Archive pour la catégorie 'Commentaires d’actualité & humeurs'

2011-33. De la fête patronale des chats et d’un Pape qui aime les chats et qui est aimé d’eux.

animauxchats00130.gif

Jeudi soir 17 mars 2011.

Sainte Gertrude de Nivelles, céleste protectrice des chats

Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,

       Saviez-vous que notre fête patronale à nous, les chats, est célébrée en ce jour du 17 mars ?
Certains vont peut-être penser de prime abord que je plaisante, mais je vous assure qu’il n’en est rien !

   De même que les cordonniers ont pour fête patronale le jour de la fête des Saints Crépin et Crépinien, les boulangers et pâtissiers celle de Saint Honoré, les apiculteurs celle de Saint Ambroise, les parfumeurs et gantiers celle de Sainte Marie-Magdeleine et les serruriers celle du grand Saint Pierre … etc. , ainsi aussi les chats ont leur fête patronale, et elle se trouve le 17 mars.

   Certes, si vous regardez vos calendriers, vous allez vous demander : « Mais pourquoi diable Saint Patrick est-il le saint patron des chats ? Des Irlandais, nous le savions ! Des cultivateurs de trèfles, cela se comprendrait. Mais… des chats ???!!! »

   En fait, ce n’est pas Saint Patrick le protecteur des chats, même si c’est lui qui apparaît aujourd’hui sur les calendriers.
Vous le savez en effet, l’Eglise a produit de très nombreux fruits de sainteté et chaque jour, même si la liturgie n’en retient la plupart du temps qu’un seul, il y a en réalité de très nombreux saints dont c’est aussi la fête. Leurs noms sont recueillis dans un gros livre dont on lit chaque jour une page à l’office de Prime : le martyrologe.
Et donc, à la date du 17 mars, le martyrologe fait mention, en plus de Saint Patrick et de beaucoup d’autres saints, d’une sainte qui est honorée, entre autres, comme la céleste protectrice des chats : c’est Sainte Gertrude de Nivelles.

Sainte Gertrude de Nivelles portant un chat dans ses bras

Sainte Gertrude portant un chat.

   Il existe plusieurs saintes qui ont porté le nom de Gertrude ; la plus célèbre est Sainte Gertrude d’Helfta, dite aussi Sainte Gertrude la Grande dont j’avais déjà eu l’occasion de vous entretenir (cf. > ici) et dont on célèbre la fête le 16 novembre.

   La Sainte Gertrude du 17 mars, Sainte Gertrude de Nivelles, est une sainte qui a vécu au VIIème siècle : fille de Pépin de Landen (et donc grand’ tante de Charles Martel), elle est née en 625 ou 626.
Refusant un mariage prestigieux, parce qu’elle voulait se consacrer entièrement à Dieu, elle suivit sa mère lorsque cette dernière – à la mort de Pépin – se retira dans une propriété qu’elle possédait dans le Brabant, à Nivelles.
Là, elles fondèrent un monastère de femme en 649 et y prirent toutes deux le voile. Gertrude fut élue abbesse.
Plus tard, sous l’influence des moines missionnaires irlandais, elle fonda aussi une communauté d’hommes, dans un monastère voisin de celui des moniales : les religieux y étaient soumis à l’autorité de l’abbesse.
Le corps épuisé par de grandes austérités, elle déposa l’abbatiat vers 656 pour ne plus se consacrer qu’à la prière.
Elle mourut le 17 mars 659, dans sa trente-troisième année, et fut aussitôt vénérée comme un sainte.

   Deux récits (écrits l’un vers 691 et l’autre environ un siècle plus tard) font état de miracles survenus dès le moment de sa mort au contact de ses reliques : des guérisons spectaculaires en particulier.
Son culte se répandit dans tout le Brabant, où il jouit d’une immense popularité, puis dans toute la Rhénanie, les Pays-Bas et une partie de la Picardie.

   On l’invoqua pour être protégé dans les voyages, les fileuses la prirent pour sainte patronne, et comme sa fête est célébrée au moment où on doit reprendre les travaux du jardin, les jardiniers à leur tour la choisirent pour céleste protectrice, la priant spécialement de les protéger des invasions de rats et de souris (ce pourquoi elle est souvent représentée avec des souris qui grimpent le long de sa crosse d’abbesse) ; enfin, puisqu’elle excellait à faire fuir ces nuisibles, elle devint tout bonnement la sainte patronne des prédateurs naturels des rats, souris, mulots et autres musaraignes : c’est-à-dire nous, les chats !

Sainte Gertrude de Nivelles avec des souris grimpant le long de sa crosse

Gravure du XVIIe siècle représentant Sainte Gertrude de Nivelles
(remarquez les souris qui montent le long de sa crosse abbatiale).

   Les chats ont bien d’autres amis célestes.
J’avais déjà évoqué (par exemple > ici) celui qui est sans doute le plus connu d’entre eux : Saint Philippe Néri, célèbre pour ses « originalités », dont le chat assistait à la Sainte Messe, très dévotement pelotonné sur les gradins de l’autel.
Mais savez vous qu’il y a eu aussi des Papes, et non des moindres, qui ont beaucoup aimé les chats ?

   J’ai lu par exemple que Saint Grégoire le Grand, qui régna de 590 à 604, avait réprimandé un ermite qui lui suggérait de se débarrasser des chats : « Ils ne sont pas superflus » répondit-il, « ce sont de précieux dons de Dieu ».
Saint Grégoire III, pape de 737 à 741, avait trois chats auprès de lui.
L’infortuné Pie VII (1800-1823) emmena avec lui son chat lorsque le tyran Napoléon le fit captif à Fontainebleau.
Léon XII qui lui succéda (1823-1829) était très attaché au chat Micetto.

   Et voici qu’en nos temps, notre Saint-Père le Pape Benoît XVI, heureusement régnant, est aussi un fervent ami des chats.
La presse n’a d’ailleurs pas manqué de le souligner au moment de son accession au Souverain Pontificat et les journalistes ont essayé de savoir s’il avait pu emmener avec lui, dans le palais apostolique, les deux chats avec lesquels il partageait son appartement de cardinal dans le quartier du Borgo.

   Moi-même, dans les « pages » de ce modeste blog, je vous ai parlé de Chico, le gros chat roux de la ferme de Pentling, en Bavière.
C’est Chico qui avait choisi pour ami un certain Joseph Ratzinger, et qui venait s’installer chez lui chaque fois que le cardinal prenait quelques jours de repos dans la petite maison qu’il avait achetée en vue d’y passer une retraite paisible et studieuse !!!

   Après l’élévation de son ami sur le trône de Saint Pierre, Chico a publié pour les enfants un livre racontant la vie de son grand ami Joseph (cf. > ici mais à ma connaissance cet ouvrage n’a malheureusement toujours pas été traduit en français…).

Joseph e Chico

   Le cardinal Tarcisio Bertone, qui a travaillé plus de sept ans avec le cardinal Ratzinger à la Congrégation pour la doctrine de la foi et qui est maintenant Secrétaire d’Etat du Saint-Siège, a témoigné de cette passion de Benoît XVI pour les chats :
« Une de ses grandes amours» n’a-t-il pas hésité à dire. « Il leur apportait toujours quelque chose à manger et il les emmenait dans le jardin derrière le palais de la congrégation… Il parle avec eux : ni en allemand, ni en italien, mais en utilisant un langage particulier et transcendant, et les félins l’écoutent avec ravissement ».

   Et le cardinal Bertone a raconté :
« Lors de nos après-midi passés à nous promener à Borgo Pio, le quartier proche du Vatican où nous habitions tous les deux, nous rencontrions souvent dans les petites ruelles que nous parcourrions ensemble, un grand nombre de chats vagabondant. En les voyant, Ratzinger les saluait comme s’il saluait un être humain. Puis il s’arrêtait toujours pour les caresser amoureusement, manifestant toute l’affection qu’il éprouvait pour ces animaux. Il s’entretenait et parlait avec eux parfois, et même plutôt longuement. Une fois, il rentra dans la Cité du Vatican suivi par une dizaine de chats. Et pendant qu’il continuait à marcher il leur parlait. Je me rappelle que nous fûmes interrompus par un Garde Suisse qui, le sourire aux lèvres, lui dit : « Eminence, voyez! Les chats montent à l’assaut du Saint Siège! » A quoi Ratzinger répondit : « Oh ! il ne me semble pas qu’ils soient vraiment dangereux… »

   Je termine ce soir en vous livrant cette magnifique photo prise lorsque, rencontrant les Oratoriens britanniques, on a présenté au Saint-Père le chat de la communauté portant ruban aux couleurs pontificales… Ah ! Combien j’eusse aimé être à sa place !

Lully.

Le chat d'une communauté religieuse présenté au Saint Père Benoît XVI

(cliquer sur l’image pour la voir en plus grande taille)

pattes de chatpattes de chatpattes de chatpattes de chatpattes de chatpattes de chatpattes de chatpattes de chatpattes de chatpattes de chatpattes de chat

2011-32. Supplique adressée au Cardinal Bertone au sujet des pouvoirs de la commission Ecclesia Dei.

Le 10 mars 2011, le Mouvement pour la Paix Liturgique et la réconciliation des catholiques dans l’Eglise a remis ce texte au Cardinal Bertone, Secrétaire d’État du saint-Siège, afin d’attirer son attention sur l’insuffisance de pouvoir de la Commission Pontificale Ecclesia Dei pour faire appliquer les mesures généreuses et apaisantes du motu proprio Summorum Pontificum en faveur des milliers de fidèles qui y aspirent.

Messe latine traditionnelle dans la chapelle de l'ancienne Visitation du Puy en Velay

Sainte Messe célébrée dans la chapelle de l’ancienne Visitation du Puy-en-Velay

* * * * * * *

TEXTE DE LA SUPPLIQUE  :

Éminence,

Nous voudrions attirer votre attention sur le fait que le Motu Proprio Summorum Pontificum du 7 juillet 2007 semble dépourvu de force obligatoire.

Les laïcs qui s’adressent à vous sont particulièrement sensibles aux effets bénéfiques qu’a produit et va continuer à produire sur les formes du culte divin cette Lettre apostolique de notre Saint-Père le Pape. Elle a sanctionné la liberté de célébration de la messe et des sacrements selon l’usus antiquior. Elle a aussi, ce qui est sans doute plus important encore, introduit le germe d’une émulation puissamment restauratrice de dignité et de beauté pour la liturgie réformée après le dernier concile. Elle est devenue pour de nombreux jeunes prêtres et séminaristes, dont le cœur de la vocation est par définition eucharistique et liturgique, bien au-delà des cercles qu’il est convenu de nommer traditionalistes, une source de grande espérance.

Mais pour que ce texte diffuse toutes ses virtualités ecclésiales, il faut qu’il soit réellement appliqué. La célébration privée de la liturgie ancienne ne pose pas de problème, justement parce qu’elle est privée. Mais, dans le domaine de la célébration publique du culte, qui exigerait une force exécutive, le motu proprio semble n’être qu’exhortatif. Certes, cela est déjà beaucoup quand l’exhortation émane du Pape, mais c’est aussi malheureusement, comme l’expérience le prouve, notoirement insuffisant dans un grand nombre de cas.

Depuis quelques semaines, vous le savez, des inquiétudes se sont manifestées à propos d’une possible interprétation plus restrictive de Summorum Pontificum. Pour notre part, notre souci porte plus formellement sur la force exécutive du texte lui-même : si sa disposition principale (la célébration de la liturgie antérieure à 1970 en paroisse) n’est pas accompagnée d’un dispositif qui puisse la faire respecter, il semble ne représenter, en définitive, qu’un souhait ardent du Souverain Pontife.

Sa lecture, en effet, éclairée par tout ce que l’on peut connaître de la volonté du Législateur, montre que sa disposition principale se trouve dans son article 5 § 1, qui invite à instaurer dans les paroisses une coexistence harmonieuse entre les deux formes du rite : « Dans les paroisses où il existe un groupe stable de fidèles attachés à la tradition liturgique antérieure, le curé accueillera volontiers leur demande de célébrer la messe selon le rite du Missel romain édité en 1962 ». En un certain nombre d’endroits, conformément au désir du Pape, cette coexistence s’est établie, avec des fruits tout à fait remarquables pour les pratiquants de l’une et l’autre formes, qui sont d’ailleurs en bien des cas les mêmes. Mais de nombreuses résistances ont aussi empêché l’heureuse propagation de ces bénéfices, tant sont pesantes les habitudes acquises et contraignants les malentendus entretenus.

Or, l’art. 1 (« Il est donc permis de célébrer le Sacrifice de la Messe suivant l’édition type du Missel romain promulgué par le B. Jean XXIII en 1962 »), et son complément, l’art. 5 § 1 déjà cité, reconnaissent un droit spécifique aux fidèles du Christ laïcs. Il y aurait une haute convenance à ce que soit explicitée la force exécutive que ce droit appelle de soi.

En son état actuel, instituée le 2 juillet 1988 et refondée le 2 juillet 2009, la Commission Pontificale Ecclesia Dei voit ses diverses compétences encadrées par trois textes :

> 1°) Concernant les personnes et les groupes qui avaient été liées à la Fraternité Saint-Pie-X, le rescrit du 18 octobre 1988 a concédé des facultés spéciales au Cardinal Président la Commission Pontificale pour régler la situation des personnes (dispenses d’irrégularités, sanations in radice mariages) et des groupes (les ériger en Instituts, Sociétés, Associations, et exercer sur eux toute l’autorité du Saint-Siège).

> 2°) Concernant la résolution des questions doctrinales qui demeurent avec la Fraternité Saint-Pie-X, le Motu Proprio Ecclesiae unitatem, 2 juillet 2009, a disposé que la Commission soumettrait les questions faisant difficulté à l’étude et au discernement des instances ordinaires de la Congrégation pour la Doctrine de la foi.

> 3°) Et concernant enfin « l’usage de la liturgie romaine antérieure à la réforme de 1970 » le Motu Proprio Summorum Pontificum 7 juillet 2007 en a confié la charge à ladite Commission (art. 12 : « Cette commission, outre les facultés dont elle jouit déjà, exercera l’autorité du Saint-Siège, veillant à l’observance et à l’application de ces dispositions »).

Mais alors que le rescrit du 18 octobre 1988 concède à la Commission, en la personne de son Président, des pouvoirs déterminés sur les personnes et les communautés, et alors que le Motu Proprio du 2 juillet 2009 dispose que la Congrégation pour la Doctrine de la foi, à laquelle est désormais liée la Commission, traitera selon ses procédures ordinaires (et donc juridictionnelles) des questions doctrinales que lui soumettra la Commission, le Motu Proprio de 2007 ne précise aucune modalité d’exercice des pouvoirs de la Commission ou de son Président pour le faire appliquer. De sorte que sa disposition principale (art. 5 § 1), à savoir la demande à remplir par le curé d’une célébration paroissiale de la messe (sans parler de la demande de sacrements ou de cérémonies occasionnelles, art. 5 § 3 et art. 9), est généralement considérée comme purement incitative.

Un recours est certes prévu si le curé refuse au groupe de fidèles qui la demande la célébration paroissiale de la messe : ce groupe peut en informer l’évêque, et si l’évêque ne pourvoit pas à la demande du groupe, il peut en référer à la Commission Pontificale Ecclesia Dei (art. 7). 

La difficulté que nous vous signalons, comme le prouve amplement plus de trois années d’existence de Summorum Pontificum, marquée par une très grande quantité de refus suivis d’informations à l’évêque puis de recours, sans effet, à la Commission Pontificale, porte donc sur cette absence de précision juridique :

> un droit des fidèles du Christ laïcs, d’ordre liturgique, est affirmé (usage d’un missel jamais abrogé – art. 1 – dont un groupe de fidèles peut demander l’usage paroissial public – art. 5, § 1) ;

> une Commission Pontificale liée à un Dicastère de la Curie Romaine, et aujourd’hui présidée par le cardinal Préfet de la Congrégation, est déclarée compétente pour faire respecter ce droit (art. 12) ;

> un recours auprès de cette Commission est prévu pour faire respecter ce droit lorsqu’il n’est pas satisfait (art. 7) ;

> mais le moyen juridictionnel pour faire appliquer le droit des fidèles n’est pas donné à l’organisme compétent qui reçoit le recours au nom du Saint Siège. Plus exactement, ce moyen n’est pas explicité, car en bonne logique juridique il ne peut pas ne pas exister. Sauf à inviter les demandeurs déboutés par le curé et par l’évêque à se pourvoir devant les tribunaux ecclésiastiques.

Notre présente supplique porte donc uniquement sur une précision qui semble nécessaire à propos de l’art. 7 du Motu Proprio : lorsque le groupe de fidèles dont le droit n’est pas satisfait a introduit un recours auprès de la Commission Pontificale Ecclesia Dei, que préside le cardinal Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, qu’il soit indiqué que la Commission a pouvoir de faire prendre au curé toutes dispositions pour satisfaire ce droit.

Nous demandons à Votre Éminence de considérer notre respectueuse demande visant une disposition ponctuelle mais essentielle de ce texte, avec toute l’attention que nous semble appeler ce problème technique, et nous La prions de recevoir l’hommage de notre profond et religieux respect.

Christian Marquant et tout le bureau du mouvement pour la Paix Liturgique et la réconciliation des catholiques dans l’Eglise autour du souverain pontife.

2011-21. Appel international pour l’intégrité de « Summorum Pontificum ».

Missel romain traditionnel

Un appel urgent est relayé dans le monde entier par plusieurs sites de promotion et de défense de la liturgie latine traditionnelle ; nous reprenons ci-dessous la présentation qui en est faite sur le site de la Schola Sainte Cécile :

Des bruits persistants paraissent suggérer qu’une prochaine instruction romaine pourrait contenir des indications restrictives (ou pourrait contenir des éléments qui laisseraient entendre des interprétations restrictives) au motu proprio Summorum Pontificum du 7 juillet 2007. L’alerte parait suffisamment grave pour qu’une initiative internationale se soit mise en place sur ce site motuproprioappeal.com.

Peut-être ces rumeurs sont-elles infondées. Si l’avenir montre que c’est le cas, au moins aurons-nous marqué à notre Très-Saint Père & à nos pasteurs l’attachement au texte qui nous a été donné le samedi béni du triple 7.

Si vous vous intéressez aux questions liturgiques, que ce soit pour la préservation de l’Usus Antiquior romain ou même plus largement pour la continuité des traditions liturgiques vénérables tant occidentales qu’orientales, nous vous recommandons la signature de ce texte, et vous demandons de participer à la diffusion à tous vos réseaux de cet appel international.

Signer la pétition > www.

60pxemblemofthepapacysesvg.png

Nota bene : Si vous désirez avoir de plus amples détails sur les rumeurs persistantes qui  fondent et alimentent sérieusement ces inquiétudes, vous pouvez vous reporter au blog de Christophe de Saint-Placide et remonter quotidiennement jusqu’au 15 février dernier pour voir tous les articles circonstanciés sur cette opposition actuelle au motu proprio « Summorum Pontificum » et ses enjeux.

2011-20. Assise III : pourquoi s’y opposer.

Nous avions répercuté (ici > www) la lettre ouverte des intellectuels italiens adressée à notre Saint Père le Pape Benoît XVI le suppliant de ne pas prêter le flanc aux interprétations relativistes et syncrétistes liées à son annonce d’une nouvelle rencontre inter-religieuse à Assise en octobre prochain.

Dans le n° 230 de Correspondance Européenne (ici > www), le Professeur Roberto de Mattei revient sur cette supplique et  présente avec autant de brio que de sûreté théologique les motifs que de simples fidèles ont à manifester leurs réticences à la réitération de ce rassemblement. Il nous paraît important de reproduire ici dans son intégralité cette explication et nous remercions une fois encore le Professeur R. de Mattei pour sa bienveillante autorisation.

St Athanase en prison envoie sa défense au Pape Jules 1er

Depuis sa prison Saint Athanase envoie sa défense au Pape Jule Ier (Livre des merveilles. Jean Mandeville. Maître de la Mazarine. XVe.)

Assise III : Pourquoi s’y opposer.

« La supplique de certains catholiques italiens à Benoît XVI afin qu’il n’aille pas à Assise en octobre prochain (cf. Correspondance Européenne n°229/01, en date du 31 janvier 2011), a suscité un vif débat dans lequel, en plus d’appréciations qui font autorité, il y a eu, comme cela était prévisible, des critiques et des commentaires très perplexes. Il me semble inutile de répondre aux accusations venant du côté progressiste qui voit dans cet événement l’occasion pour relancer un œcuménisme syncrétiste : ces critiques constituent en effet la meilleure confirmation de l’opportunité de notre appel. J’estime par contre qu’il est nécessaire de répondre aux critiques du côté conservateur, lancées par des frères dans la foi qui ont probablement notre même amour pour l’Eglise. Ces critiques pourraient être résumées en ces termes : la rencontre d’Assise annoncée par Benoît XVI n’a pas à nous plaire ou à nous déplaire ; on ne peut pas critiquer un Pape pour ce qu’il a fait (Jean-Paul II en 1986) ou pour ce qu’il souhaite faire (Benoît XVI en 2011), prétendant lui expliquer ce qui est bon pour l’Eglise. De la part des fidèles, surtout s’ils sont des laïcs, on exige une religieuse approbation de toute initiative et décision du Souverain Pontife.

La réponse à cette critique vient du Catéchisme, de la tradition théologique, de l’histoire de l’Eglise et de l’Enseignement pontifical. Le Catéchisme nous enseigne que le sacrement du Baptême nous incorpore à l’Eglise, en nous faisant partager sa mission (n. 1213), et celui de la Confirmation oblige tous les baptisés « à répandre et à défendre la foi par la parole et par l’action en vrais témoins du Christ » (n. 1285). La promesse de l’assistance divine de l’Esprit Saint, plusieurs fois répétée par le Seigneur aux Apôtres (Jn, 14, 16-17; 26-26) ne se manifeste pas seulement à travers le Magistère, mais aussi à travers le consensus de l’universitas fidelium, comme l’ont expliqué, contre les protestants, le grand théologien dominicain Melchior Cano dans De Locis theologicis et saint Robert Bellarmin dans De ecclesia militante. Les théologiens successifs ont distingué entre l’infallibilitas in docendo et l’infallibilitas in credendo de l’Eglise. Cette dernière repose sur le sens de la foi, c’est-à-dire la capacité du croyant de distinguer ce qui est conforme à la foi de ce qui ne l’est pas, non pas par un raisonnement théologique, mais au moyen d’une sorte de connaissance par co-naturalité. La vertu de la foi (habitus fidei), reçue avec le Baptême, explique en effet saint Thomas d’Aquin, produit une co-naturalité de l’esprit humain avec les mystères révélés, faisant de sorte que l’intellect de tout baptisé soit, comme par instinct, attiré par les vérités surnaturelles et adhère à celles-ci.

Au long de l’histoire de l’Eglise, le sensus fidei des simples fidèles a été parfois plus conforme à la Tradition apostolique qu’à celui des Pasteurs, comme cela arriva pendant la crise arienne du IVème siècle, lorsque la foi fut gardée par une minorité de saints et d’évêques rebelles, tels saint Athanase, Hilaire de Poitiers, Eusèbe de Vercelli et surtout par le peuple fidèle. Ce dernier ne s’associait pas aux diatribes théologiques mais gardait, par un simple instinct surnaturel, la bonne doctrine. Le bienheureux Newman écrit qu’« à cette époque d’immense confusion, le divin dogme de la divinité de Notre Seigneur fut proclamé, inculqué, gardé et (humainement parlant) préservé beaucoup plus par l’Ecclesia docta que par l’Ecclesia docens ».

Le rôle de tout baptisé dans l’histoire de l’Eglise a été évoqué par Benoît XVI dans son discours du 26 janvier 2011. Le Pape a rappelé la mission de « deux jeunes femmes du peuple, laïques et consacrées dans la virginité ; deux mystiques engagées non dans le cloître, mais au milieu de la réalité la plus dramatique de l’Église et du monde de leur temps ». Il s’agit de sainte Catherine de Sienne et sainte Jeanne d’Arc, « peut-être les figures les plus caractéristiques de ces ‘femmes fortes’ qui, à la fin du Moyen Âge, portèrent sans peur la grande lumière de l’Évangile dans les complexes événements de l’histoire. Nous pourrions les rapprocher des saintes femmes qui restèrent au Calvaire, à côté de Jésus crucifié et de Marie sa Mère, tandis que les Apôtres avaient fui et que Pierre lui-même l’avait renié trois fois ». L’Eglise, dans cette période-là, vivait la profonde crise du grand schisme d’Occident, qui a duré presque 40 ans. A cette époque aussi dramatique que la crise arienne, ces deux saintes furent guidées par la lumière de la foi plus que les théologiens et les ecclésiastiques de l’époque. Le Pape adresse à ces deux laïques les mots de Jésus selon lesquels les mystères de Dieu sont révélés à ceux qui ont le cœur des tout-petits, alors qu’ils restent cachés aux sages et aux intelligents qui n’ont pas d’humilité (cf. Lc. 10, 21).

C’est dans cet esprit que nous avons exprimé toutes nos perplexités et réserves face à cette rencontre interreligieuse d’Assise du 27 octobre 1986, qui ne fut pas un acte magistériel, mais un geste symbolique, dont le message fut confié non pas à des écrits ou à des mots, mais au fait lui-même et à son image. Un hebdomadaire italien en résumait alors le sens avec les mots du père Marie-Dominique Chenu: « C’est le rejet officiel de l’axiome qui était enseigné jadis : hors de l’Eglise, point de salut » (“Panorama”, 2 novembre 1986).
J’étais à Assise ce jour-là et j’ai une documentation photographique de ce qui se passa, par exemple dans l’église Saint-Pierre où à la place du Très-Saint-Sacrement, une petite statue de Bouddha fut intronisée sur l’autel qui garde les reliques du martyr Vittorino, alors que sur un étendard situé devant le même autel on lisait « Je me consacre à la loi du Bouddha ». En tant que catholique, j’éprouvai et je continue à éprouver répugnance pour cet événement qui ne mérite pas, d’après moi, d’être rappelé sinon pour en prendre les distances. Je suis certain que Benoît XVI ne souhaite pas que les abus de cette époque-là se répètent, mais nous vivons dans une société médiatique et la nouvelle rencontre d’Assise risque d’avoir la même signification qui fut attribuée à la première par les moyens de communication et donc par l’opinion publique mondiale, comme cela est en train de se passer.

Aujourd’hui nous vivons une époque dramatique où tout baptisé doit avoir le courage surnaturel et la franchise apostolique de défendre à voix haute sa propre foi, suivant l’exemple des saints et sans se laisser conditionner par la “raison politique”, comme il se passe très souvent dans le domaine ecclésiastique aussi. Ce n’est que la conscience de notre foi et aucune autre considération qui nous a poussé à refuser Assise I et II et à exprimer au Saint-Père, avec respect, toutes nos préoccupations devant l’annonce d’un prochain Assise III.

Roberto de Mattei.

Profitons aussi de cette publication pour signaler  et recommander cet ouvrage du Professeur de Mattei qui vient d’être publié en français par Muller-éditions : « La dictature du relativisme ».

La dictature du relativisme - Prof. de Mattei

2011-15. Verbum Domini.

Mercredi soir 9 février 2011.

Chers Amis du « Refuge Notre-Dame de Compassion« ,

Il faut que je vous l’avoue : j’ai pris du retard dans le programme de lectures et d’études que Frère Maximilien-Marie m’a prescrit. Ainsi, c’est uniquement aujourd’hui que j’ai commencé à étudier l’exhortation apostolique post-synodale intitulée « Verbum Domini » (deux mots latins qui signifient : la Parole du Seigneur) que notre Saint-Père le Pape Benoît XVI a signée – de manière très significative – le jour de la fête de Saint Jérôme, 30 septembre 2010.

2011-15. Verbum Domini. dans Bandes dessinées 9788820984793

C’est un texte qui est certes un peu long, mais il se lit sans difficultés. Aussi j’aimerais que tous mes lecteurs se convainquent que si un tout petit chat peut se plonger sans peine et avec un réel profit spirituel dans la lecture de cette exhortation apostolique, il est évident qu’il leur sera facile de l’étudier à leur tour (s’ils ne l’ont pas déjà fait), et qu’ils y puiseront eux aussi de très grandes richesses pour leur avancement spirituel et pour une meilleure compréhension de ce que sont les Saintes Ecritures.

J’ai même envie d’écrire que tous les fidèles de l’Eglise qui prennent au sérieux leur foi et leur engagement chrétien ont l’impérieux devoir de lire ce texte avec la plus grande attention.

Point n’est besoin d’aller se perdre dans des commentaires, des introductions ou des présentations multiples! Je vous l’ai déjà dit : ce texte se lit sans difficultés. Et il se suffit à lui-même. Je fais cette dernière remarque parce que l’une des tendances d’un certain clergé français consiste à noyer les fidèles sous un tas de commentaires des textes pontificaux plutôt que de mettre directement ceux-ci dans leurs mains ; comme s’ils voulaient que la pensée pontificale soit rectifiée par le prisme de leur propre interprétation avant d’atteindre l’intelligence et le coeur des catholiques…

Cette exhortation apostolique, on ne la résume pas, parce qu’elle est déjà elle-même un excellent exposé qui présente de manière synthétique, complète et équilibrée, le mystère de la révélation biblique, son importance et son rôle dans tous les domaines de la vie de l’Eglise et de chaque chrétien.

Les paragraphes ne sont pas très longs et il est facile d’en faire la lecture à divers moments de la journée. Ainsi donc, même si – tout comme en notre « Mesnil-Marie » – vous avez de multiples occupations, même si les belles journées presque printanières dont nous bénéficions en ce moment vous incitent à travailler dehors, il n’y a aucune opposition ni contre-indication à garder le petit volume de cette exhortation apostolique à portée de main et à en lire un paragraphe lorsque vous faites une petite pause…

Frère Maximilien-Marie, comme tous les moines, est attentif à la « lectio divina ». En outre, depuis les premières années de sa vie religieuse, il s’est plongé d’une manière très spéciale dans l’étude des Saintes Ecritures puisqu’il a même dispensé un cours de formation biblique pendant des années. Il avait eu la très grande grâce de rencontrer et de bénéficier occasionnellement des conseils de l’un des plus éminents biblistes du XXème siècle, dont il me parle très souvent : Monsieur l’abbé Jean Carmignac. Il faudra d’ailleurs que je vous en parle moi aussi de manière plus particulière parce que cette année 2011 marque le vingt-cinquième anniversaire du rappel à Dieu de ce prêtre qui fut tout à la fois un très grand savant et un spirituel de tout premier ordre.

Bref… Je vais arrêter là mes recommandations de ce soir ; toutefois, avant de vous quitter  – et parce que certains d’entre vous m’ont écrit pour me le demander -, je veux vous livrer ci-dessous une de ces petites bandes dessinées sans prétention que notre Frère avait jadis réalisées : celle-ci est l’adaptation d’un texte de « notre glorieux Père Saint Augustin » qui comparait les textes de la Sainte Ecriture à des lettres pleines de sollicitude et d’amour envoyées par Dieu aux hommes. Je vous en prie donc : ne négligez point la lecture de lettres si aimantes… 

 Lully.

animauxchats00130.gif

(vous pouvez cliquer sur les dessins pour les voir en plus grand)

une lettre pour toi 1a pars

une lettre pour toi 2a pars

« La Parole de Dieu est à la base de toute spiritualité chrétienne authentique. »

Benoît XVI (exhortation apostolique post-synodale « Verbum Domini » §86)

60pxemblemofthepapacysesvg.png

2011-12. Très Saint-Père, nous Vous en supplions, fuyez « l’esprit d’Assise »!

Correspondance Européenne n° 229 du 31 janvier 2011

* * * * * * *

Je viens de recevoir, ce 31 janvier au soir, le n°229 de « Correspondance Européenne« , publication du « Centro Lepanto« , et fort de l’autorisation que m’a donnée le professeur Roberto de Mattei, que je remercie encore très chaleureusement, je veux sans aucun retard répercuter sur ce blogue cette « lettre ouverte » à notre Saint-Père le Pape que viennent de publier des catholiques italiens «très reconnaissants», Le suppliant pour que ne soient pas renouvelées les confusions syncrétistes…

Assise 1986

 

Très Saint-Père, 

Nous sommes quelques catholiques très reconnaissants de l’œuvre accomplie par vous en tant que pasteur de l’Eglise universelle ces dernières années : reconnaissants pour votre grande estime pour la raison humaine, pour la concession du motu proprio Summorum Pontificum, pour votre relation fructueuse avec les Anglicans qui reviennent dans l’unité, et pour bien d’autres choses encore. 

Nous prenons l’audace de vous écrire après avoir entendu, précisément pendant le massacre de chrétiens coptes, votre intention de convoquer à Assise, pour le mois d’octobre, un grand rassemblement interreligieux, 25 années après « Assise 1986″. 

Nous nous souvenons tous de cet événement d’il y a si longtemps. Un événement médiatique comme peu d’autres, qui, indépendamment des intentions et des déclarations eut pour effet indéniable d’encourager dans le monde catholique l’indifférence et le relativisme religieux. 

C’est à partir de cet événement qu’apparaît dans le peuple chrétien l’idée que l’enseignement séculaire de l’Église, «une, sainte, catholique et apostolique», sur le caractère unique du Sauveur, était en quelque sorte relégué aux archives. 

Nous nous souvenons tous des représentants de toutes les religions réunis dans une église catholique, l’église Sainte Marie des Anges, avec un rameau d’olivier à la main : comme pour signifier que la paix ne passe pas par le Christ mais, indistinctement, par tous les fondateurs d’un credo quel qu’il soit (Mahomet, Bouddha, Confucius, Kali, le Christ…). 

Nous nous souvenons de la prière des musulmans à Assise, la ville d’un saint qui avait fait de la conversion des musulmans un de ses objectifs. 
Nous nous souvenons de la prière des animistes, de leur invocation aux esprits des éléments, et de celle d’autres croyants ou représentants de “religions athées” comme le jaïnisme. 

Ce “prier ensemble”, quel qu’en soit le but, qu’on le veuille ou non, a eu pour effet de faire croire à beaucoup que tous priaient “le même Dieu”, seulement avec des noms différents. Au contraire, les Écritures sont claires: «Tu n’auras pas d’autre Dieu que moi» (premier commandement), «Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie: nul ne vient au Père que par Moi» (Joan. XIV, 6). 

Ceux qui écrivent ici ne contestent nullement le dialogue, avec chaque personne, quelle que soit sa religion. Nous vivons dans le monde et chaque jour nous parlons, discutons, aimons, même ceux qui ne sont pas chrétiens car ils peuvent être athées, dans le doute ou appartenir à d’autres religions. Mais cela ne nous empêche pas de croire que Dieu est venu sur la terre et s’est laissé tuer, pour nous enseigner justement le Chemin et la Vérité et pas seulement l’un des nombreux chemins et l’une des nombreuses croyances possibles. Le Christ est pour nous chrétiens, le Sauveur : l’unique Sauveur du monde. 

Nous nous rappelons donc avec consternation, revenant 25 années en arrière, les poulets décapités sur l’autel de Sainte-Claire selon des rituels tribaux et le sanctuaire de l’église Saint-Pierre profané par une statue de Bouddha placée sur l’autel, au-dessus des reliques du martyr Vittorino, tué 400 ans après Jésus-Christ pour témoigner de sa foi. 
Nous nous rappelons les prêtres catholiques qui se sont prêtés à des rites d’initiation d’autres religions : des scènes horribles car, si il est « stupide » de baptiser dans la foi catholique un adulte qui ne croit pas, il est tout aussi absurde qu’un prêtre catholique ait à subir un rituel dont il ne reconnaît pas la validité ou l’utilité. En faisant ainsi, on finit juste par faire passer une idée : que les rites, tous les rites, ne sont que des gestes humains vides de sens et sans effets. Que toutes les conceptions du divin se valent. Que toutes les morales qui émanent de toutes les religions, sont interchangeables. 

Voilà, cet “esprit d’Assise” sur lequel les médias et les secteurs les plus relativistes de l’Eglise ont brodé, jetant la confusion. Il nous semble étranger à l’Evangile et à l’Eglise du Christ, qui jamais, depuis deux mille ans, n’avait choisi d’agir ainsi. Nous aurions voulu réécrire alors ces observations ironiques d’un journaliste français : «En présence de tant de dieux, on croira plus facilement que tous se valent ou s’il y en a seulement un de vrai. Le parisien moqueur imitera ce collectionneur sceptique dont l’ami venait de faire tomber une idole d’une table : ‘Ah, malheureux, ce pourrait être le vrai Dieu’.» 

Nous trouvons donc un réconfort à nos perplexités dans de nombreuses déclarations de papes qui ont toujours condamné un tel “dialogue”. 
Un congrès de toutes les religions avait déjà été organisé, en effet, à Chicago en 1893 et à Paris en 1900. Mais le pape Léon XIII était intervenu pour interdire toute participation des catholiques. 

La même attitude fut celle de Pie XI, le pape qui condamna l’athéisme nazi et communiste, mais déplora dans le même temps la tentative d’unir les gens au nom d’un sentiment vague et indistinct, sans religion, sans le Christ. Dans son encyclique Mortalium animos (Epiphanie 1928), relativement aux congrès œcuméniques, le pape Pie XI affirmait: «Convaincus qu’il est très rare de rencontrer des hommes dépourvus de tout sens religieux, on les voit nourrir l’espoir qu’il serait possible d’amener sans difficulté les peuples, malgré leurs divergences, religieuses, à une entente fraternelle sur la profession de certaines doctrines considérées comme un fondement commun de vie spirituelle. C’est pourquoi, ils se mettent à tenir des congrès, des réunions, des conférences, fréquentés par un nombre appréciable d’auditeurs, et, à leurs discussions, ils invitent tous les hommes indistinctement, les infidèles de tout genre comme les fidèles du Christ, et même ceux qui, par malheur, se sont séparés du Christ ou qui, avec âpreté et obstination, nient la divinité de sa nature et de sa mission. 

De telles entreprises ne peuvent, en aucune manière, être approuvées par les catholiques, puisqu’elles s’appuient sur la théorie erronée que les religions sont toutes plus ou moins bonnes et louables, en ce sens que toutes également, bien que de manières différentes, manifestent et signifient le sentiment naturel et inné qui nous porte vers Dieu et nous pousse à reconnaître avec respect sa puissance. En vérité, les partisans de cette théorie s’égarent en pleine erreur, mais de plus, en pervertissant la notion de la vraie religion ils la répudient, et ils versent par étapes dans le naturalisme et l’athéisme». 

Avec le recul, nous pouvons dire que le pape Pie XI avait raison, même au niveau de la simple opportunité : quel a été, en fait, l’effet d’ “Assise 1986”, malgré les justes déclarations du Pape Jean-Paul II, visant à prévenir une telle interprétation? 

Quel est le message relancé par les organisateurs, les médias, et même de nombreux clercs modernistes, désireux de bouleverser la tradition de l’Église? 
Le message qui est passé auprès de beaucoup de chrétiens à travers les images qui sont toujours les plus évocatrices et à travers les journaux et la télévision est très clair : le relativisme religieux, qui est l’équivalent de l’athéisme. 

Si tous prient “ensemble”, ont conclu beaucoup, alors toutes les religions sont “égales”, mais si c’est le cas, cela signifie qu’aucune d’elles n’est vraie. 

À cette époque, vous, cardinal et préfet de la Congrégation de la Foi, avec le cardinal Giacomo Biffi, et avec plusieurs d’autres, avez été parmi ceux qui ont exprimé de sérieux doutes. Pour cette raison, dans les années suivantes, vous n’avez jamais participé aux répliques proposées chaque année par la Communauté de Sant’Egidio. 

En fait, comme vous l’avez écrit dans « Foi, Vérité et tolérance. Le Christianisme et les religions du monde », justement en critiquant l’œcuménisme indifférentiste, «il doit être clair pour les catholiques qu’il n’existe pas “les religions” en général, qu’il n’existe pas une idée commune de Dieu et une foi commune en lui, que la différence ne concerne pas uniquement la portée des images et des formes conceptuelles changeantes, mais les choix ultimes eux-mêmes». 

Vous êtes donc parfaitement en accord avec Léon XIII et Pie XI sur le danger de contribuer par des gestes comme ceux d’“Assise 1986” au syncrétisme et à l’indifférentisme religieux. Ce risque fut également mis en évidence par les Pères du Concile Vatican II, qui dans Unitatis Redintegratio, à propos de l’œcuménisme non avec les autres religions, mais avec les autres “chrétiens”, appela à la prudence: «Toutefois, la communication dans les choses sacrées ne devrait pas être considérée comme un moyen à utiliser sans distinction pour le rétablissement de l’unité chrétienne… »

Vous avez enseigné ces dernières années, sans être toujours compris même par des catholiques, que le dialogue a lieu et peut avoir lieu, non pas entre les différentes théologies, mais entre les différentes cultures, et non pas entre les religions, mais entre les hommes, à la lumière de ce qui nous distingue tous : la raison humaine. 
Et cela doit se faire sans recréer le Panthéon païen antique, sans que l’intégrité de la foi ne soit compromise par l’amour pour le compromis théologique, sans que la Révélation, qui n’est pas nôtre, ne soit modifiée par les hommes et les théologiens dans le but de concilier l’inconciliable, sans que le Christ, « signe de contradiction » ne soit mis sur le même plan que Bouddha ou Confucius qui d’ailleurs n’ont jamais dit qu’ils étaient Dieu.  

C’est pourquoi nous sommes ici pour vous exposer nos préoccupations. 

Nous craignons que, quoi que vous disiez, les télévisions, les journaux et de nombreux catholiques l’interpréteront à la lumière du passé et de l’indifférentisme en vigueur ; que, quoi que vous affirmiez, l’événement sera lu comme une continuation de la manipulation de la figure de François, transformé par les œcuménistes d’aujourd’hui, en un iréniste, un syncrétiste sans foi. C’est déjà le cas … 

Nous avons peur que quoi que vous direz, pour plus de clarté, les simples fidèles, que nous sommes aussi, partout dans le monde ne verront qu’un fait (et on ne lui montrera que cela, par exemple, à la télévision) : le Vicaire du Christ non seulement parlant, débattant, dialoguant avec les représentants des autres religions, mais aussi priant avec eux. Comme si la manière et le but de la prière étaient indifférents. 

Et beaucoup penseront à tort que l’Église a désormais capitulé et reconnaîtront, en accord avec la pensée du New Age, que prier le Christ, Allah, Bouddha, ou Manitou est la même chose. Que la polygamie animiste et islamique, les castes hindoues ou le spiritualisme animiste polythéiste peuvent aller avec la monogamie chrétienne, la loi de l’amour et du pardon et du Dieu Un et Trine. 

Mais comme vous l’avez aussi écrit dans l’ouvrage cité : «Avec l’indifférenciation entre les religions et l’idée qu’elles sont toutes certes discernables, mais malgré tout égales, on n’avance pas».

Très Saint-Père, nous croyons qu’avec un nouvel “Assise 1986”, aucun chrétien en terres d’Orient ne sera sauvé, ni en Chine communiste, ni en Corée du Nord ni au Pakistan ou en Irak… De nombreux fidèles, au contraire, ne comprendront pas pourquoi justement dans ces pays, il y en a encore qui meurent en martyrs pour ne pas renoncer à leur rencontre, non pas avec une religion, mais avec le Christ. Comme eux,  les Apôtres sont morts. 

En face de la persécution, il existe des voies politiques et diplomatiques, des dialogues personnels et d’Etat : c’est cette voie-là qu’il faut plutôt suivre, sans oublier Votre amour et Votre désir de paix pour tous les hommes. Mais cela doit se faire sans donner à ceux qui veulent semer la confusion et augmenter le relativisme religieux, antichambre de tous les relativismes, une occasion médiatique aussi appétissante que la réédition d’“Assise 1986”.

Avec une dévotion filiale.

Francesco Agnoli, Lorenzo Bertocchi, Roberto de Mattei, Corrado Gnerre, Alessandro Gnocchi, Camillo Langone, Mario Palmaro

2011-11. Rome : un très important colloque consacré au concile Vatican II.

Je suis extrêmement reconnaissant au Professeur Roberto de Mattei de m’avoir autorisé à reproduire dans ce blogue un très riche et très important compte-rendu  qui a été précédemment publié dans le N°228 de « Correspondance Européenne », publication du « Centro Lepanto ».

Ce compte-rendu concerne le colloque qui s’est tenu à Rome au mois de décembre 2010 et a été animé par des ecclésiastiques et des universitaires de premier plan ; le sujet en était :  «Le concile Vatican II et sa juste herméneutique à la lumière de la Tradition de l’Église».

J’espère de tout coeur, ainsi que le conclut ce texte que vous trouverez ci-dessous et auquel j’aimerais que l’on porte la plus profonde attention, que ce colloque fera tache d’huile. Ce colloque représente en effet un très important précédent à l’échelle de l’Eglise universelle et il autorise désormais de nouvelles approches de Vatican II et de ses conséquences.

Toutefois on ne peut pas encore dire qu’en France le tabou  a été brisé : les « néo-inquisitions » instituées par certaines instances ou autorités ecclésiastiques et les « fatwas » lancées par toute la nébuleuse progressiste et par ses groupes de pression, afin de protéger les interprétations  frauduleuses de ce concile imposées depuis plus de 45 ans, sont encore bien présentes, bien puissantes… et bien méchantes!

Cependant, avant de vous laisser à la lecture de ce texte, je forme le voeu que dorénavant, en France aussi, de la même manière que cela vient d’être fait à Rome, on puisse pratiquer des approches sainement critiques et vraiment pacifiées du second concile du Vatican, en conformité avec les enseignements et exemples de notre bien-aimé Pape Benoît XVI.

Frère Maximilien-Marie.

Sa Sainteté le Pape Benoît XVI

«Le concile Vatican II et sa juste herméneutique à la lumière de la Tradition de l’Église» a constitué l’objet d’un important colloque d’études organisé à Rome du 16 au 18 décembre par l’Institut des Frères Franciscains de l’Immaculée. Nous rapportons ici un compte rendu de ce colloque proposé par le prof. Fabrizio Cannone, qui en a suivi les travaux.

Le colloque sur le concile Vatican II, organisé à Rome du 16 au 18 décembre dernier par les Franciscains de l’Immaculée, constitue l’une des premières réponses à l’invitation au débat et à l’analyse critique sur Vatican II, adressée par Benoît XVI dans son fameux discours à la Curie Romaine, le 22 décembre 2005. Le débat s’est récemment ravivé, même dans la presse italienne, après la publication, au début de décembre 2010, de l’étude historico-systématique sur le concile réalisée par le professeur Roberto de Mattei (Il Concilio Vaticano II. Una storia mai scritta, Lindau, Turin 2010). Dans ce contexte, le congrès des Franciscains de l’Immaculée représente une excellente synthèse des recherches historiques et théologiques sur le concile, sur les herméneutiques qu’il a occasionnées, sur la valeur de ses documents et aussi sur ses points les moins clairs et les plus problématiques.

Les travaux ont été ouverts le 16 décembre par S.E. Mgr Luigi Negri, évêque de San Marino-Montefeltro, grand théologien et apologète, qui, dans son introduction, a expliqué les causes de la perte de l’identité chrétienne dans le contexte de la modernité occidentale. « L’homme que le concile rencontre – a dit Mgr Negri – porte sur ses épaules l’échec de la modernité ». Le prélat a fait remarquer que la culture chrétienne, à l’époque moderne, s’est d’abord heurtée à la culture séculière, puis s’est vue peu à peu absorbée par cette dernière, altérant ses caractéristiques spécifiques et se conformant aux lignes de pensée du rationalisme et de l’illuminisme. Le concile représentait une occasion propice pour recentrer la culture catholique sur la Tradition mais, à cause des oppositions, des luttes intestines, des lectures sécularisées et des applications errantes qui le minaient, il n’a pas pu jouer son rôle. Ainsi, dans la période post-conciliaire, ce n’est pas la foi et l’identité qui prévalurent mais la mise à jour et l’adaptation à la mentalité stérile du monde. Seul un retour à l’identité catholique pourra enrayer la crise historique de la foi qui sévit depuis quelques décennies.

Dans la même matinée, est intervenu Mgr Brunero Gherardini, grand représentant de l’école théologique romaine, auteur récent de deux livres d’une importance capitale, dédiés le premier au concile (Concile Œcuménique Vatican II. Un débat à ouvrir, tr. fr. Casa Mariana Editrice 2010) et le second au concept de Tradition, du point de vue de la théologie catholique (Quod et tradidi vobis. La Tradizione vita e giovinezza della Chiesa, Casa Mariana Editrice, 2010). « Le concile Vatican II – a affirmé Mgr Gherardini – ne fut pas un concile dogmatique et pas même disciplinaire, mais seulement un concile pastoral, et le sens authentique de ce caractère pastoral est encore vague ». Lorsqu’on parle du concile, il convient de distinguer quatre niveaux différents, dont chacun exprime le Magistère suprême mais avec une qualité théologique distincte. Énoncer ici la graduation suggérée par Mgr Gherardini signifierait en trahir l’extraordinaire exactitude théologique. C’est pourquoi nous nous limitons à signaler le fait que, selon cette exégèse, un seul de ces niveaux, correspondant au troisième, comporte une validité théologique incontestable, même si ce n’est que par reflet, déduite des définitions précédentes : ce niveau coïncide avec les citations importantes de la part du concile de doctrines déjà solennellement définies, traitant des thèmes de foi et de morale.

Les autres domaines du magistère conciliaire, en raison de leur nature pastorale, de leur nouveauté intrinsèque ou de leur contextualisation historique contingente, ne comportent en eux-mêmes pas d’infaillibilité, ni de caractère définitif ; ils exigent donc un certain hommage de l’intelligence, mais non « l’obéissance de la foi ». L’erreur d’un bon nombre de théologiens du post-concile consista précisément à dogmatiser un concile qui se voulait être pastoral, faisant de ce dernier tout autre chose que ce que celui qui l’avait convoqué s’était fixé.

Vatican II un débat à ouvrir

Dans la deuxième partie de la matinée, le prof. R.P. Rosario M. Sammarco FI a parlé de La formation permanente du clergé à la lumière de la Presbyterorum Ordinis, montrant comment cette juste indication conciliaire a pu s’égarer dans les méandres du post-concile marqué par l’évidente rupture d’avec la Tradition, rupture causée, comme le dirait Benoît XVI, par la “théologie moderne”. Le fait signalé par le théologien, de la disparition à partir des années 70 de la discussion des “cas de morale” est significatif : cette importante pratique conseillée par des saints comme Charles Borromée et qui s’est généralisée durant le XIXème siècle, devenant un point de référence pour les confesseurs et les pasteurs d’âmes, a soudainement disparu dans les années 70 et s’est même vue retirée du nouveau Code de 1983. Signe qu’une certaine discontinuité a eu lieu, selon une mesure différente, non seulement entre le pré-concile et le concile mais aussi entre le concile et le post-concile. Cependant le post-concile, en contredisant le concile – comme par exemple sur l’usage du latin liturgique recommandé par les assises mais rejeté dans les faits – n’a pas été une “génération spontanée” : il aurait plutôt été voulu et actualisé par les autorités compétentes, précisément sous l’influence d’une orientation anthropologique de la théologie et même de la religion.

Après le père Sammarco, le prof. Ignacio Andereggen, enseignant à la Grégorienne et philosophe catholique de haut rang, a tenu une leçon magistrale. Le professeur a défini l’essence philosophique de la modernité à partir de l’analyse de quatre auteurs fondamentaux : Descartes, Kant, Hegel et Freud. En chacun de ces auteurs, abstraction faite de toutes les différences qui les distinguent, on peut noter la présence d’un relativisme épistémologique qui fut le trait typique de la soi-disant “Renaissance” et, d’un autre côté, le refus de la tradition philosophique en tant que telle. Avec ces auteurs, on se retrouve toujours à un nouveau début : preuve que la philosophie moderne et contemporaine, en rejetant le patrimoine commun de la pensée de l’humanité, ne se base que sur elle-même. Le refus de la pensée scholastique et de la métaphysique en est également l’un des axes principaux. Dans quelle mesure cette pseudo-philosophie a-t-elle influencé le concile? Andereggen ne l’a pas précisé mais il est évident que plusieurs évêques et surtout plusieurs experts, spécialement ceux issus des milieux français (Chenu, Congar, etc.) et allemands (Rahner, Küng, etc.) en étaient imprégnés.

D’où l’insurrection, comme Maritain le signalait déjà en 1966, à seulement une année de la fermeture des travaux conciliaires, du “néo-modernisme” effectivement plus subtil et plus dangereux que l’ancien, aussi pour la raison qu’il est moins explicitement assumé et déclaré. Sans une vraie philosophie, a sagement expliqué Andereggen, il est impossible de pratiquer la théologie : et sans une théologie correcte la doctrine de la foi se corrompt.

Dans l’après-midi du même jour, le prof. Roberto de Mattei a montré dans sa relation que le concile Vatican II ne peut être présenté comme un évènement, naissant et mourant en l’espace de trois ans, sans en considérer les racines profondes et, de même, les conséquences considérables qu’il a entraînées dans l’Église. Le lien entre le concile et le post-concile, a affirmé le prof. Roberto de Mattei, n’est pas de nature doctrinale, soit entre les documents du concile et d’autres documents du post-concile. Il existe plutôt un rapport historique, étroit et indissociable, entre le concile, en tant qu’évènement se déroulant entre 1962 et 1965, et le post-concile, qui s’étale entre 1965 et 1978 et qui continue jusqu’à nos jours. Cette période, prise dans sa totalité, de 1965 à 1978, année de la mort de Paul VI, forme un unicum, une époque qu’on peut définir comme l’époque de la Révolution conciliaire, de même que les années entre 1789 et 1796, et peut-être jusqu’en 1815, ont constitué l’époque de la Révolution française.

La prétention de séparer le concile du post-concile, selon Roberto De Mattei, est aussi insoutenable que celle de séparer les textes conciliaires du contexte pastoral dans lequel ils ont été produits. Aucun historien sérieux, aucune personne de bon sens, ne saurait accepter cette séparation artificielle qui naît plus d’une prise de position que d’une évaluation sereine et objective des faits. « Aujourd’hui encore – a conclu l’historien romain – nous vivons les conséquences de la “Révolution conciliaire” qui a anticipé et accompagné celle de soixante-huit. Pourquoi vouloir le cacher ? L’Église, comme l’a affirmé Léon XIII, en ouvrant aux chercheurs les Archives Secrètes du Vatican, “ne doit pas craindre la vérité” ».

Professeur Roberto de Mattei

Le Professeur Roberto de Mattei.

L’historien français Yves Chiron, n’ayant pu faire le déplacement à Rome, a offert sa contribution par sa relation bien documentée, parlant notamment de la volonté de certains évêques et cardinaux sous Pie XI et Pie XII de convoquer un nouveau concile ou plutôt de compléter Vatican I, brutalement interrompu à cause de l’invasion de Rome en septembre 1870. Ces mêmes papes, bien qu’étant intéressés par ces propositions, les ont finalement rejetées afin d’éviter des dangers de fractionnement et de “démocratisation” de l’Assemblée délibérante. Les documents cités par Chiron concernant les thèmes à traiter dans l’éventuel Synode sont intéressants : ils étaient semblables à ceux proposés par la suite par la Curie Romaine sous Jean XXIII, dans les schémas préparatoires, lesquels furent rejetés en bloc (sauf le schéma sur la liturgie) au cours du débat en salle à cause de l’opposition manifestée par certains pères progressistes influents.

La journée du 17 décembre a été ouverte par une relation de nature historique sur Certains personnages, faits et influences au Concile Vatican II du prof. R.P. Paolo M. Siano FI, lequel a montré comment l’optimisme pastoral envers l’homme et envers le monde, suggéré par les textes conciliaires, fut utilisé par divers lobbies comme un levier pour conditionner le déroulement et la réception de Vatican II. L’auteur a également expliqué la cause de certains phénomènes de crise – doctrinale, spirituelle, liturgique et missionnaire – du post-concile : elles prennent leur source dans certaines idées et actions de différents pères et experts des assises conciliaires. Le père Siano a proposé au moins deux “remèdes” contre la crise : une mariologie “forte” – sur la ligne de la Tradition et du Magistère de l’Église : la Sainte Vierge est le “carrefour” des vérités de la foi – et une liturgie plus orientée (même visiblement) vers le Christ crucifié.

Ensuite, le prof. R.P. Giuseppe M. Fontanella FI a tenu une communication, concise mais dense, intitulée Perfectae caritatis et la vie religieuse. Où les expériences pastorales ont-elles conduit ? Selon le conférencier, le document conciliaire se situe sur la même ligne que le développement atteint par la théologie en matière de vie religieuse, mais plusieurs actualisations successives semblent avoir cédé à l’esprit de la sécularisation et de l’horizontalisme. Les religieux, selon cette optique, devraient diminuer les pratiques proprement religieuses et augmenter leur insertion dans le monde, s’éloignant ainsi de l’esprit des fondateurs. Une fois encore les chiffres parlent plus que les analyses extravagantes. Malgré la « vocation universelle à la sainteté » tant répétée, les instituts de perfection ont perdu une grande partie de leurs membres, surtout ceux ayant le plus innové par rapport à leurs coutumes et usages traditionnels.

Ensuite, S.E. Mgr Athanasius Schneider, évêque auxiliaire allemand de Karaganda au Kazakhstan, a tenu une conférence sur le sens pastoral du concile, montrant, à travers plusieurs citations, qu’il existe dans le concile un esprit théocentrique, apostolique, pénitentiel et missionnaire, et que la dimension missionnaire serait même pratiquement la note caractéristique du concile. Il est incontestable que Vatican II, lu dans cette optique, possède une grande quantité de beaux textes de spiritualité et de religiosité, de doctrine homogène, faisant corps avec la grande Tradition de l’Église. Le problème, selon le Prélat, se trouve dans la mauvaise interprétation de certains passages moins clairs : il est également évident que lorsqu’on parle d’interprétation, spécialement si comprise dans un sens universel et autoritaire, on ne peut pas faire référence à une école particulière, comme celle de Bologne, par exemple, mais on doit plutôt se référer aux commissions post-conciliaires et aux épiscopats mêmes. C’est donc sur ceux-ci que retombe la responsabilité de certaines lectures minimalistes et arbitraires. En tout cas, Mgr Schneider a courageusement demandé un nouveau Syllabus des erreurs apparues en matière d’interprétation du Concile : si ce Syllabus devait être publié un jour par la plus Haute Autorité, il fera certainement du bien à tous les catholiques.

Mgr. Athanasius Schneider

Monseigneur Athanasius Schneider

Une conférence d’une grande valeur théologique fut celle du R.P. Serafino M. Lanzetta, jeune théologien des Franciscains de l’Immaculée. Le père Lanzetta a fait un status quaestionis sur l’approche théologique de Vatican II, à travers l’analyse de la réception du concile par diverses écoles théologiques post-conciliaires. La conclusion qui en découle est que le concile, dont personne ne peut douter sincèrement de la rectitude d’intention, a favorisé les herméneutiques opposées du post-concile pour avoir abandonné, ou du moins négligé l’approche métaphysique des réalités de la foi et de la morale. Ce que le concile enseigne, il le fait en utilisant une forme descriptive et très souvent seulement allusive : ceci a permis aux novateurs d’extrapoler des conclusions théologiques aberrantes dont le Vatican II n’est pas responsable, sinon à cause d’un certain manque de clarté et de précision terminologique.

Il était, par exemple, impossible d’appliquer ces nombreuses herméneutiques en acte ainsi que les grilles interprétatives si variées, aux textes de Vatican I : si elles ont été appliquées avec une certaine facilité à Vatican II, cela est dû à un certain rejet du langage scholastique typique de la tradition théologique précédente, laquelle a été nommée, avec mépris, “livresque”. On a voulu la remplacer par le « ressourcement » (de Lubac), c’est-à-dire le retour aux Pères : mais les Pères, sur plusieurs points de la théologie et de la philosophie, en savent moins que nous, vu le progrès théologique réalisé dans la compréhension de la Révélation Divine immuable et l’apport décisif du Concile de Trente et de Vatican I en matière de dogmatique. Le retour aux Pères et à leurs formules, à la liturgie des origines et à l’Écriture cache bien souvent sous le parfum une odeur prononcée de biblicisme, de fidéisme et d’archéologisme : tout ce que le Pape Pie XII repoussait prophétiquement dans l’Humani generis (1950).

L’abbé Florian Kolfhaus, de la Secrétairerie d’État, a tenu une importante relation. Le théologien allemand a fait une critique “de l’intérieur” des documents conciliaires, en montrant que leur valeur magistérielle variée et différentiée correspond à leur majeure ou mineure autorité, laquelle se réduit quelques fois à un pur précepte disciplinaire. Le concile Vatican II a voulu être un concile pastoral, c’est-à-dire orienté vers les nécessités de son temps, tourné vers l’ordre de la pratique. Il n’a affirmé aucun nouveau dogme, aucun anathème solennel, et il a promulgué des catégories différentes de documents par rapport aux conciles précédents ; et malgré cela, Vatican II doit être compris dans la continuité ininterrompue du Magistère, puisqu’il a été un concile de l’Église légitime, œcuménique et doué de l’autorité relative. Certains de ses documents, c’est-à-dire les décrets et les déclarations, comme l’Unitatis Redintegratio sur l’œcuménisme, Nostra Aetate sur les religions non-chrétiennes et Dignitatis Humanae sur la liberté religieuse, a souligné l’abbé Kolfhaus, ne sont ni des documents définissant des vérités infaillibles, ni des textes disciplinaires présentant des normes concrètes. C’est en cela que réside la grande nouveauté de Vatican II : contrairement à tous les autres conciles, qui exposaient la doctrine ou la discipline, il transcende toutes ces catégories.

Il s’agit d’une exposition doctrinale, qui ne vise pas à donner de définitions ni à imposer de limites dans l’intention de combattre l’erreur, mais qui est tournée vers l’agir pratique conditionné par le temps. Le concile n’a proclamé aucun “nouveau” dogme et n’a révoqué aucune “vieille” doctrine, mais a plutôt fondé et promu une nouvelle praxis dans l’Église. La proposition de l’abbé Kolfhaus est de mieux préciser l’expression fuyante « magistère pastoral » par le « munus praedicandi » plus limité que le « munus determinandi ». Cela signifie : annonce de la doctrine, non pas définition doctrinale ; liée au temps et conforme au temps, non pas immuable et pas toujours égale ; qui oblige, mais n’est pas infaillible.

Le 18 décembre, dernier jour des travaux, S.E. Mgr Agostino Marchetto, parlant du Renouvellement à l’intérieur de la Tradition, a confirmé le caractère contradictoire des analyses de l’école progressiste de Bologne, avec Dossetti, Alberigo, Melloni, etc., niant également, concernant le rapport concile-post-concile, qu’on puisse parler d’un post hoc, propter hoc. Il reste à comprendre, comment il a donc été possible à une école théologique ultra-minoritaire de s’imposer presque partout, dans l’enseignement universitaire catholique, dans les facultés de théologie et d’histoire ecclésiastique, dans les revues les plus lues par les théologiens, dans la pensée des pasteurs et même des fidèles.

Le prof. R.P. Nicola Bux, pour sa part, a parlé de la disparition du ius divinum dans la liturgie : cette disparition date aussi de Vatican II et de l’immédiat post-concile. Le liturgiste de Bari a remarqué que la Sacrosanctum Concilium permettait une interprétation en conformité avec la tradition liturgique catholique, exprimée encore en 1963 par la Veterum Sapientia de Jean XXIII, mais dans les faits, les logiques de la désacralisation et de l’innovation ont prévalu. En effet, entre 1965 et le nouveau missel de 1970, des circulaires et des autorisations non seulement différentes mais même contradictoires ont été promulguées de la part de divers organes, comme la Congrégation pour la doctrine de la Foi et celle pour le Culte divin, entraînant un chaos liturgique dont l’Église entière ne s’est plus jamais remise.

Le prof. Bux a encouragé l’assistance à une double fidélité à la tradition liturgique, réhabilitée par le récent Motu proprio Summorum Pontificum, et à l’exemple du Souverain “Liturge” qui, peu à peu, est en train de remettre de l’ordre et du décor dans la célébration du Culte Divin.

Don Nicolas Bux

Don Nicolas Bux

Le néo-cardinal Velasio de Paolis, illustre canoniste, a conclu par de vibrantes paroles en défense du droit ecclésiastique, jugé même anti-évangélique dans les années du post-concile. La loi est source de liberté et de sécurité, par contre l’anomie (l’absence de loi ou d’une loi sûre) crée les malentendus, les injustices, les discordes et les ruptures. Lorsque le droit divin et canonique règnera de nouveau parmi les ecclésiastiques, la confusion générale actuelle s’atténuera et une nouvelle phase s’ouvrira pour l’Église.

Les travaux, sagement modérés, durant les trois jours, par le père Alessandro M. Apollonio FI, ont été clôturés par Mgr Gherardini, insistant sur le fait que le concile Vatican II n’a pas été un unicum, un “bloc dogmatique”, mais un concile pastoral. C’est donc sur le plan pastoral qu’il doit être situé et jugé, sans les exagérations herméneutiques qui imposent sa dogmatisation.

Cela fut le message de conclusion du colloque romain destiné certainement à faire tache d’huile, en raison du nombre et de la qualité des intervenants et des participants, parmi lesquels se distinguaient le cardinal Walter Brandmüller et le secrétaire de la Commission Pontificale Ecclesia Dei, Mgr Guido Pozzo. Du reste, le cardinal Ratzinger lui-même déclarait, déjà en 1988, devant les évêques du Chili : « Le concile, en tant que tel, n’a défini aucun dogme et a voulu s’exprimer consciemment à un niveau inférieur, comme un concile purement pastoral ». Toutefois, c’est précisément ce “concile pastoral” – continuait le cardinal Ratzinger – qui est interprété «comme un super dogme, privant de sens tous les autres conciles».

60pxemblemofthepapacysesvg.png

2011-9. De l’ « autel »(???) contemporain de la cathédrale de Viviers.

Lundi 24 janvier 2011.

Bien chers Amis,

Dans ma publication de samedi dernier (cf. > www), j’ai évoqué la figure du martyr Saint Vincent, et je vous ai expliqué qu’il était le céleste protecteur de la cathédrale et du diocèse de Viviers.

Avec la souveraine liberté qui caractérise les chats, je m’autorise aujourd’hui à publier sur mon blogue des réflexions que j’ai recopiées sur le « mur » facebook de Frère Maximilien-Marie après qu’il a publié, il y a déjà quelques mois, des photos qu’il avait faites pour présenter à ses amis, la belle cathédrale Saint-Vincent de Viviers.

Parmi les trésors artistiques qu’elle renferme, il y a un splendide maître-autel du XVIIIème siècle, véritable merveille de marqueterie de marbre :

Maître-autel cathédrale Viviers

(cliquer sur la photo pour la voir en plus grand format)

Tous les amis de Frère Maximilien-Marie qui ont commenté cette photographie se sont unanimement extasiés sur l’élégance et la finesse de cette oeuvre d’art, bien propre à magnifier le Saint-Sacrifice de la Messe.

Il n’en a pas été de même avec la photo suivante présentant l’ « autel contemporain » placé à une date récente juste devant le maître-autel présenté ci-dessus. Je me contente seulement de vous recopier en dessous de la photo quelques uns des commentaires qui se sont immédiatement multipliés, dès que Frère Maximilien-Marie l’eût publiée – quelques uns seulement, car il eût été fastidieux de reprendre toutes les exclamations de surprise ou d’horreur qui sont à peu près dans les mêmes termes -  :

2011-9. De l'

(nota : les dimensions de la plaque de verre servant de table sont d’environ 80 x 50cm)

Charlotte : « Mon Dieu, que c’est laid!!!!!!!!!!!!!! Il serait plus à sa place dans un restau simili branché-branchouille que dans une église… »

Pedro : « Mais ceci ressemble plus à un socle ou à un guéridon qu’à un autel… »

Jérôme : « Un tronc d’arbre mal équarri sur lequel on a planté un tout petit Sacré-Coeur! »

Charlotte : « Je ne m’en remets pas tellement c’est moche… »

Cécile : « Mon Dieu, ça dépasse l’entendement et le bon goût… Pauvre Sacré-Coeur !!! »

Nicolas :  « Ikea fait des autels maintenant??? Ils sont forts ces Suédois quand même… Ou alors c’est le syndicat des bûcherons locaux qui l’a offert… Ridicule! »

Charlotte : « Une question : A part y poser un bol avec des fraises tagada ou des chips pour l’apéro, il n’y a même pas de place sur ce… truc ??? »

Cécile : « Ça tombe bien, je cherchais une table moderne de ce genre pour mon ordinateur… Je reprends !!

Pierre-Antoine : « Absurde et insignifiant. A l’image du catholicisme moderniste : un vieux morceau de bois qui n’intéresse plus personne. »

Nicolas : « On dirait même un billot d’exécution qu’on a redressé sur un de ses côtés : on voit l’encoche pour positionner le cou des condamnés… Pourrait-on connaitre le prix de cette « affreuseté »? L’Eglise est donc tellement riche qu’elle puisse se permettre de gaspiller de l’argent?… »

Jérôme : « Justement, j’allais demander si les fidèles sont d’accord pour que l’argent qu’ils donnent au denier du culte serve à ça! »

Lorenzo : « Quelle horreur! Ce n’est même pas digne d’être ce que Don Camillo appelait « la tavola calda »… »

Sophie : « Il faut rire ou pleurer? »

Lorenzo : « Pleurer!… »

Cyrille : « Prier, prier, c’est mieux!… »

Thibault : « C’est un tapis de prière en dessous?… ils sont prévoyants! »

Nicolas : « Entre les expos d’art contemporain dans les appartements du Roi et ces horreurs répugnantes dans la maison de Dieu, on finit par penser que l’on vit vraiment une époque méprisable remplie de petits hommes qui parlent fort!!! Prions pour que ça cesse, mais un petit coup de mortier 81 mm devrait aider nos prières, je pense… »

Cyrille : « Ça va faire trop de bruit … et puis un mortier, ça ne se trouve pas au coin de la rue… lol »

Lorenzo : « Nicolas a une idée qui me plait : une belle volée de mortier de 81 serait très utile! Le grand cardinal Giuseppe Siri, le dernier cardinal de Pie XII,  a déclaré un jour : « Aujourd’hui, la société a le culte de la laideur, signe que la saison du mal a commencé! »

Julie : « Acheté un euro sur ebay ? »

Charlotte : « Le tapis? oui! »

Nicolas : « Excellent! D’un autre côté, on doit bien se douter que ce ne sont pas les Compagnons qui ont sculpté cet immondice… »

Cyrille : « Pas immondice, TAAAAABLE contemporaine! »

Nicolas : « Ah,oui! c’est vrai… Je n’arrive pas à m’y faire!!! Il faut que je relise les mémoires de Jack Lang et d’Aillagon!!! »

Julie : « Même chez But y’a des meubles plus beaux!!! »

Charlotte : « Heureusement pour ceux qui bossent chez But!!! »

Sophie : « Il y a un petit papier coincé sous le tronc mal dégrossi… Qu’est ce que c’est? une cale? ils n’ont pas été fichus de faire qu’il ne soit pas bancal? »

Cyrille : « Ils n’avaient peut-être pas le budget suffisant pour que le constructeur puisse finir le calage de cette table… »

Sophie : « Heureusement, Dieu est le Maître du Recyclage : le jour où il en aura marre de cette chooooose infâme : pfffffuit!!!!! »

Jérôme : « Au fait : j’ai trouvé des morceaux de troncs, des vieilles boites rongées par la rouille, des tessons de verre ou d’assiette… etc. Avec de pareilles merveilles je pourrais m’établir créateur de mobilier liturgique contemporain et peut-être que je ferais fortune en proposant mes créations aux évêques modernichons. »

Emma : « Excellents commentaires! Je me régale en vous lisant car passer de la superbe photo du maître-autel à la photo du « machin »… c’est vraiment choquant! »

* * * * * * *

Voilà ce que je voulais porter aujourd’hui à votre connaissance, mes chers Amis : pour moi, ce qui me réjouit en lisant ces commentaires, c’est d’abord le bons sens, l’humour et l’intelligence qui les animent ; mais je jubile ensuite aussi en pensant que ces réflexions pertinemment impertinentes émanent de jeunes adultes, de personnes nettement plus jeunes que les commanditaires de ce genre de prétendu « mobilier liturgique » lequel, il faut le souligner, n’est de toute façon pas en accord avec les textes publiés par le Saint-Siège, même pour la célébration de la messe selon le missel de Paul VI…!!!Tout ceci rejoint ce que j’avais déjà publié ici > www à propos des autels destinés au culte catholique.

A la veille de la clôture de la semaine de prières pour l’unité des chrétiens, redoublons encore de ferveur pour que, en priorité, à l’intérieur de notre Eglise catholique se réalise une véritable unité autour de notre Saint-Père le Pape Benoît XVI et, pour cela, prions pour que l’hérésie moderniste, exprimée par tant de liturgies (ou de prétendues liturgies) fantaisistes, cesse de troubler les âmes, cesse d’égarer les intelligences, cesse aussi d’attenter au plus élémentaire bon goût…

Lully.

Armoiries de Sa Sainteté le Pape Benoît XVI

2011-6. Gustave Thibon : dix ans déjà!…

2001 – 19 janvier – 2011

   Ce 19 janvier 2011 marque le dixième anniversaire du rappel à Dieu de Gustave Thibon. Dix ans déjà!…

Je peux dire sans exagération que, depuis que j’ai découvert Gustave Thibon – j’avais à peine 15 ans – et plus encore depuis ce 19 janvier 2001 où il est entré dans son éternité, je n’ai pas été un seul jour sans me nourrir de ses écrits, de sa pensée, des leçons que j’ai reçues de luiIl a été et il demeure toujours, pour tout mon itinéraire personnel – intellectuel et spirituel – ce que l’étoile miraculeuse a été pour les Mages : une divine lumière pour éclairer ma marche dans la nuit de ce monde!
Comme je voudrais pouvoir écrire avec une exacte justesse et justice tout ce que je dois à Gustave Thibon : parviendrai-je à le faire un jour?
Tout simplement, à l’occasion de ce dixième anniversaire, je me bornerai à écrire, à crier pour toute oreille qui voudra bien l’entendre, et à chanter en direction du Ciel un immense
« Merci! ».

En 1993, à la suite de la parution du livre d’entretiens recueillis par Danièle Masson  intitulé « Au soir de ma vie » (éd. Plon), Gustave Thibon avait reçu plusieurs personnes, parmi lesquelles des journalistes, et répondu à leurs questions. J’avais alors soigneusement pris note de ses réponses : c’est une partie de cet échange, recopié de mes cahiers personnels, que je vous retranscris ci-dessous.

Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur.         

Gustave Thibon

- Quel est pour vous le comble de la misère ?

G.T. : Ne plus aimer, ne plus être aimé.

- Où aimeriez-vous vivre ?

G.T. : Là où je suis. « C’est d’âme qu’il faut changer, pas de lieu », disait Sénèque.

- Pour quelles fautes avez-vous le plus d’indulgence ?

G.T. : Celles commises par amour… Même si on se trompe sur le niveau et la qualité de cet amour. L’amour humain peut être sacré ou profané, il n’est jamais totalement profane.

- Votre rêve de bonheur ?

G.T. : Le bonheur ne se rêve pas. Il est partout à condition de tout accueillir comme don de Dieu.

- Votre passage d’Evangile préféré ?

G.T. : « Père, pourquoi m’as-tu abandonné ! » Ce cri me touche de très près aujourd’hui. Sur la Croix, Dieu désespère de Lui-même, et, si j’ose dire, meurt athée. Je crois avec Chesterton que « notre religion est la bonne car c’est la seule où Dieu à un moment a été athée ». Je suis amoureux de ce Christ en agonie, l’Homme des douleurs, Dieu devenu infiniment faible, Dieu abandonné de Dieu. Si j’avais été religieux, j’aurais choisi le nom de ‘frère X. de Gethsémani’.

Le passage de la femme adultère m’est également très cher. Dieu est à la fois l’exigence infinie et l’indulgence infinie. Il nous pardonnera ce que nous n’osons pas nous pardonner à nous-mêmes. Cet apologue oriental me touche beaucoup : le diable dit à Dieu : « Ce qui m’étonne chez Toi, c’est que les hommes ne font que pécher et Tu leur pardonnes sans cesse, alors que moi, je n’ai péché qu’une fois et Tu ne m’as jamais pardonné! » Et Dieu lui répond : « Mais toi, combien de fois m’as-tu demandé pardon ? »

- Comment définissez-vous l’enfer ?

G.T. : Comme Simone Weil : « Se croire au paradis par erreur ».

- Et la mort ?

G.T. : Comme Gabriel Marcel : « Le dépaysement absolu »… Un saut vertigineux que je m’interdis d’imaginer : il ne faut pas enlever sa virginité, dépuceler d’avance ce retour à la Patrie, puisque notre vie est un exil.

Nous serons stupéfaits quand nous verrons les lignes courbes par lesquelles Dieu a écrit droit, et à quel point le mal et le bien s’enchevêtrent. Je crois à la solidarité du bien et du mal, de l’ivraie et du bon grain. Il y a parfois des vertus qui perdent et des péchés qui sauvent, non par eux-mêmes, mais par rebondissement. Vient un moment où il faut se repentir de sa vertu comme on se repend de son péché.

- Le plus grand mal de notre époque ?

G.T. : Exiger du temps qu’il tienne les promesses de l’éternel. Simone Weil a tout dit : « Dieu et l’homme sont comme deux amants qui se sont trompés sur le lieu du rendez-vous : l’homme attend Dieu dans le temps, et Dieu attend l’homme dans l’éternité ».

- La vertu la plus nécessaire aujourd’hui ?

G.T. : La réaction contre le conformisme qui se cache sous le masque de la liberté… Ce que Gabriel Marcel appelait « le conformisme de l’aberrant ». Simone Weil disait : « Dieu t’a béni de naître à une époque où on a tout perdu ». Et où, par conséquent, on peut tout retrouver, plus personnellement, moins par pesanteur sociale.

Cette époque qui provoque les guerres les plus sanglantes au nom de la liberté constitue un scandale unique dans l’histoire. Etant donné le degré de moralité théorique du XXème siècle, de telles horreurs ne devraient pas être possibles. Notre temps est, plus que tout autre, le temps du pharisaïsme et de l’hypocrisie : c’est le règne des vérités chrétiennes devenues folles dont parle Chesterton.

- Votre principal sujet d’admiration ?

G.T. :  La faiblesse de Dieu… Voir à quel point Dieu est désarmé. Il fait dépendre le plus haut du plus bas. Le supérieur dépend de l’inférieur, mais la réciproque n’est pas vraie : « la rose a besoin du fumier, mais le fumier se passe fort bien de la rose ». Dieu a besoin de l’homme mais l’homme se passe fort bien de Dieu. Il s’est rendu esclave des causes secondes.

- Etat présent de votre esprit ?

G.T. : Celui d’une veilleuse éclairant des ruines. Cette veilleuse est ma conscience. Je me sens à la fois rejeté par le temps et indigne de l’éternité. Je n’ai pas la grâce de Simone Weil qui priait le Ciel de mourir gâteuse. On vieillit bien tant qu’on ne vieillit pas.

- Votre foi ?

G.T. : Du désespoir surmonté. Une foi éprouvée, qui n’est plus une armure mais une blessure. Je parie Dieu. « Il faut aimer Dieu comme s’il n’existait pas », soutenait Simone Weil. Je sens en moi ce combat entre le croyant en Dieu et le croyant en l’absence de Dieu. Mère Marie-Thérèse, une carmélite d’Avignon, disait : « Ce n’est pas la vertu que Dieu demande, c’est d’être trouvé pauvre ». Et pauvre même de nos certitudes et de nos vertus! Dieu a d’abord été pour moi Puissance et Loi ; puis Lumière et Amour ; enfin Absence et Nuit. C’est peut-être en cela qu’Il ressemble le plus à Lui-même. Il me devient chaque jour de moins en moins étranger et de plus en plus inconnu : je suis devenu un agnostique adorateur.

- Votre mot de la fin ?

G.T. : « Seigneur, je remets mon âme entre vos mains ! » 

J’aime aussi le dernier mot de la dernière lettre que j’ai reçue de mon amie Marie-Noël : « Je tombe de sommeil en Dieu ». Elle avait pourtant perdu le Dieu de son enfance et découvert une nuit sans étoiles. Au bout de ce « combat désespéré pour sauver Dieu », elle constatait que « Dieu n’est pas un lieu tranquille ».

* * * * * * *

NB. On trouvera > ici, des éléments de biographie de Gustave Thibon que nous avions publiés il y a trois ans.

1...5455565758...60

A tempo di Blog |
Cehl Meeah |
le monde selon Darwicha |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | mythologie
| jamaa
| iletaitunefoi