2016-60. De l’anniversaire de la mort de Don Antonio Vivaldi et de son oratorio « Juditha triumphans ».
28 juillet,
Fête des Saints Nazaire et Celse, martyrs, Victor 1er, pape et martyr,
et Innocent 1er, pape et confesseur ;
En Bretagne, fête de Saint Samson de Dol, évêque et confesseur ;
Anniversaire du sacre de Pépin 1er le Bref à Saint-Denis par Etienne II ;
Anniversaire de la mort de Jean Cottereau, dit Jean Chouan.
Le Caravage : Judith tranchant la tête d’Holopherne (1598)
Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,
Sans doute, les événements qui s’enchaînent, de jour en jour, de mois en mois, d’année en année – dans la Sainte Eglise et dans le monde -, et qui nous donnent la plupart du temps l’impression d’une dégringolade sans fin, d’abîme en abîme, sont, certes, la source inépuisable de réflexions, de commentaires ou de publications. Mais, aujourd’hui, je ne veux pas entrer dans une surenchère de gloses, et j’ai délibérément pris le parti de n’aborder l’actualité que d’une manière qui, pour être indirecte et allusive, n’en touche pas moins à la réalité profonde, et non épiphénoménique (si l’on me permet ce néologisme) des maux de ce temps.
Le 28 juillet est en effet l’anniversaire de la mort de l’un des compositeurs que nous affectionnons le plus au Mesnil-Marie (car même si je me prénomme Lully, je n’en goûte pas moins d’autres génies musicaux) : Don Antonio Vivaldi, qui rendit son âme à son Créateur, à Vienne, le 28 juillet 1741.
Je ne vais pas faire ici un résumé de la vie de celui que sa chevelure fit surnommer « il prete rosso : le prêtre roux ».
Je ne veux pas non plus m’étendre sur les qualités ou les vices – réels ou supposés car c’est sans aucune preuve qu’on lui a prêté une vie dissolue – du compositeur : même s’il ne célébrait pas la sainte messe, nous avons par ailleurs des témoignages sur sa réelle dévotion, ainsi que sur sa stricte fidélité à la récitation du bréviaire et au port de l’habit ecclésiastique.
Je ne suis pas non plus en mesure de publier quelque « scoupe » sur les derniers mois, les derniers jours et les dernières heures du génialissime vénitien, qui restent – et peut-être resteront – toujours environnés d’un certain mystère : Don Antonio a quitté Venise, qu’il ne reverra jamais, en mai 1740, pour un voyage qu’il prévoyait long…
Par quelles villes avait-il prévu de passer ? Il est difficile de le préciser.
Vienne, sans nul doute, mais quand y arriva-t-il exactement ? Nul ne peut le dire.
Ce qui est certain en revanche c’est que la mort de l’empereur Charles VI, au mois d’octobre, le priva d’un précieux mécène.
Sans protecteur ni ressources stables, pour survivre « à la petite semaine », Vivaldi composait et vendait quelques compositions, ainsi qu’en fait foi le dernier autographe connu de sa main : un reçu daté du 28 juin 1741 pour le paiement de concertos.
Le 27 ou le 28 juillet 1741, il décéda, pauvre et seul, âgé de 63 ans et à peine 5 mois.
Ses funérailles, célébrées le 28, furent celles des indigents.
La maison dans laquelle il logea, le cimetière où il fut inhumé, tout a disparu…
Il ne nous reste que sa musique.
Sa prodigieuse et incomparable musique.
Le seul portrait authentique et certain d’Antonio Vivaldi qui nous soit parvenu
est une esquisse, presque une caricature, réalisée par Pier Leone Ghiezzi.
Datée de 1723, elle est conservée à la bibliothèque du Vatican.
Mais plutôt que de rester à ruminer la tristesse des circonstances dans lesquelles Don Antonio Vivaldi s’est éteint, je veux m’attacher aujourd’hui à évoquer l’un de ses plus époustouflants chefs d’œuvre : l’oratorio intitulé « Juditha triumphans devicta Holofernis barbarie », plus couramment appelé « Juditha triumphans ».
C’est le seul des quatre oratorios composés par Vivaldi qui nous soit parvenu, à ce jour (sous la référence RV 644) : le manuscrit, longtemps oublié, en a été retrouvé à Turin en 1926.
Le livret est l’oeuvre de Iacopo Cassetti. On le trouvera en intégralité (texte latin et traduction) > ici.
Cela vaut vraiment le coup d’en lire attentivement les textes.
L’oratorio fut composé entre la fin du mois d’août et le mois de novembre 1716 où il fut représenté à l’Ospedale della Pietà. Il connut un vif succès.
En reprenant l’histoire de Judith, racontée par le livre éponyme de l’Ancien Testament, c’est une actualisation symbolique à laquelle se livre l’oratorio car, de fait, il célèbre la victoire de la Sérénissime sur le Croissant, à Corfou, le 18 août 1716.
En effet, en juillet 1716, la flotte turque avait assiégé l’île de Corfou, cherchant à s’en emparer : malgré la résistance acharnée des Corfiotes, l’île – qui s’était placée sous la protection de Venise depuis la fin du XVe siècle et qui constituait une sorte de poste avancé de la Chrétienté face à l’empire ottoman – était bien près de succomber.
La république de Venise contracta une alliance avec le Saint Empire Romain Germanique, et la flotte, commandée par le comte Johann Matthias von der Schulenburg, remporta, le 18 août 1716, une bataille décisive qui contraignit les Ottomans à lever le siège : cela se passait il y a trois siècles… et l’histoire se reproduit avec des avatars jamais tout-à-fait identiques, mais substantiellement les mêmes.
L’histoire recommence toujours.
Pas seulement autour de l’île de Corfou, mais dans toute la Chrétienté, qui apparaît bien tiède et fissurée dans ses forces spirituelles ; car ce ne sont pas les gesticulations exubérantes, et souvent bien superficielles, sous forme de « marches blanches », de cortèges pacifiques de « solidarité », de « grand rassemblement festif », de dépôts de peluches ou de discours ministériels accompagnés de prises de paroles de chefs religieux prônant le « vivre ensemble », qui sont l’indice de la véritable vitalité de la Chrétienté…
« Arma, caedes, vindictae, furores… Armes, carnages, vengeance, fureurs guerrières, pauvreté, terreur, précédez-nous ! Tournoyez ! Livrez bataille ! O sorts de la guerre, attirez mille plaies, mille morts ! » C’est ce que chantent en chœur les soldats assyriens – symbolisant les troupes mahométanes – au début de l’œuvre, accompagnés par les cuivres.
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Le chœur final « Salve, invicta Iuditha », désormais considéré comme l’hymne de Venise, fait chanter aux femmes de Judée les paroles suivantes : « Salut, ô Judith invaincue, belle, splendeur de la patrie et espérance de notre salut, tu es vraiment le modèle de la plus haute vertu, tu seras toujours glorieuse dans le monde ! Le barbare Thrace ainsi vaincu, que la Reine de la mer soit triomphante ! Et que l’ire divine étant ainsi apaisée, Adria vive et règne dans la paix ! »
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Qu’en face des modernes Holopherne, ce qui est encore lucide et courageux dans la Chrétienté sache donc, comme Judith armée de foi, de jeûne et de prière, mais aussi avec une intelligence tactique inspirée, brandissant avec une juste maîtrise les véritables glaives qui s’imposent, repousser victorieusement la barbarie mahométane et les complices sournois qui la favorisent au milieu de nous…