2010-21. Peut-on interpréter cet « assourdissant silence » comme autre chose que l’aveu d’une lâcheté ou d’une trahison?
Vendredi 21 mai 2010.
Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,
Je vous préviens tout de suite : je vais écrire des choses qui ne plairont pas à certains, qui les feront grincer des dents, qui me vaudront d’être encore plus détesté d’eux et me susciteront peut-être de nouvelles inimitiés… Comme cependant je ne suis qu’un simple petit chat, je ne vais pas hésiter à me servir de la souveraine liberté des félins pour vous livrer quelques réflexions sur une nouvelle qui est passée inaperçue pour bien des catholiques.
Tous les soirs, avec Frère Maximilien-Marie, nous prenons connaissance de l’actualité du monde et de l’Eglise. Grâce à Internet, nous avons accès à un grand nombre de sites d’information : ceux que l’on peut qualifier de « généraux », et ceux qui sont plus « spécialisés » comme les sites des diocèses, de la conférence épiscopale et – bien entendu et surtout – du Saint-Siège. Nous allons aussi chercher des informations dans ce qu’il est convenu d’appeler la « blogosphère catholique ». Je veux aujourd’hui faire une mention spéciale de l’excellent blog intitulé Perepiscopus dans lequel j’ai lu quelque chose qui m’a fait bondir, rugir et sortir mes griffes.
De quoi s’agit-il?
Au député socialiste Christian Bataille, qui soulignait que les élèves de l’enseignement public convoqués dans des écoles catholiques sous contrat pour y passer les épreuves du baccalauréat se trouvent contraints de composer dans des salles qui comportent des signes religieux, Monsieur Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, a adressé la réponse suivante : «L’organisation de l’examen du baccalauréat est l’un des aspects du service public de l’éducation. À ce titre, il est évidemment soumis, Monsieur Bataille, au principe de neutralité, et il est demandé au recteur de veiller au respect effectif de cette neutralité. Ainsi, les épreuves écrites comme les épreuves orales doivent se dérouler dans des salles où aucun signe religieux extérieur ostentatoire ne doit être mis en avant.»
Maximilien Bernard, qui a rédigé cette information dans le blog sus-nommé, ajoute ce commentaire : « Ce laïcisme outrancier repose sur une erreur : le Service interacadémique des examens et concours (SIEC) a écrit explicitement, noir sur blanc, dans ses documents d’organisation du bac, que la loi sur les symboles religieux à l’école ne s’applique pas aux centres d’examen. Les établissements catholiques sont donc parfaitement dans leur droit en laissant les crucifix aux murs. (…) Mais le plus grave n’est sans doute pas là : elle est dans l’absence de réaction de l’épiscopat. Deux semaines après la réponse du ministre, il n’y a toujours strictement aucune réaction de la part de la direction de l’enseignement catholique. »
Vous avez bien lu comme moi : alors que la loi sur les insignes religieux « ostentatoires » ne s’applique pas aux locaux d’examens, alors que le ministre commet un véritable abus de pouvoir, alors que les recteurs d’académie vont être autorisés au mépris du texte de la loi à faire retirer les crucifix des salles d’examen installées dans les bâtiments de l’enseignement catholique, depuis deux semaines aucune instance officielle de l’Eglise de France n’avait élevé la moindre protestation!
« N’avait » : parce qu’en effet l’interpellation de Maximilien Bernard a, semble-t-il, eu un effet bénéfique et a entrainé ce soir un communiqué de l’Adjoint au Directeur Diocésain de l’Enseignement Catholique de Paris, qu’on pourra donc trouver > ici.
Je ne vous cache pas que cette publication, même si elle me réjouit un peu, me paraît particulièrement embarrassée et sans vigueur. Pour ce qui me concerne, je ne vais pas m’entraver les pattes avec de la diplomatie : si les académies réquisitionnent les locaux des établissements diocésains, qu’elles en respectent les caractères qui sont tout simplement liés à leurs légitimes propriétaires, ou bien qu’elles aillent se faire voir ailleurs! Cela me semble une évidence qui découle du respect de la propriété privée, laquelle existe encore sur cette terre de France, au moins en théorie.
Aux examinateurs animés d’un tel zèle laïcard, je voudrais dire tout bonnement ceci : « Lors même que vous faites enlever les crucifix des salles d’examen installées dans les locaux de l’enseignement catholique, vous devriez toutefois craindre d’y mettre les pieds puisque ces locaux eux-mêmes, avec ou sans crucifix, demeurent la propriété de structures qui sont (au moins dans leur nom) catholiques. Mesdames et Messieurs les examinateurs qui vous insurgez contre la présence de croix dans les salles des établissements catholiques, vous devriez aussi faire bien attention aux sols catholiques sur lesquels vous allez mettre les pieds, aux chaises catholiques sur lesquelles vous allez poser vos derrières, aux distributeurs de café catholiques auxquels vous irez chercher une boisson… etc. Ces bâtiments catholiques, ce mobilier catholique, payé avec l’argent des catholiques ne risquent-ils pas d’avoir sur vos pieds, sur vos postérieurs et sur vos estomacs le même effet que l’eau bénite sur un possédé? Vous ne vous insurgez point contre l’injustice institutionnalisée qui fait que les parents choisissant l’enseignement catholique pour leurs enfants en payent deux fois la scolarité! Vous ne protestez pas contre le fait que l’argent des catholiques contribue à vos salaires de fonctionnaires laïcs!… Si vous ne voulez pas des quelques symboles catholiques qui subsistent encore dans les locaux de l’enseignement diocésain, ne vous gênez surtout pas pour aller installer vos salles d’examen dans les écoles coraniques ou talmudiques, dans les ateliers où planchent les sectateurs du Grand Orient ou encore dans les salles municipales. Mais alors n’omettez pas non plus de réclamer qu’on en fasse disparaître tous les signes d’appartenance à l’islam, au judaïsme, à la maçonnerie et même le buste de la « Marianne » puisque elle est, elle aussi, le signe ostentatoire d’une espèce de religion laïque totalitaire qui exige la soumission des consciences à son idéologie et la soumission du comportement à sa pseudo morale et à ses rites! »
Mais – hélas! – déjà beaucoup d’écoles dites catholiques n’ont plus de crucifix, ni même une vague croix stylisée, dans leurs salles de classe. Je pourrais citer des cas très précis et circonstanciés de directeurs d’écoles, nommés par les Directions Diocésaines de l’Enseignement Catholique qui, de manière plus ou moins larvée, plus ou moins violente, plus ou moins rapide, plus ou moins déclarée, ont ruiné l’enseignement du catéchisme, ont retiré ou fait retirer crucifix, statues de la Vierge ou autres tableaux religieux dans les établissements qui leur étaient confiés par l’autorité ecclésiastique ou par les congrégations religieuses. Je pourrais parler de ces Directeurs Diocésains de l’Enseignement Religieux – des prêtres parfois! – qui ont fait la guerre aux professeurs qui maintenaient la prière au début de leurs cours… Oui, je pourrais citer des noms parce que depuis 30 ans qu’il évolue dans le milieu ecclésiastique, mon papa a pu prendre beaucoup de notes et relever beaucoup de témoignages qu’il garde très précieusement.
J’irai plus loin encore.
Peut-on attendre de certains évêques qu’ils montent au créneau pour défendre le maintien des crucifix dans les écoles, alors que, dans la rue – et même lorsqu’ils sont à Rome (je ne l’invente pas, plusieurs personnes que je connais en ont été très récemment les témoins) – , ils planquent leur croix pectorale dans la poche de poitrine de leur chemise, laquelle est souvent d’un gris ou d’un bleu tellement clair qu’on a toutes les peines du monde à y distinguer le petit carré blanc de leur col de clergyman?
Peut-on espérer que le quotidien quasi officiel de l’Eglise de France, malgré son nom, prenne la défense de la croix qu’il a enlevée depuis déjà longtemps de sa première page?
L’épiscopat français n’a pas été fichu (où donc était la sacro-sainte collégialité ce jour-là?) de faire bloc derrière l’Archevêque d’Avignon quand celui ci a rappelé les exigences et la spécificité d’un authentique enseignement catholique.
Ces évêques, leurs collaborateurs ou leurs commissions sont souvent très prompts à publier des protestations contre l’expulsion de personnes qui sont en dehors de la légalité républicaine (cette république pour les « valeurs » de laquelle ils n’hésitent pas à ressortir les encensoirs dont ils sont par ailleurs si avares pour Dieu dans leurs liturgies!), mais ils n’ouvrent pas la bouche, ou alors très mollement, quand c’est Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même qui est expulsé et qui se trouve victime de l’exclusion dans les bâtiments mêmes qui appartiennent aux diocèses ou aux congrégations… Point de « cercles de silence » en faveur du Saint Crucifix!
En écrivant ces lignes, je veux aussitôt ajouter que j’espère me tromper, et que je voudrais de tout mon coeur être dans l’erreur. Ne pouvant être au courant d’absolument tout, je souhaiterais que quelque évêque, quelque commission épiscopale ou diocésaine, quelque directeur d’établissement ou quelque syndicat d’enseignants chrétiens ait déjà élevé une vraie et véhémente protestation pour demander que la loi soit strictement respectée et que donc soient repoussées les prétentions sectaires de ceux qui veulent bannir Jésus des écoles qui appartiennent à Son Eglise.
1880: la troupe envoyée pour retirer les crucifix des écoles…
Somme toute, que des francs-maçons qui continuent à se réclamer de ces « grands ancêtres » qui ont envoyé à la guillotine, à la noyade ou à la fusillade, des milliers de prêtres, de religieux et de fidèles entre 1789 et 1799 veuillent la suppression de tous les symboles du catholicisme en France, cela reste dans une continuité logique absolue ; que des gauchistes qui se rattachent à l’idéologie socialo-marxiste qui a fait plus de 70 millions de victimes dans le monde – et spécialement d’innombrables martyrs depuis 1917 dans les populations chrétiennes d’Europe de l’Est, d’Asie, d’Amérique latine ou d’Afrique – veuillent faire disparaître le Saint Crucifix de tout les lieux publics en France, c’est parfaitement cohérent et il n’y a pas à s’en étonner…
Mais cet assourdissant silence des autorités religieuses est-il normal, logique, cohérent? Peut-on l’interpréter autrement que comme un aveu de lâcheté ou de trahison? « Celui qui aura rougi de moi et de mes paroles, au milieu de cette génération adultère et pécheresse, le Fils de l’homme aussi rougira de lui lorsqu’il viendra dans la gloire de son Père avec les saints anges » (Marc VIII, 38). « Quiconque me confessera devant les hommes, moi aussi je le confesserai devant mon Père qui est dans les cieux : mais celui qui m’aura renié devant les hommes, moi aussi je le renierai devant mon Père qui est dans les cieux » (Matth. X, 33).
Certains écriraient à propos de ceux dont on est légitimement en droit d’attendre qu’ils se comportent en véritables défenseurs de la Foi et de l’Eglise, qu’ils ne sont plus que des carpettes… mais je ne l’écrirai pas : une carpette en effet – et surtout pour un chat – peut-être quelque chose de très agréable d’autant que, dans les bonnes maisons, elles sont normalement propres et très jolies ; la comparaison serait donc fausse! Je reprendrai simplement à mon compte l’expression du prophète Isaïe (LVI, 10), comme l’avait fait en son temps Monseigneur Seitz (dernier évêque français au Vietnam qui a courageusement dénoncé la complicité tacite de certains hommes d’Eglise et des politiciens occidentaux avec les persécuteurs des chrétiens) : ils se comportent comme des chiens muets – « canes muti » – alors qu’ils eussent dû aboyer pour avertir de l’arrivée des voleurs et attaquer pour les mettre en fuite.
Au fond du problème, il y a d’une part la manière dont les contrats d’association avec l’état ont été négociés et appliqués. Cela porte un nom très précis : prostitution… Car dans leur grande majorité, l’enseignement dit catholique en France a en effet vendu son âme en échange d’avantages financiers et pour une prétendue pacification des relations avec le pouvoir laïc. D’autre part, je puis affirmer de manière catégorique que certains « acteurs de la vie de l’Eglise » (selon la phraséologie néo-précieuse qui sévit dans certains milieux ecclésiastiques) appartiennent à la maçonnerie : je n’affabule pas, je ne suis pas tombé dans la paranoïa. En effet, je peux citer au moins deux cas de personnes engagées soit dans l’enseignement diocésain soit dans d’autres structures de l’Eglise catholique, qui n’ont pas fait mystère de leur appartenance à la secte. Comme il leur était objecté que l’affiliation à la maçonnerie était incompatible avec le catholicisme (voir l’appendice à la suite de ce texte), ces deux personnes ont répondu l’une et l’autre qu’elles en avaient parlé à leur cardinal archevêque respectif (oui, oui, vous avez bien lu) : ni l’un ni l’autre de ces prélats n’y a rien trouvé à redire…
Cela se passe de tout commentaire et je vous laisse en conclusion cette phrase dite il y a déjà longtemps à Frère Maximilien-Marie par le Provincial d’une congrégation religieuse enseignante : « Nous avons, certes, des écoles encore à peu près libres, mais il faudrait refonder un véritable enseignement catholique… »
Lully.
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Appendice :
Déclaration de la Sacrée Congrégation pour la Doctrine de la Foi au sujet de la franc-maçonnerie, en date du 26 novembre 1983 et signée par le Cardinal Ratzinger.
« Certains se sont demandés si la pensée de l’Eglise sur la franc-maçonnerie avait changé parce qu’il n’en est pas fait mention expresse dans le nouveau Code de Droit Canon comme c’était le cas dans l’ancien Code.
La Sacrée Congrégation est en mesure de répondre que cet état de fait est dû à un critère utilisé pour la rédaction et qui a été observé également pour d’autres associations, passées de la même façon sous silence, dans la mesure où elles étaient comprises dans des catégories plus larges.
Le jugement négatif de l’Eglise sur la franc-maçonnerie demeure donc inchangé parce que ses principes ont toujours été considérés comme incompatibles avec la doctrine de l’Eglise ; c’est pourquoi il reste interdit par l’Eglise de s’y inscrire. Les catholiques qui font partie de la franc-maçonnerie sont en état de péché grave et ne peuvent s’approcher de la Sainte Communion.
Les autorités ecclésiastiques locales n’ont pas la faculté d’émettre sur la nature des associations de la franc-maçonnerie un jugement qui entraînerait une dérogation à ce qui est mentionné ci-dessus, conformément à l’esprit de la Déclaration du 17 février 1981 de cette même Sacrée Congrégation.
Le Souverain Pontife Jean-Paul II, au cours de l’audience accordée au sous-signé le Cardinal Préfet, a approuvé la présente déclaration adoptée au cours de la réunion ordinaire de cette Sacrée Congrégation et en a ordonné la publication.
Donné à Rome, au Siège de la Sacrée Congrégation pour la Doctrine de la Foi, le 26 novembre 1983.
Joseph Cardinal Ratzinger, Préfet
Fr. Jérôme Hamer, o.p., Archevêque titulaire de Lorium, Secrétaire. »