2024-265. De Saint Gélase, moine de Saint Augustin et troisième pape africain.
28 novembre,
Au Mesnil-Marie, fête de Saint Gélase 1er, pape et confesseur ;
Mémoire de Saint Séverin de Paris, ermite et confesseur (cf. > ici) ;
Anniversaire de la mort de Gian-Lorenzo Bernini, dit Le Bernin (+ 28 novembre 1680).
Le martyrologe romain, à la date du 21 novembre, qui est son « dies natalis » (expression qui signifie « jour de naissance » mais qui, dans la tradition chrétienne depuis la plus haute antiquité, ne désigne pas la naissance sur terre, mais celle dans la vie éternelle, c’est-à-dire le jour de la mort), mentionne Saint Gélase de manière laconique :
« A Rome, Saint Gélase, pape, remarquable par sa science et sa sainteté ».
Mais le martyrologe propre (traditionnel) de l’Ordre de Saint Augustin est davantage prolixe :
« A Rome, Saint Gélase, pape, qui élevé à l’école et au monastère de notre Père Saint Augustin, quitta l’Afrique à cause de la persécution des Vandales, vint en Italie, près de Naples en Campanie, pour y mener la vie monastique ; mais élu au souverain pontificat par le clergé romain à cause de sa grande sainteté et de l’excellence de sa doctrine, il occupa la chaire de Saint Pierre avec une grande sagesse et une grande intégrité ».
Sa fête est empêchée au jour même de l’anniversaire de son bienheureux trépas par la célébration de la fête de la Présentation de Notre-Dame au Temple, et c’est la raison pour laquelle, pour la marquer de manière convenable (alors qu’elle ne se trouve pas au calendrier universel), nous nous trouvons contraints de l’assigner à ce jour du 28 novembre : un pape issu de l’Ordre de Saint Augustin et canonisé, nous ne pouvons décemment pas en omettre la fête !
Les Souverains Pontifes qui furent des religieux de la famille augustinienne (nous ne comptons pas ceux, très nombreux, qui avaient été chanoines séculiers) sont au nombre de trois : Eugène IV (né Gabriel Condulmer, pape de 1431 à 1447), qui est issu de l’Ordre des Ermites de Saint Augustin, Grégoire VIII (né Albert de Morra, pape du 21 octobre au 17 décembre 1187), chanoine régulier de l’abbaye Saint-Martin de Laon, et, le premier de tous, Saint Gélase 1er (pape du 1er mars 492 au 21 novembre 496), qui est aussi le troisième et dernier des « papes africains », après Saint Victor 1er (+ vers 198) et Saint Melchiade (+ 10 janvier 314).
Notez bien que lorsqu’on parle de « pape africain », il n’est évidemment pas question d’Afrique subsaharienne, mais de l’Afrique du Nord là où sont aujourd’hui l’Algérie et la Tunisie.
Les historiens contemporains, pour le plus grand nombre, ignorent la tradition augustinienne et, parce que, dans une lettre à l’empereur Anastase 1er, Gélase (Gelasius) déclare lui-même qu’il est né Romain (Romanus natus), ils en concluent de manière assez simpliste que Gélase serait né à Rome, ce qui est aller un peu vite en besogne.
En effet, le Liber pontificalis (catalogue chronologique des papes commencé au VIème siècle et qui va jusqu’au IXème siècle) mentionne explicitement que Gélase est né en Afrique (« Gelasius, natione Afer »), ce qui est conforme à la tradition augustinienne et semble indiquer qu’il est né dans la province d’Afrique proconsulaire (voir la carte publiée > ici), province dans laquelle les hommes libres avaient la citoyenneté romaine ; mais cela peut aussi signifier que Valère (Valerius), père de Gélase, descendait d’une famille romaine qui s’était installée en Afrique proconsulaire.
Ceux qui, d’un autre côté, revendiquent Saint Gélase comme « pape berbère » (sic), font vraisemblablement eux aussi des conclusions bien hâtives : être né en Afrique proconsulaire au Vème siècle ne veut nullement dire que l’on appartenait aux populations locales « endémiques » : nous l’avons vu avec Saint Augustin, qui (même si Sainte Monique est vraisemblablement issue d’une ascendance berbère) ne s’est jamais lui-même présenté comme berbère mais toujours comme punique, c’est-à-dire descendant de Carthaginois, et donc vraisemblablement issu des colons phéniciens qui, venus avec la fameuse reine Didon, ont fondé Carthage au IXème siècle avant J.C.
Saint Gélase 1er, représenté sur l’un des folios enluminés du
Sacramentaire de Charles le Chauve (vers 869) :
la scène représente le couronnement d’un prince (sans doute Charles le Chauve)
entre les papes Saint Gélase 1er et Saint Grégoire 1er le Grand
Selon la tradition augustinienne dont le martyrologe propre des Ermites de Saint Augustin est l’écho, Gélase fut d’abord « élevé à l’école et au monastère de notre Père Saint Augustin ». Il est bien dit « au monastère », et non pas « dans l’un des monastères », ce qui semble dire que Gélase adolescent avait été confié aux moines augustiniens du monastère d’Hippone, pour y être éduqué, et qu’il avait ensuite choisi d’embrasser lui aussi la voie monastique.
Les historiens placent sa naissance aux alentours de l’année 410, sans qu’il soit possible de préciser davantage. Mais cela permet toutefois de supputer que Gélase, adolescent ou jeune homme, a pu personnellement connaître le grand Docteur de la Grâce.
On se souvient que notre Bienheureux Père Saint Augustin mourut le 28 août 430 dans sa cité épiscopale assiégée depuis trois mois par les Vandales de Genséric. Hippone résista longtemps, si bien qu’au bout de quatorze mois, Genséric leva le siège. Mais il revint et s’empara de la ville en 431. La ville (dont la bibliothèque épiscopale fut respectée) devint alors sa capitale provisoire, jusqu’à la prise de Carthage, en octobre 439.
Genséric, puis son fils et successeur Hunéric, professaient l’arianisme et, pendant une cinquantaine d’années, ils persécutèrent les chrétiens nicéens : il y eut alors des milliers de martyrs.
Nous avons déjà évoqué ces événements > ici, puisque ce sont eux qui décidèrent de la translation des reliques de Saint Augustin en Sardaigne, grâce à Saint Fulgence de Ruspe et Saint Eugène de Carthage.
C’est dans le cours de cette période, qui vit les monastères augustiniens particulièrement persécutés par les Ariens, et sans qu’il nous soit possible de préciser une date, que, fuyant la persécution, Gélase partit vers la Campanie pour y continuer sa vie monastique dans un climat plus propice à la contemplation et à l’étude, qui sont le fondement de la vie monastique augustinienne.
Portraits imaginaires des papes Saint Félix III et Saint Gélase 1er
sur une gravure publiée dans un ouvrage d’histoire de l’Eglise publié en 1678
Saint Félix III, issu d’une famille sénatoriale romaine, qui avait été marié et père de famille avant d’entrer dans la cléricature à son veuvage (c’est ainsi qu’il est l’arrière grand-père de Saint Grégoire le Grand), homme de mœurs austères et de fort tempérament, élu au Souverain Pontificat le 13 mars 483, appela auprès de lui le moine Gélase qui devint son principal collaborateur et son secrétaire particulier.
Le pontificat de Félix III (qui dura neuf années moins une semaine) est une période agitée par des controverses théologiques avec le patriarche de Constantinople et l’empereur Zénon (schisme d’Acace), par l’invasion de la péninsule par Théodoric, et par les remous consécutifs à la persécution des Vandales en Afrique.
A la mort de Félix III, le 1er mars 492, Gélase est élu le jour même pour lui succéder : c’est un septuagénaire voire presque un octogénaire, qui hérite des conflits du précédent pontificat, dans lequel il a été un acteur de premier plan.
Les aspects de doctrine, de discipline ecclésiastique, de liturgie et de politique – fort intéressants – du pontificat de Saint Gélase méritent un article à part entière, nous ne les développerons donc pas ici, nous contentant de mentionner aujourd’hui son énergie pour lutter contre l’arianisme, le monophysisme, le pélagianisme, et défendant l’indépendance du Siège apostolique.
« Les mœurs de Gélase 1er répondaient à sa doctrine, qui était toute sainte. Il regardait la dignité dont il était revêtu, non pas comme un moyen de domination, mais comme une véritable servitude. Son occupation continuelle était la prière et la méditation des Saintes Ecritures. Il se plaisait en la compagnie des serviteurs de Dieu ; il aimait à s’entretenir avec eux dans des choses spirituelles. Il pratiquait les mortifications et le jeûne des plus austères anachorètes ; pauvre lui-même, il nourrissait les pauvres. Sa conduite, dans les circonstances difficiles où se rencontra son pontificat, fut pleine de prudence, de modération et de douceur. Saint Gélase s’endormit dans le Seigneur le 21 novembre 496 et fut enseveli au Vatican ».
(Abbé Darras, in « Histoire générale de l’Eglise », t. XIII, pp.547-612, cité par Monseigneur Paul Guérin in « Les Petits Bollandistes » t. XIII, p. 539).
Plusieurs historiens modernes affirment que le 21 novembre 496 ne serait pas le jour de sa mort, qui serait survenue le 19, mais le jour de ses funérailles au Vatican.
Le pontificat de Saint Gélase dura 4 ans, 8 mois et 18 jours : c’est donc un pontificat relativement bref, mais il a marqué durablement la suite de l’histoire ecclésiastique.
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Ce qui est formidable, dans ce Blogue du Maître-Chat Lully, c’est la connaissance que nous acquérons sur de saints papes, évêques, prêtres, fidèles laïcs dont nous n’avions que les noms, et qui marquent l’histoire de la Sainte Eglise.
Merci de nourrir en permanence notre esprit par ces vies de saints.
Une belle page historique.