2008-61. Les intempéries du haut pays cévenol.
Lundi soir 3 novembre 2008.
30 octobre 2008 : le Mesnil-Marie avant les travaux de restauration
alors que tombent les premiers flocons de neige
Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,
Plusieurs d’entre vous ont essayé de contacter le Mesnil-Marie ces derniers jours, après avoir été un peu alarmés par les nouvelles météorologiques qu’ils avaient entendues dans les journaux radiophoniques ou télévisés : quelques uns ont réussi à les joindre, mais d’autres n’y sont pas parvenus parce que nous sommes restés longtemps sans téléphone et sans Internet.
Comme, ce soir, tout semble rentré dans l’ordre, je m’empresse de venir vous rassurer.
Déjà dans ma précédente chronique (cf. > ici), je vous disais que nous étions entrés dans une période pluvieuse qui n’était pas tellement à mon goût. Mais au moment où je vous écrivais je n’imaginais pas ce qui allait nous arriver : jamais je ne l’eusse cru, si je ne l’eusse vu de mes propres yeux (Oui, Frère Maximilien-Marie insiste beaucoup pour que je m’exerce à une rigoureuse exactitude dans l’emploi des conjugaisons et que je sois très strict pour la concordance des temps) : la neige est arrivée au matin du jeudi 30 octobre !
Au début, j’ai cru que j’avais été victime d’un enchantement – comme il en est question dans les livres de contes – et qu’ayant dormi environ deux mois je me réveillais à quelques jours de Noël. Cependant un coup d’œil sur le calendrier m’a convaincu que ce n’était pas le cas.
Ainsi donc, la neige est tombée en abondance, serrée, pendant plus de trois heures, et – comme il avait gelé dans la nuit précédente -, nous craignions vraiment de la voir tenir au sol.
Heureusement, il n’en a rien été ! Les sommets environnants ont été saupoudrés de blanc et cela a fondu très rapidement. Lorsque, à la faveur d’une accalmie, Frère Maximilien-Marie est sorti pour faire quelques clichés, Chlôris et moi avons aussi fait quelques pas dehors : moi, je déteste la neige et je suis très vite rentré mettre mes pattes délicates au sec ; mais la petite Chlôris la découvrait pour la première fois et elle sautait pour attraper les flocons comme s’il se fût agi d’insectes, ce qui amusait beaucoup le Frère !
30 octobre 2008 : les premiers flocons de neige au Mesnil-Marie !
Sur les quelques photos que j’ai sélectionnées au sujet de ce premier jour de neige au Mesnil-Marie, vous remarquerez les flocons sur les troncs d’arbre et les plantes, et aussi – c’est ce que je préfère – la fumée qui sort de la cheminée, parce qu’elle est le signe que l’on va pouvoir faire des siestes douillettes et prolongées auprès du poêle…
La photo qui suit a été prise depuis la « chambas » (c’est ainsi qu’en patois local on désigne les champs en terrasse étagés sur les flancs des montagnes) qui est juste au-dessus de notre maison : vous y voyez notre toit (dont il faudra changer les tuiles, tristes et devenues poreuses, et surtout qu’il faudra isoler) et, au-delà, vous apercevez la forêt légèrement poudrée…
30 octobre 2008 : les premiers flocons sur notre vieux toit qu’il faut changer…
Et sur le cliché suivez, toujours pris depuis les terrains sis au-dessus de notre ermitage, vous voyez au premier plan le tronc et les branches de l’un de nos noyers, et en arrière-plan la maison de notre voisine et amie, Pascale, qui, à sa table d’hôtes, régale ses convives avec de délicieuses recettes à base de plantes sauvages.
30 octobre 2008 : les premiers flocons sur notre hameau.
Mais ce fut une bien autre affaire le lendemain matin !
En effet, dès ce jeudi 30 octobre après-midi, la pluie a succédé aux flocons, elle s’est intensifiée alors que les heures passaient, et elle est même devenue véritablement diluvienne et quasi ininterrompue à partir du vendredi 31 octobre : et cela pendant plus de deux jours.
Le vent s’est mis à souffler avec une puissance de tempête, faisant voler des bâches de protection, et même de vieux panneaux de porte, que Frère Maximilien-Marie avait placés sur une réserve de bois de chauffage et du matériel de construction, bien que ces bâches et portes fussent lestées avec des lauzes ou des madriers !
En entendant le mugissement des rafales, nous nous demandions si les cheminées et la toiture allaient tenir bon…
Par les fenêtres, nous pouvions voir d’épais rideaux de pluie avançant en vagues successives vers notre façade exposée au sud, les arbres se tordre, et de lourds nuages sombres s’étirer, se déchirer et se recomposer à une vitesse folle.
Très rapidement, il fallut se mettre à écoper avec ténacité une eau qui s’infiltrait dans la maison avec encore plus de ténacité que Frère Maximilien-Marie n’en pouvait déployer.
Pour comprendre ce phénomène, il faut bien vous rappeler que notre Mesnil-Marie, comme toutes les maisons anciennes du hameau, est construit à flanc de montagne, directement sur le rocher qui affleure en plusieurs endroits à l’intérieur.
Ainsi, dans le cas de précipitations abondantes et violentes, l’eau ruisselle sur la roche et par les veines de la roche.
Notre Mesnil-Marie est une très ancienne manse, reconstruite au début du XVIIème siècle : il y a donc environ 400 ans.
L’ancienne écurie, qui jouxte la grande pièce de vie et que l’on aménage peu à peu pour y installer les sanitaires dont la maison était totalement dépourvue à notre arrivée (vous avez une photo de cette pièce dans la chronique que j’avais rédigé à la fin du mois de septembre > ici), est spécialement exposée aux inondations du fait que sur un côté entier c’est la roche qui sert de muraille et que sur une autre côté les siècles ont amassé, à l’extérieur, contre la muraille, une importante épaisseur de terre.
L’eau entre donc dans cette pièce par les veines du rocher et aussi en traversant le mur de pierre contre lequel la terre s’est accumulée. Les constructeurs, qui n’étaient pas idiots, avaient initialement prévu un système de drainage des eaux de ruissellement, mais des transformations successives et malheureuses, puis, surtout, le nom entretien des alentours de la maison pendant quelques décennies, l’ont rendu inopérant.
Nous voulons bien sûr rétablir et améliorer ce drain, et aussi faire disparaître l’accumulation de la terre à l’extérieur du mur, mais jusqu’à présent nous n’avons pas eu le temps de le faire : Frère Maximilien-Marie a des problèmes de colonne vertébrale et son état de santé est assez précaire en ce moment.
30 et 31 octobre & 1er novembre 2008 : le ruisseau en période normale,
puis après l’épisode cévenol
Mais il faut que je reprenne mon récit au sujet de notre inondation.
Frère Maximilien-Marie, à l’aide de pelles à balayures (parce qu’il n’avait pas d’autre instrument qui puisse être utile à cela), a donc dû remplir des seaux de ménage qu’il allait vider à l’extérieur.
Un seau a une contenance de 10 litres, et il est donc assez facile de faire le calcul : quand on remplit quelque 600 seaux de 10 litres, c’est qu’au final on a écopé environ 6.000 litres d’eau de ruissellement…
Cependant, ce fastidieux travail ne pouvait suffire, et l’ancienne écurie avait, dès le vendredi soir, environ deux centimètres d’eau sur tout sa surface (fort heureusement, tout le matériel qui s’y trouve entreposé est placé sur des palettes et il est donc resté hors d’eau).
Frère Maximilien-Marie s’efforçait d’empêcher l’eau d’envahir la grande pièce de vie; qui est légèrement en contrebas de l’ancienne écurie et il a effectivement réussi à la maintenir dans des limites raisonnables.
Sur le cliché qui suit vous pourrez voir que, contrairement à la plupart de nos congénères, Chlôris ne craint pas l’eau et qu’elle profite de toutes les occasions pour patauger allègrement. Cette photo est prise au pied des deux marches qui font la communication entre l’ancienne écurie et la salle à manger : à certains moments, l’eau coulait dans l’angle de la marche comme s’il s’était agi d’un robinet ouvert !
Chlôris, très intriguée par l’eau qui s’est introduite dans la maison
et qui descend par les marches de l’ancienne écurie vers notre grande pièce de vie…
La petite rivière qui coule à une centaine de mètres en contrebas du Mesnil-Marie, qui s’appelle l’Eysse, a pris très vite des proportions impressionnantes : son rugissement furieux emplissait le fond de la vallée, et nous pouvions apercevoir ses flots boueux roulant environ deux mètres au dessus de son niveau normal.
Quant au tout petit ruisseau qui coule entre la maison de Pascale, notre voisine, et la nôtre, et qui était quasi à sec depuis le mois de juillet, il est devenu un véritable torrent furieux : on ne put bientôt plus le franchir, même en sautant.
Pour se rendre à la Sainte Messe de la Toussaint, le samedi 1er novembre, notre Frère n’a pu le traverser, à l’endroit habituel du passage, que chaussé de très hautes bottes et en entrant dans l’eau qui s’étalait sur une largeur d’environ deux mètres. Il en fut de même le dimanche 2 novembre, où, bien que la pluie eût cessé, le ruisseau avait encore pris de l’ampleur.
Bref, nous avons expérimenté ce que sont les grandes pluies d’automne en haut pays cévenol, et même s’il y a eu pour nous quelque inconfort, je sais que cela n’est rien en comparaison des dégâts énormes qui ont été causés par les eaux en crue dans plusieurs villes et villages assez proches de chez nous.
Comme le dit Pascale : « Ici, l’eau ne fait que passer et nous ne sommes pas à plaindre en comparaison de ceux qui vivent dans les endroits où les eaux se rassemblent et s’accumulent ».
Et moi, de toute mon âme, je rends grâces à Dieu pour les larges murs de pierre et la solide charpente de notre Mesnil-Marie, et je Lui demande de soutenir et réconforter toutes les malheureuses victimes de ces intempéries…
Lully.
