Archive pour la catégorie 'Commentaires d’actualité & humeurs'

2024-123. In memoriam : Monseigneur François Ducaud-Bourget.

12 juin,
Fête de Saint Jean de Saint-Facond (cf. > ici) ;
Mémoire de Saint Léon III, pape et confesseur ;
Mémoire des Saints Basilide, Cyrin, Nabor et Nazaire, martyrs ;
Anniversaire du rappel à Dieu de Monseigneur François Ducaud-Bourget (12 juin 1984).

Mgr François Ducaud-Bourget - blogue

Monseigneur François Ducaud-Bourget (1897-1984)

   Fils de Jean-Maurice Ducaud et de Marie-Louise Bourget, Germain Joseph Pierre Marie Maurice Ducaud, dit François Ducaud-Bourget, est né à Bordeaux le 24 novembre 1897. Après sa formation générale, chez les Frères des Ecoles Chrétiennes, il fut en école supérieure de commerce.
Brancardier volontaire en 1914, il est appelé sous les drapeaux en 1917 (
7ème régiment d’infanterie coloniale à Bordeaux) et passera un bref temps dans les Balkans en 1918.
Rendu à la vie civile, il entre en 1919 au séminaire de Saint-Sulpice, à Paris.

   Ordonné prêtre le 28 juin 1924, il enchaîne les postes de vicaire dans plusieurs paroisses de l’archidiocèse de Paris. En 1942, il prend une part active à la Résistance, ce qui lui vaudra la médaille de la Résistance et la Croix de Guerre. En 1944, il est vicaire à Saint-Germain l’Auxerrois, puis, en 1945, devient Chapelain de l’Ordre de Malte, ce qui lui vaut le titre de Monseigneur.
Il passe trois années à Haïti – secrétaire particulier et vicaire général de l’archevêque de Port-au-Prince qui avait voulu l’avoir auprès de lui -, revient en Europe pour raison de santé, puis est finalement nommé aumônier de l’Hôpital Laënnec en 1961, poste qu’il conserve jusqu’en 1971.

Chapelle de l'Hôpital Laënnec à Paris

(nota bene : ces dernières années, la chapelle a été désaffectée et vandalisée)

   Monseigneur Ducaud-Bourget voit arriver les réformes consécutives au second concile du Vatican : simplifications apportées à la Messe traditionnelle, introduction de la langue vernaculaire, puis, en 1969 un nouvel Ordo missae

« Après le Concile, on a commencé à nous expliquer qu’il ne fallait plus dire le Judica me du début de la messe. Evidemment, cela ne faisait pas partie intégrante de la messe, c’étaient des prières que le prêtre faisait en allant en procession de la sacristie jusqu’à l’autel. Par conséquent (…) ce n’était pas un drame ; si on tenait au Judica me, on pouvait le dire avant, et, à l’autel, on commençait directement par le Adjutorium nostrum, et la messe continuait.
Mais voilà qu’ensuite on nous a dit qu’il fallait supprimer le dernier Evangile. Bon. Le dernier Evangile, c’est encore une partie qui a été rajoutée à la messe, pour répondre au désir de la foule. Donc, ça ne fait pas partie intégrante du sacrifice ; c’était une dévotion vénérable, respectable ; mais enfin, puisqu’on nous disait de la supprimer, on pouvait la supprimer.
Et puis, progressivement, on a commencé à toucher à l’offertoire. Or, l’offertoire, lui, est partie intégrante du sacrifice. Alors, quand j’ai vu cela, j’ai dit : dans ces conditions, je reprends tout comme autrefois ».
(Cité par André Figuéras, in « Saint-Nicolas du Chardonnet – le combat de Mgr Ducaud-Bourget », éd. de Chiré 1977 pp. 43-44)

   Et à propos du formulaire que le cardinal-archevêque de Paris lui demanda de signer, où se trouvait l’affirmation que la messe de Paul VI n’est ni hérétique ni équivoque :

   « (…) Hérétique, je n’en sais rien. Si elle l’était, ce serait moins dangereux, ça se verrait. Mais, pour ce qui est d’être équivoque, la messe de Paul VI l’est incontestablement (…).
Ils ne veulent pas admettre que leur messe est équivoque. Moi je dis ceci : lorsque la même messe peut être dite par des pasteurs protestants et par des prêtres catholiques [note : Mgr Ducaud-Bourget fait ici référence à une affirmation de Paul VI lui-même qui déclara avoir voulu une messe que les protestants puissent célébrer sans que cela leur posât de problème], est-ce qu’elle est protestante, est-ce qu’elle est catholique ?
Réponse : elle est équivoque. Qu’est-ce que c’est, selon le dictionnaire, que d’être équivoque ? C’est d’avoir deux sens. Alors, si la messe de Paul VI n’est pas équivoque, c’est que nous ne parlons plus français.
Je le répète : cette messe qui peut-être dite par la Confession d’Augsbourg, par les pasteurs anglicans, et par les curés catholiques, c’est bien évidemment une messe équivoque. En effet, elle peut être entendue de façon différente par ceux qui la disent identiquement, puisque les protestants ne croient pas au sacrifice de Jésus-Christ perpétué, alors que nous y croyons. Alors, la question est la suivante : est-ce que cette messe-là est un sacrifice, ou est-ce qu’elle ne l’est pas ? »
(Ibid. pp. 44-45).

Salle Wagram - haut lieu du combat pour la Messe traditionnelle

La Salle Wagram (état actuel) qui devint un lieu de célébration de la Messe traditionnelle
après l’expulsion de Mgr Ducaud-Bourget de Laënnec

   Monseigneur Ducaud-Bourget continuant donc à célébrer la messe de son ordination – la Messe latine traditionnelle, la Messe catholique sans équivoque -, la chapelle de l’Hôpital Laënnec devint le lieu où de plus en plus de fidèles, fuyant leurs paroisses, affluèrent par centaines : faisant appel au concours de plusieurs autres prêtres, eux aussi réfractaires à l’équivoque, il y eut bientôt quatre messes dominicales à Laënnec pour quelque 1500 fidèles.

   L’archevêché multiplia les pressions, mais d’autres instances manœuvrèrent elles aussi. Ce fut un véritable feuilleton à suspens où l’on vit intervenir un syndicat – la CFDT pour ne pas la nommer -, qui se plaignit à la direction de l’Assistance Publique du manque de « neutralité » de l’aumônier. L’Assistance Publique demanda à l’archevêché de faire cesser une activité qui « troublait la bonne marche des services hospitaliers » (sic), et, en 1971, Monseigneur Ducaud-Bourget, âgé de 74 ans, fut démis de ses fonctions, et la chapelle de l’Hôpital Laënnec fut interdite d’accès aux fidèles traditionnels.

   C’est alors que commencèrent les années d’errance à la recherche d’une hospitalité liturgique (mais les communautés pressenties se virent interdire par l’archevêché d’accueillir les exclus de Laënnec), de locaux à aménager ou de salles à louer, tandis que le nombre des fidèles ne cessait d’augmenter…
Enfin fût trouvé un arrangement avec le directeur de la Salle Wagram et une véritable communauté stable de type paroissial put continuer à vivre et à se développer autour de ce lieu pour le moins original où la Messe catholique dominicale prenait la suite des combats de boxe et autres bals musette du samedi soir !
Jusqu’à ce dimanche 27 février 1977, dont nous avons déjà parlé dans les pages de ce blogue (cf. > ici), où la sainte audace de Monseigneur Ducaud-Bourget et de ses amis prêtres et laïcs fervents rendit une véritable église, une église historique au centre de Paris, au culte catholique pour lequel elle avait été édifiée : Saint-Nicolas du Chardonnet !

église Saint-Nicolas du Chardonnet façade principale

Eglise Saint-Nicolas du Chardonnet

   Pendant sept ans, Monseigneur Ducaud-Bourget fera vivre, par la force de sa foi, cette église devenue célèbre dans le monde entier : au cœur de la capitale, la célébration de la liturgie traditionnelle dans un cadre qui lui est approprié, et malgré, dans les premières années, des alertes régulières faisant craindre une expulsion, est devenue une sorte de source vive où des milliers d’âmes sont venues puiser les grâces incommensurables et à nulle autres pareilles qui sont liées à la Messe authentiquement catholique.
Des centaines de vocations religieuses et sacerdotales ont été suscitées et se sont épanouies en conséquence de l’aplomb, de la fermeté, du courage, de la hardiesse et même – disons-le – du culot de ce prêtre exemplaire, qui ne manquait pas d’humour, et dont à juste titre Son Excellence Monseigneur Lefebvre a déclaré : 

« L’Eglise catholique en France peut l’inscrire à la suite de ses prêtres les plus célèbres, les plus fidèles et les plus zélés… »
(Message d’hommage publié le 14 juin 1984 après l’annonce de la mort de Monseigneur Ducaud-Bourget).

   En septembre 1983, à l’approche de son quatre-vingt sixième anniversaire, Monseigneur Ducaud-Bourget organisa sa « succession » et remit à l’abbé Philippe Laguérie, alors membre de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, le soin de continuer l’œuvre qu’il avait initiée à Saint-Nicolas du Chardonnet (on trouvera l’enregistrement des sermons qu’il prononça pour son quatre-vingt-sixième anniversaire et à l’occasion de sa dernière Messe à Saint-Nicolas du Chardonnet > ici).

   Victime d’un infarctus du myocarde, ce saint prêtre fut rappelé à Dieu dans la nuit du lundi 11 au mardi 12 juin 1984, dans une clinique de Saint-Cloud : il était dans sa quatre-vingt-septième année et la soixantième année de son sacerdoce.
Il a été inhumé dans le déambulatoire de Saint-Nicolas du Chardonnet.

   Pour la petite histoire, en terminant l’évocation de cette vie admirable, pour laquelle nous rendons à Dieu de vives actions de grâces, je puis bien vous confier que nous possédons en notre Mesnil-Marie un authentique souvenir de Monseigneur Ducaud-Bourget, une quasi relique : sa canne-siège, dont voici ci-dessous une photographie.

A lire aussi :
- La lettre ouverte des intellectuels français à Paul VI en faveur de la Messe traditionnelle (1976) > ici
- Le magnifique récit de la libération de Saint-Nicolas du Chardonnet par André Figuéras > ici

canne-siège de Monseigneur Ducaud-Bourget

Canne-siège de Monseigneur Ducaud-Bourget
que nous conservons précieusement au Mesnil-Marie

2024-122. Le Royaume est-il un paradis terrestre ?

11 juin,
Fête de Saint Barnabé, apôtre ;
Anniversaire du Sacre de S.M. le Roi Louis XVI (11 juin 1775).

Serments de Louis XVI à son Sacre - Jean-Michel Moreau - blogue

« Serments de Louis XVI à son Sacre » gravure de Jean-Michel Moreau

Vignette Lys - blogue

   A l’occasion de l’anniversaire du Sacre de Sa Majesté le Roi Louis XVI (dimanche 11 juin 1775), nous proposons à votre lecture, et à votre réflexion, une lettre aux membres et amis de la Confrérie Royale qui avait été publiée le 25 janvier 2017, et dont la teneur mérite qu’on la relise et approfondisse…

Le Royaume est-il un paradis terrestre ?

Le meilleur n’est pas le parfait…

       « Il était une fois, dans un royaume très lointain… » Tous les contes, pour ainsi dire, commencent de cette façon, et il n’y est question que de rois et de princesses. Pourquoi, d’instinct, l’univers de nos rêves se situe-t-il d’emblée dans un royaume ? Serait-ce la nostalgie d’un passé lointain et ancré dans la mémoire collective ?

   « Dans un royaume lointain… » :

« Par cette formule familière, analyse un site internet [1]le narrateur situe d’emblée le récit dans un monde imaginaire où les repères spatio-temporels demeurent flous. Le merveilleux permet de donner une dimension universelle au récit et crée une distance rassurante entre l’enfant et les thèmes abordés. L’enfant peut alors apprivoiser ses peurs et se sentir moins seul, plus fort face à elles ».

   La sagesse populaire nous transmet donc à sa façon l’idéal du gouvernement dans lequel l’enfant peut se construire : un royaume, parce qu’il est le plus naturel à l’homme. La République, à côté, est un système en pratique beaucoup plus artificiel et en théorie beaucoup moins idéal ! Vous ne trouverez donc pas de président ni de médiateur de la République dans nos belles histoires pour enfants… seulement dans les « histoires à dormir debout » que se fabriquent les adultes en perte d’innocence !

   Mais tous les royaumes ne sont pas imaginaires, et ils sont ce que nous en faisons. Tout homme aspire au bonheur, mais peu en trouvent le chemin ; la plupart se jettent éperdument dans des bonheurs apparents et − il est vrai − séduisants, mais il n’est qu’à évaluer le moral ambiant de nos contemporains pour se rendre compte que les promesses matérialistes n’ont pas été à la hauteur.

   Venons-en à cette assertion que nous prouve l’histoire des sociétés : tous les régimes désirant instaurer un paradis terrestre se transforment inévitablement en un véritable enfer. Les exemples historiques ne manquent pas : les goulags du communisme, les camps de concentration du national-socialisme, les persécutions religieuses de la république athée (IIIeme République en France, croisade des Cristeros au Mexique…) et toutes les révolutions « libératrices » (1789, 1830, 1848, 1870, 1917, 1968). L’idéalisme est du ressort des rêves, pas de l’action ; l’espoir fait vivre, l’idéalisme tue (au sens propre comme au figuré !).

grille d'honneur - Versailles

Les grilles dorées d’un paradis terrestre ? 

   Pourquoi tant d’échecs de ces si belles pensées et − quelquefois − bonnes intentions ? Parce que c’est oublier que depuis le péché originel, l’homme est une créature déchue, les portes du Paradis lui ont été fermées. Dès lors, le Paradis tient du domaine à la fois de la nostalgie d’un passé perdu, et à la fois de notre espérance chrétienne d’une promesse désirée, mais il ne sera jamais vécu ici-bas ! Le Christ nous a rouvert les portes et Il nous promet certes, comme au bon Larron, son Royaume, mais qui « n’est pas de ce monde » (Jn 18, 36).

   Alors pourquoi croire en un régime − osons le mot de nos contemporains – passéiste, du moins suranné ? Parce que tous les bonheurs sans Dieu que l’on nous promet se transforment toujours en déception. Seul Dieu peut nous apporter le vrai bonheur, puisqu’Il est le Bien absolu, et seul un régime en accord avec la loi de Dieu peut nous apporter une réelle prospérité, qui n’exclut toutefois pas les épreuves. Régime passéiste ? Pas tant que cela, puisque selon un sondage de 2013 [2], 54 % des Français seraient favorables à un retour à une monarchie.

   Les fortes paroles de S. Pie X sont toujours d’actualité :

   « Non, Vénérables Frères − il faut le rappeler énergiquement dans ces temps d’anarchie sociale et intellectuelle, où chacun se pose en docteur et en législateur −, on ne bâtira pas la société autrement que Dieu l’a bâtie ; on n’édifiera pas la société, si l’Église n’en jette les bases et ne dirige les travaux ; non, la civilisation n’est plus à inventer ni la cité nouvelle à bâtir dans les nuées. Elle a été, elle est ; c’est la civilisation chrétienne, c’est la cité catholique. Il ne s’agit que de l’instaurer et la restaurer sans cesse sur ses fondements naturels et divins contre les attaques toujours renaissantes de l’utopie malsaine, de la révolte et de l’impiété : omnia instaurare in Christo » [3]. 
   Et Faoudel de poser la question [4] : « Quelle cité catholique non bâtie dans les nuées le saint pape évoque-t-il quand il s’adresse à notre pays, si ce n’est celle de notre monarchie traditionnelle ? ».

   « L’utopie est mère de toutes les dictatures » a dit, horresco referens, Jacques Attali. Quant à nous, nous voulons être réalistes ; de cette adhérence au réel qui a valu à S. Thomas d’Aquin de devenir « le maître dans l’art de bien penser » (Paul VI [5]), ce réalisme qui nous fait savoir que l’homme ici-bas n’échappe pas et n’échappera jamais à la souffrance, malgré tous les charlatans qui lui vendent du rêve. Cette vérité nous est connue à la fois par l’expérience et par la Révélation, le rachat de l’homme déchu étant la raison-même de l’Incarnation de Dieu.

   Saint Thomas en vient à s’interroger sur la notion de meilleur régime [6], c’est-à-dire celui le plus apte à conduire la multitude vers le Bien commun, qui est le maintien de l’unité et de la paix. Il défend alors avec des arguments percutants le système monarchique comme le plus naturel, à l’image de ce qu’est le Paradis de Dieu : un Royaume où Dieu commande seul [7]. Le monarque devient le dépositaire temporel de cette souveraineté divine.

   Mais dire qu’un gouvernement est le meilleur ne veut pas dire pour autant qu’il est parfait : il est le plus raisonnable, le plus naturel, ce qui n’est déjà pas si mal. C’est lui qui est le plus ordonné au plan de Dieu, et là où il y a bon ordre, il y a paix [8]. Ce n’est pas le pied qui gouverne le corps mais le « chef » (le bien-nommé), c’est-à-dire la tête. De même, la société ne peut être gouvernée par la base : le peuple. La démocratie, en ce sens [9], est plus qu’une aberration : c’est une supercherie. Le Bx Pie IX a dit pour résumer : « Suffrage universel, mensonge universel ! » [10].

   Un régime de bon sens et de bonne foi ne promet pas LE bonheur assuré aux habitants de la Cité, mais il promet de leur apporter son meilleur soutien. Notre-Seigneur n’est pas venu abolir la souffrance, mais lui donner un sens. « Je ne suis pas venu abolir la loi mais l’accomplir » (Mt 5, 17) nous annonce le Christ, et la souffrance est la loi de l’humanité : on ne trouvera personne qui ne fasse exception à cette règle, pas même Notre-Dame, la Virgo dolorosa comme nous la célébrons le 15 septembre : la Vierge des douleurs.

   Toutes les sectes et les fausses religions vous promettront le contraire, du ventripotent Bouddha au non moins opulent (financièrement cette fois-ci) « révérend » Moon ; seul Jésus dépouillé, nu sur la Croix, nous apporte la vraie réponse, et la plus consolante aussi. Lui seul peut affirmer en toute vérité qu’Il est venu accomplir cette loi universelle de la souffrance, parce que chaque goutte versée l’a été pour chacun de nous.

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Le Bouddha bien-en-chair face au Dieu-fait-chair dépouillé : un saisissant contraste ! 

   Le Royaume de Dieu est d’en haut, et nous sommes déjà constitués « héritiers [de ce] Royaume qu’Il a promis à ceux qui L’aiment » (Jc 2, 5) ; mais il commence déjà ici-bas. « Le règne de Dieu est déjà présent au milieu de nous » nous dit S. Paul (Rm 12, 8) et le Pater nous fait demander à Dieu l’avènement de son règne sur la terre comme au Ciel. Mais rassurez-vous, ô Hérodes modernes qui craignez pour vos trônes, l’admirable hymne des Vêpres de l’Épiphanie vous annonce : Non eripit mortalia, Qui regna dat cælestia : « Il ne retire pas les royaumes terrestres Celui qui nous donne le Royaume céleste » ! Le Christ-Roi ne vient prendre la place de personne, Il est déjà de droit le Roi des rois, que les Mages viennent proclamer en venant L’adorer dans la crèche.

   Les primaires électorales nous renvoient la question du « candidat idéal », voire d’un Sauveur de la Nation qui nous relèvera du marasme et de la décadence ambiants dans lesquels nous sommes enlisés depuis si longtemps. Nous, nous vous disons en toute vérité : ce candidat n’existe pas, il n’y a pas de super-héros à espérer, mais la fonction idéale existe et s’incarne bien en un homme, qui n’a pas de super-pouvoirs mais qui est, par son sacre, revêtu de la grâce divine, onction qui s’écoulera sur tout le corps social que constituent les Français, à l’image de l’huile sainte répandue sur la tête d’Aaron, frère de Moïse et premier grand-prêtre d’Israël, et qui « coulait sur sa barbe et jusque sur les bords de ses vêtements » (Ps. 133, 2).

   Cet écoulement « capital » (i.e. depuis la tête) de la grâce se vérifie dans la vie sacramentelle : le sacrement de baptême purifie ainsi l’âme tout entière lorsque l’eau coule sur le sommet du crâne du baptisé. Il se vérifie en outre dans les hiérarchies angéliques, dans lesquelles l’illumination des anges s’effectue de chœur en chœur, des supérieurs aux inférieurs, selon l’admirable sagesse de Dieu qui « a tout réglé avec ordre, poids et mesure » (Sg 11, 20). Dieu est cette fontaine inépuisable qui déverse ses grâces de haut en bas, selon la loi de la « pesanteur spirituelle », si l’on peut dire !

   Revenons donc au bon sens, à la loi naturelle, à la raison éclairée ! Dieu nous donne un Chef, comme Il nous donne des parents que nous n’avons pas choisis. Mais attention : c’est un homme qu’Il nous désigne, pas un ange qu’Il nous envoie et encore moins Lui-même ! Voilà pourquoi nous disons que la mission divine s’incarne proprement en un homme, que nous pouvons appeler en toute vérité « providentiel » car sa destinée s’inscrit dans le plan de Dieu.

   Vous connaissez peut-être des prêtres qui vous ont blessés ou scandalisés : cela est malheureusement possible parce que le prêtre demeure un homme avant tout ; son ordination sacerdotale ne l’a pas « angélisé » ! Le Roi que Dieu nous donne a sans doute ses défauts, il n’est sans doute pas expert dans tous les domaines (d’où la nécessité de bien s’entourer…) et le Sacre pour lequel nous prions tous les jours ne le rendra ni surhomme, ni prince charmant, ni gourou, ni Dieu sur terre, mais le lieu-tenant de Dieu, aidé et voulu par Lui pour maintenir les Français dans la vertu et les conduire vers le Bien. Si nous avions le Royaume parfait ici-bas, pourquoi espérerions-nous encore le Royaume à venir ?

   Célébrant aujourd’hui la Conversion de S. Paul [note : cette lettre, comme nous l’avons dit en commençant, a initialement été publiée un 25 janvier], comment ne pas rappeler ici la prophétique prière de S. Pie X [11] comparant la France à l’ex-persécuteur de Chrétiens ? « Un jour viendra, et nous espérons qu’il n’est pas très éloigné, où la France, comme Saül sur le chemin de Damas, sera enveloppée d’une Lumière Céleste et entendra une voix qui lui répètera : ‘‘Ma Fille, pourquoi Me persécutes-tu ?’’. Et, sur sa réponse : ‘‘Qui es-tu, Seigneur ?’’, la voix répliquera : ‘‘Je suis Jésus, que tu persécutes. Il t’est dur de regimber contre l’aiguillon, parce que, dans ton obstination, tu te ruines toi-même’’. Et elle, tremblante, étonnée, dira : ‘‘Seigneur, que voulez-vous que je fasse ?’’. Et Lui : ‘‘Lève-toi, lave-toi des souillures qui t’ont défigurée, réveille dans ton sein les sentiments assoupis et le pacte de notre alliance, et va, fille aînée de l’Église, nation prédestinée, vase d’élection, va porter, comme par le passé, Mon Nom devant tous les peuples et devant les rois de la Terre’’ ».

       Chers Membres de la Confrérie, tout le programme d’action est contenu ici : celui de la France comme le nôtre !

Père Clément de Sainte-Thérèse +


[1] http://www.histoires-a-partager.com/73+il-etait-une-fois-dans-un-royaume-lointain.html 
[2] Selon https://conseildansesperanceduroi.wordpress.com/2013/07/24/la-monarchie-est-de-plus-en-plus-a-la-mode-en-france-rmc-y-a-meme-consacre-un-debat.
[3] Lettre sur le Sillon Notre charge apostolique du 25 août 1910.
[4] http://www.viveleroy.fr/Principe-du-moteur-de-la,71#nb36
[5] Lettre Lumen Ecclesiae (1974) § 1-2 et Allocution au Congrès sur S. Thomas d’Aquin à l’occasion du VIIe centenaire de sa mort, Doc.Cath. n° 1654 (1974) p. 456.

[6] Cf. son De Regno, inspiré de La Politique d’Aristote.
[7] « Toutes les patries ici-bas doivent être le signe de la Patrie céleste (…). Tout homme à naître dans ce monde aspire à s’épanouir au sein d’une société harmonieuse et unie, dès cette vie et dans l’autre. Il relève du gouvernement divin sur l’humanité et nul ne peut l’abroger. La patrie est d’institution divine » (Frère Luc-Marie Perrier, Patrie céleste et patries terrestres, revue Maîtrises Scouts d’Europe n° 182, p. 19).
[8] « La paix est la tranquillité de l’ordre », selon la définition qu’en donne S. Augustin (Bibliothèque augustinienne, chap. 37, p. 740). Il nous livre à l’occasion sa belle « charte de la Paix » : « La paix du corps, c’est l’agencement harmonieux de ses parties. La paix de l’âme sans raison, c’est le repos bien réglé de ses appétits. La paix de l’âme raisonnable, c’est l’accord bien ordonné de la pensée et de l’action. La paix de l’âme et du corps, c’est la vie et la santé bien ordonnées de l’être animé. La paix de l’homme mortel avec Dieu, c’est l’obéissance bien ordonnée dans la foi sous la loi éternelle. La paix des hommes, c’est leur concorde bien ordonnée. La paix de la maison, c’est la concorde bien ordonnée de ses habitants dans le commandement et l’obéissance. La paix de la cité, c’est la concorde bien ordonnée des citoyens dans le commandement et l’obéissance. La paix de la cité céleste, c’est la communauté parfaitement ordonnée et parfaitement harmonieuse dans la jouissance de Dieu et dans la jouissance mutuelle en Dieu. La paix de toutes choses, c’est la tranquillité de l’ordre. L’ordre, c’est la disposition des êtres égaux et inégaux, désignant à chacun la place qui lui convient ».
[9] Nous ne parlons pas ici de la conception antique de la démocratie, comme à Athènes, mais de la démocratie libérale.
[10] Discours aux pèlerins français du 5 mai 1874.
[11] Discours du 29 novembre 1911 lors d’un Consistoire.

Vignette Lys - blogue

2024-111. Message de Sa Majesté à la suite de sa participation au pèlerinage Notre-Dame de Chrétienté à Chartres (Pentecôte 2024).

Mardi de Pentecôte 21 mai 2024.

Monogramme Prince Louis de Bourbon - Louis XX

       Ce mardi de Pentecôte 21 mai 2024, Monseigneur le Prince Louis de Bourbon, duc d’Anjou, de jure Sa Majesté Très Chrétienne le Roi Louis XX, consécutivement à Sa participation au pèlerinage Notre-Dame de Chrétienté, a publié sur les réseaux sociaux la photographie et le communiqué suivants :

Louis XX au pèlerinage ND de Chrétienté Pentecôte 2024

Sa Majesté au milieu des pèlerins du chapitre Notre-Dame de l’Assomption

       Hier, alors que la colonne du pèlerinage de Notre-Dame de Chrétienté s’ébranlait pour sa dernière étape, afin de parcourir les quelques kilomètres qui la séparaient encore de la cathédrale de Chartres, j’ai eu la grande joie de pouvoir me joindre aux milliers de pèlerins. Je tenais à être en communion avec cette jeunesse ardente qui prie et qui marche pour la France et pour l’Église universelle toute entière.
Magnifique leçon pour chacun d’entre nous de voir que l’Espérance, loin de mourir, habite et vivifie ceux qui sont inéluctablement appelés à être le futur de notre pays.

   J’ai porté dans mes prières les joies et les souffrances de la France et de chaque Français et je les ai déposées aux pieds de la Vierge, dans la cathédrale de Notre-Dame de Chartres.

   Je tiens à remercier tout spécialement Son Éminence le Cardinal Müller pour la Messe qu’il a accepté de célébrer pour nous à Chartres.

Que saint Louis nous protège et nous garde tous.

Armes de France & Navarre

2024-100. Où Son Altesse Félinissime le Prince Tolbiac met à profit les inconvénients d’une journée de pluie pour se livrer à des confidences sur sa vie au Mesnil-Marie et termine par une anecdote familiale…

Mercredi 1er mai 2024,
Fête des Saints Apôtres Philippe et Jacques le Mineur.

Tolbiac le 1er mai 2024

Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,

       Aujourd’hui, Frère Maximilien-Marie chante : « C’est le mois de Marie, c’est le mois le plus beau… », et je comprends tout-à-fait que d’un point de vue spirituel ces paroles soient parfaitement justes, mais d’un point de vue météorologique ce n’est pas la même chose, puisqu’il pleut, il pleut, il pleut… et il pleut encore !

   Il en a été ainsi presque tous les jours depuis le début de la lunaison, et il y a fort à craindre qu’il en soit encore ainsi jusqu’à la nouvelle lune.
Sans doute est-ce bénéfique pour les nappes phréatiques et la végétation (parce que j’essaie de voir le côté positif des choses, ainsi que me le recommande mon papa-moine), mais je reste un chat, et point n’est besoin, je pense, de vous rappeler en quelle estime les chats tiennent la pluie !

   A la vérité, derrière la fenêtre, je suis à l’affût de la moindre accalmie, et m’empresse alors de demander à mon moine portier de m’ouvrir l’huis ou la croisée.
A ce propos, je dois bien reconnaître qu’il se montre assez obéissant à mes désirs princiers, et je suis plein de gratitude envers mon illustre prédécesseur, feu le Maître-Chat Lully, de l’avoir bien éduqué.
D’ailleurs, aujourd’hui, il a profité de la même accalmie que moi pour sortir lui-aussi, dûment chaussé de bottes, afin de faire quelques photographies, que je lui ai demandées pour les archives du Mesnil-Marie. Il ne faut pas négliger, en effet, de faire régulièrement des clichés qui permettent de garder en mémoire l’état des lieux à diverses étapes.

   De fait, cela me permet aussi de vous en faire profiter, car il faut bien dire que, même quand il y a de la pluie, notre thébaïde est un lieu où il fait bon demeurer et poursuivre sereinement sa vie monastico-féline.

Le Mesnil-Marie 1er mai 2024 1

   Ainsi que vous le constatez, certains arbres prennent leurs feuilles seulement ces jours-ci. Les lilas commencent juste leur floraison. Les jonquilles, chez nous, ont terminé la leur, mais sur les hauts plateaux proches, au-dessus de 1200 m d’altitude, les prairies sont encore resplendissantes de leur parure jaune d’or.
Rien que de très normal en tout cela : n’oubliez pas que notre Mesnil-Marie se trouve à 720 m d’altitude et que nous sommes entourés de sommets qui dépassent largement les 1000 m.
 

Le Mesnil-Marie 1er mai 2024 2

   Depuis hier, Frère Maximilien-Marie a décidé de cesser de garnir le poêle, néanmoins nous devons maintenir un chauffage électrique d’appoint dans la pièce principale, pour que l’humidité ne s’installe pas.

   Après avoir pris les photographies, mon moine de compagnie est rentré : il avait du bréviaire à dire.
Je suis resté dehors encore un petit moment, à inspecter minutieusement nos terres, espérant y débusquer quelque mulot bien dodu ou quelque autre proie qui eût pu réjouir mes papilles, mais – évidemment ! – une autre averse n’a pas tardé à mouiller mon pelage et je me suis précipité à la fenêtre du bureau pour me la faire ouvrir.

Tolbiac à la fenêtre 1er mai 2024

   Mon moine majordome ne m’a point fait attendre et, comme à l’accoutumée, il a déplié une grande serviette dans laquelle je me suis précipité. C’est mon rituel de séchage : une fois que je suis bien posé en sphynx au milieu de la serviette, mon papa-moine la replie de tous côtés autour de moi, n’en laissant émerger que mon museau, puis il me frictionne, avec un mélange parfaitement équilibré de force et de douceur qui me porte à ronronner très fort. Vraiment, je raffole de ce moment.

   Evidemment, j’ai ensuite grignoté quelques croquettes, puis je suis allé méditer dans mon « ermitage dans l’ermitage » au sommet du secrétaire…

Tolbiac dans son ermitage 1er mai 2024

   J’ai condescendu à une dernière prise de vue pour que vous vous rendiez compte par vous-mêmes que c’est un endroit tout-à-fait convenable pour ma double condition princière et monastique. Frère Maximilien-Marie voulait adjoindre un campanile au pignon de cette cabane toute douce qui m’a été offerte par des amis, mais je l’en ai dissuadé, parce que je n’ai nulle envie qu’on vienne me distraire de mes oraisons en tirant sur la corde d’une clochette : la plupart des humains ne savent pas se maîtriser lorsqu’ils voient la chaîne ou la corde d’une cloche.
J’ai justement à ce sujet une anecdote très authentique à vous rapporter…

   Frère Maximilien-Marie m’a en effet raconté que son propre papa, lorsqu’il avait une dizaine d’années (donc aux alentours de 1944), habitait dans une petite ville où des Sœurs de la Charité de Saint Vincent de Paul (vous savez, celles avec les grandes cornettes si populaires) avaient une petite communauté et tenaient un dispensaire de premiers secours. Il y avait une courette pavée devant chez elles, fermée sur la rue par un haut portail, et une cloche était accrochée sur l’un des piliers du portail, pour appeler les Sœurs en cas d’urgence.
Bien évidemment, les enfants espiègles – au nombre desquels se trouvait le papa de Frère Maximilien-Marie, prénommé Jean – étaient tentés de manière récurrente de tirer sur la chaîne de la cloche, chaque fois qu’ils passaient devant la maison des religieuses, et de s’enfuir en courant avant que les Sœurs n’arrivassent.
Mais le jeune Jean, avait fini par se faire prendre : son papa et même Monsieur le Curé, auquel il servait la messe matinale avant d’aller à l’école, l’avaient grondé à plusieurs reprises… parce qu’il avait recommencé.
L’attrait de la cloche interdite était cependant si fort… Comment répondre à la malicieuse invitation de sa chaîne sans plus risquer de se faire vertement tancer et corriger ?
Jean ne manquait pas d’ingéniosité : il avait demandé un os au boucher, l’avait attaché à l’une des extrémités d’une corde dont il avait solidement noué l’autre bout à la poignée de la cloche des Sœurs.
Je vous laisse imaginer le tintamarre qu’occasionna le passage d’un chien errant qui voulut emporter l’os, la colère (assez justifiée, il faut bien le reconnaître) des religieuses, l’amusement de Jean – caché à proximité -, et le châtiment qu’il reçut ensuite (parce que les soupçons se portèrent très rapidement sur lui) de la part de son père, qui ne tolérait pas que l’on manquât de respect aux religieuses ni que l’on récidivât quand on avait déjà été puni pour une semblable sottise !!!
J’avoue toutefois que cette histoire m’a beaucoup amusé.

le chien, l'os et la cloche

   Mais c’est l’heure du chapelet : je vous laisse…
Toutefois pas sans vous recommander, avec une vraie gravité, de ne pas vous comporter en ingénieux galopins sonneurs de cloches !!!

Tolbiac.

Chat gif en marche

2024-97. « N’attendons pas passivement une renaissance monarchique, grâce à un homme providentiel, qui nous serait accordée sans effort moral de notre part.»

30 avril,
fête de Sainte Hildegarde de Vintzgau, reine des Francs (cf. > ici) ;
Mémoire de Saint Eutrope, premier évêque de Saintes et martyr ;
Mémoire de la vigile des Saints Apôtres Philippe et Jacques.

       Nous publions ci-dessous un texte important du Révérend Père Jean-François Thomas sj. , texte qui a déjà été publié une première fois en février 2017, non pas dans ce blogue, mais comme lettre mensuelle à l’adresse des membres et amis de la Confrérie Royale. Il nous semble plus que judicieux de le faire remonter à la surface de la mémoire de ceux qui l’avaient lu alors, et encore plus que nécessaire de le porter à la connaissance de ceux qui ne le connaissaient pas jusqu’à ce jour-ci. Ici, en effet, sont énoncées les conditions morales indispensables pour une authentique et solide restauration monarchique.

couronne sur coussin et lys au naturel - blogue

Un sujet vertueux

       Lorsque la nostalgie est le seul mouvement qui guide l’esprit vers l’attachement à la monarchie, le regard est biaisé et la direction prise complètement erronée. Certains se mettront alors à rêver d’un roi pieux et vertueux pour résoudre les problèmes du temps, sans jamais se regarder eux-mêmes et se demander si œuvre de conversion n’est pas aussi nécessaire pour mériter un tel prince.
La monarchie est un système complexe de relations entre un chef sacré par Dieu et des sujets mettant tout en œuvre pour être conformes, eux aussi - chacun à son degré - à cette élection surnaturelle. Il est possible que Dieu nous ait retiré, si violemment, le roi si vertueux Louis XVI, parce que nous ne correspondions plus à notre vocation éminente de sujets vertueux.
Un pays n’a pas simplement besoin d’un souverain au-delà de tout reproche, il repose aussi sur des âmes qui doivent partager cette même et unique grâce. Ce n’est pas simplement la tête qui doit être fidèle aux promesses du baptême reçu par Clovis, mais tous les sujets de France et de Navarre.

   A partir du moment où les Français ont voulu s’émanciper de cet appel commun à la sainteté, ils ont abandonné leur statut de sujets vertueux pour devenir des citoyens soucieux de leur liberté, pourtant très surveillée. La quête de la liberté, mal comprise, a remplacé celle de la vertu. Or les grands siècles chrétiens de notre histoire sont une lutte constante et individuelle pour grandir dans l’exercice des vertus, surtout les XIIème-XIVème siècles et le XVIIème siècle. Etre vertueux ne signifie pas être immaculé et sans péché, mais être un pécheur domptant sans cesse ses faiblesses avec la grâce de Dieu et dévoilant ainsi sa force. Lorsque tout un peuple, et pas simplement le prince, s’applique à cet exercice, le résultat est celui de la grandeur, même si les hommes demeurent toujours imparfaits.

   René Schwob, dans Ni grec ni juif, écrit : « La faiblesse qui se croit forte est impotente et vaine. La faiblesse qui se sachant telle, consent à son effacement, s’exalte d’autant. Dieu n’y résiste pas. Il s’y engouffre. Il la déborde. Il l’inonde, jusque dans ses souffrances, des grâces de la lumière et de l’indubitable joie. Il faut donc, sinon prêcher la faiblesse, la confesser et la vivre. » Telle est la véritable vertu de force, celle qui renverse des montagnes avec humilité.

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Cathédrale de Strasbourg : les vertus terrassant les vices

   L’homme de 1789 a oublié cette vérité pour s’engouffrer dans l’orgueil bien vain d’une autonomie réclamée en tout domaine. L’homme du Moyen-Age et du Grand Siècle, beaucoup plus libre, ne l’était que par son obéissance au réel et son adhésion à son statut de sujet aimé de Dieu et protégé par le prince. L’important n’est pas de savoir si des chefs très chrétiens ont failli à leur mission, ce qui est inévitable humainement, mais de juger de la capacité d’un peuple à grandir dans la foi et la vertu car conscient de son élection particulière. Les scandales et les crimes politiques qui parsèment l’histoire de nos républiques successives montrent bien que sans le guide de la vertu évangélique, rien de bon ne peut être accompli. Les hommes d’aujourd’hui ne sont pas essentiellement plus pécheurs que leurs ancêtres, mais ils sont moins vertueux car naviguant à vue et sans boussole, ceci par refus conscient et volontaire.

   Certes, pour reprendre une expression de Claudel, « le combat spirituel est aussi   brutal que la bataille d’hommes », mais il fut un temps, celui du royaume terrestre de France, où les sujets étaient quotidiennement aidés dans cette lutte par la contemplation de ce à quoi ils étaient appelés. Ils savaient qu’ils pouvaient atteindre ce qui semblait être trop haut à première vue. Les habitants de Paris ou d’Amiens, passant chaque jour devant leur cathédrale, n’avaient pas à lever les yeux vers le ciel pour deviner les statues des vertus.

   Elles trônaient, comme des jeunes filles chastes et simples, à portée de main, et la poussière soulevée par l’activité incessante de la cité les enveloppait. Ces vertus sont en lutte avec les vices. Depuis Tertullien et son De Spectaculis, chaque baptisé connaissait la forme concrète de la lutte intérieure de l’homme dont parle sans cesse l’Evangile. Tertullien avait donné figure à ces vertus et à ces vices, et les artistes chrétiens mettront en images ce vers quoi un sujet fidèle devait tendre. Emile Mâle, dans L’Histoire de l’art religieux au XIIIème siècle, souligne très justement : « Le christianisme n’a point apporté la paix au monde, mais la guerre ; l’âme est devenue un champ de bataille. L’harmonie que les anciens sages, dans    leur ignorance de la vraie nature de l’homme, avaient voulu faire régner en eux, n’est pas de ce monde : tant que nous vivons, les deux hommes qui sont en nous combattent. »
L’homme de la révolution, déjà tout pétri des idées de Rousseau et persuadé que l’homme était naturellement bon, n’a plus besoin d’être un sujet vertueux constamment dans la mêlée de cette tension de sa conscience et de son âme. Il se déclare maître de lui-même et les pires catastrophes le guettent. Le poète antique Prudence, – au nom si providentiel -, avait pourtant, avant le christianisme, perçu et analysé ce combat dans sa Psychomachie qui inspirera aussi tant d’artistes, déjà dans les fresques des catacombes.
Ainsi, au portail de la cathédrale de Strasbourg, nous pouvons contempler les vertus virginales qui achèvent à coup de lance les vices tombés à terre. Tous les grands sanctuaires présentent peu à peu, sur le verre ou dans la pierre, la bataille acharnée entre les vertus et les vices, ceci toujours dans le même ordre et avec une liste identique : la Foi et l’Idolâtrie, l’Espérance et le Désespoir, la Charité et l’Avarice, la Chasteté et la Luxure, la Prudence et la Folie, l’Humilité et l’Orgueil, la Force et la Lâcheté, la Patience et la Colère, la Douceur et la Dureté, la Concorde et la Discorde, l’Obéissance et la Rébellion, la Persévérance et l’Inconstance. Sans toujours un rapport direct avec la description des vertus et des vices dans les grandes oeuvres théologiques de saint Augustin, d’Isidore de Séville, de saint Thomas d’Aquin ou de Guillaume d’Auvergne, ces représentations, en statues ou en bas-reliefs, ont façonné la conscience morale des sujets vertueux pendant des générations.

cathédrale de Strasbourg détail des vices terrassés par les vertus

Cathédrale de Strasbourg : détail des vices que terrassent les vertus

   Aujourd’hui, même les âmes les plus pieuses ne portent qu’un regard distrait sur les œuvres léguées par nos pères dans la foi ou bien n’éprouvent qu’un intérêt esthétique, somme toute très superficiel. Si nous voulons retrouver notre vocation de sujets vertueux, nous devons renouer aussi avec les méthodes éprouvées au cours des temps pour grandir dans la vertu et gagner de plus en plus de batailles. Nous sommes loin du christianisme mou trop couramment prêché depuis que les chaires ont été désertées. Le sujet vertueux sait que l’Esprit Saint est prêt à fondre sur lui comme une cataracte de feu à chaque instant, d’où son souci de demeurer dans la disposition la moins indigne possible pour L’accueillir.

   N’attendons pas passivement une renaissance monarchique, grâce à un homme providentiel, qui nous serait accordée sans effort moral de notre part. La restauration, qui sera une renaissance, doit jaillir d’abord dans chaque cœur soucieux du bien, du beau et du vrai. Sinon la monarchie ne serait qu’un décor de théâtre, comme elle l’est d’ailleurs encore en certains pays. Si nous voulons que le royaume de France ressuscite, il est nécessaire de devenir des sujets vertueux pour accueillir un prince qui sera fidèle aux mêmes commandements et exigences évangéliques. Tout le reste n’est que rêve politique inutile et condamné à l’échec. Ne nous lassons pas de contempler les vierges sages et les vierges folles aux portails des cathédrales et demandons-nous ce que nous mettons en œuvre pour aider les premières à vaincre les secondes.

Père Jean-François Thomas s.j.
(lettre mensuelle de la Confrérie Royale envoyée le 25 février 2017)

vertus et vices - Notre-Dame de Paris

Vertus et vices sculptés au portail occidental de Notre-Dame de Paris

2024-96. Des qualités que doit revêtir l’amour que nous portons à notre Roi légitime pour être véritable.

25 avril 2024,
Cinquantième anniversaire de la naissance de Sa Majesté (25 avril 1974).

Leurs Majestés - blogue

       A l’occasion de ce jour anniversaire de la naissance (25 avril 1974) de Monseigneur le Prince Louis de Bourbon, duc d’Anjou, de jure Sa Majesté le Roi Louis XX, je vous propose de réfléchir sur l’amour que nous devons à notre Souverain légitime, en particulier en tant que membres de la Confrérie Royale.

1) L’amour que nous portons à Monseigneur le Prince Louis de Bourbon n’est évidemment pas un « amour intéressé » : 

   Nous ne sommes pas légitimistes, nous ne sommes pas membres d’une confrérie de prières pour le Roi et pour la France, afin d’en attendre des honneurs, des gratifications, et des récompenses (hormis les récompenses célestes que Dieu accorde à Ses bons et fidèles serviteurs).
Nous ne sommes pas des courtisans. Nous ne voulons pas appartenir à la race de ceux qui, lorsque le Prince paraît en quelque endroit, se précipitent juste pour se faire voir, pour se faire remarquer du Prince, pour se faire prendre en photo avec lui, à seule fin de se faire ensuite valoir aux yeux des autres.
L’engagement dans cette Confrérie doit être animé par l’esprit des humbles serviteurs tels qu’ils sont décrits dans le saint Evangile, animé par une volonté d’œuvrer spirituellement et en profondeur, dans l’ombre, sous le regard de Dieu, des anges et des saints, avec la discrétion du levain enfoui dans la pâte.

2) L’amour que nous portons à Monseigneur le duc d’Anjou n’est évidemment pas non plus un amour sensible :

   Lorsque je parle d’amour sensible, je parle d’un amour qui se fonderait sur les qualités extérieures et physiques que perçoivent les sens.
Que des adolescentes un peu évaporées puissent dire du Prince Louis avec toutes les simagrées d’usage : « Il est trop beauuuuuuuuuu ! On l’aimeeeeeeeee ! » cela pourrait être excusable ; mais que ce soit là un motif d’être « légitimiste » et d’aimer le Prince ne sied évidemment pas à des adultes raisonnables !
Certes, on peut dire que le Prince est bel homme, et qu’il sait se montrer charmant lors des manifestations au cours desquelles ses sujets peuvent le saluer, mais ce n’est en aucune manière la raison fondamentale pour laquelle nous l’aimons : s’il était laid et contrefait, ou bien s’il faisait montre de mauvais caractère, nous devrions néanmoins l’aimer indépendamment de cela, et nous devrions même l’aimer davantage !

3) L’amour que nous portons à Louis XX, notre Roi, n’est pas non plus un amour sentimental :

   L’amour sentimental se nourrit de romantisme ; l’amour sentimental est pétri d’illusions idéalistes. Mais l’amour que nous portons à l’héritier et successeur légitime des Rois de France n’est ni du romantisme, ni de l’idéalisme : de la même manière que la royauté traditionnelle française est réaliste, nous devons porter à notre Prince un amour réaliste.
Comme tout un chacun, Monseigneur le Prince Louis a des qualités et des défauts ; comme tout un chacun, Monseigneur le Prince Louis a des vertus et aussi des capacités à trahir la vertu ; comme tout un chacun, Monseigneur le Prince Louis a reçu des grâces et des dons particuliers de la Providence et porte en lui l’héritage du péché originel et les conséquences de ses propres manquements à la grâce.
Louis XX n’est pas le chevalier blanc des contes de fées, ni le super-héros aux super-pouvoirs infaillibles : c’est parce que nous avons conscience – une vraie conscience chrétienne – que le Prince doit lutter, comme tout un chacun, ici-bas contre les tentations de ce monde que nous devons l’aimer et que notre amour, conscient des dangers qui le guettent, doit être d’autant plus réaliste et fort.

Monogramme Prince Louis de Bourbon - Louis XX

   Ainsi, après avoir précisé ce que notre amour pour le Prince n’est pas, pouvons nous développer encore ce que doit être – ce qu’est déjà, mais ce que doit être toujours davantage et toujours mieux – l’amour que nous portons à notre Souverain légitime :

A - Avec toute notre intelligence et toute notre âme raisonnable, légitimistes, nous devons reconnaître et vénérer en Monseigneur le Prince Louis de Bourbon celui que désignent, selon les mystérieux desseins de la Providence et de la Sagesse divines, les Lois fondamentales du Royaume (cf. > ici) pour l’accomplissement de la volonté politique de Dieu sur la France.

B – Avec toute notre volonté, informée par les vertus théologales de foi, d’espérance et de charité, et par les vertus cardinales de force, de tempérance, de justice et de prudence, nous devons aimer Monseigneur le Prince Louis essentiellement parce qu’en lui s’incarnent les Principes de la monarchie traditionnelle voulue par Dieu pour la France.

   C’est en cela que consiste l’amour véritable que nous devons au Prince, notre Souverain légitime.
Et cela est fort ; cela a de la consistance ; cela nous porte avec l’énergie de la grâce qui a fait irruption dans l’histoire de France lors du baptême-sacre de Clovis et qui traverse et traversera les siècles, de génération en génération, tant qu’il y aura une France, et tant qu’il sera permis d’espérer !

   C’est cet amour, réaliste et surnaturel à la fois, qui fait que nous ne sommes pas des « groupies », que nous n’entretenons pas un bêtifiant culte de la personnalité, et qui nous garantit contre toutes les déceptions liées aux fragilités humaines.
C’est ainsi que, contrairement aux « fans » des stars de la chanson ou du cinéma – qui se comportent de manière surexcitée, voire à demi-hystérique -, cet amour authentique du Prince nous fait ployer le genou et baiser sa main, parce qu’il nous place en présence d’un mystère et d’une grâce, trésor porté, ainsi que le dit Saint Paul, dans un vase d’argile mais trésor véritable cependant, et trésor qui peut seul relever et faire revivre la France cruellement blessée et gisant dans la boue.

« Domine, salvum fac Regem nostrum Ludovicum, et exaudi nos in die qua invocaverimus Te :
Seigneur, sauvez notre Roi Louis, et exaucez-nous au jour où nous Vous invoquerons ! »

Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur.

couronne avec lis au naturel - blogue

2024-90. Message de Sa Majesté à l’occasion du cinquième anniversaire de l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris.

2019 – 15 avril – 2024

Message de Monseigneur le Prince Louis de Bourbon,
duc d’Anjou,

de jure Sa Majesté le Roi Louis XX

cinq ans jour pour jour après l’incendie de
la Cathédrale Notre-Dame de Paris

frise fleurs de lys

Incendie de Notre-Dame de Paris 19 avril 2019

Ce lundi 15 avril, Monseigneur le Prince Louis de Bourbon, duc d’Anjou, de jure Sa Majesté le Roi Louis XX a publié sur les réseaux sociaux le message suivant :

     15 avril 2019-15 avril 2024 : 5e anniversaire de l’incendie qui a ravagé Notre-Dame de Paris.
L’objectif de la réouverture pour la fin de l’année semble désormais tenu.                       
Chantier de Notre-Dame de Paris - avril 2024
Devant l’ampleur du chantier comment ne pas s’extasier ?
Beau miracle permis par ceux totalement investis dans leur tâche, maîtrisant leur art et leurs pratiques.
Chantier de Notre-Dame de Paris - chevet
Puisse la France renaître elle aussi si vite alors qu’elle est si meurtrie de tant et tant de maux qui l’assaillent à l’intérieur comme à l’extérieur…
Ce chantier du siècle, montre une nouvelle fois que les Français savent quand il le faut, renouer avec le don d’eux-mêmes et le courage quand il s’agit de la France et de sa grandeur.

Louis, duc d’Anjou.

chantier de Notre-Dame de Paris - fin des charpentes du chevet

frise fleurs de lys

2024-88. Où, pour le deux-millième article de ce blogue, Son Altesse Félinissime le Prince Tolbiac livre aux amis du Mesnil-Marie une clef infaillible de réussite.

Samedi 13 avril 2024,
Fête de Sainte Ide de Lorraine, veuve (cf. > ici et > ici) ;
Mémoire de Saint Justin de Naplouse, martyr (cf. > ici) ;
Mémoire de Saint Herménégilde, martyr.

Tolbiac écrivant - blogue

Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,

       Frère Maximilien-Marie m’a dit ce matin : « Hier soir, a été publié sur le blogue le mil-neuf-cent-quatre-vingt dix-neuvième article ! Ne voudrais-tu pas prendre en charge la rédaction du deux-millième ? »
Je ne pouvais me soustraire à cette sollicitation. Je ne voulais toutefois pas vous rédiger quelque longue missive, amis lecteurs, mais plutôt vous adresser seulement quelques lignes fortes qui vous soient utiles chaque jour et jusqu’à la fin de vos jours… J’avais ma petite idée en tête, ayant moi-même été très marqué par une très belle citation que mon papa-moine a retranscrite dans ses carnets de notes personnelles (auxquels je suis le seul à avoir l’autorisation d’accéder) en juin 1991.

   Il s’agit de quelques phrases de feu le général Yves Béchu (1932-1990), nommé gouverneur militaire de Lyon en 1989 et emporté prématurément par une crise cardiaque dans les premiers jours de mai 1990. Je suis convaincu que vous  en apprécierez la teneur et qu’elle vous sera très profitable : goûtez ces mots comme on savoure un met de choix, mais surtout assimilez-en la riche substance pour la faire passer dans votre âme et en vivre profondément…

pattes de chat Tolbiac.

   « Rappelez vous que la foi n’est pas l’absence de doutes, mais la capacité de les surmonter quand ils vous assaillent.
Que le dynamisme n’est pas l’absence d’abattement, mais la faculté de mobiliser son énergie alors même qu’on se sent épuisé.
Que le courage n’est pas d’ignorer la peur, mais de vouloir la surmonter quand elle vous étreint.
Que le succès n’est pas l’absence d’échecs, mais de savoir les reconnaître pour pouvoir les surpasser. »

Chevalier s'élançant

2024-66. Faire ses Pâques.

Premier dimanche de la Passion.

Pierre Antoine Novelli - le sacrement de pénitence - blogue

Pierre Antoine Novelli (1729-1804) : le sacrement de pénitence

   Les troisième et quatrième commandements de l’Eglise (dans leur formulation traditionnelle – cf. > ici) stipulent :

3. Tous tes péchés confesseras,
à tout le moins une fois l’an.

4. Ton Créateur tu recevras,
au moins à Pâques humblement.

   Il n’est jamais inutile de rappeler que la Sainte Eglise notre Mère fait à tous ses fidèles l’obligation de communier au moins une fois dans l’année, à l’occasion de la fête de Pâques, et, en vue de cette communion pascale, de s’y bien préparer par une confession sérieuse, complète et détaillée.
Le manquement à ces préceptes constitue donc en soi un péché grave.
Ce qui est résumé dans les deux préceptes rimés cités ci-dessus se trouve rappelé, évidemment, dans le Code de Droit canonique et le catéchisme.

Vignette Agneau pascal - blogue

   L’Eglise a toujours accordé une très grande importance à la communion pascale, précédée d’un bonne confession, et, jusqu’à une date relativement récente, les fidèles devaient accomplir cette communion pascale dans leur paroisse (raison pour laquelle, par exemple, lorsque le Roi et sa famille résidaient à Versailles, ils se rendaient à la paroisse Notre-Dame, leur paroisse, pour faire leur communion pascale, même s’ils assistaient quotidiennement à la Sainte Messe à la chapelle royale ; sous la Restauration, la famille royale, qui résidait aux Tuileries, s’acquittait du devoir pascal dans l’église paroissiale, qui était Saint-Germain-l’Auxerrois).
Les curés avaient la charge de veiller à ce que tous leurs paroissiens s’acquittassent de leur devoir pascal ; ils tenaient souvent une sorte de « comptabilité » des fidèles qui s’y conformaient et de ceux qui « ne faisaient pas leurs Pâques » ; ils devaient en rendre compte à Monseigneur l’Evêque. Heureux et légitimement fier, le prêtre qui pouvait dire au Chef du diocèse : « Monseigneur, cette année, tous mes paroissiens ont fait leurs Pâques ! ».

   Le refus de se soumettre aux préceptes de la confession annuelle et de la communion pascale, constitue, dans les faits, une espèce d’apostasie pratique, puisque c’est un refus en acte de se conformer à ce que la Sainte Eglise nous demande au nom et par l’autorité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, un refus pratique d’adhérer à la foi divinement révélée.

   Pour la communion pascale, l’Eglise demande aux fidèles de s’y conformer entre le premier dimanche de la Passion et le dimanche du Bon Pasteur (c’est à dire qu’elle donne un mois pour s’en acquitter : deux semaines avant et deux semaine après Pâques).
Les malades qui ne peuvent pas se rendre à la messe peuvent faire leur communion pascale (en faisant venir chez eux leur prêtre pour qu’il les confesse et communie) jusqu’à la fête de la Sainte Trinité.
S’il est, bien sûr, préférable que la communion pascale soit accomplie le Saint Jour de Pâques, il ressort néanmoins du temps accordé par l’Eglise pour s’en acquitter qu’il n’est pas rigoureusement prescrit que cette communion soit faite à la Messe pascale : on voit, par exemple, sous la Restauration, la famille royale aller « faire ses Pâques » à Saint-Germain l’Auxerrois le mardi ou le mercredi saints (ce qui ne les dispensait évidemment pas d’assister aux offices du Triduum Sacré et du Saint Jour de Pâques dans la chapelle des Tuileries).

Vignette Agneau pascal - blogue

   Bien sûr, l’obligation de se confesser et de communier au moins à Pâques, peut paraître « étonnante » aux fidèles qui ne manquent pas la messe dominicale, qui se confessent et communient très régulièrement, avec une véritable ferveur ; toutefois, il faut se souvenir que ce n’est pas le cas (malheureusement !) d’une majorité de catholiques, et que, par ces commandements, dans sa miséricordieuse sollicitude pour les âmes, notre Mère la Sainte Eglise, offre aux moins fervents de ses enfants la possibilité de garder un lien sacramentel, un lien de grâce et de vie surnaturelle, avec notre divin Rédempteur.
Mais trop nombreux – hélas ! -, sont les baptisés qui négligent cette démarche. 

   Evidemment, ceux qui font leurs Pâques ne doivent pas se contenter de ce devoir minimum : c’est chaque dimanche, en effet, qu’un catholique véritable assiste à la Sainte Messe, et que, si possible, il y communie au Pain de Vie, nourriture indispensable de l’âme : « Si vous ne mangez pas Ma chair et ne buvez pas Mon sang, vous n’aurez pas la vie en vous » (Jean VI, 54).

   Mais, en France en particulier, 1) la raréfaction dramatique du clergé et 2) l’état de déshérence dans lequel se trouvent les paroisses rurales, 3) les conséquences d’un enseignement du catéchisme qui a été, depuis au moins cinq décennies, réduit à une espèce de vague morale très horizontale de type humanitariste, sans solide apprentissage des commandements et des préceptes, et enfin 4) la négligence de beaucoup de prêtres, dans leur prédication, à rappeler la doctrine avec ses conséquences pratiques, ont grandement contribué à la perte de conscience de l’importance de la communion pascale et de la confession qui la doit précéder.

Vignette Agneau pascal - blogue

   On constate aussi que les personnes qui négligent de confesser régulièrement leurs péchés à un prêtre sont nombreuses à l’heure actuelle ; c’est une attitude qui inquiète beaucoup les pasteurs authentiquement zélés et consciencieux, puisque par ailleurs beaucoup de ces personnes vont néanmoins communier sans, semble-t-il, se demander si elles en sont dignes.
Si déjà une communion reçue dans une âme en état de grâce, mais insuffisamment purifiée et fortifiée par les grâces propres au sacrement de pénitence, risque d’être bien peu enrichissante sur le plan spirituel, il importe d’autant plus d’insister sur le fait qu’une communion reçue dans une âme en état de péché mortel – c’est-à-dire en état de séparation avec Dieu -, est non seulement totalement infructueuse mais qu’elle constitue au premier chef un péché très grave, un sacrilège.
Alors, ainsi que nous en avertit Saint Paul : « quiconque mange et boit indignement, mange et boit sa propre condamnation, ne discernant pas le Corps du Seigneur » (1 Cor. XI, 29).

   Dans la situation présente, il n’est donc pas inutile non plus de rappeler avec vigueur que celui qui a conscience d’avoir commis un péché mortel ne doit pas recevoir la sainte communion – même s’il éprouve une grande contrition – sans avoir au préalable reçu l’absolution sacramentelle, et, qu’en outre ce n’est pas parce qu’on n’a pas conscience d’avoir commis un ou des péchés mortels qu’on n’en a pas commis !

   Chacun a le grave devoir d’éclairer sa conscience en lisant le catéchisme, et en questionnant un prêtre sûr, sinon, on s’arrange une petite « religion-self-service », à sa convenance, qui n’a plus rien à voir avec la véritable Religion révélée par Notre-Seigneur Jésus-Christ !

Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur. 

Pierre Antoine Novelli - la sainte communion - blogue

Pierre Antoine Novelli (1729-1804) : la sainte communion

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