Archive pour la catégorie 'Chronique de Lully'

2016-75. La révolution, une maladie infectieuse (Gustave Thibon).

19 octobre,
Fête de Théofrède de Carméri (cf. > ici) ;
Mémoire de la Bienheureuse Agnès de Langeac (cf. > ici) ;
Mémoire de Saint Pierre d’Alcantara ;
Anniversaire de la mort de la Reine Marie-Thérèse de France (cf. > ici).

Eglise St-Etienne Bar-le-Duc - transi de René de Chalon Prince d'Orange

Eugène Delacroix : « la liberté guidant le peuple »

frise

   Profitons de ces jours qui nous préparent de manière éloignée à la fête du Christ-Roi, pour alimenter notre réflexion sur la société et la politique, et sur ce que devrait être une pensée politique conforme à la civilisation chrétienne.
Nous vous proposons, ci-dessous, et dans les prochains jours, des extraits de l’ouvrage de Gustave Thibon intitulé « Diagnostics » qui fut publié en 1942 et qui, malgré le temps qui passe, semble cependant en bien des points une réflexion sur la France de ce XXIème siècle…

frise

La révolution, une maladie infectieuse…

   « On ne saurait mieux définir une révolution qu’en la comparant à une maladie infectieuse. Jacques Bainville a dit quelque part que le peuple français en commémorant la prise de la Bastille, ressemblait à un homme qui fêterait l’anniversaire du jour où il aurait pris la fièvre typhoïde.
La fièvre typhoïde, en soi, est un mal. Mais il advient qu’elle « purge » et rénove un organisme et prélude à une phase de santé plus pure et plus riche. Ainsi des révolutions : leur existence ne peut se justifier que par les réactions salutaires qu’elles provoquent parfois dans une organisation sociale qui les précède, qui les supporte et qui leur survit. Si les révolutions « font du bien », ce bien présupose l’ordre et la tradition qu’elles bouleversent : il se réalise dans cet ordre ancien, à la fois rétabli et rajeuni, c’est-à-dire après la convulsion révolutionnaire, laquelle, considérée isolément, reste un mal. C’est dire qu’une révolution ne porte des fruits positifs qu’en mourant – qu’en cédant la place au vieil équilibre qu’elle est venue rompre – tout comme une fièvre dont les effets purifiants ne se font sentir qu’après la mort de l’infection et le retour de l’organisme à son rythme normal. L’expression « bienfaits d’une révolution » implique à la fois la mort de cette révolution et la survie (au moins dans ce qu’il a de conforme aux exigences essentielles de la nature humaine) de l’état social que cette révolution a voulu tuer.
Il est au contraire inhérent à un certain messianisme moderne de croire en la primauté, en l’autosuffisance, en la bonté absolue de l’esprit révolutionnaire. Le pur homme de gauche est tout prêt à chercher les bases d’une politique durable et constructive dans des idéologies qui sont, par essence, destructives et dont l’influence doit, sous peine de mort, rester strictement transitoire. L’idolâtrie révolutionnaire consiste à vouloir éterniser, comme conforme au bien suprême de l’homme, un état de crise qui ne peut se justifier que par un prompt retour de l’organisme social à son mode naturel de nutrition et d’échanges.
La preuve est faite par les plus ruineuses expériences que les mythes qui président à la marche des révolutions (lutte et suppression des classes, dictature du prolétariat, etc.) ne possèdent aucune force organisatrice, aucune vertu positive. Si ces utopies, dévorantes par elles-mêmes, portent parfois accidentellement de bons fruits, c’est en luttant et en mourant au service de leurs contraires, au service des vérités qu’elles nient : une inégalité mieux comprise entre les hommes, le gouvernement d’une élite régénérée, etc. – Ainsi, la Révolution française, voire la Révolution russe, pourront être appelées fécondes le jour où toutes les toxines qu’elles ont introduites dans l’économie sociale auront été éliminées et où l’esprit élargi et purifié de « l’ancien régime » aura succédé aux séquelles épuisantes de ces fièvres.
Comme toute erreur, toute aberration, – comme le mal en général, une poussée révolutionnaire, un bond à l’extrême gauche peuvent avoir une vertu purgative. Mais non nutritive. Le vrai révolutionnaire, celui qui croit en la valeur constructive et conservatrice de l’idéal égalitaire et démagogique et qui veut fonder un ordre stable sur cet idéal, ressemble à un médecin qui rêverait d’assurer la santé de ses clients en les nourrissant uniquement – de purgatifs !
L’idéal de la « révolution permanente » prêché par Lénine et les premiers bolchéviks est parfaitement conforme à cette folie : suprême extrait de l’illusion démocratique, il implique la poursuite contradictoire d’un ordre qui, loin de succéder au désordre, en serait la consolidation et l’épanouissement. Renié par Staline et encensé par Gide, le mythe russe de la révolution permanente est le digne prolongement du mythe français des « immortels principes ». L’un et l’autre reposent sur la confusion de la fièvre et de la santé, et demandent à une maladie, camouflée en essence, de fournir les normes immuables, le fondement naturel de la vie de la Cité. »

Gustave Thibon,
in « Diagnostics » (éd. de 1942, pp. 106-109).

à suivre > ici

Transi de René de Chalon, Prince d'Orange - Bar-le-Duc

Nous prions nos aimables lecteurs de nous pardonner une erreur tout à fait involontaire :
l’œuvre présentée en haut de cette page et ci-dessus de manière plus détaillée,
est en réalité le « transi » de René de Chalons, Prince d’Orange,
sculpture de Ligier Richier (vers 1545-1547),
dans l’église Saint-Etienne de Bar-le-Duc :
l’extrême parenté avec le tableau de Delacroix suffit à expliquer notre méprise,
absolument involontaire, j’insiste pour le redire…

pattes de chatLully.

2016-74. Le massacre de la Glacière, en Avignon.

17 octobre,
fête de Sainte Marguerite-Marie.

   A la journée de recueillement qu’est tout 16 octobre, dans la pieuse mémoire de notre Souveraine martyrisée (cf. > ici, ou ici, ou encore ici et ici), succède aussitôt une autre journée de commémoraison de victimes de la satanique révolution : c’est en effet dans la terrible journée du 17 octobre 1791 que fut perpétré le massacre de la Glacière, en Avignon.
Cet horrible événement a reçu son nom de l’une des tours du Palais des Papes : la tour de la Glacière (originellement tour des latrines), accolée à la tour de Trouillas, qui avait été aménagée en glacière au temps des vice-légats.

Tour de la Glacière sur le plan du palais des papes

Emplacement de la tour de la Glacière dans l’ensemble du Palais des Papes.

A – Le contexte :

   Depuis la fin du XIIIe siècle, le Comtat Venaissin était propriété de la papauté.
Le pape Clément V, contraint par la situation de la ville de Rome, à trouver refuge en d’autres lieux, s’y installe en 1309. Ce n’est toutefois qu’en 1348 que le pape Clément VI acheta la ville d’Avignon à la reine Jeanne de Naples ; dès lors, tout en restant juridiquement deux réalités distinctes, les sorts de la ville d’Avignon et du Comtat furent liés.
Après le retour de la papauté à Rome, Avignon et le Comtat, demeurant Etats de l’Eglise, furent administrés par un gouverneur, la plupart du temps un grand personnage ecclésiastique qui avait le rang de vice-légat.

Au cours des siècles, les rois de France – dans les moments de crise aigües avec le Saint-Siège – annexèrent temporairement ou occupèrent le Comtat Venaissin ; ils avaient aussi imposé des droits de douane, parfois fort élevés entre les deux Etats.
Au début de la révolution, toute une partie de la population du Comtat, souvent une bourgeoisie marchande acquise aux idées nouvelles, dont le négoce se trouvait entravé par les droits de douane, était favorable au rattachement à la France. D’autres étaient hostiles à l’administration pontificale.
Le mouvement des idées qui agitait le Royaume de France ne s’arrêtait pas aux frontières du Comtat et d’Avignon : on vit bientôt se former deux partis : a) les « papistes », plutôt conservateurs, notables attachés à la religion et à l’administration pontificale ;  et b) les pro-révolutionnaires, acquis aux idées nouvelles, dans les rangs desquels pouvaient se côtoyer des paysans excédés par les droits de douane et les bourgeois libéraux cherchant à remplacer l’ancien système par des dispositions plus favorables au commerce et à la libre circulation des biens.

Il faudrait encore ajouter à cela 1) la vieille rivalité entre Carpentras – véritable capitale historique du Comtat – et Avignon, 2) puis les conséquences de la « grande peur » de l’été 1789 qui, ne s’arrêtant pas aux frontières, avait vu la création de milices bourgeoises, ainsi que 3) le contexte extrêmement tendu dans lequel se déroulèrent les élections municipales jusqu’à déclencher des rixes et des heurts… etc.
Bref ! L’année 1790 s’acheva dans la confusion civile et religieuse : les catholiques fervents étaient de plus en plus opposés au rattachement à la France, suspectée de devenir un royaume schismatique en raison de la constitution civile du clergé, dont la condamnation par le pape était annoncée, et ils furent profondément scandalisés par la décision du conseil municipal d’Avignon de confisquer l’argenterie des églises afin de la convertir en numéraire et subvenir aux besoins de la ville.

Matthieu Jouve, dit Jourdan coupe-tête

Matthieu Jouve, dit Jourdan coupe-tête

B – Matthieu Jouve, dit « Jourdan coupe-tête ».

   Né le 5 octobre 1746 dans la paroisse de Saint-Jeures, en Velay, à une lieue et demi d’Yssingeaux, Matthieu Jouve mérite en toute justice d’être qualifié de monstre révolutionnaire.
On rapporte qu’il fut successivement apprenti maréchal-ferrant, garçon boucher, soldat, contrebandier (et pour ce fait condamné à mort par contumace à Valence).
Matthieu Jouve se cacha à Paris, sous le pseudonyme de Petit. Attaché un temps aux écuries du maréchal de Vaux, il semblerait qu’il fut même un temps au service du gouverneur de la Bastille. Au début de la révolution il aurait été cabaretier, profession en accord avec ses habitudes d’ivrognerie.

Plusieurs témoignages assurent que ce fut lui qui, lors du pitoyable 14 juillet 1789, égorgea l’infortuné marquis de Launay, son ancien maître. C’est de là que lui viendrait son surnom de « Jourdan coupe-tête ».
Un certain nombre de biographes le présente aussi comme l’un des meurtriers des gardes-du-corps massacrés à Versailles lors des journées d’octobre (toutefois d’autres prétendent que, dès cette époque, il exerçait comme voiturier en Avignon et dans les environs). 
Les troubles qui éclatèrent en cette ville, au mois d’avril 1791, à l’occasion du projet de réunion du Comtat Venaissin à la France, ayant donné lieu à la formation d’un corps de volontaires sous le nom d’armée de Vaucluse, Jourdan, qui ne savait ni lire ni écrire, et qui ne signait qu’au moyen d’une griffe, devint général en chef de cette troupe, après la mort du chevalier Patrix, assassiné par ses soldats. Sous ce nouveau chef, l’armée de Vaucluse mit tout à feu et à sang dans le Comtat, dévastant les moissons, incendiant les églises, les châteaux et n’épargnant pas les chaumières.
Comme, pour le massacre dont nous allons ensuite parler, il bénéficia d’un décret d’amnistie, il se serait ensuite établi dans le commerce de la garance.
De retour à Paris au début de l’année 1794, il reçut un accueil enthousiaste au club des Jacobins ; mais comme, peu après, il eut l’audace de faire arrêter le représentant Pélissié, envoyé dans le Midi par la Convention, il fut dénoncé et appelé à comparaître devant le tribunal révolutionnaire : il s’y présenta le 27 mai arborant sur la poitrine un grand portrait de Marat… qui ne le protégea pas, puisqu’il fut condamné et guillotiné le jour même.
Voilà donc le portrait du fameux « Jourdan coupe-tête », principal instigateur du massacre que nous commémorons.

Le massacre de la Glacière - gravure de 1844

C – Le massacre de la Glacière.

   Comme nous l’avons vu ci-dessus, les remous révolutionnaires avaient eu leurs conséquences jusqu’en Avignon et dans le Comtat : entre les « papistes » (blancs) et les pro-Français (rouges) le climat était de plus en plus tendu, et le fut de plus en plus pendant toute l’année 1791 : la confiscation des biens de l’Eglise, la destitution de l’archevêque – réfractaire au serment constitutionnel – , l’expulsion manu militari des chanoines de la Métropole Notre-Dame des Doms, exacerbèrent l’opposition des catholiques fidèles.
Les pro-Français, travaillés en sous-main par les francs-maçons et par divers agents de la révolution installés dans le Comtat, dont « Jourdan coupe-tête », après avoir expulsé le vice-légat du pape et fait adopter la constitution française, décidèrent, lors d’une assemblée tenue dans l’église Saint-Laurent de Bédarrides le 18 août 1791, du rattachement à la France, au mépris des droits souverains du Saint-Siège.
Mise devant le fait accompli, l’assemblée Constituante proclama, le 14 septembre 1791, que les États d’Avignon et du Comtat faisaient désormais « partie intégrante de l’Empire français ».

Dans le même temps, un coup d’état militaire avait renversé la municipalité avignonnaise, jugée trop favorable aux « papistes », et les administrateurs confièrent le commandement du fort à « Jourdan coupe-tête ». La nouvelle municipalité décida la confiscation des cloches (il ne devait plus en rester qu’une seule par église) sous prétexte de récupérer leur métal pour fabriquer de la monnaie.
Les partisans de l’Etat pontifical et les catholiques fervents, de plus en plus scandalisés par l’anticatholicisme du mouvement révolutionnaire, firent placarder dans toute la ville d’Avignon, au matin du 16 octobre 1791, une affiche dénonçant le dépouillement des églises, la confiscation des cloches, et l’impiété de la « nouvelle patrie »…
En outre, le bruit courait qu’une statue de la Madone, dans l’église du couvent des Cordeliers, avait versé des larmes de sang. La foule s’y rendit, et cette chapelle devint le point de cristallisations des débats de plus en plus houleux entre « blancs » et « rouges ».
Le patriote Lescuyer, secrétaire-greffier de la municipalité, fut dépêché sur place : il voulut monter en chaire pour prendre la parole mais, pris à partie, il fut molesté et, dans la bagarre qui s’en suivit, alla cogner de la tête contre le piédestal d’une statue. Se relevant et tentant de fuir, il fut alors frappé d’un coup de bâton qui le laissa étendu au pied de l’autel.
« Jourdan coupe-tête », commandant du fort, et Duprat, commandant de la garde nationale, rassemblèrent leurs hommes, se rendirent à la chapelle des Cordeliers, y trouvèrent Lescuyer, baignant dans son sang mais vivant : avec des menaces de représailles,  ils le promenèrent à travers la ville ce qui l’acheva…
Leur volonté était d’arrêter tous ceux qui pouvaient avoir eu quelque part à l’agression, ou pouvaient être suspectés d’y avoir pris part.
On commença par prétendre instruire un procès, mais très rapidement tous se rangèrent à l’idée de mener une action « exemplaire » au cours de laquelle seraient directement exterminés tous les possibles suspects.

   Au cours de la nuit du 16 au 17 octobre, une soixantaine de « suspects » fut arrêtée et emprisonnée dans les cachots qui avaient été aménagés dans l’ancien palais papal (certains auteurs avancent jusqu’au nombre de 73 personnes).
Le fils de Lescuyer, âgé de 16 ans, se présenta à la tête d’un groupe de jeunes gens et réclama le droit de venger lui-même la mort de son père : Jourdan et Duprat y consentirent et se retirèrent pour aller dîner dans une auberge des environs.

   Les emprisonnés furent sortis de leurs cellules et exécutés les uns après les autres.
Ce fut un véritable massacre tant les exécuteurs, qui n’étaient pas de vrais bourreaux, n’avaient aucune habileté particulière à abréger les souffrances de leurs victimes.
Cette absence d’ordre augmenta d’ailleurs le nombre des victimes, puisque furent aussi massacrés d’autres prisonniers arrêtés pour d’autres faits bien avant la mort de Lescuyer.
Comme les cadavres s’amoncellaient, il fallut dégager le terrain : on pratiqua donc une ouverture dans la tour de la Glacière afin d’y jeter les corps.
Lorsqu’il ne resta que les prisonniers les plus populaires – les plus difficiles à tuer – , un détachement se rendit à l’auberge où soupaient Jourdan, Duprat et leurs amis, afin d’avoir leur avis. Jourdan approuva la poursuite du massacre.
Vers la fin de la nuit, alors qu’une odeur épouvantable commençait à se dégager de la Glacière, Jourdan donna l’ordre de recouvrir les cadavres avec de la chaux vive.

   Deux jours plus tard, l’Assemblée générale des citoyens actifs décida que l’église des Cordeliers serait désormais fermée au culte et son clocher démoli : de fait, le clocher fut amputé de sa flèche et de son tambour mais, à ce moment, la démolition s’arrêta là.
Un mois plus tard, la municipalité ordonna l’ouverture d’une brèche au bas de la tour de la Glacière afin de retirer les restes de la soixantaine de cadavres qui s’y trouvaient. Leur extraction eut lieu du 14 au 16 novembre : le lendemain vingt caisses de restes humains furent convoyées vers le cimetière Saint-Roch.

   L’affaire eut un certain retentissement. A Paris, l’ignoble Marat, dans « L’Ami du Peuple », jugea que « la mort de ces scélérats n’[était] que le juste châtiment de leurs infâmes machinations » et salua les « actes de justice que les patriotes d’Avignon [avaient] été forcés d’exercer pour leur salut »

   Malgré les historiens officiels qui s’acharnent à vouloir faire croire que ces horreurs ne sont qu’un phénomène marginal lié aux péripéties du rattachement du Comtat et d’Avignon à la France, nous, nous ne pouvons pas ne pas y voir la manifestation de la réalité – terroriste par essence – de la satanique révolution, comme cela avait déjà été le cas les 13 et 14 juin 1790 à Nîmes (cf. > ici).

Lully.

Avignon, vestiges de l'église des Cordeliers - état actuel

Avignon, vestiges de l’église des Cordeliers :
en partie détruit au moment du massacre de la Glacière, l’édifice fut vendu après la révolution
et le couvent aussi bien que la chapelle furent livrés aux démolisseurs ;
il n’en subsiste aujourd’hui que la chapelle de l’abside et une partie du clocher.

2016-72. Prendre son chapelet, c’est aller à la bataille.

Octobre,
Mois du Très Saint Rosaire.

Lépante - tableau illustrant la bataille

Tableau de la bataille de Lépante représentant, au-dessus, des flottes chrétienne et mahométane,
la Très Sainte Vierge Marie, brandissant un glaive, intervenant avec l’armée des anges,
pour venir en aide aux combattants de la Chrétienté.

   Cessons de donner de la prière du Saint Rosaire l’image d’un doux et pieux ronronnement de fidèles inoffensifs cantonnés dans leurs églises et leurs paisibles « groupes de prière »…

   Non ! Le rosaire est une arme de guerre, un glaive meurtrier, un fléau d’arme, une « kalach » spirituelle.
Les fidèles qui le prient doivent l’avoir en main pour s’en servir comme d’une arme impitoyable.

   Prendre son chapelet, c’est aller à la bataille !
Réciter son chapelet est un acte militant au sens étymologique du terme : un acte de militaire.
Et souvenons-nous bien que par le sacrement de la confirmation qu’il a reçu chacun d’entre nous a été fait combattant : « miles Christi ».
Eh bien ! la prière du rosaire est vraiment un acte de guerre, un acte combattant, un acte tout à la fois défensif et offensif qui blessera l’ennemi, qui l’empêchera de nuire, qui tâchera de le faire saigner, jusqu’à le vider de son sang et le faire mourir.

   On doit dire le rosaire avec l’esprit du chevalier qui, après avoir revêtu cotte de maille et armure, enfourche son destrier caparaçonné et s’en va au combat pour en découdre sans ménagement, pour faire du mal à l’ennemi, pour le terrasser et le tuer, sans pitié.
Vaincre à tout prix et ne pas mourir n’ont pas d’autre alternative.

   A chaque mystère, je suis dans un corps à corps avec l’ennemi.
Lutte sans merci contre le traître tapi au fond de moi ; lutte sans merci contre le monde, l’esprit du monde et tous leurs hideux sattelites : hérésies, maçonnerie, révolution, libéralisme, socialisme, capitalisme, sectes diaboliques, islamisme, hypersexualisme… etc. ; lutte sans merci contre l’enfer déchaîné, répandu sur la terre, et oeuvrant sans répît pour faire tomber les âmes en enfer.

A chaque « Ave, Maria », je suis dans la mêlée et je frappe – un coup après l’autre, inlassablement répété, continûment réitéré – sur l’ennemi, pour défoncer sa cuirasse, pour la percer, lui transpercer le corps et le mettre à mort.
Et il faudra recommencer, encore et encore : « Ou bien tu mets à mort l’iniquité, ou bien c’est l’iniquité qui te tue », disait notre bienheureux Père Saint Augustin. Trop de chrétiens l’ont oublié et négocient leurs petits arrangements avec l’ennemi pour mener une vie chrétienne sans gêne et sans combat ; c’est sans nul doute l’une des raisons pour laquelle la Chrétienté se porte si mal.

   Rappelons nous que la fête de Notre-Dame du Très Saint Rosaire, a été originellement nommée Notre-Dame de la Victoire du Très Saint Rosaire, instituée comme une débordante action de grâce pour le salut de la Chrétienté, menacée par l’islam, obtenu de manière spectaculaire à la bataille de Lépante.
Ainsi la fête du 7 octobre n’est-elle pas une fête mineure de dévotion pour bigotes iréniques : elle est la célébration jubilatoire de la victoire, bien plus que ne peuvent l’être les commémorations civiles d’armistice !
Fête de la victoire contre tous les ennemis du règne du Christ, victoire de Son Eglise, victoire de la Chrétienté.
Chaque fois que je saisis mon chapelet, je ne dois pas seulement me souvenir de Lépante, mais je dois en vérité actualiser Lépante : je dois transposer la lutte acharnée de Lépante, et sa victoire, à tous les combats actuels de la Sainte Eglise.

Frère Maximilien-Marie du Sacré-Coeur.           

Lépante  - détail

Voir aussi la bande dessinée
« Du Saint Rosaire redoutable aux démons » > ici

2016-71. « Pour que son peuple soit ramené à la foi de ses aïeux et à la pratique religieuse ».

Dernier dimanche de septembre
et 3 octobre,

Fête de Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus de la Sainte Face,
céleste patronne de la France en second avec Sainte Jehanne d’Arc.

   Au dernier dimanche de septembre, en France, on célèbre la solennité de Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus de la Sainte Face, dont le jour de la fête est assigné au 3 octobre.
Profitons-en donc pour lire – ou relire – la lettre apostolique par laquelle Sa Sainteté le Pape Pie XII a proclamé la jeune carmélite de Lisieux patronne céleste de la France en second, après Notre-Dame de l’Assomption.

Nous nous sommes permis, en reproduisant ce texte, de mettre en caractères gras les passages qui expliquent et motivent ce céleste patronage : les « ruines immenses tant spirituelles que temporelles » de notre temps sont sans nul doute différentes de celles laissées par la seconde guerre mondiale, mais elles n’en sont pas moins réelles et graves, nécessitant peut-être plus encore le recours à nos célestes protecteurs…

Ste Thérèse jouant Ste Jehanne d'Arc dans une récréation du Carmel

« J’aime la France ma patrie,
Je veux lui conserver la foi ;
Je lui sacrifierai ma vie
Et je combattrai pour mon roi. »

Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus jouant le rôle de Sainte Jehanne d’Arc
lors d’une récréation au Carmel.

lys.gif

PIE XII
Lettre Apostolique

« Sanctae Romanae Ecclesiae »

par laquelle Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, vierge, carmélite de Lisieux,
est établie patronne en second de toute la France.

   Le cardinal de la Sainte Eglise romaine, archevêque de Paris (note 1), Nous fait connaître, parlant aussi au nom de tous les autres cardinaux, archevêques et évêques de France, son souhait ardent de Nous voir daigner, par un effet de Notre bienveillance, déclarer sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus patronne en second de la France entière.
Comme la très noble nation française a déjà, depuis plusieurs siècles, pour patronne principale la Très Sainte Vierge Marie, Mère de Dieu, et pour patronne en second, sainte Jeanne d’Arc, depuis sa canonisation, les évêques, d’un commun accord, ont jugé opportun, surtout en ces temps de détresse, de ménager aux fidèles de France une autre intercession particulière auprès de Dieu, celle de la sainte carmélite de Lisieux qui, pour que la foi catholique se conserve toujours et avec fermeté chez ses compatriotes, a témoigné à sa patrie un grand amour en la recommandant à Dieu le plus possible.
Le cardinal de Paris ajoute que Notre prédécesseur, de récente mémoire, le pape Pie XI, avait bien voulu instituer sainte Thérèse patronne des missions ; et puisque aujourd’hui la France elle-même, en raison des ruines immenses tant spirituelles que temporelles que la dure et terrible guerre présente lui a causées, peut être considérée comme un très vaste champ à cultiver par le labeur missionnaire pour que son peuple soit ramené à la foi de ses aïeux et à la pratique religieuse, il ne faut pas douter que ce saint patronage, instamment sollicité, tournera au plus grand bien et au profit spirituel de la nation française ; car tout le monde connaît de quelle affection, de quelle gloire, de quel culte vous, les Français, même des classes les plus humbles, honorez sainte Thérèse.
Au vrai, Nous-même déjà, avant d’être élevé au pontificat suprême, lorsque Nous accomplissions les fonctions de légat dans la ville de Lisieux, en 1937 (note 2), Nous avons recueilli à ce sujet des témoignages éclatants et mémorables, si bien que les voeux que le cardinal de Paris, parlant à la fois en son nom personnel et au nom des autres évêques, Nous présente avec instance, Nous estimons qu’ils doivent être favorablement accueillis aujourd’hui.
C’est pourquoi, après avoir entendu Notre Vénérable Frère le cardinal de la Sainte Eglise romaine, évêque de Palestrina, préfet de la Sacrée Congrégation des Rites (note 3), de science certaine, et après mûre délibération, usant de la plénitude de Notre pouvoir apostolique, par la teneur de la présente lettre et d’une façon perpétuelle, Nous déclarons et instituons sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus patronne en second de toute la France auprès de Dieu, en ajoutant tous les privilèges liturgiques et les honneurs qui appartiennent d’ordinaire aux célestes patrons de ce genre. Nonobstant toutes choses contraires.
Nous accordons et proclamons ces faveurs en décrétant que la présente lettre est et restera toujours valable dans toute sa force et son efficacité, qu’elle a et gardera ses effets pleins et entiers, qu’aujourd’hui et à l’avenir elle assurera la plénitude de ses avantages à ceux à qui elle s’adresse ou pourra s’adresser ; qu’il faut ainsi juger et décider, et que serait nul et sans effet à partir de maintenant tout ce qui pourrait être tenté en dehors de ceci, sciemment ou par ignorance, par qui que ce soit, par n’importe quelle autorité.

Donné à Rome, auprès de Saint Pierre, sous l’anneau du Pêcheur, le 3 mai de l’an 1944, le sixième de Notre Pontificat.

L. Card. Maglione, Secrétaire d’Etat.

A. A. S-, XXXVI, 1944, p. 329
Texte latin sur le site du Saint-Siège > ici

Armoiries de Pie XII

Note 1 : Il s’agissait alors de Son Eminence Monsieur le Cardinal Emmanuel Suhard.
Note 2 : Son Eminence Monsieur le Cardinal Eugenio Pacelli, futur Pie XII, avait été le légat a latere de S.S. le Pape Pie XI en juillet 1937 aux cérémonies de la dédicace de la basilique de Lisieux. C’est après les fêtes de Lisieux qu’il prononça à Paris, dans la chaire de Notre-Dame, le fameux discours sur la vocation de la France (cf. > ici).
Note 3 :
Son Eminence Monsieur le Cardinal Carlo Saloti.

lys.gif

2016-70. Les Saints Evangiles, écrits par d’authentiques témoins de la vie et des enseignements du Christ.

   Après avoir recueilli des renseignements donnés par la Tradition de l’Eglise à travers les sources documentaires hagiographiques (cf. > ici), au sujet de l’Evangile selon Saint Matthieu, voici aujourd’hui ce qu’écrit notre glorieux Père Saint Augustin à propos de l’origine apostolique des Saints Evangiles, de leur autorité fondée sur cette apostolicité (et donc sur leur authenticité : on entend par authenticité le fait qu’ils sont bien de la main de ceux auxquels la Tradition les attribue), et du point de vue qui a inspiré le travail de rédaction de chaque Evangéliste.
Le texte reproduit ci-dessous est celui des deux premiers chapitres du « De consensu Evangelistarum : de l’accord des Evangélistes », que le grand Docteur d’Hippone a rédigé autour de l’an 400.

Sandro Botticelli - St Augustin dans son cabinet de travail - Florence Offices

Saint Augustin dans son cabinet de travail
Tempera sur panneau de Sandro Boticelli – Florence, musée des Offices.

Les Saints Evangiles, écrits par d’authentiques témoins de la vie et des enseignements du Christ :

Chapitre 1er : Autorité des Evangiles.

   § 1. Parmi tous les livres divins, contenus dans les Saintes Écritures, l’Évangile tient à bon droit le premier rang. Nous y voyons, en effet, l’explication et l’accomplissement de ce que la Loi et les Prophètes ont annoncé et figuré. Il eut pour premiers prédicateurs les Apôtres qui, de leurs propres yeux, virent dans la chair ici-bas notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, et qui ensuite revêtus de la fonction d’Évangélistes s’employèrent à publier dans le monde ce qu’ils se souvenaient de Lui avoir entendu dire ou de Lui avoir vu faire ; ils annoncèrent aussi les événements divins et mémorables de Sa naissance et de Ses premières années, dont ils ne furent pas les témoins, n’étant devenus que plus tard Ses disciples, mais dont ils purent s’informer près de Lui ou de Ses parents ou d’autres personnes, et qu’ils purent connaître enfin par les témoignages les plus sûrs et les plus véridiques. Deux d’entre eux, saint Matthieu et saint Jean nous ont même laissé sur Lui, chacun dans un livre, ce qu’ils ont cru devoir consigner par écrit.

   § 2. Comme on aurait pu croire qu’il importait à la connaissance et à la prédication de l’Evangile, d’établir une différence entre les Évangélistes, et d’examiner s’ils étaient du nombre des disciples qui, durant les jours de l’apparition du Seigneur dans la chair, L’ont suivi et ont vécu à Son service, ou du nombre de ceux qui ont cru sur le rapport des premiers Apôtres après l’avoir recueilli fidèlement : la divine Providence a pourvu par l’Esprit-Saint à ce que quelques-uns des disciples de ces mêmes Apôtres reçussent non-seulement le pouvoir d’annoncer l’Évangile mais encore celui de l’écrire. Nous en comptons deux, saint Marc et saint Luc.
Pour les autres hommes qui ont essayé ou ont eu la présomption à écrire sur les actions du Seigneur Lui-même ou de ceux qu’Il avait réunis autour de Lui ; ils n’ont offert à aucune époque les conditions voulues pour que l’Église les considérât comme organes de la vérité et reçut leurs écrits dans le Canon des Livres Saints : non-seulement, du côté du caractère, ils ne donnaient pas les garanties qu’il fallait pour qu’on dût croire à leurs récits, mais de plus les récits eux-mêmes contenaient plusieurs choses opposées à la règle catholique et apostolique de la foi et condamnées par la saine doctrine.

Chapitre 2 : Ordre et manière d’écrire des Evangélistes.

   § 3. Ces quatre Evangélistes, bien connus dans l’univers entier, dont le nombre mystérieux, égal aux quatre parties du monde, indique peut-être en quelque façon, que l’Église est répandue par toute la terre, ont écrit dans cet ordre, suivant le témoignage de la Tradition : d’abord saint Matthieu, puis saint Marc, ensuite saint Luc  et enfin saint Jean.
Ainsi l’ordre dans lequel ils ont connu et prêché l’Évangile n’est pas celui dans lequel ils l’ont écrit. Car pour la connaissance et la prédication de l’Évangile, les premiers, sans aucun doute, ont été les Apôtres, qui ont suivi le Seigneur durant les jours de Son apparition dans la chair, L’ont entendu parler, L’ont vu agir et ont reçu de Sa bouche la mission d’évangéliser le monde.
Quant aux écrits, par une disposition certaine de la Providence divine, les deux qui appartiennent au nombre des disciples que le Seigneur a choisis avant Sa passion, tiennent l’un la première place, c’est saint Matthieu, l’autre la dernière, c’est Saint Jean ; ils semblent ainsi soutenir et protéger de tout côté, ainsi que des enfants chéris et placés entre eux à ce titre, les deux évangélistes qui, sans être des leurs, ont suivi le Christ en les écoutant comme Ses organes.

   § 4. La Tradition nous apprend, comme un fait bien avéré, que saint Matthieu seul parmi ces quatre évangélistes a écrit en hébreu et que les autres ont écrit en grec. Bien que chacun d’eux paraisse avoir adopté dans sa narration une marche particulière, on ne voit pas que les derniers aient écrit sans savoir que d’autres l’eussent déjà fait, et ce n’est pas par ignorance que les uns omettent certains événements rapportés dans les livres des autres. Chacun a voulu concourir efficacement à une oeuvre divine, suivant l’inspiration qu’il avait reçue, sans s’aider inutilement du travail d’autrui.
En effet, saint Matthieu a envisagé l’Incarnation du côté de l’origine royale de Notre-Seigneur et n’a guère considéré dans, les actes et les paroles de Jésus-Christ que ce qui a rapport à la vie présente des hommes. Saint Marc, qui vient après lui, semble être son page et son abréviateur. Car il n’emprunte rien de ce qui est exclusivement propre au récit de saint Jean ; il ajoute très-peu de choses à ce que nous savons d’ailleurs ; il prend encore moins dans les faits que saint Luc est seul à rapporter; mais il reproduit presque tout ce que renferme le récit de saint Matthieu et souvent à peu-près dans les mêmes termes ; toujours d’accord avec cet Evangéliste, jamais en désaccord avec les deux autres. Pour saint Luc, on le voit surtout occupé de l’origine sacerdotale du Seigneur et de son rôle de pontife. Aussi bien, dans la généalogie qu’il trace de Jésus-Christ, pour remonter jusqu’à David il ne suit pas la ligne royale, mais par une autre quine compte pas de rois, il arrive à Nathan fils de David (1), lequel ne fut pas roi non plus. Ce n’est pas comme saint Matthieu (2), qui de David vient à Salomon, héritier de son trône, et descend jusqu’à Jésus-Christ, en prenant par ordre tous les rois de Juda qu’il réunit dans un nombre mystérieux dont nous parlerons plus loin.

(1) : Luc, III, 31.
(2) : Matt. I, 6.

in « Oeuvres Complètes de Saint Augustin, traduites pour la première fois en français »,
sous la direction de M. Raulx, tome V, Bar-Le-Duc, L. Guérins & Cie éditeurs, 1867

Sandro Botticelli - St Augustin dans son cabinet de travail - détail

2016-69. A propos de l’Evangile de Saint Matthieu et de sa découverte dans sa version hébraïque originelle dans la tombe de Saint Barnabé.

21 septembre,
Fête de Saint Matthieu, apôtre et évangéliste.

Vitrail de Saint Matthieu - église Saint-Matthieu de La Chapelle (principauté de Sedan)

Vitrail de Saint Matthieu
(église Saint-Matthieu du village de La Chapelle, principauté de Sedan)

Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,

   La fête de l’apôtre et évangéliste Saint Matthieu me fournit l’occasion d’entamer ici plusieurs publications que je projette au sujet de l’historicité des Saints Evangiles.
Je ne suis certes pas un exégète – et n’ai aucune prétention à l’être – , mais tout le monde s’accorde à dire que je suis un chat de bon sens et il me semble que la fréquentation assidue de la bibliothèque de mon papa-moine m’a permis d’acquérir un peu de science, surtout en ce qui concerne la connaissance de la Tradition de la Sainte Eglise : tous les exégètes, même renommés, ne peuvent pas forcément en dire autant !

   Je voudrais donc commencer par vous citer le texte que l’on peut lire dans le martyrologe romain à cette date du 21 septembre : « En Ethiopie, la naissance au ciel de Saint Matthieu, apôtre et évangéliste, qui, prêchant dans cette région,  y souffrit le martyre. Son Evangile, écrit en langue hébraïque, fut trouvé par la révélation qu’il en fit lui-même, avec le corps du Bienheureux Barnabé, apôtre, au temps de l’empereur Zénon (note 1) ».

   J’ai cherché à en savoir davantage sur cette révélation et sur cette découverte, aussi ai-je commencé par me reporter à la notice du même martyrologe consacrée à Saint Barnabé, au 11 juin.
Voici ce que j’y ai lu : « A Salamine, en Chypre, la naissance au ciel de Saint Barnabé, apôtre, cypriote d’origine, lequel, ayant été avec Saint Paul, institué apôtre des nations, par les disciples de Jésus-Christ, parcourut avec lui de nombreux pays, exerçant la charge de la prédication évangélique qui lui avait été commise ; enfin, étant revenu en Chypre, il y ennoblit son apostolat par un glorieux martyre. Son corps, au temps de l’empereur Zénon, fut découvert sur la révélation qu’en fit Barnabé lui-même, en même temps que le livre de l’Evangile de Saint Matthieu, écrit de la main de Barnabé ».

   Je suis alors allé chercher de plus amples détails et, étant donné que la plupart des ouvrages modernes les taisent puisqu’ils tiennent a priori pour non scientifique, non historique et donc comme devant être rejeté, tout récit miraculeux (ce qui est le propre d’une attitude rationaliste), j’ai fini par les trouver dans les gros et anciens volumes de la « Vie des Saints » du très érudit Père François Giry (1635-1688), religieux minime, qui a compilé, dans les écrits de nombreux auteurs des âges de foi, de fort intéressants détails et d’utiles précisions, précieux pour l’intelligence de la Tradition catholique telle que consignée dans le martyrologe.
Voici donc maintenant ce que le Rd. Père Giry écrit dans sa notice sur Saint Barnabé :
« [...] Ce saint corps (de Saint Barnabé) ne fut inhumé qu’à cinq stades de la ville (de Salamine), et le lieu où il était porta le nom de Santé, à cause des grands miracles et des fréquentes guérisons faites par l’intercession du saint Apôtre ; il y demeura néanmoins longtemps inconnu, à cause des violentes persécutions qui s’élevèrent dans les siècles suivants, et ne fut découvert que sous l’empire de Zénon, environ l’an 485.
L’histoire de cette invention (note 2) est décrite fort au long dans Surius (note 3) ; Pierre Gnafée, dit le Foulon, très pernicieux hérétique, s’étant injustement emparé du siège patriarcal d’Antioche, somma l’archevêque de Salamine, comme l’un de ses suffragants, de le venir reconnaître. Ce prélat, nommé Anthème, qui était un homme de sainte vie et fort orthodoxe, avait bien de la peine à s’y résoudre, d’autant plus qu’il ne se sentait pas assez savant, ni assez subtil pour entrer en discussion avec l’hérétique. Dans cette grande perplexité, il eut recours à la prière ; et Dieu, qui exauce les larmes et les gémissements de ses serviteurs, lui envoya Saint Barnabé ; le saint apôtre lui dit de ne rien craindre ; qu’il serait lui-même son soutien et son protecteur ; et, pour marque de l’intérêt qu’il voulait prendre à sa défense, il ajouta qu’il n’avait qu’à se transporter à cinq stades de la ville, du côté de l’Occident, en un lieu appelé Santé, et, qu’en faisant fouiller sous un chêne, il y trouverait son corps entier, et sur sa poitrine l’Evangile de Saint Matthieu, dont il avait écrit la copie de sa propre main.
En effet, le saint prélat s’étant transporté en ce lieu, y trouva ces deux trésors inestimables ; ce qui fit que, dans le synode où il était mandé, son siège de Salamine, qui était métropolitain de toute l’île de Chypre, fut jugé libre et indépendant de celui d’Antioche, et qu’il n’eut aucune obligation de rendre des déférences à Pierre le Foulon.
L’empereur Zénon, étant informé d’une si heureuse découverte, voulut absolument avoir à Constantinople ce livre de l’Evangile que l’on avait trouvé ; et, en reconnaissance, il fit bâtir une église magnifique en l’honneur de Saint Barnabé, au lieu même où son corps avait reposé si longtemps. On y transporta ensuite cette dépouille sacrée, et elle y a demeuré jusqu’au temps de Charlemagne ; elle fut alors transportée à Toulouse, dans l’église de Saint-Saturnin [...] » (note 4)

   Les leçons du bréviaire romain (traditionnel bien sûr) nous disent que Saint Barnabé fut martyrisé la septième année du règne de Néron, c’est-à-dire en l’année 61 de notre ère.

   Tout ceci nous montre donc que, pour la Tradition constante de la Sainte Eglise, depuis les origines jusqu’aux temps de l’hérésie moderniste :

1 – Il a toujours été cru que l’Evangile selon Saint Matthieu avait bien été écrit par l’apôtre Saint Matthieu lui-même.
Or les exégètes modernistes voudraient faire croire que cet Evangile aurait été écrit après l’an 70, voire entre 80 et 95, c’est-à-dire à une époque où Saint Matthieu était mort depuis longtemps : cela signifierait alors que ce texte ne serait pas le récit d’un témoin oculaire ayant accompagné Notre-Seigneur pendant trois années et qu’il ne serait revêtu d’aucune vérité historique !!!
Le fait que la Tradition nous conserve ce récit de la découverte d’un manuscrit portant le texte hébraïque de l’Evangile de Saint Matthieu copié par Saint Barnabé lui-même, dans la tombe de ce dernier, inhumé en l’an 61, est un démenti formel des affabulations modernistes : puisqu’il atteste au contraire de l’existence et de la diffusion de cet Evangile selon Saint Matthieu à une date largement antérieure aux estimations des exégètes rationalistes.

2 – Que la Tradition de l’Eglise sait depuis toujours que Saint Matthieu a écrit son Evangile en langue hébraïque. Le Rd. Père Giry, à la fin de la notice sur la vie de Saint Matthieu écrit : « [...] On ne sait pas qui en a été le traducteur de l’hébreu en grec. Saint Jérôme, dans son livre des Ecrivains ecclésiastiques, assure que de son temps il se trouvait en hébreu dans la bibliothèque de Césarée, qui avait été dressée par le martyr Pamphile (note 5), et que les Nazaréens, qui s’en servaient, le lui avaient prêté pour le traduire en latin ».
Si Saint Matthieu a écrit son Evangile en hébreu, comme l’affirme toute la Tradition – et comme le confirment les études menées au XXe siècle par de grands savants tels que Monsieur l’abbé Jean Carmignac ou le professeur Claude Tresmontant – , cela signifie qu’il l’a rédigé à l’intention de chrétiens qui comprenaient et parlaient cette langue : c’est-à-dire les chrétiens de Palestine, convertis du judaïsme, comme le fait remarquer, entre autres, Saint Jérôme.
Or, après l’an 70, c’est-à-dire après la destruction de Jérusalem, l’hébreu fut de moins en moins parlé et compris. Quel intérêt y aurait-il eu à écrire un récit dans une langue de moins en moins connue (si comme le prétendent les exégètes modernistes cet Evangile selon Saint Matthieu avait été écrit dans les années 80 à 95) ?
La rédaction en langue hébraïque, attestée par la Tradition, est donc un argument probant en faveur de l’authenticité du texte de Saint Matthieu et en faveur d’une rédaction à une époque où l’hébreu était encore couramment pratiqué, c’est-à-dire bien avant la destruction de Jérusalem et la dispersion du peuple Juif (car cette dispersion affecta aussi les communautés chrétiennes de Palestine : les Romains ne faisant pas de différence entre les Juifs et les Chrétiens).

   Ainsi que je vous le disais en commençant, nous aurons prochainement l’occasion de reparler de ces choses.
En attendant, je vous souhaite d’être toujours plus forts dans la foi et toujours plus certains de la vérité des Saints Evangiles, dont Saint Matthieu fut le premier rédacteur. 

pattes de chatLully.

St Matthieu - église Saint-François de Sales (ancienne) - Paris XVIIe

Saint Matthieu (détail d’un vitrail de l’église Saint François de Sales, à Paris – cf. note 6)

Note 1 : Pour mémoire, Zénon est un empereur romain d’Orient qui régna à Constantinople de 474 à 491, c’est-à-dire dans le même temps où, dans les Gaules, Clovis 1er devint le roi des Francs saliens (481), commença à étendre la souveraineté franque sur les peuples voisins, se rapprocha de l’Eglise (l’épisode du fameux « vase de Soissons » est du 1er mars 487) et prépara son mariage avec Clotilde (492).
Note 2 :  Le mot « invention », du verbe latin « invenio, -is, -ire », doit être compris dans le sens de « découverte ».
Note 3 : Laurentius Surius – en allemand Lorenz Sauer – (1522-1578), est un religieux de la Chartreuse de Cologne qui se consacra à une vie d’étude et d’érudition, souvent pour défendre la vérité catholique en face des négations des prétendus réformés.
Note 4 : La précieuse relique du Chef de Saint Barnabé a échappé au vandalisme des huguenots et des révolutionnaires et se trouve toujours dans l’église Saint-Saturnin (basilique Saint-Sernin) de Toulouse, si nous en croyons un procès verbal de reconnaissance dressé en juin 1807 dont nous avons lu la copie.
Note 5 : Saint Pamphile de Césarée est un père de l’Eglise qui a été martyrisé en l’an 309. Il a fondé l’école théologique et exégétique de Césarée. La grande bibliothèque de Césarée a entièrement disparu après l’époque de Saint Jérôme (347-420) et on ignore de quelle manière est advenue sa destruction.
Note 6 : Monsieur l’abbé Jean Carmignac, mis à l’écart en raison de ses réactions aux déviances de l’éxégèse moderniste qui a triomphé dans l’Eglise catholique des années postconciliaires, fut relégué à l’église Saint-François de Sales, dans le XVIIe arrondissement de Paris, de 1967 jusqu’à sa mort en 1986.

St-Esprit & Ste Bible

Souvenez-vous et litanies en l’honneur de Notre-Dame de La Salette.

       L’apparition de Notre-Dame, le 19 septembre 1846, à La Salette, est l’une des plus bouleversantes qui soit.

   Nous avons déjà publié dans les pages de ce blogue plusieurs séries de réflexions sur l’actualité des graves paroles alors tombées des lèvres de Notre-Dame (par exemple > ici et ici), nous avons aussi publié les commentaires de Gustave Thibon à l’occasion du centenaire de l’apparition (> ici), nous avons surtout publié le texte complet des messages et des secrets confiés par la Sainte Mère de Dieu aux deux enfants (> ici), après la prière de Mélanie pour les temps de calamité (> ici), voici maintenant le texte de prières anciennes approuvées par l’Eglise en l’honneur de Notre-Dame de La Salette.

Apparition de La Salette, détail d'un vitrail de l'église de Massiac (diocèse de Saint-Flour)

L’apparition de Notre-Dame à La Salette le 19 septembre 1846
(détail d’un vitrail de l’église de Massiac, dans le diocèse de Saint-Flour)

« Souvenez-vous » en l’honneur de Notre-Dame de La Salette :

       Souvenez-Vous, ô Notre-Dame de La Salette, véritable Mère de Douleurs, des larmes que Vous avez versées pour moi sur le Calvaire et dans Votre miséricordieuse Apparition ; souvenez-Vous aussi de la peine que Vous prenez toujours pour moi afin de me soustraire aux coups de la justice de Dieu ; et voyez si, après avoir tant fait pour Votre enfant, Vous pouvez maintenant l’abandonner.
Ranimé par cette consolante pensée, je viens me jeter à Vos pieds, malgré mes infidélités et mes ingratitudes.
Ne repoussez pas ma prière, ô Vierge Réconciliatrice, mais convertissez-moi, faites-moi la grâce d’aimer Jésus par-dessus tout, et de Vous consoler Vous-même par une vie sainte pour que je puisse un jour Vous voir au Ciel.

Ainsi soit-il. 

Vitrail de l'apparition de Notre-Dame de La Salette

Litanies en l’honneur de Notre-Dame de La Salette :

Seigneur, ayez pitié de nous.
Jésus-Christ, ayez pitié de nous.
Seigneur, ayez pitié de nous

Jésus-Christ, écoutez-nous.
Jésus-Christ, exaucez-nous.

Père céleste qui êtes Dieu, ayez pitié de nous.
Fils, Rédempteur du monde, qui êtes Dieu, ayez pitié de nous.
Esprit Saint qui êtes Dieu, ayez pitié de nous.
Trinité Sainte qui êtes un seul Dieu, ayez pitié de nous.

Notre Dame de la Salette, Réconciliatrice des pécheurs, priez pour nous.
Notre Dame de la Salette, Guérison des malades, priez pour nous.
Notre Dame de la Salette, Soutien des justes, priez pour nous.
Notre Dame de la Salette, Consolatrice des affligés, priez pour nous.
Notre Dame de la Salette, qui êtes apparue à de pauvres enfants des Alpes pour nous donner de graves avertissements, priez pour nous.
Notre Dame de la Salette, qui versiez des larmes en songeant aux péchés des hommes, priez pour nous.
Notre Dame de la Salette, qui nous avez fait entendre les menaces du Seigneur, afin que nous nous convertissions, priez pour nous.
Notre Dame de la Salette, qui par vos supplications retenez le bras du Seigneur irrité contre nous, priez pour nous.
Notre Dame de la Salette, qui avez dit : « Si mon peuple ne veut pas se soumettre, je suis forcée de laisser aller le bras de mon Fils », priez pour nous.
Notre Dame de la Salette, qui priez continuellement votre divin Fils, afin qu’il nous fasse miséricorde, priez pour nous.
Notre Dame de la Salette, qui avez tant de peine à cause de nos péchés, priez pour nous.
Notre Dame de la Salette, qui méritez toute notre reconnaissance, priez pour nous.
Notre Dame de la Salette, qui après avoir donné vos avertissements aux enfants de la Montagne, leur avez dit : « Et bien, mes enfants vous le ferez passer à tout mon peuple », priez pour nous.
Notre Dame de la Salette, Vous qui avez annoncé aux hommes des châtiments terribles, s’ils ne se convertissent pas, priez pour nous.
Notre Dame de la Salette, Vous qui leur annoncez la miséricorde et le pardon, s’ils reviennent à Dieu, priez pour nous.
Notre Dame de la Salette, Vous qui promettez des grâces abondantes, si l’on fait pénitence, priez pour nous.
Notre Dame de la Salette, Vous dont l’Apparition miraculeuse a retenti dans les deux mondes, priez pour nous.
Notre Dame de la Salette, Vous dont les prodiges s’étendent en tous pays, priez pour nous.
Notre Dame de la Salette, Vous dont le culte s’accroît chaque jour, priez pour nous.
Notre Dame de la Salette, Vous dont les bienfaits ravissent tous vos enfants, priez pour nous.
Notre Dame de la Salette, Vous qu’on invoque pas en vain, priez pour nous.
Notre Dame de la Salette, Vous qui avez fait jaillir à vos pieds une eau miraculeuse, priez pour nous.
Notre Dame de la Salette, Vous qui, à l’exemple de Jésus, rendez la vue aux aveugles, le mouvement aux paralytiques, la santé aux malades, priez pour nous.
Notre Dame de la Salette, Vous qui consolez toutes les infortunes, priez pour nous.
Notre Dame de la Salette, Vous qui êtes apparue resplendissante de clarté, priez pour nous.
Notre Dame de la Salette, Vous qui portiez sur la poitrine le Crucifix et les instruments de la Passion, priez pour nous.
Notre Dame de la Salette, Vous qui nous avez averti de sanctifier le jour du seigneur, si nous voulons éviter des châtiments terribles, priez pour nous.
Notre Dame de la Salette, Vous qui avez dit que le travail du dimanche et le blasphème excitent particulièrement la colère de Dieu, priez pour nous.
Notre Dame de la Salette, Vous qui nous avez reproché de ne point garder les jeunes et abstinences de l’Eglise, priez pour nous.
Notre Dame de la Salette, Vous qui nous avez annoncé les fléaux de Dieu, si l’on continuait à violer ses commandements, priez pour nous.
Notre Dame de la Salette, Vous qui avez recommandé la prière du matin et du soir, priez pour nous.

Par votre puissante protection, délivrez-nous des maux qui nous menacent, O Marie !
Pauvres pécheurs que nous sommes, convertissez-nous, O Marie !
Dans l’accomplissement de nos devoirs, aidez-nous, O Marie !
Dans la solide piété, affermissez-nous, O Marie !
Dans la pratique continuelle de toutes les vertus, encouragez-nous, O Marie !
Dans nos joies, soyez avec nous, O Marie !
Dans nos douleurs, soutenez-nous, O Marie !
Dans tous les événements de la vie, obtenez-nous une soumission entière à la volonté de Dieu, O Marie !

Agneau de Dieu, qui effacez les péchés du monde, pardonnez-nous, Seigneur.
Agneau de Dieu, qui effacez les péchés du monde, exaucez-nous, Seigneur.
Agneau de Dieu, qui effacez les péchés du monde, ayez pitié de nous.

R.7 : Notre Dame de la Salette, priez pour nous ;
V.7 : Afin que nous soyons rendus dignes des promesses de Jésus-Christ.

Prions :

   O Dieu, qui ne cessez de nous montrer combien la dévotion envers la Très Sainte Vierge Marie vous est agréable, par les prodiges multipliés que nous obtiennent son intercession, faites-nous la grâce d’être toujours fidèles aux enseignements qu’Elle nous donne, afin qu’après avoir observé vos commandements dans cette vie, nous ayons le bonheur de vous posséder pendant toute l’éternité.

Ainsi soit-il.

Approuvées et indulgenciées par Mgr de Bruillard, 15 janvier 1853

Notre-Dame de La Salette - Détail d'un vitrail de l'église de Suèvres

2016-68. « Ce qui donne une valeur aux choses, ce n’est pas leur place dans le temps, c’est leur place au-dessus du temps… »

       En relisant quelques notes de lecture, j’ai retrouvé une extraordinaire citation de Gustave Thibon parlant des valeurs éternelles et fustigeant l’un des travers de notre époque : la recherche constante de la nouveauté ; ce que Saint Paul déjà dans la seconde épître à Timothée (IV, 3) appelait un « prurit aux oreilles »  – souvent traduit par « une démangeaison d’entendre des nouveautés ».
Au passage, Thibon fait ressortir le ridicule de ce que, de nos jours, l’on appelle parfois le « jeunisme » : cette grotesque adoration de la jeunesse associée au refus de vieillir.

   En lisant ces lignes, qui sont la transcription d’une conférence de 1973 à partir d’un enregistrement, ceux qui ont connu le philosophe, ou assisté même seulement à quelques unes de ses conférences, retrouveront presque spontanément et immanquablement dans leur oreille l’accent et les intonations un tantinet ironiques de notre cher Gustave.
Surtout, une fois de plus, on remarquera combien ces réflexions faites il y a plus de quarante ans gardent toute leur actualité… Malheureusement !

Lully.

Allegorie de la vanité - Peter Candid

Peter Candid (1548-1628) : Allégorie de la vanité

« Ce qui donne une valeur aux choses, ce n’est pas leur place dans le temps,
c’est leur place au-dessus du temps… »

   « (…) Aujourd’hui, il y a cette grande idée que les valeurs traditionnelles sont dépassées.
Alors là, il faudrait tout de même distinguer : il est bien certain que le passé est rempli d’idées et d’usages périmés, de préjugés, de vieilles règles caduques, je le sais, mais au-dessus de tout cela, il y avait dans le passé, comme il peut y avoir dans le présent, de grandes oeuvres et de grandes actions, inspirées par un idéal auquel on peut se référer, aujourd’hui comme hier, car il est immuable, comme il est inaccessible.
Quel sens cela aurait-il de dire qu’on a dépassé Platon ?
(…)  Si le passé n’a aucune valeur en tant que passé, l’époque moderne n’en a pas davantage en tant que moderne.
Ce qui donne une valeur aux choses, ce n’est pas leur place dans le temps, c’est leur place au-dessus du temps, c’est leur altitude.

   Aujourd’hui on tend à attribuer une valeur essentielle à la nouveauté en tant que telle (voyez l’engouement pour la « mode » dans tous les domaines !) – d’où l’importance du changement.
Naturellement. Sans changement, pas de nouveauté : « Il faut que tout change ! », « On ne croit pas assez en la vertu du changement » !
Enfin, qu’est-ce que cela veut dire ? Il y a des changements positifs et il y en a de négatifs, non ?
Vous étiez bien portant hier, vous tombez malade aujourd’hui, ce n’est pas un changement, ça ? Un homme, fidèle jusque là, trompe sa femme, et sa femme se plaint, la malheureuse ! Elle ne croit donc pas à la vertu du changement ?

   Cette idolâtrie du changement, c’est bête… bête comme le culte de la jeunesse par exemple !
J’aime beaucoup les jeunes. Mais ce que je vois en eux, surtout, ce sont des promesses. Je ne vois pas du tout cette sorte de perfection suprême qu’on leur attribue aujourd’hui. Au point que vieillir est devenu honteux. On n’ose même plus prononcer le mot ! On parle des « jeunes de tous les âges », comme c’est charmant n’est-ce pas ? Ou bien des « moins jeunes » ! Qu’on dise « les vieux » tout de suite, cela vaudra mieux quand même !
Est-ce que vous appelleriez, par exemple, je ne sais pas moi, le couchant « une moindre aurore », ou le fruit « une moindre fleur », ou l’automne « un moindre printemps », enfin, cela est grotesque !

   Bon. Alors on est dépassé quand on parle des valeurs éternelles… Mais à côté de ça, j’ai vu récemment une publicité pour un « produit de beauté » comme ils disent, une crème grâce à laquelle « la femme peut offrir aux êtres aimés un visage intemporellement jeune ». C’est fort cela tout de même !
L’intemporel, on n’en veut plus pour l’esprit et pour l’âme : « tout change, tout évolue, tout est en proie au devenir », mais on en redemande pour la peau ! Il était dit que c’était une crème révolutionnaire par-dessus le marché ! Alors je suis ravi de voir une révolution qui débouche sur le statu quo ! En général, une révolution veut tout chambarder, mais celle-là ne veut rien chambarder du tout, au contraire, sa devise, c’est « ne bougeons plus » ! Restons à l’âge de dix-huit ans !
Soit dit en passant, les femmes vieillissent, c’est incontestable n’est-ce pas, mais en vieillissant, elles peuvent acquérir une sagesse et des vertus qu’elles n’avaient pas quand elles étaient jeunes : il y a quelque chose de mieux que de se conserver – se conserver, voilà un mot atroce – , c’est de s’accomplir, et comme disait je ne sais plus qui en parlant d’une certaine catégorie de femmes : « A force d’avoir voulu vivre sans vieillir, elles finissent par vieillir sans avoir vécu. »

Gustave Thibon,
in « Morales de toujours et morales éternelles »,

conférence du 27 mars 1973 à Waremme (Belgique)
[ « Les hommes de l’éternel », ed. Mame – Paris 2012 – pp. 80-81]

Gustave Thibon

2016-67. Où le Maître-Chat revient sur l’histoire de notre quasi paroisse de rite latin traditionnel et expose les « nouveautés de la rentrée » qui la concernent.

Lundi 5 septembre 2016,
Anniversaire de la naissance de S.M. le Roi Louis XIV Dieudonné (cf. > ici) ;
Anniversaire du martyre de l’abbé Claude Allier (cf. > ici).

Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,

Ceux qui nous connaissent bien savent – mais il n’est pas inutile de le redire pour ceux qui nous connaissent moins bien ou qui ne viennent qu’occasionnellement sur ce blogue – que, très fermement liés au rite latin traditionnel de la Sainte Messe – pour lequel le diocèse de Viviers, où est implanté le Mesnil-Marie, est encore l’un des rares en France à n’offrir aux fidèles aucune célébration stable et régulière (note 1) – , nous sommes donc rattachés à ce que l’on peut à juste titre nommer une quasi paroisse (note 2), dans le diocèse du Puy-en-Velay dont nous sommes géographiquement et historiquement très proches (note 3).

Arrivé dans le diocèse du Puy en 2001, « par la petite porte » – selon sa propre expression – , Monsieur l’abbé Henri Vannier, accueilli par feu Monseigneur Henri Brincard, a été pendant une quinzaine d’années – lesquelles n’ont pas été sans difficultés ni souffrances – l’instrument providentiel de l’établissement de cette quasi paroisse (cf. note 2) dont le lieu de célébration fut d’abord le sanctuaire de Saint Joseph de Bon Espoir, à Espaly-Saint-Marcel jusqu’en 2009, puis, pendant sept ans, la petite église du village de Ceyssac.
Monsieur l’abbé Henri Vannier, s’est toujours montré d’une sollicitude et d’une délicatesse remarquables pour le Refuge Notre-Dame de Compassion et pour Frère Maximilien-Marie, auquel il a peu à peu demandé de prendre une part plus active au service de la petite communauté, l’invitant à participer – avec ses (modestes) moyens – au chant liturgique, au service de l’autel, à la préparation des cérémonies, ou – par intérim – à tenir la sacristie.

Nous ne remercierons jamais assez Monsieur l’abbé Vannier, à titre personnel, pour son soutien et sa confiante amitié, et, pour ce qui concerne la vie de la paroisse, pour le soin apporté aux cérémonies du culte et pour la très grande qualité doctrinale et spirituelle de ses homélies…

Eglise de Ceyssac Pâques 2016

Sanctuaire de l’église de Ceyssac, le Saint Jour de Pâques 27 mars 2016

Lorsque la petite église de Ceyssac a été dévolue aux célébrations de la communauté de rite latin traditionnel, elle manquait pratiquement de tout et portait les stigmates de tout ce dont le mauvais goût idéologique de « l’après-concile » a été capable : le maître-autel avait été mutilé ; la statue de la Vierge Noire (copie de celle de la cathédrale, illustrant le fait que c’est à Ceyssac qu’a eu lieu, en l’an 225, la seconde apparition de Notre-Dame du Puy) avait été retirée du ciborium conçu pour elle et avait été placée sur le côté ; une infâme moquette grise avait été sauvagement collée sur le pavement du sanctuaire ; une monstrueuse table carrée avait été fabriquée pour « dire la messe face au peuple » ; les autels latéraux et le chemin de Croix avaient disparu ; la balustrade de communion avait été détruite ; la sacristie était dépourvue d’à peu près tout…
Petit à petit, au fur et à mesure des opportunités et des mois, la patience et la détermination de Monsieur l’abbé Vannier secondées par le zèle et la générosité des fidèles, ont permis de rendre à cette petite église un aspect vraiment catholique et un certain lustre, et nous y avons vécu de très belles et très ferventes cérémonies.

Cela n’a pas été sans susciter quelques oppositions, jalousies, méchancetés ou cabbales… Mais, après tout, n’y a-t-il pas là rien que de très normal ?

Au cours de cette dernière année à Ceyssac, l’opposition de certains édiles municipaux s’est faite telle que nous n’avions même plus assez de lumière dans l’église et dans la sacristie, ne pouvant plus bénéficier de la grande échelle de la commune, seule assez haute pour atteindre les lampes et en changer les ampoules hors d’usage !

Le rappel à Dieu de Monseigneur Brincard et l’arrivée de son successeur, Son Excellence Monseigneur Luc Crépy, sacré le 12 avril 2015, a été l’occasion du franchissement d’une nouvelle étape pour la petite communauté de rite latin traditionnel.

En raison de tant d’expériences douloureuses qui ont crossé leurs justes et légitimes aspirations liturgiques et où leur confiance a été si souvent honteusement abusée, les fidèles fréquentant l’église de Ceyssac, au cours de l’été 2015, avaient très respectueusement et prudemment exprimé à Monseigneur Crépy leurs inquiétudes et leur ferme attachement à ce qui avait été obtenu grâce aux années de ministère de Monsieur l’abbé Vannier.
Monseigneur l’Evêque du Puy leur avait alors répondu : « Si Monsieur l’abbé Vannier devait être appelé à une autre mission, je veillerai à trouver un prêtre qui puisse célébrer la messe à l’église de Ceyssac selon la forme extraordinaire du rite (Saint Pie V) » (sic).

Après des mois de réflexion, compte-tenu des difficultés évoquées ci-dessus, mais aussi parce qu’il semblait à Son Excellence que la messe célébrée selon les dispositions prévues par le motu proprio « Summorum Pontificum » aurait une meilleure visibilité et une plus grande audience si elle l’était dans le centre ville du Puy, Monseigneur Crépy a décidé d’attribuer à l’usage de la communauté traditionnelle la chapelle de l’ancien monastère Sainte-Claire (note 4) – fondé au XIVe siècle par Sainte Colette de Corbie – , monastère dans lequel vivent depuis une année les Soeurs Apostoliques de Saint-Jean.

Maître-autel de Ceyssac 28 août 2016

Maître-autel de l’église de Ceyssac le 28 août 2016 après la Messe

Le dimanche 28 août 2016 a donc été le dernier jour des célébrations dominicales habituelles dans l’église de Ceyssac à laquelle nous étions depuis lors bien affectionnés.
Ce n’est pas sans un pincement au coeur que les fidèles, après la sainte communion, ont vu Monsieur l’abbé Vannier consommer les dernières hosties consacrées, retirer le conopé, éteindre la veilleuse du Saint-Sacrement et laisser le tabernacle vide, puisque les célébrations seront désormais assez rares dans cette église rattachée à la cure de Saint-Laurent…

Ce n’est pas non plus sans émotion qu’il leur a fallu dire au revoir à la copie (de la fin du XIXe siècle) de la statue de Notre-Dame du Puy trônant dans le ciborium, rappelant, comme je l’ai signalé ci-dessus, l’apparition de la Sainte Mère de Dieu à « la dame de Ceyssac », laquelle s’était alors déplacée jusqu’à la « pierre des fièvres », y avait été miraculeusement guérie et y avait bénéficié de nouvelles confidences de la Madone : c’est ce qui a entraîné la construction de la cathédrale primitive et sa dédicace par les anges…

Vierge Noire de Ceyssac

Copie de la statue de Notre-Dame du Puy sur le maître-autel de l’église de Ceyssac

Cette semaine du 28 août au 3 septembre 2016 a donc été marquée par des déménagements.

Comme il devait être absent du diocèse, Monsieur l’abbé Vannier avait demandé à Frère Maximilien-Marie s’il pouvait aider notre dévouée sacristine, d’une part pour déménager de Ceyssac tout ce qui y avait été apporté par lui ou par les fidèles de la communauté traditionnelle, et d’autre part pour obtenir du prêtre désigné par Monseigneur l’Evêque tout ce qui faisait défaut à la chapelle du monastère Sainte-Claire pour la célébration de la messe selon l’usage romain antique.

Sanctuaire de la chapelle du Monastère Sainte-Claire

Sanctuaire de la chapelle du monastère Sainte-Claire

Le monastère Sainte-Claire ne manque ni de beauté ni de charme : fondé au XIVe siècle, par Sainte Colette elle-même, soutenue par quelques familles influentes – dont les Polignac – , il a été restauré ou agrandi aux XVIIe et XIXe siècles (c’est-à-dire après les guerres de religion et la révolution).
La chapelle est empreinte de la simplicité et de l’austérité monastiques propres à l’Ordre des Pauvres Dames de Sainte Claire.

Lors des aménagements postérieurs au second concile du Vatican, a été remise en place, sur un support adapté qui fut confectionné alors, la table d’autel du XIVe siècle, en pierre.

Selon les consignes claires données par Monseigneur l’Evêque, notre sacristine, secondée par Frère Maximilien-Marie, a pu choisir dans les réserves de matériel et de parements liturgiques de la cathédrale et du grand séminaire tout ce qui est nécessaire à la digne célébration de la Sainte Messe latine traditionnelle.

Bien sûr, comme la chapelle sert aussi aux offices des Soeurs Apostoliques de Saint-Jean qui vivent dans le monastère depuis le départ des dernières clarisses, et comme cela se passe dans de très nombreuses églises et chapelles lorsqu’elles ne sont pas affectées à l’usage exclusif de la liturgie antique, il faut, chaque dimanche, procéder aux installations et adaptations idoines…

Bien que n’ayant pas encore tout apporté sur place, et après que de généreuses personnes aient passé tout leur après-midi du vendredi 2 septembre à briquer et astiquer chandeliers, croix d’autel, accessoires divers et vases sacrés, ce dimanche 4 septembre au matin le résultat était néanmoins très digne et satisfaisant.

Sanctuaire de la chapelle de Sainte-Claire apprêté pour la Messe traditionnelle

Sanctuaire de la chapelle du Monastère Sainte-Claire apprêté pour la célébration de la Messe traditionnelle

Alors qu’il a choisi de quitter le diocèse et que – bientôt docteur en droit canonique – il est nommé à de nouvelles fonctions et appelé à un nouveau ministère dans un autre diocèse, Son Excellence Monseigneur Crépy a néanmoins insisté pour que ce soit Monsieur l’abbé Vannier qui inaugure la « prise de possession » de ce nouveau lieu de culte pour les fidèles attachés à la liturgie traditionnelle.

Au terme de quinze années précieuses dans le diocèse du Puy, Monsieur l’abbé Vannier a donc adressé à ceux qui étaient jusqu’alors ses ouailles sa dernière exhortation dominicale.

Dernière homélie dominicale de l'abbé Vannier

Monsieur l’abbé Henri Vannier a adressé sa dernière exhortation dominicale aux fidèles

C’est aussi à cette occassion qu’a été présenté aux fidèles leur nouveau pasteur, officiellement nommé par Monseigneur l’Evêque pour la célébration de la Sainte Messe latine traditionnelle pour tous les dimanches et fêtes dans cette chapelle, Don Gabriele Steylaers, que sa formation prédispose particulièrement à ce ministère, qui aime ce rite, qui le connaît bien et qui vit profondément de toutes ses richesses doctrinales et spirituelles. 

Comme je l’ai écrit ci-dessus, il s’agit du franchissement d’une nouvelle étape pour la petite communauté de rite latin traditionnel, ainsi que pour le statut de la Sainte Messe latine selon l’usage antique dans le diocèse du Puy : en effet, depuis l’arrivée de Monsieur l’abbé Vannier dans ce diocèse et jusqu’ici, la célébration selon  l’« usus antiquior » n’avait pas vraiment de statut officiel et ne faisait finalement l’objet que d’une « tolérance » (enfin, je m’entends, car tout le monde ne se montrait pas vraiment toujours très « tolérant » !!!).

Désormais, par la volonté de Monseigneur Crépy, la nomination officielle de Don Gabriele avec des publications en règle, l’installation dans une chapelle fermement désignée par l’autorité épiscopale et l’annonce de la célébration comme une « offre paroissiale » dans le centre historique du Puy-en-Velay assurent à la Messe latine traditionnelle un statut, un caractère, une stabilité et une notoriété qu’elle n’avait jamais eus de telle manière dans cette ville depuis la fin des années soixante du précédent siècle ; et nous ne pouvons que nous en réjouir, dans l’attente de nouveaux développements…

Présentation Don Gabriele

Don Gabriele Steylaers s’est présenté à ceux dont il est désormais le pasteur

Même si nous savons bien que toutes les difficultés et oppositions ne sont pas pour autant réduites à néant, parce que – selon l’expression de Saint François de Sales - « partout où il y a de l’homme, il y a de l’hommerie », nous sommes néanmoins pleins d’espérance pour l’avenir de notre quasi paroisse de rite latin traditionnel, et nous prions pour que, avec Don Gabriele qui a désormais toutes les grâces d’état pour être notre pasteur, notre petite communauté croisse en nombre, en vertu, en grâce et en rayonnement authentiquement évangélique…

pattes de chatLully.

Vue de l'assistance

Note 1 :
A ce propos, la situation pour la célébration de la Messe latine traditionnelle dans le diocèse de Viviers n’a absolument pas bougé d’un iota depuis les études publiées par « Paix Liturgique » en 2011, dans ses numéros 292 et 298, que nous avions reproduits > ici et > ici
Note 2 :
Pour cette notion de quasi paroisse, nous renvoyons aux judicieuses précisions apportées par un canoniste, que nous avions publiées > ici.
Note 3 :
La paroisse de Saint-Martial, sur le territoire de laquelle est implanté le Mesnil-Marie, bien que dans la juridiction des évêques de Viviers, a toujours eu des liens historiques et religieux très forts avec le Puy-en-Velay, tant pour l’administration spirituelle puisqu’elle était une paroisse desservie par les chanoines réguliers de Saint-Augustin d’un prieuré fondé par le chapître cathédral du Puy, que pour la juridiction temporelle puisque, jusqu’à la révolution, une partie de la paroisse (la partie dans laquelle nous sommes installés) dépendait de la justice du Puy.

Note 4 :
Adresse : 2 rue Sainte Claire – 43000 Le Puy-en-Velay.
Un plan pour en faciliter l’accès peut être trouvé dans la publication qui se trouve > ici.

Sacré-Coeur gif

Publié dans:Chronique de Lully, De liturgia |on 5 septembre, 2016 |4 Commentaires »
1...123124125126127...224

A tempo di Blog |
Cehl Meeah |
le monde selon Darwicha |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | mythologie
| jamaa
| iletaitunefoi