Archive pour la catégorie 'Lectures & relectures'

2025-86. Le chemin exemplaire frayé par Sainte Clotilde, modèle des reines catholiques, pour la conversion des royaumes de l’Occident.

3 juin,
En France, fête de Sainte Clotilde, reine et veuve ;
Anniversaire de la mort de SM le Roi Louis XIX (cf. > ici).

   Nous reprenons ci-dessous un très beau texte du Rd. Père Jean-François Thomas s.j., qui a d’abord été publié en juillet 2019 chez nos amis de « Vexilla Galliae » (cf. > ici).

Sainte Clotilde lithographie vers 1860

Sainte Clotilde
(lithographie de Frick publiée par Sinnett, Paris, vers 1860)

Sainte Clotilde, première reine de France

       Alors que l’idéologie féministe a considérablement dégradé le statut de la femme dans notre société depuis quelques décennies, tout en prétendant lui accorder plus de liberté et d’influence, il est bon de se tourner vers les racines de notre pays, de notre défunt royaume qui renaîtra un jour.
Les images d’Epinal ne manquent pas sur notre passé, souvent forgées par les anticléricaux du XIXème siècle qui s’attachèrent à écrire une histoire compatible avec la république. Ce n’était d’ailleurs pas si mal, comparé à l’incurie de l’enseignement historique actuel dans les écoles. Chaque élève bon citoyen avait au moins entendu parler de Clovis et du vase de Soissons. De grandes illustrations, assez sulpiciennes mais très pédagogiques, recouvraient les murs des salles de classe selon les leçons en cours. Ainsi pouvait-on nourrir son imagination et plonger dans les pages les plus glorieuses ou les plus tragiques de l’histoire de notre patrie terrestre. En revanche, si le nom de Clovis était connu, celui de Clotilde demeurait dans l’ombre. Il aurait été téméraire, pour un instituteur laïc, de parler du rôle de cette reine dans la conversion de son mari païen, et donc dans la conversion des Francs, dans le baptême de ce qui fut le noyau du royaume de France.

   Pourtant, quelle figure étonnante, quelle force de caractère, quel courage apostolique, quel zèle pour le service de Dieu !
Elle se situe dans la lignée de toutes ces femmes qui, durant les premiers siècles, forgèrent un pan important du christianisme en étant à l’origine de la conversion de leurs époux et de leurs familles. Saint Paul avait écrit dans sa première épître aux Corinthiens : « La femme fidèle sera le salut de l’homme infidèle » (VII, 14). Femme fidèle à la foi catholique et homme infidèle parce que païen ou hérétique, telle fut la situation de nombreux couples de la première Eglise. Les épouses patriciennes romaines amenèrent les patriciens à la foi. Nombreuses furent celles qui versèrent leur sang, sans frémir, comme martyres. A l’époque de Clotilde, à la fin du Vème siècle, l’Eglise était en proie à une des pires hérésies qu’elle connut, à savoir l’arianisme qui s’était imposé presque partout. Quelques femmes qui devinrent reines participèrent activement à éradiquer cette erreur et à restaurer la foi catholique. Clotilde fut une des plus éminentes. Après avoir été les fers de lance de la conversion du monde romain, les femmes furent celles qui maintinrent l’orthodoxie en péril.

   La conversion de Clovis a déplacé le centre de gravité de l’histoire de l’Occident car les autres rois barbares vont suivre cet exemple, ceci grâce au chemin que Sainte Clotilde avait frayé patiemment.
Ce sera une arrière-petite-fille de cette dernière, Berthe, qui conduira son mari, le roi Ethelbert de Kent, à la conversion, ouvrant ainsi la voie à Saint Augustin de Cantorbéry et à ses moines évangélisateurs.
La fille de ces souverains anglo-saxons, Ethelberge, amena à la foi son époux, le roi Edwin de Northumbrie et fut félicitée par le pape Boniface IV.
Ce sera de même en Italie et en Espagne. La petite-fille de Clotilde, Clotsinde, épousa le roi Alboïn de Lombardie et le mena presque au baptême mais mourut prématurément. Plus tard, Théodelinde gagna l’affection des Lombards en épousant Authari, puis, à la mort de celui-ci, Agilulf qui menaçait Rome et qu’elle conduisit au Christ, fondant Monza, capitale des Lombards. Au même moment, Théodosie, femme du roi wisigoth arien Léovigild, éleva ses enfants dans la foi catholique, Herménégilde et Récarède. Le premier de ses fils mourut d’ailleurs martyr sous les coups des Ariens, soutenu par sa femme Ingonde, une autre arrière-petite-fille de sainte Clotilde. Son frère cadet monta sur le trône et embrassa le catholicisme, ce qui fit de l’Espagne une nation catholique.

   Extraordinaire épopée de ces deux siècles, souvent regardés avec mépris car mal connus, alors qu’ils furent un temps de foi intense au sein de périls multiples, de basculement de l’empire romain morcelé, d’hérésies chrétiennes qui manquèrent remporter la palme.
A la fin du VIème siècle, l’Occident était catholique, ceci grâce, essentiellement, à quelques femmes fidèles, petite troupe à la tête de laquelle marche Clotilde des Francs.
Plus tard, au IXème siècle, le reste de l’Europe connaîtra une lumière identique, notamment avec Ludmilla en Bohême qui, au milieu d’un peuple païen et d’une famille hostile, réussit à éduquer chrétiennement celui qui deviendrait Saint Wenceslas. Tous deux mourront martyrs, tués par les membres de leur propre famille, et leur sang nourrit la foi de leur royaume, jusqu’à ce jour, malgré toutes les vicissitudes de l’histoire.
La Pologne suivit ensuite l’exemple de la Bohême. Dubrawa se convertit en 965 et entraîna son mari Miecislas dans la même foi.
Demeuraient les Russes, derniers Barbares. Olga, la veuve du fameux Igor, reçut le baptême à Constantinople que son mari avait menacé. Son fils Sviatoslav demeura païen, malgré les adjurations de sa mère, mais son petit-fils Vladimir arbora enfin la Croix sur ses étendards et plongea son peuple dans les eaux du baptême.

   De l’Occident à l’Orient, tout le continent européen est redevable aux reines, plus qu’aux rois, d’avoir accueilli le Christ comme Souverain Roi. Clotilde, fille des Burgondes, renversa l’arianisme et le paganisme en acceptant la main de Clovis attiré par sa beauté et sa réputation de sagesse. Cette simple princesse est à l’origine du monde tel qu’il fut ensuite, intangible, jusqu’à la révolution, et tel qu’il demeure, en bien des aspects, jusqu’à aujourd’hui.
Souvenons-nous du cri d’angoisse de Clovis sur le champ de bataille de Tolbiac en 496, alors qu’il était sur le point d’être écrasé par les germaniques Alamans, rivaux de la nation franque. Il avait toléré et respecté la foi catholique de Clotilde, accepté même le baptême de ses enfants, mais, jusque-là, il n’avait pu faire le pas de la foi. Et soudain, au seuil de la défaite, il s’écrie : « Jésus Christ, toi qui es, selon Clotilde, le Fils du Dieu vivant, secours-moi dans ma détresse, et, si tu me donnes la victoire, je croirai en toi et je me ferai baptiser ».
Clovis fait appel au Dieu de Clotilde ! Immense preuve d’amour et de confiance qui se solde alors par un renversement de situation et par la déroute des Alamans et la mort de leur chef. Le triomphe de Clovis est aussi celui de Clotilde, et, par-dessus tout, du Dieu de Clotilde, le vrai Dieu de la Révélation, Père, Fils et Saint-Esprit.
Lorsque le 25 décembre 496 Clovis reçoit le baptême à Reims, des mains de Saint Remi, en compagnie de trois mille de ses plus fidèles soldats, Clotilde est présente dans le cortège baptismal selon les historiens, car son œuvre d’amour et de patience allait être couronnée.

   Comme pour tous nos rois et nos reines, les révolutionnaires ne respectèrent pas la dépouille mortelle de leur première souveraine, de celle qui avait permis à la France d’être et de devenir un phare pour les nations. Morte à Tours, en odeur de sainteté, le corps de Clotilde avait été ramené en grande solennité à Paris. Après la disparition de Clovis, la reine avait dû faire face à des luttes fratricides parmi les siens, ses petits-enfants étant assassinés par leurs oncles. Elle passa ses dernières années dans la douleur, près du tombeau de saint Martin, priant pour ses fils dénaturés. Elle avait été l’amie et la confidente de sainte Geneviève, enterrée par privilège royal dans la crypte de la dynastie à l’église des Douze Apôtres du mont Lutèce. Là reposait déjà Clovis et les princes de sa maison. Les Parisiens commençaient à appeler ce mont et cette église : Sainte-Geneviève. Là va reposer Clothilde, auprès de son époux et de la sainte ermite de Nanterre. Elle va s’effacer au profit de Geneviève. Clovis et les siens deviennent, dans la mort, les hôtes de la sainte parisienne. Clotilde, la fille de rois, la reine, reposa aux côtés de la sainte qui était fille du peuple. Voilà une égalité qui ne pouvait pas plaire aux sans-culottes : ils violèrent les tombes de Clovis et de sa famille, réduisirent en cendres les corps.
Heureusement, au IXe siècle, lors des invasions normandes, le corps de sainte Clothilde avait été transporté à Vivières afin de le protéger. A la fin des troubles, il fallut le rendre à Paris, mais les chanoines de Vivières purent conserver sa tête et un bras qui échappèrent miraculeusement à la fureur révolutionnaire. Depuis, ce petit village est le lieu d’un pèlerinage annuel qui continue d’honorer la première reine de France qui fut une sainte et qui est la mère de tous les Français baptisés dans la foi catholique, la mère de tous les Français même s’ils ne sont pas catholiques.
La révolution, malgré toutes ses profanations et son vandalisme n’a pas pu réduire à néant ce geste immortel qui demeure le fondement de notre pays si affaibli depuis plus de deux siècles. Sainte Clotilde continue d’intercéder. Elle n’oublie pas son royaume et les Francs infidèles que nous sommes.

P. Jean-François Thomas, s. j.

Châsse du Chef de Sainte Clotilde

Vivières : châsse du Chef de Sainte Clotilde

2025-85. Récapitulatif de toutes les publications de ce blogue relatives à Sainte Jeanne d’Arc :

30 mai :
Fête de Sainte Jeanne d’Arc, vierge, patronne de la France en second.
Deuxième dimanche de mai :
Solennité de Sainte Jeanne d’Arc.

Blason de Sainte Jeanne d'Arc

       Veuillez trouver ci-dessous les liens vers toutes les publications de ce blogue relatives à Sainte Jeanne d’Arc :

A – Prières :

- L’hymne « Salve, virilis pectoris Virgo ! » des vêpres de Sainte Jeanne d’Arc > ici
- Prière pour la France et cantique du Père Doncœur (peuvent servir pour une neuvaine) > ici

B – Eléments de biographie et d’histoire :

- Sainte Jeanne d’Arc, inspirée par son « conseil », retrouve l’épée de Charles Martel dans l’église Sainte Catherine de Fierbois > ici
- Mardi 21 juin 1429 : la « triple donation » > ici
- Les maquettes des cortèges du Sacre de Charles VII à Reims > ici
- Témoignage du Frère Jean Pasquerel, Ermite de Saint Augustin et confesseur de Sainte Jeanne d’Arc, au procès de Rouen > ici
- Témoignages des Dominicains qui assistèrent Sainte Jeanne d’Arc en son supplice (procès de réhabilitation) > ici
- Témoignage de Jean Massieu, huissier, qui assista au supplice de Sainte Jeanne d’Arc et témoigna que son cœur ne fut pas consumé par les flammes > ici
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Sainte Jeanne d'Arc chargeant - statue à Chinon

C – Textes officiels :

- Discours du Pape Saint Pie X le 13 décembre 1908 > ici
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D – Sainte Jeanne d’Arc, la sainte de la légitimité :

- Où, à propos de Sainte Jeanne d’Arc et de sa protection sur la France, il est question de légitimité dynastique > ici
- « Notre Dieu est un Droiturier Seigneur, qui nous apprend qu’il y a une Justice, un Droit, une Légitimité » > ici
- Le combat pour la légitimité : de la Pucelle d’Orléans à l’ère covidienne > ici
- De la royauté divine sur la France > ici

E – Messages de Sa Majesté le Roi :

- Message de Louis XX le 8 mai 2016 > ici
- Message de Louis XX le 10 mai 2020 > ici
- Message de Louis XX le 8 mai 2022 > ici
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Sainte Jeanne d'Arc à Orléans (vitrail)

F – Textes variés :

- Extrait du panégyrique de Jeanne d’Arc par Monseigneur Pie, évêque de Poitiers, à Orléans le 8 mai 1844 > ici
- Simples question au jour anniversaire de la victoire de Patay > ici
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Blason de Sainte Jeanne d'Arc

2025-83. « Une nouvelle rupture anthropologique que je condamne fermement ».

Mardi 27 mai 2025.

       Le « Journal du dimanche » (JDD) a fait paraître ce matin une tribune signée de Monseigneur le Prince Louis de Bourbon, duc d’Anjou, de jure Sa Majesté Très Chrétienne le Roi Louis XX, relative au projet de loi sur l’euthanasie que le parlement de la république dite française s’apprête à adopter.

Louis XX

Le message fort et courageux

de l’aîné des Capétiens, Roi de France de droit :

       Au milieu de la fièvre qui agite le personnel politique à propos du projet de loi relatif à la fin de vie, je veux, une fois encore, faire entendre à la France la voix de la tradition politique et de la morale millénaire sur laquelle elle se repose. Cette tradition, je l’assume tout entière en tant que chef de la Maison de Bourbon. Et il m’appartient de veiller à ce qu’elle ne soit pas un reste anecdotique de notre passé, mais bien un guide qui éclaire et conduise nos actes.

   Ce qui se prépare au Parlement constitue une nouvelle rupture anthropologique que je condamne fermement. Je la condamne, car à terme, elle nuit à la France et aux Français. En janvier 2024, j’avais déjà exprimé toutes les craintes et les réserves que j’avais à l’égard du texte qui était en préparation.

   Malheureusement, la réalité a dépassé ce que j’imaginais, comme tous les hommes de bien. Les amendements adoptés dans le cadre de la loi signent l’acte d’abdication de notre société toute entière face à la vulnérabilité, la souffrance et la faiblesse. Le dernier clou dans le cercueil de la civilisation européenne, bâtie sur les lumières du christianisme et de l’humanisme, s’apprête à être planté dans une certaine indifférence médiatique et politique.

   Les décideurs politiques ont une lourde responsabilité face à l’humanité tout entière. Et ce n’est pas en maquillant ce suicide assisté qu’ils s’apprêtent à voter sous le masque d’une pseudo-fraternité qu’ils échapperont au tribunal de l’Histoire et de leur conscience. Je voudrais le leur rappeler, afin qu’ils se rendent compte de la gravité de l’acte qu’ils s’apprêtent à poser.

   Dans un pays marqué par des progrès sociaux importants, par un système de soin extrêmement développé, il est désolant de constater que la lâcheté va être choisie plutôt que le courage, la rentabilité plutôt que le sacrifice. Car ne doutons pas que des logiques comptables abjectes sont à l’œuvre parmi les motivations sous-jacentes. Les personnes les plus fragiles seront priées de comprendre qu’elles sont de trop, qu’elles pèsent un poids trop lourd pour notre économie.

   Peu à peu, un certain modèle hygiéniste de société nous est donc proposé dans lequel la faiblesse, l’inattendu, et l’imperfection ne seront plus tolérés. C’est la Vie et la nature tout entière qui seront rejetées. Et là aussi, nous le savons bien, sous couvert d’humanisme et de liberté, cette loi va encore aggraver les inégalités. Alors que les personnes aisées pourront avoir la chance de parvenir aux unités de soins palliatifs, les plus pauvres, eux, n’auront que la mort comme alternative à leur souffrance. Un contraste frappant pour la république française qui se veut être la championne de l’égalité.

   Les mots ont été vidés de leur sens pour en faciliter l’usage, les valeurs morales ont été évacuées pour faciliter les décisions, les restes de notre civilisation judéo-chrétienne ont été dispersés pour faciliter l’avènement de l’individu-roi. Nous ne raisonnons plus en tant que société, mais en somme d’individus, avec chacun leurs désirs, leurs angoisses, leurs problèmes. Et que le plus fort gagne ! Voilà le nouveau credo de notre société hyper-consumériste.

   L’héritage monarchique que je porte voudrait convaincre mes compatriotes que d’autres voies sont possibles. Qu’il reste tant à faire pour développer les soins palliatifs, qu’il nous reste tant à apprendre de ces gens qui souffrent, qui ne veulent pas mourir, mais auxquels nous ne donnons pas la parole et dont nous refusons d’entendre le témoignage. Cette loi n’est pas qu’une affaire d’individus. Elle est l’affaire de la société française dans toutes ses composantes pour aujourd’hui et pour demain.

   Que voulons-nous pour notre pays ? Pour notre génération et les suivantes ? Et si ceux à qui je m’adresse ne veulent raisonner que de manière égoïste, je veux leur rappeler qu’ils sont les souffrants, les handicapés et les personnes âgées de demain. Peut-être constateront-ils alors que l’appel de la Vie, même dans ces instants les plus vulnérables, reste immense.

   Enfin, je veux également avoir une parole pour les soignants que l’on feint trop d’ignorer et qui ne sont pas entendus. Eux qui sont totalement dévoués au service des malades et des souffrants, eux qui exercent leur profession avec passion et humanité, eux qui côtoient la vie et la mort chaque jour qui passe. Ne renoncez pas à votre déontologie : elle est votre honneur. Elle est le rempart à la fois mince, mais grandiose qui sépare notre civilisation d’une pente glissante, où la vie risquerait de perdre peu à peu sa valeur, et où la compassion se confondrait avec l’abandon.

   Ce rempart, c’est le refus de considérer la vie humaine comme une simple variable d’ajustement, comme un fardeau à soulager par l’effacement. C’est le choix de soigner plutôt que de céder, d’accompagner plutôt que de précipiter. Vous portez, dans l’ombre parfois, une part immense de ce qui fait la dignité de notre société. Soyez fermes dans ce qui fait votre intégrité et votre honneur : les Français vous soutiennent.

   J’en appelle aux médecins, aux philosophes, aux croyants et à tous leurs pasteurs, aux responsables associatifs, et à tous ceux qui savent ce que valent la souffrance, le soin et la fragilité. Refusez ce basculement. Et plus largement, ça n’est pas à chaque Français que je m’adresse, mais bien à la France même. Faisons le choix de ne pas peser la valeur des vies humaines, de ne pas s’ouvrir à un système de mort et surtout de ne pas acter la fin de notre antique civilisation. En effet, c’est bien elle qui sera la première victime de cette loi. Puisse saint Louis éclairer nos dirigeants et nos décideurs politiques.

Armes de France & Navarre

2025-82. Le règne de la médiocrité et de la vulgarité.

Lettre mensuelle aux membres et amis de la

Confrérie Royale

- 25 mai 2025 -

banane scotchée

Le règne de la médiocrité et de la vulgarité

       Si, d’aventure, notre époque laisse une trace dans l’Histoire des hommes, – avant que toutes les cartes ne soient redistribuées par Notre-Seigneur -, elle laissera derrière elle un fumet peu ragoûtant de médiocrité et de vulgarité. L’être humain a toujours eu tendance à cultiver l’une et l’autre, et il fallut constamment les efforts colossaux des sages et des saints pour le tirer vers le haut et lui rappeler qu’il est fait pour la patrie de l’éternité.

   Le problème contemporain est que, désormais, chacun est encouragé à cultiver le pire et ceux qui sont portés au pinacle sont les représentants patentés de cet écroulement des intelligences et des mœurs. Pour une majorité de la jeunesse, et aussi des moins jeunes, ce sont les « influenceurs des réseaux sociaux » qui sont les références et les modèles à suivre. Tout ceci avec le plus grand sérieux et une force de conviction qui laissent pantois. L’inverse des anges, selon la formule de Chesterton : « Si les anges volent, c’est parce qu’ils se prennent eux-mêmes à la légère » (Orthodoxie).

   Notre pesanteur nous empêche de voler et nous rajoutons à loisir et avec délectation du plomb dans nos souliers en cultivant ce qu’il y a de plus bas. Permettez-moi de citer un peu longuement le très fin Simon Leys, – qui, entre parenthèses, était très critique de la nouvelle liturgie et très attaché au rite antique : « L’ignorance, l’obscurantisme, le mauvais goût ou la stupidité ne résultent pas de simples carences, ce sont autant de forces actives, qui s’affirment furieusement à chaque occasion, et ne tolèrent aucune dérogation à leur tyrannie. Le talent inspiré est toujours une insulte à la médiocrité. Et si cela est vrai dans l’ordre esthétique, ce l’est bien plus encore dans l’ordre moral. Plus que la beauté artistique, la beauté morale semble avoir le don d’exaspérer notre triste espèce. Le besoin de tout rabaisser à notre misérable niveau, de souiller, de moquer, de dégrader tout ce qui nous domine de sa splendeur est probablement l’un des traits les plus désolants de la nature humaine » (Le Bonheur des petits poissons).
Ce diagnostic s’applique de plus en plus à notre pauvre race déboussolée. Le dynamisme promu est celui de la dégringolade dans le glauque, l’absurde, le futile, le pervers.

   Voici deux exemples, dans des domaines différents, parmi une myriade. Le premier est une « œuvre d’art », intitulée Comedian, créée en 2019 par l’Italien Maurizio Cattelan, né en 1960, très coté parmi les collectionneurs de haut vol. Il s’agit d’une banane, une vraie banane, accrochée à un mur blanc quelconque par un morceau d’adhésif gris. Le fruit doit être changé chaque semaine, sinon l’œuvre est défigurée. Vendue à l’origine pour la modique somme de 120 000 $, cette banane a été remportée par un nouvel amateur d’art en novembre 2024 à New York pour 6,2 millions de dollars. Voilà donc une nouvelle religion, celle de la médiocrité et de la laideur.
Le second cas est celui de la Journée internationale de la bataille de polochons, crée en 2008 par Urban Playground Movement, ceci afin de « récupérer l’espace urbain pour s’amuser ». De nombreuses villes l’organisent, comme Vienne, Barcelone, Londres, San Francisco etc. Le record de participants, 7681, est tenu par Minneapolis en 2018. Associé à cette Journée essentielle, a été créé un Pillow Fighting Championship.
Pendant ce temps les démons se pourlèchent les babines car ils n’ont même plus besoin de nous pousser sur les chemins de la bêtise et de la perdition. Nous chantons et dansons sur le Titanic qui sombre.

   Il y aurait de quoi être honteux de vivre dans un tel siècle, mais cependant nous avançons tête baissée, insouciants, fiers même de nos découvertes, de notre créativité, de notre abaissement. L’animal a au moins la décence de s’abstenir et de continuer à correspondre à la nature qui lui est propre. Lorsque l’homme n’a plus de vision surnaturelle, il ne s’attache qu’à la cité terrestre et passe son temps à la maltraiter et à la détruire, comme un enfant riche et gâté le fait avec ses jouets. Saint Paul nous avait avertis : « Nous n’avons pas ici de cité permanente, mais nous attendons celle qui est à venir » (Épître aux Hébreux, XIII. 14). Chesterton l’avait bien vu : « L’Église est la seule chose qui peut sauver un homme de la dégradante servitude d’être un enfant de son époque » (La raison pour laquelle je suis devenu catholique, 1926).
L’Église, et non point forcément les hommes d’Église…

   La Révélation chrétienne permet d’échapper au monde si on l’embrasse totalement, et, ainsi purifiés, nous pouvons alors vivre dans ce monde tout en faisant de notre mieux pour y planter des graines de beauté, de vérité et de charité.
Chesterton disait encore : « Nous ne voulons pas, comme le disent les journaux, d’une Église qui suive le monde, nous voulons d’une Église qui entraîne le monde » (New Witness, 21 octobre 1921).
Or, plus de que de coutume, les membres de l’Église participent sans réserve à ces torrents de médiocrité et de vulgarité, par souci de « correspondre », de « dialoguer », d’être de son temps, à la mode. Se vendre au temps ne fait pas aimer l’éternité.
En revanche, se consacrer à l’Éternité fait aimer les œuvres du temps qui correspondent au plan de Dieu, celles qui ne sont ni médiocres, ni vulgaires. William Blake notait que « l’Éternité est amoureuse des œuvres du temps », comme le Jugement dernier de Michel-Ange, les Passions de Bach, la cathédrale de Chartres.

   Les succès passagers sont généralement vulgaires car ils reposent sur la médiocrité. Tant de personnes s’exhibent sans pudeur, présentant leurs expériences, leurs opinions comme le nec plus ultra de ce qui doit être fait, pensé. Nos misères, nos péchés, nos turpitudes deviennent les nouveaux absolus tandis que la vérité, la beauté et la charité sont réduites à l’état de peau de chagrin, non plus même relativisées mais déracinées et jetées dans un coin comme n’ayant plus cours.
Léon Bloy avertit : « Tout, dans ce monde, est inexplicable sans l’intervention du Démon. Ceux qui se souviennent habituellement de cet Ennemi peuvent entrevoir, avec autant d’admiration que de crainte, le dessous des choses » (Journal).
Il est nécessaire de garder cela en mémoire, et de se préserver soi-même. Quoi d’étonnant ensuite à constater, comme Chesterton que « quand un homme cesse de croire en Dieu, ce n’est pas pour croire à rien mais pour croire à n’importe quoi ». Nous y sommes, englués, et satisfaits de l’être apparemment, dans la société, dans l’Église, de la tête à la base, sans distinction de classes, de richesse, de formation universitaire. Tous dans le même sac à l’intérieur duquel les ténèbres ne nous inquiètent pas vraiment car nous nous y sommes habitués.
A chacun de s’en dégager, justement en cultivant l’inverse de cette vulgarité si répandue. La familiarité avec le modèle des saints permet d’émerger et de ne pas être englouti dans cette marée noire. Notre-Seigneur veille, patiemment, ne désespérant pas au contact de toutes nos fadaises. Sa voix appelle inlassablement le troupeau en balade.

P. Jean-François Thomas s.j. 
Mardi de la Passion 8 avril 2025

Blason Confrérie Royale petite taille

2025-79. Point n’est besoin ni utile de se monter le bourrichon…

Lettre mensuelle aux membres et amis de la 

Confrérie Royale

 - 25 avril 2025 -

Sa Majeté le Roi - Copie

Jeudi de Pâques 24 avril 2025.

Chers membres et sympathisants de la Confrérie Royale,

    De tout cœur, j’ose espérer que vous avez passé une fervente Semaine Sainte, un fervent Triduum Sacré, une fervente fête de Pâques : fête que l’octave en laquelle nous sommes nous donne de célébrer pendant huit jours comme s’il s’agissait d’un unique jour – « haec dies quam fecit Dominus » -, et que nous prolongerons encore jusqu’à la fête de l’Ascension dans les richesses inouïes de notre belle liturgie catholique authentique.

   Les trois fondateurs de cette humble Confrérie étaient réunis en mon ermitage depuis la fête de la Compassion de Notre-Dame (le vendredi de la Passion) jusqu’au matin du mardi de Pâques : occasion de célébrer ensemble, dans le déploiement liturgique maximal qu’il nous a été possible d’accomplir, les accomplissements du mystère de notre salut en ces diverses phases.
Est-il utile de préciser que les membres de la Confrérie étaient spirituellement présents dans nos prières ?

A – Le pèlerinage annuel auprès de Notre-Dame du Puy aux jours de l’Ascension :

   La quarantaine d’allégresse qui succède à la quarantaine de pénitence est pour nous, en particulier, une préparation au pèlerinage annuel auprès de Notre-Dame du Puy : en ma qualité de Prieur, je demande instamment à tous les membres de la Confrérie, même s’ils ne peuvent participer physiquement à ce pèlerinage (les inscriptions ont été closes le 19 mars, je le rappelle, et il n’y a désormais plus de possibilité d’accepter des « retardataires ») de prier quotidiennement, ne serait-ce qu’un « Ave Maria » à l’intention de cette démarche spirituelle qui est celle de la Confrérie tout entière, par la médiation de ses représentants participant « en chair et en os » à ces trois journées de prière et d’approfondissements spirituels.

   Je rappelle que l’intention fondamentale qui nous porte aux pieds de la Mère de Dieu dans sa « cathédrale angélique » est de la prier d’une manière particulière pour notre Roi légitime et pour la France.
Cela n’empêche évidemment pas d’y apporter aussi des intentions secondaires, que, si vous le souhaitez, vous nous pouvez confier…

B – L’anniversaire de la naissance de Sa Majesté le Roi :

   La date du 25 avril ramène avec elle l’anniversaire de la naissance de Sa Majesté le Roi, qui, vous le savez, a vu le jour exactement sept-cent-soixante ans après son ancêtre direct et saint patron, le Roi Saint Louis IX (25 avril 1214 – 25 avril 1974).

   Par son engagement – qu’il soit simple ou par vœu -, chacun des membres de cette Confrérie a contracté devant Dieu un devoir sacré et impérieux de prier chaque jour (et plusieurs fois par jour) à l’intention de Sa Majesté.
Notre dévotion envers notre Roi légitime se nourrit d’un effort quotidien dont Dieu, qui voit tout, dans le secret des cœurs comme dans les lieux les plus éloignés de la société des hommes (cf. Matth. VI, 6), recueille avec délicatesse les mérites de fidélité et de générosité, afin de les transformer en grâces qu’Il répand sur l’âme de Sa Majesté, sur sa famille, et sur la France, quand bien même nous ne le voyons pas.

   En priant aujourd’hui avec encore davantage de ferveur et de zèle qu’à l’accoutumée, n’omettons pas de fortifier notre prière par l’offrande de quelque sacrifice.
La « monnaie du sacrifice » est indubitablement la devise la mieux cottée à la bourse spirituelle pour faire croître les capitaux de la grâce surnaturelle !

C – Situation de l’Eglise en ce jour :

   La mort de celui qui occupait depuis le 13 mars 2013 le trône pontifical et la prochaine réunion d’un conclave dans l’enceinte du Vatican afin de lui élire un successeur, ne doit en aucune manière nous distraire de l’essentiel.
Je suppose que les radios, chaînes télévisuelles « d’information » (ou prétendues telles) et « fils d’actualité » sur certains réseaux de l’Internet doivent faire leurs choux gras en cette occurrence, en les assaisonnant d’une quantité astronomique d’approximations, de supputations, d’erreurs, d’interprétations ou de tentatives d’influences de l’opinion publique.
Ne cédons pas aux tentations multiformes de la curiosité et de la superficialité, et attachons-nous avant tout, là encore, à l’essentiel.

   Les membres de la Confrérie Royale sont des enfants aimants de la Sainte Eglise catholique romaine.
Mais, être un enfant aimant ne dispense pas d’être lucide, ne dispense pas de faire preuve d’esprit de prudence et de discernement, ne dispense pas de se prémunir contre ses propres impressions personnelles subjectives, contre le sentimentalisme, et – par-dessus tout – contre le fatras des pseudo prophéties et autres écrits « mystiques à deux balles » (si vous me permettez cette expression familière) que l’on ne manque pas de ressortir de derrière les fagots et de commenter avec une excitation malsaine née de ces prurits d’oreille que dénonçait Saint Paul (2 Tim. IV, 3) : foin donc de la « prophétie de Saint Malachie » (qui n’est pas une prophétie et n’est jamais jaillie de la plume de ce digne évêque du XIIème siècle qui mérite bien autre chose que l’attribution de vaticinations grotesques), des interprétations alambiquées des stances de Nostradamus, ou de je ne sais quelle autre sibylline prédiction !

La fin des temps… et le jugement.

   Point n’est besoin ni utile de se monter le bourrichon, car les Saints Apôtres nous l’ont dit depuis déjà quelque deux mille ans : nous sommes entrés dans « la fin des temps » depuis le moment de l’Ascension de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Elle est plus proche de nous aujourd’hui qu’elle ne l’était hier, et chaque jour nous en rapproche inexorablement.
Est-ce à dire qu’elle est imminente ? Point du tout !
Relisez dans vos catéchismes les signes certains du retour du Christ enseignés par les Apôtres… et tenez-vous en à cela, vous attachant sereinement et inébranlablement à votre devoir d’état, ainsi qu’à l’accomplissement des engagements auxquels vous avez souscrit.
Le reste ne nous appartient pas.

   Vôtre, in Corde Iesu & Mariae,

Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur,
Prieur.

Blason de la Confrérie Royale

2025-78. Le 10 avril, nous nous souvenons avec ferveur du chanoine Antoine Crozier, « l’ami stigmatisé du Père de Foucauld ».

10 avril,
Fête de Saint Fulbert de Chartres, évêque et confesseur ;
Anniversaire du rappel à Dieu du chanoine Antoine Crozier (+ 10 avril 1916).

       Dans les pages de ce modeste blogue, nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer la figure de ce très grand spirituel que fut le chanoine Antoine Crozier (1850-1916) ; nous avons même publié en intégralité les textes de son Chemin de Croix pour la France (cf. > ici) et de son opuscule intitulé « Vivons pour le Bon Dieu » (cf. > ici) ; nous avions évoqué en 2016 le centenaire de sa sainte mort et publié par la même occasion un florilège de citations (cf. > ici) ; toutefois nous n’avions jamais jusqu’au jour d’hui présenté le résumé de sa vie. C’est désormais chose faite : vous le trouverez ci-dessous.

chanoine antoine Crozier - blogue

Le chanoine Antoine Crozier (1850-1916)

       La première personne qui m’a parlé du chanoine Antoine Crozier fut Mademoiselle Suzanne-Marie Durand, une femme de lettres bien oubliée aujourd’hui – malheureusement ! -, qui était née en 1899 et s’est éteinte en 1986.
Si mes souvenirs sont exacts, c’est au cours de l’été 1983, que je l’ai rencontrée, lors d’une session d’universitaires catholiques : je n’étais alors moi-même qu’un tout jeune religieux de 21 ans auquel on avait demandé de donner une conférence sur la spiritualité du Sacré-Cœur, conférence qui avait eu l’heur de toucher cette humble et sainte personne. Elle vint me parler en particulier, et fit retentir pour la première fois à mes oreilles le nom du « Père Crozier », qu’elle avait eu l’immense grâce de connaître, puisque il avait été son confesseur et directeur de conscience depuis qu’elle avait une douzaine d’années – donc vers l’année 1911 – et jusqu’à la mort de ce grand conducteur d’âmes, le 10 avril 1916.
Suzanne-Marie Durand, lors de cet entretien, me suggéra de rechercher les ouvrages sortis de la plume du chanoine Crozier, parce que, me dit-elle, compte-tenu de ce qu’elle avait entendu dans ma conférence, elle était certaine que j’y trouverai de solides aliments pour ma vie spirituelle, en accord avec les points que j’avais développés.

   Mademoiselle Durand a été évoquée de manière assez précise par Madame Elisabeth de Miribel dans son excellent ouvrage sur Monseigneur Vladimir Ghika - aujourd’hui béatifié – intitulé « La mémoire des silences » (1987), puisque Suzanne-Marie avait également très bien connu le Bienheureux Vladimir (cf. > ici), ayant été du nombre des jeunes femmes qui en 1927 tentèrent sous sa direction l’aventure de la fondation des « Frères et Sœurs de Saint-Jean » dans l’ancienne abbaye d’Auberive (diocèse de Langres).

   Il n’est pas très facile de trouver des ouvrages biographiques sur Monsieur le chanoine Crozier : à ma connaissance il n’en existe que trois :

- Le plus ancien (et le plus difficile à trouver) date de 1948, signé du Révérend Père Paul Maillet, il s’intitule « Un ami du P. de Foucauld, le Père Crozier » (Librairie Emmanuel Vitte – Lyon) : il me semble que c’est le plus complet, bien que la stigmatisation du chanoine Crozier n’y soit évoquée qu’en termes voilés.
- En 1980, une certaine Mère Marie-Mickaël (dont j’ignore tout par ailleurs) publia un ouvrage intitulé « Un précurseur du règne de Dieu » que l’on pouvait commander au « Prieuré du Roc-béni », lequel « prieuré » semble avoir aujourd’hui disparu.
- Enfin, en 1989, Frère Bernard-Marie ofs, fit paraître (aux éditions du Chalet) « Le Père Crozier l’ami stigmatisé du Père de Foucauld », ouvrage moins profond et moins détaillé que celui du Père Maillet pour certains points, mais qui est en revanche explicite et précis en ce qui concerne la stigmatisation du saint prêtre.

   Par ailleurs, le chanoine Crozier est cité dans la biographie du Père de Foucauld publiée chez Grasset en 1982 par Madame Marguerite Castillon du Perron ; et deux lettres de Saint Charles de Jésus au chanoine Crozier se trouvent dans le volume « Correspondances lyonnaises » (éditions Karthala, novembre 2005).
On peut en outre se réjouir de ce que, en 2010, les éditions Pierre Téqui, ont réédité le best-seller du chanoine Crozier : « Comment il faut aimer le Bon Dieu ».

Biographie du Père Crozier par le Frère Bernard-Marie

   Antoine Crozier naquit le 8 février 1850 à Duerne (département du Rhône), dans une famille catholique, qui vint un peu plus tard s’installer à Lyon.
Il entra en 1867 au petit séminaire de L’Argentière (diocèse de Lyon), puis, en 1871, au séminaire Saint-Irénée.
Il fut ordonné prêtre au samedi des Quatre-Temps d’hiver, le 22 décembre 1877.
D’abord nommé aumônier à l’Institution des Chartreux, il fut envoyé à Rome en 1879 pour poursuivre des études théologiques. Il en revint en 1881 avec un doctorat en théologie.

   A son retour, il fut nommé vicaire à la paroisse Notre-Dame, à Saint-Chamond (département de la Loire : le diocèse de Saint-Etienne n’avait pas encore été créé), ce qui incluait, entre autres, une partie de l’aumônerie du Couvent des Carmélites. Rapidement, la fondatrice de ce Carmel et Prieure, Mère Raphaël de Jésus, le prit comme directeur spirituel.

   Car c’est bien la direction spirituelle qui va devenir la partie du ministère sacerdotal dans laquelle il va exceller, si bien que, à partir de 1882, il va se trouver au cœur d’un « réseau d’amitiés spirituelles » appelé La Famille intime du Cœur de Jésus, ou plus simplement La Famille.
C’est d’abord à l’intention de ce groupement spirituel qu’il rédigea « Comment il faut aimer le Bon Dieu », opuscule qui en dépassa très rapidement le cadre, eut une diffusion extraordinaire, fut traduit en plusieurs langues, et a connu depuis lors de nombreuses rééditions .
En 1883, l’abbé Crozier fut nommé vicaire à la paroisse Saint-Polycarpe, paroisse des pentes de la Croix-Rousse.

   Toutefois, désireux d’une vie plus parfaite, après avoir lu « Le véritable disciple » écrit par le Bienheureux Antoine Chevrier, il entra en 1886 dans la société des Prêtres du Prado. Il y resta cinq ans, pendant lesquels il fut, en particulier, supérieur de l’école Notre-Dame de la Roche, où il fit des merveilles auprès des jeunes gens.
Toutefois des incompréhensions douloureuses entre certains de ses supérieurs et lui-même, le contraignirent à quitter le Prado. On lui proposa alors d’être directeur spirituel au séminaire de Belley, où il exerça une influence très profonde.
C’est au cours de ces années qu’il créa une association spirituelle nommée Union dans le Sacré-Cœur et pour le Sacré-Cœur.

   Le 1er janvier 1901, alors qu’il célébrait la Sainte Messe à l’autel du Saint-Sacrement dans la Primatiale Saint-Jean, à Lyon, il reçut les sacrés stigmates.
Il demanda à Dieu la grâce de leur invisibilité et il fut exaucé.

   En 1903, il publia un autre opuscule à succès : « Comment aimer Dieu. Excelsior : plan de vie spirituelle ».
L’année 1904, 
dans le contexte de la persécution anticatholique menée par la troisième république, le séminaire dut fermer et ses bâtiments spoliés. C’est aussi l’année où il fut nommé chanoine honoraire de la cathédrale de Belley.

   Le chanoine Crozier revint à Lyon, où on lui confia un ministère d’aumônier au pensionnat des frères des Ecoles chrétiennes, dit des Lazaristes. Mais à partir de 1910, sa santé le contraignit à une demi-retraite, peu reposante à la vérité car s’il n’avait officiellement plus de « poste » en paroisse ou en aumônerie, ses journées se trouvaient, de fait, dévorées par le ministère de la confession et de la direction spirituelle.

   C’est à cette période que le Révérend Père Charles de Jésus (de Foucauld) le contacta après avoir lu, avec une immense joie spirituelle, certains de ses écrits qu’on lui avait fait parvenir.
L’ermite du Sahara, vint lui rendre visite à Lyon afin de s’entretenir avec lui ; ils restèrent dès lors en relations épistolaires, et, surtout, en communion d’intentions et en « association » de prières jusqu’à la mort : « Ah ! combien je suis reconnaissant à Dieu de cette amitié qu’Il a établie entre nous », écrira Saint Charles en apprenant la mort du chanoine Crozier, survenue sept mois et demi avant son propre assassinat.
Le chanoine Crozier l’avait aidé
 à fonder son Union des Frères et Sœurs du Sacré-Cœur de Jésus, et, en 1913, il avait publié un autre opuscule intitulé « Union apostolique universelle », afin de faire connaître à tout son « réseau » – et bien au-delà – le prêtre atypique établi au Sahara, son travail d’ermite apostolique et ses projets de fondation, sollicitant prières ferventes et sacrifices pour le soutenir.

   Prématurément usé, consumé de l’intérieur par le feu de son holocauste spirituel, le chanoine Antoine Crozier s’est éteint à son domicile, 12 rue du Doyenné, à l’ombre de la Primatiale Saint-Jean, le lundi de la Passion 10 avril 1916.

Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur.

Prière pour demander à Dieu la glorification de Son serviteur Antoine Crozier > ici.

Lyon Primatiale Saint-Jean - chapelle du Très Saint-Sacrement

Lyon, Primatiale Saint-Jean-Baptiste : la chapelle du Très Saint-Sacrement
avec l’autel où le chanoine Antoine Crozier célébrait la Sainte Messe
lorsqu’il reçut les sacrés stigmates le 1er janvier 1901

2025-77. Des Bienheureux Clément d’Osimo et Augustin Novello que nous fêtons le 8 avril.

8 avril,
Fête des Bienheureux Clément d’Osimo et Augustin Novello, prêtres et confesseurs de l’Ordre des Ermites de Saint Augustin ;
En Carême, mémoire de la férie.

vignette augustinienne

Martyrologe propre des Ermites de Saint Augustin :

   « A Orvieto, le Bienheureux Clément de Saint-Elpide, vulgairement dit d’Osimo, confesseur de notre Ordre, personnage d’une grande clémence et d’une grande piété : après avoir rempli plusieurs fois avec éclat les fonctions de supérieur général, il refondit et augmenta les règles de l’Institut de Saint Augustin pour remettre en vigueur la discipline régulière, et il en est regardé comme le second fondateur ; il reposa en paix plein de jours et de vertus ».

   « A Sienne, en Toscane, le Bienheureux Augustin Novello, confesseur de notre Ordre, dont l’humilité fut si grande que, abandonnant, après deux ans, la direction générale de l’Ordre qu’il n’avait acceptée que sur l’ordre du Souverain Pontife, il se retira dans l’ermitage de Saint Léonard, où comblé de vertus, il s’endormit dans le Seigneur ».

Bienheureux Clément d'Osimo - Saint-Augustin Rome - blogue

Le Bienheureux Clément de Saint-Elpide, ou d’Osimo,
fresque de la chapelle du Saint-Sacrement
dans la basilique de Saint-Augustin au Champ de Mars, à Rome

       On ne sait ni à quelle date précise ni exactement en quelle ville de la Marche d’Ancône et né le Bienheureux Clément d’Osimo on peut simplement dire que ce fut au début du XIIIème siècle et que deux cités revendiquent d’avoir été sa patrie terrestre, Sant’Elpidio al Mare (près d’Ancône) et Osimo. A l’heure actuelle cependant, les historiens de l’Ordre inclinent plutôt à penser qu’il serait né à Sant’Elpidio et qu’il aurait passé ensuite plusieurs années à Osimo.

   On n’en sait pas davantage sur ses origines, sa famille, sa formation originelle, la maturation de sa vocation et la date exacte de son entrée dans la vie religieuse ; on n’en sait pas beaucoup plus sur sa carrière dans l’Ordre avant son élection comme Prieur général, si ce n’est qu’il appartenait originellement à une congrégation, dite des Ermites de Brettino (voir la note 1), laquelle, en 1255-1256, fusionna avec la première réunion d’Ermites augustiniens – au départ dans les provinces d’Ombrie et du Latium – qui, à partir de 1243, avaient commencé la constitution d’un Ordre religieux mendiant sous la direction du pape Innocent IV (+ 1254).

   Le 9 avril 1256, la bulle Licet Ecclesiæ Catholicæ consacra cette fusion de plusieurs anciennes communautés d’ermites vivant sous la Règle de Saint Augustin en Ordre des Ermites de Saint Augustin.
Le Père Clément d’Osimo fut rapidement remarqué parce qu’il était doté d’un remarquable bagage de culture et de spiritualité : d’abord élu provincial pour la Province d’Ancône, en 1269, il fut, en 1271, choisi par le chapitre général pour devenir Prieur général de l’Ordre.
Il occupa cette charge pendant trois années, au terme desquelles il retourna à la vie retirée dont il était épris.
Mais, en 1284, il fut réélu à l’unanimité, et reconduit en 1287 et 1290.
Il s’éteignit saintement au couvent des Augustins d’Orvieto le 8 avril 1291, quelques mois après le début de son quatrième mandat.

Orvieto - portail de l'église Saint-Augustin

Orvieto : portail de l’église du couvent des Augustins
qu’a connue me Bienheureux Clément d’Osimo et dans laquelle il fut inhumé en 1291
[actuellement cette église est transformée en espace d'exposition].

   Les historiens de l’Ordre ont souligné ses qualités dans le gouvernement : prudence, prévenance, bienveillance paternelle, sollicitude, travail inlassable. Tous s’accordent à affirmer que Clément fut indubitablement le plus grand des prieurs généraux des premiers temps de l’Ordre.
Ce n’est pas un hasard s’il lui a été confié la tâche de reformuler et de promulguer les Constitutions de l’Ordre (dites « Constitutions de Ratisbonne », parce que c’est à ce chapitre général qu’elles furent définitivement adoptées et promulguées), une œuvre monumentale à laquelle il s’est consacré inlassablement aidé de son frère d’âme et ami le Bienheureux Augustin Novello, dont il est question ci-dessous.
Outre son rôle de promoteur déterminé et efficace de l’unité de l’Ordre, par la promulgation des premières Constitutions, il prit soin d’enraciner profondément la formation des novices dans la spiritualité augustinienne, imposa une liturgie unique pour tout l’Ordre, ouvrit des maisons d’études dans les grands centres intellectuels de l’époque : Paris, Rome, Bologne, Padoue et Naples. C’est sous son priorat que commença la fondation de maisons de moniales augustiniennes.
Animé lui-même par une profonde dévotion mariale il en fit une tradition de l’Ordre.

   Ses biographes ont mentionné plusieurs miracles qu’il accomplit de son vivant (comme de l’eau changée en vin).
A ses derniers moments, assistèrent le pape Nicolas IV (pape de 1288 à 1292), qui résidait à Orvieto, ainsi que la Curie. Sa mort fut aussitôt suivie de nombreux miracles, si bien que le Souverain Pontife, affirmant qu’il était indigne que la terre de cachât un corps d’une telle sainteté, ordonna que l’on différât sa sépulture de plusieurs semaines, pendant lesquelles il ne montra aucun signe de corruption.
Il y avait même une telle foule qui se pressait pour vénérer cette dépouille mortelle que la municipalité d’Orvieto ordonna de démolir plusieurs maisons afin d’élargir la rue qui conduisait au couvent des Augustins et d’en faciliter l’accès.
Le cardinal Benedetto Caetani, qui avait le Père Clément d’Osimo pour confesseur et qui – malgré cela – devint plus tard le terrible pape Boniface VIII, a témoigné de l’exquise odeur céleste que répandait le corps du saint religieux au lieu de l’habituelle odeur de putréfaction.   

   En 1761, le pape Clément XIII confirma le culte « ab immemorabili » du Bienheureux Clément d’Osimo.
D’abord inhumé dans l’église du couvent d’Orvieto, son corps fut translaté au XVIIIème siècle dans la basilique de Saint Augustin au Champ de Mars, à Rome, puis a été transféré le 4 mai 1970 dans la chapelle de la Curie généralice de l’Ordre.

vignette augustinienne

Bienheureux Augustin Novello

Sienne : statue du Bienheureux Augustin Novello (vers 1755)
attribuée à Giuseppe Silini (1724-1814)

       Cet autre bienheureux de l’Ordre des Ermites de Saint Augustin est né vers 1240. Sa ville de naissance est incertaine : on l’appelle parfois Augustin de Tarano ou Augustin de Terranova, deux villes de la province de Rieti qui revendiquent d’être celle de sa naissance, mais il y a aussi plusieurs cités de Sicile qui le réclament pour l’un des leurs : Termini Imerese, Trapani, Taormina ou même Palerme.
Au saint baptême il avait reçu le prénom de Matteo (Matthieu). Certains auteurs prétendent qu’il était issu d’une famille noble de Catalogne, mais cela semble plus hypothétique que certain.

   Ce dont nous sommes sûrs, en revanche, c’est qu’il fit des études de droit à l’université de Bologne, où il fut reçu docteur « in utroque jure » (littéralement : « en l’un et l’autre droits », c’est-à-dire en droit canonique et en droit civil).
Il semble qu’il enseigna quelque temps, puis il fut embauché à la chancellerie du royaume de Sicile, à la cour du roi Manfred de Hohenstaufen (voir la note 2).

   Grièvement blessé lors de la bataille de Bénévent (26 février 1266) au cours de laquelle le roi Manfred fut défait et perdit la vie, Matteo avait été laissé pour mort sur le champ de bataille.
Cette « opportunité » lui permit de changer radicalement de vie car, revenu à la santé mais surtout touché par une grâce de conversion, ayant quitté la Sicile, il se présenta à l’ermitage augustinien de Sainte-Lucie, au hameau de Rosia, sur le territoire de la petite ville de Sovicille, près de Sienne, pour y mener la vie de consécration et de service d’un simple frère convers, sous le nom d’Augustin.
Il pouvait être certain que personne ne le rechercherait, puisqu’on le croyait mort, et que nulle attache humaine ne viendrait le tirer de sa thébaïde.

Ruines de l'ermitage de Sainte-Lucie à Rosia

Ruines de l’ermitage augustinien de Sainte-Lucie, au hameau de Rosia,
commune de Sovicille, près de Sienne (état actuel).

   En une occurrence où les droits du couvent furent attaqués, l’humble frère Augustin s’autorisa de faire connaître ses compétences de juriste pour se mettre au service de la défense de la communauté : c’est à cette occasion que sa véritable identité fut découverte.

   Le Prieur général de l’Ordre, qui n’était autre que le Bienheureux Clement d’Osimo, prenant conscience de ses aptitudes et de sa science, qui étaient en outre étayées par de solides vertus, le transféra à Rome, où, désormais connu sous le nom de « Agostino Novello » (nouvel Augustin), il lui fit recevoir le sacerdoce.
Peu de temps après, le pape Nicolas IV (pape de 1288 à 1292) le choisit pour confesseur et le nomma pénitencier apostolique (voir la note 3), fonction qu’il exerça pendant une dizaine d’années, puisqu’il le fut également sous les pontificats de Saint Pierre Célestin V et de Boniface VIII.
Durant la même période, il collabora à la rédaction des Constitutions de Ratisbonne de 1290.

   En mai 1298, les capitulaires réunis à Milan pour le Chapitre général de l’Ordre, bien qu’il n’y fût pas présent et sans lui demander son consentement, l’élurent Prieur général. Boniface VIII lui donna l’ordre d’accepter cette charge : le Père Augustin se soumit humblement, par pure obéissance.
Toutefois, au bout de deux ans, durant lesquels il gouverna l’Ordre avec une grande humanité et beaucoup de sagesse, il convoqua de manière anticipée, à Naples, le Chapitre général au cours duquel il résilia sa charge. Les capitulaires ne parvinrent pas à le faire changer d’avis. 

Monteriggioni près de Sienne - Ermitage Saint Léonard - état actuel

Ermitage Saint-Léonard, sur la commune de Monteriggioni, près de Sienne :
c’est là que le Bienheureux Augustin Novello passa les dernières années de sa vie (de 1300 à 1309)

   Le législateur le plus prestigieux de l’Ordre se retira dans l’ermitage de Saint-Léonard au bord du lac (San-Leonardo al Lago), à Monteriggioni, près de Sienne, « se reposant à l’ombre de la contemplation divine » comme l’a magnifiquement écrit l’un de ses biographes, il ne se consacra plus qu’à la prière et aux œuvres de charité (il soutint la fondation de l’hôpital Santa-Maria della Scala situé en face de la cathédrale de Sienne, et lui donna ses premiers statuts juridiques).

   Il mourut en 1309, âgé d’environ 69 ans, peut-être à la date du 19 mai (qui était le lundi de Pentecôte) mais ce n’est pas absolument certain).

   Comme de nombreux miracles se produisirent sur sa tombe, l’évêque de Sienne fit transférer son corps dans l’église de Saint-Augustin à Sienne.
Entre 1324 et 1328, le célèbre peintre Simone Martini (1284-1344) réalisa un retable (à la tempera sur bois) pour l’église des Augustins de Sienne représentant le Bienheureux Augustin Novello et les miracles qu’il accomplit : notre B
ienheureux y est représenté avec un ange qui lui murmure à l’oreille. Dès lors « l’ange chuchoteur » – symbole de l’inspiration divine – sera une constante dans l’iconographie du Bienheureux Augustin Novello.

Le Bienheureux Augustin Novello et l'ange chuchoteur - Simone Martini, détail du triptyque

Le Bienheureux Augustin Novello avec « l’ange chuchoteur »
détail du « Triptyque de Saint Augustin » de Simone Martini (1284-1344)
[Pinacothèque nationale de Sienne]

   En 1759, le pape Clément XIII approuva son culte immémorial, et l’inscrivit au catalogue des bienheureux.
En 1620, accédant à la demande des fidèles de Termini Imerese, en Sicile, qui assuraient qu’il était né chez eux, le Grand Duc de Toscane avait fait don à la cathédrale de cette ville des ossements de l’un des bras du Bienheureux Augustin ; puis, en 1977, ce fut le corps tout entier qui y fut translaté, et qui s’y trouve désormais, entouré d’une très grande piété populaire.

Chapelle du Bienheureux Augustin Novello dans la cathédrale de Termini Imerese en Sicile

Chapelle du Bienheureux Augustin Novello
dans la cathédrale de Termini Imerese, en Sicile :
les restes mortels du Bienheureux se trouvent enfermés à l’intérieur d’un gisant
et sont au centre d’une grand mouvement de ferveur populaire.

vignette augustinienne

Note 1 :
Les ermites de Brettino : Brettino était un endroit solitaire à environ une lieue et demi de Fano (région des Marches). Au début du XIIIème siècle, quelques hommes pieux se réunirent autour d’une petite église dédiée à saint Blaise, afin d’y mener une vie de prière et de pénitence. En 1227, cette petite congrégation reçut la protection du pape. La vie des ermites de Brettino était très austère, la pauvreté y était très rigoureuse et les jeûnes plus nombreux que ceux imposés de manière générale aux fidèles par l’Eglise. Le pape Innocent IV favorisa leur essaimage en de nouvelles fondations et les protégea des ingérences ecclésiastiques locales.
Après la réunion des différentes communautés d’ermites d’Ombrie et du Latium, en 1243, en un début d’Ordre constitué, les ermites de Brettino furent pressentis en 1255 pour rejoindre ce qui allait devenir l’Ordre des Ermites de Saint Augustin, ce qui fut accompli par la bulle pontificale du 9 avril 1256.

Note 2 :
Manfred de Hohenstaufen : né en 1232, ce fils adultérin de l’empereur Frédéric II de Hohenstaufen fut légitimé lorsque l’empereur, veuf, épousa sa maîtresse. Il étudia à Paris et à Bologne, fut, à la mort de son père (1250), régent de Sicile pour son frère Conrad IV puis du fils de ce dernier, à la mort duquel il s’empara du royaume de Sicile. Chef du parti gibelin, il eut de nombreux démêlés avec les Pontifes romains et fut excommunié. Les papes qui se succédèrent en ces temps troublaient étaient hostiles à la Maison de Souabe et soutenaient la Maison d’Anjou pour le trône de Sicile. Manfred fut tué à la bataille de Bénévent, le 26 février 1266, et Charles Ier d’Anjou, frère puiné de Saint Louis, devint roi de Sicile, jusqu’à son expulsion en 1282 à la suite des « Vêpres siciliennes ».

Note 3 :
Pénitencier apostolique : fondée vers 1200, la Pénitencerie apostolique est à l’origine un organisme présidé par un cardinal (le Pénitencier majeur) assisté de Pénitenciers mineurs qui reçoivent les confessions au nom du pape (et ont donc le pouvoir d’absoudre les péchés dont l’absolution est réservée au Saint Siège Apostolique). Au XIIIème siècle les Pénitenciers apostoliques étaient préposés à entendre les confessions dans les basiliques majeures à Rome et à répondre par écrit, au nom du Souverain Pontife, aux suppliques adressées à ce dernier.
La Pénitencerie apostolique a été réorganisée à plusieurs reprises depuis lors, et elle constitue aujourd’hui le premier des trois tribunaux de la Curie romaine. 

Les Bienheureux Clément d'Osimo et Augustin Novello

Composition contemporaine réunissant sur une même image les
Bienheureux Clément d’Osimo (à droite) et Augustin Novello (à gauche)

2025-76. « Nous entrons dans les jours de deuil où nous pleurons l’Epoux divin ».

Samedi de la 4ème semaine de Carême.

 Avertissement préalable :

   Nous reproduisons ci-dessous une texte de Dom Pius Parsch (1884-1954), chanoine régulier de Saint Augustin de l’abbaye de Klosterneuburg, en Basse Autriche.
La citation que nous faisons aujourd’hui ne signifie pas que nous adhérons à toutes les idées et hypothèses développées par ce Révérend Père dans le cours de son ministère : nous savons bien, en effet, que l’on trouve en germe – voire parfois mises en pratique – chez cet auteur, acteur du « mouvement liturgique » de la première moitié du XXème siècle, des théories qui exerceront une influence pernicieuse quelques décennies plus tard (cf. l’article qui lui a été consacré sur le site de la FSSPX > ici).
Néanmoins, le passage que nous publions ci-dessous est juste, et il présente un réel intérêt parce qu’il éveille les fidèles à une compréhension spirituelle authentiquement propre à leur permettre de mieux vivre le temps de la Passion : c’est cela qui importe.

Diptyque ivoire 1ère moitié du XVe siècle - Musée métropolitain de New-York - crucifixion - blogue

Diptyque d’ivoire de la première moitié du XVème siècle (France ou Pays-Bas) :
Crucifixion
[Musée métropolitain d'art de New-York]

croix et couronne d'épines - vignette

Nous entrons dans les jours de deuil

où nous pleurons l’Epoux divin

       « Au terme de la quatrième semaine du carême, avec la célébration des premières vêpres du premier dimanche de la Passion, nous entrons dans les jours de deuil où nous pleurons l’Epoux divin. L’Eglise prend ses voiles de veuve.

   Le temps de la Passion est la troisième et dernière étape de la préparation pascale : l’avant Carême, temps de la Septuagésime (voir > ici), nous faisait entrer dans les dispositions du Carême ; le Carême a été le temps de la conversion et du renouvellement de la vie spirituelle ; le temps de la Passion est spécialement consacré au souvenir des souffrances du Christ.

   Ce souvenir est exprimé de manières différentes dans la liturgie :

a) Dans l’église, les croix et les statues sont voilées. Par cet usage séculaire, l’Eglise veut manifester son deuil. Les croix ornées de pierres précieuses et de métal précieux doivent voiler leur éclat (autrefois les croix ne portaient pas l’image du crucifié) ; les images et les statues doivent disparaître pour ne pas nous distraire de la pensée de la Passion du Christ.

b) Les derniers chants joyeux cessent de se faire entendre : le « Gloria Patri » disparaît à l’Introït, au Lavabo et dans les répons de l’Office divin.

c) De même, le psaume 42 des prières au bas de l’autel n’est plus récité jusqu’à Pâques. On voit dans cette omission une expression de deuil, comme pour la messe des morts (le véritable motif, c’est que ce psaume est chanté à l’Introït et que la liturgie évite ces répétitions).

   Cependant, plus encore que par ces signes extérieurs, la liturgie exprime son deuil par son contenu même, en parlant de la Passion du Seigneur : dans les leçons des nocturnes (aux matines), nous prenons congé des livres de Moïse pour entendre la voix du Prophète Jérémie, l’une des plus importantes parmi les figures du Messie souffrant. Le thème de la Passion, qui déjà, dans les dernières semaines, était de plus en plus accentué, domine désormais seul.

   Cette transformation se remarque surtout dans les chants psalmodiques de la messe et les répons du bréviaire. On n’entend plus parler autant la communauté des pénitents et des catéchumènes ; le Christ souffrant prend lui-même la parole.

   Ce qui mérite une attention particulière, c’est l’ordinaire du temps de la Passion, c’est-à-dire les prières communes des Heures (les offices du Bréviaire), comme les hymnes, les capitules, les répons, les antiennes ; c’est dans ces morceaux que l’Eglise exprime de la manière la plus précise ses pensées sur le temps de la Passion. Elle y a rassemblé les plus beaux textes scripturaires sur la Passion du Seigneur.

   Voici les pensées principales de la semaine qui va commencer.

1) La liturgie s’entend magistralement à mêler le thème de la Passion avec celui du Baptême. On le voit surtout dans les trois messes anciennes :
Lundi : C’est encore le contraste, si goûté, entre les Ninivites (les catéchumènes) qui font pénitence et les Juifs qui veulent tuer le Christ. « Que celui qui a soif vienne à moi et boive ! »
Mercredi : C’est le jour d’examen, pour les catéchumènes, sur les commandements qu’ils ont reçus quinze jours auparavant. Les loups entourent l’Agneau de Dieu, qui, par sa mort, va donner « la vie éternelle » aux brebis. -
Vendredi : Jérémie, la figure du Christ, se lamente sur les Juifs qui ont « perfidement abandonné le Seigneur, la source d’eau vive ». « Jésus meurt pour le peuple et les enfants de Dieu dispersés, qu’il rassemble et réunit ».
Mardi : C’est encore le thème des mardis précédents : la leçon nous donne une image de l’activité de la charité. Le thème de la Passion parcourt toute la messe. -
Jeudi : C’est la dernière messe de pénitence, avec les images de la captivité de Babylone et de la Pécheresse.
Le Samedi est une vigile du dimanche des Rameaux.

2) Aujourd’hui, l’Église commence à rappeler, d’une manière plus accentuée, à ses enfants, la mort rédemptrice du Christ.
D’une manière plus accentuée. En effet, à proprement parler, le souvenir de la mort du Christ est l’objet principal du culte chrétien. Saint Paul ne dit-il pas : « Toutes les fois que vous mangerez de ce pain et boirez de ce calice, vous annoncerez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne » ? Le saint sacrifice de la messe est donc l’annonce de la mort du Christ. Toutes les fois que nous venons à la messe, nous annonçons notre foi : Le Christ est mort pour nous et le sang de son sacrifice coule encore aujourd’hui pour nos âmes, et la chair de son sacrifice est notre nourriture pour notre vie éternelle.

   D’une manière plus accentuée. En effet, pendant le Carême, le thème de la Passion s’est maintes fois fait entendre. Sans doute la liturgie diffère ici entièrement de notre piété courante. Il s’agit du combat du Christ contre l’enfer. Il lutte contre le diable pour conquérir les âmes que son Père lui a données. C’est là une des pensées principales que nous rencontrons à travers toute la sainte quarantaine.

   Examinons les trois dimanches principaux qui sont comme les piliers du Carême :
- Ier Dimanche : Le Christ et le diable, le Christ est sur la défensive ;
- IIIème Dimanche : le fort et le plus fort ; le Christ passe à l’offensive ;
- Dimanche des Rameaux : Le Christ vainqueur et Roi dans sa Passion. Songeons aussi qu’il ne s’agit pas seulement d’une bataille livrée il y a 1900 ans, cette bataille se continue dans tous les temps. Le Christ qui lutte, combat et triomphe est le Christ mystique dans son corps, l’Eglise, et dans ses membres, les chrétiens.

   Le temps de Carême est donc un « noble tournoi » dans lequel nous ne sommes pas de pieux spectateurs, mais des chevaliers qui entrent dans la lice. Dans ce sens, le Carême est donc aussi le temps où nous nous souvenons de la mort du Christ.

Diptyque ivoire de la Passion - blogue

Diptyque d’ivoire de la première moitié du XVème siècle (France ou Pays-Bas) :
[Musée métropolitain d'art de New-York]

   Aujourd’hui, nous entrons dans le temps de la Passion, nous penserons davantage aux souffrances du Christ. C’est le temps dont Jésus a dit : « Quand l’Epoux leur sera enlevé, alors ils jeûneront «  (Matth. IX, 15). Que doit donc être ce souvenir de la Passion ?

   Il importe de nous rappeler la profonde différence entre les sentiments des anciens chrétiens et ceux des chrétiens d’aujourd’hui. Comment la piété populaire pense-t-elle à la Passion du Christ ? Elle s’en tient aux souffrances historiques du Seigneur, elle essaie de se représenter d’une manière imagée les scènes particulières des « amères souffrances », elle analyse les sentiments et les pensées du Sauveur souffrant, elle a compassion et elle pleure. Elle se demande quelles vertus le Seigneur a exercées à chaque phase de sa Passion. Comment l’imiter ? Que devons-nous apprendre de lui ? C’est pour elle la question la plus importante. Elle fait enfin de la Passion le principal motif du changement de vie : « Il est mort pour moi sur la Croix et moi, je l’ai si gravement offensé ! »

   Telles sont les pensées de la piété populaire au sujet du Seigneur souffrant. 
Quelles étaient les pensées de l’antique piété chrétienne que la liturgie nous a conservée ?
Elle prenait de tout autres chemins. Sans doute, elle place, au centre, la Passion historique du Christ, mais elle ne s’y arrête pas ; elle s’attache davantage à l’idée et au but de la Passion et ne place le revêtement historique qu’au second plan. Le Christ nous a rachetés par ses souffrances, il a fait de nous des enfants de Dieu. C’est là le fait le plus heureux du christianisme.
C’est pourquoi la piété liturgique verse moins de larmes amères ; elle peut même se réjouir. Au moment qui est apparemment le plus triste de l’année, le Vendredi-Saint, quand on adore la Croix, elle va jusqu’à chanter une hymne de jubilation : « Voici que par le bois est venue la joie dans le monde entier ».
C’est pourquoi la liturgie ne parle pas volontiers des souffrances amères, mais de la Beata Passio, de la Passion heureuse ou qui rend heureux…
Elle voit moins le côté humain que le but de la Passion, notre salut. C’est pourquoi l’art chrétien antique ne s’est guère occupé de l’aspect douloureux, mais a exprimé surtout les pensées de la Rédemption.
Depuis le Moyen-Age, on représente de préférence Jésus attaché à la colonne de la flagellation ou bien cloué sur la Croix, le corps tordu par les angoisses de la mort. Il n’en était pas de même dans l’Eglise ancienne : on élevait la Croix comme un signe de victoire et de Rédemption. C’était la crux gemmata, la croix de métal précieux, ornée de pierreries.
Cette Croix ne portait pas de crucifix. Ces deux croix sont justement devenues les symboles des deux conceptions de la Passion et des deux types de piété.

   Quand nous entrons aujourd’hui dans l’Eglise, nous voyons la Croix voilée. Nous cherchons en vain quel peut être le motif de cette manière de faire. Pourquoi, au moment même où l’on pense davantage à la mort du Christ, doit-on voiler l’image de la Croix ?
On comprendrait mieux le procédé contraire : la Croix voilée pendant le reste de l’année et découverte au temps de la Passion. Or ce que nous faisons maintenant sans le comprendre est un écho de l’antique piété. Quand la Croix était encore sans crucifix et brillait d’or et de pierres précieuses, il convenait d’en voiler l’éclat à l’époque où l’Epoux est enlevé. L’Eglise revêt ses voiles de veuve. Et c’est là un souvenir plus délicat de la Passion que l’image d’un corps torturé et suspendu à la Croix.
En tout cas, la première conception correspond mieux à la noble attitude des anciens.

   On le voit donc, la piété objective porte, elle aussi, le deuil de la Passion, mais d’une autre manière. Creusons encore la différence entre la piété populaire et la piété liturgique.
La première est doctrinale et sentimentale ; la seconde vise à l’action. Elle se demande moins quelles vertus et quelles doctrines doit nous enseigner la méditation de la flagellation, mais elle nous fait sentir que nous sommes les membres du corps du Christ et, dans nos épreuves terrestres, nous fait voir une participation à sa Passion.
Que dit saint Paul, le docteur de la piété objective ? « De même que les souffrances du Christ abondent en nous, de même aussi, par le Christ, abonde notre consolation » (2 Cor. I, 5). Il va même jusqu’à voir dans ses propres souffrances un complément de la Passion du Christ (Col. I, 24). C’est là une magnifique conception de la Passion. Toute la vie des chrétiens est unie au Christ ; nos souffrances et nos joies sont les souffrances et les joies du Christ.
Aujourd’hui, au moment où j’écris ces lignes, nous célébrons la fête des saintes Perpétue et Félicité et je lis dans leurs Actes : « Dans la prison, Félicité était sur le point de mettre au monde un enfant. Comme elle souffrait les douleurs de l’enfantement, un soldat lui dit en raillant : « Si tu souffres tant maintenant, que feras-tu donc quand tu seras jetée devant les bêtes sauvages ? » – « Maintenant », répondit-elle, « c’est moi qui souffre, mais alors un autre sera en moi qui souffrira pour moi, parce que, moi aussi, je dois, souffrir pour lui ».

   Saint Paul pousse ce cri de joie : « Avec le Christ je suis attaché à la Croix : aussi ce n’est plus moi qui vis, mais c’est le Christ qui vit en moi. Tant que je vis encore dans la chair, je vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi ».
La piété objective n’est donc pas dépourvue de sentiments, elle connaît même une puissante mystique de la Passion, parce qu’elle se sait en union avec le Christ.

   Et maintenant que devons-nous faire ? Faut-il abandonner nos méditations sur la Passion auxquelles nous sommes habitués depuis notre jeunesse, pour nous tourner vers la piété objective ? Cela n’est pas nécessaire. Approfondissons plutôt nos exercices précédents, en nous inspirant des conceptions de la Passion qu’avait la primitive Eglise. « Eprouvez tout et gardez ce qui est bon », dit l’Apôtre (1 Thess. V, 27).
Dans l’Eglise, les deux conceptions sont en usage et, par conséquent, recommandables. Mon intention était de marquer les différences, non pas pour critiquer une conception, mais pour mieux faire comprendre le point de vue liturgique.

   Lorsque, vendredi prochain, nous célébrerons la fête des Sept Douleurs de la Sainte Vierge et chanterons le beau Stabat Mater, nous nous rendrons compte immédiatement que nous sommes en face de pensées de la piété subjective. Mais quand, aujourd’hui, à la messe, nous voyons, à l’Epître, le divin Grand Prêtre, revêtu de ses ornements, entrer dans le Saint des saints du ciel avec son propre sang et accomplir la Rédemption éternelle, nous savons que la liturgie nous présente une méditation objective de la Passion.
L’Eglise est semblable au père de famille de l’Evangile qui tire de son trésor « de l’ancien et du nouveau ». Encore une fois, « examinez tout et gardez le bon ».

Dom Pius Parsch (1884-1954)
in « Le guide dans l’année liturgique »

Diptyque ivoire 1ère moitié du XVe siècle - Musée métropolitain de New-York - mise au tombeau - blogue

Diptyque d’ivoire de la première moitié du XVème siècle (France ou Pays-Bas) :
Mise au tombeau

[Musée métropolitain d'art de New-York]

2025-75. De Sainte Catherine Thomas, chanoinesse régulière de Saint Augustin à Palma de Majorque.

1er avril,
Fête de Sainte Catherine Thomas, vierge, chanoinesse de Saint Augustin ;
Fête du Bienheureux Charles 1er de Habsbourg-Lorraine, empereur et roi, confesseur ;
Au diocèse de Viviers, fête de Saint Hugues de Châteauneuf, évêque de Grenoble et confesseur ;
En Carême ou dans la semaine de la Passion, mémoire de la férie.

Martyrologe propre de l’Ordre des Ermites de Saint Augustin :

   « A Palma, dans l’île de Majorque des Baléares, la Bienheureuse Catherine Thomas, vierge, de l’Ordre des Chanoinesses Régulières de notre Père Saint Augustin, qui, comblée de mérites, s’envola vers son céleste Epoux ».

Sainte Catherine Thomas - retable dans l'église ND du Secours à Palma de Majorque

Sainte Catherine Thomas :
retable dans l’église Notre-Dame du Secours, du couvent des Augustins,
à Palma de Majorque 

       Catherine Thomas (Catalina Tomas i Gallard) est née le 1er mai 1531 dans la paroisse de Valldemossa, un village de l’île de Majorque.
Sixième des sept enfants d’une famille paysanne dont les deux parents décédèrent alors qu’elle n’était encore qu’une enfant, elle fut recueillie et éduquée par ses grands-parents qui assurèrent sa première formation. Puis, à l’âge de dix ans, elle partit chez un oncle paternel, propriétaires d’un domaine où elle aidait les ouvriers agricoles et gardait le troupeau.
Sa profonde spiritualité fit croître en son âme le désir de la vie religieuse, mais ce n’était pas conforme aux projets que sa famille nourrissait pour son avenir : pendant plusieurs années, elle subit, à cause de cela, des vexations et des tribulations. Elle était soutenue par les encouragements de Saint Bruno de Cologne, de Sainte Catherine d’Alexandrie – sa sainte patronne – et de Saint Antoine le Grand qui lui apparaissaient et la réconfortaient.

   Finalement, en 1550, elle put accomplir une première étape : quitter sa famille et travailler comme domestique dans une famille aisée de Palma, chez laquelle elle put apprendre à lire et écrire avec aisance, ainsi que se perfectionner dans les voies spirituelles grâce à de bons livres spirituels.
Le 13 novembre 1552, âgée de 21 ans et demi donc, elle fut admise au couvent Sainte Marie-Madeleine de Palma, où vivait une communauté de chanoinesses régulières de Saint Augustin.

Procession avec la statue de Sainte Catherine Thomas

Procession populaire avec la statue de Sainte Catherine Thomas :
son culte est toujours très vivant à Majorque, dont elle est l’un des saints protecteurs.

   Durant toute sa vie religieuse, Mère Catherine va de plus en plus être sous l’emprise directe du divin, avec des expériences mystiques extraordinaires : apparitions d’anges, et de saints (toujours sa sainte patronne, Sainte Catherine d’Alexandrie, mais aussi Saint Antoine de Padoue et de nombreux autres), mais aussi des manifestations diaboliques, qui, à plusieurs reprises, lui occasionnèrent des blessures et des plaies physiques, guéries par l’intercession des Saints Côme et Damien.
Les extases de Mère Catherine peuvent durer plusieurs jours.

   Elle est également gratifiée du don de prophétie et supérieurement animée par le don de Conseil, si bien que de nombreuses personnes – grands personnages et pauvres – viennent au parloir pour solliciter ses avis et se faire aider de ses lumières, qu’elle communique avec humilité.
La ville de Palma tout entière finit par la considérer comme une grande sainte.

   Mère Catherine Thomas a passé les dernières années de sa vie, dans des extases quasi continues.
Elle reçoit, au cours de l’une d’elle, la prédiction de la date de sa mort, qui arriva, conformément à ce qu’elle avait annoncé, le lundi saint 5 avril 1574, dans la vingt-deuxième année de sa vie religieuse. 

Gravure de Sainte Catherine Thomas éditée après sa béatification

Gravure de Sainte Catherine Thomas éditée après sa béatification.

   Dès 1577, elle était honorée d’un culte public à Palma de Majorque, et cela dura une cinquantaine d’années, jusqu’à ce que le célèbre décret d’Urbain VIII vînt y mettre fin, au grand mécontentement des Majorquins.
Le clergé reprit alors les choses dans l’ordre voulut par le Saint-Siège, et sa béatification fut célébrée le 12 août 1792 par le pape Pie VI, qui fixa la date de sa fête au 1er avril.
Le 22 juin 1930, le pape Pie XI la canonisa.

   Les écrits de Sainte Catherine Thomas sont peu connus (et d’ailleurs assez difficiles à trouver en langue française) – malheureusement ! – : cette contemporaine du Père Louis de Léon, augustin, de Sainte Thérèse d’Avila, de Saint Jean de la Croix, de Saint Pierre d’Alcantara, est une mystique de la même trempe dont les lettres et les enseignements spirituels sont des plus profitables à ceux qui peuvent s’en nourrir.

   Son corps, intact, est présenté à la vénération des fidèles dans une châsse exposée dans l’église du couvent où elle a vécu, à Palma de Majorque.

Châsse de Sainte Catherine Thomas

Châsse dans laquelle est exposée le corps intact de Sainte Catherine Thomas
dans l’église Sainte Marie-Madeleine à Palma de Majorque.

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