2024-269. « Aussitôt que je crus qu’il y avait un Dieu, je compris que je ne pouvais faire autrement que de ne vivre que pour lui…»
1er décembre,
Fête de Saint Charles de Jésus, ermite au Sahara et confesseur,
céleste protecteur du Refuge Notre-Dame de Compassion en second (au Mesnil-Marie, double de 2ème classe).
Voici le récit, fait par lui-même, de la conversion du vicomte Charles-Eugène de Foucauld de Pontbriand, dans une lettre à son ami Henry de La Croix de Castries (1850-1927) : au moment où il rédige ces lignes, Charles de Foucauld est prêtre depuis un peu plus de deux mois, il réside pour encore une quinzaine de jours à la Trappe de Notre-Dame des Neiges, car il s’apprête à partir pour le Sahara : après les tâtonnements et les maturations qui l’ont conduit de la Trappe de Notre-Dame des Neiges, à celle de Notre-Dame du Sacré-Cœur à Akbès, puis à Nazareth – où, depuis le printemps 1898, il ne se fait plus appeler que Charles de Jésus -, il est entré dans sa plénitude et peut désormais regarder avec sérénité l’itinéraire par lequel Dieu l’a ramené vers Lui.
Charles de Foucauld en 1900 :
cette photo, où il se trouve avec son neveu et filleul, Charles de Blic,
a été prise au château de Barbirey-sur-Ouche (propriété des Blic)
un peu avant que Charles ne rejoigne la Trappe de Notre-Dame des Neiges
pour s’y préparer aux ordinations
donc quelques mois avant qu’il ne rédigeât la lettre qui suit.
Notre-Dame des Neiges, 14 août 1901
Mon cher ami,
(…) Je commencerai par faire ma confession. Votre foi n’a été qu’ébranlée me disiez-vous ; hélas la mienne a été complètement morte pendant des années : pendant douze ans, j’ai vécu sans aucune foi. Rien ne me paraissait assez prouvé ; la foi égale avec laquelle on suit des religions si diverses me semblait la condamnation de toutes : moins qu’aucune, celle de mon enfance me semblait admissible avec son 1 = 3 que je ne pouvais me résoudre à poser ; l’Islam me plaisait beaucoup, avec sa simplicité, simplicité de dogme, simplicité de hiérarchie, simplicité de morale, mais je voyais clairement qu’il était sans fondement divin et que là n’était pas la vérité ; les philosophes sont tous en désaccord ; je demeurai douze ans sans rien nier et sans rien croire, désespérant de la vérité et ne croyant même pas en Dieu, aucune preuve ne me paraissait assez évidente…
Je vivais comme on peut vivre quand la dernière étincelle de foi est éteinte. Par quel miracle la miséricorde divine m’a-t-elle ramenée de si loin ? Je ne puis l’attribuer qu’à une seule chose : la bonté de Celui qui a dit de lui-même « Quoniam bonus, quoniam in saeculum misericordia ejus » (car Il est bon, car Sa miséricorde est éternelle), et sa Toute Puissance…
Pendant que j’étais à Paris, faisant imprimer mon voyage au Maroc, je me suis retrouvé avec des personnes intelligentes, très vertueuses et très chrétiennes ; je me suis dit que peut-être cette religion n’était pas absurde ; en même temps une grâce intérieure extrêmement forte me poussait ; je me suis mis à aller à l’église, sans croire, ne me trouvant bien que là et y passant de longues heures à répéter cette étrange prière : «Mon Dieu si vous existez, faites que je vous connaisse »…
L’idée me vint qu’il fallait me renseigner sur cette religion, où peut-être se trouvait cette vérité dont je désespérais ; et je me dis que le mieux était de prendre des leçons…
Comme j’avais cherché un bon thaleb pour m’enseigner l’arabe, je cherchai un prêtre instruit pour me donner des enseignements sur la religion catholique… On me parla d’un prêtre très distingué, ancien élève de l’Ecole Normale ; je le trouvai à son confessionnal et je lui dis que je ne venais pas me confesser, car je n’avais pas la foi, mais que je désirais avoir quelques renseignements sur la religion catholique…
Le Bon Dieu qui avait commencé si puissamment l’œuvre de ma conversion, par cette grâce intérieure si forte qui poussait presque irrésistiblement à l’église, l’acheva : le prêtre, inconnu pour moi, à qui il m’avait adressé, qui joignait à une grande instruction une vertu et une bonté plus grandes encore devint mon confesseur et n’a pas cessé d’être, depuis les quinze ans qui se sont écoulés depuis ce temps, mon meilleur ami…
Aussitôt que je crus qu’il y avait un Dieu, je compris que je ne pouvais faire autrement que de ne vivre que pour lui : ma vocation religieuse date de la même heure que ma foi : Dieu est si grand, il y a une telle différence entre Dieu et tout ce qui n’est pas lui…
Dans les commencements, la foi eut bien des obstacles à vaincre ; moi qui avais tant douté, je ne crus pas tout en un jour ; tantôt les miracles de l’Evangile me paraissaient incroyable ; tantôt je voulais entremêler des passages du Coran dans mes prières. Mais la grâce divine et les conseils de mon confesseur dissipèrent ces nuages…
Je désirais être religieux, ne vivre que pour Dieu et faire ce qui était le plus parfait, quoique ce fût… Mon confesseur me fit attendre trois ans ; moi-même, tout en désirant « m’exhaler devant Dieu en pure perte de moi », comme dit Bossuet, je ne savais quel ordre choisir : l’Evangile me montra que le « premier commandement est d’aimer Dieu de tout son cœur » et qu’il fallait tout enfermer dans l’amour ; chacun sait que l’amour a pour premier effet l’imitation ; il restait donc à entrer dans l’ordre où je trouverais la plus exacte imitation de Jésus…
Chapelle du Père Charles de Jésus à Béni-Abbès
Vous pouvez laisser une réponse.
Le travail d’une âme que Dieu a choisie pour une destinée vers le martyre.
Saint Charles, priez pour nous, priez pour la France !
Dieu lui a envoyé une grâce de choix, pour lui faire oublier le « Monde ».