Archive pour la catégorie 'Lectures & relectures'

2024-139. Le nationalisme, phase dialectique de la révolution.

28 juin,
Fête de Saint Irénée, évêque et martyr (cf. > ici) ;
Vigile des Saints Apôtres Pierre et Paul.

       Nous reproduisons ici des extraits d’une lettre que le Révérend Père Grasset, des Coopérateurs Paroissiaux du Christ-Roi (C.P.C.R.) - parfois appelés « Pères de Chabeuil », du nom du village de la Drôme où ils furent fondés pour la prédication des Exercices spirituels de Saint Ignace - écrivit en janvier 1959 à l’un de ses confrères, le Révérend Père Vinson.

   Ces lignes méritent d’être lues avec attention : on y trouve en effet l’exposition d’importants principes pour éviter certains confusions de notions et pièges dont les catholiques doivent avoir conscience, afin de ne pas se fourvoyer dans leurs engagements politiques et pour ne pas faire le jeu de la révolution qu’ils prétendent toutefois combattre.

   L’authentique patriotisme qui découle du quatrième commandement de Dieu, n’est pas le patriotisme idéologique né de la révolution, et il ne peut en aucune manière non plus se confondre avec le nationalisme et ses divers avatars. Le nationalisme est, en effet, une conséquence des faux principes que les doctrines révolutionnaires ont substitués aux sains fondements d’une pensée politique véritablement chrétienne : les lignes du Révérend Père Grasset sont éclairantes, et elles nous invitent à la plus grande prudence et au discernement.

Vitrail du Christ-Roi - blogue

29 janvier 1959.

        »[...] Certes, beaucoup de points défendus par les nationalistes les plus catholiques sont authentiquement contenus et exprimés dans l’enseignement traditionnel de l’Église. Nous pourrons même concéder que quelques nationalistes ne visent que la restauration de l’ordre social chrétien…
Mais, je le répète, ce qui compte, c’est le formel et non le matériel. On peut à l’extrême se faire les champions de la lettre du catholicisme, avoir pour objet la matière de l’enseignement catholique. Cependant on n’en est pas pour autant formellement catholiques, si on ne possède pour cela l’esprit du catholicisme.

   [...] Il manque aux nationalistes comme à la majeure partie des catholiques modernes cette lumière spécifique, ce lumen sub quo des scolastiques.
Cette cécité n’est pas nouvelle, elle est le péché de tous les naturalistes, ou mieux le châtiment de leur orgueil naturaliste.
Charles Maurras, le grand Charles Maurras, était frappé de cette cécité intellectuelle. Il admirait profondément l’Église catholique. Il chantait en elle la civilisatrice par antonomase. Il lutta pour elle contre ses ennemis. Mais il ne voyait pas que cet ordre, qui le séduisait tant, était l’effet d’une action surnaturelle.

   L’Église est un corps harmonieux, mais c’est la mutiler que d’y supprimer son âme vivifiante : l’Esprit-Saint de Jésus, son époux. L’erreur des nationalistes est une erreur sur l’Incarnation du Verbe.
[...] Ils voudraient, ils veulent même, l’ordre admirable causé par l’Église catholique romaine. Ils le veulent pour plusieurs motifs : par tradition catholique ; par amour de l’ordre et de la raison ; par opposition à des adversaires qui combattent cette même Église romaine. Mais ils ne savent pas – ou s’ils le savent, c’est sans influence formelle sur leur action, c’est-à-dire que leur action n’est pas informée par cette vue, cette connaissance – que cet ordre naturel est impossible sans le surnaturel, qu’il est le fruit de la grâce du Christ rédempteur, [...] et, par suite, qu’il ne peut se défendre ou se conquérir que par les moyens naturels surnaturalisés.
Le grand péché des nationalistes est ce naturalisme pratique, je dirai cette praxis athée (pour employer le langage marxiste) avec lesquels ils s’efforcent de vaincre leurs adversaires et d’instaurer l’ordre social chrétien. Effort tragiquement stérile.

   Voilà la raison profonde des échecs répétés de la Contre-Révolution.
Elle s’oppose matériellement à la Révolution, à savoir son but ; son objet matériel est contradictoire, objectivement contradictoire du but, de l’objet matériel de la Révolution, mais formellement, elle voit cet objet sous une lumière analogue à la lumière marxiste, naturaliste, et par suite elle agit en naturaliste travaillant sans s’en rendre compte dans le sens de la Révolution.
Elle est une phase de la Révolution, une phase dialectique, qui, opposée diamétralement (mais sur le même plan) à d’autres phases extrêmes de la Révolution, reste contraire, formellement contraire et non contradictoire à l’action révolutionnaire [...].

   Pour bien comprendre ceci, je vais donner quelques exemples.

   Le Parti. Cette conception moderne du parti est une idée révolutionnaire. Elle échappe rarement à l’orgueil de caste et à la tyrannie de la partie sur le tout. Elle s’origine d’une pensée, plus ou moins confuse ou précise, subjectiviste, individualiste.
Le parti, c’est l’individu collectif. Par principe, il est antinaturel, donc source de désordre. Il a une conception de l’homme qui n’est pas organique, divine. Il forme des forces au service d’une idéologie abstraite. L’homme de parti est de type standard interchangeable. Vous vous rappellerez ce que dit notre ami, l’autre jour, en parlant des ouvriers : « Ce sont les nôtres ». Le sens de la propriété est très nuisible à l’harmonie chrétienne. On pourrait croire que notre ami est jaloux de voir que d’autres s’occupent d’un problème qu’il se croit seul capable de résoudre. Voilà un bien grand danger.
Le Parti veut être celui qui fait tout. Il s’achève, quand il triomphe, en un étatisme dictatorial insupportable et sa tyrannie se maintient par la persécution, jusqu’à ce qu’un autre naturalisme, un autre parti le détruise. [...]
Le parti, par essence, se sépare du peuple parce que le peuple se rend très vite compte (et les autres tyrans de demain se chargent de le mettre en évidence) que le parti ne le sert pas, mais qu’au contraire il est, lui [le peuple], l’esclave (selon divers degrés de confort) du parti (quelle que soit la chose désignée par ce mot de parti : soit une classe, soit un individu, soit un consortium, etc.). Comme ceci est contraire à l’esprit de Jésus-Christ qui, Lui, est venu non pour être servi, mais pour servir !
Comment vaincre la Révolution qui a engendré l’esprit de parti, avec un autre parti ?
Erreur, profonde et grave erreur, même si la cause proposée à l’activité du parti est le règne de Jésus-Christ. Ne croyez pas que ceci soit dit à la légère. Que s’examinent sincèrement nos nationalistes (une bonne retraite de cinq jours !) et ils découvriront qu’ils ne souffrent pas avec patience que d’autres qu’eux-mêmes travaillent à la même cause et puissent récolter la gloire du succès.
Avec cet esprit partisan, [...] comment comprendre la complémentarité catholique des œuvres ? Les partis de droite crèvent chroniquement parce qu’ils veulent tout faire comme l’État totalitaire. Et ceci vient de leur fausse vision du réel, essentiellement parce qu’ils oublient que la Contre-Révolution, l’ordre social chrétien, est avant tout l’œuvre de Dieu. Ils feraient bien de méditer la doctrine du Corps Mystique [...] exposée dans saint Paul (1 Cor. XII). Divers membres, mais un seul Esprit, diverses fonctions, mais un seul Esprit.
Leur naturalisme inconscient leur fait croire qu’ils sont la source unique de l’ordre. De là au rationalisme positiviste, il n’y a qu’un pas ; au marxisme, deux pas, ce dernier mettant la source de toute réalité dans la pure action humaine… Je ne parle pas des confusions que cet esprit de parti (qui a pour origine l’orgueil au service du bien tandis que le marxisme est l’orgueil au service du mal) engendre entre l’ordre spéculatif et l’ordre pratique. Vous savez, vous, combien on a vite fait d’ériger en dogme ce qui n’est que norme d’action et ne relève que de la prudence. [...] « Ma, ou notre position est la seule ». On dogmatise – on exclut – on a vite fait de douter de la bonne foi des autres… Ces autres, bientôt, on les haïra…

   [...] Prenons un autre exemple caractéristique.
En fait, c’est dire la même chose sous un autre aspect.
A méconnaître (par défaut de voir les choses dans la lumière de la foi et des dons de science et d’intelligence) le surnaturel, ou, du moins, à le méconnaître pratiquement, dans leur action politique et sociale, les nationalistes se dépensent inutilement à répondre aux ennemis sur leur propre terrain.
Folie dont les conséquences sont fatales !
Que d’efforts, que de sacrifices pour la bonne cause !
Et, pour récolte, une série renouvelée d’échecs de plus en plus graves !
On s’arme de sa plume, on polémique, on se bat, on fait le coup de feu même et puis, que voit-on ? Les ennemis plus forts que la veille et les champions de la bonne cause découragés et divisés…

   Il faut le dire, on a perdu le sens du combat contre-révolutionnaire parce qu’on n’a plus le sens surnaturel, l’esprit surnaturel. On ne sait plus que s’il faut combattre, certes, c’est cependant « Dieu qui donne la victoire ». On néglige de prier sans discontinuer, selon la recommandation du Christ Lui-même. On oublie pratiquement que sans Dieu nous ne pouvons rien faire. Sans doute, la raison peut connaître quelques vérités, mais pas toutes, sans la grâce qui la fortifie et l’élève. Sans doute, la volonté peut faire des actes des vertus naturelles, mais pas pratiquer sans la grâce toutes les vertus et s’y maintenir.
[...] Alors, pas d’ordre social stable et durable sans Notre-Seigneur Jésus-Christ, c’est-à-dire concrètement, sans la doctrine de Jésus-Christ éclairée dans la lumière de Jésus-Christ, sans la grâce et la charité de Jésus-Christ distribuées et produites par les moyens surnaturels, en particulier les sacrements. Et comme le péché (originel et actuel) est le grand obstacle à l’ordre divino-humain, pas d’ordre social sans la croix de Jésus-Christ, c’est-à-dire sans l’abnégation, la pauvreté, la contradiction.

   Voilà des années que Dieu nous donne la leçon des faits et nous ne voulons pas comprendre.
Notre naturalisme pratique échoue. Que faut-il de plus pour y renoncer une bonne fois ?
Allons-nous recommencer les mêmes erreurs suivies des mêmes châtiments ?
Allons-nous enfin comprendre, selon le mot du cardinal Pie, que Jésus-Christ n’est pas facultatif ?
Saurons-nous apprécier à sa juste valeur la cause que nous voulons servir ?
Saurons-nous voir l’ordre enchanteur du christianisme avec les yeux de la foi, dans la haute et nécessaire lumière du catholicisme formel ?

   [...] Les vrais hommes d’action sont des contemplatifs. Ils voient tout dans le Verbe de Dieu comme le Père voit toutes choses dans Son Verbe, Sa propre splendeur. Alors, ainsi élevés et fortifiés de cette lumière qui est vie (Jn. I, 1), ils découvrent mieux que les autres quels sont les moyens les plus efficaces et les plus sûrs (cf. Principe et fondement des Exercices de saint Ignace [1]) pour arriver au but.
Les vrais (il y en a de faux qui ne sont que des rêveurs séparés du réel, des idéalistes fumeux) contemplatifs sont les plus prudents. [...]

Note :
[1] Exercices spirituels de Saint Ignace, Principe et fondement, n° 23 : « Désirant et choisissant uniquement ce qui nous conduit plus sûrement à la fin pour laquelle nous sommes créés ».

Sacré-Coeur Roi

2024-138. « Invoque-moi dans le péril, et ne crains rien ! »

27 juin,
Fête de Notre-Dame du Perpétuel Secours (cf. > ici & > ici) ;
Fête de Saint Crescent, évêque et martyr ;
4ème jour dans l’octave de Saint Jean-Baptiste ;
11ème jour du Jeûne des Apôtres (cf. > ici).

       A l’occasion de la fête de Notre-Dame du Perpétuel Secours, lisons ou relisons cet exemple donné par Saint Alphonse-Marie de Ligori au sujet de la sollicitude maternelle de la Très Sainte Mère de Dieu pour nous et de la puissance des secours que nous pouvons espérer de son intercession.

Monogramme de la Vierge Marie - vignette blogue

       « Vincent de Beauvais raconte que, dans une ville d’Angleterre, un jeune homme de sang noble, nommé Ernest, avait donné aux pauvres tout son patrimoine, et était entré dans un monastère, où il avait bientôt conquis l’estime de ses supérieurs par une vie très parfaite et spécialement par sa grande dévotion à la Sainte Vierge.
Survint une peste qui obligea les habitants de la ville à s’adresser aux moines et à réclamer le secours de leurs prières. L’abbé commanda à Ernest d’aller se mettre en prières devant l’autel de Marie, et de ne pas se retirer que la Reine du ciel ne lui eût donné une réponse.
Au bout de trois jours, Marie lui indiqua certaines prières que l’on devait réciter ; on le fit, et le fléau cessa.

Gloires de Marie exemple - blogue

   Or, il advint qu’Ernest s’étant ensuite refroidi dans sa dévotion à Notre-Dame, se vit assailli de fréquentes tentations, principalement contre la pureté ; le démon lui suggéra même l’idée de sortir du monastère ; et, faute de s’être recommandé à Marie, le malheureux en vint à former le projet de s’enfuir en escaladant le mur de clôture.
Comme donc il passait dans un corridor vis-à-vis d’une image de Marie, il entendit la Mère de Dieu qui lui disait : « Mon fils, pourquoi me quittes-tu ? » A ces mots, Ernest, interdit et confus, tomba par terre et répondit : « Mais, Vierge Sainte, ne voyez-vous pas que je ne puis plus résister ? pourquoi ne venez-vous pas à mon secours ? » La bonne Mère reprit : « Et toi, pourquoi ne m’as-tu pas invoquée ? si tu n’avais pas négligé de te recommander à moi, tu n’en serais pas venu là. A l’avenir, invoque-moi dans le péril, et ne crains rien ».

   Le jeune homme retourna à sa cellule ; mais, les tentations revenant à la charge, il négligea comme par le passé de se recommander à Marie, et il finit par s’enfuir du couvent.

   Dès lors, il se livra à une vie criminelle, et, de péché en péché, il en vint jusqu’à louer une auberge pour y assassiner de nuit les voyageurs et s’emparer de leurs dépouilles. Il égorgea ainsi entre autres le cousin du gouverneur de l’endroit. Celui-ci lui fit son procès, et, sur les indices qu’il put recueillir, il le condamna à la potence.
Mais, pendant que le procès s’instruisait, arriva à l’auberge un jeune cavalier, et aussitôt le scélérat de songer à le traiter, comme d’ordinaire il traitait ses hôtes. Il entre la nuit dans la chambre de l’étranger pour l’assassiner, et que voit-il ? Au lieu du cavalier il voit sur le lit un crucifix tout couvert de plaies, qui, le regardant avec bonté, lui dit : « Ne te suffit-il pas, ingrat, que je sois mort une fois pour toi ? veux-tu de nouveau m’ôter la vie ? eh bien ! lève le bras, et tue-moi ».
Tout hors de lui-même à cette vue, Ernest fond en larmes : « Seigneur, s’écrie-t-il en sanglotant, je me rends à Vous ; puisque Vous daignez me faire miséricorde, je veux me convertir ».

Monogramme de la Vierge Marie - vignette blogue

   Il quitte aussitôt l’auberge et se dirige vers son monastère pour y faire pénitence ; mais, rencontré en chemin par les ministres de la justice, il est saisi et mené au juge ; il avoue tous ses forfaits ; on le condamne à la corde, on ne lui donne pas même le temps de se confesser.
Pendant qu’on le traînait au supplice, il se recommanda à Marie ; elle lui conserva la vie, le détacha elle-même de la potence et lui dit : « Retourne au couvent, fais pénitence ; et, quand tu me verras à la main la sentence du pardon de tes péchés, prépare-toi à la mort ».

   Ernest rentra au monastère, raconta le tout à l’abbé, et fit une rigoureuse pénitence. Plusieurs années après, il vit Marie tenant à la main l’acte de son pardon ; aussitôt, il se prépara à la mort, et il mourut saintement.»

Exemple rapporté par Saint Alphonse-Marie de Ligori dans les « Gloires de Marie » en illustration du chapitre intitulé : « Marie est aussi la Mère des pécheurs repentants ».

Gloires de Marie exemple 2 - blogue

2024-137. Nous avons lu et nous avons aimé : « Sainte Théodechilde, vierge, fille de Clovis, fondatrice du monastère de St-Pierre-le-Vif, à Sens… »

26 juin,
Fête de Sainte Théodechilde, Fille de France, vierge ;
Fête de la Bienheureuse Marie-Madeleine Fontaine et de ses compagnes, martyres (cf. > ici) ;
Mémoire des Saints Jean et Paul, martyrs ;
3ème jour dans l’octave de Saint Jean-Baptiste ;
10ème jour du Jeûne des Apôtres (cf. > ici).

   Parmi les ajouts au Martyrologe Romain propres à la France, nous trouvons la notice suivante en deuxième position après la mention de Saint Babolein, premier abbé de Saint-Maur-des-Fossés :

    »A Sens, Sainte Tendechilde, fille de Clovis 1er et de Sainte Clotilde, laquelle, ayant consacré à Dieu sa virginité, fonda un monastère de filles aux portes de cette ville ».

Sainte Théodechilde - blogue

       Sainte Théodechilde – appelée aussi Sainte Tendechilde, Sainte Teutechilde ou encore Sainte Téchilde – est la cinquième enfant et première fille née de l’union de Clovis 1er le Grand et de Sainte Clotilde.
Elle vint au monde selon toute vraisemblance en l’an 498, et, à partir de l’an 509, alors qu’elle avait déjà résolu – dans une maturité spirituelle précoce dont on a d’autres exemples dans la vie des saintes de l’Eglise catholique – de garder la virginité pour se donner au Christ comme unique époux. Soutenue par les libéralités du Roi son père, elle jeta les fondations du monastère dit de Saint-Pierre-le-Vif dans le faubourg est de la ville de Sens.

   Tandis que commençait la construction des bâtiments du monastère de Sens, Théodechilde alla visiter les terres auvergnates dont elle avait obtenu la propriété pour assurer des revenus à sa fondation : c’est à cette occasion que, à la suite d’une manifestation miraculeuse et d’une apparition de la très Sainte Vierge Marie, elle jeta les fondements du pèlerinage de Notre-Dame des Miracles, là où s’est développée depuis la ville qui est aujourd’hui Mauriac.
Lorsque les bâtiments du monastère de Sens furent achevés, Théodechilde y installa une communauté masculine, et patronna la fondation, à proximité, entre 515 et 520, d’un monastère de vierges dans lequel elle se retira, « persévérant dans la justice et la sainteté », ainsi que l’assure une ancienne chronique, qui ajoute :

   « Son cœur fut toujours une demeure digne de l’Esprit-Saint. Elle fut généreuse et large dans ses aumônes, assidue au jeûne, à l’abstinence, aux disciplines et aux oraisons. Elle servait le Seigneur avec une grande maturité et une grande tranquillité d’âme. Enfin, après qu’elle eût accompli le cours de cette vie, d’une manière digne de tout éloge, elle émigra de ce monde dans la paix du Christ pour aller vivre à jamais avec Lui ».

   Selon les anciens témoignages corroborés par plusieurs inscriptions lapidaires, son trépas advint un 28 juin, en la vigile de Saint Pierre, pour auquel elle avait toujours eu une grande dévotion, et vraisemblablement en l’année 560. Toutefois, en raison justement des célébrations de la vigile et de la fête du Prince des Apôtres, sa fête a été anticipée au 26 juin.

Vitrail de la basilique ND des Miracles à Mauriac

Vitrail de Sainte Théodechilde
dans l’actuelle basilique de Notre-Dame des Miracles, à Mauriac
(diocèse de Saint-Flour)

       L’ouvrage intitulé « Sainte Théodechilde, vierge, fille de Clovis, fondatrice du monastère de Saint-Pierre-le-Vif à Sens, et du pèlerinage de Notre-Dame des Miracles à Mauriac », a été publié à Aurillac en 1883 avec les approbations et recommandations de trois évêques, ainsi que de la Société archéologique de Sens, qui le récompensa. Il est le fruit de patients et très sérieux travaux de l’abbé Jean-Baptiste Chabau, aumônier du monastère de la Visitation d’Aurillac.
Signalons tout de suite au passage que cet ouvrage peut être lu en ligne (il a été numérisé par « Gallica » et on le trouve > ici), mais il peut également être acheté (nous sommes de ceux pour lesquels rien ne remplace les livres matériels, imprimés sur papier) en le commandant soit chez des bouquinistes soit en le faisant réimprimer grâce aux dispositions prévues par la BNF.

   Bien que publié en 1883, le livre de Monsieur l’abbé Chabau ne consiste pas en une biographie « naïvement hagiographique » sans aucun esprit critique : s’il fut homme de foi, et de grande foi, l’abbé Chabau, pour cet ouvrage, travailla aussi en authentique savant, recherchant toutes les sources anciennes auxquelles il était possible d’accéder (et on n’en a pas trouvé d’autres depuis !), qu’elles fussent écrites, orales, épigraphiques, ou autres.
C’est ce qui lui permit de publier cet ouvrage dont on peut dire qu’il fait autorité, toujours à l’heure actuelle, en éliminant par exemple les confusions – entretenues par les modernes – entre Sainte Théodechilde, vierge, fille de Clovis, et Théodechilde la jeune, sa nièce, reine par son mariage avec le roi des Warnes, fille de Thierry 1er, qui était le demi-frère de Sainte Théodechilde, puisqu’il était né de Clovis avant que ce dernier n’épousât Sainte Clotilde.
Au récit à proprement parler est adjoint une annexe volumineuse citant une impressionnante documentation historique, à laquelle l’abbé a aussi ajouté des textes liturgiques et les prières traditionnelles en l’honneur de Sainte Théodechilde.
Ainsi, toute l’argumentation de l’abbé Chabau apparaît véritablement irréfragable ; ses sources sont sérieuses, sans équivoque, et son raisonnement ne peut être pris en défaut : ce n’est donc pas sans raison que l’ouvrage fut chaleureusement salué et récompensé par la Société archéologique de Sens.

Basilique Notre-Dame des Miracles à Mauriac

Basilique romane de Notre-Dame des Miracles
à Mauriac, dans le diocèse de Saint-Flour
(carte postale du début de la seconde moitié du XXe siècle)

2024-135. De la Primauté de Pierre.

Lettre mensuelle aux membres et amis

de la

Confrérie Royale

- 25 juin 2024 -

La Primauté de Pierre

« Et moi, je te dis que tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle. Et je te donnerai les clefs du royaume des cieux : tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux. »*

Chers Amis,

       Que nous regardions la société, la politique ou même l’Église, nous pourrions avoir la tentation de penser que notre époque est la plus noire qui puisse être. Il nous faut pourtant savoir apprécier les petites perles d’espérance que le Seigneur nous accorde. L’une d’elle brille dans le bourbier politique des futures élections législatives : le projet de loi sur l’euthanasie est désormais repoussé aux calendes grecques. Même s’il reviendra probablement sur la table, nous avons gagné quelques temps de répit. De même, en bon péroniste qu’il est, le Souverain Pontife, tout en faisant le contraire avec James Martin, a dénoncé par deux fois les « tarlouzes » et la culture gay qui s’épanouissent dans les séminaires ou dans la Curie Romaine. Le Pape chéri des médias perd en côte de popularité en dénonçant les dérives qu’il n’est pas politiquement correct de dénoncer. Cherchons ces perles rares et sachons les apprécier, même si leur beauté est éphémère. N’oublions pas cette belle vertu théologale de l’Espérance qui est si souvent délaissée aujourd’hui en faveur d’un fatalisme pessimiste.

   Notre-Seigneur, dans le passage cité plus haut, nous donne un motif d’espérance : les portes de l’Enfer ne prévaudront jamais sur Son Église. Comment concilier ces paroles du Verbe et la situation actuelle de l’Église et de l’Office Pétrinien ? Quelle attitude adopter quand les actes du Souverain Pontife contredisent la Tradition et le Magistère de l’Église ? Entre ultramontanisme et sedevacantisme l’adage In medio stat virtus est, encore une fois, gage d’une sainte réflexion.

clefs de l'Eglise - vignette

L’ultramontanisme ou l’omnipotence papale

   La captation de nombreux pouvoirs temporels et spirituels par la papauté n’est pas une nouveauté contemporaine qui serait apparue au concile Vatican I [1]. La primauté papale divise déjà les Chrétiens depuis avant le Grand Schisme d’Orient [2]. Certains considèrent que le pape n’est qu’un évêque parmi d’autres avec seulement un honneur particulier conféré par le Patriarcat de Rome, siège du Prince des Apôtres, saint Pierre. La position catholique est que le pape, en tant que successeur de saint Pierre, l’est aussi bien sur le siège épiscopal de Rome que comme chef du collège épiscopal. Cela veut dire que le Pontife exerce « un pouvoir ordinaire, suprême, plénier, immédiat et universel que [il] peut exercer librement [3] ». Ce pouvoir est dit ordinaire, car il est exercé habituellement et pas seulement dans des circonstances exceptionnelles ; suprême, car il n’y a pas d’instance au-dessus de l’évêque de Rome à laquelle avoir recours ; plénier, car il touche à tous les aspects de la vie de l’Église ; immédiat, car il le détient directement de Dieu lui-même ; universel car il s’exerce sur l’ensemble de l’Église et de ses membres ainsi que sur toutes les Églises particulières et leurs regroupements ; enfin il est libre dans la mesure où il est indépendant de toute autorité humaine, séculière ou religieuse.

   Certains vont interpréter cette définition en présentant le pape comme un « super-évêque » qui peut, tel un potentat séculier, décider de ce qui lui plaît. « Majesté, vos désirs sont des ordres ». Le pape pourrait donc faire ce qui bon lui semble, changer le catéchisme, l’interprétation de la Révélation selon ses propres interprétations subjectives. Une telle ligne de pensée est absurde : le pape, ainsi que les évêques, sont les gardiens de la Tradition, les Traditionis custodes. Malheureusement pour cette ligne de pensée, la Tradition est sa propre autorité : ce que l’Église fait sienne depuis des siècles unanimement et universellement est la vérité. La promulgation d’un nouveau dogme n’est pas une invention du pape mais un développement théologique déjà contenu dans la Révélation. Comme pour le dogme de l’Assomption, proclamé par Pie XII en 1950, se fonde sur une vérité étant présente dans la Sainte Écriture (même de manière obscure) partout, de tout temps et par tous. Le pape n’invente rien. Au contraire il affermi ses frères dans la foi.

   Quand un pape parle, ce qui sort de sa bouche n’est pas parole divine. Ce ne sont, souvent, que les paroles d’un homme pécheur comme les autres. Pourtant comment devons-nous prendre des paroles et des actes qui semblent être contraires à la Tradition catholique ? Devons-nous les accepter en invoquant l’obéissance comme justification à ce qui se passe ? La réponse est simple : Non.

   En effet l’obéissance n’est pas, contrairement à ce qui est souvent présenté, la vertu par excellence, elle est une fille de la justice à laquelle elle est soumise. Il est juste de se soumettre à la loi divine même si par obéissance on nous dit de faire le contraire. L’obéissance disparaît lorsque ce qui est demandé est contraire à la foi et aux mœurs. En justice il nous faut choisir les commandements de Dieu face aux demandes des hommes.

   Si nous poussons cette ligne de questionnement plus loin, nous arrivons à celle, cruciale, de ce qu’est l’autorité. Est-ce que l’autorité invente la réalité et la vérité ou doit-elle être à leur service ? Dit différemment : une loi positive est-elle vraie ontologiquement et doit-on toujours la suivre ? Ou bien est-elle subordonnée à des biens supérieurs ? Quand une l’autorité est abusée et commande des choses contre la loi divine ou naturelle, doit-on lui obéir ?

   Doit-on alors rejeter toute autorité si la personne qui l’exerce en abuse ?

Pierre-Etienne Monnot - statue de Saint Pierre - basilique du Latran

Le sedevacantisme : une solution ou un problème en plus ?

   Peut-on considérer que la mauvaise utilisation d’une autorité suffit à ce que cette autorité soit automatiquement enlevée à celui qui l’exerce ? Un mauvais pape – voire un pape hérétique – peut-il perdre la papauté si son enseignement contredit la doctrine et la Tradition de l’Église ?

   L’histoire nous montre que non. Durant sa longue histoire l’Église eût de mauvais, et même de très mauvais Pontifes, et pourtant les portes de l’Enfer n’ont pas prévalu contre elle. De même, tous les rois de France ne furent pas des saints et firent parfois des erreurs de gouvernement ou de jugement. Dans ces cas il faut, tel un roseau ou un chêne, attendre que l’orage passe, car il passera. Considérons que Dieu, dans Sa prévoyance éternelle, permet que nous vivions une telle crise politique et religieuse. Pourquoi laisse-t-Il faire ? Que devons-nous faire ?

   La réponse encore une fois est simple : poursuivre comme l’Église l’a toujours fait en suivant les pasteurs qui sont sains. Nous avons plusieurs exemples : les Cardinaux Sarah, Burke, Müller, Branmüller ou encore Monseigneur Schneider. Certes les voix sont peu nombreuses mais lorsque saint Athanase combattit l’arianisme, il était presque seul face aux hérétiques. Il ne faut pas perdre espoir et rejeter l’Église car sinon nous ne faisons que créer des problèmes encore plus nombreux qu’il serait impossible de régler et qui, finalement, seraient des indications que l’Église n’est plus.

   La Tradition est sa propre autorité. Ceux qui la suivent ne font que confirmer leurs frères dans la foi. Ceux qui la contredisent se condamnent eux-mêmes par leurs propres actes et paroles. Il est donc important d’être formé mais également de se lier, au moins moralement pour les fidèles et ecclésiastiquement (autant que cela est possible) pour les clercs, avec une autorité saine.

   Les exemples plus récents de Monseigneur Lebfevre ou encore de Dom Gérard Calvet montrent qu’il est parfois nécessaire de faire un pas en arrière afin de survivre avant que l’autorité, assainie au moins pour un temps, reconnaisse le bienfondé des actes de « désobéissance » matérielle.

   La media via est donc la communion avec l’autorité, même exercée d’une mauvaise manière, tout en « désobéissant » si elle demande des choses contraires à la foi et aux mœurs. Le plus important est de garder et de cultiver la vertu d’espérance. Nous pouvons, et devons, par charité, prier et faire des sacrifices pour tous les pasteurs ; pour leur courage ou leur conversion. Implorons le Très-Haut qu’Il daigne abréger cette crise et redonner à Son Épouse sa splendeur et sa sainteté visible dans ce monde qui en a tant besoin.

clefs de l'Eglise - vignette

   En guise de conclusion, nous pouvons méditer ces mots de Léon XIII :

   « À qui veut régénérer une société quelconque en décadence, on prescrit avec raison de la ramener à ses origines. La perfection de toute société consiste, en effet, à poursuivre et à atteindre la fin en vue de laquelle elle a été fondée, en sorte que tous les mouvements et tous les actes de la vie sociale naissent du même principe d’où est née la société. Aussi, s’écarter de la fin, c’est aller à la mort ; y revenir, c’est reprendre vie [4] ».

   Voilà ce qui assainira l’Église : le retour à la Tradition car si nous somme coupée d’elle :

   « Nous voyons cette approche non seulement dans la théologie morale, mais aussi dans la liturgie. Des traditions sacrées qui ont bien servi l’Église pendant des centaines d’années sont maintenant présentées comme dangereuses. L’accent mis sur l’horizontal repousse le vertical, comme si Dieu était une expérience plutôt qu’une réalité ontologique [5] ».

   Soyons donc fort et pleins d’espérance pour aller de l’avant : Duc in altum !

+ G.     

* Mat. 16, 17-18.

[1] 1869 – suspendu sine die en 1870
[2] 1054

[3] CDC 1983, LII, I, 1, art. 1.
[4] Léon XIII, Encyclique Rerum novarum
[5] Conférence de SER card. Sarah donnée le 14 juin 2024 au NAPA Institute.

Vitrail Saint-Esprit Basilique Vaticane

2024-130. Leçons de matines hagiographiques de la fête de Sainte Julienne Falconieri.

19 juin,
Fête de Sainte Julienne Falconieri, vierge ;
Mémoire des Saints Gervais et Protais, martyrs ;
Dans l’Ordre de Saint Augustin, mémoire de l’octave de Saint Jean de Saint-Facond ;
Anniversaire de la mort de Michel de Saint-Pierre (+ 19 juin 1987 – cf. > ici).

        Née à Florence en 1270, Sainte Julienne Falconieri est la nièce de Saint Alexis Falconieri, l’un des sept Saints Fondateurs des Servites de Marie (voir > ici), auxquels la Très Sainte Mère de Dieu elle-même, le 15 août 1233, demanda de revivifier la dévotion envers ses Douleurs et sa compassion.
Julienne, prévenue de grâces de choix dès sa plus tendre enfance, se consacra à Dieu d’abord sous une forme semi-religieuse (vœux privée, vie dans la maison familiale) avant de se retrouver conduite par la Providence à fonder la branche féminine de l’Ordre des Servites de Marie. Elle avait une immense dévotion pour la Très Sainte Eucharistie, et elle est célèbre pour le miracle que Notre-Seigneur accomplit en sa faveur au moment de sa mort, le 19 juin 1341, miracle pleinement authentifié par la Sainte Eglise, ainsi qu’en fait foi le récit présenté par le bréviaire au deuxième nocturne des matines de sa fête (bréviaire traditionnel).

Sainte Julienne Falconieri - basilique Saint-Pierre

Statue de Sainte Julienne Falconieri dans la basilique vaticane

Vignette croix et calice - blogue

Leçons du deuxième nocturne des matines
pour la fête de
Sainte Julienne Falconieri

Quatrième leçon. 

   Julienne, de la noble famille des Falconiéri, eut pour père l’illustre fondateur de l’église dédiée à la Mère de Dieu saluée par l’Ange (note  il s’agit de l’église, très célèbre, de l’Annonciation, en italien « la Santissima Annunziata »), monument splendide dont il fit tous les frais et qui se voit encore à Florence.
Il était déjà avancé en âge, ainsi que Reguardata, son épouse, jusque-là stérile, lorsqu’en l’année mil deux cent soixante-dix, leur naquit cette enfant.
Au berceau, elle donna un signe non ordinaire de sa sainteté future, car on l’entendit prononcer spontanément de ses lèvres vagissantes les très doux noms de Jésus et de Marie. Dès l’enfance, elle s’adonna tout entière aux vertus chrétiennes et y excella de telle sorte que Saint Alexis, son oncle paternel (note : voir le lien donné dans notre introduction), dont elle suivait les instructions et les exemples, n’hésitait pas à dire à sa mère qu’elle avait enfanté un ange et non pas une femme. Son visage, en effet, était si modeste, son cœur resta si pur de la plus légère tache, que jamais, dans tout le cours de sa vie, elle ne leva les yeux pour considérer le visage d’un homme, que le seul mot de péché la faisait trembler et qu’il advint un jour qu’au récit d’un crime, elle tomba soudain presque inanimée.
Elle n’avait pas encore achevé sa quinzième année, que, renonçant aux biens considérables qui lui venaient de sa famille et dédaignant les alliances d’ici-bas, elle voua solennellement à Dieu sa virginité entre les mains de Saint Philippe Béniti, et, la première, reçut de lui, l’habit dit des Mantellates (note : les « Mantellates » ou « Mantelées » étaient de pieuses femmes qui vivaient une une vie de piété et de service en lien avec un ordre religieux, mais en restant chez elles, la plupart du temps elles prononçaient des vœux privés ; elles portaient un vêtement austère et, pour sortir, revêtaient une cape à capuchon qui les identifiaient clairement et leur valait ce surnom).

Vignette croix et calice - blogue

Cinquième leçon. 

   L’exemple de Julienne fut suivi par beaucoup de nobles femmes, et l’on vit sa mère elle-même se ranger sous la direction de sa fille. Aussi, leur nombre augmentant peu à peu, elle établit ces Mantellates en Ordre religieux, leur donnant pour vivre pieusement, des règles qui révèlent sa sainteté et sa haute prudence.
Saint Philippe Béniti connaissait si bien ses vertus que, sur le point de mourir, il ne crut pouvoir recommander à personne mieux qu’à Julienne non seulement les religieuses, mais l’Ordre entier des Servîtes, dont il avait été le propagateur et le chef.
Cependant elle n’avait sans cesse que de bas sentiments d’elle-même ; maîtresse des autres, elle servait ses sœurs dans toutes les occupations domestiques même les plus viles. Passant des jours entiers à prier, elle était très souvent ravie en extase. Elle employait le temps qui lui restait, à apaiser les discordes des citoyens, à retirer les pécheurs de leurs voies mauvaises et à soigner les malades, auxquels, plus d’une fois, elle rendit la santé en exprimant avec ses lèvres le pus qui découlait de leurs ulcères.
Meurtrir son corps par les fouets, les cordes à nœuds, les ceintures de fer, prolonger ses veilles ou coucher sur la terre nue lui était habituel. Chaque semaine, pendant deux jours, elle n’avait pour seule nourriture que le Pain des Anges ; le samedi, elle ne prenait que du pain et de l’eau, et, les quatre autres jours, elle se contentait d’une petite quantité d’aliments grossiers.

Vignette croix et calice - blogue

Sixième leçon. 

   Cette vie si dure lui occasionna une maladie d’estomac qui s’aggrava et la réduisit à l’extrémité alors qu’elle était dans sa soixante-dixième année. Elle supporta d’un visage joyeux et d’une âme ferme les souffrances de cette longue maladie ; la seule chose dont elle se plaignit, c’était que, ne pouvant retenir aucune nourriture, le respect dû au divin Sacrement la tint éloignée de la table eucharistique.
Dans son angoisse, elle pria le prêtre de consentir au moins à lui apporter ce Pain divin que sa bouche ne pouvait recevoir, et à l’approcher de sa poitrine. Le prêtre, ayant acquiescé à son désir, à l’instant même – ô prodige ! -, le Pain sacré disparut et Julienne expira, le visage plein de sérénité et le sourire aux lèvres.
On connut le miracle lorsque le corps de la vierge dut être préparé selon l’usage pour la sépulture : on trouva, en effet, au côté gauche de la poitrine, imprimée sur la chair comme un sceau, la forme d’une hostie représentant l’image de Jésus crucifié. Le bruit de cette merveille et de ses autres miracles lui attira la vénération non seulement des habitants de Florence, mais de tout l’univers chrétien ; et cette vénération s’accrut tellement pendant près de quatre siècles entiers, qu’enfin le Pape Benoît XIII ordonna qu’au jour de sa fête il y eût un office propre dans tout l’Ordre des servites de la Bienheureuse Vierge Marie.
Sa gloire éclatant de jour en jour par de nouveaux miracles, Clément XII, protecteur généreux du même Ordre, inscrivit Julienne au catalogue des saintes vierges.

Mort de Sainte Julienne Falconieri

2024-128. De l’abbé Jean-Baptiste Abeillon, prêtre du diocèse de Viviers, curé-prieur d’Arlempdes, et de ses compagnons, guillotinés au Puy le 17 juin 1794.

17 juin,
Au Mesnil-Marie, fête (transférée) de Sainte Lutgarde de Tongres, vierge ;
Mémoire de Saint Grégoire Barbarigo, évêque et confesseur ;
Anniversaire du martyre de l’abbé Jean-Baptiste Abeillon et de ses compagnons.

Le Puy - Hôtel de ville - place du Martouret

Ancienne carte postale de l’hôtel de ville du Puy-en-Velay (deuxième moitié du XVIIIème siècle),
sis sur la place du Martouret où fut dressée la guillotine pendant la révolution

       Le mardi 17 juin 1794, qui était le 29 prairial de l’an II selon le calendrier républicain aussi ridicule qu’il était impie, une quinzaine de personnes furent guillotinées au Puy, sur la place du Martouret, où, quelques jours auparavant – le 8 juin -, avait été livrée aux flammes la vénérable statue de Notre-Dame du Puy offerte par le Roi Saint Louis au sanctuaire angélique.
Parmi ces victimes du fanatisme révolutionnaire le 17 juin 1794, il s’en trouve sept dont les noms se retrouvent dans la liste des vingt-quatre personnes officiellement retenues par le diocèse du Puy pour l’instruction d’un procès canonique en vue de la béatification (cf. > ici).
Il s’agit de deux prêtres, Messieurs les Abbés Jean-Baptiste Abeillon et François Mourier, d’une religieuse, et de quatre fidèles (un homme et trois femmes), dont nous allons faire une rapide présentation ci-dessous.

vignette croix et palmes des martyrs

L’Abbé Jean Baptiste Abeillon :

   Il était né le 16 octobre 1720, au hameau de Montmoulard à Coucouron, grosse bourgade du plateau vivarois, et avait été baptisé le lendemain, aîné d’une famille de six enfants dont les trois garçons devinrent prêtres.
Il était entré au grand séminaire de Viviers à l’âge de 19 ans (1739), et avait été ordonné prêtre le 19 décembre 1744, samedi des Quatre-Temps d’hiver, par Sa Grandeur Monseigneur Louis François Renaud de Villeneuve, évêque de Viviers.
Après divers postes, il fut nommé curé-prieur d’Arlempdes, dans la haute vallée de la Loire, paroisse qui a été annexée par le diocèse du Puy en conséquence des redécoupages territoriaux imposés par la révolution.
En 1782 (âgé de 62 ans donc), il résigna sa charge en faveur de son jeune frère Pierre, mais ne se retira pas du ministère puisque il demeura à Arlempdes en qualité de vicaire.
Les deux frères, probablement en raison des « recommandations » du très fantasque évêque de Viviers, Monseigneur Charles de Lafont de Savines (un des quatre évêques français d’Ancien Régime qui prêtèrent le serment constitutionnel et dont on disait qu’il était plus assidu à la lecture de Rousseau qu’à celle du Saint Evangile) qui avait écrit à ses prêtres pour qu’ils le fissent, ils prêtèrent le serment schismatique, mais, très rapidement, ils comprirent leur erreur et, le quatrième dimanche qui suivit, ils se rétractèrent solennellement devant tous leurs paroissiens auxquels ils demandèrent pardon.
Cette rétractation faisait immédiatement d’eux des hors-la-loi : ils durent quitter la cure, mais, malgré la présence d’un « intrus », ils demeurèrent dans leur paroisse et y continuèrent leur ministère dans la clandestinité.
Le 11 Juin 1794, l’abbé Jean-Baptiste Abeillon fut arrêté, dans son hameau natal de Montmoulard, et emmené au Puy.
Le 16 Juin, il comparut devant le tribunal criminel qui siégeait dans l’ancienne chapelle du monastère de la Visitation (cf. > ici), et fut bien évidemment condamné à la peine capitale.
Il fut guillotiné le dernier, après les six condamnés dont la présentation suit. Il était dans sa 74ème année.

Arlempdes village et château - blogue

Arlempdes, paroisse du diocèse de Viviers avant la révolution :
le château et, à son pied, l’église Saint-Pierre (XIe-XVIe siècles)

L’Abbé François Mourier :

Dernier enfant d’une famille de sept, François Mourier est né et a été baptisé le 1er avril 1764 dans la paroisse de Saint-Julien-Molhesabate, aux confins du Vivarais.
Au terme de ses études cléricales au grand séminaire du Puy, il fut ordonné prêtre à la fin de l’année 1790 au cours de l’avant-dernière cérémonie ordination célébrée par Monseigneur Marie-Joseph de Galard de Terraube avant qu’il ne dût partir pour l’exil.
Il fut alors nommé vicaire dans la paroisse de Beaune (aujourd’hui beaune-sur-Arzon), à quelque deux lieues et demi au sud-est de la Chaise-Dieu.
Comme l’ensemble des prêtres diocésains, il fut « invité » à prêter le serment constitutionnel, le 6 février 1791 : il le fit « en exceptant formellement de ladite Constitution tous les objets qui sont de l’autorité spirituelle de l’Eglise, et tout ce qui pourrait porter atteinte à la foi et à la religion », ce qui, de fait rendait le serment invalide, toutefois, dans les paroisses où les municipalités n’étaient pas constituées d’enragés, le clergé qui avait précisé ces restrictions pouvait encore rester en poste et exercer un ministère.
En septembre 1792, l’Abbé François Mourier fit la demande d’un passeport pour l’étranger. Etait-ce une ruse pour être réputé parti ? Car de fait il demeura dans la paroisse, y exerçant
 clandestinement son ministère.
Il fut arrêté le 21 avril 1793, mais réussit à échapper à ses gardes avant d’arriver au Puy, et revint aussitôt dans sa paroisse pour y continuer son ministère, sans que la crainte de l’échafaud ne le détournât en rien de porter les secours de la religion à ceux qui en avaient besoin.
Le 12 juin 1794, se sentant à bout de forces, il demanda l’hospitalité à un cultivateur du hameau de Bruac : Barthélemy Best.
Deux jours après la maison était cernée par un piquet de cinquante patriotes.
Avec lui, treize personnes furent arrêtées et conduites au Puy, pour être jugées. Six furent condamnées à la peine capitale et furent guillotinées le 17 juin 1794, sur la place du Martouret.
Lors de son exécution il avait 30 ans et deux mois et demi.

Ancienne chapelle de la Visitation du Puy - extérieur

Ce qui subsiste de l’ancienne chapelle de la Visitation d’avant la révolution au Puy-en-Velay :
la chapelle mutilée transformée en tribunal révolutionnaire (état avant restauration)

La famille Best :

   Barthélemy Best, né le 13 août 1754 au hameau de Bruac, paroisse de Beaune, à environ deux lieues et demi au sud-est de La Chaise-Dieu était cultivateur ; il avait épousé le 26 juin 1776 Marie-Anne Roche, qui, elle, était née le 26 Juin 1755 et avait été baptisée le même jour. Ils étaient les parents de sept enfants.
Avec eux vivait aussi la sœur de Barthélémy, Marie Best, née et baptisée le 14 mars 1766, célibataire, qui vivait de son travail sur la ferme et de la confection de dentelle, selon les usages habituels à toute cette province.
Comme dit plus haut, ils donnèrent asile, le 12 juin 1794, à l’Abbé François Mourier qui était épuisé et dans un état de grande faiblesse. Nous avons déjà écrit comment se passa l’arrestation. Le motif de leur condamnation à mort est d’avoir hébergé et caché l’Abbé Mourier.
Au moment de leur exécution, ils étaient âgés respectivement de 40, 39 et 28 ans.

Sœur Saint-Julien :

   Cette religieuse de la congrégation des Sœurs de Saint-Joseph du Puy, était née Marie-Anne Garnier le 2 février 1756 et avait été baptisée le même jour à Lissac, village sis un peu à l’ouest de Saint-Paulien. Elle se trouvait dans la petite communauté de Beaune au moment de la révolution : les Sœurs de Saint Joseph étaient disséminées dans les villages par petits groupes de trois à six membres et s’y consacraient au soulagement des misères matérielles et morales : instruction, soin des malades, éducation, visite des nécessiteux… etc. Elle était âgée de 38 ans lorsqu’elle fut martyrisée.

Jeanne Marie Aubert :

   Née elle aussi en 1756 au hameau de Largentière, proche de celui de Bruac, sur la paroisse de Beaune, elle était célibataire. Comme la Sœur Saint-Julien, le motif de son arrestation et de sa condamnation fut d’avoir assisté l’Abbé François Mourier alors qu’il était malade et alité dans la maison Best. Elle était donc elle aussi âgée de 38 ans.

guillotine

2024-125. Le Sacré-Cœur de Jésus est un nouveau labarum.

Octave du Sacré-Cœur.

Apparition de la Croix à Constantin - blogue

In hoc signo vinces !

       « A l’époque où l’Eglise, toute proche encore de ses origines, était accablée sous le joug des Césars, un jeune empereur aperçut dans le ciel une croix qui annonçait et qui préparait une magnifique et prochaine victoire.
Aujourd’hui, voici qu’un autre emblème béni et divin s’offre à nos yeux. C’est le Cœur très sacré de Jésus, sur lequel se dresse la Croix et qui brille d’un magnifique éclat au milieu des flammes. En lui nous devons placer toutes nos espérances ; nous devons lui demander et attendre de lui le salut des hommes.»

Léon XIII,
in encyclique « Annum Sacrum » du 25 mai 1899

Sacré-Cœur en marbre blanc - blogue

In hoc signo vinces !

Invocations litaniques au Cœur eucharistique de Notre-Seigneur Jésus-Christ :

Jeudi dans l’octave du Sacré-Cœur :
Fête du Cœur eucharistique de Notre-Seigneur (cf. > ici, > ici> ici et > ici).

Le Sacré-Cœur et l'Eucharistie attribué à Paolo de Matteis

Le Sacré-Cœur et l’Eucharistie
[attribué à Paolo de Matteis (1662-1728)]

Cœur de Jésus dans l’Eucharistie, je Vous aime et je Vous adore.
Doux compagnon de mon exil, je Vous aime et je Vous adore.
Cœur solitaire, je Vous aime et je Vous adore.
Cœur humilié, je Vous aime et je Vous adore.
Cœur délaissé, je Vous aime et je Vous adore.
Cœur oublié, je Vous aime et je Vous adore.
Cœur méprisé, je Vous aime et je Vous adore.
Cœur outragé, je Vous aime et je Vous adore.
Cœur méconnu des hommes, je Vous aime et je Vous adore.
Cœur défaillant sous le poids de nos ingratitudes, je Vous aime et je Vous adore.
Cœur, refuge assuré des pauvres pécheurs, je Vous aime et je Vous adore.
Cœur aimant nos cœurs, je Vous aime et je Vous adore.
Cœur suppliant qu’on L’aime, je Vous aime et je Vous adore.
Cœur demandant qu’on Le prie, je Vous aime et je Vous adore.
Cœur patient à nous attendre, je Vous aime et je Vous adore.
Cœur pressé de nous exaucer, je Vous aime et je Vous adore.
Cœur silencieux désirant parler aux âmes, je Vous aime et je Vous adore.
Cœur, foyer de grâces nouvelles, je Vous aime et je Vous adore.
Cœur, doux refuge de la vie cachée, je Vous aime et je Vous adore.
Cœur de Celui qui est la Voie, la Vérité et la Vie, je Vous aime et je Vous adore.
Cœur de l’Agneau sans tache immolé pour nos crimes, je Vous aime et je Vous adore.
Cœur de l’Ami fidèle entre tous, je Vous aime et je Vous adore.
Cœur, maître des secrets de l’union divine, je Vous aime et je Vous adore.
Cœur, source pure de cette eau qui rejaillit jusqu’à la vie éternelle, je Vous aime et je Vous adore.
Cœur de Celui qui dort et qui veille toujours, je Vous aime et je Vous adore.
Cœur avec nous jusqu’à la fin des temps, je Vous aime et je Vous adore.
Cœur eucharistique de Jésus, je Vous aime et je Vous adore.

Je veux Vous consoler, ô le plus aimable des cœurs !
Je m’unis à Vous, ô le plus aimable des cœurs !
Je m’immole avec vous, ô le plus aimable des cœurs !
Je m’anéantis devant Vous, ô le plus aimable des cœurs !
Je veux m’oublier pour penser à Vous, ô le plus aimable des cœurs !
Etre méprisé pour l’amour de Vous, ô le plus aimable des cœurs !
Je me tairai pour Vous entendre, ô le plus aimable des cœurs !
Je me quitterai pour me perdre en Vous, ô le plus aimable des cœurs !
J’établirai mon repos en Vous seul pour le temps et l’éternité, ô le plus aimable des cœurs !

   O Cœur eucharistique de Jésus, prisonnier d’amour au saint tabernacle, je ne veux plus lasser Votre attente, je me donne à Vous sans retour.
Je veux soulager Votre soif ardente de mon salut et de ma sainteté, river à jamais ma chaîne à Votre chaîne, mon cœur à Votre Cœur, et m’immoler pour Vous gagner des âmes.
Je Vous donne mon esprit pour que Vous l’éclairiez, ma volonté pour que Vous la dirigiez, ma misère pour que Vous la guérissiez, mon cœur pour que Vous l’embrasiez, mon âme et mon corps pour que Vous les nourrissiez.
Recevez, ô Jésus-Hostie, tous mes sentiments, mes désirs, mes affections et mes œuvres pour les unir aux actes d’adoration et d’amour de Votre Cœur adorable.

Ainsi soit-il !

Cœur eucharistique de Jésus, dont le Sang est ma vie, venez et vivez seul en moi.

Ainsi soit-il !

Calice & Sacré-Coeur

2024-123. In memoriam : Monseigneur François Ducaud-Bourget.

12 juin,
Fête de Saint Jean de Saint-Facond (cf. > ici) ;
Mémoire de Saint Léon III, pape et confesseur ;
Mémoire des Saints Basilide, Cyrin, Nabor et Nazaire, martyrs ;
Anniversaire du rappel à Dieu de Monseigneur François Ducaud-Bourget (12 juin 1984).

Mgr François Ducaud-Bourget - blogue

Monseigneur François Ducaud-Bourget (1897-1984)

   Fils de Jean-Maurice Ducaud et de Marie-Louise Bourget, Germain Joseph Pierre Marie Maurice Ducaud, dit François Ducaud-Bourget, est né à Bordeaux le 24 novembre 1897. Après sa formation générale, chez les Frères des Ecoles Chrétiennes, il fut en école supérieure de commerce.
Brancardier volontaire en 1914, il est appelé sous les drapeaux en 1917 (
7ème régiment d’infanterie coloniale à Bordeaux) et passera un bref temps dans les Balkans en 1918.
Rendu à la vie civile, il entre en 1919 au séminaire de Saint-Sulpice, à Paris.

   Ordonné prêtre le 28 juin 1924, il enchaîne les postes de vicaire dans plusieurs paroisses de l’archidiocèse de Paris. En 1942, il prend une part active à la Résistance, ce qui lui vaudra la médaille de la Résistance et la Croix de Guerre. En 1944, il est vicaire à Saint-Germain l’Auxerrois, puis, en 1945, devient Chapelain de l’Ordre de Malte, ce qui lui vaut le titre de Monseigneur.
Il passe trois années à Haïti – secrétaire particulier et vicaire général de l’archevêque de Port-au-Prince qui avait voulu l’avoir auprès de lui -, revient en Europe pour raison de santé, puis est finalement nommé aumônier de l’Hôpital Laënnec en 1961, poste qu’il conserve jusqu’en 1971.

Chapelle de l'Hôpital Laënnec à Paris

(nota bene : ces dernières années, la chapelle a été désaffectée et vandalisée)

   Monseigneur Ducaud-Bourget voit arriver les réformes consécutives au second concile du Vatican : simplifications apportées à la Messe traditionnelle, introduction de la langue vernaculaire, puis, en 1969 un nouvel Ordo missae

« Après le Concile, on a commencé à nous expliquer qu’il ne fallait plus dire le Judica me du début de la messe. Evidemment, cela ne faisait pas partie intégrante de la messe, c’étaient des prières que le prêtre faisait en allant en procession de la sacristie jusqu’à l’autel. Par conséquent (…) ce n’était pas un drame ; si on tenait au Judica me, on pouvait le dire avant, et, à l’autel, on commençait directement par le Adjutorium nostrum, et la messe continuait.
Mais voilà qu’ensuite on nous a dit qu’il fallait supprimer le dernier Evangile. Bon. Le dernier Evangile, c’est encore une partie qui a été rajoutée à la messe, pour répondre au désir de la foule. Donc, ça ne fait pas partie intégrante du sacrifice ; c’était une dévotion vénérable, respectable ; mais enfin, puisqu’on nous disait de la supprimer, on pouvait la supprimer.
Et puis, progressivement, on a commencé à toucher à l’offertoire. Or, l’offertoire, lui, est partie intégrante du sacrifice. Alors, quand j’ai vu cela, j’ai dit : dans ces conditions, je reprends tout comme autrefois ».
(Cité par André Figuéras, in « Saint-Nicolas du Chardonnet – le combat de Mgr Ducaud-Bourget », éd. de Chiré 1977 pp. 43-44)

   Et à propos du formulaire que le cardinal-archevêque de Paris lui demanda de signer, où se trouvait l’affirmation que la messe de Paul VI n’est ni hérétique ni équivoque :

   « (…) Hérétique, je n’en sais rien. Si elle l’était, ce serait moins dangereux, ça se verrait. Mais, pour ce qui est d’être équivoque, la messe de Paul VI l’est incontestablement (…).
Ils ne veulent pas admettre que leur messe est équivoque. Moi je dis ceci : lorsque la même messe peut être dite par des pasteurs protestants et par des prêtres catholiques [note : Mgr Ducaud-Bourget fait ici référence à une affirmation de Paul VI lui-même qui déclara avoir voulu une messe que les protestants puissent célébrer sans que cela leur posât de problème], est-ce qu’elle est protestante, est-ce qu’elle est catholique ?
Réponse : elle est équivoque. Qu’est-ce que c’est, selon le dictionnaire, que d’être équivoque ? C’est d’avoir deux sens. Alors, si la messe de Paul VI n’est pas équivoque, c’est que nous ne parlons plus français.
Je le répète : cette messe qui peut-être dite par la Confession d’Augsbourg, par les pasteurs anglicans, et par les curés catholiques, c’est bien évidemment une messe équivoque. En effet, elle peut être entendue de façon différente par ceux qui la disent identiquement, puisque les protestants ne croient pas au sacrifice de Jésus-Christ perpétué, alors que nous y croyons. Alors, la question est la suivante : est-ce que cette messe-là est un sacrifice, ou est-ce qu’elle ne l’est pas ? »
(Ibid. pp. 44-45).

Salle Wagram - haut lieu du combat pour la Messe traditionnelle

La Salle Wagram (état actuel) qui devint un lieu de célébration de la Messe traditionnelle
après l’expulsion de Mgr Ducaud-Bourget de Laënnec

   Monseigneur Ducaud-Bourget continuant donc à célébrer la messe de son ordination – la Messe latine traditionnelle, la Messe catholique sans équivoque -, la chapelle de l’Hôpital Laënnec devint le lieu où de plus en plus de fidèles, fuyant leurs paroisses, affluèrent par centaines : faisant appel au concours de plusieurs autres prêtres, eux aussi réfractaires à l’équivoque, il y eut bientôt quatre messes dominicales à Laënnec pour quelque 1500 fidèles.

   L’archevêché multiplia les pressions, mais d’autres instances manœuvrèrent elles aussi. Ce fut un véritable feuilleton à suspens où l’on vit intervenir un syndicat – la CFDT pour ne pas la nommer -, qui se plaignit à la direction de l’Assistance Publique du manque de « neutralité » de l’aumônier. L’Assistance Publique demanda à l’archevêché de faire cesser une activité qui « troublait la bonne marche des services hospitaliers » (sic), et, en 1971, Monseigneur Ducaud-Bourget, âgé de 74 ans, fut démis de ses fonctions, et la chapelle de l’Hôpital Laënnec fut interdite d’accès aux fidèles traditionnels.

   C’est alors que commencèrent les années d’errance à la recherche d’une hospitalité liturgique (mais les communautés pressenties se virent interdire par l’archevêché d’accueillir les exclus de Laënnec), de locaux à aménager ou de salles à louer, tandis que le nombre des fidèles ne cessait d’augmenter…
Enfin fût trouvé un arrangement avec le directeur de la Salle Wagram et une véritable communauté stable de type paroissial put continuer à vivre et à se développer autour de ce lieu pour le moins original où la Messe catholique dominicale prenait la suite des combats de boxe et autres bals musette du samedi soir !
Jusqu’à ce dimanche 27 février 1977, dont nous avons déjà parlé dans les pages de ce blogue (cf. > ici), où la sainte audace de Monseigneur Ducaud-Bourget et de ses amis prêtres et laïcs fervents rendit une véritable église, une église historique au centre de Paris, au culte catholique pour lequel elle avait été édifiée : Saint-Nicolas du Chardonnet !

église Saint-Nicolas du Chardonnet façade principale

Eglise Saint-Nicolas du Chardonnet

   Pendant sept ans, Monseigneur Ducaud-Bourget fera vivre, par la force de sa foi, cette église devenue célèbre dans le monde entier : au cœur de la capitale, la célébration de la liturgie traditionnelle dans un cadre qui lui est approprié, et malgré, dans les premières années, des alertes régulières faisant craindre une expulsion, est devenue une sorte de source vive où des milliers d’âmes sont venues puiser les grâces incommensurables et à nulle autres pareilles qui sont liées à la Messe authentiquement catholique.
Des centaines de vocations religieuses et sacerdotales ont été suscitées et se sont épanouies en conséquence de l’aplomb, de la fermeté, du courage, de la hardiesse et même – disons-le – du culot de ce prêtre exemplaire, qui ne manquait pas d’humour, et dont à juste titre Son Excellence Monseigneur Lefebvre a déclaré : 

« L’Eglise catholique en France peut l’inscrire à la suite de ses prêtres les plus célèbres, les plus fidèles et les plus zélés… »
(Message d’hommage publié le 14 juin 1984 après l’annonce de la mort de Monseigneur Ducaud-Bourget).

   En septembre 1983, à l’approche de son quatre-vingt sixième anniversaire, Monseigneur Ducaud-Bourget organisa sa « succession » et remit à l’abbé Philippe Laguérie, alors membre de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, le soin de continuer l’œuvre qu’il avait initiée à Saint-Nicolas du Chardonnet (on trouvera l’enregistrement des sermons qu’il prononça pour son quatre-vingt-sixième anniversaire et à l’occasion de sa dernière Messe à Saint-Nicolas du Chardonnet > ici).

   Victime d’un infarctus du myocarde, ce saint prêtre fut rappelé à Dieu dans la nuit du lundi 11 au mardi 12 juin 1984, dans une clinique de Saint-Cloud : il était dans sa quatre-vingt-septième année et la soixantième année de son sacerdoce.
Il a été inhumé dans le déambulatoire de Saint-Nicolas du Chardonnet.

   Pour la petite histoire, en terminant l’évocation de cette vie admirable, pour laquelle nous rendons à Dieu de vives actions de grâces, je puis bien vous confier que nous possédons en notre Mesnil-Marie un authentique souvenir de Monseigneur Ducaud-Bourget, une quasi relique : sa canne-siège, dont voici ci-dessous une photographie.

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canne-siège de Monseigneur Ducaud-Bourget

Canne-siège de Monseigneur Ducaud-Bourget
que nous conservons précieusement au Mesnil-Marie

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