2016-53. Où, à l’occasion d’un pèlerinage à La Louvesc, nous avons appris une très triste nouvelle.
Mercredi 13 juillet 2016,
fête de Saint Anaclet, pape et martyr.
Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,
Comme j’ai déjà eu l’occasion d’en parler dans ce blogue, vous savez que le village de La Louvesc est bien cher à notre coeur.
Frère Maximilien-Marie s’y rend au moins une fois par an en pèlerinage (cf. par exemple > ici), auprès des reliques de deux très grands saints que nous aimons beaucoup : Saint Jean-François Régis (cf. > ici) et Sainte Thérèse Couderc (cf. > ici).
Hier, mardi 12 juillet, notre Frère a profité du passage de l’un de nos amis qui ne connaissait pas ces deux saints pour les lui faire découvrir « in situ ».
D’une certaine manière, c’était un jour idéal pour cette démarche spirituelle : au-dessus de 800 m d’altitude, le brouillard régnait quasi partout, souvent accompagné d’une petite pluie froide.
Avec de telles conditions météorologiques et un horizon obstinément bouché, point de hordes de touristes superficiels et bruyants, trop court vêtus ou débraillés.
Tant pis pour le panorama, et tant mieux pour l’atmosphère de recueillement !
La basilique de La Louvesc enveloppée de brouillard ce 12 juillet 2016 :
à une trentaine de mètres de la façade principale, on distinguait à peine les croix au sommet des deux flèches !
Frère Maximilien-Marie et notre ami ont donc visité le diorama de Georges Serraz présentant la vie de Saint Jean-François Régis.
Ils y étaient seuls.
Ils se sont ensuite recueillis dans la « chapelle mortuaire », au lieu même où, le 31 décembre 1640, quelques minutes avant la minuit, les cieux se sont ouverts et où Notre-Seigneur et Notre-Dame sont venus recueillir l’âme de Saint Régis.
Ils y étaient seuls.
Puis ils sont allés prier à la basilique, devant la châsse renfermant les reliques du saint père (nota : depuis l’époque de ses missions sur les hauts plateaux du Vivarais et du Velay et jusqu’à nos jours, quand les catholiques de ces terres d’en-haut parlent du saint père, il ne s’agit pas du pape, mais de Saint Jean-François Régis qui a si profondément et si durablement marqué le pays par sa parole et ses exemples).
Là, ils ont dû voir défiler à peine une quinzaine de personnes.
Comme à chaque fois, Frère Maximilien-Marie a fait brûler une veilleuse devant la châsse : sa petite flamme matérialisant toutes les intentions qui nous sont recommandées et qu’il a confiées à l’intercession du bon Saint Régis.
Châsse renfermant la plus grande partie des reliques de Saint Jean-François Régis
En revanche, nos pèlerins ne se sont pas rendus à l’exposition, annoncée à grand renfort de tracts et d’affiches, consacrée au Père Pierre Teilhard de Chardin.
Il n’est point nécessaire, je pense, que je vous en détaille les raisons.
Pour moi, je ne cesse pas de m’étonner de la manière avec laquelle des personnes embarquées sur un navire qui prend l’eau de toutes parts semblent déployer toutes leurs énergies à en agrandir les fissures et percer encore des trous dans la coque, comme pour en accélérer l’engloutissement… et leur propre noyade. Cela me paraît défier toute espèce de raison.
Mais bien sûr, nos deux pèlerins se sont rendus à la chapelle du Cénacle pour prier devant la châsse où est exposé le corps de Sainte Thérèse Couderc.
Corps incorrompu de Sainte Thérèse Couderc dans la chapelle du Cénacle à La Louvesc
Frère Maximilien-Marie a été fasciné par Sainte Thérèse Couderc déjà quand il avait cinq ou six ans. Lorsqu’il était étudiant à Lyon, il est allé souvent se recueillir dans sa chambre mortuaire au Cénacle de Fourvière. A l’âge de 17 ans, il a lu, approfondi et médité plusieurs ouvrages fouillés (ceux de l’abbé André Combes ou de la Rde Mère Jeanne Dehin par exemple) sur la spiritualité de la sainte fondatrice du Cénacle : ce sont des liens intimes et très anciens qui le lient à cette remarquable figure de sainteté vivaroise, et c’est donc toujours avec une ferveur toute particulière qu’il se rend près de sa dépouille mortelle incorrompue, exposée dans la chapelle du Cénacle de La Louvesc dans l’attente de la résurrection.
Mais hier, en ce Cénacle de La Louvesc, notre Frère a été douloureusement frappé au coeur.
A la sortie de la chapelle, il a été abordé par une religieuse (il a su que c’était une religieuse parce qu’elle arborait un badge sinon rien dans sa tenue n’eût permis de le deviner), fort aimable au demeurant, qui lui a demandé d’où il venait et s’il connaissait déjà Sainte Thérèse. La conversation s’est donc engagée, jusqu’à ce que :
La sœur : « Vous savez que cette maison va fermer ? »
Fr.Mx.M. (interloqué) : « Non… mais… comment… ??? »
La sœur : « Elle va être vendue. C’est bientôt fait. » [voir note en bas de page]
Fr.Mx.M. (abasourdi) : « Mon Dieu ! Mais… et la chapelle ? »
La sœur : « Vendue aussi. »
Fr.Mx.M. (atterré) : « Mais qu’est ce que tout cela va devenir ? »
La sœur : « Nous ne le savons pas. »
Fr.Mx.M. (d’une voix blanche) : « Et la châsse de Sainte Thérèse ? »
La sœur : « Nous ne savons pas… »
Là, Frère Maximilien-Marie a eu « une fuite aux yeux » ; il avait du mal à parler tant il avait la gorge nouée et parce que c’était comme si la « burle » s’était mise à souffler à l’intérieur de sa tête.
S’en sont néanmoins suivies quelques autres paroles : Frère Maximilien-Marie avait l’impression de s’entendre parler et d’entendre la religieuse répondre très loin, comme dans un rêve.
La sœur lui a dit que les reliques de Sainte Thérèse appartiennent en définitive à l’Eglise et que c’est l’Eglise qui en disposera. Avec un petit sourire complice elle lui a même demandé s’il ne voulait pas les emporter au Mesnil-Marie, ce à quoi, même s’il sait bien que c’est irréalisable, notre Frère a répondu qu’il les y prendrait avec empressement…
Moi, qui suis resté auprès de lui la nuit dernière, je puis témoigner qu’il a mal dormi et qu’il a pleuré – et encore ce matin – en repensant à la fermeture et à la vente de cette maison où Sainte Thérèse Couderc a fondé la congrégation du Cénacle.
Une fois de plus, et au fond du fond c’est bien cela qui est le plus douloureux et le plus affligeant, nous constatons, à travers la décadence et l’extinction d’œuvres admirables que le Saint-Esprit avait suscitées dans la Sainte Eglise par la vie et l’action des saints, combien le modernisme est stérile et mortifère.
Depuis la fin du concile vaticandeux, les ruines s’accumulent et la désolation s’étend inexorablement : après avoir abandonné tout le trésor doctrinal et spirituel de l’authentique Tradition, c’est tout le patrimoine temporel des paroisses, des congrégations, des diocèses, qui est peu à peu dilapidé, vendu… et profané.
Car ramener à un usage profane des biens qui avaient été acquis, établis et développés, bénits et sanctifiés, pour le service et la gloire de la divine Majesté, c’est à proprement parler accomplir une profanation.
Un coeur profondément religieux ne peut qu’être douloureusement meurtri à ce constat.
Ce que la grande révolution n’avait pas pu mener totalement à sa fin – et seulement en recourant à la terreur et aux plus extrêmes violences – , ce sont finalement les enfants de l’Eglise gangrenée par le modernisme, qui le mènent tout doucement – d’une manière « soft » - à son entier accomplissement depuis un demi-siècle.
Ils le font tantôt avec une espèce de résignation, tantôt avec une béate irresponsabilité, souvent en se gargarisant de pseudo motifs spirituels faussement évangéliques.
Que l’on ne m’objecte pas que mes propos sont empreints de matérialisme et d’attachement aux biens de ce monde : la Sainte Eglise, figure du Royaume éternel et porte par laquelle il faut passer pour y accéder, est néanmoins établie en ce monde.
En ce monde où pour vivre, croître, se développer, rayonner et travailler pour le Royaume des Cieux, il est indispensable de recourir à des moyens matériels : les tâches spirituelles ont besoin du support des biens terrestres.
Pour mener à bien la mission qui lui a été confiée par son divin Fondateur, l’Eglise doit user des biens de ce monde, dans l’esprit de la première Béatitude bien sûr, mais aussi avec le soin et la diligence du bon intendant fidèle ou du serviteur industrieux auquel ont été confiés les cinq talents d’argent, décrits par Notre-Seigneur en Ses paraboles.
Ainsi, lorsque nous sommes affligés et que nous versons des larmes sur la dilapidation des biens de l’Eglise et des congrégations, c’est sur la disparition progressive de la Chrétienté que nous pleurons ; c’est sur la destruction – qui apparaît parfois comme inexorable, bien que nous ne cessions pas d’être animés par l’espérance et la foi surnaturelles – de tout ce qu’avaient merveilleusement construit et patiemment édifié les longs siècles de civilisation chrétienne qui nous ont précédés ; c’est parce qu’ « il y a grande pitié au Royaume de France » et que ces abandons et pertes du patrimoine religieux ne sont que le signe et le symbole de la trahison des clercs et de la perte des âmes…
Saint Jean-François Régis, Sainte Thérèse Couderc, priez pour nous !
Secourez-nous en ces temps si douloureux !
Obtenez-nous quelque part à la force des consolations divines !
Venez-nous en aide et gardez-nous inébranlables dans la foi,
dans l’espérance et dans la charité !
Ainsi soit-il.
Lully.
Note complémentaire :
La décision de vendre les bâtiments du Cénacle, avec la chapelle et le grand parc, nous a été annoncée en juillet 2016 dans les termes exacts où ils ont été reproduits dans cet article. Depuis ce temps, à la date où nous rédigeons cette note [été 2022], les bâtiments ont été vidés, la châsse de Sainte Thérèse Couderc a été transportée dans la basilique Saint-Jean-François-Régis le 22 septembre 2018 (cf. > ici et > ici), mais la vente n’a toujours été pas réalisée…