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2013- 35. «Alléluia n’appartient ni aux hérétiques, ni aux schismatiques, ni à aucun des adversaires de l’unité de l’Eglise…»

Sermon de notre Bienheureux Père Saint Augustin
sur
l’Alléluia

   Nous voici arrivé au beau temps de Pâques, et nous reprenons avec ferveur le chant de l’Alléluia, auquel nous avions dit adieu aux premières vêpres du dimanche de la Septuagésime (cf > ici).
Je vous propose justement de méditer sur le sens de ce petit mot, avec un sermon que notre glorieux Père Saint Augustin lui a entièrement consacré.

Lully.    

2013- 35. «Alléluia n'appartient ni aux hérétiques, ni aux schismatiques, ni à aucun des adversaires de l'unité de l'Eglise...» dans Chronique de Lully alleluia-pascal-1

§ 1. Significations du mot hébreu « Alléluia » :

   Le mot hébreu qui retentit sans cesse dans l’Eglise, c’est-à-dire l’Alléluia, nous invite mes bien-aimés, à louer Dieu et à confesser la vraie foi.
Dans notre langue, ce mot hébreu, Alléluia, signifie : « Chantez les louanges de Celui qui est » ; ou bien : « O Dieu, bénissez-nous tous ensemble comme ne faisant qu’un », ou plutôt : « Louez le Seigneur ».
Autant de choses nécessaires à notre salut et à notre foi.

alleluia-pascal-2 Alléluia dans De liturgia

§ 2. Les motifs de notre louange à Dieu :

   Nous devons chanter les louanges de celui qui est, ou parce que nous avons nous-mêmes chanté, ou parce que nos ancêtres ont longtemps chanté les louanges de ceux qui ne sont pas, c’est-à-dire des dieux des nations et des idoles.
Mais puisque nous sommes venus à la foi et à la connaissance du vrai Dieu, nous avons commencé à louer Celui qui est, ou, en d’autres termes, le Dieu tout-puissant, qui a créé le ciel et la terre, qui nous a tirés nous-mêmes du néant ; et qui a parlé à Moïse en ces termes : «Tu diras aux enfants d’Israël : Celui qui est m’a envoyé vers vous» (Exod. III, 14). C’est le Dieu qui a toujours été, qui n’a jamais eu de commencement, qui demeure éternellement et n’aura jamais de fin.
A Lui appartient, de droit et en toute justice, l’expression de nos hommages ; car ce que nous sommes, notre vie même, est l’effet, non pas de notre volonté ou de notre puissance, mais de Sa bonté toute miséricordieuse.
Ce Dieu infini et bienfaisant, qui a été et qui est toujours, doit donc recevoir de nous des louanges dignes de Lui et proportionnées à Sa grandeur : oui, nous devons Le proclamer éternel, tout-puissant, immense, auteur du monde, sauveur de l’univers ; oui, nous devons le dire hautement : Il a tant aimé les hommes, qu’Il est allé jusqu’à livrer Son Fils pour leur salut ; car nous lisons ces paroles dans l’Evangile : «Dieu a tant aimé le monde, qu’Il a donné Son Fils unique, afin que ceux qui croient en Lui ne périssent pas, mais qu’ils aient la vie éternelle » (Jean, III, 16).

alleluia-pascal-2 louange à Dieu dans Lectures & relectures

§ 3. L’Alléluia appartient en propre à ceux qui sont dans l’unité de la Foi, et non aux hérétiques et schismatiques :

   Alléluia signifie donc : « Chantez à Celui qui est » ; il signifie encore : « Louez le Seigneur », ou bien : « O Dieu, bénissez-nous tous ensemble, comme ne faisant qu’un ».
Pour peu que nous y soyons attentifs, il nous est facile de remarquer combien ce sens est d’accord avec notre foi et notre salut. Nous prions, quand nous disons : « Alléluia, que le Seigneur nous bénisse tous ensemble comme ne faisant qu’un ».
Si, tous ensemble, nous ne faisons qu’un par la foi, la paix, la concorde, l’unanimité de sentiments, nous pouvons louer le Seigneur d’une manière digne de Lui ; nous méritons qu’Il nous bénisse tous ensemble. Car voici ce qui est écrit : « Qu’il est bon, qu’il est doux, pour des frères, d’habiter ensemble» (Ps. CXXXIII, 1). Et encore : « C’est Lui qui fait habiter plusieurs dans une seule maison » (Ps. LXVII, 7).
Le Seigneur nous comble donc de Ses bénédictions, si, tous ensemble, nous ne faisons qu’un, c’est-à-dire si nous demeurons dans l’unité de foi, dans la concorde et la paix, dans les affectueux sentiments de la charité, selon le conseil et les avertissements de l’Apôtre : «Je vous en conjure», dit-il, «ayez tous une même manière de voir : ne souffrez point de divisions parmi vous, mais soyez tous parfaitement unis ensemble dans le même esprit et les mêmes sentiments» (1 Cor. I, 10).
Si l’on rencontre parmi nous de la discorde, des déchirements, des dissensions, nous ne sommes pas dignes des bénédictions d’en haut ; et nous ne pouvons louer Dieu d’une manière digne de Lui, tant que nous persévérons en d’aussi mauvais sentiments. Alors pouvons-nous répondre avec confiance, dans la langue de nos pères : « Alléluia », c’est-à-dire, « ô Dieu, bénissez-nous tous ensemble comme ne faisant qu’un » ? Pouvons-nous mériter d’être bénis de Dieu tous ensemble et chanter dignement Ses louanges ?
Evidemment non !
Le droit de répondre : Alléluia, n’appartient donc ni aux hérétiques, ni aux schismatiques, ni à aucun des adversaires de l’unité de l’Eglise, parce qu’ils ne se trouvent pas tous ensemble, comme  ne faisant qu’un dans le sein de l’Eglise. Notre-Seigneur lui-même le déclare dans l’Evangile ; voici Ses paroles : «Celui qui n’est pas avec Moi est contre Moi ; et celui qui n’amasse pas avec Moi dissipe» (Luc, XI, 23).
Le propre du Christ est de former un seul tout ; celui du diable est de diviser et de disperser. Celui qui aime l’unité de l’Eglise suit le Christ, et celui qui se complaît dans la division marche sur les traces du diable, parce que le diable est l’auteur de la division ; c’est pourquoi Salomon a dit : «Il y a temps pour diviser et temps pour unir» (Eccle. III, 5).
Depuis longtemps le diable nous a divisés ; mais, plus tard, viendra le temps où le Christ nous réunira de nouveau. Aussi devons-nous éviter et fuir la discorde, puisque nous savons que le diable en est l’auteur, comme nous devons nous attacher à la paix et à l’unité de l’Eglise ; c’est ainsi que nous pourrons répondre dignement et avec justice, Alléluia, c’est-à-dire : « Louez le Seigneur » ; ou bien : « O Dieu, bénissez-nous tous comme ne faisant qu’un ».

alleluia-pascal-2 Saint Augustin

§ 4. C’est dans l’unité de la Sainte Eglise qu’est la louange parfaite et que la bénédiction divine est donnée ; exhortation à l’unité dans la foi :

   Voyez quelle grâce ce sens nous signale ! Chacun de nous répond en son particulier : Alléluia ; par là nous sollicitons une bénédiction commune à tous, afin que chacun de nous ait sa part dans la bénédiction accordée à l’ensemble. Nous formons tous, en effet, un seul corps, le corps de l’Eglise ; c’est pourquoi nous devons tous n’avoir qu’une voix et qu’une âme : C’est-à-dire, nous devons tous nous unir dans la même foi, la même espérance, la même charité pour louer Dieu ; voilà aussi pourquoi Dieu daigne recevoir les hommages des justes et refuse ceux des impies et des pécheurs : Il accepte ceux des catholiques et repousse ceux des hérétiques : Il se montre sensible à ceux des fidèles, et insensible à ceux des infidèles.
Agissons donc, conduisons-nous de manière à être dignes de louer Dieu et de voir s’appliquer à nous cette parole du Prophète : «Enfants, louez le Seigneur : louez Son saint Nom» (Ps. CXII, 1). Nous nous rendrons réellement à cette invitation, si nous obéissons avec fidélité, et en toutes choses, à la volonté de Dieu et à Ses préceptes, moyennant la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui soient la gloire et l’honneur pendant les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

Traduction et division du texte de MM. les abbés Bardot et Aubert ;
sous-titres de Frère Maximilien-Marie.

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Jan van Eyck – retable de l’Agneau Mystique (Gand) détail :
Anges chanteurs au lutrin

2013-33. « Alors que le monde fuit la souffrance, nous pouvons l’étreindre. »

Mercredi Saint au soir.

A la veille d’entrer dans le Triduum Sacré, je livre à votre méditation quelques lignes de l’abbé Bryan Houghton (voir sa biographie > ici).
Ce texte a été écrit (en anglais) en 1969 : à cette époque, l’abbé Houghton était encore pour quelques mois curé de Bury St Edmunds (sa démission sera à la fin du mois de novembre de cette année-là, lors de l’entrée en vigueur du nouvel Ordo Missae), et un journal de Norwich – l’Eastern Daily Press – lui demandait un article mensuel intitulé « Point de vue catholique romain ».
Ces réflexions sur la souffrance et la Croix semblent toutes simples, mais contiennent une grande profondeur et une très juste hauteur de vue, dans le style qui était propre à l’abbé Houghton.

Vivez un saint et fervent Triduum !

P. de Champaigne - Crucifixion

Le Dieu Crucifié

Le seul vrai problème que pose la création telle qu’elle est, c’est celui de la souffrance.
Je me souviens d’un jour où j’ai baptisé une petite fille qui respira deux heures et mourut : elle était le premier-né d’une mère qui avait déjà eu quatre fausses couches. Que d’espoirs disparaissaient avec elle!
Quelques heures plus tard, j’administrais l’extrême-onction à un homme de moins de cinquante ans, qui laissait une famille nombreuse avec deux jeunes enfants. Il avait passé en agonie les trois derniers mois de sa vie.
Le seul cas où l’euthanasie soulagerait vraiment la souffrance serait celui où l’on anéantirait l’espèce humaine, car la souffrance est le lot commun de l’humanité. Toute religion, toute philosophie qui ne prend pas la souffrance en compte est évidemment inadéquate.
Si les hommes doivent tous souffrir à des degrés divers, il ne fait aucun doute que leur noblesse de caractère dépend presque exclusivement de la noblesse avec laquelle ils portent leurs souffrances. On a raison de mépriser ceux qui se plaignent des plus petites insatisfactions. On a raison de vénérer les martyrs.
Les causes de la souffrance sont claires. Il y a l’insatisfaction, mais qui est parfaitement satisfait? Et il y a l’imperfection, mais qui ou quoi peut être dit parfait? Dieu seul ne souffre pas, car Lui seul est toute perfection et toute puissance.
De là, ce caractère vraiment absurde de toutes les religions autres que le christianisme : les créatures y sont plus nobles que leur Créateur. Dans toutes ces religions, Dieu se tourne éternellement les pouces dans une béatitude inaccessible, tandis que les pauvres humains doivent souffrir noblement. Leur Dieu sarcastique s’y moque de larves héroïques. Une telle absurdité est impossible. De telles religions ne peuvent être que fausses.
La chose que tout le monde sait du christianisme, c’est qu’on y adore un Dieu crucifié. Rien de moins! Et c’est son vrai titre à être la vraie religion. Non seulement Dieu n’attend pas de nous que nous subissions ce qu’Il n’a pas l’intention de subir, mais Il n’a permis la souffrance que dans la perspective, prévue de toute éternité, de Sa propre souffrance. Il ne pouvait pas souffrir comme Dieu. C’est pourquoi Il s’est fait homme.
Lorsque nous tournerons nos regards vers la Croix pendant la Semaine Sainte, souvenons-nous qu’elle est la justification de notre religion. La souffrance, pierre d’achoppement de ce monde, ne peut être évacuée de nos vies. Elle peut être éclairée – seulement éclairée – par un Dieu souffrant. Nous pouvons prier aussi pour demander la grâce de porter noblement nos propres souffrances. Nous pouvons même prier, mais cela, c’est la sainteté, pour demander de souffrir. Alors que le monde fuit la souffrance, nous pouvons l’étreindre. Embrassez-vous quelquefois un Crucifix? Non? Eh bien, faites-le!
Les chrétiens de toutes confessions ont en commun la foi au Dieu crucifié. Hélas, bien des choses les divisent! Mais au centre de la Croix, nous nous rencontrons tous.

Bryan Houghton, in « Prêtre rejeté » 
(édition revue et augmentée 2005 – pp. 275-276)
Editions Dominique Martin Morin – Poitiers (France)

2013-33.

2013-32. Passion, Résurrection et triomphe final de Jésus-Christ en Son Eglise.

par Monseigneur Louis-Gaston de Ségur.

2013-32. Passion, Résurrection et triomphe final de Jésus-Christ en Son Eglise. dans Chronique de Lully mgr-de-segur

Monseigneur Louis-Gaston de Ségur (1820-1881)

        Louis-Gaston de Ségur, descendant d’une très ancienne famille de la noblesse française et fils de la célèbre comtesse – née Sophie Rostopchine – , est né à Paris le 15 avril 1820.
Après des études de droit et une courte carrière diplomatique, passé d’une relative indifférence religieuse à une vie de fervente dévotion, il entre au séminaire de Saint-Sulpice : il est ordonné prêtre par S. Exc. Monseigneur Affre, le 17 décembre 1847.
Avec quelques prêtres qui sont, comme lui, épris de pauvreté et dévorés de zèle pour le salut des plus humbles et des délaissés, il exerce d’abord son apostolat envers ce que l’on appelle aujourd’hui « les milieux défavorisés ». Il s’y épuise et tombe malade.
Lorsqu’il est rétabli, le « prince-président », Louis-Napoléon Bonaparte, le nomme auditeur de Rote pour la France ; en cette qualité, il séjourne à Rome à partir de 1852.
Le Bienheureux Pie IX l’apprécie grandement.

   En 1854, âgé de 34 ans, il perd définitivement la vue. Cela le décide, en 1856, à renoncer à son poste et à rentrer en France. Le Bienheureux Pie IX lui confère la dignité de protonotaire apostolique. 
Désormais, et jusqu’à la fin de sa vie, depuis son appartement du n° 39 de la rue du Bac, il exerce un apostolat très actif consacré à la sanctification du clergé (il fonde l’Oeuvre de Saint François de Sales), à l’évangélisation des milieux les plus pauvres, à l’assistance charitable, et à cette suprême charité qu’est la direction spirituelle.
Il compose et dicte de nombreux ouvrages qui font un bien immense (opuscules, instructions, traités de spiritualité, d’apologétique, de doctrine, qui avec autant de fermeté que d’onction corrigent et combattent les erreurs modernes…).
« (…) Ce qui me frappe et ce qui saisit toutes les âmes de bonne foi, c’est l’enchaînement et la puissance de votre argumentation, la sûreté de votre doctrine, l’évidence de vos démonstrations », lui écrit le Comte de Chambord en 1871, ajoutant au sujet de sa publication sur la Souveraineté Royale : « Je voudrais, dans l’intérêt de la vérité de notre chère et malheureuse France, que ce livre fût dans toutes les mains »
Monseigneur de Ségur combat autant qu’il le peut l’esprit de la révolution et la maçonnerie.

   Il rend sa belle âme à Dieu, le 9 juin 1881, âgé de soixante et un ans et deux mois, dans son appartement de la rue du Bac.

   En ces jours de la Passion et de la Pâque de Notre-Seigneur, il nous a paru opportun de reproduire ci-dessous le texte, en quelque sorte prophétique, dans lequel ce saint prélat réunissant et résumant les prophéties de la Sainte Ecriture sur la fin des temps, a établi une sorte de parallèle entre la Passion de Notre-Seigneur et les épreuves finales de la Sainte Eglise.

Biographie plus détaillée de Mgr de Ségur > ici

antonio-ciseri-ecce-homo-1891 Antéchrist dans Lectures & relectures

Ecce Homo – Antonio Ciseri 1891.

* * *

De la Passion, de la Résurrection
et du triomphe final de Jésus-Christ en Son Eglise

   Jésus-Christ et l’Église forment un tout indivisible. Le sort de l’un, c’est le sort de l’autre ; et de même que là où est la tête, là également doit se trouver le corps, de même les mystères qui se sont accomplis en Jésus-Christ durant Sa vie terrestre et mortelle doivent se parachever en Son Église durant sa vie militante d’ici-bas.
Jésus-Christ a eu Sa Passion et Son crucifiement : l’Église doit avoir, elle aussi, et sa Passion, et son crucifiement final.
Jésus-Christ est ressuscité et a triomphé miraculeusement de la mort : l’Église ressuscitera, elle aussi, et triomphera de Satan et du monde, par le plus grand et le plus prodigieux de tous les miracles : celui de la résurrection instantanée de tous les élus, au moment même où Notre-Seigneur Jésus-Christ, entrouvrant les cieux, en redescendra plein de gloire avec Sa sainte Mère et tous Ses Anges.
Enfin, Jésus-Christ, Chef de l’Église, est monté corporellement au ciel le jour de l’Ascension : à son tour, l’Église ressuscitée et triomphante montera au ciel avec Jésus, pour jouir avec Lui, dans le sein de Dieu, de la béatitude éternelle.
Nous ne connaissons d’une manière certaine « ni le jour ni l’heure » (Matth. XXV, 13) où se passeront ces grandes choses.

   Ce que nous savons, d’une manière générale mais infaillible, parce que cela est révélé de Dieu, c’est que « la consommation viendra lorsque l’Évangile aura été prêché dans le monde entier, à la face de tous les peuples » (Ibid. XXIV, 14).
Ce que nous savons, c’est qu’avant ces suprêmes et épouvantables secousses qui constitueront la Passion de l’Église et le règne de l’Antéchrist, il y aura, dit saint Paul, l’apostasie (2 Thess. II, 3), l’apostasie générale ou quasi-générale de la foi de la sainte Église Romaine (Cornelius a Lapide).
Enfin, ce que nous savons, c’est qu’à cette redoutable époque le caractère général de la maladie des âmes sera « l’affaiblissement universel de la foi et le refroidissement de l’amour divin, par suite de la surabondance des iniquités » (Matth. XXIV, 12).

   Les Apôtres ayant demandé un jour à Notre-Seigneur à quels signes les fidèles pourraient reconnaître l’approche des derniers temps, Il leur répondit : d’abord qu’il y aurait de grandes séductions, et que beaucoup de faux docteurs, beaucoup de semeurs de fausses doctrines rempliraient le monde d’erreurs et en séduiraient un grand nombre (Matth. XXIV, 10-11) ; puis, qu’il y aurait de grandes guerres et qu’on n’entendrait parler que de combats ; que les peuples se jetteraient les uns sur les autres, et que les royaumes s’élèveraient contre les royaumes (Ibid. 6-7) ; qu’il y aurait de tous côtés des fléaux extraordinaires, des maladies contagieuses, des pestes, des famines, et de grandes tremblements de terre (Ibid. 7). « Et tout cela, ajouta le Sauveur, ce ne sera encore que le commencement des douleurs » (Ibid. 8).

   Satan et tous les démons en seront la cause. Sachant qu’il ne leur reste plus que peu de temps, ils redoubleront de fureur contre la sainte Église ; ils feront un dernier effort pour l’anéantir, pour détruire la foi et toute l’œuvre de Dieu. La rage de leur chute ébranlera la nature (Apoc. XII, 9-12), dont les éléments, comme nous l’avons dit, resteront jusqu’à la fin sous les influences malfaisantes des mauvais esprits.
Alors commencera la plus terrible persécution que l’Église ait jamais connue ; digne pendant des atroces souffrances que son divin Chef eut à souffrir en Son corps très-sacré, à partir de la trahison de Judas.

   Dans l’Église aussi il y aura des trahisons scandaleuses, de lamentables et immenses défections ; devant l’astuce des persécuteurs et l’horreur des supplices, beaucoup tomberont, même des prêtres, même des évêques ; « les étoiles des cieux tomberont », dit l’Évangile. Et les catholiques fidèles seront haïs de tous, à cause de cette fidélité même (Matth. XXIV, 5-9).

   Alors celui que Saint Paul appelle « l’homme du péché et le fils de perdition » (2 Thess. II, 3), l’Antéchrist, commencera son règne satanique et dominera tout l’univers.

   Il sera investi de la puissance et de la malice de Satan (Apoc. XIII, 2). Il se fera passer pour le Christ, pour le Fils de Dieu ; il se fera adorer comme Dieu, et sa religion, qui ne sera autre chose que le culte de Satan et des sens, s’élèvera sur les ruines de l’Église et sur les débris de toutes les fausses religions qui couvriront alors la terre (2 Thess. II, 4).
L’Antéchrist sera une sorte de César universel, qui étendra son empire sur tous les rois, sur tous les peuples de la terre ; ce sera une infâme parodie du royaume universel de Jésus-Christ.
Satan lui suscitera un grand-prêtre, parodie sacrilège du Pape ; et ce grand-prêtre fera prêcher et adorer l’Antéchrist par toute la terre. Par la vertu de Satan, il fera de grands prodiges, jusqu’à faire descendre le feu du ciel en présence des hommes ; et, au moyen de ces prestiges, il séduira l’univers. Il fera adorer, sous peine de mort, l’image de l’Antéchrist ; et cette image paraîtra vivre et parler ; également sous peine de mort, il commandera que tous, sans exception, portent au front ou sur la main droite le signe de la bête, c’est-à-dire le caractère de l’Antéchrist. Quiconque ne portera point ce signe, ne pourra ni vendre ni acheter quoique ce soit (Apoc. XIII, 11-17). Autour des images de l’Antéchrist, les prestiges de Satan seront tels, que presque tout le monde les prendra pour de vrais miracles ; et les élus eux-mêmes auraient pu être séduits à la longue ; mais, à cause d’eux, le Seigneur abrégera ces jours (Matth. XXIV, 22-24).
« L’abomination de la désolation régnera dans le lieu saint » (Ibid. 15) pendant « trois ans et demi, pendant quarante-deux mois » (Apoc. XIII, 5), correspondant aux quarante-deux heures qui se sont écoulées, comme nous l’avons dit déjà, depuis le commencement des ténèbres du crucifiement de Jésus, le Vendredi-Saint, jusqu’à l’heure de la résurrection, le dimanche de Pâques, au lever du soleil.

   Quoique toujours visible et composée de ses éléments essentiels, l’Église sera pendant tout ce temps-là comme crucifiée, comme morte et ensevelie.
Il sera donné à l’Antéchrist de vaincre les serviteurs de Dieu, et de faire plier sous son joug tous les peuples, et toutes les nations de la terre ; et, sauf un petit nombre d’élus, tous les habitants de la terre l’adoreront, en même temps qu’ils adoreront Satan, auteur de sa puissance (Ibid. 7, 8, 4).
Si jadis le féroce Dioclétien a pu croire un instant qu’il avait définitivement détruit le nom chrétien, que sera-ce en ces temps-là, dont ceux de Dioclétien de Néron n’ont été qu’un pâle symbole? L’Antéchrist proclamera orgueilleusement la déchéance du christianisme, et Satan, maître du monde, se croira un instant vainqueur.

   Mais en ces temps-là, comme nous l’apprennent et l’Écriture et la Tradition, s’élèveront contre l’Antéchrist « les deux grands témoins » (Ibid. XI, 3) de Jésus-Christ, réservés pour ces derniers jours, à savoir le Patriarche Hénoch et le Prophète Élie, qui ne sont pas morts, comme l’enseigne expressément l’Écriture.
Ils viendront prêcher les voies du Seigneur. Ils prêcheront Jésus-Christ et le règne de Dieu pendant douze cent soixante jours, c’est-à-dire pendant la durée presque entière du règne de l’Antéchrist. La vertu de Dieu les protégera et les gardera. Ils auront le pouvoir de fermer le ciel et d’arrêter la pluie pendant tout le temps de leur mission. Ils auront le pouvoir de changer les eaux en sang et de frapper la terre de toutes sortes de plaies (Ibid. 3-6). Ils feront des miracles sans nombres, semblables à ceux de Moïse et d’Aaron, lorsque ceux-ci combattirent en Égypte l’impie Pharaon et préparèrent la délivrance du peuple de Dieu. Comme Moïse et Aaron, les deux témoins de Jésus-Christ ébranleront l’empire et le prestige du Maudit.
Celui-ci néanmoins parviendra à s’emparer d’eux, et ils subiront le martyre, « là où leur Seigneur a été crucifié » (Apoc. XI, 8), c’est-à-dire à Jérusalem ; ou bien peut-être à Rome, où le dernier Pape aura été crucifié par l’Antéchrist, suivant une tradition immémoriale.
Après trois jours et demi, les deux grands précurseurs du Roi de gloire ressusciteront à la face de tout le peuple ; et ils monteront au ciel, sur une nuée, pendant qu’un terrible tremblement de terre jettera partout l’épouvante (Ibid. 11-13).
Pour relever sa puissance, l’Antéchrist, singeant la triomphale ascension du Fils de Dieu et des deux grands Prophètes, tentera, lui aussi, de monter au ciel, en présence de l’élite de ses adeptes.
Et c’est alors que Notre-Seigneur Jésus-Christ, « semblable à la foudre qui de l’orient à l’occident déchire le ciel, apparaîtra tout à coup sur les nuées, dans toute la majesté de Sa puissance » (Matth. XXIV, 27-30), frappant de Son souffle et l’Antéchrist (2 Thess. II, 8) et Satan et les pécheurs. Tout ceci est prédit en termes formels (1 Thess. IV, 15).

   Comme nous l’avons dit, l’Archange Michel, le Prince de la milice céleste, fera retentir toute la terre du cri de triomphe qui ressuscitera tous les élus (Matth. XXIV, 31). Ce sera le « Consummatum est » de l’Église militante, entrant pour toujours dans la joie du Seigneur.
Cette « voix de l’Archange » sera accompagnée d’une combustion universelle, qui purifiera et renouvellera toutes les créatures profanées par Satan, par le monde et par les pécheurs. La foi nous apprend, en effet, qu’au dernier jour, Jésus-Christ doit venir juger le monde par le feu (Rituel Romain). Ce feu vengeur et sanctificateur renouvellera la face de la terre et fera « une nouvelle terre et des nouveaux cieux » (Ps. CIII, 30 & Apoc. XXI, 1). Comme au Sinaï, comme au Cénacle, l’Esprit-Saint se manifestera ainsi par le feu, en ce jour redoutable entre tous.

   Telle sera la fin terrible et glorieuse de l’Église militante ; telle sera, autant du moins que la lumière toujours un peu voilée des prophéties nous permet de l’entrevoir, telle sera la Passion de l’Église ; telle sera sa résurrection suivie de son triomphe.
Corps mystique du Fils de Dieu, elle aura suivi son divin Chef jusqu’au Calvaire, jusqu’au sépulcre, et par cette fidélité elle aura mérité de partager sa gloire à tout jamais.

Texte composé d’extraits de l’opscule « Je Crois »,
tiré des « Œuvres de Mgr de Ségur », 10e tome, page 69
(Paris, Librairie Saint-Joseph, TOLRA, Libraire-éditeur, 112, rue de Rennes, 1887)

tiarepie9 eschatologie dans Nos amis les Saints

2013-31. Le Sang du Christ accorde, pour les siècles des siècles, le pardon à ceux qui se repentent.

Sermon de notre glorieux Père Saint Augustin
sur
la Passion du Sauveur et les deux larrons

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2013-31. Le Sang du Christ accorde, pour les siècles des siècles, le pardon à ceux qui se repentent. dans Chronique de Lully titien-le-christ-et-le-bon-larron

Titien : le Christ et le bon larron

§ 1. Jésus, qui ne S’est pas défendu Lui-même, S’est suscité un avocat en la personne du larron repentant. Que s’est-il donc passé dans le cœur de ce brigand pour qu’il se convertisse sur la croix ?

   Le Seigneur Jésus était attaché à la croix, les Juifs blasphémaient, les princes ricanaient, et bien que le sang des victimes tombées sous ses coups ne fût pas encore desséché, le larron lui rendait hommage ; d’autres secouaient la tête en disant : « Si tu es le Fils de Dieu, sauve-toi toi-même ! » (Matth. XXVII, 10).
Jésus ne répondait pas, et, tout en gardant le silence, Il punissait les méchants. Pour la honte des Juifs, le Sauveur ouvre la bouche à un homme qui doit plaider Sa cause ; cet homme n’est autre qu’un larron, crucifié comme Lui ; car deux larrons avaient été crucifiés avec Lui, l’un à Sa droite, l’autre à Sa gauche. Au milieu d’eux se trouvait le Sauveur. C’était comme une balance parfaitement équilibrée, dont un plateau élevait le larron fidèle, dont l’autre abaissait le larron incrédule qui l’insultait à Sa gauche. Celui de droite s’humilie profondément : il se reconnaît coupable au tribunal de sa conscience, il devient, sur la croix, son propre juge, et sa confession fait de lui un docteur. Voici sa première parole, elle s’adresse à l’autre brigand : « Ni toi, non plus, tu ne crains pas ? » (
Luc, XXI,  I, 3).
Hé quoi, larron! tout à l’heure tu volais, et maintenant tu reconnais Dieu ; tout à l’heure tu étais un assassin, et maintenant tu crois au Christ ?
Dis-nous donc, oui, dis-nous ce que tu as fait de mal ; dis-nous ce que tu as vu faire de bien au Sauveur ?
Nous, nous avons tué des vivants, et, Lui, Il a rendu la vie aux morts ; nous, nous avons dérobé le bien d’autrui, et, Lui, Il a donné tous Ses trésors à l’univers ; et Il S’est fait pauvre pour me rendre riche.

Il discute avec l’autre larron : Jusqu’ici, dit-il, nous avons marché ensemble pour commettre le crime. Offre ta croix, on t’indiquera le chemin à suivre, si tu veux vivre avec moi. Après avoir été mon collègue dans la voie du crime, accompagne-moi jusqu’au séjour de la vie ; car cette croix, c’est l’arbre de vie. David a dit en l’un de ses psaumes : « Dieu connaît les sentiers du juste, et la voie de l’impie conduit à la mort » (Ps. I, 6).

titien-le-christ-et-le-bon-larron-detail-3 bon larron dans De liturgia

§ 2. La prière du larron manifeste qu’il a été illuminé par la foi. La réponse du Christ va bien au-delà de ce que le larron a demandé dans sa prière.

   Après sa confession, il se tourne vers Jésus : « Seigneur, Lui dit-il, souvenez-Vous de moi, lorsque Vous serez arrivé en Votre Royaume ! » (Ps. XXIII, 42).
Je ne savais comment dire au larron : Pour que le Christ se souvienne de toi, quel bien as-tu fait ? A quelles bonnes oeuvres as-tu employé ton temps ? Tu n’as fait que du mal aux autres, tu as versé le sang de ton prochain, et tu oses dire « Souvenez-vous de moi ! »
Larron, tu es devenu le compagnon de ton Maître, réponds donc : J’ai reconnu mon Maître, au milieu des ignominies de mon supplice ; aussi ai-je le droit d’attendre de Lui une récompense. Qu’Il soit cloué à une croix, peu m’importe ! je n’en crois pas moins que Sa demeure, que le trône de Sa justice est dans le Ciel.
« Seigneur, dit-il, souvenez-Vous de moi, lorsque Vous serez arrivé en Votre Royaume !»
Le Christ n’avait ouvert la bouche ni en présence de Pilate, ni devant les princes des prêtres : de Ses lèvres si pures n’était tombé aucun mot de réponse à l’adresse de Ses ennemis, parce que leurs questions n’étaient pas dictées par la droiture.
Et voilà qu’Il parle au larron sans Se faire attendre, parce que celui-ci Le prie avec simplicité : « En vérité, en vérité, Je te le dis : aujourd’hui même tu seras avec Moi dans le paradis » (
Luc, XXIII, 13).
Hé quoi, larron ? tu as demandé une faveur pour l’avenir, et tu l’as obtenue pour le jour même ! Tu dis : « Lorsque Vous arriverez en Votre Royaume », et, pas plus tard qu’aujourd’hui, Il te donne une place au paradis !

titien-le-christ-et-le-bon-larron-detail-1 conversion dans Lectures & relectures

§ 3. De quelle manière le larron a reçu la grâce du saint baptême.

   Mais comment expliquer ceci ? Le Christ promet la vie au larron, et le larron n’a pas encore reçu la grâce ? Le Seigneur dit en son saint Evangile : « Quiconque ne renaît pas de l’eau et de l’Esprit-Saint ne peut entrer dans le Royaume des cieux » (Jean, III, 5). Et le temps ne permet pas de baptiser le larron.
Dans sa miséricorde, le Rédempteur imagine à cela un remède.
Un soldat s’approche ; d’un coup de lance, il ouvre le côté du Christ, et de cette plaie « s’échappent du sang et de l’eau » (
Jean XIX, 31) qui rejaillissent sur les membres du larron.
L’apôtre Paul a dit ceci : « Vous vous êtes approchés de la montagne de Sion et de l’aspersion de ce Sang qui parle plus haut que celui d’Abel » (
Hébr. XII, 22-24). Pourquoi le Sang du Christ parle-t-il plus haut que celui d’Abel ? Parce que le sang d’Abel accuse un parricide, tandis que celui du Christ innocente l’homicide et accorde, pour les siècles des siècles, le pardon à ceux qui se repentent. Ainsi soit-il !

titien-le-christ-et-le-bon-larron-detail pardon dans Nos amis les Saints

2013-27. L’expression « fille aînée de l’Eglise » est-elle due à la France?

2013-27. L'expression

Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,

       Il y a un certain nombre de choses qui sont répétées de manière indéfinie comme des certitudes intangibles. Si vous avez un jour l’audace – au nom de la simple vérité historique – de dire qu’elles ne sont pas exactes, vous allez passer, dans le meilleur des cas, pour un original qu’on regardera avec une certaine condescendance, sinon pour une espèce d’iconoclaste, voire pour un hérétique, un dangereux révolutionnaire ou un traître infiltré par quelque secte satanique dans les rangs des « bien-pensants »… (j’espère que vous êtes sensibles aux nuances de la gradation!).

- Une question :

   Voilà déjà plusieurs années que j’ai cherché à connaître l’origine de l’expression « fille aînée de l’Eglise » attribuée à la France. Expression dont de nombreux catholiques français s’enorgueillissent et dont, à l’occasion, ils font une espèce de slogan pour s’opposer à la déchristianisation et aux lois impies.
Leur conviction sur ce point est quasi dogmatique, s’appuyant en particulier sur les fameuses dernières phrases de l’homélie prononcée par feu le Pape Jean-Paul II lors de la Messe célébrée le dimanche 1er juin 1980 au Bourget :
« Alors permettez-moi, pour conclure, de vous interroger : France, Fille aînée de l’Eglise, es-tu fidèle aux promesses de ton baptême? Permettez-moi de vous demander : France, Fille de l’Eglise et éducatrice des peuples, es-tu fidèle, pour le bien de l’homme, à l’alliance avec la Sagesse éternelle?… » (cf. > ici).

   D’aucuns d’ailleurs se sont étonnés ou attristés que lors de ses autres voyages en France, et spécialement au mois de septembre 1996 à l’occasion des célébrations du seizième centenaire de la mort de Saint Martin, à Tours, puis du quinzième centenaire du Baptême de Clovis, à Reims, le pape Wojtyla n’ait pas réutilisé l’expression « fille aînée de l’Eglise » qui eût pu alors sembler si adaptée…

- Un sondage et ses résultats :

   Au mois de janvier 2013, j’ai lancé auprès des lecteurs de ce blogue un petit sondage (mais la fonction « sondages » proposée par le site qui héberge ce blogue n’est pas très au point), que j’avais également proposé sur Facebook.
Il était ainsi  formulé :

sondage-fille-ainee-de-leglise fausses opinions dans Commentaires d'actualité & humeurs

   Ainsi que je m’y attendais, j’ai vu la première proposition arriver en tête : environ soixante pour cent de ceux qui ont répondu sont convaincus que l’expression « fille aînée de l’Eglise » a été appliquée à la France depuis la conversion du peuple Franc et le baptême du Roi Clovis 1er le Grand.

   Sur Facebook, comme le prouve la saisie d’écran reproduite ci-dessus, environ quinze pour cent de ceux qui ont répondu se sont prononcés en faveur de la deuxième proposition, faisant remonter l’attribution de ce titre à l’époque du Pape Etienne II et du Roi Pépin 1er dit le Bref ; tandis que quelque vingt-cinq pour cent des réponses se portaient sur la troisième proposition : l’expression a été inventée au XIXème siècle et constitue une usurpation.
Sur ce blogue en revanche, les proportions pour les réponses deux et trois étaient exactement inversées : vingt-cinq pour cent pour Etienne II et Pépin le Bref, et quinze pour cent pour l’invention au XIXème siècle.

   Je considère que les réponses récoltées sur le blogue sont plus représentatives de la pensée générale. En effet, ceux qui sur Facebook ont coché la troisième proposition appartiennent tous à ce que je pourrais appeler un « cercle rapproché », attentif depuis des années à mes publications et remarques…

- La bonne réponse :

   Après cet examen général des résultats, il me faut maintenant dire qu’elle est la bonne réponse. Certains l’auront déjà deviné à ma précédente remarque, c’est la troisième proposition qui est la vraie.

   Je sais que certains risquent de tomber des nues, d’être décontenancés ou profondément peinés, pourtant c’est historiquement absolument certain, l’expression « fille aînée de l’Eglise » attribuée à la France, a été inventée au XIXème siècle.

   Sa première utilisation est parfaitement datée : c’est le Rd Père Henri-Dominique Lacordaire qui applique pour la première fois de l’histoire l’expression « fille aînée de l’Eglise » à la France ; cela se passait le 14 février 1841, à Notre-Dame de Paris, et c’était dans son « Discours sur la vocation de la nation française ».
Je ne l’invente pas : le baron Hervé Pinoteau, historien dont le sérieux n’a d’équivalent que la pointilleuse rigueur pour tout ce qui touche à la symbolique de l’Etat français au cours des différents régimes, après de longues et patientes recherches a pu l’attester (cf. « Le chaos français et ses signes », PSR éditions – 1998).

   Cinquante-cinq ans après le discours du Père Lacordaire, à l’occasion des célébrations du quatorzième centenaire du Baptême de Clovis, Monsieur le Cardinal Benoît-Marie Langénieux, archevêque de Reims, reprit l’expression : c’est à partir de là qu’elle fit florès, jusqu’à être utilisée par plusieurs Pontifes Romains.

   Il est à noter que, après l’homélie du Bourget sus-citée, le pape Jean-Paul II ne l’utilisera plus, parce que les remarques respectueuses d’historiens sérieux, jusqu’au sein même de la Curie Vaticane, remontèrent jusqu’à lui afin de lui faire observer l’absence de fondements historiques à cette expression.

bapteme-clovis-versailles-cathedrale-copie fille aînée de l'Eglise dans Lectures & relectures

- La France n’est pas la première nation chrétienne :

   Un grand nombre de ceux qui pensent que la France est la « fille aînée de l’Eglise » le justifient en ajoutant que c’est parce que « la France a été la première nation baptisée » (ou bien « la première nation chrétienne »).

Nous avons déjà – dans les pages de ce blogue (cf. > ici) – publié une réfutation de cette erreur historique : le premier royaume dont le Roi se fit baptiser et fit du christianisme la religion de l’Etat, fut l’Arménie, en 301 ; vinrent ensuite l’Ethiopie, puis l’Empire Romain dans lequel le christianisme, déjà placé à un rang éminent depuis l’édit de Constantin (313), fut promu religion d’Etat par l’édit de Théodose le Grand, en 380.
Le Royaume des Francs arrive en quatrième position (peut-être même seulement cinquième parce que la date de 496 n’est pas historiquement certaine et qu’il serait possible que la conversion au catholicisme du Roi des Burgondes Saint Sigismond soit antérieure à celle de Clovis).
Je le redis : la France n’est pas la première nation chrétienne de l’univers, mais le peuple Franc est le premier – parmi les peuples barbares païens qui ont mis fin à l’Empire Romain d’Occident – à avoir été baptisé dans la foi de Nicée (les autres peuples barbares étaient chrétiens avant les Francs mais professaient l’hérésie arienne).
Pendant ce temps là, l’Empire Romain d’Orient, dont la capitale était Byzance-Constantinople, demeurait l’héritier de l’Empire chrétien théodosien, et il le demeurera jusqu’en 1453.

- La seule mention ancienne de cette expression ne concerne pas la France :

   Pendant les presque treize siècles de Royauté française, depuis Clovis jusqu’à la grande révolution, c’est-à-dire pendant tout le temps où elle fut un Royaume officiellement catholique, JAMAIS la France n’a été appelée « fille aînée de l’Eglise », ni par aucun Pontife Romain, ni par aucun de ses Rois, ni par aucun des ses juristes, ni par aucun de ses sujets !

   La seule et unique occasion où l’expression « fille aînée de l’Eglise » s’est trouvée dans la bouche d’un dignitaire ecclésiastique sous l’Ancien Régime, fut en février 1564 et elle n’était pas pour désigner la France, mais la Reine Catherine de Médicis : c’était lorsque le nonce apostolique, Prospero di Santa Croce, la salua alors qu’il venait traiter avec elle de l’application des décrets du Concile de Trente au Royaume de France (bien que son fils Charles IX eût été déclaré majeur l’année précédente et qu’elle ne fut plus officiellement régente elle continuait à exercer la réalité du pouvoir).

- C’est le Roi de France qui est le « Fils aîné » :

   Moins d’un siècle plus tôt, précisément le 19 janvier 1495, l’expression « Fils aîné de l’Eglise » apparaît pour la première fois dans l’histoire, et elle désigne le Roi de France par la bouche d’un Pape.
Dans des circonstances difficiles, le Pape Alexandre VI accueillit le Roi Charles VIII et ses troupes, sur le chemin de Naples. Le Souverain français déclara : « Saint-Père, je suis venu pour faire obédience à Votre Sainteté comme ont eu accoutumée de faire mes prédécesseurs, Rois de France ». Le Pape, prenant de sa main gauche la main droite du Roi, lui répondit en l’appelant son « Fils aîné ».

   Depuis déjà plusieurs siècles, le Roi de France était appelé « Sa Majesté Très Chrétienne ». Antérieurement à ce 19 janvier 1495, on trouve sous la plume des Pontifes Romains, lorsqu’ils écrivent aux Rois de France, les expressions « cher Fils », « Fils très cher », ou encore parfois « Fils de prédilection » mais, je le redis, l’expression « Fils aîné » ne remonte pas au-delà d’Alexandre VI.

   On la retrouve ensuite le 21 avril 1505 lorsque, dans un consistoire, l’ambassadeur du Roi Louis XII présente son Souverain à Jules II en ces termes : « Premier Fils du Saint-Siège par la naissance ». Ce titre sera également évoqué le 11 décembre 1515 lors de l’entrevue de Bologne qui vit la rencontre de Léon X et de François 1er.

   Par dessus-tout, ce seront les Rois Bourbon qui s’enorgueilliront de ce titre de « Fils aîné de l’Eglise » que nul, ni dans l’Eglise ni dans la société civile, ne leur contestera : Henri IV le revendiquait dès avant sa conversion ; Louis XIV en obtiendra d’Alexandre VII la mention dans le traité de Pise du 12 février 1664 (*) ; et lors de la Restauration Louis XVIII s’adressera à Léon XII en ces termes : « Animé des mêmes intentions que les Rois, mes prédécesseurs, je me plais de déclarer à Votre Sainteté qu’en ma qualité de Fils aîné de l’Eglise je regarde comme un devoir de justifier ce titre glorieux… »

- Sainte Pétronille, fille aînée de Saint Pierre, protectrice des Rois de France :

   Je ne vais pas reprendre ici ce que j’ai déjà eu l’occasion d’expliquer très longuement et auquel je vous renvoie tout simplement (cf. > ici) : depuis Pépin le Bref et le Pape Etienne II, le patronage spécial de Sainte Pétronille, dont la tradition fait la fille aînée de Saint Pierre, a été accordé à la dynastie royale franque.
Etienne II avait même écrit à Pépin et à ses deux fils, Charles (futur Charlemagne) et Carloman en faisant parler Saint Pierre lui-même pour leur donner le nom de « fils adoptifs ».

   Dans l’actuelle basilique de Saint Pierre au Vatican, l’autel de Sainte Pétronille demeure aujourd’hui une « chapelle » dédiée à la prière pour la France :

auteldestepetronillevatican Fils aîné de l'Eglise dans Vexilla Regis

- Du « Fils aîné » à la « fille aînée » ?

   Arrivé à ce point de nos explications, nous pouvons très légitimement nous demander pourquoi le Rd Père Lacordaire s’est autorisé un tel « glissement » : prendre l’expression traditionnelle qui désigne la personne sacrée du Roi, pour l’attribuer à la « nation » (l’idée même de nation, telle qu’elle est aujourd’hui comprise, étant pétrie par l’idéologie révolutionnaire!) ?

   La première explication est liée au contexte historique : en février 1841, il n’y avait plus en France de « Fils aîné de l’Eglise ». La révolution de 1830 avait chassé de France la branche aînée des Bourbons ; Charles X, dernier Roi à avoir reçu l’onction du Sacre, était mort en exil ; l’héritier légitime du trône était son fils, Louis XIX de droit, qui portait en exil le titre de comte de Marnes ; le trône avait été usurpé par le duc d’Orléans, imprégné d’esprit voltairien et traître à la conception traditionnelle de la monarchie française, Louis-Philippe, auquel il eût été risible de décerner les titres de « Très Chrétien » et de « Fils aîné de l’Eglise »…

   La seconde explication tient à la personnalité et aux convictions du Père Lacordaire lui-même qui, indépendamment de ses talents de prédicateur, de ses vertus et de la restauration de l’Ordre de Saint-Dominique, n’en demeure pas moins un des premiers représentants et propagateurs des erreurs du « catholicisme libéral », pénétré par les pernicieuses influences de la révolution.
Il ne faut point dès lors s’étonner de le voir exalter la « nation » et lui transposer les prérogatives des Souverains sacrés.

- Non possumus !

   C’est la raison pour laquelle, nonobstant toutes les « bonnes intentions » (celles-là même qui peuvent paver l’enfer) de ceux qui, dans le sillage du Père Lacordaire prétendent aujourd’hui défendre « la civilisation chrétienne » en reprenant pour le compte de « la France » l’expression « fille aînée de l’Eglise », je n’hésite pas à affirmer haut et fort qu’elle constitue à proprement parler une usurpation, que je réprouve de toutes mes forces!

   Pendant longtemps, j’ai moi-même cru – comme beaucoup – que cette expression était ancienne, vénérable et juste : mais, après ces recherches, que je vous ai ici résumées, et la découverte de sa véritable histoire, je m’insurge au nom de la Vérité et au nom de la Légitimité contre son emploi, qui ne peut que – de manière subreptice et insidieuse – contribuer à instiller les erreurs du nationalisme, forme dévoyée et révolutionnaire de l’amour naturel de la Patrie (en vérité la Patrie est la « terre des pères », avec ce qu’elle porte d’héritage et de devoirs, elle n’est pas cette « patrie » idéologique exaltée par l’hymne fanatique et sanguinaire que l’on connaît)...

Lully.               

fleurdelys2 France

   (*) Et l’on sait que lorsque Sainte Marguerite-Marie recevra de Notre-Seigneur des messages destinés au Grand Roi, en 1689, Jésus dira en parlant de Louis XIV : « Va dire au Fils aîné de Mon Sacré-Coeur… »

2013-24. « Le Seigneur m’appelle à «monter sur la montagne», à me dédier encore plus à la prière et à la méditation. »

Deuxième dimanche de Carême 24 février 2013

Dernier angélus public de Sa Sainteté le Pape Benoît XVI
(traduction par nos soins)

2013-24.

Chers Frères et Soeurs,

(Ovation et applaudissements) Merci à tous pour votre affection!

Aujourd’hui, deuxième dimanche de Carême, nous avons un Évangile particulièrement beau, celui de la Transfiguration du Seigneur. L’évangéliste Luc met spécialement en relief le fait que Jésus fut transfiguré alors qu’Il priait : Il a une expérience profonde de la relation avec le Père au cours d’une sorte de retraite spirituelle que Jésus vit sur ​​une haute montagne en compagnie de Pierre, Jacques et Jean, les trois disciples qui sont toujours présents dans les moments de la manifestation divine du Maître (Luc V, 10 ; VIII, 51 ; IX, 28). Le Seigneur qui, peu de temps auparavant, avait prédit Sa mort et Sa résurrection (IX, 22), offre à Ses disciples une anticipation de Sa gloire.  Et dans la Transfiguration aussi, comme au Baptême, résonne la voix du Père céleste : « Celui-ci est Mon Fils, l’Élu, écoutez-Le! » (IX, 35).  La présence ensuite de Moïse et d’Elie, qui représentent la Loi et les Prophètes de l’Antique Alliance, est ô combien significative : toute l’histoire de l’Alliance est orientée vers Lui, le Christ, qui accomplit un nouvel «exode» (IX, 31), non vers la Terre Promise comme au temps de Moïse, mais vers le Ciel. L’intervention de Pierre : « Maître, il est bon pour nous d’être ici » (IX, 33) représente la tentative impossible d’arrêter cette expérience mystique. Saint Augustin dit : «[Pierre] (…) sur la montagne (…) avait le Christ comme nourriture de l’âme. Pourquoi aurait-il dû descendre pour revenir aux fatigues et aux douleurs, alors que là-haut il était rempli de sentiments de saint amour envers Dieu et qui lui avaient inspiré en conséquence une sainte conduite? »(Sermon 78, 3 - PL 38, 491).

En méditant sur ​​cet extrait de l’Evangile, nous pouvons tirer un enseignement très important. Par dessus tout, le primat de la prière, sans laquelle tout l’engagement de l’apostolat et de la charité se réduit à de l’activisme. Pendant le Carême, nous apprenons à donner le juste temps à la prière, personnelle et communautaire, ce qui donne du souffle à notre vie spirituelle. En outre, la prière n’est pas un isolement du monde et de ses contradictions, comme l’eût voulu faire Pierre sur le Thabor, mais l’oraison ramène au chemin, à l’action. « L’existence chrétienne – je l’ai écrit dans mon message pour ce Carême (cf. > www) – consiste en une montée continue du mont de la rencontre avec Dieu, pour ensuite redescendre porter l’amour et la force qui en découlent, afin de servir nos frères et sœurs avec le même amour de Dieu » (n. 3).

Chers frères et sœurs, cette Parole de Dieu je la sens particulièrement adressées à moi, en ce moment de ma vie.
(Applaudissements et ovation) 
Je vous remercie!
Le Seigneur m’appelle à «monter sur la montagne», à me dédier encore plus à la prière et à la méditation. Mais cela ne signifie pas abandonner l’Eglise, en effet, si Dieu me demande cela c’est justement pour que je puisse continuer à la servir avec le même dévouement et le même amour avec lequel j’ai cherché à le faire jusqu’à présent, mais sur un mode plus adapté à mon âge et à mes forces. Invoquons l’intercession de la Vierge Marie, elle qui toujours nous aide tous à suivre le Seigneur Jésus dans la prière et dans la charité mise en oeuvre.

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Après la récitation de l’Angélus, le Saint Père a dit ces quelques mots en Français :
« Je vous salue affectueusement, chers amis de langue française! 
En ce dimanche, je vous invite à poursuivre avec courage et détermination votre chemin de carême qui est un temps spirituel de conversion et de retour au Seigneur. Je vous remercie de tout cœur pour votre prière et pour l’affection que vous me manifestez en ces jours! Que Dieu vous bénisse ainsi que vos familles et vos communautésBon Carême à tous! »

la-transfiguration dernier angélus public dans Prier avec nous

2013-21. Saint Augustin : « Le Seigneur nous prescrit d’opposer des jeûnes pieux à toutes les inclinations vicieuses ».

Premier dimanche de Carême.

       Voici un court sermon de notre glorieux Père Saint Augustin que l’on méditera avec profit au début de ce saint temps de Carême, pour mieux nous encourager et nous stimuler à la pratique salutaire du jeûne.
En effet, si – en rigueur – le code de droit canonique ne prescrit que deux jours de jeûne seulement à tous les fidèles (cf. > ici), nul n’est tenu de se contenter du minimum, juste pour « être en règle » avec le précepte : chacun peut faire montre de davantage de générosité, en fonction de ses possibilités (de santé, de devoir d’état…) en se souvenant que la discipline originelle du Carême, telle qu’elle était pratiquée depuis les Saints Apôtres, consistait en quarante jours de jeûne.

2013-21. Saint Augustin : « Le Seigneur nous prescrit d'opposer des jeûnes pieux à toutes les inclinations vicieuses ». dans Chronique de Lully le-tintoret-la-tentation-du-christ-au-desert

La tentation du Christ au désert (Tintoretto, 1579-81)

Sermon 66 : Nécessité et effets du jeûne.

Résumé :
§ 1 – Le jeûne est un moyen de guérison : guérison du vice et guérison du corps lui-même puisque les médecins le recommandent. § 2 – Les philosophes païens eux-mêmes le recommandaient, mais nous avons en outre les exhortations de saint Paul. § 3 – Exemples tirés des Saintes Ecritures. § 4 – Conclusion.

   1 – Toutes les fois, mes frères, que nous fixons des jours de jeûne à votre dévotion, nous nous faisons un devoir de vous exhorter à les observer fidèlement.
En effet, beaucoup parmi vous sont plutôt paresseux que sensuels ; sans être vicieux dans leur corps, ils manquent de dévotion dans le coeur et cherchent à s’excuser en alléguant certaines indispositions corporelles, la faiblesse de leurs membres ; le plus souvent, ce sont des illusions qu’ils se forment ; mais, fussent-ils atteints de quelque vice réel, ils devraient en chercher le remède dans le jeûne lui-même. Les délices engendrent les maladies, le remède à ces maladies, c’est le jeûne. Voilà pourquoi le Seigneur nous prescrit d’opposer des jeûnes pieux à toutes les inclinations vicieuses.
D’ailleurs, ces jeûnes nous sont présentés sous une telle dénomination, que les faibles eux-mêmes ne sauraient les repousser. Ecoutons le prophète Joël s’adressant aux prêtres : « Sanctifiez le jeûne, prêchez la guérison » (Joël I, 14 & 15). La guérison est-elle donc autre chose que la médecine des corps ?
Si les médecins imposent le jeûne aux malades afin de guérir leur corps, si la langueur trouve dans le jeûne son remède le plus efficace, enfin si les vices tendent à affaiblir toujours davantage la constitution de l’homme, pourquoi ne pas chercher dans des jeûnes légitimes un contre-poids à la faiblesse des corps, puisque ces jeûnes sont institués pour servir de remède à tous les vices de l’âme et du corps ? Redisons donc ces paroles du Prophète : « Sanctifiez le jeûne, prêchez la guérison ; rassemblez les vieillards, réunissez les habitants de la terre dans la maison du Seigneur votre Dieu, criez sans cesse vers le Seigneur, et il vous exaucera ».
A cela, que peuvent répondre les esclaves de leur ventre ? Vous qui ne voulez pas jeûner, vous ne voulez donc pas être exaucés ? Pourquoi charger de viandes vos estomacs ? Pourquoi les remplir de nourriture et de vin ? Pourquoi, devant des peuples à jeun, exhaler les vapeurs de votre intempérance ? C’est le signe d’une maladie, et non pas de la digestion.
Jeûnez donc pour Dieu quand il vous l’ordonne, de crainte que les médecins n’aient eux-mêmes à vous l’imposer. Car, pour eux comme pour nous, le jeûne a pour effet de tempérer les humeurs et les impétuosités du sang.

   2 – De leur côté, les philosophes condamnent les esprits supérieurs à se purifier, dans le jeûne, de toutes les souillures qu’ils ont reçues des corps terrestres, et ils punissent la chair afin d’affaiblir l’esprit.
Pour nous, le jeûne des corps est comme la lime des âmes. Il expie les fautes de la conscience, réprime le péché, et fait resplendir les âmes que souillait la tache du péché. Si donc la médecine elle-même trouve dans le jeûne un principe de sagesse et de santé, que dois-je penser de vous qui vous livrez à la bonne chère pendant que le peuple jeûne ?
C’est à vous que s’appliquent ces paroles de l’Apôtre : « La nourriture est pour le ventre, et le ventre pour la nourriture » (1 Cor. VI, 13) ; et encore : « L’un jeûne et l’autre est ivre ; je vous loue, mais en cela je ne vous loue pas, puisque vos assemblées se tournent, non pas en bien, mais en mal (1 Cor. XI, 17) ». C’est à vous aussi que David adresse ce violent reproche : « Seigneur, leur ventre a été rempli de choses cachées ; ils se sont rassasiés de viandes impures, et ils ont laissé les restes à leurs enfants. Pour moi, je me rassasierai du jeûne, afin que votre gloire me soit manifestée » (Ps. XVI, 14-15).

   3 – Des faits nombreux feront mieux ressortir ces précieux effets du jeûne.
Pour recevoir la loi du Seigneur, Moïse jeûna et mérita de pouvoir s’entretenir avec Dieu. Dans un temps de sécheresse, Elie jeûna pour désarmer le courroux de Dieu et obtenir la pluie. Le jeûne de Daniel lui mérita d’échapper à la rage des lions affamés. Les trois enfants dans la fournaise prouvèrent par le jeûne l’impuissance des faux dieux. Autant de jeûnes David offrait à Dieu, autant il remportait de victoires. Les Ninivites calmèrent par le jeûne le courroux de Dieu et méritèrent leur pardon ; la crainte des maux dont ils étaient menacés leur inspira même la pensée de condamner au jeûne leurs troupeaux, et le Seigneur, touché de ces manifestations de pénitence et de repentir, pardonna à cette ville coupable. Qui ne s’étonnerait, mes frères, d’un tel prodige dans lequel des animaux ont fait pour les hommes ce que les hommes ont coutume de faire pour les animaux !
Jésus-Christ, notre souverain Maître, a jeûné afin de vaincre le démon. C’est par le jeûne que les Apôtres se sont préparés à recevoir le Saint-Esprit.
Mais pourquoi faire ressortir l’efficacité du jeûne pour les hommes, quand nous le voyons hautement pratiqué par les femmes ? Judith, armée du jeûne, a coupé la tête du tyran Holopherne. Suzanne a trouvé dans le jeûne le moyen de confondre les faux témoins. La reine Esther s’est livrée au jeûne pour déjouer l’habileté d’un persécuteur et sauver la vie à son peuple.
La sainte Ecriture nous offre ainsi de nombreux exemples des puissants effets opérés par le jeûne, comme, au contraire, elle déroule sous nos yeux les maux de toute sorte produits par la violation du jeûne. Le fils de Saül, Jonathan, ne sachant pas que son père avait prescrit un jeûne absolu, recueillit un peu de miel avec une baguette et le goûta ; or, cette violation compromit l’armée tout entière, et vengeance dut être tirée de cette faute quoique involontaire. Si donc Jonathan ne laissa pas que d’être condamné pour avoir violé, sans le savoir, le jeûne prescrit par son père, combien doivent être plus coupables ceux qui méprisent sciemment les jeûnes qui leur sont commandés ?

   4 – Jeûnez donc, mes frères, dans la crainte que votre désobéissance ne soit regardée comme sacrilège par Notre-Seigneur Jésus-Christ qui règne dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

images1 carême dans De liturgia

Lire ou relire le sermon 65 de Saint Augustin sur la pénitence > ici.

2013-19. Aubenas, 7 février 1593 : les premiers martyrs de la Compagnie de Jésus en France.

7 février,
Fête des Bienheureux Jacques Salès et Guillaume Saultemouche, martyrs.

       Dans le diocèse de Viviers (ainsi que dans la Compagnie de Jésus), le 7 février, est célébrée la fête des Bienheureux Jacques Salès et Guillaume Saultemouche, premiers membres de la Compagnie de Jésus à avoir reçu la palme du martyre en France.
C’était le dimanche 7 février 1593 – il y a donc 420 ans en cette année 2013 – et cela se passait à Aubenas, petite ville du Vivarais.

2013-19. Aubenas, 7 février 1593 : les premiers martyrs de la Compagnie de Jésus en France. dans Chronique de Lully aubenas-profil-de-la-cite

Silhouette de la vieille ville d’Aubenas (état actuel)

A – Le diocèse de Viviers à la fin du XVIe siècle.

   Il semblerait que les erreurs calvinistes aient commencé à pénétrer dans le diocèse de Viviers (dont les contours sous l’Ancien Régime n’étaient pas ceux de l’actuel département de l’Ardèche) autour de 1530.
Leur propagation fut favorisée par le fait que, pendant presque trente ans (1554- 1583), les évêques qui se succédèrent sur le siège épiscopal de Viviers ne résidèrent pas – ou presque pas – dans leur diocèse.

   De laborieux estimations, recherches et calculs ont permis à certains historiens d’avancer qu’en 1573 il n’y avait guère plus de vingt prêtres en activité dans ce diocèse qui comptait alors quelque 210 paroisses.
La suppression des ordinations, consécutive à l’absence des évêques, n’en est pas la seule cause.
Il y eut -hélas! – des clercs qui apostasièrent ; il y eut aussi, à la faveur des luttes armées, de nombreux massacres dont les récits ou les traditions orales ont conservé le souvenir : pillages de monastères, supplices ou mutilations atroces infligés aux religieux, massacres de prêtres… etc.
L’ignorance religieuse se développant, du fait de l’absence des pasteurs, fit le lit des doctrines prétendument évangéliques des prédicants calvinistes.

   Ajoutons à cela la misère matérielle ; une enquête conduite par un juge royal au cours de l’été 1573 montre que les trois quarts des bénéfices du diocèse avaient été spoliés par les huguenots, ôtant tout moyen de subsistance aux clercs : « Contrainctz d’aller mendier leur povre vie chez leurs parents et amys et d’abandonner les lieux de leurs bénéfices (…) beaucoup se sont retirés dans le petit nombre des villes qui sont encore sous l’obéyssance de Sa Majesté », souvent loin du diocèse.

   Les édifices du culte avaient  été encore plus maltraités que leurs desservants. En cette même année 1573, un percepteur de décimes (taxes exceptionnelles perçues par le Roi sur les revenus du clergé) auquel sa charge imposait de circuler dans tout le Vivarais, déclare que « de toutes les églises et maisons presbytérales et claustrales du présent diocèse » il n’en connaît que trois ou quatre debout et qu’en de nombreux lieux « tout a été ruiné et aboli ».
Une dizaine d’années plus tard, lorsque Monseigneur Jean de l’Hostel (évêque de septembre 1575 à avril 1621) put prendre en mains la conduite de son diocèse, il délégua son grand vicaire, Nicolas de Vesc, pour une grande enquête et visite de ses églises ; la relation de Nicolas de Vesc porte sur quatre-vingt-cinq paroisses et égrène une longue et désolante litanie : « église ruinée, sans porte et sans autel », « église polluée », « église rompue », « détruite », « démolie », « renversée », « brisée par terre », « brûlée », « rasée »… etc.

   Dépourvu de prêtres, dépouillé de la majorité de ses lieux de culte, champ libre laissé à la prédication de l’hérésie, le diocèse de Viviers était donc dans une très grande détresse matérielle et spirituelle.

   Toutefois sous le pontificat de Monseigneur de l’Hostel, à partir de 1583, s’exprime une véritable volonté de reconquête des âmes et de restauration.
Dans cette perspective, les prêtres restés en place, avec les encouragements de leur évêque, ne vont pas hésiter à faire appel à des congrégations religieuses ferventes et dynamiques : en particulier, la Compagnie de Jésus.

bx-jacques-sales 1593 dans De liturgia

Le Bienheureux Jacques Salès (1556-1593)
prêtre de la Compagnie de Jésus. 

B – Le Révérend Père Jacques Salès et le Frère Guillaume Saultemouche.

   Jacques Salès (orthographe qui prévaut à l’heure actuelle mais souvent écrit Salez à l’époque) est né le 21 mars 1556, à Lezoux, petite ville du diocèse de Clermont (entre Clermont-Ferrand et Thiers).
Son père était maître d’hôtel de Monseigneur Guillaume Duprat, évêque de Clermont qui participe au concile de Trente et s’efforce d’en appliquer les réformes dans son diocèse. Monseigneur Duprat est un ami et un admirateur des premiers jésuites : il favorise leur introduction au Royaume de France. C’est ainsi qu’il leur donne son hôtel particulier à Paris, l’Hôtel de Clermont, pour qu’ils y fondent un collège, le fameux Collège de Clermont (1550). Il fonde d’autres collèges jésuites, à Billom (1556) et à Mauriac.

   Le jeune Jacques Salès, orphelin de mère alors qu’il est en bas âge, grandit dans un milieu de grande ferveur religieuse et de profonde éducation à la vertu.
A l’âge de 13 ans, grâce à la recommandation de Monseigneur Antoine de Saint-Nectaire, successeur de Monseigneur Duprat sur le siège épiscopal de Clermont, il est admis gratuitement au collège des jésuites de Billom.
Il est ensuite envoyé à Paris pour étudier la rhétorique et demande à entrer dans la Compagnie : il accomplit son noviciat à Verdun, est ordonné prêtre à 29 ans, passe son doctorat de théologie à l’université de Pont-à-Mousson, à 32 ans, puis est employé à l’enseignement.

   Le Père Jacques Salès est d’une santé extrêmement fragile ; c’est un grand asthmatique qui, en outre, doit s’alimenter fréquemment, sous peine de tomber sans connaissance pendant les cours qu’il dispense.
Pour ménager ses forces, ses supérieurs décident de l’envoyer sous des cieux plus cléments que ceux de Lorraine : il est muté au Collège de Tournon (aujourd’hui Tournon-sur-Rhône) où – bientôt déchargé d’enseignement – il travaille essentiellement à la rédaction de petits traités doctrinaux et apologétiques. En raison du talent particulier qui est le sien d’exposer avec clarté et ferveur le dogme et la morale catholiques, il est aussi employé à la prédication de missions.
Il avait eu le désir de partir vers les missions lointaines et d’y subir le martyre sanglant pour l’amour de Jésus, il allait être exaucé sans avoir à franchir les océans.

   Guillaume Saultemouche, auvergnat lui-aussi, est né en 1555 à Saint-Germain-l’Herm, au coeur des monts du Livradois (entre Issoire et Ambert).
Remarqué pour sa très grande piété, sa douceur et sa candeur, il est admis à l’âge de 16 ans dans la Compagnie de Jésus en qualité de frère coadjuteur. Il exerce les humbles fonctions de frère portier à Pont-à-Mousson, puis à Lyon. On admire sa très grande dévotion envers le Très Saint-Sacrement, devant lequel il reste en adoration à tous ses moments libres.
Il est de passage au Collège de Tournon à la fin de l’année 1592.

bx-guillaume-saultemouche 7 février dans Lectures & relectures

Le Bienheureux Guillaume Saultemouche (1555-1593)
frère coadjuteur de la Compagnie de Jésus. 

C- Le Père Salès et le Frère Guillaume en mission à Aubenas.

   La ville d’Aubenas, ville stratégique du sud du Vivarais, après avoir été terrorisée et dévastée par les huguenots, avait été reprise par le gouverneur catholique : on restaurait les ruines tant matérielles que spirituelles subies par le peuple catholique. Voilà pourquoi fut sollicitée, auprès des supérieurs de la Compagnie, la venue d’un missionnaire : c’est le Père Jacques Salès qui  fut désigné, et on lui adjoignit le Frère Guillaume Saultemouche, qui se trouvait alors disponible et dont la piété signalée ne pourrait qu’édifier les fidèles.
La présence des deux jésuites était prévue « depuis les Avents jusques à Pâques » : comme Pâques était, pour 1593, le 18 avril, la mission devait donc durer environ quatre mois et demi. En fait elle sera interrompue au bout de deux mois par les évènements que nous décrirons plus loin.
Deux témoignages précis laissent à penser que le Père Jacques Salès avait été surnaturellement averti du sort qui l’attendait puisque, en quittant le Collège de Tournon, il avait dit à un confrère : « Adieu, mon frère, priez Dieu pour nous, nous allons à la mort », et à un de ses dirigés : « Adieu, mon fils, vous ne me verrez plus ».

   Arrivés « en Aubenas » – comme on disait alors – au début du mois de décembre, les deux jésuites se livrèrent avec zèle aux travaux apostoliques : il s’agissait d’aider le curé, l’abbé Jean de Martine, à restaurer le culte catholique et la ferveur des fidèles, ébranlée par des années d’irrégularités dans la célébration des sacrements et l’enseignement de la solide doctrine, et de tout mettre en oeuvre pour ramener les protestants à la vraie foi.
La prédication était, bien évidemment, le principal moyen de cet apostolat ; mais s’y ajoutaient aussi l’organisation de cérémonies les plus belles possibles et, très concrètement, d’incessants contacts personnels avec la population, dans les rues, dans les échoppes, dans les maisons, lorsqu’on était invité à y entrer…

   La très grande science du Révérend Père Salès, conjuguée avec une onction et une piété qui impressionnaient jusqu’aux huguenots, la vigueur de sa prédication alliée à la grande douceur qui émanait de lui, l’exemplarité du Frère Guillaume dans son humilité et sa ferveur, portèrent rapidement des fruits : de nombreux catholiques tièdes et déboussolés reprirent le chemin de l’église et la pratique des sacrements, des protestants commencèrent à abjurer leurs erreurs et demandèrent à être réintégrés dans la communion catholique.
Les missionnaires étendirent leur apostolat à l’extérieur de la cité : les chroniqueurs rapportent leur passage dans plusieurs paroisses des environs, parfois distantes de six ou sept lieues.

   Les ministres protestants étaient furieux de ce succès. A plusieurs reprises, certains d’entre eux avaient été conviés par le Père Jacques à des rencontres publiques, où ils auraient pu débattre, mais à chaque fois, les pasteurs s’étaient défilés.
Voyant bien qu’ils n’étaient pas capables d’apporter en faveur des doctrines erronées de Calvin des arguments solidement établis par les Saintes Ecritures et la Tradition, ils résolurent d’imposer le silence au prédicateur par d’autres méthodes.

arrestation-martyrs-daubenas Guillaume Saultemouche dans Memento

L’arrestation du Père Jacques et du Frère Guillaume par les huguenots
(image de dévotion éditée au moment de leur béatification – 1926) 

D – Le martyre. 

    »… Voici que le sixième de février en l’an mil cinq cent nonante-trois, devant le jour, Aubenas au milieu des trêves est traîtreusement surprise avec escalade, escaladée par quinze soldats seulement, lesquels ne rencontrant résistance (…), se font maîtres de la ville. Toute cette traîtreuse escouade était conduite par Sarjas, capitaine huguenot. » (*)
Cela a été vrai de tous temps : une poignée de scélérats armés et fanatisés peut imposer la terreur à plusieurs centaines d’honnêtes gens. C’est ce qui se produisit à Aubenas ce 6 février 1593.

   Le soir du 5 février, le Père Salès avait veillé jusque vers 23 heures, occupé qu’il était à travailler à la conversion d’une « damoiselle hérétique qui, depuis, a persisté toujours en la foi catholique ».
Vers les 4 heures du matin, il fut réveillé par les cris des assaillants. Se levant, au lieu d’aller se réfugier au château, il alla prier dans la chapelle Sainte-Anne, proche de la maison particulière dans laquelle les deux jésuites étaient logés.
« 
S’étant en quelque temps en cette chapelle résigné ès mains de Dieu, il se retire en sa chambre où, prosterné en terre avec son compagnon, ils s’offrent à Dieu en sacrifice, le requérant de leur vouloir départir force et courage pour pouvoir supporter la mort, si tant était que, pour l’amour de lui, ils fussent dignes de l’endurer. Ils restèrent ainsi jusques à soleil levant. Lors voici trois soldats ne respirant que cruauté, qui heurtent à la porte. On leur ouvre. Entrés qu’ils furent, ils trouvent nos deux martyrs à genoux, chacun avec un livre de dévotion en main, priant Dieu. Ces misérables, de prime face, chargent d’outrages nos deux victimes et les serrent à la gorge. On les interroge qui ils étaient : « Nous sommes, répondent-ils, de la Compagnie de Jésus» (…) ».
Les ayant faits prisonniers, ces soldats, avec force coups et vociférations, entraînèrent les deux jésuites dans une autre maison où vinrent les trouver trois ministres protestants qui étaient, selon toute vraisemblance, les instigateurs de l’attaque de la cité : ces pasteurs, avec des paroles mielleuses et une feinte amabilité, voulurent convaincre le père de la justesse des théories de Calvin… en vain, on s’en doute bien.
Puis, devant les deux religieux à jeûn, ils se firent servir un copieux repas au cours duquel ils pérorèrent longuement.
Il était environ deux heures après midi. On s’en souvient : le Père Jacques Salès, asthmatique et souffrant de fréquents malaises hypoglycémiques, ne pouvait rester longtemps sans manger. Un domestique de la maison suggéra aux pasteurs qu’il faudrait peut-être donner quelque nourriture aux deux jésuites. On leur fit donc apporter à chacun une assiette de potage ; mais celui-ci était gras et, en ce temps-là, l’abstinence était de précepte le samedi : les deux religieux n’y gouttèrent donc pas. Cela déchaîna les moqueries et la colère des ministres huguenots ; cependant le Père sut leur répondre par des arguments tirés de la Sainte Ecriture et de la tradition des premiers siècles auxquels ils ne purent rien objecter. Avec des injures ils attaquèrent ensuite les doctrines catholiques du libre-arbitre, de la prédestination, des sacrements et en particulier de la Sainte Eucharistie. Là encore, le missionnaire sut si bien leur répliquer qu’ils ne pouvaient plus argumenter.
« Après ce, les trois prédicants sortent de la maison fort indignés de se voir étrillés de la sorte, trois par un seul. La nuit s’approchait, et le Père, comme son compagnon, était encore à déjeuner (c’est-à-dire qu’ils n’avaient pas rompu le jeûne) sans que personne leur baillât rien, fors le petit enfant de cette maison-là, lequel, en cachette, leur porta quelque morceau de pain, à ce que j’ai appris. Nos deux pauvres prisonniers, laissés à la merci des soldats, passent la froide nuit ensuivante sans feu, sans lit et sans beaucoup de sommeil ».

   Le lendemain, qui était le dimanche 7 février 1593, les pasteurs revinrent, «vomissant autant d’outrages que leurs têtes en pouvaient dégorger», et ré-attaquèrent le Père sur la doctrine eucharistique, mais ils ne réussirent qu’à se couvrir de confusion.
L’heure du prêche étant venu, l’un des pasteurs, nommé Labat, harangua avec véhémence les sectateurs de Calvin sur la place publique, niant la réalité du Saint-Sacrifice de la Messe et la Présence Réelle du Christ dans l’Eucharistie, traitant le jésuite de faux-prophète et d’antéchrist, puis donnant l’exemple du prophète Elie qui avait fait égorger les faux prophètes de Baal : « 
Tuez cela, tuez ; c’est une peste ! Il y en a assez en lui pour perdre la ville d’Aubenas, mais encore un entier royaume !»
«Descendu de chaire, il rencontre Sarjas, bien persuadé à mal faire, lui inculquant que jamais il n’avait rencontré homme plus obstiné que celui-là ; qu’il était de nécessité d’épandre son sang, puisqu’il était une peste à leur religion. Sarjas se montre si fort esclave des passions de ce ministre, qu’étant sorti du prêche avec environ vingt soldats, il commande à trois d’iceux d’aller assassiner ceux que son prédicant lui avait indiqués».
Ces trois soldats, qui avaient été impressionnés par la foi et la paisible détermination du prêtre, se récusèrent, si bien que le pasteur Labat lui-même prit la tête d’un détachement de gens armés et s’en fut à la maison où les deux jésuites étaient retenus. Il envoya quelques soldats pour les faire descendre dans la rue : 
« Suis-moi, idolâtre Pharisien, suis-moi! — Et où me voulez-vous mener? réplique le Père. — Suis-moi, suis-moi! recharge cet assassin, il te faut mourir. — Je suis tout prêt, répond le Père, allons au nom de Dieu ». Lors, se retournant vers son compagnon qui ne cessait de prier Dieu : « Et vous, mon frère, que deviendrez-vous? Ayez bon courage. Ah! que nous deviendrons grands au ciel, de petits compagnons que nous sommes en ce monde, si nous pâtissons quelque chose pour Dieu! » Lors, le Père signifia à tous que son compagnon n’était pas homme de lettres, que, partant, il ne pouvait point faire de préjudice à leur créance ; qu’on le laissât vivre.
Ce fut en cet endroit que notre Frère Guillaume fit montre de sa vertu : « Je ne vous abandonnerai point, mon Père, s’écria-t-il, ains je mourrai avec vous pour la vérité des points que vous avez disputés! »
Un de la compagnie l’avertit aussi de se retirer, que ce n’était pas pour lui que cette tragédie se jouait, ains seulement pour le Père. A quoi le vertueux Guillaume repartit : « Dieu me garde de tomber en cette faute ; je n’abandonnerai jamais celui-là auquel l’obéissance m’a adjoint pour compagnon, quand bien même je devrais trépasser avec lui. Je l’accompagnerai jusques à la fosse. Que si la divine Miséricorde me voulait faire tant de grâce, que quelque soldat me dépêchât pour son honneur, j’en serais très-aise, et prierais Dieu pour lui, outre le pardon que dès maintenant je lui fais de ma vie… »

   Les deux jésuites sont alors bourrés de coups et amenés dans la rue. « Le prédicant Labat voyant le Père en la rue, derechef l’attaque et l’agace, avec quelques autres, sur la réalité du corps de notre Sauveur au Sacrement de l’autel. Mais le Père répondant à tout pertinemment, le ministre Labat fut si courroucé que perdant patience et conscience, il crie : « Dépêchez cela, dépêchez cela ; il ne mérite point de vivre, c’est une peste! » Puis réitérant ce qu’il avait débagoulé en chaire, il tourne bride et se retire. »
Plusieurs soldats huguenots manifestèrent à ce moment-là leur réprobation de ce crime, mais d’autres, de ceux qui avaient pris la ville avec le dénommé Sarjas, affirmèrent leur détermination d’en finir.
Alors le Père s’adressa au Frère Guillaume :  
« Mon frère, recommandons-nous à Dieu » (…) Il se prosterne à deux genoux. Son compagnon s’y prosterne de même à quelques pas de lui. On ne leur fit grâce de beaucoup prier ; car voici, par derrière, comme le Père se recommandait à son patron saint Jacques, redoublant les noms de Dieu et de Jésus, un des assassins délâcha son arquebuse de laquelle le Père fut atteint en l’épaule, dont il chût par terre, prononçant par trois fois : « Jesu! Maria!». Puis le meurtrier s’avançant plus près, lui sacque un coup de dague dans l’estomac. Guillaume se jette sur le Père, l’embrasse et proteste qu’il ne l’abandonnerait mort, non plus qu’il ne l’avait abandonné vivant. Pour ce, il reçut de la main du même meurtrier un coup de dague au sein. Mais n’en ayant rendu l’âme, survinrent sur-le-champ quelques autres qui lancèrent au Père et à lui divers coups d’épées et de bâtons ferrés. Il fut poignardé (…) tenant toujours ses bras en croix, et ne prononçant autre chose que ces mots : «Endure, chair, endure un peu!»  J’ai appris que le Père Salez, pendant qu’on le meurtrissait, avait aussi les deux pouces en croix, laquelle continuellement il baisait, quoique les huguenots, à grands coups, lui abattissent les mains à ce qu’il ne baisât cette croix. Cependant il ne cessait de supplier pour eux la Majesté divine, s’écriant : «Mon Dieu, pardonnez-leur!» (…) 
Un soldat qui vit faire ce meurtre, m’a déclaré que le Père gisant à terre, tint quelque temps sa main sous son chef, les yeux dressés au ciel, et que la force lui manquant, son chef pencha en terre et qu’ainsi il expira. Le B. Guillaume fut plus de temps à rendre l’âme. (…) Cet heureux martyre arriva le septième février, mil cinq cent nonante-trois. Le Père avait demeuré vingt ans en la Compagnie, et notre Frère, douze. Le premier rendant l’âme au trente-septième an de sa vie, et le second au trente-huitième « .

   Il était environ deux heures de l’après-midi quand les deux religieux furent massacrés.
Leurs corps furent dépouillés et quelques huguenots se revêtirent par dérision de leurs soutanes et chapeaux pour se promener en ville.
Le Père Jacques fut laissé tout nu sur le pavé, au Frère Guillaume on laissa sa chemise, non par compassion mais parce qu’elle avait été toute déchirée par les meurtriers et qu’elle était donc irrécupérable.
Les bourreaux s’acharnèrent encore sur les cadavres en se livrant à de grossiers outrages que la décence se refuse à nommer… Ils dansèrent et sautillèrent autour de ces dépouilles saintes en parodiant des prières latines, puis elles furent laissées exposées ainsi pendant six jours, au bout desquels deux catholiques vinrent les prendre pour les enterrer dans un jardin.

aubenas-chapelle-des-martyrs Jacques Salès dans Nos amis les Saints

Aubenas en Vivarais : au chevet de l’église paroissiale Saint-Laurent,
la « chapelle des Martyrs »,
dédiée depuis leur béatification à la vénération des reliques des Bienheureux Jacques et Guillaume.

E – Vénération et culte des martyrs d’Aubenas.

   Le Père Odon de Gissey [voir la note (*) ci-dessous] écrit encore : « En nos collèges, la nouvelle de ce méchef étant apportée, servit de consolation à tous. Au collège du Puy, où je me retrouvais pour lors, au lieu des suffrages pour les trépassés, on récita tous ensemble le Te Deum à la fin des litanies, et le lendemain les prêtres célébrèrent la Messe de la très Sainte Trinité en action de grâces ».
C’était la première fois que des fils de Saint Ignace mourraient en martyrs sur le sol de France.

   Quelques jours plus tard, le gouverneur (qui avait été absent lors de ces évènements) put reprendre le contrôle de la ville et y rétablir l’ordre ; une enquête fut diligentée, recueillant des témoignages sur ce qui s’était passé. 

   Une pieuse châtelaine, Madame de Chaussy, obtint, deux ans plus tard, de faire exhumer les restes des deux martyrs. Elle les fit transporter dans une chapelle de sa famille, dans l’église de Ruoms, où elles demeurèrent plusieurs mois.
Les jésuites d’Avignon intervinrent alors pour récupérer les reliques qui firent l’objet d’une « dispersion » : Madame de Chaussy en conserva quelques parcelles dans la chapelle de son château, mais les plus grosses parts des deux saints corps furent distribués entre les collèges jésuites d’Avignon, du Puy, d’Aubenas (nouvellement créé), de Tournon, de Chambéry, de Dôle… etc. Des reliques furent également envoyées à Rome, en Espagne, et au Cardinal François de Joyeuse (frère du Père Ange, duc de Joyeuse, maréchal de France et capucin > ici).
Des guérisons miraculeuses et des grâces ne tardèrent pas à être obtenues : comme le Père Jacques Salès avait été gravement atteint par l’asthme, beaucoup d’asthmatiques recoururent à son intercession et se trouvèrent soulagés.

   Le Roi Louis XIV lui-même sollicita du Saint-Siège leur canonisation. En 1729 une supplique solennelle fut aussi adressée à Rome par les Etats du Languedoc.
Mais la suppression de la Compagnie et la grande révolution freinèrent l’introduction et l’avancement du procès canonique.
Enfin, en 1926, le Pape Pie XI les éleva aux honneurs de la béatification en leur décernant le titre de « Martyrs de l’Eucharistie ».

   Les reliques conservées dans la chapelle du Collège des jésuites d’Aubenas, malgré les aléas de l’histoire et du bâtiment (dans cette chapelle, au début du XXe siècle et avant sa totale destruction, les francs-maçons tinrent des « banquets laïcs et républicains » au cours desquels ils se déchaînèrent en blasphèmes), furent préservées et sont dorénavant exposées dans une châsse, au-dessus de l’autel de la « chapelle des Martyrs », au chevet de l’église Saint-Laurent d’Aubenas (cliché ci-dessus).
En nos temps, le culte de ces glorieux martyrs n’est plus célébré avec la ferveur et la pompe d’autrefois : la pratique d’un faux oecuménisme avec les protestants est embarrassée par ces deux jésuites, puisque – selon une certaine manière d’enseigner l’histoire – il n’y aurait eu que de gentils protestants à l’exemplaire doctrine évangélique à avoir été massacrés par de méchants catholiques qui avaient déformé l’enseignement du Christ…
Ceci au point que cette « chapelle des Martyrs » a été rebaptisée « chapelle de l’unité » et réaménagée de telle sorte qu’un « autel-face-au-peuple » de forme cubique y a été installé à l’opposé de l’autel traditionnel, si bien que les fidèles qui y assistent à la messe tournent le dos aux reliques des deux Bienheureux !

   Dans l’oratoire de notre Mesnil-Marie, nous sommes extrêmement heureux de posséder un médaillon reliquaire (avec son certificat d’authenticité) dans lequel se trouvent des parcelles des ossements des Bienheureux Jacques Salès et Guillaume Saultemouche, martyrs de l’Eucharistie : il nous a été offert par un vieil ami prêtre au moment de la fermeture d’une résidence de jésuites, étant donné que la majorité des pères n’avait plus rien à faire de ces « gadgets » sans rapport avec « ce que nous vivons dans l’Eglise depuis Vatican II » (sic)!

   Puissent les Bienheureux Jacques et Guillaume nous inspirer – ainsi qu’à tous ceux qui liront ces lignes – une foi toujours plus vive dans le Très Saint-Sacrement de l’autel, un zèle toujours plus ardent pour défendre la foi véritable dans le Saint-Sacrifice de la Messe et la Présence Réelle de Notre-Seigneur Jésus-Christ dans la Sainte Eucharistie en face des hérésies contemporaines, et une amoureuse fidélité jusqu’à la mort, quoi qu’il puisse nous en coûter.

Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur.

reliques-bbx-jacques-and-guillaume jésuites martyrs

Médaillon renfermant des reliques des
Bienheureux Jacques Salès et Guillaume Saultemouche, martyrs de l’Eucharistie,
conservé avec grande vénération dans l’oratoire du Mesnil-Marie

eucaristia04copie martyrs d'Aubenas

(*) Note : Tous les passages entre guillemets et de couleur violette que l’on trouve ici, sont extraits de la narration du martyre du Père Jacques et du Frère Guillaume rédigée par le Révérend Père Odon de Gissey, contemporain des faits, qui recueillit avec soin les récits de témoins oculaires, les mit en forme et enfin les publia une trentaine d’années après les évènements [Odon de Gissey, Recueil de la vie et martyre du P. Jacques Salez et de Guillaume son compagnon. Toulouse, 1627, 1642; Avignon, 1869].

2013-17. « Beaucoup de péchés sont regardés comme légers et n’en sont pas moins très-dangereux, précisément parce qu’ils ne sont pas considérés comme péchés ».

       Le saint temps du Carême est tout proche.
Avons-nous prévu sérieusement nos efforts de pénitence et de conversion?
Ne prenons pas ce temps particulièrement important et béni à la légère ; gardons-nous de passer à côté de la grâce que Notre-Seigneur nous offre…

Voici une très belle homélie de Saint Augustin pour nous aider à y réfléchir.

2013-17.

Benozzo Gozzoli : la conversion de Saint Augustin (détail) 

Soixante-cinquième sermon de notre glorieux Père Saint Augustin :


La Pénitence.

Résumé : § 1. La pénitence est nécessaire à tous. § 2. Chacun doit examiner sa conscience ; exemple des Ninivites. § 3. La pénitence doit être pratiquée par les justes eux-mêmes. § 4. Personne ne peut, se soustraire à ce devoir, alors même qu’on se flatterait d’être juste ; une telle prétention serait à elle seule un crime. § 5. Conclusion.

* * * * * * *

   1. Dans la lecture de l’Evangile, nous avons entendu ces paroles : « Faites pénitence, car le royaume des cieux est proche » (Matth. IV, 17). Le royaume des cieux, c’est Jésus-Christ qui sait discerner les bons d’avec les méchants, et juger de toutes choses. Prévenons donc le courroux de Dieu en confessant nos péchés, et avant de paraître en jugement purifions nos âmes de toutes leurs erreurs. Le danger serait de ne point savoir quel remède nous devons appliquer au péché ; comprenons du moins que, devant expier les causes de notre négligence, c’est pour nous une obligation de faire pénitence. Sachez, mes frères, quel amour nous a prodigué le Seigneur notre Dieu, puisqu’Il veut que nous expiions nos fautes avant de paraître à Son tribunal, où nous ne trouverions que la justice. Il nous prévient donc à l’avance, afin de n’avoir pas à nous traiter dans toute Sa sévère équité. Si donc notre Dieu demande que de nos yeux découlent des larmes abondantes, c’est afin de nous faire recouvrer par la pénitence ce que nous avons perdu par notre négligence. Dieu connaît toute la mobilité et la fragilité humaines ; Il sait que notre corps est une cause fréquente de péchés et que nos discours sont pleins d’imperfections. Voilà pourquoi Il nous prescrit la pénitence, afin que par elle nous corrigions nos défauts et réparions nos fautes. Si l’homme est assuré de son pardon, il n’en doit pas moins s’inquiéter de la satisfaction. Je sais qu’ici nous sommes exposés à bien des blessures, et cependant personne ne doit désespérer ; car le Seigneur est infini dans Sa miséricorde, et Il est tout-puissant pour guérir nos langueurs.

   2. Quelqu’un me dira peut-être qu’il ne trouve en lui-même aucun motif de pleurer. Mais alors qu’il rentre dans sa conscience, et il y rencontrera le souvenir toujours vivant de quelque péché. L’un soutire d’une plaie du coeur, l’autre d’une injure du corps ; celui-ci est dominé par l’orgueil, celui-là brûle de telle ou telle cupidité ; ici c’est le mensonge, là c’est l’avarice qui a été peut-être jusqu’à réduire le prochain à la pauvreté ; tel a versé injustement le sang de son frère, tel s’est souillé par des relations criminelles avec une femme de mauvaise vie. Devant des plaies si grandes et si nombreuses de l’esprit ou du corps, se peut-il qu’il n’y ait lieu de pousser aucun gémissement, de verser aucune larme? Que personne ne rougisse de présenter à Dieu ses blessures. Si la honte vous empêche de découvrir vos plaies, jamais vous n’en obtiendrez le remède. Parmi les maladies, les unes sont plus faciles, les autres plus difficiles à guérir. Mais, de tous les malades, le plus difficile à soigner, c’est assurément celui qui ne veut pas l’être. C’est l’Ecriture elle-même qui en fait l’observation. Aucun de ceux qui ont cherché le remède n’a péri, tandis que celui qui l’a méprisé n’a pu échapper à la mort. Ninive était menacée de périr après trois jours si elle ne faisait pas pénitence. Voici ce qu’avait dit le Prophète : « Trois jours encore et Ninive sera détruite. Et cette parole arriva jusqu’aux oreilles du roi de Ninive ; il se leva de son siège, se dépouilla de ses vêtements, se couvrit d’un cilice et s’assit sur la cendre » (Jonas III, 4, 6). Satisfaction bien méritoire, mes frères ; ce roi se dépouille de ses vêtements royaux et se couvre d’un cilice. Il aime mieux se sauver dans le cilice que de périr dans la pourpre. Où était alors ce faste du trône? Pour échapper au châtiment de son orgueil, il cherche un refuge dans les bras de l’humilité, afin de vous faire comprendre que Dieu attache plus de prix à l’humilité qu’à la puissance. En effet, c’en était fait du royaume de Ninive, si la pénitence n’était venue le protéger contre les châtiments du ciel.

   3. Une circonstance frappante dans cette pénitente des Ninivites, c’est que le jeûne fut imposé aux enfants et aux animaux eux-mêmes. Mais pourquoi faire jeûner des enfants qui étaient sans péché? C’est que les innocents jeûnaient, afin de procurer le salut aux coupables. L’enfant implorait pardon, afin que le vieillard ne pérît pas. Le jeûne des enfants, soit encore, mais pourquoi le jeûne des animaux? Pour que la faim ressentie par les animaux prouvât mieux la pénitence des hommes ; leur rugissement devait être comme une prière lancée vers le ciel pour en faire redescendre la miséricorde en faveur des coupables. Nous aussi, mes frères, formons un saint accord entre notre coeur et notre foi, afin de crier plus efficacement vers le Seigneur notre Dieu. Les Ninivites imploraient, après s’être rendus coupables ; pour nous, sachons implorer, afin que nous ne tombions pas dans le péché. Bienheureux celui que la crainte de Dieu dispense de tout châtiment, et qui, pour faire le bien, n’a besoin que de connaître la loi de Dieu, et non d’en subir la punition ! Il n’y a pas de châtiment à redouter pour celui qui sait craindre la justice de Dieu.

   4. Quelqu’un de la foule me répondra peut-être : Que puis-je craindre, puisque je ne fais aucun mal? Ecoutez cette parole de l’apôtre saint Jean : « Si nous disons que nous sommes sans péché, nous nous trompons nous-mêmes, et la vérité n’est point en nous » (I Jean I, 8). Que personne ne vous séduise ; la pire espèce de péché, c’est de ne pas connaître ses péchés. Ceux qui les connaissent peuvent se réconcilier avec Dieu par la pénitence. Parmi les pécheurs, celui dont l’état est le plus alarmant, c’est celui qui se flatte qu’il n’y a pas eu en lui de quoi alarmer. Beaucoup de péchés sont regardés comme légers et n’en sont pas moins très-dangereux, précisément parce qu’ils ne sont pas considérés comme péchés. Le mal le plus séduisant, c’est celui qui ne paraît pas un mal. Je ne parle pas des homicides, des adultères, des mauvaises persuasions ; plaise à Dieu qu’aucun chrétien ne s’y laisse entraîner ; et s’il succombe, le sentiment de son crime le portera à le pleurer aussitôt. Je parle de ces autres péchés qui passent pour beaucoup plus légers. Qui de vous pourrait se dire exempt de toute intempérance, de toute ambition, de toute jalousie, de toute cupidité, de toute avarice? Voilà pourquoi, selon la parole de l’Ecriture, je vous exhorte à vous humilier sous la puissante main de Dieu ; puisque personne n’est sans péché, que personne ne s’exempte de la pénitence, car ce serait être coupable que de se croire innocent. On peut n’avoir que des péchés légers, toujours est-il qu’on n’est jamais sans péché : « Personne n’est exempt de toute faute » (Job XIV, 4).

   5. Que ceux donc qui sont plus gravement coupables, implorent leur pardon avec plus d’instance. Que ceux qui se sont abstenus des plus grandes fautes, demandent d’en être délivrés, par la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui vit et règne avec le Père et le Saint-Esprit dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

sacrec15 carême dans De liturgia

Petit catéchisme sur le carême et la pénitence > ici

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