dans le pays de la Vendée ?
R. Qu’il ne s’étoit soumis au gouvernement républicain qu’autant qu’il n’établiroit aucun poste dans l’intérieur de son armée, et qu’il lui laisseroit la surveillance du pays insurgé, comme chef de la garde territoriale qui devoit se former d’après le traité, et qu’il n’a rompu les engagemens que lorsque le gouvernement a eu rompu les siens envers lui.

D. N’avez-vous pas fait plusieurs prisonniers dans l’intervalle de la pacification, et ne les avez-vous pas fait ensuite fusiller ?
R. Que non, pendant la pacification ; mais qu’il en a fait au moment et après la déclaration de guerre.

D. Quels sont les moyens que vous avez pris pour débaucher les troupes républicaines ?
R. Qu’il n’en avoit pris aucun.

D. Pourquoi dans la proclamation que vous fites en recommençant la guerre, avez-vous taxé de mauvaise foi les représentans du peuple, que vous dites avoir traité avec vous, ainsi que le général Canclaux ?
R. Que c’est parce que les représentans du peuple Ruelle et quelques autres, ainsi que le général Canclaux, lui avoient fait entrevoir dans la conversation, au moment de la pacification, qu’un état de paix seroit plus favorable et conduiroit plutôt à ce but de son parti, ce qui n’ayant pas lieu, il s’est cru autorisé par la suite de les accuser de l’avoir trompé.

D. Aviez-vous quelques articles secrets, traités avec les représentans du peuple ?
R.  Qu’il n’en avoit point par écrit ; qu’il n’y avoit eu que des conjectures tirées de l’état du gouvernement, alors divisé, et que ces conjectures avoient d’autant plus de vraisemblance qu’elles étoient étayées de l’opinion d’hommes, revêtus de la confiance publique.

D. Pourquoi avez-vous cherché à persuader dans votre proclamation que les représentans du peuple vous avoient livré des armes et des munitions de guerre ?
R. Que c’est parce que le représentant Ruelle avoit fait délivrer des sabres à quelques uns de ses officiers, et parce qu’il lui étoit facile de se procurer des poudres, à Nantes, à raison du peu de surveillance qui y existoit alors.

D. Vous êtes-vous procuré une grande quantité de munitions à l’époque de la pacification ?
R. Qu’il s’est procuré à-peu-près quatre à cinq cents livres de poudre.

D. Quelles sont les personnes qui vous ont procuré, à Nantes, une si grande quantité de poudre ?
R. Qu’il ne sait point quelles sont les personnes qui lui procuroient cette poudre ; qu’il remettoit de l’argent à des individus de son armée qui lui rapportoient la poudre.

D. Dans quelle intention vous pourvoyiez-vous ainsi de munitions de guerre ?
R. Que c’étoit par prévoyance, et pour être en état de se défendre, dans le cas où il seroit obligé de reprendre les armes.

D. Quels sont les moyens que vous avez employés pour opérer, depuis la pacification, des rassemblemens nombreux dans la Vendée ?
R. Que c’est en mettant en pied son armée, et au moyen de sa proclamation.

D. N’avez-vous pas forcé, à main armée, les habitans paisibles à reprendre les armes ?
R. Que non.

D. N’avez-vous pas connoissance que quelqu’un de vos chefs de division ou officiers inférieurs, ayent employé des moyens violens contre ces habitans ?
R. Non.

D. Au nom de qui, pour qui, et dans quelles vues faisiez-vous ainsi la guerre à votre patrie ?
R. Au nom du roi, pour le roi, et pour la monarchie.

D. Comptiez-vous sur quelques factions puissantes dans le gouvernement, pour soutenir vos prétentions ?
R. Que non.

D. A qui rendiez-vous compte de vos opérations dans la Vendée ?
R. A personne.

D. N’y avez-vous pas exercé une autorité despotique ? N’avez-vous pas disposé arbitrairement des personnes et des propriétés, soit en levant des taxes sur les habitans, soit en faisant fusiller ceux qui ne se conformoient pas à vos ordres ?
R. Qu’il régissoit le pays avec douceur, qu’il ne levoit aucune taxe, et qu’il ne faisoit fusiller personne.

D. Etoit-ce en vertu des pouvoirs que vous avez dit vous avoir été conférés par Louis XVIII que vous régissiez ainsi le pays ?
R. Que c’étoit d’après l’autorité dont le roi l’avoit revêtu, et la confiance que les habitans avoient en lui.

D. Etiez-vous en correspondance avec les émigrés, descendus à l’île d’Yeu ?
R. Que non.

D. Avez-vous correspondu avec l’Angleterre, et avez-vous reçu de la part des Anglais, des moyens de secours pour continuer la guerre ?
R. Qu’il n’avoit point de correspondance directe avec le gouvernement anglais ; mais seulement avec le comte d’Artois, qui, à ce qu’il croit, étoit l’intermédiaire, et qu’il a reçu un convoi de munitions, en poudre, canons et fusils, qui fut débarqué sur la côte de Saint-Jean-de-Mont.

D. Etiez-vous en correspondance avec Stofflet ?
R. Rarement.

D. Quel étoit le but de votre correspondance ?
R. Que c’étoit de cimenter l’union entre eux.

D. Avez-vous quelquefois agi de concert avec lui depuis la pacification ?
R. Que non.

D. Aviez-vous quelques correspondances avec les Chouans ?
R. Qu’il n’avoit écrit que deux ou trois lettres à Scepeaux, dans le style honnête et familier.

D. Vos opérations militaires avoient-elles quelques corrélations avec celles des chouans ?
R. Que non.

D. Connoissiez-vous un centre d’autorité, qui réunit une domination commune sur vous et votre armée, sur celle de Stofflet, et sur celle des Chouans ?
R. Que non.

D. Aviez-vous quelques correspondances dans l’intérieur, en receviez-vous des moyens pour prolonger la guerre ?
R. Que non.

D. Quels étoient donc vos moyens pour continuer la guerre au moment où vous avez été pris ?
R. Qu’il n’avoit presque plus alors aucuns moyens, vu que les commandans de division s’étoient déjà rendus, et que ceux des paroisses rendoient les armes, ainsi que les soldats.

D. Quelle étoit l’organisation de l’armée que vous commandiez ?
R. Qu’elle étoit distribuée en 11 ou 12 divisions, et qu’il n’avoit d’officiers supérieurs dans son état-major, qu’un major général sans fonctions militaires, et deux approvisionneurs.

D. Quels étoient les chefs de division ?
R. MM. Fougaret, Guérin, Laroberie, Rézeau, Savin, Dabbaye, Lecouvreur, Dubois et Lemoine.

D. Aviez-vous des magasins de subsistances pour votre armée ?
R. Qu’il en avoit ; mais que les troupes républicaines s’en étoient emparées.

D. Aviez-vous des magasins d’armes et munitions de guerre ?
R. Que non.

D. Reste-t-il encore beaucoup de munitions et d’armes dans la Vendée ?
R. Qu’il n’en sait rien ; qu’on lui a pris tout ce qu’il avoit à l’entrepôt, et qu’il ignore les armes qui ont été rendues et celles qui restent au pouvoir des habitans.

D. Quel étoit l’esprit des habitans quelque temps avant votre arrestation ? Croyez-vous qu’ils fussent portés à continuer encore la guerre ?
R. Qu’il ne connoissoit pas l’esprit des habitans ; mais qu’il en avoit été abandonné.

D. N’avez-vous pas, depuis peu, donné des ordres au nom du roi, aux habitans de prendre les armes, sous peine d’être fusillés ?
R. Qu’il avoit fait cet ordre ; mais qu’il ne le rendit pas général.

D. Pourquoi après que vos rassemblemens furent dispersés par les troupes républicaines, et que les habitans vous eurent abandonné, n’avez-vous pas cherché à quitter le sol de la Vendée ?
R. Parce qu’il n’a pas voulu abandonner la cause qu’il soutenoit.

D. Avez-vous eu connoissance de l’assassinat commis sur le curé de la Rabatelière ?
R. Qu’il en a eu connoissance deux jours après qu’il a été commis ; mais qu’il l’a été à son insu.

D. Avez-vous quelques autres renseignemens à donner sur la guerre de la Vendée ?
R. Que non.

Lecture faite de son interrogatoire, a dit, que ses réponses contenoient vérité ; et néanmoins a rétracté la réponse faite à l’interrogat, portant : quels étoient les chefs de divisions ?

Julien Le Blant - Exécution du général de Charette

Le célèbre tableau de Julien Le Blant (1851-1936) représentant l’exécution du général de Charette
sur la place Viarme, à Nantes, le 29 mars 1796.

Concernant l’exécution de Charette, voir aussi > ici

Publié dans:Chronique de Lully, Memento, Vexilla Regis |on 29 mars, 2016 |5 Commentaires »

2016-21. Pâques félines et cartes anciennes.

Pâques !!!

Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,

       « Une lumière éclatante brille pour nous aujourd’hui, parce que le bon Larron est entré dans le ciel sur les pas du Roi des rois. La foule des morts s’est levée, et la conscience des vivants a triomphé. Contemplez l’Eglise, voyez la multitude des élus, les légions des anges, l’armée des fidèles entourant le précieux autel du Seigneur. La foule est dans la joie, parce que le Seigneur des anges est ressuscité ! »  disait notre glorieux Père Saint Augustin dans l’un des  sermons qu’il prononça à l’occasion d’une fête de Pâques.

   Pour illustrer cette joie de Pâques et pour être auprès de vous les ambassadrices de mes voeux amicaux, j’ai choisi de vous adresser quelques cartes anciennes, choisies dans les collections de mon papa-moine.

   Vous ne serez nullement étonnés, je pense, que celles que j’ai sélectionnées, portent toutes des représentations de chats !!!

Blogue Pâques 2016 - 1

   En effet, pourquoi les chats ne participeraient-ils pas à la joie de Pâques ?
Ce ne sont pas seulement les hommes, mais c’est vraiment toute la création qui reçoit une grâce de renouveau et d’espérance en cette sainte solennité.

   Si la carte reproduite ci-dessus date des années 1950, celle qui est ci-dessous a 110 ans (le cachet de la poste indique qu’elle a voyagé en 1906) ; c’est une carte gaufrée : les chats et les bourgeons y sont en reliefs.

Blogue Pâques 2016 - 2

   Avec les cloches, les œufs constituent l’un des symboles les plus anciens de la fête de Pâques.

   Historiquement cela s’explique par le fait que la discipline ancienne du carême (voir > ici) prohibait toute nourriture d’origine animale pendant toute la durée de la sainte quarantaine : ni viande, ni poisson, ni laitages ou fromages, ni œufs…
Les œufs pondus pendant le carême étaient donc conservés dans la cendre – certains cuits et d’autres crus – pour être consommés au temps pascal.
Quand arrivait Pâques, les œufs mis en réserve étaient décorés – comme pour fêter leur retour dans l’alimentation – , et on les offrait aussi comme des présents symboles de cette joie pascale.

   La carte suivante remonte elle aussi aux premières années du XXe siècle.

Blogue Pâques 2016 - 3

   Ne prend-il pas bien au sérieux sa tache de veiller sur les enfants dans leur quête aux œufs, mon confrère chat ici représenté ?

   L’œuf est aussi devenu un symbole spirituel de la fête de Pâques parce qu’il est le signe naturel de la vie nouvelle : d’ailleurs n’est-il pas tout-à-fait révélateur que l’on parle d’éclosion de la vie ?

   Le Christ mort, enfermé dans le tombeau bien clos, est ressuscité : le poussin qui, de l’intérieur de l’œuf apparemment sans vie, casse la coquille et paraît bien vivant au grand jour devient donc l’un des symboles du Christ ressuscité.

Blogue Pâques 2016 - 4

   Les cartes ci-dessus et ci-dessous – des toutes premières années du XXe siècle elles aussi – montrent des chatons découvrant, amusés ou perplexes, cette éclosion de la vie nouvelle.

Blogue Pâques 2016 - 5

   Et la suivante, encore un « chromo » de la même époque, nous montre un poussin et un chaton unis par une tendre complicité sous l’œil étonné de Madame chatte dont on admirera la coiffe tuyautée !

Blogue Pâques 2016 - 6

   « Voici le jour que le Seigneur a fait ; en lui, exultons et soyons en liesse : exultemus et laetemur in ea ! »
Tout à la joie de Pâques, qui ne s’exprime pas seulement par de savants neumes grégoriens, je vous invite même à guincher un p’tit coup avec nos amis les poussins, au son de l’accordéon dont joue mon congénère de la fin des années 50 ou du début des années 60 du précédent siècle : Alléluia ! Alléluia !

Patte de chat Lully.

Blogue Pâques 2016 - 7

Cloches

Publié dans:Chronique de Lully, De liturgia |on 28 mars, 2016 |10 Commentaires »

Offrande au Père Eternel de la Passion de Son Fils bien-aimé.

Ste Trinité - peinture sur bois déb. XVIe s basil. St Hilaire Poitiers provenance abbaye de la Trinité

Le Père Eternel tenant en Ses bras le corps supplicié du Verbe incarné
(peinture sur bois du début du XVIe siècle, provenant de l’abbaye de la Trinité,
aujourd’hui conservé dans l’église Saint-Hilaire, Poitiers)

Offrande au Père Eternel de la Passion de Son Fils bien-aimé :

       « Jetez les yeux, ô Père de miséricorde, sur Votre Fils, qui par l’excès d’une charité incompréhensible, a voulu souffrir pour moi tous les maux que la cruauté des hommes les plus inhumains et les plus détestables qui furent jamais, ont voulu Lui faire endurer !
Considérez, ô Roi plein de compassion et de clémence, quel est Celui qui souffre, et ressouvenez-Vous de celui pour qui Il souffre !
Celui qui souffre, ô souverain Seigneur, qui êtes l’innocence même, c’est Votre Fils bien-aimé, dans lequel Vous avez mis toute Votre affection, et que Vous avez néanmoins livré à la mort pour Votre esclave. C’est Celui qui étant l’auteur de la vie, et qui voulant Vous obéir jusques au dernier soupir, n’a pas craint de S’exposer au supplice cruel et horrible de la Croix.
Celui pour qui Il souffre, c’est Votre créature, c’est l’ouvrage de Vos mains, c’est Votre image.

   Représentez-Vous, ô dispensateur redoutable et adorable du salut de tous les hommes, que ce Dieu souffrant est Celui-là même que Vous avez engendré de toute éternité par Votre puissance, et que Vous avez néanmoins voulu faire participer à mes faiblesses et à mes misères. C’est ce fruit précieux de Votre sein ; c’est ce Verbe éternel qui s’étant revêtu de ma chair, a voulu subir le châtiment que j’avais mérité, et souffrir le supplice le plus cruel et le plus infame qui fut jamais, pour m’acquiter pleinement envers Votre justice.

   Mon Seigneur et mon Dieu, souffrez que je Vous conjure encore une fois de jeter les yeux sur l’ouvrage de Votre miséricorde, sur ce cher Fils étendu sur cette Croix, qui est l’objet le plus auguste et le plus charmant que Vous puissiez jamais regarder.
Considérez ces mains sacrées d’où le sang coule avec tant d’abondance, et pardonnez-moi les oeuvres criminelles des miennes.
Voyez ce côté adorable, où plutôt ce Coeur amoureux qu’une lance cruelle a ouvert, et fiates couler sur moi quelques gouttes de ce sang précieux et de cette eau mystérieuse qui en sont sortis : plongez-moi et renouvellez-moi dans cette fontaine salutaire.
Voyez ces pieds sacrés qui ne s’étant jamais engagés dans le voie spacieuse du péché, mais qui ayant toujours marché dans le chemin étroit de Votre loi, sont cloués d’une manière qui fait horreur. Conduisez mes pas dans la voie de Votre justice, et donnez-moi de l’éloignement pour toutes les routes égarées de l’erreur et du mensonge. Je Vous supplie, ô source éternelle de sainteté, par Celui-là même qui est le Saint des saints et mon Rédempteur, de me faire courir avec joie dans la voie de Vos commandments, afin que je puisse m’unir en esprit avec ce Sauveur adorable qui n’a point eu horreur de Se revêtir de ma chair, et de S’assujetir à ma mortalité.

   Serait-il bien possible, ô Père très miséricordieux, que Vous puissiez consentir à détourner Vos yeux de dessus cette tête sacrée de Votre Fils que la mort fait pencher sur Son sein, ou plutôt que l’amour incline pour nous faire donner ce baiser amoureux qui est le signe de notre réconciliation ?
Regardez, très aimable Créateur, Son humanité sainte, et ayez pitié de mes misères, et regardez avec attendrissement l’ouvrage de Vos mains.
Cette poitrine dont la blancheur aurait terni celle des lis, a perdu son éclat : ce côté est tout rouge de Son sang ; ce ventre est tout desséché ; ces yeux si beaux sont éteints ; ces lèvres vermeilles sont toutes livides ; ces bras qui étaient ouverts à tous les misérables sont roides et sans mouvement ; ces pieds, qui ont parcouru tant de villes et de campagnes et essuyé tant de fatigues pour chercher les pécheurs, sont percés et tout baignés des ruisseaux de sang qui en coulent ; et ces mains sacrées qui n’ont cessé de faire du bien à tout le monde, de répandre des bénédictions et de produire des miracles, sont cramponnées à un infame poteau et déchirées par de cruels clous et par la pesanteur du corps qu’elles soutiennent.

   Regardez, ô Père très glorieux, ces membres tout disloqués et tout ensanglantés de Votre divin Fils, et écoutez les sentiments que Vous inspire Votre miséricorde en ma faveur, et pardonnez-moi mes infidélités et mes faiblesses.
Considérez les peines de cet Homme-Dieu, et tirez l’homme pécheur de celles que ses crimes lui ont méritées.
Jetez les yeux sur le supplice de mon Sauveur, et remettez les offenses qu’a commises celui qu’Il a daigné racheter.

   C’est Lui, Seigneur, que Vous avez frappé pour les péchés de Votre peuple, quoi qu’Il fût votre Fils unique, et que Vous eussiez mis en Lui toute Votre affection ; et c’est Lui qui nonobstant Sa justice et Son innocence, a été mis au rang des criminels et des scélérats, afin de mettre ceux-ci au rang des innocents et des justes ! »

(« Manuel de Saint Augustin », chapitre VI)

Philippe de Champaigne : Sainte Face

2016-20. Le Christ faisant Ses adieux à Sa Mère avant Sa Passion.

Mercredi Saint.

       S’il y a une scène de la vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ qui a été chère à la piété des fidèles, d’une manière très spéciale à la fin du Moyen-Age et jusqu’au XVIIe siècle, mais qui est bien souvent oubliée aujourd’hui, c’est celle des adieux de Jésus à Sa Mère avant la Passion.

   Lorsque l’on parle des « Adieux du Christ à Sa Mère » ou du « Christ prenant congé de Sa Mère », il ne s’agit pas de la rencontre de Jésus et de Marie sur le chemin du Calvaire, scène absente des Saints Evangiles, mais rapportée par la Tradition, qui fait l’objet de la quatrième station du Chemin de la Croix.
Il ne s’agit pas davantage du moment où, déjà crucifié et avant de rendre le dernier soupir, Jésus a remis Saint Jean à Sa Mère et Sa Mère à Saint Jean, l’un et l’autre debout au pied de Son gibet d’infamie, ainsi que cela nous est rapporté par le quatrième Evangile (Jean XIX, 26-27).

   Selon une très antique tradition – car le fait ne se trouve pas non plus dans les Evangiles canoniques, mais il se trouve toutefois confirmé par les révélations dont furent gratifiés plusieurs grands mystiques (note 1) – , avant Sa Passion (le Mercredi Saint au soir où le Jeudi Saint au matin), Notre-Seigneur eut un entretien particulier avec Sa Sainte Mère : l’un et l’autre ayant pleinement conscience que désormais « Son heure » était maintenant venue (cf. Jean II, 4).

   Evidemment, nous sommes bien loin des délires modernes et modernistes selon lesquels Jésus n’aurait pas su ce qui allait Lui arriver.
Non ! J’insiste fortement sur ce point : Jésus connaissait bien et dans tous les détails ce qui allait se passer ; Il le voulait (« C’est pour cette heure que Je suis venu » – Jean XII, 27 b), et Il S’avançait librement vers Sa douloureuse Passion.

De son côté, Notre-Dame aussi, depuis l’Annonciation, savait parfaitement – elle qui était remplie de la grâce du Saint-Esprit et qui connaissait très bien les prophéties par lesquelles Jérémie et Isaïe avaient annoncé les souffrances du Messie – à quels tourments et supplices son divin Fils était promis : lorsqu’elle a prononcé son « Fiat », elle l’a fait en pleine connaissance de tout ce à quoi cela l’engageait.
Il n’y a donc rien de plus normal à ce que, avant d’accomplir les mystères sacrés de notre rédemption, Notre-Seigneur ait voulu quelques instants d’intimité spirituelle avec Sa Très Sainte Mère, si parfaitement unie à Sa volonté et à Ses desseins salvateurs…

Le Greco - le Christ faisant Ses adieux à Sa Mère - Tolède 1595

Le Greco : le Christ faisant Ses adieux à Sa Mère (1595 – Tolède, musée de Santa Cruz)

   La scène du Christ faisant Ses adieux à Sa Mère avant Sa Passion a été représentée par plusieurs artistes de renom : on pourrait citer pêle-mêle Albrecht Dürer, Cornelis Engelbrechtsz, l’Arétin, le Corrège, Albrecht Altdorfer, Bernhard Strigel,  Lorenzo Lotto, ou Federico Barocci.

   Très souvent, ces peintres ont donné une dimension un peu spectaculaire, pathétique, à la représentation de ces adieux : c’est  la douleur naturelle à la perspective de la séparation et de la souffrance qui s’y exprime, parfois jusqu’aux larmes ou à l’évanouissement, comme un écho de la « pâmoison » de Notre-Dame au moment de la rencontre sur le chemin du Golgotha (note 2).

   Tel n’est pas le cas du tableau de Domínikos Theotokópoulos (Δομήνικος Θεοτοκόπουλος : car pendant toute sa vie il signera ses œuvres de son nom complet en caractères grecs), plus connu sous son surnom de Le Greco (1541-1614), intitulé « Le Christ faisant Ses adieux à Sa Mère », tableau conservé au musée Santa-Cruz de Tolède et daté de 1595.

   Merveilleux tableau, rayonnant d’une profonde compréhension spirituelle du mystère qui se joue en cet instant !
Le Greco n’y a fait figurer que Jésus et Marie : point d’apôtres étonnés ou de disciples émus, point de Madeleine éplorée ou de saintes femmes larmoyantes.
Les visages du Christ et de Sa Mère sont d’une expressive beauté. Une beauté qui semble provenir du plus intime de leur être pour s’épanouir à l’extérieur. Une beauté surnaturelle.
L’intensité des regards – plongés l’un dans l’autre – est si éloquente qu’on comprend bien qu’ils n’ont pas besoin d’entrouvrir les lèvres pour communiquer et pour se comprendre.

Le Greco - le Christ faisant Ses adieux à Sa Mère - détail les regards

   Point de pathos romantique ni de gestuelle spectaculaire.
Les sentiments sont spiritualisés : le tableau ne laisse aucune place à la sentimentalité ni à la sensiblerie, mais il nous introduit dans une espèce de dialogue sans paroles qui n’en est pas moins d’une exceptionnelle qualité et profondeur d’échanges.

   Dans le clair obscur du tableau, après les deux visages, les mains du Christ et de Sa Mère sont ce à quoi il importe de prêter une attention maximale.
De Sa main droite, le Christ fait un geste d’une sobre éloquence. L’index pointé vers le haut désigne-t-il le Ciel, la ville de Jérusalem ou bien encore la proche colline du Golgotha ?
De toute manière, il dit : « Mère, l’heure qui n’était pas encore venue lorsque nous étions à Cana, l’heure d’être totalement livré aux affaires de Mon Père et que mes trois jours d’absence à l’âge de douze ans préfiguraient, l’heure de l’immolation du véritable Agneau Pascal – Mon heure ! – est advenue… »
A la main droite du Christ, répond la main droite de la Vierge posée sur le haut de sa poitrine. A sa manière, elle dit : « Mon Enfant, n’est-ce pas pour cette heure que je Vous ai conçu en mon sein virginal par la seule action de l’Esprit de Dieu ? N’est-ce pas pour cette heure que je Vous ai porté pendant neuf mois, que je Vous ai mis au monde dans l’étable de Bethléem, que je Vous ai allaité et que j’ai veillé sur Votre petite enfance comme aucune mère ne l’a jamais fait ici-bas pour aucun des fils des hommes ? Je Vous ai accompagné jusqu’à cette heure pendant les années de Votre vie cachée et de Votre vie publique : jamais je ne me suis mise en travers de Votre chemin, pourtant souvent incompréhensible selon les manières humaines de penser et d’agir, et, quoi qu’il puisse en coûter à ma nature, à ma sensibilité et à mon coeur de mère, ce n’est pas aujourd’hui que je vais opposer la moindre réticence aux desseins de Dieu. Je suis la servante du Seigneur, que tout s’accomplisse selon Votre parole… »

Le Greco - le Christ faisant Ses adieux à Sa Mère - détail les mains droites

   Le nimbe lumineux qui entoure la tête de Jésus, qui n’est même pas une auréole mais un simple halo dans lequel est esquissée la forme de la Croix, peut signifier tout à la fois l’espèce d’effacement de la puissance divine du Christ dans Sa Passion et l’annonce du caractère glorieux de cette dernière.
La tête de Notre-Dame, elle, n’est pas nimbée, mais son contour est juste mis en valeur par une espèce de rayonnement discret dans lequel on peut voir signifiée la lumière indéfectible de la foi qui n’abandonnera jamais l’âme de Marie, même au plus fort de sa déréliction.

   Comme dans les icônes de la « Mère de Dieu de la Passion », les manteaux sombres qui enveloppent le Christ et Sa Mère symbolisent la souffrance, la mort, l’humilité de leur humanité qui dérobait aux regards des humains la grandeur de leurs vertus et de leur sainteté, tandis que le rouge de leur tunique exprime tout à la fois l’ardeur de leur charité et le sang du martyre.

   Enfin, il y a les deux mains gauches : la main du Christ dans laquelle on peut déjà deviner la crispation douloureuse que produira l’enfoncement du clou, et la main délicate de Marie qui soutient le poignet de son Fils comme pour dire mieux que ne le peuvent faire tous les mots de la terre : « Je serai là ! Je ne Vous suivrai jusqu’au bout, et Vous pourrez toujours puiser dans mon âme unie à la Vôtre, la compassion et la consolation que Vous refuseront alors les coeurs des hommes, ô mon divin Fils ! »
L’index gauche de la Mère de Dieu, pointé vers le bas, veut-il dire : « Votre sang ne sera pas répandu en vain sur cette terre : de cette divine semence lèveront jusqu’à la fin des temps des générations de rachetés et de saints » ? Ou bien constitue-t-il une sorte de signe à l’adresse de celui qui regarde le tableau pour lui dire : « Si bas que tu sois tombé, la Passion de mon Fils peut te relever » ?

   Quant à l’index gauche de Jésus ne semble-t-il pas me dire personnellement ce que Saint Jean entendra dans quelques heures : « Voici ta mère » ?

Le Greco - le Christ faisant Ses adieux à Sa Mère - détail

   Note 1 : Quand je parle de mystiques, je ne fais pas référence à de pseudo visionnaires qui ont publié des espèces de pieux romans fleuves dégoulinants de sentimentalisme, mais à des saints canonisés dont l’Eglise – sans toutefois obliger les fidèles à y adhérer – reçoit avec une respectueuse vénération les révélations privées : citons par exemple Sainte Gertrude de Helfta, Sainte Brigitte de Suède et Sainte Françoise Romaine, Sainte Angèle de Foligno et Sainte Thérèse d’Avila, Saint Denys l’Aréopagyte et Saint Bernard de Clairvaux, le Bienheureux Henri Suso et Saint Jean de la Croix… etc.

   Note 2 : La « pâmoison » ou le « spasme » de Notre-Dame pendant la Passion (soit au moment de la rencontre avec son Fils pendant le chemin de la Croix, soit sur le Calvaire, ou soit enfin au moment de la déposition de Croix) ont été illustrés par de nombreuses représentations aux XVe et XVIe siècles : cela permettait aux artistes (peintres ou sculpteurs) une certaine théâtralité dans la mise en scène des douleurs de la Vierge. Toutefois, l’Eglise est intervenue pour mettre fin à ce type de représentation. L’Evangile en effet ne dit pas que Marie s’est évanouie ou qu’elle a perdu connaissance, mais qu’elle était debout au pied de la Croix – « Stabat » (cf. Jean XIX, 25) - attitude exprimant une certaine fermeté dans son extrême douleur et une pleine conscience.

Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur.

nika

2016-19. De quelques réflexions pertinentes – mais qui paraîtront sans doute bien impertinentes à certains quand elles ne sont que de bon sens – au sujet de la récente réforme du rite du Mandatum dans la « forme ordinaire » du missel romain…

Note préalable :
   Le texte qui suit, comme vous le pourrez lire ci-dessous, est un écrit de circonstance publié par le Maître-Chat Lully lors de la Semaine Sainte 2016 : il a été provoqué par un décret de la Congrégation pour le culte divin, signé par Monsieur le Cardinal Robert Sarah qui en était alors le Préfet, instaurant, pour le missel réformé de 1969, un changement significatif dans le rite du « Mandatum ».
Au delà du caractère circonstanciel originel de cette publication, on ne manquera pas de tirer un profit intemporel des observations de l’esprit aussi acéré que les griffes du petit félin liturgiste. 

Vignette croix et calice - blogue

Mardi Saint 22 mars 2016,
329e anniversaire de la mort de Jean-Baptiste Lully (+ 22 mars 1687).

Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,

       Le 21 janvier dernier (je n’en ai pas parlé à ce moment-là parce que, vous le savez bien, chaque 21 janvier, nous avons des choses bien plus importantes et graves qui nous occupent l’esprit), la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, à la suite d’une demande expresse et insistante du pape François qui, dans la pratique, avait déjà lui-même contrevenu aux règles jusqu’alors en vigueur, a publié un décret réformant le  rite du Mandatum – ou lavement des pieds – pratiqué dans la liturgie du Jeudi Saint.

   Faut-il le préciser ? La Congrégation Romaine en charge de la liturgie, par ce décret, modifie les rubriques du seul missel romain dit « de Paul VI » entré en vigueur au premier dimanche de l’Avent 1969, appelé parfois « forme ordinaire du rite romain ».
Il ne s’applique en aucune manière à la « forme extraordinaire du rite romain », c’est-à-dire à la messe dite – selon un raccourci pratique mais relativement inexact - « de Saint Pie V », en réalité le missel de 1962 utilisé dans les églises, chapelles et communautés faisant usage de la liturgie latine traditionnelle.
Ouf !…

   Puisque le Refuge Notre-Dame de Compassion est attaché de manière exclusive à la pratique du rite romain antiquior, nous ne sommes donc pas directement concernés par les innovations introduites par ce décret.
Il m’est néanmoins loisible d’avoir quelque opinion à ce sujet, et – depuis deux mois – je m’étais bien promis de vous faire part, en temps opportun, de certaines de mes réflexions (pas toutes : j’en garde encore quelques unes en mon for interne).

Mandatum -  Eglise de Brushford, Somerset

Le Mandatum, ou lavement des pieds
(vitrail de l’église de Brushford, dans le comté du Somerset – Angleterre)

   Dans la tradition liturgique depuis les origines, le lavement des pieds (en latin : lotio pedum) – rite institué par Notre-Seigneur Jésus-Christ Lui-même le Jeudi Saint, après l’institution de la Sainte Eucharistie et du sacerdoce – , est reproduit par l’Eglise chaque année lors d’une cérémonie sacrée, communément appelée Mandatum.
Le nom de Mandatum, mot latin qui signifie « commandement », donné à cette action liturgique se rapporte aux paroles mêmes de Notre-Seigneur (cf. Jean XIII, 34) qui sont reprises par l’antienne chantée au commencement du rite : « Je vous donne un commandement nouveau : que vous vous aimiez les uns les autres, de la même manière que Je vous ai aimés, dit le Seigneur… »

   Dans son « Dictionnaire pratique de liturgie romaine », le Chanoine Robert Lesage écrit :

« De tous temps, les Prélats, les Princes, les Rois et les Saints ont imité l’exemple du Christ. En France, depuis Robert le Pieux, les rois lavèrent ainsi les pieds de douze pauvres, qu’ils servaient ensuite à table, accompagnés des Princes du sang et des grands Officiers de la couronne (note *).
La coutume se conserva longtemps dans les cours chrétiennes, même protestantes. En 1907, l’Empereur d’Autriche le fit encore à douze vieillards dont la somme totale des années était de mille ans. En 1909, l’antique cérémonie, qui est célébrée chaque année dans la cathédrale de Westminster, fut rehaussée par la présence de la Reine d’Angleterre et de l’Impératrice douairière de Russie.
A Rome, il y avait autrefois deux lotiones pedum : le matin, le Pape lavait les pieds à douze Sous-Diacres, le soir à treize pauvres. Le diacre Jean nous rapporte un épisode de la vie du Pape S. Grégoire, qui vit un jour un treizième jeune homme, que personne n’avait vu entrer, s’adjoindre aux douze pauvres. Il déclara être un Ange envoyé du ciel pour montrer à Grégoire combien son geste était considéré par le Christ comme fait à Lui-même. Le savant Benoît XIV (De Festis D.N.J.C., liv. I, c. VI, n. 57) et de nombreux liturgistes ont expliqué le nombre treize par ce récit merveilleux. Mais d’autres auteurs ont donné des explications différentes : le treizième pauvre représenterait le Christ Lui-même (Sarnelli) auquel l’Eglise lave les pieds comme l’avait fait Marie dans la maison du Pharisien, ou bien S. Paul (Orlendi), ou bien encore le propriétaire du cénacle (Frescobaldi) qui aurait été joint aux Apôtres le Jeudi Saint.
Tout cela pour justifier la coutume existant en de nombreux endroits, et à Rome même, de laver les pieds à treize personnes. Le missel romain ne dit rien du nombre de ceux qui sont convoqués, mais le Cérémonial des Evêques (liv. II, c. XXIV, nn. 2, 3, 4) mentionne à plusieurs reprises le nombre de treize, tout en laissant la liberté relative à la qualité de ces personnes : pauvres, Chanoines ou autres. Dans la plupart des lieux, d’ailleurs, on les nomme « Apôtres » (…) ».

   Je précise que le Chanoine Robert Lesage publia l’ouvrage sus-cité en 1952, c’est-à-dire peu de temps avant les réformes de la liturgie de la Semaine Sainte opérées sous le pontificat du Pape Pie XII, réformes dont le maître d’oeuvre fut – horresco referens – le catastrophique Monseigneur Annibale Bugnini.

   Depuis l’Antiquité et jusqu’en 1955, le Mandatum était un rite pratiqué en dehors de la Sainte Messe. La réforme bugniniesque l’a intégré à la Messe du Jeudi Saint, au mépris de toute tradition et de toute cohérence.
Je profite donc de ce rappel pour vous encourager vivement à vous plonger dans les très remarquables études critiques qu’a publiées notre ami Henri Adam de Villiers au sujet de cette regrettable réforme dite « de Pie XII », sur le blogue « Liturgia » (introduction générale > ici, et pour ce qui concerne le Jeudi Saint et le Mandatum > ici).

Mandatum -  Brushford, Somerset - détail 1

   Ainsi que cela ressort des lignes citées ci-dessus rappelant brièvement quelques éléments historiques au sujet du Mandatum, depuis toujours les personnes qui ont été choisies pour participer à ce rite – qu’il s’agisse d’ecclésiastiques ou de laïcs – ont représenté de manière symbolique les Apôtres.

   Comme, d’une part, les Apôtres étaient des personnes de sexe masculin, et comme aussi, d’autre part, la tradition liturgique continue a réservé aux seules personnes de sexe masculin de tenir un rôle dans une action liturgique, il n’a jamais été question que le Mandatum fut pratiqué avec des femmes, des jeunes filles ou des fillettes, depuis les origines de l’Eglise et jusqu’à nos jours.

   Jusqu’à nos jours…
C’est-à-dire jusqu’à une époque où s’affirment sans vergogne l’ignorance crasse de la doctrine divinement révélée et des traditions liturgiques antiques les mieux assurées, la confusion des esprits, les remises en question systématiques des usages les plus vénérables, les revendications des furies féministes, les modes ecclésiastiques à la remorque des idéologies ambiantes, et que sais-je encore.

   C’est bien peu de chose que de dire que le sens originel du rite du lavement des pieds se trouve aujourd’hui édulcoré et dévoyé - comme d’ailleurs beaucoup d’autres éléments de la liturgie, dans la « forme ordinaire du rite romain ».

   De sa compréhension mystique, héritée des Apôtres eux-mêmes et transmise par l’authentique Tradition des Pères, on est passé à une interprétation très humaine de type philanthropique et sociologique – voire socialiste – qui n’a vraiment plus grand chose de surnaturel ! 
Ainsi, selon les nouvelles directives définies par le décret de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, ceux qui sont choisis pour recevoir le lavement des pieds doivent-ils désormais être « un groupe de fidèles qui représente la diversité et l’unité de chaque portion du peuple de Dieu » (sic).
On trouve également en filigrane, derrière ce genre d’affirmation, cette pitoyable autocélébration de l’assemblée, caractéristique de la liturgie postconciliaire, qu’avait naguère dénoncée un certain cardinal Ratzinger.

   Cette énième réforme du missel réformé, imposée par le pape François, à travers les termes employés par le décret du Saint-Siège qui ouvre donc le rite du lavement des pieds à des personnes de sexe féminin, laisse entendre que ces dernières doivent être catholiques (c’est du moins le sens traditionnel des mots « fidèles » et « peuple de Dieu »).
Mais on notera que le même pape François est déjà allé lui-même bien au-delà, puisque il a lavé les pieds de personnes non-catholiques : des infidèles (c’est-à-dire étymologiquement des personnes qui n’ont pas la foi), en particulier des mahométans et mahométanes…

Mandatum -  Brushford, Somerset - détail 2

   Cette manière de faire n’est pas nouvelle, puisque ce fut le cas déjà bien avant la fin du second concile du Vatican : les modernistes de tout poil n’ont jamais attendu que les réformes – ou pseudo réformes – soient mises en oeuvre par les autorités compétentes pour s’engager dans des innovations aventureuses… jusqu’au scandale.

   Dans la « forme ordinaire du rite romain », les prêtres progressistes et leurs sinistres équipes liturgiques – dont les membres semblent spécialement choisis en fonction d’une ignorance proportionnelle à leur capacité de tout oser (et là je renvoie à un fameux dialogue de Michel Audiard à propos de ceux qui osent tout : « … c’est même à ça qu’on les reconnaît ! ») – ,  ont déjà largement « exercé leur créativité » pour mettre en œuvre avec une application toute particulière ce qui était interdit. Ils n’ont donc pas attendu le décret du Saint-Siège publié en janvier dernier pour transformer le rite du lavement des pieds en énumération à la Prévert où les ratons-laveurs se retrouvent fort opportunément à leur place.
Le Père Bergoglio lui-même, jésuite, puis évêque et cardinal, était notoirement connu pour les « libertés » et « l’audace » de ses « célébrations eucharistiques ».
Il m’est arrivé de regarder la vidéo de l’une d’elles, qui avait lieu dans un stade pour une assemblée d’enfants : cela s’apparentait davantage à ces « shows » qu’organisent les prédicateurs évangélistes sud-américains qu’à la Sainte Messe catholique.
Je précise que je n’ai pas pu aller jusqu’au bout de la dite vidéo, car c’était pour moi un spectacle insoutenablement douloureux qui m’a fait verser des larmes bien amères.

Tolbiac au clin d'œil - blogue

   Qu’on me permette ici une question à l’adresse des inconditionnels de l’admission des femmes au lavement des pieds : avez-vous bien pensé, avant la cérémonie, à certains détails très pratico-pratiques ?

   Je m’explique : dans nos contrées occidentales, lorsqu’un homme est choisi pour participer au Mandatum, il n’a habituellement qu’à retirer sa chaussure et sa chaussette et à remonter légèrement le bas de son pantalon. C’est relativement simple et sans conséquences.
Mais une femme – à moins de lui imposer de participer à la cérémonie habillée comme un homme, ce qui procède là encore d’un machisme d’autant plus insoutenable qu’il ne dit pas son nom et qu’il se cache insidieusement sous le prétexte de l’égalité des sexes – , si elle est vraiment féminine, qu’elle est en jupe et qu’elle porte un collant ou des bas (car il fait encore souvent frais sous nos latitudes au moment de la Semaine Sainte), devra-t-elle retrousser sa jupe pour retirer le-dit collant devant tout « le peuple de Dieu » rassemblé, avant de se faire laver le pied par le célébrant ?
L’aura-t-on prévenue avant la cérémonie pour qu’elle prenne ses dispositions – car il ne conviendrait pas qu’elle soit prise au dépourvu, mais il faut qu’elle ait eu le temps de s’épiler les jambes et de se vernir les ongles – ?
Ou bien faudra-t-il instituer, avant le début du rite, un déplacement liturgique de toutes les femmes désignées pour le lavement des pieds vers un recoin discret de l’église ou dans une sacristie, afin qu’elles y retirent, à l’abri des regards fraternels, les pièces de leur habillement qui ne permettraient pas d’atteindre directement leurs pieds droits ?
Mais dans ce cas, ne faudrait-il pas les obliger de revenir déchaussées des deux pieds, car il serait plutôt cocasse de les voir arriver toutes ensemble claudiquant (surtout si le pied qui reste chaussé l’est d’un escarpin à talon aiguille) ?

   Vous le savez, nous autres chats avons un sens pratique souvent beaucoup plus aiguisé que ces humains qui refont le monde, l’Eglise et la liturgie dans leurs bureaux de pseudo-intellectuels en étant coupés des réalités concrètes : si je me suis permis cette question et ses développements, c’est – bien évidemment – par pure charité…

Mandatum -  Brushford, Somerset - détail 3

   Avec ces adaptations multiformes, dont on a l’impression qu’elles vont toujours dans le sens d’un mépris de la plus authentique tradition et d’une imitation des modes du monde, la liturgie issue du second concile du Vatican me fait l’effet d’un caillou roulant sur une pente : sa vitesse s’accélère au fur et à mesure qu’il descend vers l’abîme, entraînant avec lui tout ce qui n’est pas bien accroché et qui manque de racines.
De décadence en décadence, la « forme ordinaire » devient quasi profane, de plus en plus vulgaire, se délite dans son inconsistance même, et finira par disparaître.

   Nous ne la regretterons pas.
Nous ne pleurerons pas sur elle.
Peut-être même faut-il souhaiter que sa disparition totale soit hâtée…

   En attendant, ce prochain Jeudi Saint, que les modernichons s’éclatent autant qu’ils le peuvent en lavant tous les pieds de « la diversité » !

Je leur suggère d’ailleurs de ne pas se limiter à une unique parité hommes/femmes, qui ne rend plus du tout compte de l’entière diversité du « peuple de Dieu », mais qu’ils enrichissent avec encore plus de soin leurs sélections pour l’admission au lavement des pieds, s’ils ne veulent pas susciter de nouvelles ségrégations.
En effet, il ne conviendrait pas d’oublier les pieds des hermaphrodites et ceux des transexuels, ni d’ailleurs – pour lutter efficacement contre l’exclusion – les roues des fauteuils roulants des culs-de-jatte !
Qu’ils n’omettent pas non plus les pieds de ces « migrants » interstellaires que sont les petit
s-hommes-verts (et les petites-femmes-vertes, bien sûr) s’il y en a qui ont stationné leur soucoupe volante sur les platanes de la place de l’église…

   Pour nous, je le redis, nous ne nous sentons absolument pas concernés par toutes ces innovations dont, selon une savoureuse expression argotique qu’utilise parfois mon papa-moine, nous nous tamponnons le coquillard… avec une patte d’alligator femelle.

pattes de chatLully

Note * : voir, dans ce même blogue, l’article que j’ai publié le 28 mars 2013 : « Le dernier Jeudi Saint de la monarchie très chrétienne » > ici.

Vignette croix et calice - blogue

2016-17. Où, à l’occasion du 280ème anniversaire de la mort de Jean-Baptiste Pergolèse, l’on évoque bien évidemment son célèbre « Stabat Mater ».

1736 – 17 mars – 2016

Jean-Baptiste Pergolèse

Jean-Baptiste Draghi, dit Pergolèse

Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,

En ce 17 mars 2016, nous ne célébrons pas seulement la mémoire de Sainte Gertrude de Nivelles, céleste protectrice des chats (cf. > ici) – fête patronale que mon papa-moine n’a pas manqué de me fêter, vous le pensez bien ! – mais nous commémorons aussi le rappel à Dieu d’un jeune artiste de 26 ans, qui s’éteignit en ce jour il y a 280 ans : Jean-Baptiste Draghi, dit Pergolèse.
Ce surnom de PergolèsePergolesi en italien – lui vient de ce que sa famille était originaire de la ville de Pergola, dans les Marches.

Né le 4 janvier 1710, à Jesi, dans la province d’Ancône, Giovanni-Battista Draghi était un enfant remarquablement doué : ce pourquoi, à l’âge de 12 ans, il fut envoyé pour étudier au « Conservatoire des pauvres de Jésus-Christ » (Conservatorio dei poveri di Gesù Cristo) où il fut un élève brillant sous la férule de professeurs exigeants et réputés de l’école napolitaine de musique alors en pleine gloire. La formation musicale y était axée sur les beautés et les prouesses de l’opéra napolitain et de la polyphonie religieuse en vogue.
A sa sortie du Conservatoire, à l’âge de 21 ans (1731), porté par un véritable succès, Jean-Baptiste Pergolèse reçoit des commandes d’opéras et d’oeuvres religieuses : dès l’année suivante (1732), il est appelé à la charge de maître de chapelle du prince Ferdinando Colonna Stigliano, écuyer du vice-roi de Naples.

Je ne m’étends pas ici sur sa carrière et sur sa production musicale… fort courte, puisque dès l’année 1735 il commence à manifester les signes de la maladie qui va l’emporter : la tuberculose.
Au début de l’année 1736, alors qu’il vient tout juste de célébrer son 26e anniversaire, son état de santé l’oblige à se retirer hors de Naples : il est accueilli au couvent des Capucins de Pouzzoles.
Il compose là quelques dernières œuvres religieuses pour l’église conventuelle des Pères Capucins ; et c’est aussi très probablement là qu’il a écrit la toute dernière, son Stabat Mater, commande du duc de Maddaloni, son mécène, qui lui aurait demandé cette pièce pour l’église napolitaine de la Vierge des Sept Douleurs (Santa Maria dei Sette Dolori), église dans laquelle le duc possédait une chapelle votive et où il faisait exécuter des œuvres religieuses chaque troisième dimanche de septembre (pour la fête des Sept Douleurs de Notre-Dame).

Jean-Baptiste Pergolèse rend son âme à Dieu le 17 mars 1736, âgé de 26 ans deux mois et treize jours.

Dernier chef d’œuvre d’un jeune compositeur qui a traversé le firmament de la musique baroque napolitaine avec la fulgurance d’une étoile filante d’un éclat particulier, le Stabat Mater de Pergolèse est bien justement l’un des plus célèbres du genre.
Sa renommée fut rapide à travers l’Europe baroque au point que plusieurs compositeurs de renom lui feront des emprunts, le reprendront ou l’adapteront. Pour n’en citer qu’un, et non des moindres : Jean-Sébastien Bach, dès 1740, dans sa cantate « Tilge, Höchster, meine Sünde » (BWV 1083).
En France, le « Manuscrit des Menus Plaisirs du Roy » en conserve aussi une transcription comportant quelques variantes.

En ces jours proches de la Commémoraison solennelle des Sept Douleurs de Notre-Dame, fête liturgique assignée au vendredi de la Passion, et qui est si importante pour le Refuge Notre-Dame de Compassion, il m’a semblé opportun de rappeler ce deux-cent-quatre-vingtième anniversaire et de vous offrir les enregistrements de deux interprétations de ce sublime Stabat Mater : le premier est un enregistrement public réalisé au Théâtre des Champs-Elysées le 27 janvier 2014, avec Andreas Scholl et Klara Ek, accompagnés par l’ « Academy of Ancient Music » ; le second restitue la version du « Manuscrit des Menus Plaisirs du Roy » évoquée ci-dessus, interprétée par « les Pages & les chantres de la Chapelle Royale » sous le direction d’Olivier Schneebeli.

Puisse cette écoute être pour vous, comme elle l’est pour nous au Mesnil-Marie, bien chers Amis, le support d’une méditation fervente à l’occasion de cette Commémoraison solennelle de la Compassion de Notre-Dame

Lully.

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frise

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Note :
On trouvera encore une autre interprétation de cette œuvre sublime > ici

Coeur de Marie aux sept glaives

Le cantique « Au sang qu’un Dieu va répandre » :

nika

Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,

   A l’occasion de notre entrée dans le saint temps de la Passion, où nous intensifions notre contemplation des souffrances rédemptrices de Notre-Seigneur Jésus-Christ, je souhaite publier dans ces pages les paroles originelles du si populaire cantique « Au sang qu’un Dieu va répandre ».

   Il existe en effet plusieurs adaptations, plus ou moins approchantes, des paroles d’origine de ce cantique.
La version la plus répandue est sans doute celle qui a été publiée par Monseigneur Joseph Besnier dans son fameux « Recueil de cantiques populaires ».

Lorsqu'un Dieu daigne répandre (Besnier)

   Ainsi que vous le pouvez voir ci-dessus, les paroles y sont dites « d’après Fénelon » ; quant à la musique, c’est celle d’une mélodie tirée d’un opéra de Jean-Baptiste Pergolèse (1710-1736), mélodie qui fut réutilisée pour le générique de la série télévisée pour les enfants « Bonne nuit, les petits » diffusée de 1962 à 1973.

(sur l’image ci-dessous, faire un clic droit puis « ouvrir dans un nouvel onglet »)

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   Ce sont, selon toute vraisemblance, les Sulpiciens, dans le seconde moitié du XVIIIème siècle, qui ont adapté cette mélodie bien profane, alors très à la mode, pour en faire le support des paroles écrites par Fénelon.
Henri Adam de Villiers, maître de chapelle à l’église Saint-Eugène & Sainte-Cécile, à Paris, précise que les paroles françaises qui avaient fait le succès de cette mélodie disaient : « Que ne suis-je la fougère / Où sur la fin du jour, / Se repose ma bergère, / Sous la garde de l’amour ?… » !

   Mais revenons au texte lui-même.
A quelle période et pour quelles raisons le texte de Fénelon a-t-il été plus ou moins modifié ? Je ne saurais le dire.
Mais, même si plusieurs motifs, d’ordre religieux aussi bien que politique, font que je me tiens habituellement à une prudente distance de Fénelon, pour cette occurrence on ne peut qu’admirer le style et les sentiments qu’il a exprimés dans ce cantique.
Voici les paroles originelles :

1. Au sang qu’un Dieu va répandre,
Ah ! mêlez du moins vos pleurs,
Chrétiens qui venez entendre
Le récit de ses douleurs.
Puisque c’est pour vos offenses
Que ce Dieu souffre aujourd’hui,
Animés par ses souffrances,
Vivez & mourez pour lui.

* * *

2. Dans un jardin solitaire
Il sent de rudes combats ;
Il prie, il craint, il espère,
Son cœur veut et ne veux pas.
Tantôt la crainte est plus forte,
Et tantôt l’amour plus fort :
Mais enfin l’amour l’emporte
Et lui fait choisir la mort.
* * *
3. Judas, que la fureur guide,
L’aborde d’un air soumis ;
Il l’embrasse… et ce perfide
Le livre à ses ennemis !
Judas, un pécheur t’imite
Quand il feint de L’apaiser ;
Souvent sa bouche hypocrite
Le trahit par un baiser.
* * *

4. On l’abandonne à la rage
De cent tigres inhumains ;
Sur son aimable visage
Les soldats portent leurs mains
Vous deviez, Anges fidèles,
Témoins de leurs attentats,
Ou le mettre sous vos ailes,
Ou frapper tous ces ingrats.
* * *

5. Ils le traînent au grand-prêtre,
Qui seconde leur fureur,
Et ne veut le reconnaître
Que pour un blasphémateur.
Quand il jugera la terre
Ce sauveur aura son tour :
Aux éclats de son tonnerre
Tu le connaîtras un jour.
* * *

6. Tandis qu’il se sacrifie,
Tout conspire à l’outrager :
Pierre lui-même l’oublie,
Et le traite d’étranger.
Mais Jésus perce son âme
D’un regard tendre et vainqueur,
Et met d’un seul trait de flamme
Le repentir dans son cœur.
* * *

7. Chez Pilate on le compare
Au dernier des scélérats ;
Qu’entends-je ! ô peuple barbare,
Tes cris sont pour Barabbas !
Quelle indigne préférence !
Le juste est abandonné ;
On condamne l’innocence,
Et le crime est pardonné.
* * *                
8. On le dépouille, on l’attache,
Chacun arme son courroux :
Je vois cet Agneau sans tache
Tombant presque sous les coups.
C’est à nous d’être victimes,
Arrêtez, cruels bourreaux !
C’est pour effacer vos crimes
Que son sang coule à grands flots.
* * *
9. Une couronne cruelle
Perce son auguste front :
A ce chef, à ce modèle,
Mondains, vous faites affront.
Il languit dans les supplices,
C’est un homme de douleurs :
Vous vivez dans les délices,
Vous vous couronnez de fleurs.
* * *

10. Il marche, il monte au Calvaire
Chargé d’un infâme bois :
De là, comme d’une chaire,
Il fait entendre sa voix :
« Ciel, dérobe à la vengeance
Ceux qui m’osent outrager ! »
C’est ainsi, quand on l’offense,
Qu’un chrétien doit se venger.
* * * 
11. Une troupe mutinée
L’insulte et crie à l’envi :
S’il changeait sa destinée,
Oui, nous croirions tous en lui !
Il peut la changer sans peine
Malgré vos nœuds et vos clous :
Mais le nœud qui seul l’enchaîne,
C’est l’amour qu’il a pour nous.
* * *                         
12. Ah ! de ce lit de souffrance,
Seigneur, ne descendez pas :
Suspendez votre puissance,
Restez-y jusqu’au trépas.
Mais tenez votre promesse,
Attirez-nous près de vous ;
Pour prix de votre tendresse,
Puissions-nous y mourir tous ! 
13. Il expire, et la nature
Dans lui pleure son auteur :
Il n’est point de créature
Qui ne marque sa douleur.
Un spectacle si terrible
Ne pourra-t-il me toucher ?
Et serai-je moins sensible
Que n’est le plus dur rocher ?

   Amédée Gastoué (1873-1943), maître de chapelle, professeur de chant grégorien et de chant choral, président de la Société française de musicologie, trouvant que la mélodie de Pergolèse manquait de profondeur religieuse (et pour cause) en composa une nouvelle, plus conforme à la gravité du sujet du cantique de Fénelon.
Lorsqu’il était jeune religieux, notre Frère Maximilien-Marie a d’ailleurs eu un supérieur qui avait fait ses études sacerdotales à Paris avant la seconde guerre mondiale et qui, pour les chemins de Croix des vendredis de Carême, préférait chanter le cantique de Fénelon sur cette mélodie de Gastoué.

   Henri Adam de Villiers, déjà cité ci-dessus, a réalisé une harmonisation à quatre voix pour l’air d’Amédée Gastoué (voir > ici), et c’est cette version qui est interprêtée à l’église Saint-Eugène & Sainte-Cécile de Paris, pendant le temps de la Passion.
En voici un enregistrement :

(sur l’image ci-dessous, faire un clic droit puis « ouvrir dans un nouvel onglet »)

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   Je vous encourage à prendre du temps pour intérioriser et pour méditer sur les paroles de ce cantique plus que trois fois centenaire, et même – pourquoi pas ? – à en apprendre par coeur quelques strophes que vous puissiez ainsi chanter, lorsque cela est possible, au cours de vos occupations quotidiennes : Frère Maximilien-Marie fait souvent ainsi lorsqu’il jardine ou qu’il effectue quelque travail manuel, c’est une manière de continuer l’oraison et de garder son âme unie à Notre-Seigneur dans l’accomplissement des tâches ordinaires…

   Je vous souhaite toujours plus de ferveur et de générosité pendant cette dernière partie du Carême !

Lully.

Lamentation sur le Christ mort - Nicolas Poussin - 1628

Nicolas Poussin : Lamentation sur le Christ mort (1628)

2016-16. Procès-verbal de la comparution de Jean-Nicolas Stofflet devant la commission militaire qui l’a envoyé à la mort.

- 25 février -

* * *
Anniversaire de l’exécution

de

Jean-Nicolas Stofflet

frise lys deuil

Jean-Nicolas Stofflet

       C’est le 25 février 1796 vers 10 h du matin que Jean-Nicolas Stofflet fut fusillé à Angers, au Champ-de-Mars (aujourd’hui « jardin du Mail »), avec quatre compagnons d’armes.
J’ai déjà résumé la biographie de Stofflet dans les pages de ce blogue (voir > ici) et j’ai également publié le texte de la proclamation par laquelle il annonça la reprise des combats, à la fin de janvier 1796 (voir > ici).

   Pour commémorer l’anniversaire de sa mort héroïque, en sus des textes cités ci-dessus, je veux également publier le texte du procès-verbal de son interrogatoire devant la commission militaire qui l’a envoyé à la mort. Il est daté du « 5 ventôse an IV », c’est-à-dire du 24 février 1796, la veille de l’exécution.
Je le reproduis ci-dessous tel que je l’ai découvert dans l’ouvrage intitulé : « Correspondance secrète de Charette, Stofflet, Puisaye, et autres… ».

   Ce livre, en deux tomes, a été publié à Paris, sans nom d’auteur chez F. Buisson – imprimeur libraire sis au n° 20 de la rue Haute-Feuille – , en « l’an VII de la république française » (note : l’an VII de la république va du 22 septembre 1798 au 22 septembre 1799) : sa parution a donc suivi de quelque deux années et demi seulement l’exécution de Stofflet.

   Après avoir scanné l’incipit de cet interrogatoire, j’en ai recopié le texte complet en respectant l’orthographe et la ponctuation utilisées dans l’ouvrage.

   A la lecture de ce procès-verbal, on est frappé finalement par l’insignifiance des questions posées : on a envie de dire que c’est une comparution de pure forme, puisque de toute manière, le verdict est connu d’avance et ne dépendra pas de cette comparution.

Lully.

frise lys deuil

Incipit de l'interrogatoire de Stofflet

Interrogé de ses noms, prénoms, âge, qualités et demeure ?
- A répondu s’appeler Nicolas Stofflet, âgé de 44 ans, natif de Luneville, département de la Meurthe, ci-devant province de Lorraine, d’aucun métier ; qu’il a servi pendant 18 ans, après lequel temps, il s’est retiré à Maulevrier, département de Maine-et-Loire.

Interrogé de ce qu’il faisoit au pays de Maulevrier ?
- A répondu, en qualité de garde-chasse, jusqu’à l’époque de la révolution, que depuis, il a fait la guerre, en prenant les armes contre la république jusqu’au moment que la pacification fut faite entre lui et les représentans du peuple.

Interrogé, si depuis la pacification faite avec les représentans, il n’a pas repris les armes contre la république, et s’il n’a pas, par une proclamation qui a la date d’environ un mois, engagé tous les royalistes et habitants du pays insurgé, à se réunir à lui pour marcher contre les républicains ?
- A répondu, qu’oui ; parce qu’on n’avoit pas tenu les conditions de la pacification, passée avec les représentans du peuple à Monglande (note *).

Interrogé au nom de qui il combattoit contre la république ?
- A répondu que c’étoit au nom du roi, c’est-à-dire, du premier homme qu’on auroit pu mettre sur le trône.

Interrogé s’il n’a pas provoqué la dissolution des armées républicaines, en faisant proposer aux chefs de cantonnemens ou garnisons, des appointemens considérables, s’ils vouloient passer au service du roi, sous le commandement de lui Stofflet ?
- A répondu que non ; d’ailleurs, ajoute-t-il, où voudriez-vous que j’aie pris de l’argent.

Interrogé en quelle qualité il commandoit dans les armées royales ?
- A répondu, en qualité de commandant, depuis le commencement.

Interrogé de nous dire les noms des principaux chefs qui servoient sous son commandement ?
- A répondu, qu’ils se nommoient Nicolas, de la commune de Cholet ; Nicolas Blin de Tousol ; Guichard, de Soloire.

Interrogé, si lorsqu’il a été arrêté dans la commune de la Poitevinière, il n’avoit pas le dessein, avec le rassemblement qu’il avoit ordonné, d’attaquer les postes, et sur lesquels il avoit jeté ses vues ?
- A répondu qu’oui ; et d’attaquer le poste qu’il auroit cru le plus foible ; et que le rassemblement qu’il avoit fait, pouvoit monter à 3 ou 400 hommes.

Interrogé, quelles fonctions remplissoit Bernier, ci-devant curé ?
- Celle de commissaire général, et que sa demeure habituelle étoit au Lavoir.

Interrogé où il prenoit ses munitions, s’il n’avoit pas des agens dans les villes environnantes le pays insurgé, ou dans celle qui sont au milieu du pays occupé par les troupes républicaines ?
- A répondu, qu’il les achetoit du premier venu, c’est-à-dire, des habitans du pays, qui s’en procuroient dans différens endroits ; qu’il n’avoit point d’agens dans les villes environnantes le pays insurgé ; que la poudre qu’il achetoit n’étoit point en cartouches.

Interrogé quelles fonctions remplissoient auprès de lui les cinq autres accusés ?
- A répondu qu’ils n’en remplissoient aucune, à l’exception de Moreau, qui étoit son domestique.

Interrogé combien il avoit de chevaux, et où ils étoient, quand lui accusé a été arrêté ?
- A répondu qu’ils étoient dans différentes métairies, et qu’il en avoit particulièrement deux dans la forêt de Vézin.

Interrogé s’il n’avoit pas une caisse militaire, et où elle étoit déposée ?
- A répondu qu’il n’en avoit point, parce qu’il ne soldoit point ses troupes.

Interrogé pourquoi, lorsqu’il a été arrêté, il s’est révolté contre la troupe, qui avoit été pour s’emparer de lui ?
- A répondu que c’étoit pour se faire tuer sur le champ.

Lecture à lui faite de l’interrogation, a dit ses réponses contenir vérité, et a signé avec nous et le citoyen Crolbo, que le conseil a choisi pour secrétaire.

Signé : STOFFLET, et CROLBO, secrétaire.

Signature de Stofflet

Note * : Monglande = mauvaise graphie de « Mont-Glonne », qui était le nom par lequel avait été rebaptisée la paroisse de Saint-Florent le Vieil pendant la période révolutionnaire. On se souvient que Stofflet avait refusé de signer le traité de pacification à La Jaunaye, le 17 février 1795. Il n’avait accepté cette pacification qu’à contre-coeur et plus tard : c’est à Saint-Florent le Vieil, le 2 mai 1795 qu’il avait finalement signé la paix.

frise lys deuil

2016-15. Dix conseils pour survivre à un pape calamiteux et continuer à être catholique.

       L’article dont je vais publier un important extrait ci-dessous a été découvert par notre amie Béatrice sur un blogue hispanophone nommé « Con mi lupa » (c’est à dire : « avec ma loupe »), blogue qui scrute l’actualité et la commente, souvent de manière anticonformiste. Il a pour auteur un universitaire, Francisco José Soler Gil, né en 1969, qui a suivi des études de physique et de philosophie et qui, après la publication d’un livre sur la mythologie matérialiste construite aujourd’hui autour de la science, est considéré comme un « philosophe de la science ». 
Ceux qui lisent l’espagnol pourront, s’ils le désirent, se reporter au texte original ici
Pour moi, qui ne suis pas hispanisant, c’est grâce à la traduction française publiée par Béatrice le 29 octobre 2014, sur son toujours excellent site « Benoit et moi », que j’en ai pris connaissance.
J’avais alors particulièrement apprécié la teneur de cet article, et je l’avais « gardé sous le coude » en vue d’une publication ultérieure. Les réflexions que j’ai publiées précédemment (cf. > ici) à l’occasion de la fête de la Chaire de Saint Pierre, ont leur continuité logique dans la partie la plus essentielle de cet article qui est celle que j’ai retranscrite ci-dessous.

   Nous remercions chaleureusement Béatrice qui a osé cette publication en langue française et qui nous autorise si aimablement à reprendre les publications de « Benoît et moi » dans ce blogue, ainsi qu’à son amie Carlota qui a assuré la traduction de ce texte.

François Boucher-St Pierre tentant de marcher sur les eaux-1766

Saint Pierre s’enfonçant dans les eaux du lac de Tibériade
(François Boucher – 1766)

Dix conseils pour survivre à un pape calamiteux
et continuer à être catholique :

* * *

       « (…) La question est : alors que peut-on faire en des temps de Pape calamiteux ? Quelle attitude convient-il d’adopter en de tels temps ? Eh bien, puisque dernièrement sont devenues à la mode les listes de conseil pour le bonheur, pour contrôler son cholestérol, pour être plus positifs, pour cesser de fumer et pour maigrir, je vais me permettre, moi aussi, de proposer au lecteur, une série de conseils, pour survivre à un Pape calamiteux sans cesser de rester catholique. Pas question de dire non plus qu’il s’agit d’une liste exhaustive. Mais elle peut être utile, de toute façon.

   Commençons donc :

   1 – Garder son calme :
Au moment d’un naufrage, la tendance à l’hystérie est très humaine, mais n’aide pas à résoudre la moindre chose. Donc du calme. Ce n’est en effet que dans le calme que doivent se prendre des décisions convenant à chaque cas, et éviter de dire et de faire des choses que l’on aura par la suite à regretter.

   2 – Lire de bons livres d’histoire sur l’Église et la papauté :
Habitués à une suite de grands Papes, le vécu d’un pontificat calamiteux peut se révéler traumatisant, si l’on n’arrive pas à le replacer dans son contexte. Lire de bons traités d’histoire de l’Église et d’histoire de la papauté aide à mieux donner sa valeur à la situation présente. Surtout parce que dans ces livres nous sont montrés d’autres cas, nombreux, par malheur ou parce que la nature humaine est ainsi, où les eaux des fontaines, à Rome, ont coulé bien troubles. L’Église souffre de faiblesses de ce genre, mais ne coule pas à cause d’elles. C’est arrivé ainsi dans le passé, et c’est ainsi que nous pouvons nous attendre à ce que cela arrive aussi dans le présent et dans l’avenir.

   3 – Ne pas céder aux discours apocalyptiques :
En endurant les malheurs d’un pontificat calamiteux, certains les prennent comme des indices de l’imminence de la fin des temps. C’est une idée qui jaillit dans de telles circonstances : des textes apocalyptiques, motivés par des maux similaires, on peut les lire aussi chez les auteurs médiévaux. Mais précisément ce fait devrait nous servir d’avertissement. Cela n’a pas beaucoup de sens d’interpréter chaque orage comme si c’était déjà la dernière tribulation. La fin des temps arrivera quand elle devra arriver, et ce n’est pas à nous de vérifier le jour et l’heure. Ce qui nous revient, c’est de mener le combat de notre époque ; mais la vision globale revient à un Autre.

   4 – Ne pas rester silencieux, ni regarder d’un autre côté :
Durant un pontificat calamiteux, le défaut opposé à celui d’adopter l’attitude du prophète de l’apocalypse consiste dans la minimisation des événements, le silence face aux abus, et de regarder d’un autre côté. Certains justifient cette attitude en ayant recours à l’image des bons fils qui recouvrent la nudité de Noé. Mais ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas moyen de remettre dans la bonne direction la route d’un navire si l’on ne dénonce qu’elle a dévié. D’ailleurs l’Écriture a pour cela un exemple qui correspond beaucoup plus au cas que celui de Noé : les durs mais justes et loyaux reproches de l’apôtre Paul au souverain pontife Pierre, quand ce dernier s’est laissé emporté par le regard des hommes. Cette scène des Actes des Apôtres est là pour que nous apprenions à distinguer la loyauté du silence complice. L’Église n’est pas un parti dans lequel le président doit recevoir toujours des applaudissements inconditionnels. Le Pape n’est pas le leader d’une secte mais un serviteur de l’Évangile et de l’Église ; un serviteur libre et humain, qui, en tant que tel, peut dans certaines occasions adopter des décisions ou des attitudes répréhensibles. Et les décisions et attitudes répréhensibles doivent être réprimées.

   5 – Ne pas généraliser :
Le mauvais exemple (de lâcheté, de carriérisme, etc.) de quelques évêques ou cardinaux durant un pontificat calamiteux, ne doit pas nous amener à disqualifier d’une manière systématique les évêques, les cardinaux et le clergé dans son ensemble. Chacun d’entre eux est responsable de ses paroles et de ses actes ainsi que de ses omissions. Mais la structure hiérarchique de l’Église a été instituée par son Fondateur, et pour cela elle doit être respectée, malgré toutes les critiques. On ne doit pas non plus étendre la protestation à l’encontre d’un Pape calamiteux à tous ses faits et dires. Ne doivent être contestés que ceux pour lesquels la doctrine séculaire de l’Église est déviée, ou ceux où est marqué un changement de direction qui peut compromettre des aspects de la doctrine même. Et le jugement porté sur ces points ne doit pas s’appuyer sur des dires, des opinions ou des goûts particuliers : l’enseignement de l’Église est résumé dans son catéchisme. La réprobation doit porter sur les points où un Pape s’écarte du catéchisme. Pour les autres, non.

   6 – Ne pas collaborer avec des initiatives à la plus grande gloire du souverain pontife calamiteux :
Si un Pape calamiteux demande de l’aide pour s’occuper de choses bonnes, il doit être écouté. Mais on ne doit pas seconder d’autres initiatives comme peuvent être, par exemple, des rencontres de foules qui servent à le montrer comme un souverain pontife populaire. Dans le cas d’un Pape calamiteux, les acclamations abondent. Donc soutenu par elles, il pourrait se sentir épaulé pour faire dévier encore plus la route du navire de l’Église. Cela ne vaut pas de dire, par conséquent, que l’on n’applaudit pas le souverain pontife, mais Pierre. En effet, le résultat est que cet applaudissement sera employé à ses fins, non en faveur de Pierre, mais du souverain pontife calamiteux.

   7 – Ne pas suivre les instructions du Pape là où il y a déviation par rapport au legs de l’Église :
Si un Pape enseigne des doctrines ou essaie d’imposer des pratiques qui ne correspondent pas à l’enseignement pérenne de l’Église, dont la synthèse est le catéchisme, il ne doit pas être secondé et obéi dans son dessein. Cela veut dire, par exemple, que les prêtres et les évêques ont l’obligation d’insister sur la doctrine et la pratique traditionnelles, enracinées dans le dépôt de la foi, même au prix de s’exposer à des sanctions. De même les laïcs doivent insister en enseignant la doctrine et les pratiques traditionnelles dans leur domaine d’influence. En aucun cas, ni par obéissance aveugle, ni par peur des représailles, il n’est acceptable de contribuer à l’extension de l’hétérodoxie ou de l’hétéropraxis (ndt : doctrines ou pratiques non conformes).

   8 – Ne pas soutenir économiquement des diocèses qui collaborent :
Si un Pape enseigne des doctrines ou essaie d’imposer des pratiques qui ne correspondent pas à l’enseignement pérenne de l’Église, dont la synthèse est le catéchisme, les pasteurs des diocèses devraient servir de mur d’arrêt. Mais l’histoire montre que les évêques ne réagissent pas toujours avec suffisamment d’énergie face à ces dangers. Plus encore, parfois ils secondent même, pour un quelconque motif, les desseins du souverain pontife calamiteux. Le chrétien laïc qui réside dans un diocèse régi par un pasteur qui est ainsi, doit retirer son soutien économique à son Eglise locale, tant que persiste la situation irrégulière. Évidemment, ce qui vient d’être exposé ne s’applique pas aux aides qui sont directement destinées à des fins caritatives, mais aux autres. Et cela vaut aussi pour tout autre type de collaboration, par exemple sous forme de volontariat ou de charge institutionnelle.

   9 – Ne soutenir aucun schisme :
Face à un Pape calamiteux, peut surgir la tentation d’une rupture radicale. On doit résister à cette tentation. Un catholique a le devoir d’essayer de minimiser, au sein de l’Église, les effets négatifs d’un mauvais pontificat, mais sans briser l’Église ni rompre avec l’Église. Cela veut dire que si, par exemple, sa résistance à adopter des thèses déterminées ou des pratiques déterminées, fait tomber sur lui la peine d’excommunication, il ne doit pas pour cela encourager un nouveau schisme ou soutenir un de ceux déjà existant. Il faut en tant que catholique, rester patient, en toute circonstance.

   10 – Prier :
La permanence et le salut de l’Église ne dépendent pas en dernière instance de nous, mais de Celui qui l’a voulue et l’a fondée pour notre bien. Dans les moments de naufrage, il faut prier, prier et encore prier, pour que le Maître se réveille et calme la tempête. Ce conseil a été mis en dernier, non pas parce qu’il est le moindre, mais au contraire le plus important de tous. Car, finalement, tout se réduit au fait que nous croyons vraiment que l’Église est soutenue par Dieu, qui l’aime et qui ne la laissera pas être détruite. Prions donc, pour la conversion des souverains pontifes néfastes, et pour qu’aux pontificats calamiteux succèdent des pontificats de restauration et de paix. Beaucoup de branches sèches auront été brisées durant l’orage mais celles qui seront restées unies au Christ, refleuriront. Plaise à Dieu que l’on puisse dire la même chose de nous ! »

Francisco José Soler Gil

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