Des goûts et des couleurs on ne dispute pas
(mais on en peut sereinement discuter)
7 février 2024,
Fête des Bienheureux Jacques et Guillaume, martyrs (cf. > ici) ;
Mémoire du Bienheureux Pie IX, pape et confesseur (cf. > ici) ;
Mémoire de Saint Romuald, abbé et confesseur ;
Mémoire de la Bienheureuse Marie de la Providence, vierge.
Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,
Vous avez été plusieurs, depuis un peu plus de deux mois, à poser une question récurrente à mon papa-moine, à l’occasion de messages ou de commentaires, et Frère Maximilien-Marie n’a jusqu’ici répondu qu’à une seule des personnes qui l’interrogeaient à ce sujet, me semble-t-il…
Cette question, formulée de diverses manières, demande avec quelque insistance parfois : « d’où proviennent donc ces magnifiques images qui illustrent vos articles sur Jésus et les saints ? »
Cette question, c’est moi qui vais aujourd’hui y répondre, mais pas sans avoir rappelé ou précisé certaines choses…
A - De gustibus et coloribus…
Vous l’avez compris depuis bien longtemps, Amis lecteurs, Frère Maximilien-Marie aime illustrer les publications du blogue avec des reproductions de tableaux ou d’œuvres d’art, des photographies ou dessins, adaptés au sujet traité dans l’article, ou le complétant d’une certaine manière. Ce faisant, il a d’ailleurs énormément approfondi ses études d’histoire de l’art ainsi que la connaissance des œuvres picturales, comme aussi d’ailleurs ses talents de photographe (dans les premières années de ce blogue, il ne possédait qu’un tout petit appareil photo numérique de poche de qualité fort médiocre, et maintenant – grâce à un cadeau – il utilise un appareil photo « Canon Reflex » de qualité professionnelle qui permet des prises de vue beaucoup plus précises et belles).
Evidemment, il choisit les illustrations en fonction du sujet traité… et de ses goûts.
Et là, je puis vous garantir que vous ne trouverez pas chez nous de reproductions de tableaux dits abstraits, non figuratifs ou produits de « l’art conceptuel »… etc.
Peut-être, très occasionnellement et comme par exception, des œuvres de la période romantique, mais probablement jamais d’œuvres impressionnistes ou issues des mouvements postérieurs de la peinture : exception faite peut-être de certains tableaux de l’inclassable Salvador Dali…
Car, à la vérité, Frère Maximilien-Marie est, en peinture comme en architecture et en musique, essentiellement – et plus que viscéralement – attaché aux deux siècles qui suivent le saint concile de Trente : le maniérisme, l’âge baroque par dessus tout, le classicisme français, et un peu (à doses homéopathiques) le néo-classicisme ou l’académisme du XIXème siècle.
Pour l’art comme pour la politique, mon papa-moine, dont j’ai entièrement adopté les goûts et la pensée, est un religieux d’Ancien Régime, « totalement assumé et décomplexé » comme on dit de nos jours.
En outre, il ne renie en aucune manière son engouement, dans le domaine des représentations religieuses, pour les images de dévotion de « style italien » ou « sulpicien » au charme désuet qui l’ont toujours fasciné, et lui ont parlé au cœur depuis sa petite enfance : ces images que l’on a tellement critiquées depuis « l’après-guerre » (j’ai lu des articles de la fin des « années 40 » et des « années 50 » – sans parler de la période conciliaire ! – de la revue d’études liturgiques « La Maison-Dieu » qui me donnent vraiment envie de mordre et de griffer tellement je les trouve bêtes et méchants !).
Vous serez peut-être scandalisés si je vous dites que les fresques du Bienheureux Giovanni da Fiesole, dit Fra Angelico, dont on lui a vanté le talent et l’ « art spirituel » usque ad nauseam lors de ses études d’iconographie religieuse (et qu’il a visitées pendant des heures au Couvent Saint-Marc de Florence), le laissent de marbre ; ou que l’art religieux du quatrocento et même de la première moitié du cinquecento ne lui « parlent » absolument pas.
De la même façon, le style de certains artistes du XXème siècle – profondément catholiques au demeurant -, fort prisés par certains prêtres ou religieux « tradis », n’éveille en nous (« nous », parce que je parle pour Frère Maximilien-Marie et pour moi) aucun écho, aucune élévation spirituelle, aucun élan de l’âme.
Rien !
Strictement rien !
En matière de sensibilité artistique religieuse il y a autant de cas que de personnes ; et il y a – Dieu merci ! – une grande et légitime liberté.
Certaines âmes sont « portées » par le béton de la chapelle du couvent Sainte-Marie de La Tourette, l’église Notre-Dame de Royan ou la cathédrale de Brasilia : grand bien leur fasse ! Pour nous, ces édifices sont archidéprimantissimes et psychologiquement oppressants, tandis que nous nous trouvons en vérité spirituellement transportés dans les églises baroques et rococos d’Italie, de Bavière ou d’Autriche.
A un pilier droit et sobre, nous préfèrerons toujours une colonne torse, surchargée de détails ornementaux : le premier nous est aussi rébarbatif que l’énoncé d’un problème mathématique, la seconde nous enthousiasme et nous remplit d’une joie vivifiante, sorte d’avant-goût du paradis.
Basilique Saint-Alexandre et Saint-Théodore de l’abbaye d’Ottobeuren (Bavière)
B – In omnibus caritas…
Je ne partirai pas en croisade contre ceux qui goûtent la peinture religieuse de Fra Angelico ou de Giotto, de Maurice Denis ou de Pierre Puvis de Chavannes, ou qui s’émerveillent devant les sculptures d’Henri Charlier : simplement je ne les comprends pas – car c’est pour moi de l’ordre d’une totale incompréhension, comme si l’on me parlait une langue inconnue -, mais je puis entendre que cela corresponde à quelque chose d’important pour eux et je le respecte.
Je ne leur demande point de communier à mon enthousiasme pour les toiles du Caravage, de Simon Vouet ou de Pierre de Cortone, celles de Charles Le Brun, Hyacinthe Rigaud ou Pierre Mignard, ni d’éprouver les tressaillements d’esprit et d’âme qui sont les miens dans la contemplation de la sculpture du Bernin : j’attends juste – s’ils ne les comprennent pas – qu’ils acceptent que l’art baroque est profondément accordé à mon tempérament spirituel, et qu’ils le respectent.
Ce blogue étant celui du Mesnil-Marie, dont le moine et le chat sont l’un comme l’autre baroquissimes jusqu’à la moëlle, il ne faut point s’attendre à y trouver autre chose que des illustrations qui leur conviennent à l’un comme à l’autre.
S’il y a certains de nos lecteurs auxquels elles ne plaisent pas, mais qui, par ailleurs, apprécient nos textes, ils n’ont qu’une seule chose à faire : ne pas regarder ces images et continuer leur lecture sans y prêter attention.
De notre côté, cela ne changera pas : si toutefois vous aviez encore quelque illusion à ce sujet, je vous puis assurer que c’est absolument en vain.
Un vieil adage augustinien répète (et c’est grande sagesse) : « In necessariis unitas, in dubiis libertas, in omnibus caritas : dans les choses essentielles (celles qui touchent à la doctrine révélée, au dogme et à la morale), il faut l’unité ; dans les domaines pour lesquels diverses manières de penser sont légitimes, liberté ; mais en toutes choses, il faut conserver la charité ».
La perception artistique, la manière dont les divers tempéraments psychologiques appréhendent les œuvres d’art, ou la façon qu’a tel ou tel de percevoir l’esthétique de ce tableau ou de cette sculpture (sauf évidemment dans le cas d’œuvres blasphématoires, obscènes ou impies) sont de l’ordre de ces « in dubiis » où la liberté est pleinement légitime… mais où la charité n’est pas facultative.
Nous vivons, malheureusement, dans un monde où des questions de pure sensibilité (je ne parle pas des questions doctrinales ou morales, ni des sujets qui leurs sont connexes) sont la source d’innombrables soupçons négatifs et querelles, qui s’enveniment et s’exacerbent pour arriver à des ruptures d’une radicalité inouïes : la mentalité qui tend, à tout propos et sans relâche, à « chercher des poux sur la tête d’un chauve » n’est pas, en définitive, un signe de bonne santé psychologique et spirituelle.
C – J’en reviens maintenant à la question initiale…
Après ces réflexions qui nous ont entraînés bien loin dans les profondeurs de l’âme humaine, je puis maintenant revenir à la question initiale : d’où proviennent donc nos illustrations ?
C’est très simple : lorsque ni Frère Maximilien-Marie ni moi-même ne trouvons d’images conformes à ce que nous recherchons et aimons, pour illustrer nos textes – soit parce qu’il n’en existe pas soit parce que celles qui existent ne nous plaisent vraiment pas -, nous les créons, tout simplement !
Désormais certaines fonctionnalités informatiques, liées à ce que l’on nomme très improprement « intelligence artificielle » (en effet, l’intelligence est et sera toujours et uniquement du côté de l’homme : la machine, elle, ne fera jamais que mettre en œuvre ce pourquoi l’intelligence humaine l’a programmée en lui permettant d’effectuer à grande vitesse des inventaires et des associations), sont des outils de création d’images.
Nous ne dessinons pas ni ne peignons sur un écran d’ordinateur : nous nous contentons de demander à l’outil informatique ce que nous souhaitons, en écrivant des phrases, qui précisent le style que nous souhaitons (par exemple : une fresque dans le style de Raphaël, une sculpture gothique en bois, une gravure en taille douce, un tableau baroque de style flamand ou une enluminure de livre d’heures du XVème siècle… etc.) et le sujet (par exemple un évêque en ornements baroques ou une vierge martyre de l’époque paléochrétienne, en précisant les attributs [livre, auréole, fleurs...], la couleur de ses cheveux ou de ses yeux… etc) : les propositions rendues par l’application correspondent à nos souhaits… ou pas.
Il faut trier, recommencer, approfondir la connaissance des ressorts sur lesquels il faut appuyer pour approcher au mieux du résultat espéré.
Il faut de la patience, comme, en définitive, lorsqu’on dessine ou peint.
Parfois, des détails incongrus apparaissent, parce que la très bête « intelligence artificielle », qui dispose, pour inspirer son travail, de milliers de détails recensés et inventoriés dans des milliers d’œuvres d’art déjà existantes dont elle a les références en ses banques de données, ne fera pas les bonnes associations, ne comprendra pas exactement la description qu’on lui a donnée, n’a pas la subtilité ni la sensibilité que nous attendons d’elle.
Mais d’autres fois, c’est plutôt satisfaisant ; même si ce n’est jamais vraiment parfait.
Nous sélectionnons finalement, puis publions les images qui nous plaisent et qui, à notre sens et selon nos goûts, peuvent contribuer à attirer l’attention de l’œil et de l’âme vers ces saints oubliés, méconnus, peu invoqués, qui ont contribué à la première évangélisation de notre beau Royaume ou qui sont issus de nos chères dynasties royales, mais pour lesquels l’iconographie est terriblement indigente.
Il est fréquent, en effet, qu’il n’existe pas – ou plus – de portraits de ces saints ou que le peu qui existe ne soit pas très esthétique.
Une très authentique miniature du XIVème siècle n’est pas forcément une réussite artistique ; et je connais des tempera sur bois de l’école siennoise qui coûtent des fortunes sur le marché de l’art, mais aussi sur lesquelles la Mère de Dieu louche ou est affublée d’un goître !
Entre une fresque du XIIIème siècle sur laquelle un saint a autant d’expression qu’un poisson rouge après 999 tours dans son bocal, et un portrait – imaginaire certes – réalisé grâce à l’ « intelligence artificielle » mais correspondant à ce que nous souhaitons en matière de dévotion, d’expression et de symbolique, nous n’hésitons pas et nous choisissons la seconde !
Plusieurs de nos amis, prêtres, religieux et même authentiques artistes, nous ont félicité pour ces réalisations : comme je crois qu’ils sont de véritables amis, nous ne les soupçonnons pas de vile flagornerie à notre endroit.
Et nos œuvres, habituellement nous les signons. Pour moi : « Tolbiac fecit », et pour Frère Maximilien-Marie « Fr. Mx.M. fecit », puisqu’elles deviennent véritablement nos œuvres propres.
Pour mon papa-moine, qui souffre depuis des mois et des mois de névralgies dans la main droite, qui éprouve de grandes souffrances pour écrire, et qui ne peut plus dessiner, alors que pour lui le dessin et l’illustration ont toujours été une quasi nécessité, la découverte de cet outil – qui n’est et ne restera jamais qu’un simple outil – a été un véritable soulagement de l’esprit, puisque, quoique différemment, il lui est ainsi possible de continuer une production picturale.
Il est possible que certains autres de nos lecteurs ne nous disent pas qu’ils n’aiment pas nos illustrations parce qu’ils les trouvent trop « sulpiciennes », « sucrées », « baroques », « de goût italien » : nous les remercions de leur charitable patience à notre endroit, et les invitons – pourquoi pas ? – à travailler eux-mêmes à réaliser des images conformes à leur piété et à leurs goûts, pour éventuellement les porter à notre connaissance. Nous en serons honorés : « in omnibus caritas » !
Voilà, j’espère avoir répondu aux interrogations qui nous ont été adressées, mes bien chers Amis…
Restons chat-leureusement unis dans l’amour de la Beauté et Bonté suprême qui est Dieu Lui-même, Lequel nous a donné des sensibilités différentes pour que nous Le goûtions tous et chacun d’une manière unique.
Tolbiac