2025-73. Marie, protectrice de la France royale.
Fête de l’Annonciation de Notre-Dame.
Célébrée 25 mars, ou bien, en cas d’occurrence avec la Semaine Sainte, le premier jour libre après l’octave de Pâques.
Le texte qui suit constitue la lettre mensuelle du mois de mars 2025, adressée aux membres et amis de la Confrérie Royale, à l’occasion de la fête de l’Annonciation de la Bienheureuse Vierge Marie.
Il est bon de rappeler, encore une fois, que, sous l’Ancien Régime, la fête de l’Annonciation était une fête chômée au Royaume de France, et que donc l’accomplissement des tâches serviles y était rigoureusement interdit (d’où, en particulier, le miracle de l’osier sanglant – cf. > ici -, le 25 mars 1649, en Dauphiné, pour donner une leçon mémorable à ce huguenot fanatique qui travaillait ce jour-là nonobstant l’interdiction légale).
Sanctifions donc du mieux que nous le pouvons sous ce régime de prétendue laïcité qui n’est en réalité que le règne de l’impiété, cette fête si chère aux âmes fidèles.
Philippe de Champaigne (1602-1674) : Annonciation (1644)
[Musée métropolitain d'Art, New-York]
Marie, protectrice de la France royale
En cette fête de l’Annonciation, nous commémorons la plus belle annonce faite par Dieu à l’humanité tout entière. Enfin, en ce jour béni, s’est concrétisée la promesse multiséculaire reçue par les prophètes et communiquée au Peuple élu de l’Ancienne Alliance : Dieu vient habiter parmi les hommes en prenant chair de la plus belle et la plus sainte de toutes les créatures, la Vierge Marie. Neuf mois plus tard, le plus beau des enfants des hommes, l’Emmanuel, « Dieu avec nous », apparaîtra aux yeux des pasteurs de Judée, dans la pauvre mangeoire de Bethléem.
L’Annonciation a longtemps été une fête majeure de la France royale. Ainsi, jusqu’au règne de Charles IX, le premier jour de l’année était fixé à cette date. C’était d’ailleurs la coutume dans la plupart des pays de la Chrétienté. Pour la plupart des auteurs chrétiens, il convenait tout à fait que chaque nouvelle année commençât le jour où le Christ, Sauveur de l’humanité, qui a récapitulé toute l’histoire du monde, est entré dans l’histoire des hommes. Ce n’est qu’après la promulgation du calendrier grégorien, par le pape Grégoire XIII, que la date du 1er janvier s’est progressivement imposée en Europe, sauf dans les pays protestants qui ont longtemps refusé d’accepter un calendrier émanant de l’autorité pontificale.
La fête de l’Annonciation, disions-nous, était particulièrement fêtée par les princes de la dynastie capétienne. N’est-ce pas ce jour-là, en 1252, que le grand saint Louis, approchant de la ville de Nazareth, lors de la septième croisade, « descendit de cheval, se mit à genoux pour adorer de loin ce saint lieu où s’était opéré le mystère de notre rédemption [1] ». Le 25 mars 1267, comme le rappelait le grand historien Louis-Sébastien Le Nain de Tillemont, le saint roi, la sainte couronne d’épines entre les mains, exhorta les chevaliers à prendre la croix à l’occasion de la huitième croisade. N’est-ce pas aussi en l’honneur de cet épisode fondamental du mystère de la Rédemption, que sainte Jeanne de Valois, reine de France, fille de Louis XI et épouse de Louis XII, institua, en 1501, une communauté de religieuses – l’ordre des Annonciades – qui fut si florissante dans le royaume des lys ? Le roi Henri III, en 1583, n’a-t-il pas fondé une confrérie, la « Congrégation des pénitents blancs de l’Annonciation Notre-Dame », et sollicité du pape son approbation et des indulgences ? Le juste Louis XIII ne fit-il pas ce jour-là, en 1643, son ultime confession générale avant de mourir, le 14 mai suivant ?
Un bel évènement eut lieu aussi sous le règne du jeune Louis XIV. Le 25 mars 1650, étant reçu en la ville de Dijon, il renouvela le vœu de son père « à l’honneur de cette Souveraine Dame de l’Univers, par une nouvelle déclaration qu’il en fit, où il confessa être redevable à ses intercessions, des faveurs et bénédictions du Ciel […], et confirma par cette déclaration celle de son père, y témoigna les mêmes reconnaissances, et y fit une pareille soumission et offrande de sa Personne, de sa Couronne et de ses Sujets à la Reine des Anges, ordonnant de continuer la même dévotion et procession générale et très solennelle le jour de l’Assomption, et de faire exhorter tous ses sujets d’avoir une dévotion particulière à la sainte Vierge, d’implorer à ce jour sa protection, et de redoubler l’ardeur de leurs prières pour impétrer par son intercession la continuation des faveurs et bénédictions célestes sur sa Personne et sur son Royaume [2]. » Certes, cet acte royal rappelle que la grande fête mariale du royaume est l’Assomption, mais le choix du jour de l’Annonciation indique que la piété mariale des princes de France s’étend à toutes les fêtes célébrées en l’honneur de la Vierge Marie, et particulièrement ce jour où elle reçut en son sein le Verbe divin.
Aux marges du royaume, nous ne pouvons pas ne pas mentionner la création, par le duc Charles III de Savoie, en 1518, de l’Ordre suprême de la Très Sainte Annonciade [3], principal ordre chevaleresque de la Maison de Savoie, dont le prestige immense l’équipara, pendant plusieurs siècles, aux ordres de la Jarretière, de la Toison d’or et du Saint-Esprit. Les chevaliers de l’Annonciade, consacrés à Marie, étaient invités à méditer les mystères du Rosaire – à l’origine, d’ailleurs, il n’y avait que quinze chevaliers, le duc-grand-maître compris, pour rappeler les quinze mystères du Rosaire [4].
Cette grande fête de l’Annonciation était ainsi solennellement célébrée par la plupart des princes chrétiens d’Europe. Nous aussi, à quelques siècles de distance, fidèles à notre foi et à notre pays, nous avons le devoir de rendre hommage à la Reine du Ciel et d’implorer son assistance dans les tribulations que connaît la pauvre France, en ces temps bien tragiques de violence et d’apostasie. Marchons dans les traces des pieux princes qui ont gouverné ce grand royaume. En ce même jour du 25 mars, la Providence a permis que fût fondée la Confrérie royale, dont nous célébrons, cette année, le 10e anniversaire. Dix ans de grâces pour tous ses membres. Dix ans de fidélité à nos engagements spirituels de prier pour la France et pour le retour de sa grandeur et de son prestige. Dix ans de soutien à la Couronne multiséculaire et à son héritage porté, depuis plus de 35 années, par S. A. R. Mgr le duc d’Anjou, de jure S. M. le roi Louis XX. Ayons donc bien à cœur, en cette Année jubilaire, de renouveler nos engagements, nos motivations, nos convictions, au service de cette belle œuvre. Profitons bien de ces grandes fêtes de l’année liturgiques, en particulier les « fêtes royales », comme en ce jour de l’Annonciation, pour puiser les grâces nécessaires pour maintenir intacte notre foi, au milieu des tempêtes, et garantir notre fidélité aux principes et aux valeurs communiqués par la Confrérie royale.
Que la Vierge sainte de Nazareth
nous garde sous sa puissante protection !
+ Mathias Balticensis
[1] Richard Girard de Bury, Histoire de Saint Louis, Roi de France, Paris, Audot, 1817, p. 232. L’historien d’ajouter ce commentaire édifiant : « Il y communia de la main du légat, qui y fit à cette occasion un sermon fort touchant : de sorte que, suivant la réflexion que fait le confesseur de ce saint prince, dans un écrit qui nous apprend ce détail, on pouvait dire que, depuis que le mystère de l’Incarnation s’était accompli à Nazareth, jamais Dieu n’y avait été honoré avec plus d’édification et de dévotion qu’il le fut ce jour-là. »
[2] R. P. Balthazar de Riez, Suite de l’incomparable piété des très-chrétiens Rois de France de la Race de S. Louis, Aix, Charles David, 1674, l. II, p. 810.
[3] Cet ordre succédait à l’ancien ordre du Collier, fondé en 1364 par le comte Amédée VI.
[4] Les statuts de l’Ordre leur demandaient de réciter, chaque matin, quinze Pater Noster et quinze Ave Maria, sous peine de devoir payer « quinze sols pour être distribués pour l’honneur de Dieu ».

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