Archive pour la catégorie 'Lectures & relectures'

2015-23. Un très bel ouvrage à consulter et à mettre en pratique : « Le livre des Simples » d’Erika Laïs.

Charlemagne et Alcuin

« Nous voulons que l’on cultive dans le jardin toutes les plantes, à savoir : lis, roses, fenugrec, costus, sauge, rue, aurone, concombres, melons, gourde, dolique, cumin, romarin, carvi, pois chiche, scille, iris, estragon, anis, coloquinte, chicorée amère, ammi, chervis, laitue, nigelle, roquette, cresson, bardane, menthe pouliot, maceron, persil, ache, livèche, sabine, aneth, fenouil, chicorée, dictame, moutarde, sarriette, nasitort, menthe, menthe sauvage, tanaisie, cataire, grande camomille, pavot, bette, asaret, guimauve, mauve, carotte, panais, arroche, blette, chou-rave, chou, oignons, ciboulette, poireau, radis, échalote, cive, ail, garance, cardon, fève, pois, coriandre, cerfeuil, épurge, sclarée.
Et que le jardinier ait au-dessus de sa maison de la joubarbe. »

Bienheureux Charlemagne – capitulaire « de villis vel curtis imperialibus », § 70.

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Mercredi 28 janvier 2015,
Fête de Saint Charlemagne, roi des Francs et empereur d’Occident (cf. > www) ;
Anniversaire de la mort de Henri de La Rochejaquelein (28 janvier 1794).

Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,

Il y a déjà plusieurs semaines que je voulais vous entretenir d’un très bel ouvrage, que l’auteur, Madame Erika Laïs, nous a fait l’honneur et la joie de nous offrir à l’occasion de la fête de Saint Nicolas (un saint que nous aimons beaucoup au Mesnil-Marie !).
Si j’ai attendu ce 28 janvier, c’est en raison de la fête de Saint Charlemagne - à tout seigneur tout honneur – lui qui légiféra (ainsi que l’atteste la citation de sa célèbre capitulaire « de Villis » que j’ai mise en  tête de ma publication de ce jour), pour que les domaines royaux et les monastères cultivassent quatre-vingt-quatorze plantes potagères, fruitières, médicinales, textiles et tinctoriales. 

« Cultiver les plantes médicinales, ce n’est pas seulement « jardiner », c’est aussi se plonger dans notre histoire, dans les racines de notre civilisation, dans un univers où les plantes parlent depuis longtemps à ceux qui savent les observer avec des yeux sensibles », écrit très justement Erika Laïs dans son introduction.
« Le Livre des Simples » est tout à la fois un ouvrage remarquable par la qualité et le soin de sa présentation – on se plaît à le feuilleter déjà rien que pour le plaisir des yeux – , un livre « pratique » parce qu’il explique de façon claire comment cultiver chacune des plantes qu’il décrit et dont il expose les vertus, et une véritable somme rassemblant un pan précieux de notre culture occidentale, aujourd’hui menacée par les assauts d’une effrayante barbarie

A votre intention, chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion, j’ai voulu poser sept questions à Erika Laïs, auxquelles elle a répondu de très bonne grâce : qu’elle soit ici très chat-leureusement remerciée pour ce très beau livre, pour le travail qu’elle accomplit, ainsi que pour sa bienveillante amitié.

Lully.

livre des simples

Erika Laïs : « Le livre des Simples » – Rustica éditions.

Question n° 1 : Erika Laïs, vous avez été la bonne fée de quelques-uns de mes cousins : je ne citerai que Zébulon, abandonné dans un trou du mur entourant le Musée Picasso de Vallauris ; Odinn, recueilli au pied du mur du cimetière qui va de la plage au village de Sainte-Anne en Martinique ; et Radja, récupéré de force par l’Ecole du Chat en Picardie pour cause de maltraitance… Je sais donc que vous prêterez une oreille attentive aux questions d’un chat monastique !
Pourriez-vous donc, s’il vous plaît, nous dire tout d’abord quel a été votre parcours ?

Réponse : Mon cher Maître-Chat Lully, tes questions mêmes comprennent déjà pas mal d’indices à mon égard.
J’aime les chats ! et les animaux en général ! et la nature globalement ! et les plantes, et les hommes !!!
Alors, mon parcours s’est exercé dans un certain nombre de ces domaines. Par exemple, j’ai suivi, dès les années 1970, des enseignements d’herboristerie et de phytothérapie. Et cela même au cours de l’été 1976, année d’extrême sécheresse, où toutes les campagnes de France furent grillées et quasi réduites en cendres. Hormis l’Aveyron, lieu de mon stage, qui fut contre toute attente une oasis de verdure ! A nous donc la saponaire, l’aigremoine, l’herbe-au-charpentier et tant d’autres plantes médicinales.
 

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Question n° 2 : Comment et pourquoi êtes-vous arrivée à approfondir la connaissance des plantes et de leurs bienfaits ?

Réponse : J’ai été soignée par les plantes médicinales – et d’ailleurs par d’autres méthodes naturelles – depuis mon enfance par ma mère. Cela fait donc partie de mes « expériences » thérapeutiques de toujours.
Par ailleurs, étant née en Forêt-Noire, j’ai grandi dans un environnement magnifique, d’une richesse exceptionnelle en plantes sauvages, quasiment toutes médicinales. Certains endroits furent tenus bien secrets, l’endroit où pousse l’arnica des montagnes par exemple, à l’instar des endroits bien gardés par les chasseurs de champignons !
Cela dit, mon cher Lully, note bien que certains cas nécessitent des remèdes plus virulents, pour les hommes comme pour les petits félins.

Lully et le livre des Simples d'Erika Laïs

Question n° 3 : Présentez-nous votre Livre des Simples.

Réponse : Dans mon Livre des Simples, je présente cinquante plantes faciles à trouver dans la nature ou faciles à cultiver au jardin.
Pour chaque plante, je présente une petite introduction historique la concernant, puis ses vertus et ses signes particuliers, ses parties utilisées ainsi que sa cueillette et sa conservation. Quelques recettes viennent compléter chaque portrait de plante.
Mais j’ai aussi tenu à indiquer la façon de cultiver soi-même les plantes dans son jardin, de façon tout à fait pratique, sur la base de mes expérimentations personnelles conduites dans mon propre jardin. Et, le croirais-tu ? J’ai même fait pousser de l’Herbe-à-chats (Valeriana officinalis) !
J’ai complété le livre par un petit aperçu de personnages – anciens et modernes – qui ont apporté leur pierre à l’édifice des plantes médicinales à travers les siècles et que j’affectionne particulièrement, un glossaire pour les termes spécifiques, et une liste de fournisseurs où le lecteur peut trouver toutes les graines ou plants pour créer son propre jardin des Simples. J’attire ton attention aussi sur le « Prologue » qui condense en un seul poème un bon nombre de mes préférences : l’Ecole de Salerne, le Moyen Age, les lais courtois…

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Question n° 4 : Cet ouvrage n’est pas votre première publication : qu’est-ce qu’il a de différent, de complémentaire, par rapport à vos autres ouvrages ?

Réponse : D’un livre à l’autre, le choix des plantes peut varier, mais aussi leur angle de présentation.
Le Livre des Simples est avant tout centré sur les propriétés médicinales des plantes, tandis que mon Grimoire des plantes de sorcière dévoile surtout les propriétés mystérieuses des plantes, leurs usages dans les croyances populaires, mais tout comme pour les Simples, je donne aussi des conseils de plantation dans son jardin.
Dans mon ABCdaire des Plantes aromatiques et médicinales, j’ai voulu mettre en avant l’histoire des plantes et de la médecine par les plantes (thériaque, élixir de jouvence, théorie des signatures, etc.), et dans Des plantes médicinales faciles à trouver, le titre dit déjà presque tout : des plantes courantes, reconnaissables même par le non initié, et des recettes simples à mettre en œuvre.

Erika Laïs - Le livre des Simples - Sommaire

Question n° 5 : Vous faites connaître les plantes à travers des livres, mais pas seulement, parlez-nous de vos autres activités et de vos projets.

Réponse : En fait, j’avais créé et géré pendant assez longtemps une herboristerie à Paris. A cet effet, j’avais suivi de nombreux enseignements et stages, et mes livres sont le fruit de mes connaissances et expériences personnelles.
En plus de mes livres, j’écris régulièrement pour le journal de jardinage « Rustica Hebdo » ; je donne des conférences ou organise des ateliers pratiques, y compris pour des enfants.
Actuellement, je travaille sur le Hors-Série de « Rustica Pratique » qui se présente un peu comme les anciens almanachs et qui sortira pour 2016. J’ai également plusieurs projets de livres, il faudra que je voie cela avec mes différents éditeurs.

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Question n° 6 : Et Sainte Hildegarde ?

Réponse : Sainte Hildegarde est une figure importante dans l’histoire des plantes médicinales. Ce fut une mère abbesse du XIIe siècle, en Rhénanie, qui rédigea plusieurs traités concernant les plantes et d’autres remèdes naturels. Ses indications furent si justes que des médecins et pharmacologues du XXe siècle n’hésitèrent pas à les citer en exemple.
Il y a cependant un « plus » chez Sainte Hildegarde : elle n’attribue pas le pouvoir de guérison aux plantes seules, mais fait également intervenir la dimension divine.
En fait, selon Hildegarde, la santé est un équilibre entre le corps, l’âme et l’esprit. Même la musique peut contribuer à créer cet équilibre ; Hildegarde fut aussi une grande compositrice.
L’on ne s’étonnera donc pas de retrouver des traces de Sainte Hildegarde dans mes différents livres.

Livre des Simples - exemple de page

Question n° 7 : Ma dernière question : pourquoi ne viendriez-vous pas faire des « sessions » ou des « stages » dans le massif du Mézenc ?

Réponse : Je pense que cela pourrait être formidable, vu l’environnement fantastique que représente le Mézenc. Mais il faudrait d’abord que je vienne faire une tournée de reconnaissance sur le terrain.
Je compte sur toi, mon cher Maître-Chat Lully, pour me montrer les bons coins à serpolet, arnique et autres ails des ours !!!

Lully lecteur attentif du Livre des Simples

Lully, lecteur très attentif du « Livre des Simples ».

Publié dans:Chronique de Lully, Lectures & relectures |on 28 janvier, 2015 |4 Commentaires »

2015-22. Où, à l’occasion de la fête de Saint Polycarpe, le Maître-Chat évoque les liens du diocèse de Viviers avec cet illustre martyr, grâce à Saint Andéol.

26 janvier,
fête de Saint Polycarpe, évêque et martyr.

Martyre de Saint Polycarpe

Le martyre de Saint Polycarpe (fresque byzantine)

« (…) Abandonnons la vanité des foules et les enseignements mensongers
pour revenir à la parole qui nous a été transmise dès le commencement (…) »
- épître de Saint Polycarpe de Smyrne aux Philippiens, § 7 -

Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,

       En ce 26 janvier, la fête de Saint Polycarpe me fournit l’occasion de vous parler un peu du diocèse de Viviers, sur le territoire duquel est implanté notre Mesnil-Marie.

   Saint Polycarpe, évêque de Smyrne, né vers l’an 70 de notre ère, avait connu l’apôtre et évangéliste Saint Jean : l’opinion commune est même que c’est à son intention que fut dictée à Saint Jean, dans les révélations qu’il reçut, la lettre à « l’ange de l’Eglise de Smyrne » (cf. Apoc. II, 8-11).
C’est toujours avec un grand profit spirituel que l’on relit le seul texte de Saint Polycarpe qui nous soit parvenu – son épître aux Philippiens (par exemple > ici) – ou encore le récit de son martyre, écrit par un contemporain (cf. > ici).

   Nous le vénérons à un titre particulier parce que c’est lui qui missionna dans les Gaules non seulement les premiers pasteurs de l’Eglise de Lyon – les saints Pothin et Irénée -, mais également celui que de très antiques traditions nous disent avoir été le premier évangélisateur du territoire qui deviendra le Vivarais : Saint Andéol.
Ainsi, par Saint Andéol et Saint Polycarpe, l’Eglise diocésaine de Viviers peut-elle être, en quelque manière, directement rattachée à l’apôtre et évangéliste Saint Jean, le « disciple que Jésus aimait » (Joan. XIII, 23), qui reposa sur la poitrine de Notre-Seigneur à la dernière Cène, qui l’accompagna jusqu’à la Croix et contempla le Sacré-Cœur transpercé, puis qui « prit chez lui » (Joan. XIX, 27) la Très Sainte Vierge Marie.

   Saint Andéol n’était pas prêtre, mais seulement sous-diacre. Il évangélisa la vallée du Rhône et les provinces méridionales de la Gaule romaine pendant une quarantaine d’années.
C’est au moment du passage de l’empereur Septime-Sévère, alors en route vers la Bretagne (actuelle Grande-Bretagne), qu’il fut pris et martyrisé, le 1er mai 208.
La ville de Bergoïata, où il fut supplicié et mis à mort, deviendra par la suite Bourg-Saint-Andéol.

Statue de Saint Andéol façade de l'église de Bourg-Saint-Andéol

Statue de Saint Andéol sur la façade XVIIe siècle de l’église de Bourg-Saint-Andéol :
le saint est représenté avec la tunique du sous-diacre et avec le glaive de son martyre enfoncé dans le crâne.

   La Bienheureuse Tullia qui avait recueilli son corps, le cacha dans un sarcophage antique, dont l’un des côtés fut re-sculpté par la suite, en accord avec le précieux dépôt qu’il renfermait.
Ce sarcophage se trouve toujours dans l’actuelle église du Bourg-Saint-Andéol.

   Il ne contient malheureusement plus les reliques du saint martyr : si elles avaient heureusement échappé aux destructions et profanations des huguenots, elles furent malheureusement livrées aux flammes par la fureur révolutionnaire… Mais le sarcophage, considéré comme étant lui-même une relique, fut pendant très longtemps mis à l’honneur sous le maître-autel.
Lorsque ce dernier fut détruit à son tour, lors de la révolution liturgique post-concilaire, le sarcophage qui avait été tellement vénéré par des générations de fidèles, fut relégué dans une chapelle latérale, n’étant plus désormais présenté que comme une curiosité archéologique.

Maître-autel avec le sarcophage de Saint Andéol (église de Bourg-Saint-Andéol autrefois)

Le sarcophage de Saint Andéol placé à l’honneur sous la table du maître-autel de l’église de Bourg-Saint-Andéol
(avant les « aménagements » post-concilaires). 

   C’est au milieu du IXème siècle, que le tombeau de Saint Andéol, enfoui dans une crypte, qui avait été elle-même ensevelie lors des invasions et des bouleversements du haut Moyen-Age, fut redécouvert par Bernoin, évêque de Viviers.
Bernoin, après avoir prié et jeûné pour demander à Dieu la grâce de retrouver les précieuses reliques de Saint Andéol, vit en songe Saint Polycarpe lui-même, et c’est selon les indications données par ce dernier qu’il retrouva l’emplacement de la crypte antique renfermant le sarcophage du martyr.

   L’évêque Bernoin et ses successeurs promurent le culte de Saint Andéol dont ils firent un élément d’unification de leur diocèse et – il faut bien le dire aussi – , en un temps où le diocèse de Viviers, quoique théoriquement dépendant du Saint Empire Romain Germanique (jusqu’en 1308), devenait un comté ecclésiastique quasi indépendant, ce fut un moyen de renforcer le prestige et le pouvoir temporel des comtes-évêques de Viviers.

   Aux XVe, XVIe et XVIIe siècles, les comtes-évêques résidèrent d’ailleurs principalement au Bourg-Saint-Andéol (dans un extraordinaire palais épiscopal qui fait aujourd’hui l’objet d’une remarquable restauration), tout près du tombeau de Saint Andéol, plutôt qu’en leur cité épiscopale.

Sarcophage de Saint Andéol

Le sarcophage de Saint Andéol, dans l’église du Bourg-Saint-Andéol (face paléochrétienne)

   Notre diocèse de Viviers, si peu reluisant de nos jours, possède, vous en avez ici une fois de plus un petit aperçu, mes chers Amis, une histoire fort riche, puisque ses origines antiques le rattachent directement aux temps apostoliques.
Nous en sommes particulièrement – et très légitimement – fiers.

   Néanmoins, et j’avais déjà eu l’occasion de l’évoquer en 2011 dans les pages de ce blogue en publiant une étude parue dans « Paix liturgique », c’est un diocèse actuellement sinistré : profondément et tragiquement sinistré par le modernisme (cf. > ici).
Les années passant, les choses ne se sont pas améliorées : les prêtres continuent de mourir et ne sont pas remplacés (il n’y aura sans doute pas d’ordination de prêtre diocésain avant de nombreuses années), les églises continuent à se vider, le nombre des baptêmes poursuit son déclin, la foi catholique n’est plus vraiment enseignée et la plupart des fidèles professe une vague croyance aux contours imprécis, les gens meurent sans les derniers sacrements, la célébration de la messe pour les funérailles tend à diminuer… etc.

   La situation d’aujourd’hui n’est finalement guère plus brillante qu’au début du XVIIe siècle lorsque Monseigneur Louis François de la Baume de Suze – coadjuteur en 1618, puis comte-évêque en titre de 1621 à 1690 – prit la charge d’un diocèse matériellement et spirituellement exsangue (on dit qu’il y avait alors moins de vingt curés en exercice et que plus de 75% des églises étaient en ruines) : mais il était animé d’un zèle ardent pour la rechristianisation du Vivarais, et il sut faire appel à des forces saines et vives pour cet immense labeur, spécialement à Saint Jean-François Régis (cf. > ici). C’est d’ailleurs dans son palais épiscopal de Bourg-Saint-Andéol que Monseigneur de la Baume de Suze accueillit le Père Régis et lui confia le diocèse de Viviers comme terre de mission où il fallait quasi tout reprendre à zéro…

Statue de Saint Andéol sur la façade de l'église de Bourg-Saint-Andéol - détail

Statue de Saint Andéol sur la façade de l’église de Bourg-Saint-Andéol – détail.

   Dans deux précédents articles, j’ai eu l’occasion de vous parler de l’évêque qui a ruiné en profondeur ce diocèse de Viviers pendant plus de 27 ans (cf. dans la biographie de Monsieur l’Abbé Bryan Houghton > ici, et dans une chronique d’août 2011 où je rapportais une anecdote tristement véridique « significative des étranges égarements d’esprit auxquels conduit le modernisme » dont ce mitré fut le protagoniste > ici). Ceux qui lui ont succédé depuis 1992 n’ont guère contribué à relever le niveau spirituel et le dynamisme de notre très antique diocèse riche de tant de saints aux âges passés.

   Depuis longtemps déjà, Frère Maximilien-Marie prie et supplie pour demander à Dieu un évêque selon Son Cœur : un évêque qui soit un véritable docteur de la foi catholique la plus authentique ; un évêque qui soit un pasteur à l’image du Bon Pasteur, avec une inlassable sollicitude pour le salut des âmes à lui confiées ; un évêque qui soit un véritable père, pas tant par la manière dont il se fera appeler que par les délicatesses de la charité avec laquelle il entourera les fidèles ; un évêque qui soit un digne successeur des saints Apôtres par son zèle inlassable et par sa force d’âme ; un évêque dont la ferveur spirituelle soit exemplaire et communicative ; un évêque qui soit moins un administrateur qu’un missionnaire ; un évêque dont l’ardeur ne se laisse pas entraver par la pesanteur des cadavres accumulés par quelque cinquante années de modernisme mortifère.

   Nous prions donc et supplions Saint Polycarpe et Saint Andéol - avec Saint Vincent, céleste protecteur de notre cathédrale (cf. > ici) – qui se dépensèrent sans compter et ne craignirent pas de verser leur sang pour la vérité de l’Evangile, afin qu’ils intercèdent puissamment pour ce diocèse de Viviers et lui obtiennent la grâce d’une véritable résurrection : selon les termes de la citation que j’ai mise en exergue de cette humble chronique, en abandonnant les enseignements mensongers et en revenant à la parole qui lui a été transmise dès le commencement…

patte de chat Lully.

palmes

2015-16. La France a besoin de retrouver les sources de sa pensée, de ce qui a fait sa grandeur et sa force.

Grandes armes de France

Discours prononcé par Monseigneur le duc d’Anjou,

Chef de la Maison de Bourbon,

lors de la réception du samedi 17 janvier 2015 qui a suivi

la sainte messe célébrée à la mémoire de Louis XVI

et pour la France :

Cher Amis,

Nous voici réunis une nouvelle fois autour de la mémoire de Louis XVI. Remercions le Père Augustin Pic d’avoir su, avec la hauteur du théologien, éclairer pour nous les aspects les plus profonds de sa personnalité de roi et de chrétien et en tirer les leçons applicables à nos vies quotidiennes.

Nous nous retrouvons chaque année à l’occasion de l’anniversaire de l’assassinat du roi, mais il n’est pas question pour autant de nous tourner simplement vers le passé avec nostalgie. Ceci serait contraire à la tradition royale que traduit la formule ancienne « le Roi est mort, vive le Roi ». Hymne à la vie, au progrès. Chaque roi, et Louis XVI en particulier s’est préoccupé de faire avancer la société, de l’adapter. Roi géographe, Louis XVI, a ouvert la France sur le monde ; épris de sciences humaines et politiques il avait compris que des réformes étaient nécessaires notamment en matière fiscale.

Voilà un roi qui n’aurait pas aimé notre société dont il est dit souvent qu’elle est bloquée, qu’elle est désenchantée notamment pour les plus jeunes.

La royauté était là pour ré-enchanter chaque génération. Saint Louis si commémoré l’an dernier, tant en France qu’à l’étranger a fait bouger les structures qui par nature ont toujours tendance à se scléroser. Il a réformé la justice, les impôts, renouvelé l’exercice de la charité, favorisé la paix et la diplomatie s’éloignant des guerres féodales. Ainsi, huit siècles après sa mort, le siècle de Saint-Louis est objet d’admiration.

Cette année nos regards et notre réflexion se porteront vers François Ier et Louis XIV. Deux autres symboles d’une monarchie active ayant oeuvré également pour les générations à venir.

Ces exemples éclairent notre mission. En commémorant, nous appréhendons les ressorts de l’action des rois et leurs effets. Or il me semble qu’il est très important d’avoir cette vision prospective pour notre temps si inquiet et qui a des raisons de l’être. Ce sentiment j’ai l’impression qu’il est partagé par beaucoup. Je l’ai ressenti lors de mes derniers déplacements à Paris mais aussi en province, à Bouvines à Aigues-Mortes ou encore dans le Missouri cet été. L’histoire et les commémorations servent de repères pour mieux guider notre action présente.

Ainsi lorsque je m’exprime sur tel ou tel événement du passé, bien évidemment j’honore une action d’hier d’autant plus que souvent elle s’est accompagnée du sacrifice de ceux qui y ont participé, mais chaque fois ma préoccupation est de savoir ce que cela apporte pour aujourd’hui, pour demain.

France qu’as-tu fait de ton histoire ?

Que peut-elle nous apprendre ?

Chacun peut voir la grande différence entre les façons de faire contemporaines et la politique des rois. Ils étaient animés par une vision du long terme. Voir loin pour bien gouverner c’est-à-dire toujours se poser la question « avec ce que je fais aujourd’hui, dans quelque domaine que ce soit, quelles seront les conséquences pour demain ? ». Notre société ne doit-elle pas s’interroger sur ses responsabilités et son rapport au temps ?

Ce souci du futur était associé à un profond sens de la justice, lié à ce don de l’Esprit Saint qui s’appelle la crainte de Dieu. De Saint-Louis à Louis XVI, tous les rois se sont posé la question des plus fragiles (les veuves, les orphelins, les enfants, les vieillards, les estropiés et les malades) et de leurs droits – de la naissance à la mort – afin qu’ils ne soient pas lésés. Ces questions ne sont-elles pas toujours d’actualité ? De cruelle actualité ?

Voilà à quoi servent les commémorations, à nous mettre en face des réalités du quotidien pour essayer de trouver des solutions. Le rappel des fondements de notre histoire peut nous y aider.

Voyez-vous si je tiens ces propos aujourd’hui, en cette période où il est traditionnel d’échanger des voeux c’est parce qu’il me semble que ce sont des voeux que nous pouvons tous formuler pour notre Chère France. Elle a besoin de retrouver les sources de sa pensée, de ce qui a fait sa grandeur et sa force : responsabilité dans l’action, justice pour tous, confiance, sens à donner à la société.

Avant moi, mes prédécesseurs, notamment mon grand-père et mon père, ont rappelé tout cela. Sans doute parlaient-ils trop tôt. Il me semble que ce langage est plus audible désormais. Le Saint-Père le tient. Les jeunes l’attendent. C’est à nous d’être les sentinelles de notre société et de lui apporter le fruit de l’expérience. A nous d’être des précurseurs. La récente actualité tragique nous y convie et comme le disait le Cardinal Vingt-Trois dimanche dernier « il ne faut jamais désespérer de la paix si l’on construit la justice ».

Ainsi je termine ces mots en vous demandant à tous de prendre aussi vos responsabilités dans tous les domaines où vous agissez, dans vos familles et dans la vie professionnelle ou associative. Nous ne courrons pas derrière une quelconque nostalgie mais nous souhaitons rendre notre monde meilleur. Tel est bien le message de dix siècles de monarchie. Toujours nous demander ce que la royauté pourrait apporter de neuf et de fort pour demain ! Tel est ma façon de voir.

Dans cet esprit, j’ai souhaité réorganiser les associations ayant pour objectif de mieux faire connaître l’histoire de la royauté française et de ses apports à la société. Il me semble qu’avec une seule association nous serons plus forts. Si l’autonomie des uns et des autres doit être préservée, l’unité dans la complémentarité est une nécessité. L’unité a toujours été au coeur de la pensée royale. Il fallait la retrouver.

J’ai aussi souhaité que les domaines de compétence soient mieux lisibles notamment vis-à-vis de l’extérieur. D’un côté avec l’Institut nous pouvons continuer la nécessaire oeuvre culturelle et d’approfondissement des connaissances; de l’autre avec mon secrétariat que j’ai voulu élargi, peut être menée une action plus ouverte, notamment sur les problèmes éthiques, sociaux et économiques auxquels la société est confrontée. Je continuerai ainsi mes déplacements en province et à l’étranger pour mieux comprendre les situations des uns et des autres et apporter le message d’espoir que peut représenter pour eux l’héritage de la monarchie française et des valeurs qu’elle véhicule.

J’espère tout au long de l’année vous retrouver nombreux, afin qu’ensemble, fidèles à la tradition nous sachions être des artisans du futur, voilà les voeux que je forme en ce début d’année, pour vous et vos familles et pour que la France, demeure fidèle à sa tradition de fille aînée de l’Eglise.

Merci de m’avoir écouté.

SAR Monseigneur le duc d'Anjou

S.A.R. le Prince Louis de Bourbon, duc d’Anjou, aîné des Capétiens.

Publié dans:Lectures & relectures, Memento, Vexilla Regis |on 19 janvier, 2015 |2 Commentaires »

2015-15. « L’homme n’est pas libre dans la mesure où il ne dépend de rien ni de personne : il est libre dans l’exacte mesure où il dépend de ce qu’il aime… »

2001 – 19 janvier – 2015
Quatorzième anniversaire du rappel à Dieu
de
Gustave Thibon

       Une fois encore, la date du 19 janvier ramène l’anniversaire du rappel à Dieu de ce « Maître ès intelligence & profondeur spirituelle » que fut notre grand, notre incomparable, notre unique et insurpassable Gustave Thibonnotre Gustave !

   2001 – 2015 : quatorze ans que son âme a quitté cette terre pour – j’en ai la conviction intime – se laisser enfin embrasser par cette infinie et paisible Lumière à laquelle elle aspirait de toutes ses forces.
Quatorze ans ! Et cependant, je n’ai pas l’impression d’un éloignement ou d’une absence car Gustave Thibon m’est présent tous les jours.
Peut-être même plus proche de jour en jour.

Il ne m’est pas seulement présent par ses écrits : il est d’une certaine manière présent et vivant à l’intérieur de moi même, tant je lui dois, tant je ne serais pas aujourd’hui ce que je suis si je ne l’avais pas rencontré et s’il n’avait pas contribué à la formation et à l’épanouissement de mon intelligence et de ma spiritualité.

   En ces jours-ci, ces jours de janvier 2015 d’une manière très particulière, comme il est bon et salutaire de prendre du recul pour regarder les événements contemporains avec Gustave Thibon !
En ces jours-ci, ces jours de janvier 2015, où le mot « liberté » sert une fois encore de miroir aux alouettes, pour faire tomber les peuples dans les filets de manipulations de grande envergure tendus par les suppôts de satan à l’oeuvre en ce monde, la lucidité de Thibon est un puissant antidote aux poisons distillés par les politiques et les médias.
Voilà pourquoi il m’a paru particulièrement adapté à ces jours, ces jours-ci, de marquer ce quatorzième anniversaire de la mort de Gustave Thibon en vous donnant à lire et à relire ces lignes publiées en 1943.

Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur.    

frise avec lys naturel

G. Thibon

Dépendance et liberté.

   « Les fausses mystiques qui dévorent l’âme moderne répugnent instinctivement à définir leur objet : c’est qu’elles pressentent que leur idole, une fois définie (c’est-à-dire ramenée à son humble mesure et à ses proportions relatives), ne pourra plus être adorée.

   Il en est ainsi de la liberté. Depuis un siècle et demi, bien des hommes sont morts pour ce mot, qui n’ont jamais cherché à en préciser le sens. Tout au plus l’idée de liberté flottait-elle en eux comme un vague mirage d’indépendance absolue et de plénitude divine.

   Allumons notre lanterne. Définir la liberté par l’indépendance recouvre une dangereuse équivoque. Il n’existe pas pour l’homme d’indépendance absolue (un être fini qui ne dépendrait de rien serait un être séparé de tout, c’est-à-dire éliminé de l’existence). Mais il existe une dépendance morte qui l’opprime et une dépendance vivante qui l’épanouit.
La première de ces dépendances est servitude, la seconde est liberté.

   Un forçat dépend de ses chaînes, un laboureur dépend de la terre et des saisons : ces deux expressions désignent des réalités bien différentes.
– Revenons aux comparaisons biologiques qui sont toujours les plus éclairantes. Qu’est-ce que « respirer librement » ? Serait-ce le fait de poumons absolument « indépendants » ? Tout au contraire : les poumons respirent d’autant plus librement qu’ils sont plus solidement, plus intimement liés aux autres organes du corps. Si ce lien se relâche, la respiration devient de moins en moins libre, et, à la limite, elle s’arrête. La liberté est fonction de la solidarité vitale.

   Mais dans le monde des âmes, cette solidarité vitale porte un autre nom : elle s’appelle l’amour.
Suivant notre attitude à leur égard, les mêmes liens peuvent être acceptés comme des attaches vivantes ou repoussés comme des chaînes, les mêmes murs peuvent avoir la dureté oppressive de la prison ou la douceur intime du refuge. L’enfant studieux court librement à l’école, le vrai soldat s’adapte amoureusement à la discipline, les époux qui s’aiment s’épanouissent dans les « liens » du mariage. Mais l’école, la caserne et le ménage sont d’affreuses geôles pour l’écolier, le soldat ou les époux sans vocation.

L’homme n’est pas libre dans la mesure où il ne dépend de rien ni de personne : il est libre dans l’exacte mesure où il dépend de ce qu’il aime, et il est captif dans l’exacte mesure où il dépend de ce qu’il ne peut aimer.

   Ainsi le problème de la liberté ne se pose pas en termes d’indépendance. Il se pose en termes d’amour. Notre puissance d’attachement détermine notre capacité de liberté. Si terrible que soit son destin, celui qui peut tout aimer est toujours parfaitement libre, et c’est dans ce sens qu’il est parlé de la liberté des saints.
A l’extrême opposé, ceux qui n’aiment rien ont beau briser des chaînes et faire des révolutions : ils restent toujours captifs. Tout au plus arrivent-ils à changer de servitude, comme un malade incurable qui se retourne sur son lit.

   Est-ce à dire qu’on doive accepter indifféremment toutes les contraintes et s’efforcer d’aimer tous les jougs ? Cette voie des saints ne saurait être proposée comme un idéal social. Tant que le mal et l’oppression seront de ce monde, il y aura des jougs et des chaînes à briser.
Mais ce travail révolutionnaire ne peut pas être une fin en soi : la rupture d’une attache morte doit aboutir à la consolidation d’un lien vivant.
Il ne s’agit pas d’investir chaque individu d’une indépendance illusoire : il s’agit de créer un climat où chaque individu puisse aimer les êtres et les choses dont il dépend. Si notre volonté d’indépendance n’est pas dominée et dirigée par ce désir d’unité, nous sommes mûrs pour la pire servitude.
Je le répète : l’homme n’a pas le choix entre la dépendance et l’indépendance ; il n’a le choix qu’entre l’esclavage qui étouffe et la communion qui délivre.
L’individualisme – nous ne l’avons que trop vu – n’est qu’un refuge provisoire ; nous ne sommes pas seuls ; nous ne pouvons pas nous abstraire les uns des autres, et, bien avant l’égalité suprême de la mort, le même destin nous emporte.
il dépend de nous seuls de faire ce destin commun favorable ou néfaste. Si nous ne vivons pas ensemble comme les organes d’un même corps, nous nous flétrirons et nous pourrirons ensemble comme ces feuilles sans sève, si indépendantes les unes des autres, si individualistes, mais que le même vent d’automne arrache et roule à son gré. Ou plutôt – car la France aussi ne peut pas s’abstraire du reste du monde – une force étrangère nous imposera du dehors cette unité que nous n’avons pas voulu créer du dedans.
L’alternative est claire : ou nous serons unis aujourd’hui dans le même amour ou courbés demain sous le même joug. »

« Retour au réel » - Première partie. § VI : « Dépendance et liberté » (pp. 157-161) - 1943.

frise avec lys naturel

Autres publications consacrées à Gustave Thibon dans les pages de ce blogue :
- « In memoriam : Gustave Thibon » (2008) > ici
- « Gustave Thibon : dix ans déjà ! » (2011) > ici
- « Eloignement et connaissance » (extrait de « Retour au réel ») > ici
- Le message de ND de La Salette au monde paysan > ici
- « Le goût de l’aliment éternel » > ici
- « Libertés » (extrait de « Diagnostics ») > ici
- « Eglise et politique » (in « Entretiens avec C. Chabanis ») > ici
- Le sport dans la société moderne > ici
- « Vertu c’espérance et optimisme » (in « l’Equilibre et l’harmonie ») ici
- Critique de la « démocratie » (in « Entretiens avec C. Chabanis ») ici
- Gustave Thibon : « La leçon du silence » > ici

2015-11. Au Ciel, il n’y a pas de « malgré-nous »…

15 janvier,
fête de Saint Paul, premier ermite ;
mémoire de Saint Maur, abbé et confesseur ;
mémoire de Sainte Tarsitie, Fille de France, vierge et abbesse.

Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,

Je pense que la plupart d’entre vous savent qui l’on désigne sous l’expression de « malgré-nous » ; toutefois, pour le cas où quelques uns l’ignoreraient, je vais le redire : on désigne par cette expression de « malgré-nous » les Français d’Alsace et de Moselle qui, considérés par les autorités du troisième Reich comme Allemands, furent enrolés de force dans l’armée allemande au cours de la seconde guerre mondiale et furent contraints à combattre malgré eux avec les ennemis de la France.
Qu’on me permette aujourd’hui de reprendre la même expression pour vous entretenir de la question du salut éternel et du Ciel.

En nos temps de confusion et d’approximation, où l’émotion et le sentiment se substituent si souvent à la raison, et se substituent même aux vérités révélées dans l’esprit de certains chrétiens, il me paraît en effet important de rappeler que la chanson idiote de Monsieur Polnareff « on ira tous au paradis » non seulement n’est pas un dogme, mais qu’elle est aussi absolument contraire à l’enseignement de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Non ! tous les hommes n’iront pas au Paradis.
Car personne ne va au Ciel malgré lui.
Au Ciel, il n’y a pas de « malgré-nous » !

En conformité avec l’enseignement des Saintes Ecritures, les chrétiens doivent – c’est évident ! – avoir le désir du salut de tous, parce que c’est la volonté même de Dieu : « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et viennent à la connaissance de la vérité » (1 Timothée II, 4).
Mais ce n’est pas parce que Dieu voudrait qu’il en soit ainsi qu’il en est ainsi dans les faits.
Et ce n’est pas parce que les chrétiens doivent eux aussi en avoir le désir ardent qu’ils doivent pour autant prendre leurs désirs pour la réalité.

Le Bon Dieu a fait aux hommes le don de la liberté, et Il respecte cette liberté qu’Il a donnée aux hommes, même lorsque ces hommes choisissent de se détourner de Lui…
Ce n’est pas parce qu’Il voudrait n’en perdre aucun, qu’il n’y a pas de damnés : Dieu n’impose pas Son salut à des personnes qui n’en veulent pas.

Personne ne va au Ciel malgré lui.
Au Ciel, il n’y a pas de « malgré-nous ».

Nous savons, bien sûr, qu’il y a un Saint Bon Larron. Et parce que Notre-Seigneur a promis à celui qui se tournait vers Lui in extremis en implorant Sa miséricorde qu’il serait avec Lui en paradis, nous espérons qu’à d’autres âmes, touchées par la grâce à la dernière seconde, seront aussi ouvertes les portes du salut.
Parce que le saint curé d’Ars a pu, divinement éclairé, affirmer à l’épouse d’un suicidé, tourmentée par la crainte que son mari ne fût damné, qu’entre le pont et l’eau il avait eu le temps de se repentir et de demander pardon, nous prions ardemment pour que la miséricorde du Coeur de Jésus se fraye un chemin dans le coeur de ceux qui franchissent le seuil terrible et mystérieux de la mort.
Parce que le Saint Evangile nous rapporte qu’il y aura des « ouvriers de la onzième heure », nous avons une ferme confiance dans la puissance infinie de la miséricorde du Maître de la vigne.
Mais tout cela nous montre aussi que la miséricorde de Dieu ne peut se déployer que si l’homme s’ouvre à elle et se repent de ses voies mauvaises.
C’est pour cela qu’il ne peut pas y avoir et qu’il n’y a pas au Ciel de « malgré-nous ».

Ceux qui auront refusé d’aimer et de servir Dieu, ceux qui auront méprisé le salut qu’Il leur offrait, s’ils ne se sont pas convertis, ne seront pas sauvés malgré eux, n’iront pas au Ciel malgré eux !

Un vrai chrétien a le devoir pressant de prier pour le salut des âmes ; un vrai chrétien a le devoir impérieux d’offrir des sacrifices et des pénitences unis à la Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ pour obtenir la conversion et le salut des âmes ; un vrai chrétien doit témoigner de l’Evangile du salut par les exemples de sa vie – plus encore que par des paroles – afin d’inspirer à ceux qui le voient vivre le désir de connaître et d’aimer Dieu, afin de Lui gagner des âmes…
Mais un vrai chrétien est aussi sans illusion : l’enfer existe, l’enfer n’est pas vide, et il y a des hommes qui le préfèrent et qui en font le choix libre et responsable.

De quelque bonne volonté et de quelque zèle qu’ils soient animés pour le salut des âmes – de toutes les âmes – , les chrétiens ne peuvent néanmoins pas décider du salut de ces âmes à leur place : on n’impose pas le salut à des personnes qui n’en veulent pas !
Au Ciel, il n’y a pas de « malgré-nous » !

Pour aller au Ciel, il faut avoir un minimum d’amour de Dieu.
Et comment manifeste-t-on son amour pour Dieu ? En observant Ses commandements : « Ce ne sont pas tous ceux qui me disent : Seigneur ! Seigneur ! qui entreront dans le Royaume des cieux ; mais celui qui fait la volonté de Mon Père qui est aux cieux, celui-là entrera dans le Royaume des cieux » (Matth. VII, 21).

Celui donc qui, ayant eu la connaissance de la volonté de Dieu, n’en aura pas tenu compte ; celui qui aura agi dans sa vie en la tenant pour nulle, comme si elle n’existait pas ; celui qui l’aura méprisée ; celui qui se sera moqué des commandements de vie et des voies du salut révélés par Dieu, s’il ne se convertit pas et ne demande pas pardon, ne peut accéder au salut :  « Celui qui ne croira pas sera condamné » (Marc XVI, 16 b).
Au Ciel, il n’y a pas de « malgré-nous » !

C’est donc faire preuve d’une forme de faux zèle particulièrement contraire à l’enseignement des Saintes Ecritures, et c’est manquer totalement de respect pour la liberté d’autrui que de vouloir – à tout prix et à n’importe quel prix – envoyer pour l’éternité tenir compagnie au Bon Dieu et à ses saints, des personnes qui ont librement choisi ici-bas de ne pas L’aimer !

Oui, lorsque des personnes qui, sur cette terre, n’avaient absolument pas du tout envie d’aimer Dieu et de Le servir, passent de vie à trépas, il n’appartient à personne ici-bas de décréter de son propre chef que ces personnes sont allées au Ciel !
Pourquoi ces chrétiens-là – fussent-ils prêtres ou évêques – ne veulent-ils pas respecter la liberté de ces personnes et voudraient-ils leur infliger de passer toute leur éternité avec le Bon Dieu qu’elles avaient librement choisi de ne pas aimer et de ne pas servir ?

Que ceux qui prétendent servir Dieu se gardent donc bien de dire, si Dieu ne le fait pas Lui-même savoir (par une révélation spéciale ou par un acte solennel du magistère de Son Eglise) que tel ou tel est au Ciel ou qu’il est en enfer…
Cela, c’est le mystère de Dieu : et, sur ce point en particulier, Dieu ne nous doit rien.
Dire « tel homme est au ciel » ou « tel autre est en enfer », si Dieu ne l’a pas Lui-même fait savoir, c’est se placer au-dessus de Dieu et présumer gravement de Ses jugements insondables qui n’appartiennent qu’à Lui.

Lully.

Publications connexes :
– Le petit nombre des sauvés (Saint Augustin) > ici
- Sermon de Saint Augustin sur le bon Larron > ici
- Au sujet de l’enfer : « Personne n’en est jamais revenu… » > ici
– Bande dessinée « les autruches » > ici

H. Memling triptyque du jugement dernier

Hans Memling : triptyque du jugement

2015-10. Métaphysique des vœux (6ème partie).

6ème partie :
Le problème serait-il insoluble ?
Peut-on « souhaiter la bonne année » en vérité ?

frise

Lully au parapluie rouge

Mercredi 14 janvier 2015,
Fête de Saint Hilaire de Poitiers
(cf. la catéchèse que Sa Sainteté le Pape Benoît XVI lui a consacrée > ici).

       Nous avons achevé hier l’octave de l’Epiphanie, et ce jour – 14 janvier dans le calendrier grégorien – se trouve être le 1er janvier selon le calendrier julien : quelle bonne occasion de continuer nos questionnements et réflexions dans cette « métaphysique des voeux » à laquelle je vous ai invités depuis une dizaine de jours !

   Nous l’avons vu, même si la formule est bien séduisante, souhaiter à quelqu’un « le meilleur » peut avoir des conséquences, insoupçonnées au premier abord, qui pourraient se révéler en réalité tout autre chose que le meilleur, tant pour cette personne elle-même que pour un certain nombre d’autres par contre-coup.

   Souhaiter à quelqu’un que tous ses projets se réalisent peut également être dangereux : je ne peux pas être certain, en effet, que tous ses projets soient honnêtes et bons !

   Alors présenterai-je mes voeux en disant : « Je vous souhaite une bonne année mais, ce faisant,  je souhaite que seuls vos projets généreux, bons et honnêtes se réalisent » ?
Ce pourrait être amusant, en effet, parce que mon interlocuteur ferait probablement une drôle de bouille ; mais il se demanderait sans aucun doute si je ne suis pas en train de le soupçonner de nourrir quelque projet malveillant, et il pourrait finalement assez mal le prendre, puis me faire la tête pour toute l’année à venir (au moins).

   D’ailleurs qui détermine ce qui est généreux, bon et honnête ?
En l’occurrence, c’est la conscience (ou peut-être simplement l’habitude) de celui qui formule les voeux : nos voeux sont dépendants de notre conception personnelle du bien et du mal.
Du coup cela ne revient-il pas à dire à l’autre – je l’avais déjà évoqué – : « Je vous présente mes meilleurs voeux, c’est-à-dire que je souhaite que ma propre vision du bien s’accomplisse dans votre vie » ? Bien sûr, c’est comme si l’on disait : « Je vous souhaite que mes voeux soient exaucés », ou bien : « Bonne année : que tous mes projets vous concernant se réalisent » !

Cela sonne de curieuse manière, je n’en disconviens pas, et je ne suis pas du tout sûr que celui auquel je m’adresse en ces termes en éprouve beaucoup de plaisir.

   Bon ! Alors cherchons un compromis : « Bonne année ! Je souhaite que tu souhaites les mêmes choses que moi, de sorte que je puisse te souhaiter – sans arrière-pensée et du plus profond du coeur – que tous tes souhaits, ainsi conformes aux miens, puissent s’accomplir ! »
Pourquoi me dites-vous que c’est trop compliqué ?
Ceci vous conviendrait-il davantage : « Je te souhaite de vouloir ce que je veux qui est la seule façon pour moi de souhaiter que tes voeux se réalisent… » ?
Ah ! Cela ne vous semble pas très élégant et manifester surtout de l’égocentrisme… Cependant n’est-ce pas tellement proche de la réalité cachée ?

   Si, en outre, on veut souhaiter « le meilleur » à un grand nombre de personnes, on arrive fatalement aussi à un grand nombre de situations conflictuelles.
En effet, on ne peut pas, sans contradiction, souhaiter à tout le monde la réalisation de tous ses voeux puisque ce qui est bon pour l’un ne l’est pas forcément pour l’autre, et puisque, même à de très petites échelles, la société humaine est tissée d’une incroyable complexité de compétitions, rivalités, intérêts divergents, aspirations contraires… etc.

   Problème insoluble ?
Que faire ? Que dire ?
Ne pourrait-on pas, malgré tout, imaginer que tous les hommes s’accordent sur des vœux, désirables par tous et bons pour tous ?
Cela pourrait donner quelque chose comme : « Je te souhaite que tes souhaits humanistes, universels et valables pour le bien de tous les êtres humains, se réalisent ».

   Je ne sais pas si, pour ce qui vous concerne, vous vous voyez prononcer de semblables formules aux personnes que vous rencontrez dans la rue au matin des premiers jours de l’année, sur le marché ou en arrivant au bureau…
Non seulement cela fait un peu pompeux ; mais en outre cela peut donner l’impression que l’on veut donner des leçons.

   Et puis, c’est tout de même bien vague : qu’est-ce qui, dans les faits, est universellement souhaitable ?

   Beaucoup diraient spontanément que ce n’est quand même pas difficile à trouver : la paix internationale ; la fin de tous les conflits sociaux ; la cessation des famines ; la sortie de la crise économique ; la solution au chômage ; la justice universelle ; la résolution des épidémies ; l’équilibre écologique… etc.

   Ben, voyons !
Si c’était vraiment facile, comment donc se fait-il que ce ne soit pas encore réalisé ?
Des années et des années se sont succédées, constituant des siècles et des millénaires : chacune a commencé par un jour de l’an ; chacune a apporté son sympathique cortège de vœux ; chacune a vu l’envoi d’une multitude de jolies cartes avec de belles paroles de ce style ; chacune a eu droit à sa ribambelle de « meilleurs vœux »
Et pas seulement des voeux privés : des voeux officiels, émis de la manière la plus sérieuse et la plus solennelle à tous les échelons de l’Etat…
Et aussi des voeux très officiels entre Etats, présentés par des services diplomatiques, cabinets ministériels et autres services d’ambassades tous plus sérieux, tous plus sincères, tous plus urbains les uns que les autres. De chefs d’Etat à chefs d’Etat, de Présidents à Rois, d’Altesses à Chanceliers, de Sérénissimes à Excellences, de directeurs à commandants, de Saintetés à Béatitudes… Tous ces vœux ! Exprimés en un langage si beau, en un discours porteur de tant de promesses, en une langue se référant à tant de valeurs humanistes : une langue faite d’un bois tellement pourri que tout cela n’est plus qu’insignifiance !
Un vrai feu d’artifice mondial de fumée : « Vanité des vanités, disait l’Ecclésiaste ; vanité des vanités, et tout est vanité » (Eccl. I, 2).

   Nous découragerons-nous ?
Allons ! Essayons encore…
En prenant du recul (ou de l’altitude), n’est-il pas envisageable de dire : « je vous souhaite une année de réflexion et de questionnement » ?
Cela vous semble trop pédant ?
Alors plutôt peut-être : « Je vous souhaite les vrais accomplissements de ce qu’il y a de plus spirituel dans vos vies » ?
Ah ! Vous trouvez que ça fait trop « curé »…
Certes en entendant de tels voeux, votre voisine de palier risque 1) de se demander si vous n’êtes pas entré dans une secte et 2) d’oublier de vous tendre la boite de chocolats qu’elle avait pourtant dans les mains  !

   « Je vous souhaite une année d’intensité en tout ce que vous entreprendrez… »
Trop « marketing » !…
« Que cette année soit pleine de beauté profonde et d’expériences d’authenticité… »
Un peu « new age »…
Et ceci : « Que l’aventure soit au rendez-vous de chacun des jours de cette nouvelle année » ?
Oui, je sais, ce n’est peut-être pas le plus adapté pour vos vieux oncles et tantes perclus de rhumatismes qui ne se sentent plus l’âme et l’entrain d’Indiana Jones…

   Que faut-il faire alors ?
Se contenter du très très très usé : « Bonne année ! Bonne santé ! » ?
Mais certaines personnes peuvent se révéler très dangereuses en bonne santé : un menteur – pour ne prendre qu’un seul exemple – répand ses mensonges avec bien plus d’assurance et de force de persuasion quand il est au mieux de sa forme !
C’est là toute la problématique du « bon couteau » soulevée par Platon. Un « bon couteau » est celui qui coupe bien, voire très bien. Néanmoins, dans la main d’un assassin, quel est vraiment le « bon couteau » : celui qui coupe ou bien celui qui ne coupe pas – à savoir un mauvais, voire très mauvais couteau – ?

   Alors ? S’abstenir de présenter ses vœux ?
Passer son tour et attendre l’année prochaine ?

   Mais le problème se représentera tel quel dans un an… et il faudra bien recommencer, tout comme l’année recommence.
Année nouvelle et nouvelle avalanche de vœux pieux sans effets réels ?
Problème sans solution ?
Laisserons-nous tomber ?

   Non ! Il doit tout de même bien exister un moyen d’offrir des voeux qui soient vraiment positifs, ni trop vagues ni trop étroits, ni trop généraux ni banals, ni pédants ni cucul la praline !!!

pattes de chatLully.

(à suivre ici > 7ème et dernière partie)

bonne année chats

2015-8. Métaphysique des vœux (5ème partie).

5ème partie :
Souhaiter du bien… Oui, mais de quel bien s’agit-il ?
Le bien tel que je le conçois ?
Le bien tel que l’autre le conçoit ?
Ou un bien véritablement objectif ?

frise

Jeudi 8 janvier 2015.

Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,

       J’avais bien prévu que les précédents paragraphes de ma « métaphysique des vœux » laisseraient indifférent un grand nombre de lecteurs (ou de « renonçants-à-lire ») qui ne verraient dans mes questions que les vaines arguties d’un chat qu’ils jugent trop oisif, mais j’étais loin d’imaginer que, chez certaines autres personnes, mes réflexions susciteraient des réactions si vives que ces personnes en arriveraient alors à éprouver le besoin de se justifier.
Faut-il en conclure que j’ai posé la griffe sur un endroit particulièrement sensible ?

   Nonobstant l’indifférence des uns et les susceptibilités des autres, j’irai jusqu’au bout de mon questionnement, quelque dérangeant qu’il puisse paraître.
Je pense même d’autant plus devoir le poursuivre qu’il peut davantage bousculer et déranger.

Maître-Chat Lully 6 janvier 2015

- « Je vous assure, cher Lully, que lorsque j’adresse mes vœux à quelqu’un, ils sont sincères ! »
- Certes ! Mais même lorsqu’ils sont « sincères », les vœux n’en sont pas moins ambigus.

   D’abord parce que la sincérité des sentiments ou des convictions d’une personne n’est absolument pas l’assurance que ces sentiments et ces convictions sont justes et bons.
Dans l’usage courant, l’adjectif sincère semble chargé d’une valeur morale, puisqu’il sert à exprimer « ce qui est réellement pensé ou senti ». Mais Don José était vraiment « sincère » dans son amour pour Carmen et c’est justement cela qui l’a poussé à la poignarder !
Je prendrai même un exemple extrême : Hitler, de toute évidence, était absolument « sincère » dans la profession de ses théories politiques et sociales ; cela ne les rend pas bonnes pour autant !
On peut être « sincère » et monstrueux : l’actualité nous en fournit tous les jours de tristes exemples. La sincérité est subjective ; ce qui est pensé ou exprimé par la personne « sincère » n’est pas, par le fait même de cette « sincérité », rendu conforme au bien véritable, à la vérité et à la justice !
Des vœux, aussi « sincères » qu’ils puissent être, n’en sont donc pas pour autant exemptés de certaines illusions ou de l’erreur.

   - « Je forme des vœux pour que TU… », ou bien «  Je VOUS souhaite… »

   Si l’on est bien attentif à ces formules, le vœu n’est pas seulement l’expression d’un désir ; c’est plus complexe que l’apparence ne veut bien le laisser paraître.

   Un vœu est ce que l’on déclare souhaiter pour autrui. Ce n’est pas seulement « je souhaite » mais c’est « je TE souhaite… ».
Le vœu exprime des souhaits que l’on peut qualifier de « transitifs ». Souhaits transitifs, c’est-à-dire qu’ils expriment que le sujet prend la personne à laquelle il s’adresse comme objet de ses souhaits. On ne souhaite pas seulement à quelqu’un d’autre, mais on souhaite pour quelqu’un d’autre : lorsque je TE souhaite, cela signifie que, d’une certaine manière, MA propre volonté se substitue à la tienne pour exprimer le bien qu’il ME semble à MOI être désirable pour toi.
Cela peut arriver au point que certains, dans leur assurance de savoir quasi mieux que leur interlocuteur ce qui est bon pour lui, souhaitent
A LA PLACE de l’autre ou en son nom.
Je pense à tel parent, tel éducateur, tel responsable… etc. qui, à l’occasion de la nouvelle année – et parce qu’ils estiment que leur enfant, leur élève ou leur subordonné ne correspond pas à ce qu’ils pensent « être en droit d’en attendre » – , diront : « je te souhaite de te ressaisir », « je te souhaite d’être meilleur en ceci ou en cela », voire « je te souhaite de prendre ton travail au sérieux » …etc. Cette forme de vœu est supposée faire réagir l’autre, « pour son bien », mais elle est très humiliante en raison de tout le jugement négatif dont elle est chargée !

   Le vœu, dans la conscience de celui qui le formule, exprime le désir de voir se réaliser « le meilleur » pour l’autre.
Vous me direz peut-être que cela correspond à la définition de l’amitié posée par Aristote : l’ami désire du bien à son ami en vue de cet ami même (Ethique à Nicomaque, livre VIII, ch. 9 et 10).
A priori les vœux entre des personnes unies par l’amour ou l’amitié sont chargés de cette volonté du « meilleur » pour l’autre.

   J’ai bien écrit « a priori » parce que, en réalité, dans les faits, comment puis-je être certain que ce qui ME – c’est-à-dire à moi qui le lui souhaite – semble « le meilleur » pour mon ami, soit vraiment bien et bon pour lui, soit ce qui objectivement puisse lui arriver de mieux, soit en vérité « le meilleur » ?

   Ce « bien », ce « mieux », ce « meilleur », est-ce d’après moi ou d’après lui ?
Est-ce : « je souhaite que ce qui ME semble le meilleur pour toi se réalise, même si tu ne l’envisages pas de la même manière que moi, voire malgré toi » ? Ou bien : « je souhaite que ce qui TE semble le meilleur s’accomplisse, même si cela ne me paraît pas, à moi qui te le souhaite, ce qui te conviendrait le mieux » ?

   Et même si je forme des vœux pour que les désirs, projets, volontés de l’autre se réalisent d’une manière totalement indépendante de mon propre ressenti au sujet de ces désirs, projets et volontés, comment puis-je être absolument certain que mon interlocuteur veut des bonnes choses, ne veut que des bonnes choses, ne poursuit que de louables desseins, est irréprochable dans les projets qu’il entreprend ?

   Même si ma vision de ce qui semble « le meilleur » pour mon ami coïncide parfaitement à ce qui lui semble aussi « le meilleur », nous restons malgré tout dans une perception subjective du bien souhaité : pouvons-nous être certains que ce soit aussi objectivement « le meilleur » ?

   Il y a, en effet, des cas où ce qui semble le meilleur pour un individu donné peut être une catastrophe pour un ou plusieurs autres.
Prenons encore un exemple : si je te souhaite une promotion au travail, cela semble sans doute le meilleur pour toi parce que cela améliorera ton quotidien et celui de ta famille. Mais si cette promotion fait que, du même coup, l’un de tes collègues – plus méritant que toi ou plus ancien dans la boite – ne bénéficie pas d’une augmentation de salaire et que cela nuise à sa vie de famille ou aux études de ses enfants, puis-je être certain que je t’ai vraiment souhaité « le meilleur » ? ou si cette amélioration de ton salaire fait que tu vas profiter de cette aisance matérielle pour acheter des choses nuisibles à ta santé – physique ou morale – et progressivement détruire ton foyer, t’aurais-je vraiment souhaité « le meilleur » lorsque je t’aurais souhaité cette réussite professionnelle ?

   Allons plus loin encore : présenter des vœux de réussite à un candidat – qui est mon ami – à un poste politique, semblera peut-être le meilleur pour lui, qui verra sa carrière décoller, mais si ce succès aux élections a pour conséquence une gestion désastreuse (même sans mauvaise volonté) du bien public, ce qui semblait le meilleur pour lui sera loin d’être le meilleur pour la collectivité !

   Et si je connais deux personnes, pour lesquelles j’ai une estime égale en raison de leur heureux caractère et de leurs réelles qualités, qui se présentent l’une contre l’autre à la même élection, ce « meilleur » que je souhaite à l’un au début de l’année sera-t-il l’éviction de son concurrent auquel je présente également mes « meilleurs voeux » ?

   On pourrait multiplier les exemples à l’infini…

   Les questions que je pose sont donc celles-ci : les vœux ne seraient-ils pas une façon de suggérer ou d’imposer à l’autre ma propre vision du bien ? Et qu’est-ce qui me garantit que le bien que je souhaite à la personne pour laquelle j’ai de l’estime, ou le bien que lui-même souhaite sont finalement un véritable bien, dans l’absolu et pour tous, et dans toutes leurs conséquences ?

Patte de chat Lully.

(à suivre > 6ème partie)

carte de voeux vintage avec chats dans la neige

2015-6. Métaphysique des vœux (4ème partie)

4ème partie :
Les chats et les philosophes ont vraiment l’art de poser des questions qui dérangent…

frise

Lully le vigilant

Lully, le vigilant poseur de questions dérangeantes.

Dimanche 4 janvier 2015,
Fête du Très Saint Nom de Jésus
[si ce n’était pas un dimanche on célèbrerait la fête de Sainte Angèle de Foligno – cf. > ici].

       Les approfondissements que je publie ici, je le sais, demandent un certain effort d’attention, de concentration et de réflexion à mes lecteurs ; ils peuvent faire penser à certains que je coupe les cheveux de puce en quatre ; ils risquent aussi d’être mal compris par d’autres, comme en témoignent quelques messages que j’ai reçus, me disant en résumé : « Ainsi donc, Lully, vous êtes contre les vœux du nouvel an ? »

   Dois-je donc préciser que je ne suis pas « contre les vœux du nouvel an », mais que j’ai essayé d’engager une « démarche métaphysique » à leur sujet.
La métaphysique est une partie de la philosophie qui recherche les causes, les premiers principes de l’univers, de la nature, de la connaissance, des actions humaines… etc. Elle s’efforce d’aller au-delà des apparences pour tenter de trouver et de comprendre la réalité cachée.

   En publiant ici mes propres réflexions, inspirées par mes observations du monde des hommes, je sais très bien que je peux déranger ceux qui préfèrent justement ne pas se poser de questions et suivre le mouvement sans état d’âme, puisque « tout le monde fait comme ça », puisque « c’est la tradition », et puisque « il ne faut pas se singulariser », …etc.
Or justement les chats et les philosophes n’aiment pas, ne savent pas « faire comme tout le monde » juste pour « faire comme tout le monde » ou « parce que c’est la tradition » s’ils n’ont pas compris les raisons de cette tradition. Ils aiment comprendre le « pourquoi ? » et les « pour quoi ? » de leurs actes.
En cela ils sont plutôt du genre « poil à gratter » ; ils dérangent ; ils suscitent des démangeaisons intellectuelles ou spirituelles.
Ont-ils tort toutefois d’estimer que celui qui ne réfléchit pas au sens des gestes qu’il pose n’est pas un homme mais un mouton de Panurge ?
Les chats et les philosophes ont aussi la certitude qu’un usage vénérable gagne toujours à être mieux compris, et qu’une tradition tire toujours un grand profit à être pratiquée avec intelligence.

   « Meilleurs vœux ! », « Bonne année et bonne santé ! », « Que cette année te soit favorable, à toi et à tous les tiens ! », « Je te souhaite ce qu’il y a de meilleur ! »« Je souhaite que tous vos projets se réalisent ! », « Que cette nouvelle année permette l’accomplissement de vos plus chers désirs ! »,  … etc.
Les formules sont multiples, et, comme je l’écrivais en tout début de la première partie de ces réflexions, elles sont un moyen évident de resserrer certains liens qui, sinon, auraient tendance à se distendre : les voeux de « bonne année » permettent de renouer des contacts, ils témoignent d’une forme de sollicitude, ils constituent aussi un moyen de dire à celui auquel on les adresse : « Même si je ne donne pas toujours de mes nouvelles, tu comptes toujours pour moi et j’espère que toi non plus tu ne m’as pas oublié… »

   Tout cela est vrai, mais en l’énonçant je n’ai toutefois pas répondu à la question fondamentale : j’ai énuméré une partie des motifs ou des effets de ces voeux, je n’ai toujours pas dit ce qu’ils sont.

   Que sont fondamentalement « les vœux de nouvel an » ?
Quel est leur sens profond ? 

   « Je présente mes vœux à mes proches et à ceux que j’aime pour leur témoigner de mon affection ».
- Je l’entends bien, et je ne remets pas en cause la sincérité de votre amitié ou la profondeur de votre affection. Mais il existe de nombreux autres moyens de manifester son attention, sa sollicitude et son affection à quelqu’un, alors pourquoi choisir justement le vœu ? On peut témoigner de son amitié par des gestes ; certains regards parfois en disent bien plus long que les paroles.

   Serait-ce donc que le fait de formuler quelque chose de bon, sous forme de souhait ou de vœu, ajouterait quelque chose de plus à l’affection ?
Ou bien, n’y aurait-il pas l’idée, plus ou moins consciente, que cette formulation peut influer sur le cours des événements à venir ?
Est-ce que le fait d’énoncer un vœu peut éloigner le mal de la personne pour laquelle on le prononce ?
Est-ce que que le fait de souhaiter du bien à quelqu’un fera que ce bien se produira ?
Ne sommes-nous pas alors dans une sorte de démarche « magique » ? Le vœu serait-il une formule de conjuration de ce que les anciens romains nommaient le « fatum » : la fatalité, le destin ?

   Les mots humains influraient-ils donc sur les évènements à venir ?
La formulation d’un vœu peut-elle changer quelque chose au devenir de la personne pour laquelle on le profère ?
Si je crois que cela peut avoir une influence, je suis cohérent en émettant des voeux ; mais si, comme me l’a écrit quelqu’un, « on sait bien que ça ne change pas grand chose », même si « c’est malgré tout agréable à entendre », pourquoi formulerai-je des voeux en sachant pertinemment qu’ils sont inefficaces et n’auront aucun effet positif en faveur de ceux que j’aime ?
N’est-ce pas alors pratiquer une forme de tromperie ou de mensonge ?
Si celui pour lequel je prononce des voeux est lui aussi convaincu que « ça ne change pas grand chose, mais c’est toujours agréable à entendre », quelle utilité y a-t-il à cette formulation de voeux qui ressemble à un jeu de dupes dont personne n’est dupe, puisque ni l’émetteur ni le récepteur n’y croient ?

   S’il s’agit juste de faire entendre quelque chose d’« agréable », pourquoi alors choisir le moyen du vœu, dont on est certain qu’il « ne changera rien » ?
On pourrait plutôt, dans ce cas, formuler un tas d’autres choses tout aussi « agréables à entendre », comme le sont par exemple : « J’aime votre compagnie », ou « Je te trouve très beau », ou encore « Ton intelligence me ravit », ou bien « Je trouve que vous êtes une personne exceptionnelle », ou tout simplement « Je vous aime ».
Les idées ne manquent pas en ce domaine : quand on partage quelque chose de fort et de beau avec quelqu’un on n’a pas vraiment besoin de « voeux » pour lui manifester son affection, sa tendresse, sa sollicitude, on dispose d’un tas de mots, d’expressions, de gestes et d’attitudes pour le lui signifier…

   C’est pourquoi, j’en reviens toujours à mes questions : pourquoi le vœu ? à quoi sert-il vraiment ?
Je le confesse : en vous titillant de la sorte, pour vous obliger à réfléchir et à vous interroger sur votre coutume des voeux du nouvel an, je joue un peu de la même manière que je le fais lorsque j’ai attrapé une souris…

pattes de chatLully.

(à suivre, ici > 5ème partie)

chat et souris de noël

2015-5. Métaphysique des vœux (3ème partie).

3ème partie :
De nouveaux rites pour conjurer la peur ou l’angoisse
suscitées par la perspective du cycle inconnu qui commence…

frise

Maître-Chat Lully au divan

Maître-Chat Lully scrutateur et analyste des agirs humains.

Samedi 3 janvier 2015,
fête de Sainte Geneviève (cf. > ici).

   Je concluais la deuxième partie de mes réflexions (cf. > ici) en évoquant l’instant fugace où la jonction de deux cycles rend plus présents à la conscience le passé et l’avenir.
Or il se trouve que pour certains, cette quasi obligation de réfléchir suscitée par cet instant produit une espèce de peur, voire d’angoisse.

   Dans notre société sécularisée, dans ce monde devenu anti-chrétien dont les meneurs nient, combattent et veulent effacer jusqu’au souvenir des racines chrétiennes de notre civilisation, la période des célébrations de la Nativité du Sauveur a été renommée « fêtes de fin d’année ».
Le laïcisme militant, au travers des expressions qu’il impose, révèle quelque chose de bien profond.

   Pour la Chrétienté vivante, Noël portait en ses deux syllabes l’évocation de la vie nouvelle accueillie et reçue, révélée et communiquée, car le mot Noël vient du mot latin « natalis » qui veut dire « naissance » : la naissance du Verbe de Dieu incarné venu nous arracher à la mort spirituelle.

   Pour la Chrétienté vivante, le chiffre huit porte en lui une notion de plénitude et d’accomplissement.
C’est pourquoi, aux siècles de foi, la fête de Noël durait bien concrètement huit jours : l’octave de la Nativité. Un octave qui n’était pas seulement célébré par des moines coupés du peuple par les murs épais de leurs cloîtres et de leurs abbayes, mais célébré par toute la société civile et dans toutes les couches de la population.
Quand arrivait le huitième jour après la naissance de l’Enfant, jour où Il avait été circoncis en application des rites de la Loi de Moïse, la plénitude du mystère de cette naissance était révélée : ce n’est pas simplement d’une joie naturelle que nous réjouit cette naissance, c’est parce qu’elle est le prélude nécessaire à notre Rédemption et en constitue en quelque sorte les arrhes.
Le sang versé par le Fils de Dieu incarné lors de Sa Circoncision annonce celui qu’Il répandra en abondance dans Sa Passion : dès le huitième jour, en Se soumettant aux rites de la Loi judaïque et en recevant le nom de Jésus – qui signifie « Dieu sauve » – , au moment-même où sont répandues les premières gouttes de Son sang, la clef de compréhension de tout le mystère du Salut de l’humanité nous est livrée.
Sans nul doute est-ce la raison profonde, la raison théologique, qui a fait que l’Eglise a préféré que l’année commençât au jour où s’accomplit l’Octave de la Nativité plutôt qu’au jour de Noël, au jour de la Circoncision plutôt qu’au jour de la Naissance : nous sommes désormais dans le temps de la Rédemption, le temps où notre rachat a été accompli par le Sang versé ; nous sommes dans le temps de la grâce.
Voilà pourquoi encore, aux siècles de foi, l’année était appelée « an de grâce » ou « an du salut ». Le calendrier hérité de la Chrétienté vivante est profondément théologique : on comprend sans peine que la révolution anti-chrétienne ait voulu l’abolir.
Mais aujourd’hui qui s’en souvient encore ?
Même les clercs de nos temps de décadence, aveuglés par le naturalisme, ont perdu la compréhension du mystère du huitième jour après la naissance, et ne veulent plus de la fête de la Circoncision au 1er janvier !

J’ai fait, semble-t-il, une longue digression, mais en réalité ce n’en est pas une ; ce développement était nécessaire pour comprendre en vérité le sens de ce que je vous écrivais lorsque, ci-dessus, j’évoquais les changements sémantiques accomplis par la sécularisation et le laïcisme.

   On ne veut plus parler des « fêtes de la Nativité » ; on veut Noël sans la Naissance du Fils de Dieu ; on veut substituer des « fêtes de fin d’année » aux fêtes par lesquelles l’Eglise célèbre le commencement de l’oeuvre rédemptrice : à la célébration du commencement du Salut, le monde oppose celle de la fin de l’année.
A la Naissance salvatrice présentée par l’Eglise, le monde oppose la vision de la mort que figure toute fin de cycle.
Oui, le changement du nom de cette période révèle quelque chose de bien profond !

   Aux âges de foi, aux temps de la Chrétienté vivante, quand arrivaient les dernières heures de l’année les fidèles prenaient du temps pour le recueillement et la prière : ils demandaient à Dieu pardon pour les fautes qu’ils avaient commises durant l’année écoulée, et ils Le remerciaient des grâces qu’Il leur avait octroyées dans le même temps, afin d’entrer avec un coeur renouvelé dans le nouvel an et de poursuivre le travail de leur sanctification, en marche vers le Royaume des Cieux.
Pas d’excitation ni de vacarme, mais l’intériorité et la sérénité de l’authentique vie spirituelle, dans la tranquille simplicité du rapport de l’enfant à son père.
La fête extérieure, car on ne boudait pas la fête, n’était que le débordement du trop plein de l’âme ; elle en gardait la sobriété et la mesure ; elle n’avait pas besoin de recourir à des artifices, ni à une surabondance de subterfuges superficiels et de biens de consommation.

   L’éviction de la foi et la lutte contre les mœurs chrétiennes s’accompagnent d’un retour aux usages païens.
A la tranquille espérance chrétienne reviennent se substituer les incertitudes et les angoisses existentielles des vieux paganismes.

   Le rite néo-païen qui consiste à attendre l’heure de minuit, à la jonction du 31 décembre et du 1er janvier, afin de se souhaiter, à ce moment précis, une « bonne année », en se congratulant, s’embrassant, se témoignant de l’affection et en manifestant bruyamment une chaleur humaine sensible, ne peut-il pas être perçu comme une manière de conjurer la peur de l’inconnu ?
Toute année nouvelle, en effet, à l’instant précis où elle s’ouvre ne donne-t-elle pas à celui dont le coeur n’est pas habité par l’espérance chrétienne l’impression d’un abîme vertigineux ? Une sorte de grand vide qu’il faut vite combler – d’une manière ou d’une autre – pour échapper à l’inquiétude qu’il fait naître.

   Les danses étourdissantes, les bruyantes accolades, les boissons et l’ivresse dont elles sont la cause, l’abondance des mets et la satiété qu’elle engendre, la joie que l’on s’impose de manifester au risque de forcer la note, ne constituent-ils pas eux aussi des sortes de rites destinés à masquer pendant un moment quelque réalité à laquelle on voudrait échapper ?

   Les pétards et les feux d’artifice ne sont-ils pas les formes contemporaines de ces feux purificateurs dont les sociétés les plus archaïques avaient déjà l’usage, et n’évoquent-ils pas le vacarme des anciennes lupercales, saturnales ou bacchanales dont les codes, venus du fond des âges, procédaient tout à la fois de rites de protection, de rites de purification, de rites de fécondité, de rites permettant pour un laps de temps l’exutoire de tout l’incontrôlable qui couve dans le cœur de l’homme, et finalement de l’appel à quelque chose de nouveau, craint et désiré en même temps ?

   Et les vœux dans tout cela ?
Quel est leur rôle ? De quoi procèdent-ils ?
Ne sont-ils qu’une sympathique coutume sociale, où sont-ils les révélateurs d’autre chose ?
Si, pour enfin me pencher sur la « métaphysique des voeux » j’ai dû longuement m’attarder – au risque de donner l’impression de m’y perdre – sur le contexte dans lequel ils sont émis, je ne les oublie pas : ils feront bien l’objet de la suite de mon propos.

Lully.

(à suivre, ici > 4ème partie)

fête de fin d'année

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