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2023-145. « Vie où les âmes se nourrissent de la vérité éternelle… »

13 novembre,
Toussaint de l’Ordre de Saint Augustin (cf. aussi > ici) ;
Mémoire de Saint Stanislas Kotska ;
Anniversaire de la promulgation de la profession de foi tridentine (cf. ici).

       Nous profitons de ce qu’en ce 13 novembre nous fêtons la fête de tous les saints de l’Ordre de Saint Augustin, pour publier encore une fois quelques lignes pleines de ferveur extraites du « Manuel de Saint Augustin » (nous avons expliqué > ici ce qu’est ce « Manuel »), qui constituent une aspiration embrasée à l’éternelle béatitude à laquelle Dieu nous appelle.

Tous les saints de la famille augustinienne

Tous les saints de la famille augustinienne (anonyme début XVIIème siècle)

blason ermites de Saint Augustin

De la joie du Paradis

       « O vie vivifiante, ô vie éternelle, ô vie éternellement bienheureuse ! où la joie est sans tristesse, le repos est sans travail, la gloire sans appréhension, la force sans langueur, les richesses sans vicissitude, la félicité sans défaut, la vie sans corruption, la durée sans fin, et la prospérité sans disgrâce : vie où tous les biens se trouvent dans la plénitude et dans la puissance de la charité, où l’on voit à découvert la vérité de la sagesse éternelle, et dans elles toutes les créatures qui en sont les ouvrages : vie où les Saints admirent et louent les sentiments intérieurs, et les magnificences extérieures de la bonté infinie de Dieu : vie où les Saints ont pour spectacle continuel les splendeurs de la présence de cette majesté suprême qu’ils adorent : vie où les âmes se nourrissent de la vérité éternelle, où leurs yeux intérieurs ont pour lumière et pour soleil la divinité même qu’ils contemplent sans interruption, sans lassitude, sans dégoût, et toujours avec de nouveaux désirs, mais avec des désirs que la jouissance rend tranquilles et bienheureux : vie où Dieu qui est le soleil véritable et invisible de la sagesse et de la justice, réjouit de la beauté de Ses rayons tous les habitants du ciel, dans l’esprit desquels Il les répand, pour les faire eux-mêmes des astres lumineux qui soient sous son empire et sous l’influence de Sa lumière, comme les étoiles sont sous l’influence et sous l’empire du soleil : lumière des esprits bienheureux, qui êtes infiniment au-dessous de celles de Dieu d’où elle dérive, mais aussi qui êtes incomparablement plus noble, plus vive et plus éclatante que la lumière du soleil et des étoiles que nous voyons ; ces esprits saints, en contemplant le soleil invisible et immortel de la sagesse, et en s’y attachant par les flammes de leur  amour, deviennent brillants, sages et immortels avec Lui, selon cette promesse que Jésus-Christ leur en a faite dans ces paroles : « Mon Père, je souhaite que les Elus que Vous M’avez donnés soient où Je suis, qu’ils voient en Moi les splendeurs de Votre sagesse, et qu’ils en participent la lumière et l’immortalité ; Je désire que cette lumière soit le lien de leurs cœurs, et que par elle ils ne soient qu’un entre eux et avec Nous, ainsi que Vous êtes avec Moi, ô Mon Père ! par la communication de Votre lumière et de Votre sagesse, et que Je suis en Vous, en la recevant de Vous, en qualité de Votre Fils » (note : le « Manuel » résume ici certains passages du « discours après la Cène ») ».

« Manuel de Saint Augustin », chapitre VII.

Saint Augustin père d'une multitude de saints

2023-141. « Craignons pour ne craindre pas ».

7 novembre,
Au Mesnil-Marie, commémoraison de tous nos amis et bienfaiteurs défunts.

Sermon LXV de Saint Augustin sur la vraie vie

       Ce sermon, qui fut prononcé à l’occasion d’une fête de martyrs [mais on ne sait pas lesquels], comme le montrent plusieurs allusions dans le texte, est l’explication de ces paroles évangéliques : « Ne craignez point ceux qui tuent le corps et ne peuvent tuer l’âme ; mais craignez Celui qui peut mettre à mort le corps et l’âme dans la géhenne » (Matth. X, 28).
En effet 1° ceux qui vous menacent n’ont-ils pas autant à craindre que vous ? 2° Tout ce qu’ils peuvent, se réduit a ôter à votre corps une vie qui lui sera plus tard rendue magnifiquement. 3° En ne craignant pas Dieu vous perdriez à tout jamais la vie de votre âme et seriez condamnés à la mort éternelle et de l’âme et du corps.

   En ces jours de l’octave de la Toussaint et en pensant à nos fins dernières, ces paroles de notre Bienheureux Père Saint Augustin sont particulièrement adaptées pour nous inspirer de généreux et courageux sentiments de fidélité dans les combats de cette vie terrestre.

Ne craignez pas ceux qui tuent le corps...

« Ne craignez point ceux qui tuent le corps et ne peuvent tuer l’âme ;
mais craignez Celui qui peut mettre à mort le corps et l’âme dans la géhenne » (Matth. X, 28)

« Craignons pour ne craindre pas »

       § 1. Les divins oracles que l’on vient de lire nous invitent à ne pas craindre en craignant et à craindre en ne craignant pas.
Vous avez remarqué, à la lecture du saint Evangile, qu’avant de mourir pour nous le Seigneur notre Dieu a voulu nous affermir ; Il l’a fait en nous recommandant de ne pas craindre et en nous recommandant de craindre. « Ne craignez pas, dit-Il, ceux qui tuent le corps et ne peuvent tuer l’âme ». C’est l’invitation à ne rien craindre. Et voici l’invitation à craindre : « Mais craignez Celui qui peut mettre à mort le corps et l’âme dans la géhenne ». Ainsi craignons pour ne craindre pas. La crainte paraît être une lâcheté, le caractère des faibles et non des forts. Remarquez néanmoins ce que dit l’Écriture : « La crainte du Seigneur est l’appui des forts » (Prov. XIV, 26). Craignons pour ne craindre pas, en d’autres termes, craignons sagement pour ne pas craindre follement. Ces saints martyrs dont la fête nous a procuré d’entendre ces paroles évangéliques, ont ainsi craint en ne craignant pas ; car en craignant Dieu, ils ont méprisé la crainte des hommes.

       § 2. Qu’est-ce en effet qu’un homme peut avoir à craindre des hommes ? Qu’y a-t-il dont un homme puisse faire peur à un autre homme ? Pour t’effrayer il te dit : Je te tue ; et il ne redoute pas, en te menaçant, de mourir avant toi !
Je te tue, dit-il. Qui tient ce langage ? A qui s’adresse-t-il ?
Je vois ici deux hommes ; l’un épouvante, l’autre est épouvanté ; l’un est puissant, l’autre faible ; mais tous deux sont mortels. Pourquoi donc le premier s’enfle-t-il de ses honneurs et de sa puissance lorsque par son corps il est aussi faible que le second ? S’il ne craint pas la mort, qu’il menace de la mort ; mais s’il craint le sort dont il menace autrui, qu’il rentre en lui-même et qu’il se compare à qui il fait peur. Qu’il reconnaisse dans celui-ci une situation égale à la sienne et qu’avec lui il implore la miséricorde divine. C’est un homme qui menace un homme, une créature qui veut faire trembler une autre créature ; mais l’une s’élève insolemment sous la main de son Créateur et l’autre cherche un asile dans Son sein.

Martyr

« C’est un homme qui menace un homme,
une créature qui veut faire trembler une autre créature ;
mais l’une s’élève insolemment sous la main de son Créateur
et l’autre cherche un asile dans Son sein. »

       § 3. Ce courageux martyr, cet homme debout devant un homme peut donc dire hardiment : parce que je Le crains, je ne te crains pas. En vain tu menaces, s’Il S’y oppose tu ne feras rien ; tandis que nul n’entrave l’exécution de Ses desseins.
Lors même, d’ailleurs, qu’Il te permettrait d’agir, jusqu’où iras-tu ? Jusqu’à tourmenter le corps, mais l’âme est à l’abri de tes coups. Tu ne saurais mettre à mort ce que tu ne vois pas, et tu ne peux effrayer que ce qui est visible comme toi. Nous avons, toi et moi, un Créateur invisible que nous devons craindre ensemble ; Il a composé l’homme d’une partie visible et d’une partie invisible ; la partie visible est formée de terre, et l’invisible est animée par Son souffle. Aussi cette nature invisible, cette âme qui a redressé et qui tient debout la partie terrestre, ne redoute rien lorsque tu frappes celle-ci. Tu peux abattre la maison ; mais celui qui l’habite ? Tu brises ses liens, il s’échappe et va se faire couronner dans un autre monde. Pourquoi donc ces menaces, impuissantes contre l’âme ?
Par les mérites de celle contre qui tu ne peux rien, ressuscitera bientôt celui contre qui tu peux quelque chose. Oui le corps ressuscitera, grâce aux mérites de l’âme ; la demeure sera rendue à celui qui l’habite, pour ne plus tomber en ruines mais pour subsister toujours. Ainsi, poursuit le martyr, ainsi pour mon corps lui-même, je ne redoute point tes menaces. Il est en ton pouvoir : mais le Créateur tient compte des cheveux de ma tête (Matth. X, 30). Comment craindre pour mon corps, quand je ne puis perdre un seul cheveu ? Comment ne prendrait pas soin de ma chair Celui qui S’occupe de ce qu’il y a de moindre en elle ? Ce corps que tu peux frapper et mettre à mort sera provisoirement réduit en poussière, mais éternellement il sera immortel. Or à qui appartiendra-t-il ? A qui sera rendu pour l’éternelle vie ce corps mis à mort, déchiré et dispersé ? A qui sera-t-il rendu ? A celui là même qui n’a point redouté de perdre la vie en ne craignant point le meurtre de sa chair.

       § 4. On dit, mes frères, que l’âme est immortelle ; elle l’est effectivement sous certain rapport ; car elle est un principe de vie dont la présence anime le corps. L’âme en effet fait vivre le corps. A ce point de vue elle ne peut mourir ; aussi est-elle immortelle.
Mais pourquoi ai-je dit : sous certain rapport ? Le voici.
Il y a une immortalité véritable, une immortalité qui est l’immortalité même. C’est d’elle que parle l’Apôtre quand il dit de Dieu : « Seul Il possède l’immortalité et habite une lumière inaccessible ; nul homme ne L’a vu ni ne Le saurait voir ; à Lui honneur et gloire dans les siècles des siècles. Amen » (1 Tim. VI, 16). Or si Dieu seul possède l’immortalité, l’âme est mortelle assurément. Voilà pourquoi j’ai dit qu’elle est immortelle à sa manière ; car elle peut mourir aussi.
Que votre charité s’applique à comprendre et il ne restera rien de douteux. J’ose donc assurer que l’âme peut mourir et qu’elle peut-être tuée.
Oui, elle est immortelle. J’ose dire encore : Elle est immortelle et elle peut être tuée. Aussi ai-je remarqué qu’il y a une immortalité, ou l’immutabilité même, que Dieu seul possède, L
ui dont il est dit : « Il possède seul l’immortalité ».
Eh ! si l’âme ne pouvait être tuée, le Seigneur Lui-même aurait-Il dit pour nous inspirer une salutaire frayeur : « Craignez Celui qui peut mettre à mort l’âme et le corps dans la géhenne » ?

parce que je Le crains, je ne te crains pas

« Parce que je Le crains, je ne te crains pas ! »

       § 5. Je n’ai fait qu’augmenter, je n’ai pas résolu la difficulté. J’ai prouvé que l’âme peut être mise à mort. L’impie seul peut contredire l’Evangile. Ceci me suggère la manière de répondre. Qu’y a-t-il de contraire à la vie, sinon la mort ? L’Evangile est la vie, l’impiété et l’infidélité sont la mort de l’âme.
Ainsi l’âme peut mourir, tout immortelle, qu’elle soit.
Et comment est-elle immortelle ? Parce qu’il y a en elle une vie qui ne s’éteint jamais. Comment meurt-elle ? Non pas en cessant d’être une vie, mais en perdant la vie ; car si elle est la vie du corps, elle a aussi sa vie.
Admire ici l’ordre établi dans la création. L’âme est la vie du corps, et Dieu est la vie de l’âme. Comme le corps a besoin de la présence de sa vie, c’est-à-dire de l’âme, pour ne pas mourir, ainsi pour ne mourir pas, l’âme a besoin de l’action de sa vie ou de Dieu.
Comment meurt le corps ? Quand l’âme le quitte. Oui, lorsque l’âme le quitte, le corps meurt, et ce n’est plus qu’un cadavre. Quels qu’aient été ses charmes, c’est maintenant un objet d’horreur. Il a encore ses membres, ses yeux, ses oreilles ; ce sont comme les fenêtres d’une demeuré inhabitée, et plaindre un mort, c’est crier en vain aux fenêtres d’une maison où il n’y a plus personne qui puisse entendre. A quels sentiments, à quels retours, à quels souvenirs s’abandonne la plainte ; à quels excès de douleur ne se laisse-t-elle pas aller ? Vous diriez qu’elle se croit entendue, et elle parle à un absent. Elle rappelle sa vie, elle redit les témoignages de sa tendresse. C’est toi qui m’as fait ce don, qui m’as rendu tel et tel service, c’est de toi que j’ai reçu telle et telle marque d’amour.
Mais si tu réfléchissais, si tu comprenais, si tu commandais à cette douleur déréglée, tu verrais que ton ami n’est plus là, et qu’en vain tu frappes à la porte d’une maison où il n’y a personne.

       § 6. Revenons au sujet que nous traitions.
Le corps est mort. Pourquoi ? C’est que l’âme ou la vie l’a quitté.
Cet autre corps est vivant, mais c’est le corps d’un impie, d’un infidèle, d’un homme qui résiste à la foi et qui se montre de fer quand il s’agit de se corriger : quoique ce corps soit vivant, l’âme qui le fait vivre est une âme morte.
Quelle merveille que cette âme, puisque toute morte qu’elle soit, elle peut encore donner la vie au corps ! Quelle merveille, quelle excellence dans cette créature, puisqu’après sa mort elle peut animer la chair ! En effet l’âme de l’impie, l’âme de l’infidèle, l’âme du débauché et de l’insensible est une âme morte, et toutefois elle fait vivre le corps. Aussi est-elle en lui : c’est elle qui applique les mains au travail et qui met les pieds en mouvement ; elle ouvre l’œil pour voir et l’oreille pour entendre ; elle juge des saveurs, fuit la peine et cherche le plaisir. Ces actes sont des indices que le corps vit, mais il vit par la présence de l’âme. Je demande à ce corps s’il est vivant, et il me répond : Tu vois un homme marcher et travailler, tu l’entends parler ; sous tes yeux mêmes il fuit et recherche, et tu ne comprends pas que son corps est vivant ? Ces actes inspirés par l’âme qui le meut intérieurement me font donc comprendre que le corps réellement vit.
Je demande maintenant à l’âme elle-même si elle est vivante. Elle aussi fait des œuvres qui rendent témoignage à sa vie. Ces pieds marchent et je comprends que le corps est vivant et que l’âme est en lui. Mais l’âme elle-même est-elle vivante ? Ces pieds marchent ; je ne parle que de ce mouvement, et je veux connaître par là quelle est la vie du corps et quelle est celle de l’âme. Les pieds donc marchent, preuve que le corps est vivant. Mais où vont-ils ? A un adultère, m’est-il répondu.
L’âme est donc morte. L’infaillible Ecriture ne dit-elle point : « La veuve qui vit dans les délices est morte » (1 Tim. V, 6) ? Vu l’énorme différence des délices à l’adultère, comment pourrait vivre dans l’adultère l’âme qui est morte dans les délices ? Elle est morte assurément et néanmoins elle n’est pas morte uniquement dans ce cas.
J’entends parler quelqu’un ; le corps est donc vivant, car la langue ne serait pas en mouvement dans la bouche, elle n’y formerait pas, en s’agitant diversement, des sons articulés, si l’âme n’était dans le corps et n’employait la langue comme le musicien emploie son instrument.
Je saisis parfaitement. Voilà comment parle, comment vit le corps.
Mais je demande si l’âme aussi est vivante. Le corps parle, preuve qu’il vit. De quoi parle-t-il ? Je disais des pieds : Ils marchent, c’est que le corps est vivant ; et j’ajoutais : Où vont-ils ? comme moyen de savoir si l’âme vivait aussi.
De la même manière je juge, en entendant parler, que le corps est vivant ; et pour savoir si l’âme vit également je cherche de quoi parle le corps. Il profère un mensonge. S’il profère un mensonge, c’est que l’âme est morte.
Comment le prouver ? Questionnons la Vérité même ; elle dit : « La bouche qui ment donne la mort à l’âme » (Sag. I, 11). Pourquoi cette âme est-elle morte ? Je demandais également, tout à l’heure, pourquoi le corps était mort, et je répondais : c’est que l’âme ou sa vie l’a quitté.
Pourquoi l’âme est-elle morte ? C’est que Dieu, qui est sa vie, l’a abandonnée.

Menaces envers le juste

« Ne crains donc pas, ô martyr, l’épée de ton persécuteur… »

       § 7. Après ces courtes explications, sachez et soyez sûrs que comme le corps est mort quand il est séparé de l’âme, ainsi l’âme est morte lorsqu’elle est séparée de Dieu, et tout homme éloigné de Dieu a sûrement l’âme morte.
Tu pleures un mort ; pleure plutôt le pécheur, pleure l’impie, pleure l’infidèle. Il est écrit : « On pleure un mort durant sept jours ; mais l’insensé et l’impie doivent être pleurés tous les jours de leur vie » (Eccli. XXII, 13).
N’as-tu pas les entrailles de la miséricorde chrétienne ? Comment pleures-tu le corps séparé de l’âme, sans pleurer l’âme séparée de Dieu ?
Appuyé sur cette vérité, que le martyr réponde donc au tyran qui le menace : Pourquoi me contraindre à renier le Christ ? Tu veux donc que je renie la vérité ? Que feras-tu si je m’y refuse ? Tu frapperas mon corps pour en éloigner mon âme ; mais le corps est fait pour l’âme. Cette âme n’est ni imprudente ni insensée. Or en voulant frapper mon corps, prétends-tu me faire craindre tes coups et l’éloignement de mon âme, pour me déterminer à la frapper moi-même et à en éloigner mon Dieu ?
Ne crains donc pas, ô martyr, l’épée de ton persécuteur ; redoute plutôt ta langue, crains de te blesser toi-même et de mettre à mort, non pas ton corps mais ton âme. Crains de faire mourir ton âme dans la géhenne du feu.

       § 8. Aussi le Seigneur dit-Il qu’ « Il a le pouvoir de mettre à mort le corps et l’âme dans la géhenne du feu ». Comment ? Est-ce que l’impie jeté dans cette géhenne brûlante, son âme brûlera comme son corps ? La mort du corps est le supplice éternel, et la mort de l’âme, la privation de Dieu. Veux-tu savoir en quoi consiste cette mort de l’âme ? Entends le prophète : « Loin d’ici l’impie, dit-il, et qu’il ne voie point la gloire de Dieu » (Is. XXV, 10).
Que l’âme donc craigne de mourir et qu’elle ne redoute pas la mort de son corps. Car en craignant de mourir et en vivant unie à son Dieu, sans L’offenser et sans L’éloigner, elle méritera de recouvrer son corps à la fin des siècles, non pour subir la peine éternelle, comme les impies, mais pour jouir, comme les justes, de l’éternelle vie.
Les martyrs ont craint cette mort et aimé cette vie ; et en attendant l’accomplissement des divines promesses, en méprisant les menaces de leurs persécuteurs, ils ont mérité la couronne auprès de Dieu et nous ont laissé ces solennités à célébrer.

Couronnement de celui qui a craint Dieu plus que les hommes

« En craignant de mourir et en vivant unie à son Dieu,
sans L’offenser et sans L’éloigner,

elle méritera de recouvrer son corps à la fin des siècles,
non pour subir la peine éternelle, comme les impies,
mais pour jouir, comme les justes, de l’éternelle vie. »

2023-140. De Saint Léonard de Noblat, filleul du Roi Clovis 1er le Grand, disciple de Saint Remi, diacre, solitaire puis abbé, céleste protecteur des captifs.

6 novembre,
Fête de Saint Léonard de Noblat.

   La fête de Saint Léonard de Noblat, nous donne d’admirer une fois de plus l’éclosion de sainteté qui se produisit autour de Clovis le Grand et de sa conversion, et nous porte à rendre à Dieu de très profondes actions de grâces pour les dons qu’Il a fait au Royaume des Lys à travers tant de saints qui constituent le maillage spirituel de la France catholique et royale.

Gaspare Antonio Baroni Cavalcabò - Saint Léonard de Noblat

Gaspare Antonio Baroni Cavalcabò (1682 – 1759) : Saint Léonard de Noblat

       Parmi les jeunes gens de la cour de Clovis qui abjurèrent le paganisme après la bataille de Tolbiac, il y avait un fils de famille noble prénommé Léonard.
« Bon sang ne saurait mentir » dit le vieil adage français : pour des hommes de cette trempe, la vertu commune ne suffit pas, mais il faut tirer toutes les conséquences de l’Evangile, et aux préceptes ajouter les conseils, c’est-à-dire qu’aux commandements de Dieu et de l’Eglise qui s’imposent à tous, il faut ajouter, pour atteindre un niveau de perfection plus élevé, l’observance libre, généreuse et volontaire, des recommandations données par Notre-Seigneur Lui-même, dont Il a donné l’exemple dans sa vie ici-bas : la pauvreté, la chasteté et l’obéissance, embrassées comme un moyen supérieur d’imitation du Sauveur.

   D’après la tradition et le récit de sa vie, mis par écrit au début du XIème siècle (ce qui ne signifie évidemment pas qu’il a été forgé de toutes pièces à cette époque-là en laquelle les écrits étaient relativement rares, mais où les traditions orales pouvaient, sur de nombreuses générations, transmettre fidèlement le souvenir des événements du passé), Léonard, baptisé par Saint Remi, évêque de Reims, eut comme parrain Clovis lui-même, et, au moment où les adolescents de son rang se devaient d’embrasser la carrière des armes, choisit le service de Dieu et commença par se mettre à l’école de Saint Remi. Comme celui-ci, il visitait les pauvres et les malades. Il obtint en particulier du Roi Clovis, qui lui faisait une entière confiance, le privilège de visiter les prisonniers et de libérer tous ceux qu’il jugeait dignes de cette grâce.

Saint Léonard avec le Roi Clovis

   Il refusa la dignité épiscopale à laquelle le Roi et Saint Remi voulaient l’élever, et préféra embrasser la vie monastique, rejoignant pour cela le monastère de Micy près d’Orléans (Note : l’abbaye de Micy, aujourd’hui abbaye Saint-Mesmin de Micy, était originellement un domaine royal inoccupé que Clovis, vers 500, donna à Saint Euspice – archiprêtre de Verdun qui avait gagné sa confiance et qu’il s’était attaché -, pour qu’il y fondât un monastère : cette abbaye adopta la Règle de Saint Benoît, et se maintint jusqu’à la grande révolution, qui en chassa les moines et la détruisit. Depuis 1939, le site a été rebâti et a retrouvé sa vocation religieuse avec le monastère des Carmélites transférées d’Orléans).
Après avoir été ordonné diacre, Léonard ressentit l’appel de la vie érémitique : ayant traversé le Berry, où il prêcha, convertit et accomplit des miracles, ses pas le portèrent dans la forêt de Pauvin, non loin de Limoges et du tombeau de Saint Martial, où il se bâtit un ermitage, dans lequel il demeura une vingtaine d’années, presque ignoré de tous, si ce n’est qu’il en sortait pour aller visiter les prisons, où il se prévalait toujours du droit que lui avait accordé Clovis de faire libérer les prisonniers qu’il jugeait dignes de l’être.

   C’est alors qu’un miracle vint révéler sa sainteté. Ainsi que l’a dit Notre-Seigneur, on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais il convient qu’elle soit placée sur un lampadaire pour qu’elle éclaire toute la maison. Il était temps désormais que Léonard, que la vie solitaire avait enrichi de vertus resplendissantes, fut révélé à l’Eglise des Gaules et l’illuminât. La cause en fut l’éclatant prodige accompli en faveur de la descendance du Roi Clovis, son parrain.
Thierry 1er, né de Clovis et d’une concubine avant le mariage avec Sainte Clotilde, avait reçu à la mort de son père (27 novembre 511) un royaume morcelé qui comprenait d’une part les anciennes Gaules Belgiques première et seconde, des territoires germains, mais aussi une partie de l’Auvergne et du nord de l’Aquitaine. Etant venu chasser en ces lieux, il advint que son épouse, la reine Suavegothe probablement (mais ce n’est pas absolument certain), était arrivée au terme d’une grossesse difficile dont la délivrance s’annonçait périlleuse tant pour la mère que pour l’enfant.
Le Roi Thierry, dans cette douloureuse occurrence, sollicita l’intercession du moine Léonard, qu’il avait jadis connu à la cour de son père. Par ses prières, le saint ermite obtint une heureuse délivrance à la reine et le salut de l’enfant.

Saint Léonard miniature XVIIe siècle

   Thierry voulut remercier Léonard par des présents, mais ce dernier n’accepta que le territoire de la forêt que son âne pourrait délimiter dans l’espace de 24 heures. Il nomme ce domaine Nobiliacum, c’est-à-dire « terre noble », pour marquer l’origine royale de ce don. Léonard y construisit une chapelle en l’honneur de la Très Sainte Vierge Marie et de saint Remi : « Notre-Dame de Sous les Arbres ».
La réputation de sa vie édifiante et la renommée de ses vertus lui attirèrent des disciples; C’est à ce moment que, pour subvenir aux besoins de la petite communauté, il fit miraculeusement jaillir une source.
Au petit groupe de moines vinrent aussi s’associer d’anciens prisonniers, qui avaient été libérés par son intercession et qu’il avait gagné à une vie chrétienne fervente. Quelques uns devenaient moines, mais d’autres voulaient simplement vivre une vie d’honnêtes chrétiens à proximité du monastère. Léonard leur attribua des lopins, partagés du domaine qu’il avait reçu du Roi Thierry, afin de leur permettre de vivre de leur travail et non « d’aventures et de désordres », il les enseignait et se montrait attentif à leurs progrès dans la vertu. Son biographe a écrit : « Il était affable dans ses entretiens, fidèle à ses promesses, prodigue par ses aumônes, modeste en ses paroles, si humble et si simple en tout ce qu’il faisait, qu’on lui aurait donné une origine pauvre plutôt que seigneuriale ».

   Léonard rendit son âme à Dieu le 6 novembre 559 et fut inhumé dans la chapelle qu’il avait construite. Son tombeau devint vite un lieu de grâces et de pèlerinage : autour du monastère et à la suite des quelques maisons des anciens prisonniers venus recevoir de Léonard le fructueuses leçons de pénitence et de vie chrétienne, une petite ville se développa. Nobiliacum - d’abord Noblac puis Noblat (le « c » final ne se prononçant pas) – donna naissance à la cité connue aujourd’hui comme Saint-Léonard-de-Noblat.

tombeau de Saint Léonard

Tombeau de Saint Léonard (état actuel) dans la collégiale de Saint-Léonard de Noblat

   Pour garder ses précieuses reliques, accueillir les pèlerins (qui sont venus de toute l’Europe), et assurer le digne culte de Dieu autour du tombeau de Saint Léonard, les solitaires s’organisèrent en chapitre, adoptant la Règle de Saint Augustin. Tout naturellement, Saint Léonard est invoqué pour la délivrance des prisonniers, contre la stérilité des femmes et pour leur heureuse délivrance au terme de leur grossesse.

   La collégiale Saint-Léonard, édifiée à partir du XIème siècle en remplacement du sanctuaire primitif, élevée à la dignité de collégiale royale, renferme toujours son tombeau, elle a vu défiler de célèbres pèlerins parmi lesquels Bohémond de Tarente (1054-1111) qui lui attribuait sa délivrance de captivité, Richard 1er Cœur de Lion (1157-1199), le Roi Charles VII (1403-1461) et le Dauphin futur Louis XI (1423-1483), la Reine Eléonore d’Autriche (1498-1558), épouse du Roi François 1er, Louis de Bourbon-Soissons Prince de Condé (1615-1641)… etc. La Reine Anne d’Autriche pria, entre autres, Saint Léonard – dont elle s’était fait apporter une relique – pour obtenir la naissance d’un Dauphin et lui manifesta sa gratitude après la naissance du futur Louis XIV, et la Tsarine Alexandra Féodorovna, épouse du Tsar Nicolas II, envoya un délégué prier sur le tombeau de Saint Léonard pour obtenir du ciel la naissance d’un héritier : le Tsarévitch Alexis Nikolaïevitch.

   Le tombeau de Saint Léonard est une étape importante sur le chemin de Compostelle qui part de Vézelay. Enfin de très nombreux sanctuaires ont été placés sous son vocable dans toute l’Europe : on en compte au moins 85 en France, 225 en Italie, 60 en Slovénie, 25 en Belgique, 2 aux Pays-Bas, 12 à Malte, 215 en Allemagne, 16 en Suisse, 111 en Autriche, 150 en Grande Bretagne, 3 en Espagne et 3 au Portugal.

Raffaellino del Garbo(attr.) - Saint Léonard

Saint Léonard de Noblat : Attribué à Raffaellino Capponi, dit Raffaellino del Garbo (1466-1524)
[détail d'un tableau représentant Saint Laurent entre Saint Etienne et Saint Léonard]

2023-137. Nous avons lu et nous avons aimé : le « Traité du Purgatoire » de Sainte Catherine de Gênes.

2 novembre,
Commémoraison solennelle des fidèles trépassés (cf. > ici)

       Née à Gênes dans une famille patricienne de premier rang le 5 avril 1447, Catherine Fieschi avait reçu une éducation classique et religieuse poussée et raffinée : aux auteurs latins, grecs et italiens, elle avait ajouté les principaux traités théologiques de l’époque.
A l’âge de 16 ans, en 1463, elle épousa, pour des raisons de convenance familiale, le noble Julien Adorno, beaucoup plus âgé qu’elle. Ce mariage fut désastreux, car Julien était violent, volage, et dépensier ; leur union était stérile. S’en suivent des années difficiles ou la dépression et l’insouciance alternent.
En 1473, pendant le carême, Catherine est saisie par une grâce de conversion et entre résolument dans les voies de l’amour de Dieu (son mari la suivra dans la conversion) ; elle mènera une rude pénitence, sera gratifiée de visions mystiques, tout en étant très investie dans le soin aux malades et aux nécessiteux.
Elle rend son âme à Dieu le 15 septembre 1510. Béatifiée en 1675, elle est canonisée en 1737.

Vision de Sainte Catherine de Gênes - Marco Benefial 1747 Palais Barberini Rome

Vision de Sainte Catherine de Gênes (1747)
Tableau de Marco Benefial (1684-1764), exposé au Palais Barberini à Rome

   Sainte Catherine Adorno, plus connue sous le nom de Sainte Catherine de Gênes a laissé des enseignements écrits (elle n’écrivit pas elle-même : ce sont ses proches qui ont fidèlement retranscrit ce qu’elle enseigna de vive voix) : nous lui devons donc le Dialogue spirituel et, surtout, un très célèbre Traité du Purgatoire, dans lequel elle décrit sa propre expérience mystique, et qui lui a valu le titre de Docteur du Purgatoire.
Saint François de Sales, Bérulle, Bossuet, ainsi que de très nombreux autres saints et grands spirituels ont recommandé la lecture de ce traité.

   Le Traité du Purgatoire a été maintes fois réédité et se trouve assez facilement en librairie.
On peut aussi le lire en ligne, par exemple > ici, où ceux qui le souhaitent pourront le télécharger grâce au lien qui se trouve en bas de page, ou encore sur le site du diocèse d’Ajaccio > ici.

Ames du Purgatoire, par Alonso Cano

2023-133. Méditation pour la fête du Christ-Roi.

Dernier dimanche d’octobre :
Fête du Christ-Roi.

Christ-Roi mosaïque

Présence de Dieu :

   « O Jésus, Prince des siècles, Roi des nations, soyez l’unique Roi de mon esprit et de mon cœur ! »

Méditation :

   1 – La liturgie de cette fête est un véritable hymne triomphal célébrant la Royauté du Christ.
Dès les premières vêpres, la figure de Jésus est représentée majestueusement assise sur le trône royal qui domine le monde entier : « Son règne est éternel et tous les rois Le serviront et Lui obéiront… Il siègera et dominera et il dira des paroles de paix aux nations ». La messe débute par la vision apocalyptique de ce Roi extraordinaire, dont la royauté est intimement liée à Son immolation pour le salut des hommes : « Digne est l’Agneau égorgé de recevoir la puissance, la richesse, la sagesse, la force, l’honneur… A Lui la gloire et la puissance dans les siècles des siècles ! » (Apoc. V, 12-13 – introït).
Dans l’épître, Saint Paul énumère les titres qui font du Christ le Roi de tous les rois : « Il est l’Image du Dieu invisible, Premier-Né de toute créature, car c’est en Lui qu’ont été créées toutes choses, dans les cieux et sur la terre, les visibles et les invisibles » (Col. I, 15-16). Ces titres appartiennent au Christ en tant que Dieu, parfaite Image du Père, Cause exemplaire de toutes les créatures terrestres et célestes, et, en même temps, Créateur, avec le Père et le Saint-Esprit, de tout ce qui existe. Car rien n’a l’existence sans Lui, mais « tout a été créé par Lui et pour Lui… et tout subsiste en Lui » (ibid. 16-17). Viennent ensuite les titres de Sa royauté en tant qu’Homme : « Et Il est aussi la Tête du Corps, c’est-à-dire de l’Eglise… Par Lui, Dieu S’est plu à réconcilier tous les êtres pour Lui… en faisant la paix par le Sang de Sa croix » (ibid. 18-20).
Lui qui est notre Roi par Sa Divinité, l’est encore en raison de Son Incarnation qui L’a constitué Tête de l’humanité, et en raison de Sa Passion par laquelle, au prix de Son Sang, Il a reconquis nos âmes qui Lui appartenaient déjà comme créatures.
Jésus est notre Roi au sens plénier du mot : Il nous a créés, rachetés, vivifiés, par Sa grâce, Il nous nourrit de Sa Chair et de Son Sang, nous gouverne avec amour et, par amour, nous attire à Lui.
Spontanément le cri de Saint Paul jaillit de notre cœur : Remercions le Père qui nous a « arrachés à l’empire des ténèbres et nous a transférés dans le royaume de Son Fils bien-aimé, en qui nous avons la rédemption, la rémission des péchés » (Col. I, 13 – épître).

mosaïque crucifixion basilique rosaire Lourdes - datail

   2 – La proclamation de la Royauté du Christ, dans l’Evangile d’aujourd’hui, est la plus autorisée qui soit, puisqu’elle est tombée des lèvres mêmes de Jésus dans un moment très solennel, pendant le procès qui précédait Sa Passion.
Pilate L’interrogeait précisément à ce sujet : « Tu es le roi des Juifs ? » (Joan. XVIII, 33). A cette première question, Jésus ne répondit pas directement ; en effet, Il n’est pas le roi d’un peuple déterminé, et Son royaume n’a rien de commun avec ceux de la terre. Mais à la seconde question, plus précise : « Donc, Tu es roi ? » (ibid. 37), Il répondit sans réticence : « Tu le dis ! Je suis roi ! » Jésus proclame Sa royauté de la façon la plus formelle, devant le pouvoir suprême en Palestine ; Il la proclame, non au milieu d’une foule enthousiaste, ni dans le triomphe de Ses miracles, mais chargé de chaînes, devant celui qui est sur le point de Le condamner à mort, devant un peuple avide de Son Sang, quelques instants avant d’être traîné au Calvaire où, du haut de la croix, au-dessus de Sa tête couronnée d’épines, apparaîtra pour la première fois, le titre de Sa Royauté : « Jésus le Nazaréen, le roi des Juifs » (ibid. XIX, 19). Lui, qui avait fui lorsque le peuple enthousiaste voulait Le proclamer son roi, Se déclare Roi au milieu des humiliations inouïes de la Passion, affirmant ainsi de la façon la plus claire que Son royaume n’est pas de ce monde, que Sa royauté est tellement sublime que ni injures, ni outrages ne peuvent la voiler.
Mais Jésus nous dit aussi, par ce geste, qu’Il tient à faire resplendir Sa royauté beaucoup plus sous l’aspect d’une conquête réalisée au prix de Son Sang, que sous celui d’un titre Lui appartenant en raison de Sa nature divine.
Dans tout l’élan de notre âme, allons à la rencontre de ce divin Roi qui Se présente à nous sous un aspect si humain, si aimant, si accueillant, de ce Roi divin qui étend les bras sur la Croix pour nous attirer tous à Lui, qui nous montre la blessure de Son côté comme le symbole de Son amour.
Non seulement nous ne voulons pas esquiver Sa domination, mais nous l’appelons, nous la demandons, afin qu’Il ait le primat dans notre esprit, dans notre cœur, qu’Il soit pleinement maître de notre volonté. Nous voulons nous soumettre, nous et tout ce qui nous appartient, « à Son très doux pouvoir » (collecte).

Le Titulus Crucis

Colloque :

   « Vous êtes Roi, ô mon Dieu, Roi éternel et immense, et d’un royaume que certes il ne Vous a pas fallu emprunter. Quand je récite dans le Credo que Votre règne n’aura pas de fin, je tressaille de joie, et, je Vous loue et Vous bénis de ce que Votre règne sera éternel » (Sainte Thérèse de Jésus – Chemin de la perfection XXIV).

   « O divin Roi, très aimable Jésus, mon Rédempteur, mon Sauveur, mon Epoux, mon Maître et mon modèle, je Vous renouvelle aujourd’hui la consécration totale de mon être, Vous suppliant de prendre une possession absolue de moi. Soyez mon Souverain, mon Dominateur, mon Guide ; dirigez et gouvernez-moi entièrement, afin que tout tourne à Votre plus grande gloire. Soyez le Souverain de ma mémoire, de mon intelligence, de ma volonté, de ma sensibilité, que je veux Vous assujettir complètement, Vous invitant à régner en moi.
Votre règne est un règne de vérité, d’amour, de justice et de paix.
Faites que Votre règne de vérité s’établisse dans mon intelligence, détruisant tout erreur, supercherie ou illusion : éclairez-moi de Votre sagesse divine.
Faites que Votre règne d’amour s’établisse totalement dans ma volonté et la meuve, la stimule, la dirige toujours, afin que je ne sois plus mue par l’amour-propre ou les créatures, mais uniquement par Votre Esprit. Rendez forte, généreuse, constante cette volonté faible, mesquine et rebelle, fixez-la dans le bien, fortifiez-la par l’exercice persévérant de la vertu, et par les dons de Votre Esprit.
Faites que Votre règne de justice s’établisse dans toutes mes opérations de manière que toutes mes actions soient des œuvres saintes, marquées de cette caractéristique et accomplies avec pureté d’intention et grande fidélité, dans l’accomplissement de Votre sainte volonté.
Faites que Votre règne de paix s’établisse, non seulement dans mon âme, mais aussi dans ma sensibilité, de manière qu’elle soit harmonisée avec la partie supérieure, qu’elle concoure elle aussi à Votre gloire et ne soit ni un retard, ni un obstacle à mon union avec Vous »
(Sœur Carmela du Saint-Esprit ocd).

Rd. Père Gabriel de Sainte Marie-Madeleine,
in « Intimité divine ».

Reconstitution de la couronne de Charles X

2023-132. Qui sont les Saints Apôtres Simon et Jude ?

28 octobre,
Fête des Saints Simon et Jude, apôtres ;
Anniversaire de la victoire de Constantin sur Maxence au Pont Milvius (28 octobre 312 – cf. > ici et > ici).

José de Ribera Saint Simon et Saint Jude

José de Ribera (1591-1652) : les Saints Apôtres Simon (à gauche) et Jude (à droite)

Martyrologe romain (traditionnel) pour le 28 octobre :

       « La fête des Saints Apôtres Simon le Cananéen et Thaddée, que l’on nomme aussi Jude ; le premier prêcha l’Evangile en Egypte, et le second en Mésopotamie : ensuite, étant entrés ensemble en Perse, après qu’ils eurent soumis au joug de Jésus-Christ une multitude innombrable de ces peuples, ils endurèrent le martyre ».

In « Les Petits Bollandistes », par Mgr Paul Guérin – Tome XIII pp. 3 &  4 :

       « On donne à Saint Simon les surnoms de Cananéen, de Canaanite et de Zélé, pour le distinguer de Saint Pierre et du Saint Siméon qui succéda sur le siège de Jérusalem à Saint Jacques le Mineur, son frère. Quelques auteurs ont conclu du premier de ses surnoms, que le saint Apôtre était né à Cana ; et certains Grecs modernes ajoutent qu’il était l’époux des noces où le Seigneur changea l’eau en vin. On ne peut au moins douter qu’il ne fût Galiléen. Théodoret (cf. note 1) dit qu’il était de la tribu de Zabulon ou de Nephtali. Quant au surnom de Cananéen, il a la même signification, en syro-chaldaïque (note 2), que le mot zelotès en grec (note 3). Saint Luc l’a traduit, et les autres évangélistes ont retenu le mot original. Canath, suivant la remarque de Saint Jérôme, signifie zèle en syro-chaldaïque ou hébreu moderne. On ignore s’il avait déjà ce surnom avant d’être Apôtre.

   L’Apôtre Saint Jude est distingué de Judas Iscariote par le surnom de Thaddée, qui, en syriaque, signifie abondant, doux, miséricordieux, bon, bienfaisant, et par celui de Lebbée, qu’on trouve dans le texte grec de Saint Matthieu, et qui, suivant Saint Jérôme, désigne un homme qui a de l’esprit, de l’intelligence.
Il était frère de Saint Jacques le Mineur, de Saint Siméon de Jérusalem, et d’un nommé Joseph, qui sont appelés les frères du Seigneur (note 4). Ils étaient tous fils de Cléophas, et de Marie, sœur de la Sainte Vierge.
Cet Apôtre fut cher à son divin Maître, et il en fut moins redevable aux liens du sang qu’à son mépris pour le monde, à l’ardeur et à la vivacité de son zèle. On ne sait ni quand ni comment il devint le disciple de Jésus-Christ. L’Evangile ne dit rien de lui jusqu’à l’endroit où il est compté parmi les Apôtres. Le Seigneur, après la dernière Cène, ayant promis de Se manifester à ceux qui L’aimeraient, Saint Jude (note 5) Lui demanda pourquoi Il ne devait pas aussi Se manifester au monde : question par laquelle il semblait donner à entendre qu’il pensait que le Messie régnerait sur la terre. Mais Jésus-Christ, par Sa réponse, lui fit connaître que le monde ne mérite point que Dieu Se manifeste à lui, étant ennemi de ce qui peut rendre une âme digne du royaume céleste ; qu’Il converserait familièrement avec ceux qui L’aimeraient véritablement, et qu’Il les admettrait à la communication intérieure de Ses faveurs.

   Disons maintenant ce que l’on sait des courses apostoliques de nos Apôtres. Après avoir été témoins de la résurrection de leur Maître et participants de Sa bénédiction ; après avoir reçu le Saint-Esprit au jour de la Pentecôte ; après avoir été battus de verges dans la synagogue des Juifs ; après avoir prêché par toute la Judée et la Samarie, comme les autres Apôtres ; après avoir rempli toute la Syrie de la réputation de leur sainteté et de leurs miracles ; enfin, après avoir contribué à la composition du Symbole de la foi, où, selon Saint Augustin, Saint Simon fit l’article de la communion des saints et la rémission des péchés, et Saint Jude celui de la résurrection de la chair, ils abandonnèrent leur pays et leurs confrères pour aller porter l’Evangile dans les royaumes qui leur étaient échus en partage.

   Le Martyrologe et le Bréviaire de Rome donnent l’Egypte à Saint Simon, et la Mésopotamie à Saint Jude ; mais Dorothée et Nicéphore disent que le premier parcourut aussi les vaste provinces de l’Afrique et qu’il poussa même jusque dans la Grande Bretagne, et que le second alla encore dans l’Idumée et dans l’Arabie. Enfin, l’un et l’autre se rendirent en Perse, pour dompter ce peuple qui avait autrefois dompté une partie du monde et détenu les Juifs en captivité. Ils y firent une foule de conversions, ils y engendrèrent une infinité d’enfants spirituels à Jésus-Christ et y furent enfin couronnés d’un glorieux martyre.

   C’est ce que nous savons de certain de leurs travaux et de leurs triomphes [...] (note 6) ».

frise

Notes :
1 – Théodoret de Cyr (v. 393 – v. 458) : d’abord moine, puis élu évêque de Cyr, ville de Syrie aujourd’hui détruite. Il est au nombre des Pères de l’Eglise et il est également l’un des principaux historiens ecclésiastiques de l’antiquité tardive.
2 – Syro-chaldaïque : ainsi appelait-on le dialecte araméen au XIXème siècle.
3 – Les exégètes et commentateurs traditionnels, contrairement aux modernes, n’ont jamais compris ce « zélotès » du texte grec comme étant en rapport avec la secte dites des Zélotes, secte juive anti-romaine d’un nationalisme virulent qui prônait l’action armée.
4 – Matthieu XIII, 55 : « N’est-ce pas le fils du charpentier ? Sa mère ne s’appelle-t-elle point Marie ? Et ses frères Jacques,Joseph, Simon et Jude ? » Selon les Pères de l’Eglise, en particulier Saint Jérôme et Saint Augustin, et c’est la position officielle de l’Eglise catholique, on sait que ce terme de « frères » désigne des parents proches : en l’occurrence ici des cousins germains.
5 – Jean XIV, 22 : « Judas, non pas l’Iscariote, Lui dit : « Seigneur, d’où vient que Vous Vous manifestez à nous, et non au monde ? »
6 – Ici, Mgr Guérin résume  d’autres traditions anciennes, mais moins établies, sur l’apostolat et le martyre des Saints Simon et Jude en Perse, que nous citerons une autre fois.

Barocci federico fiori 1567 - Vierge à l'Enfant avec les Sts Apôtres Simon et Jude - galerie nationale des Marches à Urbino

Federico Fiori, dit Fiori da Urbino ou Baroccio (v. 1535 – 1612) :
Vierge à l’enfant avec les Saints Apôtres Simon et Jude

2023-128. Nous avons lu et nous avons aimé : « Les fêtes de la Vierge » du Rd. Père Louis de Grenade o.p.

20 octobre,
A Rome, au couvent de la Trinité des Monts, la fête de « Mater admirabilis » (cf. > ici et > ici).

   Profitons du fait que nous honorons en ce jour une fête de la Très Sainte Vierge Marie – même si elle est très locale -, pour recommander un livre, petit par la taille (puisque celle-ci correspond à un format de poche) mais grand par le contenu et la profondeur spirituelle, qui a été édité par les éditions Clovis en 2006, mais qu’il est toujours très facile de se procurer auprès des libraires catholiques d’esprit traditionnel.
Les dévots de la Bienheureuse Mère de Dieu auront à cœur de lire ce recueil de textes choisis, mais surtout d’en méditer le contenu. 

   Si je puis me permettre un conseil, c’est de se préparer aux grandes fêtes de la Très Sainte Vierge en lisant, pendant les jours qui précèdent, quelques pages de chacun des douze textes qui sont proposés ici et qui concernent : 1) l’Immaculée Conception (8 décembre), 2) l’Annonciation (25 mars), 3) la Visitation (2 juillet), 4) le doute de Saint Joseph (temps de l’Avent), 5) la généalogie du Christ (temps de l’Avent), 6) Marie à la Crèche (18 décembre), 7) la Nativité (25 décembre), 8) la Purification (2 février), 9) l’apparition du Christ ressuscité à Sa Mère (Pâques), 10) & 11) l’Assomption (15 août) et enfin 12) le couronnement de la Sainte Vierge (31 mai).

   Cet ouvrage donc s’intitule « Les fêtes de la Vierge », et il regroupe des textes de prédication du Vénérable Louis de Grenade (1504-1588), célèbre prédicateur dominicain du siècle d’or espagnol, qui allia à la plus sûre orthodoxie théologique le don d’être accessible aux plus humbles parmi les fidèles.

Les fêtes de la Vierge par Louis de Grenade

Quatrième de couverture :

   Les œuvres spirituelles, ainsi que les sermons, du Père Louis de Grenade, dominicain, ont été admirés par Saint Charles Borromée, imités par Saint Pierre d’Alcantara, loués sans réserve par la grande Thérèse d’Avila, repris par Saint François de Sales.
Adressés aux petites gens, ces textes sont remarquables par la simplicité, la clarté, le souffle chrétien de l’exposition. Ils font mieux connaître et davantage aimer la Sainte Vierge en ses mystères. 

2023-127. Récapitulatif des textes de ce blog consacrés à Sainte Marguerite-Marie.

17 octobre,
Fête de Sainte Marguerite-Marie ;
Anniversaire du massacre de la Glacière en Avignon (cf. ici).

Apparition du Sacré-Cœur à Sainte Marguerite-Marie - église de Bertrimoutier dans les Vosges

Apparition du Sacré-Cœur à Sainte Marguerite-Marie
(vitrail dans l’église de Bertrimoutier, dans les Vosges) 

Voici les liens vers toutes les publications de notre modeste blogue consacrées à Sainte Marguerite-Marie :

A – Généralités sur Sainte Marguerite-Marie, sa vie et son message :

- Importance de la fête de Sainte Marguerite-Marie pour le Refuge Notre-Dame de Compassion > ici

B – Le récit des apparitions dont elle a été favorisée :

- La première « grande révélation » Cœur passionné d’amour pour les hommes.
- La deuxième « grande révélation » l’image du Sacré-Cœur.
- La troisième « grande révélation » la communion des premiers vendredis et l’heure sainte.
- La « grande révélation » de 1675 la fête réparatrice en l’honneur du Sacré-Cœur.
- Les grâces promises à ceux qui pratiqueront la dévotion envers le Sacré-Cœur les promesses du Sacré-Cœur.
- Les textes de Sainte Marguerite-Marie concernant le message du Cœur de Jésus à Louis XIV.

C – Des prières composées par elle : 

-  Deux prières composées par Sainte Marguerite-Marie.
- Des salutations du Cœur de Jésus composées par Sainte Marguerite-Marie.

D – Des prières en son honneur :

- Litanies de Sainte Marguerite-Marie > ici

E – Bandes dessinées :

« Je veux que tu me serves d’instrument »
- « Arrête, le Cœur de Jésus est là !»

Ste Marguerite-Marie

2023-123. Où la vie de Pierre Le Gouvello de Kériolet manifeste de façon éclatante de quelle manière, par l’intercession de Notre-Dame, la grâce peut surabonder là où le péché avait abondé.

8 octobre,
Fête de Sainte Brigitte de Suède, veuve, fondatrice, co-patronne de l’Europe (cf. > ici) ;
Mémoire de Sainte Pélagie, pénitente ;
Anniversaire de la mort de l’abbé Pierre Le Gouvello de Kériolet.

Pierre Le Gouvello de Kériolet

        Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,

    L’histoire que je veux vous conter aujourd’hui m’a enthousiasmé lorsque Frère Maximilien-Marie m’en a fait le récit, et j’espère qu’elle vous plaira à vous aussi : il faut dire que le personnage qui en est le héros fait partie, depuis le temps de son noviciat, des « chouchous » de mon papa-moine. Sans doute est-ce la raison pour laquelle il en parle avec flamme.
Il s’agit de l’histoire de l’abbé Pierre Le Gouvello de Kériolet, mort en odeur de sainteté le 8 octobre 1660.
Mais avant d’arriver au degré de très haute vertu qui font qu’on espère un jour son élévation sur les autels, Pierre de Kériolet aura une vie pleine de rebondissements, dont toutes les phases ne sont pas exactement à admirer ou à imiter !

Manoir de Kerlois

La seigneurie de Kerlois a été achetée en 1607 par Olivier Le Gouvello, père de Pierre, qui y passa son enfance,
et qui, après sa conversion, y accueillit pauvres et misérables

   Issu d’une vieille famille de la noblesse bretonne, Pierre Le Gouvello de Kériolet est né à Auray le 14 juillet 1602. Bien qu’ayant reçu une éducation soignée, en particulier au collège des jésuites de Rennes, le jeune homme, au grand désespoir de ses parents, auxquels il vola une somme considérable avant de s’enfuir du manoir paternel pour mener une vie de désordres et d’aventure, devint bientôt célèbre pour sa vie scandaleuse : vols, débauches, duels, impiété, blasphèmes…
A l’âge de 26 ans, après la mort de son père, il acheta une charge de conseiller au Parlement de Bretagne. On observe néanmoins que, malgré sa vie dissolue, il s’acquittait de sa charge avec justice et impartialité.

   Avec une patience infinie, Dieu cherchait à reconquérir ce cœur livré aux vices. Ainsi, un jour d’orage, alors qu’il chevauchait pour rentrer en son manoir de Kerlois, à Pluvigner, près du tout jeune sanctuaire de Saint-Anne d’Auray (Note : les apparitions à Yvon Nicolazic eurent lieu de 1623 à 1625, et la première chapelle fut bénite en juillet 1628, c’est-à-dire l’année où Kériolet acheta sa charge au Parlement de Bretagne), la foudre abattit un arbre juste derrière lui : il vomit alors mille blasphèmes puis, étant monté dans sa chambre, fit apporter ses armes et, ouvrant les fenêtres, il tira contre le ciel en se moquant de Dieu. Fier de cet attentat comme d’une victoire, il se mit au lit. Un nouveau coup de foudre mit le feu à l’une des colonnes de son lit. Il demeura insensible à cet avertissement mais, à quelque temps de là, dans un songe, Dieu lui imposa la vision de l’enfer cinq heures durant…
Effrayé, Pierre de Kériolet fit pénitence pendant quelques mois et demanda à entrer à la Chartreuse d’Auray.

   Cette première conversion était très imparfaite, fondée uniquement sur la peur des châtiments divins, et le jeune homme fut bientôt rattrapé par ses vices et sortit du monastère plus enragé qu’auparavant contre la foi et contre l’Eglise. Sa vie de désordres, de débauches et de scandales reprit de plus belle (on devrait d’ailleurs plutôt dire : de plus laide !).

Possédées de Loudun

   Nous voici en 1636, et on parle beaucoup des cas de possession diabolique dont sont affligées les Ursulines de Loudun, en Poitou.
L’affaire des Possédées de Loudun dure depuis des années : aux phénomènes préternaturels se mêlent d’ailleurs d’autres éléments qui font de cet épisode quelque chose de complexe. Depuis 1634, c’est le Rd. Père Jean-Joseph Surin, jésuite, qui pratique les exorcismes solennels, et ceux-ci sont publics. On va parfois, d’ailleurs, assister aux exorcismes comme on irait au spectacle. Par curiosité, Monsieur de Kériolet se rendit à Loudun et entra dans l’église où se pratiquaient les exorcismes.
A son arrivée, par la bouche de l’une des possédées, le démon se mit à parler de lui, et répondit même avec exactitude aux questions que lui-même posa sur des faits de sa vie que la possédée ne pouvait connaître de science naturelle. Ainsi, à propos de la foudre qui l’avait finalement épargné, le démon rugit : « Sans la Vierge Marie et le chérubin, ton ange gardien, je t’aurais emporté ! »

  Bouleversé, Pierre de Kériolet laisse enfin la grâce le pénétrer en profondeur et prépare une bonne, sincère et complète confession… Réconcilié avec Dieu, il revient le lendemain dans l’église où se font les exorcismes, et cette fois, le démon s’écrie : « Tiens ! Voilà ton monsieur d’hier ! Il est dans un tel état que, s’il continue, il sera aussi haut dans le ciel qu’il a été bas en enfer avec nous ! Elle a mis les bras dans la fange jusqu’aux coudes pour le retirer de ses ordures, parce qu’il a eu un peu de dévotion pour Elle ! »

   Monsieur de Kériolet était alors âgé de 34 ans : l’année suivante (28 mars 1637) il était ordonné prêtre par Sa Grandeur Monseigneur Sébastien de Rosmadec, évêque de Vannes, et sa vie sera désormais toute consacrée à la prière et à la pénitence : il pratiquait des mortifications volontaires sévères, accomplit des pèlerinages à pied dans des conditions héroïques, et lorsqu’il résidait en son manoir de Kerlois, il se rendait très souvent, toujours à pied, à la chapelle de Sainte-Anne d’Auray.

Charité de Monsieur de Kériolet dans son manoir de Kerlois - vitrail de l'église de Pluvigner

Vitrail de l’église de Pluvigner représentant Pierre de Kériolet au service des pauvres

   Il avait, évidemment, vendu sa charge de conseiller au Parlement de Bretagne, s’adonna aussi à toutes les œuvres de miséricorde, accueillant, nourrissant et soignant en son manoir des dizaines de nécessiteux. Il fonda aussi un hospice à Sainte-Anne d’Auray et œuvra (mais il ne le verra pas de son vivant) pour que les Augustines viennent y continuer sa sollicitude pour les misérables.
Comme cela arrivera plus tard avec le Saint Curé d’Ars, le démon le harcèlera, ne le laissera pas en répit, et, parfois même, cherchera à attenter à sa vie, ce qui ne contribuera qu’à renforcer sa détermination et à ne rien relâcher de ses austérités.

   Il rendit son âme à Dieu le 8 octobre 1660. On rapporte que plusieurs malades ont retrouvé la santé sur sa tombe. Lors de la construction de l’actuelle basilique de Sainte Anne d’Auray, sa dépouille terrestre y fut transportée – dans la première chapelle latérale du bas-côté gauche, en face de celle d’Yvon Nicolazic -, et sa statue fut placée au-dessus du porche gauche de la façade, accueillant, bras ouverts, les pèlerins dans le sanctuaire de la mère de la plus pure des Vierges, que l’on invoque comme « Refuge des pécheurs » et « Espérance des désespérés ».

chapelle de la basilique de Sainte-Anne d'Auray où repose Pierre Le Gouvello de Kériolet

Chapelle de la basilique de Sainte-Anne d’Auray dans laquelle est inhumé Pierre Le Gouvello de Kériolet

   Je dois vous donner maintenant la clef de cette histoire authentique.
Qu’a donc voulu dire le démon lorsqu’il a lâché ces mots : « Il a eu un peu de dévotion pour Elle » ?
Tout simplement que, depuis son enfance, par un acte d’attachement qu’il avait appris de sa mère, Kériolet, même au plus fort de sa vie de désordre, ne passa jamais un jour sans réciter un « Ave Maria ».

Tolbiac.

Dévotion de Messire de Kériolet à la Vierge Marie - église de Pluvigner

Vitrail de l’église de Pluvigner représentant la sincère dévotion mariale de Pierre de Kériolet

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