Archive pour la catégorie 'Lectures & relectures'

2022-124. Présentation de la vie et de la doctrine spirituelle de Saint Jean de la Croix.

24 novembre,
Fête de Saint Jean de la Croix, confesseur et docteur de l’Eglise (cf. > ici, > ici et > ici) ;
Anniversaire de la publication de l’Edit de Thessalonique (cf. > ici).

       Dans la suite de la présentation des Docteurs de l’Eglise, Benoît XVI a bien évidemment présenté Saint Jean de la Croix (1542-1591) qui occupe une place privilégiée parmi les grands maîtres spirituels, et dont les enseignements sont des repères sûrs dans la conduite des âmes et leur progression vers les sommets de la vie intérieure.

Domenico Piola 1674-75 - le Christ apparaissant à Saint Jean de la Croix - Savone

Domenico Piola (1624-1703) : le Christ apparaissant à Saint Jean de la Croix (1674-75)
[musée d'art du Palais Gavotti, à Savone]

Blason du Carmel

Catéchèse de Sa Sainteté le Pape Benoît XVI
à l’occasion de l’audience générale
du mercredi 16 février 2011

Saint Jean de la Croix

Chers frères et sœurs,

       Il y a deux semaines, j’ai présenté la figure de la grande mystique espagnole Thérèse de Jésus. Je voudrais aujourd’hui parler d’un autre saint important de ces territoires, ami spirituel de sainte Thérèse, réformateur, avec elle, de la famille religieuse carmélitaine : saint Jean de la Croix, proclamé Docteur de l’Eglise par le Pape Pie XI, en 1926, et surnommé dans la tradition Doctor mysticus, le «Docteur mystique».

   Jean de la Croix naquit en 1542 dans le petit village de Fontiveros, proche d’Avila, en Vieille Castille, de Gonzalo de Yepes et Catalina Alvarez. Sa famille était très pauvre, car son père, issu d’une famille noble de Tolède, avait été chassé de chez lui et déshérité pour avoir épousé Catalina, une humble tisseuse de soie. Orphelin de père dans son jeune âge, Jean, à neuf ans, partit avec sa mère et son frère Francisco pour Medina del Campo, non loin de Valladolid, un pôle commercial et culturel. Il y fréquenta le Colegio de los Doctrinos, en assurant également d’humbles travaux pour les sœurs de l’église-couvent de la Madeleine. Par la suite, vues ses qualités humaines et ses résultats dans les études, il fut admis d’abord comme infirmier dans l’Hôpital de la Conception, puis au Collège des jésuites, qui venait d’être fondé à Medina del Campo : Jean y entra à dix-huit ans et étudia pendant trois ans les sciences humaines, la rhétorique et les langues classiques. A la fin de sa formation, sa vocation lui était très claire : la vie religieuse et, parmi tous les ordres présents à Medina, il se sentit appelé au Carmel.

   Au cours de l’été 1563, il débuta le noviciat chez les carmes de la ville, en prenant le nom religieux de Mattia (Mathias). L’année suivante, il fut destiné à la prestigieuse université de Salamanque, où il étudia pendant un triennat les arts et la philosophie. En 1567, il fut ordonné prêtre et retourna à Medina del Campo pour célébrer sa première Messe entouré de l’affection de sa famille. C’est là qu’eut lieu la première rencontre entre Jean et Thérèse de Jésus. La rencontre fut décisive pour tous les deux : Thérèse lui exposa son programme de réforme du Carmel, l’appliquant également à la branche masculine de l’Ordre, et proposa à Jean d’y adhérer «pour la plus grande gloire de Dieu» ; le jeune prêtre fut fasciné par les idées de Thérèse, au point de devenir un grand défenseur du projet. Ils travaillèrent ensemble quelques mois, partageant les idéaux et les propositions pour inaugurer le plus rapidement possible la première maison des carmes déchaux : l’ouverture eut lieu le 28 décembre 1568 à Duruelo, un lieu isolé de la province d’Avila. Avec Jean, trois autres compagnons formaient cette première communauté masculine réformée. En renouvelant leur profession de foi selon la Règle primitive, tous les quatre adoptèrent un nouveau nom : Jean s’appela dès lors «de la Croix», nom sous lequel il sera universellement connu. A la fin de 1572, à la demande de sainte Thérèse, il devint confesseur et vicaire du monastère de l’Incarnation d’Avila, où la sainte était prieure. Ce furent des années d’étroite collaboration et d’amitié spirituelle, qui les enrichit tous deux. C’est à cette période que remontent aussi les plus importantes œuvres de Thérèse et les premiers écrits de Jean.

   L’adhésion à la réforme du Carmel ne fut pas facile et coûta également de graves souffrances à Jean. L’épisode le plus traumatisant fut, en 1577, son enlèvement et son incarcération dans le couvent des carmes de l’antique observance de Tolède, à la suite d’une accusation injuste. Le saint fut emprisonné pendant des mois, soumis à des privations et des contraintes physiques et morales. En ce lieu, il composa, avec d’autres poésies, le célèbre Cantique spirituel. Finalement, dans la nuit du 16 au 17 août 1578, il réussit à fuir de façon aventureuse, se réfugiant dans le monastère des carmélites déchaussées de la ville. Sainte Thérèse et ses compagnons réformés célébrèrent avec une immense joie sa libération et, après une brève période pour retrouver ses forces, Jean fut destiné à l’Andalousie, où il passa dix ans dans divers couvents, en particulier à Grenade. Il assuma des charges toujours plus importantes dans l’Ordre, jusqu’à devenir vicaire provincial, et il compléta la rédaction de ses traités spirituels. Il revint ensuite dans sa terre natale, comme membre du gouvernement général de la famille religieuse thérésienne, qui jouissait désormais d’une pleine autonomie juridique. Il habita au carmel de Ségovie, exerçant la charge de supérieur de cette communauté. En 1591, il fut relevé de toute responsabilité et destiné à la nouvelle province religieuse du Mexique. Alors qu’il se préparait pour ce long voyage avec dix autres compagnons, il se retira dans un couvent solitaire près de Jaén, où il tomba gravement malade. Jean affronta avec une sérénité et une patience exemplaires d’immenses souffrances. Il mourut dans la nuit du 13 au 14 décembre 1591, alors que ses confrères récitaient l’office de mâtines. Il les quitta en disant : «Aujourd’hui je vais chanter l’Office au ciel». Sa dépouille mortelle fut transférée à Ségovie. Il fut béatifié par Clément X en 1675 et canonisé par Benoît XIII en 1726.

   Jean est considéré comme l’un des plus importants poètes lyriques de la littérature espagnole. Ses plus grandes œuvres sont au nombre de quatre : «La montée du Mont Carmel», «La nuit obscure», «Les cantiques spirituels» et «La vive flamme d’amour».

   Dans les Cantiques spirituels, saint Jean présente le chemin de purification de l’âme, c’est-à-dire la possession progressive et joyeuse de Dieu, jusqu’à ce que l’âme parvienne à sentir qu’elle aime Dieu avec le même amour dont Il l’aime. La vive flamme d’amour poursuit dans cette perspective, en décrivant plus en détail l’état de l’union transformante avec Dieu. Le parallèle utilisé par Jean est toujours celui du feu : de même que le feu, plus il brûle et consume le bois, plus il devient incandescent jusqu’à devenir flamme, ainsi l’Esprit Saint, qui au cours de la nuit obscure purifie et «nettoie» l’âme, avec le temps l’illumine et la réchauffe comme si elle était une flamme. La vie de l’âme est une incessante fête de l’Esprit Saint, qui laisse entrevoir la gloire de l’union avec Dieu dans l’éternité.

   La montée du Mont Carmel présente l’itinéraire spirituel du point de vue de la purification progressive de l’âme, nécessaire pour gravir le sommet de la perfection chrétienne, symbolisée par le sommet du Mont Carmel. Cette purification est proposée comme un chemin que l’homme entreprend, en collaborant avec l’action divine, pour libérer l’âme de tout attachement ou lien d’affection contraire à la volonté de Dieu. La purification, qui pour parvenir à l’union d’amour avec Dieu doit être totale, commence par celle de la vie des sens et se poursuit par celle que l’on obtient au moyen des trois vertus théologales : foi, espérance et charité, qui purifient l’intention, la mémoire et la volonté. La nuit obscure décrit l’aspect «passif», c’est-à-dire l’intervention de Dieu dans ce processus de «purification» de l’âme. L’effort humain, en effet, est incapable tout seul d’arriver jusqu’aux racines profondes des inclinations et des mauvaises habitudes de la personne : il peut seulement les freiner, mais non les déraciner complètement. Pour cela, l’action spéciale de Dieu est nécessaire, qui purifie radicalement l’esprit et le dispose à l’union d’amour avec Lui. Saint Jean qualifie de «passive» cette purification, précisément parce que, bien qu’acceptée par l’âme, elle est réalisée par l’action mystérieuse de l’Esprit Saint qui, comme la flamme du feu, consume toute impureté. Dans cet état, l’âme est soumise à tous types d’épreuves, comme si elle se trouvait dans une nuit obscure.

   Ces indications sur les œuvres principales du saint nous aident à nous familiariser avec les points principaux de sa vaste et profonde doctrine mystique, dont l’objectif est de décrire un chemin sûr pour parvenir à la sainteté, l’état de perfection auquel Dieu nous appelle tous.
Selon Jean de la Croix, tout ce qui existe, créé par Dieu, est bon. A travers les créatures, nous pouvons parvenir à la découverte de Celui qui a laissé en elles une trace de Lui. La foi, quoi qu’il en soit, est l’unique source donnée à l’homme pour connaître Dieu tel qu’Il est en Soi, comme Dieu Un et Trine. Tout ce que Dieu voulait communiquer à l’homme, Il l’a dit en Jésus Christ, Sa Parole faite chair. Jésus Christ est le chemin unique et définitif vers le Père (cf. Jean XIV, 6). Toute chose créée n’est rien par rapport à Dieu et ne vaut rien en dehors de Lui : par conséquent, pour atteindre l’amour parfait de Dieu, tout autre amour doit se conformer dans le Christ à l’amour divin. C’est de là que découle l’insistance de saint Jean de la Croix sur la nécessité de la purification et de la libération intérieure pour se transformer en Dieu, qui est l’objectif unique de la perfection. Cette «purification» ne consiste pas dans la simple absence physique des choses ou de leur utilisation ; ce qui rend l’âme pure et libre, en revanche, est d’éliminer toute dépendance désordonnée aux choses. Tout doit être placé en Dieu comme centre et fin de la vie. Le processus long et fatigant de purification exige certainement un effort personnel, mais le véritable protagoniste est Dieu : tout ce que l’homme peut faire est d’«être disposé», être ouvert à l’action divine et ne pas Lui opposer d’obstacle. En vivant les vertus théologales, l’homme s’élève et donne une valeur à son engagement. Le rythme de croissance de la foi, de l’espérance et de la charité va de pair avec l’œuvre de purification et avec l’union progressive avec Dieu jusqu’à se transformer en Lui. Lorsque l’on parvient à cet objectif, l’âme est plongée dans la vie trinitaire elle-même, de sorte que saint Jean affirme qu’elle parvient à aimer Dieu avec le même amour que celui avec lequel Il l’aime, car Il l’aime dans l’Esprit Saint. Voilà pourquoi le Docteur mystique soutient qu’il n’existe pas de véritable union d’amour avec Dieu si elle ne culmine pas dans l’union trinitaire. Dans cet état suprême, l’âme sainte connaît tout en Dieu et ne doit plus passer à travers les créatures pour arriver à Lui. L’âme se sent désormais inondée par l’amour divin et se réjouit entièrement en lui.

   Chers frères et sœurs, à la fin demeure la question : ce saint, avec sa mystique élevée, avec ce chemin difficile vers le sommet de la perfection, a-t-il quelque chose à nous dire à nous également, au chrétien normal qui vit dans les circonstances de cette vie actuelle, ou est-il un exemple, un modèle uniquement pour quelques âmes élues, qui peuvent réellement entreprendre ce chemin de la purification, de l’ascèse mystique ?
Pour trouver la réponse, nous devons avant tout tenir compte du fait que la vie de saint Jean de la Croix n’a pas été un «envol sur les nuages mystiques», mais a été une vie très dure, très pratique et concrète, tant comme réformateur de l’ordre, où il rencontra de nombreuses oppositions, que comme supérieur provincial, ou dans les prisons de ses confrères, où il était exposé à des insultes incroyables et à de mauvais traitements physiques. Cela a été une vie dure, mais précisément au cours des mois passés en prison, il a écrit l’une de ses œuvres les plus belles. Et ainsi, nous pouvons comprendre que le chemin avec le Christ, aller avec le Christ, «le Chemin», n’est pas un poids ajouté au fardeau déjà assez difficile de notre vie, ce n’est pas quelque chose qui rendrait encore plus lourd ce fardeau, mais il s’agit d’une chose totalement différente, c’est une lumière, une force, qui nous aide à porter ce fardeau. Si un homme porte en lui un grand amour, cet amour lui donne presque des ailes, et il supporte plus facilement toutes les épreuves de la vie, car il porte en lui cette grande lumière ; telle est la foi : être aimé par Dieu et se laisser aimer par Dieu en Jésus Christ. Se laisser aimer est la lumière qui nous aide à porter le fardeau de chaque jour. Et la sainteté n’est pas notre œuvre, très difficile, mais elle est précisément cette «ouverture» : ouvrir les fenêtres de notre âme pour que la lumière de Dieu puisse entrer, ne pas oublier Dieu car c’est précisément dans l’ouverture à Sa lumière que se trouve la force, la joie des rachetés.

   Prions le Seigneur afin qu’Il nous aide à trouver cette sainteté, à nous laisser aimer par Dieu, qui est notre vocation à tous et la véritable rédemption. Merci.

Christ en croix dessiné par Saint Jean de la Croix

Dessin de Saint Jean de la Croix

2022-123. Le résumé de la vie et du martyre de Sainte Cécile tel qu’il se trouve dans les leçons du second nocturne des matines de sa fête.

22 novembre,
Fête de Sainte Cécile, vierge et martyre ;
Mémoire de Saint Calmin, confesseur.

   Quand on procède à une recherche sur Sainte Cécile, on se trouve très fréquemment aux prises avec des textes qui mettent en doute, de manière plus ou moins franche et plus ou moins complète, la tradition pluriséculaire concernant sa vie et son martyre.
Au moment de la réforme liturgique qui a suivi le concile vaticandeux, ses promoteurs voulaient carrément supprimer la fête de Sainte Cécile, au prétexte que sa vie serait « légendaire » : elle n’a été finalement maintenue qu’en raison de la popularité de son culte et des véhémentes protestations que firent alors entendre musiciens et choristes. On remarque toutefois que l’oraison du missel et du bréviaire réformés n’attribue plus à Sainte Cécile les qualificatifs de vierge et de martyre !!!
Voici pourquoi, nous voulons porter à la connaissance de nos lecteurs la traduction des « leçons », c’est-à-dire des lectures, du second nocturne des matines de la fête de Sainte Cécile dans le bréviaire traditionnel. Ces leçons donnent en effet le « résumé officiel » de ce que l’Eglise, dans sa Tradition immémoriale – non retouchée par les modernistes -, sait et transmet au sujet de la jeune et glorieuse vierge martyre, céleste protectrice des musiciens et chanteurs, ainsi que de la musique sacrée.

La gloire de Sainte Cécile - Sebastiano Conca

Sebastiano Conca (1680-1764) : la gloire de Sainte Cécile
(peinture à la voûte de la nef de la basilique de Sainte-Cécile au Transtévère, à Rome)

Quatrième leçon : 

   La vierge Cécile, née à Rome de parents illustres, et élevée dès son enfance dans les principes de la foi chrétienne, consacra à Dieu sa virginité. Mais dans la suite, ayant été contrainte d’épouser Valérien, elle lui tint ce discours, le soir de ses noces : « Valérien, je suis placée sous la garde d’un Ange qui protège ma virginité : c’est pourquoi ne teniez rien à mon égard, de peur d’attirer sur vous la colère de Dieu ». Vivement ému de ces paroles, Valérien n’osa point s’approcher d’elle, il ajouta même qu’il croirait en Jésus-Christ, s’il voyait cet Ange. Cécile lui ayant répondu que cela n’était pas possible à moins qu’il n’eût reçu le baptême, il déclara, dans son ardent désir de voir l’Ange, qu’il voulait être baptisé. C’est pourquoi, d’après le conseil de la jeune vierge, il se rendit auprès du Pape Urbain qui, à cause de la persécution, se tenait caché parmi les tombeaux des Martyrs, sur la voie Appia, et il reçut le baptême de ses mains.

Le Dominiquin - Sainte Cécile devant le juge - St Louis des Français

Domenico Zampieri, dit Le Dominiquin (1581-1641) : Sainte Cécile devant le juge Almachius
(fresque de la chapelle Polet, en l’église Saint-Louis des Français, à Rome)

Cinquième leçon : 

   De retour auprès de Cécile, Valérien la trouva en prière, ayant à ses côtés un Ange resplendissant d’une clarté toute divine. Cette vue le frappa d’étonnement ; mais dès qu’il fut revenu de sa frayeur, il manda auprès de lui son frère Tiburce qui, ayant été instruit par Cécile dans la foi de Jésus-Christ et baptisé par le même Pape Urbain, mérita aussi de voir cet Ange que son frère avait vu. Peu de temps après, tous les deux souffrirent courageusement le martyre, sous le préfet Almachius. Celui-ci n’ayant pas tardé à donner l’ordre de s’emparer de Cécile, lui demanda tout d’abord où se trouvaient les richesses de Tiburce et de Valérien.

Le Dominiquin - la mort de Sainte Cécile - St Louis des Français

Domenico Zampieri, dit Le Dominiquin (1581-1641) : la mort de Sainte Cécile
(fresque de la chapelle Polet, en l’église Saint-Louis des Français, à Rome)

Sixième leçon : 

   La vierge lui ayant répondu que toutes ses richesses avaient été distribuées aux pauvres, le préfet entra dans une si grande fureur, qu’il ordonna de la ramener chez elle, pour être brûlée dans la salle des bains. Elle y passa un jour et une nuit, sans ressentir aucunement les atteintes de la flamme. On envoya donc le bourreau qui, l’ayant frappée de trois coups de hache, et n’ayant pu lui trancher la tête, la laissa à moitié morte. Trois jours après, le dixième jour des calendes de décembre, sous l’empire d’Alexandre, son âme s’envola dans le ciel, parée de la double couronne du martyre et de la virginité. Le Pape Urbain inhuma lui-même son corps dans le cimetière de Calixte. On a fait de sa demeure une église consacrée sous son vocable. Son corps et ceux des Papes Urbain et Lucius, de Tiburce, de Valérien et de Maxime ont été transférés dans la Ville, par le souverain Pontife Pascal Ier, et déposés dans cette même église de sainte Cécile.

Oraison de la fête de Sainte Cécile :

     O Dieu, qui nous réjouissez par la solennité annuelle de la Bienheureuse Cécile, Votre Vierge et Martyre, daignez nous faire la grâce d’imiter par une vie sainte, les exemples de celle à qui nous rendons aujourd’hui nos hommages. Par Jésus-Christ…

Tombe de Sainte Cécile - confession de la basilique de Sainte-Cécile au Transtévère

Tombeau de Sainte Cécile
surmonté du chef-d’œuvre de Stefano Maderno reproduisant de manière exacte
le corps incorrompu de la sainte tel qu’il a pu le voir en 1599

(basilique de Sainte-Cécile au Transtévère, à Rome, édifiée à l’emplacement de la demeure de Sainte Cécile)

palmes

2022-121. « Aucune souffrance ne put faire fléchir le courage de ceux dans le cœur desquels l’amour de Dieu régnait en souverain. »

18 novembre,
Fête de la dédicace des basiliques de Saint Pierre et de Saint Paul ;
Mémoire de la Bienheureuse Marie du Refuge et de ses compagnes, vierges et martyres (cf. > ici).

       Depuis les débuts de l’Eglise, le martyre a été compris et célébré comme l’une des plus grandes preuves d’amour que l’homme puisse donner à Dieu : tous les Apôtres l’ont subi (car même si Saint Jean n’en est pas mort, il l’a néanmoins subi), et dans toute la suite des siècles jusqu’à nos jours d’innombrables cohortes de martyrs jalonnent l’histoire de la Sainte Eglise, lui apportant de nouveaux titres de gloire et une fécondité spirituelle renouvelée.
A la suite des Saints Pierre et Paul, qui ont répandu leur sang à Rome et dont les tombeaux, sur lesquels s’élèvent aujourd’hui de splendides basiliques, sont vénérés depuis les jours qui ont suivi leur ensevelissement, comme des « trophées », les Visitandines de Madrid dont nous célébrons aussi aujourd’hui la commémoraison, ont versé leur sang par amour.
Nous proposons donc à votre méditation ce court sermon de notre Bienheureux Père Saint Augustin qui exalte la grandeur du martyre.

Agneau mystique van Eyck - détail 1

Les divers chœurs des saints célébrant le culte de l’Agneau dans le paradis
(détail du retable de l’Agneau mystique de Jan Van Eyck – cathédrale Saint-Bavon, Gand)

nika

« Aucune souffrance ne put faire fléchir le courage de ceux dans le cœur desquels l’amour de Dieu régnait en souverain. »

Sermon de notre Bienheureux Père Saint Augustin
pour la fête des martyrs

§ 1. Les chrétiens célèbrent la gloire des martyrs dont la mort, comme celle de Jésus-Christ, est précieuse parce qu’elle est union à la croix :

   Nous chanterons avec amour le suave refrain du psaume spirituel ; nous célébrerons en chœur la mort des saints ; nous emprunterons au Prophète, au chantre du Saint-Esprit, ses accents inspirés, et y joignant notre voix, nous dirons : « La mort des saints est précieuse devant Dieu » (Ps. CXV, 15). Que le démon par lui-même ou par ses complices suscite contre les saints de Dieu des supplices d’une cruauté inouïe, qu’il les frappe à coups de fouets, qu’il les déchire avec des ongles de fer, qu’il les broie sur le chevalet, qu’il les brûle tout vivants, qu’il s’acharne sur leurs membres carbonisés, qu’il élève des croix, qu’il plante des poteaux, qu’il appelle les bêtes féroces, qu’il construise des précipices ; tout cela est vain, car ceux qui sont embrasés du désir des biens célestes, ceux qui attendent la récompense promise dans l’éternité, se montrent pleins de mépris pour les choses présentes ; la vie de la terre n’inspire que dégoût à ceux que possède l’amour de la vie éternelle. Celui qui porte sa croix et suit Jésus-Christ ne peut aimer le monde ; car ce monde est le foyer de tous les vices. De là cette parole de Jésus-Christ dans l’Evangile : « Si quelqu’un veut venir après Moi, qu’il se renonce lui-même, qu’il porte sa croix et qu’il Me suive » (Matth. XVI, 24). « Qu’il porte sa croix », comme si Jésus-Christ eût dit : Qu’il porte Ma croix, car celui qui portera Ma croix la fera sienne. Celui donc qui aura porté la croix du Sauveur, aura part également à Sa récompense. Pour des âmes généreuses, la mort est comme l’abrégé de tous ces biens.

§ 2. La croix donne son sens aux souffrances du chrétien, par amour pour le Christ et dans la perspective de l’éternité :

   Viennent ensuite les persécutions extérieures, et la couronne du martyr sera complète quand arrivera le jour de la récompense : « Si quelqu’un veut venir après Moi, qu’il se renonce lui-même ». O précieuse jalousie de Dieu ! Selon cette parole : Notre Dieu est jaloux ; Il veut que vous L’aimiez jusqu’à commencer à vous haïr : aimez-Moi, dit-Il, et ne vous aimez pas vous-même ; renoncez-vous à vous-même et conservez vous pour Moi ; soyez Mien, ne soyez pas vôtre ; que votre vie soit suspendue à Ma croix, parce que Ma croix conserve votre vie. Je ne veux pas que vous vous aimiez ; aimez-Moi, car si vous M’aimez, vous vous aimerez ; tandis que vous aimer sans Moi, ce serait vous haïr. Aimez-vous cette vie ? Aimez plutôt Celui qui vous a donné la vie elle-même. Aimez-vous votre corps ? Aimez plutôt votre Créateur qui a formé votre corps. Pourquoi aimeriez-vous ce qui doit périr ? Aimez ce qui est éternel. L’amour des choses présentes est un amour périssable ; l’amour des choses futures est un amour éternel ; l’amour des choses présentes finit avec le temps présent, tandis que c’est par la mort elle-même que nous parvenons à la récompense de l’immortalité. C’est ainsi que les saints Prophètes en aimant le Seigneur ont haï le monde. C’est ainsi que ces trois enfants invincibles ont méprisé leur propre vie et ont triomphé de la flamme de la fournaise. C’est ainsi que Daniel, par l’empire de sa sainteté, a vaincu les bêtes féroces. Le vieillard Eléazar, malgré son grand âge, a pu montrer un courage héroïque, parce que dans sa jeunesse il avait foulé aux pieds le monde. La bienheureuse mère des Machabées, souffrant dans sa propre personne, après avoir souffert dans la personne de chacun de ses sept enfants, a surmonté son amour et son sexe, et a sacrifié les impulsions les plus naturelles de son coeur. Les Apôtres nous ont enseigné et ont prouvé par leur propre conduite qu’ils préféraient mourir pour Jésus-Christ plutôt que de vivre pour la terre ; leurs enseignements et leurs exemples rappellent sans cesse aux fidèles le bonheur de souffrir. Enfin les saints martyrs ont donné leur vie pour Jésus-Christ, et se sont renoncés eux-mêmes afin de se donner tout entiers à leur Créateur. Ils ont méprisé les supplices, les tourments, les croix, le feu, le gibet, les bêtes féroces ; aucune souffrance ne put faire fléchir le courage de ceux dans le cœur desquels l’amour de Dieu régnait en souverain.

§ 3. Le martyre est la grande victoire chrétienne :

   Les saints ont toujours méprisé cette misérable vie de la terre, et se montraient disposés à embrasser pour Dieu toutes les souffrances ; voilà pourquoi l’on peut dire de leur mort qu’elle « est précieuse devant Dieu » ; de toutes les choses du monde, aucune ne leur paraissait digne d’occuper leur cœur. Qu’ils soient suspendus à la croix, qu’ils soient jetés à la dent des bêtes féroces, leur mort, quelle qu’elle soit, est précieuse, parce qu’elle est la possession solennelle de leur foi. C’est d’eux que Salomon a dit : « Quoiqu’ils aient souffert toute sorte de tourments devant les hommes, leur espérance est pleine d’immortalité ; et après des souffrances d’un moment ils seront comblés de bonheur pendant l’éternité » (Sages. III, 4-5). De là aussi ces belles paroles de l’Apôtre : « Qui nous séparera de la charité de Jésus-Christ ? sera-ce l’affliction, les déplaisirs, la faim, la nudité, les périls, la persécution, le fer ? Selon qu’il est écrit : On nous fait mourir tous les jours pour l’amour de Vous, Seigneur ; on nous regarde comme des brebis destinées à être égorgées. Mais, parmi tous ces maux, nous demeurons victorieux par Celui qui nous a aimés. Car je suis assuré que ni la mort, ni la vie, ni les anges, ni les principautés, ni les puissances, ni les choses présentes, ni les choses futures, ni la violence, ni tout ce qu’il y a de plus haut ou de plus profond, ni aucune autre créature, ne pourra jamais nous séparer de l’amour de Dieu, en Jésus-Christ Notre-Seigneur » (Rom. VIII, 35-38).

Agneau mystique van Eyck - détail 2

L’Agneau immolé et victorieux
(détail du retable de l’Agneau mystique de Jan Van Eyck – cathédrale Saint-Bavon, Gand)

nika

2022-119. Sainte Gertrude la Grande, nous montre que le cœur d’une vie heureuse est l’amitié avec Jésus, et cette amitié s’apprend dans l’amour pour les Ecritures Saintes, dans l’amour pour la liturgie, dans la foi profonde, dans l’amour pour Marie…

16 novembre,
Fête de Sainte Gertrude d’Helfta, dite la Grande.

       Sainte Gertrude d’Helfta est l’une des plus grandes parmi les mystiques authentiques de la Sainte Eglise, et nous l’avons en grande vénération en notre Mesnil-Marie, ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le dire, dès les commencements de cet humble blogue (cf. > ici, et > ici). Nous sommes donc heureux de vous livrer ci-dessous un excellent résumé de sa vie, de ses œuvres et de la doctrine spirituelle qu’elle a développée sous l’action des grâces très particulières d’union à Dieu dont elle a été gratifiée, qu’avait proposé Sa Sainteté le Pape Benoît XVI dans l’un de ses riches enseignements hebdomadaires.

Vision de Sainte Gertrude d'Helfta

Sainte Gertrude la Grande,
nous montre que le cœur d’une vie heureuse est l’amitié avec Jésus,
et cette amitié s’apprend dans l’amour pour les Ecritures Saintes,
dans l’amour pour la liturgie, dans la foi profonde,
dans l’amour pour Marie…

Catéchèse de
Sa Sainteté le Pape Benoît XVI

à l’occasion de l’audience générale
du mercredi 6 octobre 2010

Chers frères et sœurs,

   Sainte Gertrude la Grande, dont je voudrais vous parler aujourd’hui, nous conduit cette semaine aussi au monastère de Helfta, où sont nés certains des chefs-d’œuvre de la littérature religieuse féminine latino-allemande. C’est à ce monde qu’appartient Gertrude, l’une des plus célèbres mystiques, seule femme en Allemagne à recevoir l’épithète de «Grande», en raison de sa stature culturelle et évangélique : à travers sa vie et sa pensée, elle a influencé de manière singulière la spiritualité chrétienne. C’est une femme exceptionnelle, dotée de talents naturels particuliers et d’extraordinaires dons de grâce, d’une profonde humilité et d’un zèle ardent pour le salut du prochain, d’une intime communion avec Dieu dans la contemplation et de disponibilité à venir au secours des plus démunis.

   A Helfta, elle se mesure, pour ainsi dire, systématiquement à sa maîtresse Mathilde [ou Mechtilde] de Hackeborn, dont j’ai parlé à l’audience de mercredi dernier (cf. > ici) ; elle noue des relations avec Mathilde de Magdebourg, une autre mystique médiévale ; elle grandit en recevant les soins maternels, doux et exigeants, de l’abbesse Gertrude. De ces trois consœurs, elle puise des trésors d’expérience et de sagesse ; elle les élabore dans sa propre synthèse, en parcourant son itinéraire religieux avec une confiance sans limite dans le Seigneur. Elle exprime la richesse de la spiritualité non seulement de son monde monastique, mais aussi et surtout biblique, liturgique, patristique et bénédictin, avec un timbre tout à fait personnel et de façon très communicative.

   Elle naît le 6 janvier 1256, en la fête de l’Epiphanie, mais l’on ne sait rien ni de ses parents, ni de son lieu de naissance. Gertrude écrit que le Seigneur Lui-même lui révèle le sens de ce premier déracinement : «Je l’ai choisie pour ma demeure parce que je vois avec délices que tout ce que les hommes aiment dans cette Elue est mon œuvre propre […] Aussi je l’ai exilée en quelque sorte loin de tous ses parents, afin que personne ne l’aimât à ce titre et que je fusse le seul motif de l’affection qu’on aurait pour elle» (Les Révélations, I, 16).

   A l’âge de cinq ans, en 1261, elle entre au monastère, comme c’était souvent le cas à l’époque, pour la formation et l’étude. Elle y passe toute son existence, dont elle signale elle-même les étapes les plus significatives. Dans ses mémoires, elle rappelle que le Seigneur l’a prévenue avec une patience compatissante et une infinie miséricorde, en oubliant les années de l’enfance, de l’adolescence et de la jeunesse, passées — écrit-elle — «dans un tel aveuglement, que si vous ne m’aviez donné une horreur naturelle du mal, un attrait pour le bien avec les sages conseils de mon entourage, il me semble que je serais tombée dans toutes les occasions de faute, sans remords de conscience, absolument comme si j’avais été une païenne […]. Cependant Vous m’aviez choisie dès ma plus tendre enfance, afin de me faire grandir au milieu des vierges consacrées, dans le sanctuaire béni de la Religion» (ibid., II, 23 ).

   Gertrude est une étudiante extraordinaire, elle apprend tout ce que l’on peut apprendre des sciences du Trivium et du Quadrivium, la formation de cette époque ; elle est fascinée par le savoir et se donne tout entière à l’étude profane avec ardeur et ténacité, avec une réussite scolaire dépassant toutes les attentes. Si nous ne savons rien de ses origines, elle nous dit beaucoup de ses passions de jeunesse : littérature, musique et chant, art de l’enluminure la ravissent ; elle a un caractère fort, décidé, immédiat et impulsif ; elle dit souvent être négligente ; elle reconnaît ses défauts, elle en demande humblement pardon. Elle demande avec humilité conseil et prière pour sa conversion. Certains traits et défauts de son tempérament l’accompagneront jusqu’à la fin, au point de surprendre certaines personnes s’étonnant que le Seigneur lui donne une telle préférence.

   En tant qu’étudiante, elle se consacre ensuite entièrement à Dieu dans la vie monastique et pendant vingt ans, rien d’exceptionnel n’a lieu : l’étude et la prière constituent son activité principale. En raison de ses qualités, elle excelle parmi ses consœurs ; elle fait preuve de ténacité pour consolider sa culture dans divers domaines. Mais, au cours de l’Avent 1280, elle commence à ressentir un dégoût pour tout cela, en perçoit la vanité, et le 27 janvier 1281, quelques jours seulement avant la fête de la purification de la Vierge, vers l’heure des Complies, le soir, le Seigneur illumine ses denses ténèbres. Avec délicatesse et douceur, Il calme le trouble qui l’angoisse, trouble que Gertrude voit comme un don même de Dieu «pour renverser la tour de vaine gloire et de curiosité élevée par mon orgueil. Orgueil insensé car je ne méritais même pas de porter le nom et l’habit de la Religion. Toutefois c’était bien le chemin que vous choisissiez, ô mon Dieu, pour me révéler votre salut» (Ibid., II, 1, p. 87). La vision d’un jeune homme la guide pour démêler le nœud d’épines qui opprimait son âme, en la prenant par la main. Dans cette main, Gertrude reconnaît «les joyaux précieux des plaies sacrées qui ont annulé tous les titres qui pouvaient nous être opposés» (ibid., II, 1, p. 89), et reconnaît Celui qui sur la Croix nous a sauvés par Son Sang, Jésus.

   A partir de ce moment, sa vie de communion intime avec le Seigneur s’intensifie, en particulier au cours des temps liturgiques les plus significatifs — l’Avent et Noël, Carême et Pâques, les fêtes de la Vierge — même lorsque, malade, elle ne pouvait se rendre au chœur. C’est le même humus liturgique que Mathilde, sa maîtresse, que Gertrude décrit toutefois à travers des images, des symboles et des termes plus simples et linéaires, plus réalistes, avec des références plus directes à la Bible, aux Pères, au monde bénédictin.

   Sa biographe indique deux directions de ce que nous pourrions définir sa «conversion» particulière : dans les études, avec le passage radical des études humanistes profanes à celles théologiques, et dans l’observance monastique, avec le passage de la vie qu’elle qualifie de négligente à la vie de prière intense, mystique, avec une exceptionnelle ardeur missionnaire. Le Seigneur, qui l’avait choisie dans le sein maternel et qui l’avait fait participer, dès son enfance, au banquet de la vie monastique, la ramène par Sa grâce «des choses extérieures à la contemplation intérieure, des occupations terrestres au soin des choses célestes». Gertrude comprend alors qu’elle était restée loin de Lui dans une région de dissemblance, comme elle dit avec saint Augustin ; de s’être consacrée avec trop d’ardeur aux études libérales, à la sagesse humaine, en négligeant la science spirituelle, se privant du goût de la véritable sagesse ; elle est conduite à présent à la montagne de la contemplation, où elle se dépouille du vieil homme pour se revêtir de l’homme nouveau. «C’est ainsi que de grammairienne elle devint théologienne, relisant sans cesse les pages divines qu’elle pouvait se procurer, et remplissant son cœur des plus utiles et des plus douces sentences de la Sainte Ecriture. Aussi avait-elle toujours à sa disposition la Parole de Dieu afin de satisfaire ceux qui venaient la consulter et de réfuter toute idée fausse par des témoignages de la Sainte Ecriture employés si à propos, qu’on n’y trouvait rien à objecter» (ibid., I, 1, p. 25).

   Gertrude transforme tout cela en apostolat : elle se consacre à écrire et à divulguer la vérité de la foi avec clarté et simplicité, grâce et persuasion, servant avec amour et fidélité l’Eglise, au point d’être utile et appréciée par les théologiens et les personnes pieuses. Il nous reste peu de son intense activité, notamment en raison des événements qui conduisirent à la destruction du monastère d’Helfta. Outre Le Héraut de l’Amour Divin ou Les Révélationsil nous reste les Exercices spirituels, un rare joyau de la littérature mystique spirituelle.

   En ce qui concerne l’observance religieuse, notre sainte est «donc une très forte colonne de la Religion, un défenseur si zélé de la justice et de la vérité» (ibid., I, 1, ), dit sa biographe. A travers les mots et l’exemple, elle suscite chez les autres une grande ferveur. Aux prières et à la pénitence de la règle monastique, elle en ajoute d’autres avec une telle dévotion et un tel abandon confiant en Dieu, qu’elle suscite chez ceux qui la rencontrent la conscience d’être en présence du Seigneur. Et de fait, Dieu Lui-même lui fait comprendre qu’Il l’a appelée à être un instrument de Sa grâce. Gertrude se sent indigne de cet immense trésor divin, elle confesse qu’elle ne l’a pas conservé et valorisé. Elle s’exclame : «Je vous offre la douleur que j’éprouve [...] de ne m’être pas servie avec soin et révérence des dons que j’avais reçus. Ne m’eussiez-vous donné, en souvenir de vous, à moi si indigne, qu’un léger fil de lin, j’aurais dû le recevoir avec un respect infini» (ibid., I, 5). Mais, reconnaissant sa pauvreté et son indignité, elle adhère à la volonté de Dieu : «j’ai dû combattre mon goût personnel — affirme-t-elle —, et considérer qu’ayant si peu profité de Vos grâces, elles ne pouvaient m’avoir été accordées pour moi seule, puisque Votre sagesse éternelle ne se trompe en rien. O Dispensateur de tous les biens, qui m’avez comblée gratuitement de tant de grâces, faites au moins qu’en lisant cet écrit, le cœur d’un de Vos amis soit ému par Votre condescendance, et Vous remercie de ce que, pour l’amour des âmes, Vous avez conservé si longtemps au milieu des souillures de mon cœur une pierre précieuse d’un tel prix» (ibid., II, 5).

   En particulier, deux faveurs lui sont plus chères que toutes les autres, comme Gertrude l’écrit elle-même : «La première est l’empreinte que Vous avez formée sur mon cœur, par les splendides joyaux de Vos plaies sacrées. La seconde est cette blessure d’amour si profonde et si efficace que, (dussé-je vivre mille ans dans le plus complet délaissement), je goûterais sans cesse un bonheur ineffable au souvenir de ces deux bienfaits. Ils me seraient à chaque heure une source suffisante de consolation, de lumière et de gratitude. Pour ajouter à ces faveurs, Vous m’avez encore admise à l’incomparable familiarité de Votre tendresse, en m’offrant l’arche très noble de Votre divinité, c’est-à-dire Votre Cœur sacré, pour que j’y trouve mes délices [...]. Enfin Vous m’avez donné pour avocate Votre très douce Mère la bienheureuse Vierge Marie, me recommandant plusieurs fois à elle avec autant de tendresse qu’en mettrait un époux à confier à sa propre mère l’épouse qu’il s’est choisie» (ibid., II, 23).

   Tendue vers la communion sans fin, elle conclut sa vie terrestre le 17 novembre 1301 ou 1302 à l’âge d’environ 46 ans. Dans le septième Exercice, celui de la préparation à la mort, sainte Gertrude écrit : «O Jésus, Toi qui m’es immensément cher, sois toujours avec moi, pour que mon cœur demeure avec Toi et que Ton amour persévère avec moi sans possibilité de division et que mon trépas soit béni par Toi, afin que mon esprit, libéré des liens de la chair, puisse immédiatement trouver le repos en Toi. Amen» (Exercices, Milan 2006, p. 148).

   Il me semble évident que ces choses ne sont pas seulement des choses du passé, historiques, mais l’existence de sainte Gertrude reste une école de vie chrétienne, de voie droite, et nous montre que le cœur d’une vie heureuse, d’une vie véritable, est l’amitié avec Jésus, le Seigneur. Et cette amitié s’apprend dans l’amour pour les Ecritures Saintes, dans l’amour pour la liturgie, dans la foi profonde, dans l’amour pour Marie, de manière à connaître toujours plus réellement Dieu lui-même et le bonheur véritable, but de notre vie. Merci.

Sacré-Coeur

2022-118. Desseins de paix et d’amour.

23ème dimanche après la Pentecôte :
[Epitre : Philipp. III, 17-21 ; IV, 1-3 - Evangile : Matth. IX, 18-26]

Dicit Dominus - introït 23ème dimanche

Introït du 23ème dimanche après la Pentecôte

Desseins de paix et d’amour :

Présence de Dieu :

Accomplissez en moi, Seigneur, Vos desseins de paix et d’amour en me faisant ressusciter à une vie pleinement fervente.

Méditation :

   1 – Malgré l’idéal élevé, le désir de sainteté, nous nous retrouvons toujours pleins de misères, toujours en dette avec Dieu, et quand nous nous approchons de Lui, notre âme tremble à bon droit : comment nous accueillera-t-Il ? Ne nous repoussera-t-Il pas ?
La réponse diffère largement de celle que nous mériterions : « Je sais, Moi, le dessein que Je forme pour vous… dessein de paix et non de malheur… Alors, quand vous M’invoquerez et que vous viendrez M’adresser vos prières, Je vous écouterai… Je vous ramènerai en ce lieu d’où Je vous ai exilés » (Jérém. XXIX, 11, 12, 14).
Ces consolantes paroles, que nous lisons aujourd’hui dans l’Introït de la Messe, ouvrent notre cœur aux plus douces espérances : Dieu nous aime, en dépit de tout, Il est toujours notre Père et veut nous libérer de l’esclavage de nos passions, de notre faiblesse. Alors, spontanément, l’humble invocation de la Collecte nous monte aux lèvres : « Que Votre bonté, Seigneur, nous délivre des liens des péchés que notre faiblesse nous a fait contracter ». L’humilité, l’aveu sincère de nos torts, est toujours le point de départ de notre conversion.
Saint Paul nous parle de conversion dans l’épître : « Il en est beaucoup, je vous l’ai dit souvent et je le redis aujourd’hui avec larmes, qui se conduisent en ennemis de la Croix du Christ… Ils n’apprécient que les choses de la terre » (Philipp. III, 18, 19). Pratiquement, chaque fois que nous fuyons le sacrifice, que nous protestons contre la douleur, recherchons les satisfactions égoïstes, nous nous comportons en ennemis de la Croix de Jésus, et ainsi notre vie devient trop terrestre, trop attachée aux créatures, trop pesante pour tendre au Ciel.
Nous devons nous convertir, nous détacher, nous souvenir que « notre cité se trouve dans les cieux » (Philipp. III, 20), qu’il est donc nécessaire d’embrasser de bon gré les fatigues du voyage de retour vers la patrie bienheureuse. Pour nous encourager, Saint Paul nous met devant les yeux les splendeurs de la vie éternelle : « Le Seigneur Jésus-Christ transfigurera notre corps de misère pour le conformer à Son corps de gloire » (Philipp. III, 20, 21).
Tel est le « dessein de paix », tels sont les grands desseins d’amour que le Père céleste conçoit à notre sujet : nous libérer de l’esclavage du péché et nous conformer à Son Fils au point de nous rendre participants de Sa résurrection glorieuse. Desseins merveilleux, mais qui ne se réaliseront que si nous les secondons. « Ainsi donc, nous supplie l’Apôtre, mes frères bien-aimés et tant désirés, ma joie et ma couronne, tenez bons de la sorte dans le Seigneur » (Philipp. IV, 1).
Tenir bon, c’est-à-dire être stable dans la conversion, ferme dans l’humilité, la confiance, l’amour de la Croix.

guérison de l'hémorroïsse

   2 – L’Evangile de ce jour nous donne un exemple vivant de cette transformation que Dieu veut accomplir en nous et de la manière dont Il réalise Ses desseins de paix dans ceux qui s’approchent de Lui avec un cœur humble et confiant.
Avant tout l’hémorroïsse : son mal est tenace, il résiste depuis douze ans à tous les remèdes. La pauvre femme, humiliée et honteuse, n’ose pas, comme les autres malades, se présenter directement à Jésus. D’autre part, sa foi est si grande qu’« elle se disait en elle-même : Si seulement je touche Son manteau, je serai sauvée. Jésus se retournant l’aperçut et lui dit : Confiance, ma fille, ta foi t’a sauvée » (Matth. IX, 21-22). Aucune demande, aucune supplication extérieure, mais ce qui touche le Seigneur, c’est la prière de ce cœur humble, confiant, plein de foi.
Jésus veut guérir nos âmes, de même que l’hémorroïsse, mais Il attend des dispositions semblables aux siennes.
Trop facilement, nous nous contentions de prières dites du bout des lèvres, tandis que notre cœur est froid et absent. Jésus, au contraire, regarde le cœur, Il veut une prière qui parte du cœur, un cri d’humilité, de confiance, qui monte tout droit vers Son Cœur divin. Du reste, combien ne sommes-nous pas plus fortunés que l’hémorroïsse ! Elle parvient une seule fois à toucher la frange du manteau de Jésus, tandis que notre âme, dans la Sainte Communion, jouit du contact quotidien avec Son Corps et Son Sang. Oh ! si notre foi était grande comme un grain de sénevé !
Suit le second miracle. La fille de Jaïre n’est pas malade, elle est morte ; mais il n’est pas plus difficile à Jésus de ressusciter un mort que de guérir un malade. En vrai Seigneur de la vie et de la mort, Il « prit la main de la fillette et celle-ci se dressa ». Jésus est notre résurrection, non seulement pour la vie éternelle, lorsqu’à Son signe notre corps ressuscitera glorieux et rejoindra notre âme, mais Il est notre résurrection dès cette vie : résurrection de la mort du péché à la vie de la grâce, résurrection d’une vie tiède à une vie fervente et sainte.
Approchons-nous de Jésus avec l’humilité et la confiance de l’hémorroïsse, et prions-Le de tout cœur d’accomplir en nous Ses desseins d’amour, en nous arrachant à la médiocrité grise d’une vie spirituelle encore entravée par les liens de l’égoïsme, pour nous élancer résolument vers la sainteté.

résurrection de la fille de Jaïre

Colloque :

       « O Seigneur, comme nous payons mal Votre amitié, puisque nous redevenons si promptement Vos mortels ennemis ! Ah ! Qu’elle est grande Votre miséricorde ! Et quel ami plus patient pourrions-nous trouver ? Si pareille chose arrivait une seule fois entre deux amis, ils ne pourraient plus l’oublier et ils ne renoueraient jamais cette amitié étroite qui les unissait précédemment. Mais que de fois ne manquons-nous pas de cette manière envers Vous, et pendant combien d’années ne nous attendez-Vous pas? Soyez béni, ô mon Seigneur et mon Dieu, de ce que Vous nous supportez avec une si tendre compassion. On dirait que Vous oubliez Votre grandeur pour ne point châtier, comme il serait juste, une trahison aussi perfide ! » (Sainte Thérèse de Jésus, in « Pensées sur l’amour de Dieu » II).

   « O Jésus, Vous êtes ma paix, car par Vous j’ai accès près du Père, parce qu’il a plu au Père de pacifier par le Sang de Votre Croix tout ce qui est, soit sur la terre, soit dans les cieux.
Voilà Votre œuvre en face de toute âme de bonne volonté, et c’est le travail que Votre immense, Votre trop grand amour Vous presse de faire en moi. Vous voulez être ma paix. Par le Sang de Votre Croix, Vous pacifierez tout dans le petit ciel de mon âme… Vous me remplirez de Vous, Vous m’ensevelirez en Vous, me ferez vivre avec Vous de Votre vie.
Et si à tout instant je tombe, dans une foi confiante je me ferai relever par Vous, et je sais que Vous me pardonnerez, que Vous effacerez tout avec un soin jaloux ; plus que cela : Vous me dépouillerez, me délivrerez de mes misères, de tout ce qui fait obstacle à l’action divine ; Vous entraînerez toutes mes puissances et les ferez vos captives. Alors je serai toute passée en Vous et pourrai dire : Je ne vis plus, c’est Jésus-Christ qui vit en moi » (Sainte Elisabeth de la Trinité).

Rév. Père Gabriel de Sainte Marie-Madeleine, ocd
in « Intimité divine ».

nika

2022-117. Saint Martin de Tours, un saint qui n’avait pas « l’esprit du concile » : Dieu merci !

11 novembre,
Fête de Saint Martin de Tours, évêque et confesseur, apôtre des Gaules.

Saint Martin - miracle de l'arbre consacré aux faux dieux

Le miracle de l’arbre consacré aux faux dieux
(détail d’un vitrail de l’église Saint-Martin de Chagny, au diocèse d’Autun-Châlons et Mâcon)

On trouvera les litanies de Saint Martin > ici

Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,

       Saint Martin de Tours (316-397), dont nous célébrons avec joie la fête le 11 novembre, est bien l’un des saints les plus populaires de la Chrétienté occidentale. Son prénom, devenu nom de famille, est, nous dit-on, le patronyme le plus fréquent en France, où 246 communes portent son nom et plus de 3.700 églises sont placées sous son vocable.
Son immense labeur apostolique lui mérite le titre d’« apôtre des Gaules » ; les miracles, dont il constata par lui-même qu’ils s’accomplissaient en grand nombre à son tombeau, exercèrent une influence non négligeable dans le processus de conversion du Roi Clovis.

   L’art (sculpture, peinture, vitrail, miniature) et la dévotion ont particulièrement illustré et magnifié la « charité de Saint Martin », c’est-à-dire la scène du partage du manteau (la chlamyde militaire) en faveur du mendiant transi de froid, un soir de l’hiver 334 à Amiens, au point que cette scène tend parfois à occulter tout le reste de la vie de Saint Martin.
Cette dernière nous est pourtant bien connue, avec force détails, grâce principalement au travail de Saint Sulpice Sévère (vers 363 – vers 410), qui avait été son disciple. 

   Je voudrais justement insister aujourd’hui sur l’un des aspects de l’apostolat de Saint Martin les moins mis en valeur de nos jours, alors qu’il est pourtant bien renseigné et attesté : sa lutte contre le paganisme dans les campagnes de la Gaule romaine.
Une lutte qui ne s’embarassait pas de considérations humaines, puisque
Saint Martin détruisait les temples des fausses divinités et s’attaquait matériellement aux cultes idolâtriques, Dieu confirmant par des miracles éclatants la vérité et la justice de telles actions

   Nous lisons ainsi dans la Vie de Saint Martin de Saint Sulpice Sévère : « En certain village, il avait détruit un temple fort ancien, et entrepris d’abattre un pin tout proche du sanctuaire. Mais alors, le prêtre de ce lieu et toute la foule des païens commencèrent à lui opposer de la résistance. Et ces mêmes gens qui pourtant – par la volonté de Dieu – n’avaient pas bougé pendant la démolition du temple, ne supportaient pas que l’on coupât l’arbre. Martin s’employait à leur faire observer qu’une souche n’avait rien de sacré : ils devaient plutôt suivre le Dieu qu’il servait lui-même ; il fallait couper cet arbre car il était consacré à un démon. Alors l’un d’eux, plus hardi que les autres : « Si tu as, dit-il, quelque confiance en ce Dieu que tu déclares adorer, nous couperons nous-mêmes l’arbre que voici, et toi, reçois-le dans sa chute. Et si ce Seigneur, que tu dis être le tien, est avec toi, tu en réchapperas ». Alors, gardant une confiance intrépide dans le Seigneur, Martin s’engage à le faire. A ce moment, toute cette foule de païens donnèrent leur accord à un tel défi, et ils se résignèrent facilement à la perte de leur arbre, pourvu que sa chute écrasât l’ennemi de leurs cérémonies. Et comme le pin penchait d’un côté, en sorte que l’on ne pouvait douter du côté où il devait s’abattre une fois coupé, on place Martin attaché, selon la volonté des paysans, à l’endroit où personne ne doutait que l’arbre dût tomber. Ils se mirent donc à couper eux-mêmes leur pin avec une allégresse et une liesse extrême. La foule des spectateurs étonnés se tenait à l’écart. Et déjà le pin vacillait peu à peu, et, sur le point de tomber, il menaçait de s’abattre. A l’écart, les moines palissaient ; épouvantés par l’approche du danger, ils avaient perdu toute espérance et toute foi, et n’attendaient plus que la mort de Martin. Mais lui, confiant dans le Seigneur, attendait intrépidement. Le pin, dans sa chute, avait déjà fait entendre un craquement, déjà il tombait, déjà il s’abattait sur lui, quand Martin élève sa main à la rencontre de l’arbre et lui oppose le signe du salut. Mais alors – on eût cru l’arbre repoussé en arrière dans une sorte d’ouragan –, il s’abattit du côté opposé, de sorte qu’il faillit écraser les paysans qui s’étaient tenus en lieu sûr. Mais alors une clameur s’élève au ciel, et les païens demeurent stupéfaits d’étonnement, les moines pleurent de joie, tous à l’unisson proclament le nom du Christ ; et l’on vit bien que, ce jour-là, le salut était arrivé pour ce pays. Car il n’y eut à peu près personne, dans cette immense foule de païens, qui ne réclamât l’imposition des mains et n’abandonnât l’erreur impie pour croire au Seigneur Jésus » (Sulpice Sévère – Vita Martini, chap. XIV).

Vitrail de l'abbatiale St Martin de Clamecy - détail

« Comment les païens voulaient faire mourir Saint Martin,
mais par le signe de la croix il abattit l’arbre de l’autre côté » :
détail d’un vitrail de la vie de Saint Martin
à l’abbatiale Saint-Martin de Clamecy.

   Cette conduite de Saint Martin contre les fausses religions n’est pas un cas isolé : on la retrouve dans la vie d’un très grand nombre de saints évangélisateurs, et elle se fonde sur l’exemple des saints Apôtres eux-mêmes, qui n’avaient pas reçu de Notre-Seigneur Jésus-Christ la mission de « dialoguer » avec les nations païennes ni de « s’ouvrir aux richesses » des cultes idolâtriques ni, non plus, de « recevoir avec respect les traditions spirituelles » des vieux paganismes, et pas davantage de mettre sur un pied d’égalité la véritable et unique religion révélée avec les croyances qui vouent des cultes aux forces de la nature ou aux démons.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit en définitive, et les paroles de Saint Paul à ce sujet ne sont pas équivoques : « Ce qu’immolent les païens, ils l’immolent aux démons et non à Dieu. Or je désire que vous n’ayez aucune société avec les démons : vous ne pouvez boire le calice du Seigneur et le calice des démons. Vous ne pouvez avoir part à la table du Seigneur et à la table des démons ! » (1 Cor. X, 20-21).
Ainsi, prendre part à un rituel « interreligieux », fut-ce dans l’enceinte du Vatican, et vénérer, par des prostrations et autres invocations ou simagrées, une idole figurant la « terre mère » et la « fécondité » – par exemple – n’a rien d’anodin, n’a rien de conforme à l’enseignement et à la pratique des Apôtres, n’a rien qui puisse être justifié par aucun des enseignements du Magistère catholique authentique et par les exemples des saints : c’est une abomination ; c’est « avoir part à la table des démons » ; c’est « avoir société avec les démons » ; c’est une trahison gravement coupable, un péché gravissime contre le premier commandement de Dieu.

Rituel païen dans les jardins du Vatican le 4 octobre 2019

4 octobre 2019 : rituel païen autour de l’idole « Pachamama » dans les jardins du Vatican

   Insistons avec force : ne pas s’opposer aux fausses religions, et – pour des raisons humaines parées de « valeurs humanistes » (la fraternité universelle, la paix dans le monde… etc.), dépourvues de toute vue surnaturelle – laisser finalement penser, aux chrétiens comme aux païens, que leurs croyances sont tout aussi « respectables » que la seule religion révélée et sont autant qu’elle des voies du salut, constitue un dangereux contre-témoignage, un scandale (c’est-à-dire, au sens étymologique une occasion de chute – cf. Matth. XVIII, 3) qui peut entraîner les fidèles dans l’indifférentisme ou diverses formes de syncrétisme, qui conforte les infidèles dans leurs erreurs, et qui, en définitive, peut les entraîner les uns comme les autres sur les chemins de la perdition éternelle.

   Si le respect dû aux personnes et à leur conscience est une chose essentielle, il n’y a en revanche aucun respect qui soit dû à l’erreur : il n’y a qu’une seule Vérité, qu’une seule religion véritable voulue et révélée par Dieu, et, pour l’honneur et la gloire de Dieu, on ne peut en aucune manière considérer que les cultes idolâtriques ou se réclamant d’une autre « révélation » (forcément fausse ou d’origine diabolique puisqu’il ne peut y avoir de contradiction en Dieu), sont conciliables avec l’amour de la Vérité, avec l’amour du Dieu unique, avec l’amour de l’unique Sauveur, Notre-Seigneur Jésus-Christ,  et avec l’amour de l’unique véritable Eglise fondée par Lui.

   Ainsi ce qui, à la suite de ces documents du concile vaticandeux qui se nomment « Gaudium et Spes », « Dignitatis humanae » et « Nostra aetate », a été développé comme étant « l’esprit du concile » puis « l’esprit d’Assise », est-il aux antipodes de la Vérité, aux antipodes de la Tradition authentique reçue des Apôtres, aux antipodes de la pratique des saints, comme nous l’avons montré par exemple pour notre cher Saint Martin. 

   Aussi, au jour du Jugement, les Saints Apôtres, les Saints missionnaires et évangélisateurs des nations, tous ceux qui par obéissance au commandement de Notre-Seigneur Jésus-Christ : « Allez ! Enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit ; leur apprenant à garder tout ce que Je vous ai commandé » (Matth. XXVIII, 19-20), et « Allez dans tout l’univers et prêchez l’Evangile à toute créature : celui qui croira et sera baptisé sera sauvé, mais celui qui ne croira pas sera condamné » (Marc XVI, 15-16), n’avaient pas – Dieu merci ! – « l’esprit du concile », mais se sont dépensés pour étendre le Règne de Dieu et travailler au salut des âmes en combattant l’idolâtrie et les fausses croyances, se lèveront-ils pour prononcer en même temps que le Juge Suprême une sentence de réprobation éternelle envers ceux qui, laïcs ou clercs, auront dévoyé et trahi la Vérité de l’Evangile, et trahi la Charité qui leur commandaient – au mépris des considérations humaines – d’arracher les âmes aux séductions du démon à l’œuvre dans les fausses religions.

cathédrale de Bourges - Vitrail du Jugement dernier détail

Les réprouvés conduits en enfer
vitrail du Jugement dernier (détail) à la cathédrale de Bourges

2022-116. Comment on peut acquérir le Royaume des Cieux.

8 novembre,
Octave de la fête de tous les Saints ;
Mémoire des Quatre Saints Couronnés, martyrs.

Pierre-Paul Rubens - Vierge à l'Enfant entourée de saints, dont Saint Augustin - Anvers église Saint-Augustin

Pierre-Paul Rubens : Vierge à l’Enfant entourée de saints
(on reconnaît Saint Augustin au premier plan en chape dorée, mitré et crossé, tenant le cœur embrasé à la main)
[église Saint-Augustin, à Anvers]

   En ce jour octave de la Toussaint, il nous est profitable de méditer encore sur les moyens que nous avons de rejoindre nous aussi le Royaume des Cieux pour y vivre éternellement dans la vision béatifique de Dieu et en compagnie des saints. Voici, pour nous y aider, un court chapitre extrait du « Manuel de Saint Augustin » (nous avons déjà expliqué ce qu’est cet ouvrage > ici).

blason ermites de Saint Augustin

Comment on peut acquérir le Royaume des Cieux :

       « Quelle joie et quel bonheur que de voir la splendeur des Saints, d’entrer dans la société de leur gloire, et d’être admis à la participation de leur sainteté ! O incomparable félicité, que de contempler les beautés ravissantes de la Sagesse éternelle ! de voir les merveilles de son Essence, et de la posséder pour l’éternité !
Appliquons-nous donc à faire des méditations fréquentes sur ce suprême bonheur : que nos esprits s’y élèvent par de continuels regards, et que nos cœurs y aspirent par de perpétuels soupirs, si nous voulons bientôt le posséder.
Si vous désirez savoir par quelle industrie et par quels moyens on le peut acquérir, je vous dirai que la bonne volonté ne suffit pas, quoique ce soit un grand point de l’avoir, d’autant, selon la parole du Fils de Dieu, que le Royaume du Ciel ne s’emporte que par la violence qu’on fait à ses passions.

   Dieu ne vous demande pour prix du Royaume des Cieux, que vous-même, ô pécheur ! et c’est votre cœur qui est ce prix ; donnez votre amour à Dieu, et Il vous donnera ce Royaume.
Pourquoi vos péchés et votre indignité vous jettent-ils dans le trouble, et vous en ôtent-ils l’espérance ? Jésus-Christ vous l’a acquis en Se livrant à la mort, et Il a donné à votre âme, par l’infusion de Sa charité, le pouvoir de la mériter.
Il ne vous reste qu’à vous immoler ainsi vous-même au Père éternel, pour être un membre de Son Fils et un des sujets et des héritiers de Son Royaume. Ne laissez donc point pour cet effet régner le péché dans votre âme ; mais faites que l’Esprit de Dieu y domine, afin qu’après y avoir produit le mérite et la charité, Il y produise enfin la véritable vie et la béatitude éternelle. »

in « Manuel de Saint Augustin »,chapitre XV
(traduction et édition de 1829).

Soliloques & Manuel de Saint Augustin - page de garde 1829

2022-115. « Le pouvoir qui comme tel ignore Dieu, sera comme tel ignoré de Dieu. »

22ème dimanche après la Pentecôte.

Philippe de Champaigne -le denier de César - Montréal musée

« Le denier de César » par Philippe de Champaigne (vers 1655)
Musée des Beaux-Arts de Montréal (Québec)

       Au vingt-deuxième dimanche après la Pentecôte, l’Eglise nous fait entendre la péricope évangélique du « denier de César » (Matth. XXII, 15-21) qui rappelle les principes de la distinction nécessaire entre le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel.

   Mais cette distinction ne peut en aucune manière être une « séparation » : il faut le rappeler à temps et à contre temps dans la confusion intellectuelle et spirituelle qui sévissent actuellement, sous l’influence des pernicieuses doctrines révolutionnaires qui se cachent sous les mots de « sécularisation », de « neutralité » ou de « laïcité ».

   Ici, il convient de rappeler cette ferme condamnation du Pape Saint Pie X :
« Qu’il faille séparer l’Etat de l’Eglise, c’est une thèse absolument fausse, une très pernicieuse erreur. Basée, en effet, sur ce principe que l’Etat ne doit reconnaître aucun culte religieux, elle est tout d’abord très gravement injurieuse pour Dieu, car le créateur de l’homme est aussi le fondateur des sociétés humaines et il les conserve dans l’existence comme il nous soutient. Nous lui devons donc, non seulement un culte privé, mais un culte public et social, pour l’honorer. En outre, cette thèse est la négation très claire de l’ordre surnaturel ; elle limite, en effet, l’action de l’Etat à la seule poursuite de la prospérité publique durant cette vie, qui n’est que la raison prochaine des sociétés politiques, et elle ne s’occupe en aucune façon, comme lui étant étrangère, de leur raison dernière qui est la béatitude éternelle proposée à l’homme quand cette vie si courte aura pris fin. Et pourtant, l’ordre présent des choses qui se déroulent dans le temps se trouvant subordonné à la conquête de ce bien suprême et absolu, non seulement le pouvoir civil ne doit pas faire obstacle à cette conquête, mais il doit encore nous y aider. Cette thèse bouleverse également l’ordre très sagement établi par Dieu dans le monde, ordre qui exige une harmonieuse concorde entre les deux sociétés. Ces deux sociétés, la société religieuse, et la société civile, ont, en effet, les mêmes sujets, quoique chacune d’elles exerce dans sa sphère propre son autorité sur eux » (in « Vehementer nos », lettre encyclique à l’adresse du peuple français, 11 février 1906).

   Le très docte évêque de Poitiers, Son excellence Monseigneur Louis-Edouard Pie (1815-1880), qui sera élevé à la dignité cardinalice quelques mois avant sa mort, a lui aussi débusqué avec sa sagacité accoutumée, en de nombreuses interventions écrites ou orales, la perversité des doctrines de la sécularisation et de la séparation des pouvoirs. Si, en effet, les pouvoirs temporel et spirituel doivent être distingués, ne doivent pas être confondus, cela n’affranchit en aucune manière César de ses devoirs envers Dieu : s’il faut rendre à César ce qui lui appartient, et à Dieu ce qui Lui est dû, les devoirs de César envers Dieu existent, demeurent, et sont d’autant plus importants en raison même de sa position à la tête de l’Etat.

   L’extrait que nous publions ci-dessous date des années 1862-63, et on pourrait le croire dénonçant des faits qui sont – hélas ! – nos contemporains à nous, pauvres témoins de l’inexorable décadence de notre beau Royaume de France livré à la haine des sectes maçonniques et des officines anti-chrétiennes, des hommes politiques sans envergure et sans conscience qui, en bons disciples de Lucifer, prétendent que la loi morale ne saurait prévaloir sur les lois de la république, et reprennent, en même temps que le « non serviam ! » de l’ange révolté, le « nous ne voulons pas qu’Il règne sur nous… Nous n’avons pas d’autre roi que César » du « peuple déicide » (expression de Saint Augustin et de plusieurs Pères de l’Eglise). 

frise

« Le pouvoir qui comme tel ignore Dieu, sera comme tel ignoré de Dieu. »

        « [...] Il est des hommes qui [...] enseignent que l’autorité de Jésus-Christ, l’autorité de Sa doctrine, de Sa loi, de Son Eglise, s’arrête au seuil de la vie publique des chrétiens [...].

En effet, tandis que la presse impie et rationaliste proclame la sécularisation désormais absolue des lois, de l’éducation, du régime administratif, des relations internationales et de toute l’économie sociale, comme étant le fait et le principe dominant de la société nouvelle, de cette société émancipée de Dieu, du Christ et de l’Eglise, nous avons vu surgir, sous l’empire de préoccupations honnêtes et estimables, des adeptes inattendus de ce système nouveau.
Des chrétiens ont paru penser que les nations n’étaient pas tenues, au même titre que les particuliers, de s’assimiler et de professer les principes de la vérité chrétienne ; que des peuples incorporés à l’Eglise depuis le jour de leur naissance pouvaient légitimement, après une profession douze ou quatorze fois séculaire du christianisme, abdiquer le baptême national, éliminer de leur sein tout élément surnaturel, et, par une déclaration solennelle et retentissante, se replacer dans les conditions de ce qu’ils croient être le droit naturel ; enfin que la génération héritière de celle qui aurait accompli, en tout ou en partie, cette œuvre de déchristianisation légale et sociale, pouvait et devait l’accepter, non pas seulement comme une nécessité, mais comme un progrès des temps nouveaux, que dis-je, comme un bienfait même du christianisme, lequel, après avoir conduit les peuples à un certain degré de civilisation, devrait se prêter volontiers à l’acte de leur émancipation, et s’effacer doucement de leurs institutions et de leurs lois, comme la nourrice s’éloigne de la maison quand le nourrisson a grandi.
Conséquemment à cela, ils ont déclaré que le droit essentiel du christianisme ne s’étendait point au-delà d’une part relative dans la liberté commune et dans l’égale protection due à toutes les doctrines. Ils ont été jusqu’à demander à l’Eglise de descendre dans les replis de sa conscience, d’examiner si elle avait été assez juste par le passé envers la liberté, et, dans tous les cas, de comprendre que, puisqu’elle s’accomodait aujourd’hui de la facilité laissée à ses défenseurs, elle ne pouvait, sans ingratitude et déloyauté, refuser de sanctionner à l’avenir, partout et toujours, ce système de libéralisme à la faveur duquel on pouvait encore plaider sa cause à l’heure présente [...].

   Saint Augustin écrivait à un dignitaire de l’empire romain : « Sachant que vous êtes un homme sincèrement désireux de la prospérité de l’Etat, je vous prie d’observer combien il est certain par l’enseignement des saintes lettres que les sociétés publiques participent au devoir des simples particuliers et ne peuvent trouver la félicité qu’à la même source » (Lettre CLV, à Macédonius, 7) [...].

   En effet, le bon sens nous enseigne que le Créateur du genre humain, en faisant l’homme essentiellement social, n’a pu vouloir que la société humaine fût indépendante de Lui. Ces grandes familles des peuples qu’on appelle nations, familiae gentium, relèvent donc de Ses lois, non moins que les existences privées (cf. Ps. XXI39) [...].

   Une plume qui n’avait pas conscience de son impiété écrivait : « La loi moderne IGNORE DIEU ». Eh bien ! nous ne craignons pas de le dire : A un tel ordre de choses, partout où il existera, Dieu répondra par cette peine du talion qui est une des grandes lois du gouvernement de Sa Providence. Le pouvoir qui comme tel ignore Dieu, sera comme tel ignoré de Dieu : si quis autem ignorat, ignorabitur (1 Cor. XIV, 38). Or, être ignoré de Dieu, c’est le comble du malheur ; c’est l’abandon et le rejet le plus absolu. La sentence d’éternelle réprobation ne sera pas formulée en d’autres termes : « Je ne vous connais pas, je ne sais pas d’où vous êtes » : Nescio vos unde sitis (Luc XIII, 25). »

In « Oeuvres de Monseigneur l’Evêque de Poitiers »,
tome V, « Troisième instruction synodale sur les principales erreurs du temps présent » (1862-63) dans les pp.172 à 177.

Cardinal Edouard Pie

Monseigneur Louis-Edouard Pie (1815-1880)
élevé à la pourpre romaine en 1879

2022-114. « La solution à la crise que nous traversons dépend de la capacité des Français à retrouver les principes fondamentaux d’une saine politique… »

25 octobre 2022 au soir,
Troisième centenaire du Sacre de Sa Majesté le Roi Louis XV (cf. > ici).

frise lys

    Deux mois après sa publication dans l’hebdomadaire « Valeurs Actuelles » (25 août 2022), il nous semble loisible de retranscrire ici dans son intégralité le texte de l’éditorial qu’y a signé Monseigneur le Prince Louis de Bourbon, duc d’Anjou, de jure Sa Majesté le Roi Louis XX.
Cette date du 25 octobre, jour du trois-centième anniversaire du Sacre de son prédécesseur le roi Louis XV, à Reims, nous paraît en effet particulièrement idoine à la lecture et, plus encore, à la méditation, des propos de notre Souverain légitime : encore une fois, derrière la concision très étudiée des phrases qu’il livre à notre réflexion, nous retrouvons une pensée politique solidement fondée sur les principes pérennes de la royauté traditionnelle, en même temps que des propositions véritablement adaptées aux graves problèmes de notre société en pleine décomposition.
Cet éditorial, publié le jour de la fête de Saint Louis, renvoie évidemment implicitement aux exemples de celui que la Sainte Eglise présente comme modèle aux gouvernants, mais aussi à tout ce que la tradition bourbonnienne a développé à partir de l’archétype qu’est devenu le Saint Roi pour tous ses descendants et successeurs…

Louis XX

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L’espérance au-delà des difficultés du temps

       La période électorale que la France vient de vivre a, comme toujours, déclenché un foisonnement de promesses. Appelés aux urnes, nos compatriotes n’ont pas même laissé aux candidats le temps de trahir leurs engagements. Ils ont clairement exprimé par leur vote une invincible défiance à l’égard de responsables politiques qui ne semblent plus en mesure de régler les problèmes quotidiens.

   L’urgence est pourtant criante.
L’abandon des territoires périphériques s’accélère ; la pauvreté augmente, tandis que des catégories jusqu’à présent protégées voient leur niveau de vie significativement baisser ; des services publics sont abandonnés au prétexte qu’ils ne sont plus en phase avec les ambitions d’une modernité que nul ne sait définir.
Cet affaiblissement de l’État, imposé en dépit des conséquences catastrophiques qui en découlent dans les domaines de la sécurité, de la santé ou de l’instruction, n’empêche nullement la dette publique d’atteindre des proportions abyssales.
Aujourd’hui, les Français attendent des réponses à ces questions brûlantes, et non l’aumône de quelques chèques.

   A l’extérieur, les déconvenues et les dangers ne paraissent pas moindres.
La guerre aux confins de l’Europe vient s’ajouter aux déséquilibres provoqués par les migrations incontrôlées, par la menace du terrorisme islamiste ou l’hostilité croissante entre les États-Unis et la Chine. L’état du monde contredit tragiquement les discours en vogue parmi les dirigeants européens, qui continuent à s’étourdir de fausses idéologies alors même que le cynisme le plus brutal prévaut dans les relations entre États.

   Voilà un bien triste bilan.
Et pourtant, il est de mon devoir d’adresser un message d’espérance à ceux qui croient en leur pays et en ce qu’il peut apporter au monde, à ceux qui conservent foi en son avenir.
La solution à la crise que nous traversons dépend de la capacité des Français à retrouver les principes fondamentaux d’une saine politique : comme l’exemple de Saint Louis nous l’enseigne, ce sont ceux du long terme, de la justice et du bien commun. On ne saurait restaurer ces valeurs essentielles sans réfléchir d’abord à la finalité de nos institutions.
Le bien commun doit-il s’évaluer en termes purement économiques ?
Notre société doit-elle demeurer uniquement matérialiste ou doit-elle chercher à élever les individus ?
C’est, à mes yeux, dans notre héritage gréco-latin et chrétien que se trouve la réponse à ces questions.

   Pour réaliser cette grande espérance, il est également indispensable que notre pays fasse de nouveau entendre sa voix dans le monde. Cela suppose de renouer avec le pragmatisme qui, durant des siècles, a guidé la diplomatie de nos rois et fait de la France un acteur de premier plan sur la scène mondiale.
L’équilibre instauré en Europe par les traités de Westphalie (1648) devrait nous servir d’exemple : à l’opposé de l’hystérie moralisatrice ou de la cupidité sans frein qui caractérisent aujourd’hui les rivalités entre les grandes puissances, cet ordre reposait sur la reconnaissance lucide des intérêts à la fois légitimes et contradictoires des différents États.
Le moment n’est-il pas venu pour la France de renouer avec cette tradition et de proposer un nouveau modèle stratégique, dont la coopération entre nations européennes serait le cadre et le fondement ?

   Une seule inquiétude pourrait affaiblir l’espérance qui m’anime et que je souhaite partager : aux yeux d’un grand nombre de nos compatriotes, la France a cessé d’être une famille. Alors que la famille et les valeurs traditionnelles sont partout combattues, il n’y a rien de surprenant à ce que le sentiment d’appartenance à la famille politique se dissolve également.

   Pour faire revivre l’amour de la France dans le cœur des Français, il importe avant tout de les réconcilier avec leurs familles, c’est-à-dire avec eux-mêmes. Le combat pour les valeurs familiales m’apparaît donc comme une priorité, car c’est d’abord au sein des familles que se transmettent le caractère, les valeurs, les principes qui font l’âme d’une nation.

   On ne saurait rendre aux Français l’amour de leur pays sans leur faire également reprendre conscience des liens indissolubles qui les unissent. Pendant plus de huit siècles et à travers bien des vicissitudes, les souverains qui se sont succédé sur le trône de France ont forgé ces liens. Il faut souhaiter que des initiatives nouvelles fassent découvrir aux jeunes générations les trésors de génie, de grandeur et de gloire que nos devanciers nous ont légués.

   Il est vrai que l’opinion publique actuelle semble bien éloignée de ces préoccupations.
Puissent les Français soucieux du bien commun ne pas se décourager pour autant ! Notre histoire démontre que de grandes choses peuvent être accomplies par un petit nombre. La France a déjà connu des heures difficiles, parfois tragiques, mais la Providence a toujours suscité une Jeanne d’Arc ou un Henri IV pour reprendre en main le destin de la nation.
Pour ma part, dépositaire et gardien de la tradition capétienne, je contribuerai de toutes mes forces à cet indispensable renouveau, pour que vive la France.

Louis de Bourbon,
duc d’Anjou.

frise lys

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