2024-249. « Il avait toute la dignité d’un évêque, sans abandonner le genre de vie et la vertu d’un moine ».
11 novembre,
Fête de Saint Martin de Tours ;
Mémoire de Saint Menne, soldat et martyr.
Statue de Saint Martin sur le dôme de la basilique Saint-Martin, à Tours
Fils d’un officier des légions romaines, Saint Martin naquit en 316 à Sabaria en Pannonie (dans l’actuelle Hongrie), où son père était en garnison. Il fut toutefois élevé dans la patrie de sa famille, à Pavie (Lombardie), et il était, selon l’usage en vigueur, destiné à servir lui aussi sous les armes.
Bien que ses parents fussent païens, dès l’âge de dix ans le jeune garçon demanda à être reçu comme catéchumène. Deux ans plus tard, ayant entendu parler des exploits des solitaires d’Orient, il rêvait de partir loin des troubles du monde pour mener la vie monastique, mais il dut se soumettre à la volonté de ses parents et fut enrôlé dans l’armée. Ce qui ne l’empêchait pas de s’exercer à la pratique des saintes vertus évangéliques.
Charité de Saint Martin
(fresque dans l’église Saint-Martin d’Unteressendorf, Bade-Wurtemberg)
C’est lorsqu’il avait dix-huit ans, alors qu’il était en garnison à Amiens, dans le nord de la Gaule, que se situe l’épisode célèbre entre tous de la rencontre, un jour d’hiver, avec le pauvre nu et grelottant de froid à l’une des portes de la ville.
Comme personne n’était touché de compassion à ce spectacle, et bien qu’il n’eût sur lui que son manteau, parce qu’il avait déjà distribué ce qu’il possédait en aumônes, le serviteur de Dieu saisit son épée, coupa son manteau par le milieu, en donna une partie au pauvre et se couvrit du reste, malgré les railleries de ceux qui l’entouraient.
La nuit suivante, il vit le Christ lui apparaître, vêtu de la partie du manteau dont il avait recouvert le pauvre, et Il l’entendit dire à la multitude des anges qui L’entouraient : « Martin, encore catéchumène, M’a couvert de ce vêtement ».
« Martin M’a couvert de ce vêtement »
(fresque dans l’église Saint-Martin d’Unteressendorf, Bade-Wurtemberg)
Martin fut baptisé peu après cet événement, et voulut aussitôt quitter l’armée pour devenir moine. Il dut cependant céder aux instances de son tribun et resta dans le monde, tout en étant moine au fond de lui-même. Il n’obtint son congé que bien des années après, alors qu’il était devenu officier de la garde impériale (juillet 356).
Il se précipita alors à Poitiers, pour s’attacher à la personne du grand Saint Hilaire (cf. > ici et > ici), qui, avant d’être envoyé en exil en Phrygie, l’ordonna exorciste, et lui donna sa bénédiction pour aller vivre seul dans un endroit retiré.
Avant de mettre son projet à exécution, Martin partit pour la Pannonie, afin de convertir ses vieux parents. Il amena sa mère à la foi et, trouvant ces régions de l’Illyricum agitées par les querelles autour de l’arianisme, il engagea presque seul la lutte contre les hérétiques, en fidèle disciple de son père spirituel, Saint Hilaire.
Après avoir souffert bien des mauvais traitements, il revint en Italie, à Milan, où il apprit que les Eglises des Gaules étaient également dans le trouble depuis l’exil de Saint Hilaire, aussi décida-t-il de rester sur place, dans une cellule solitaire, pour se livrer enfin à la vie contemplative, à laquelle il aspirait depuis tant d’années.
Mais, là encore, il se trouva en butte aux ariens et, chassé par l’évêque hérétique de Milan, Auxence, il partit se réfugier dans une petite île de la côte Ligure, Gallinaria.
Ligugé : l’abbaye Saint-Martin (état actuel)
Dès qu’il apprit que Saint Hilaire avait regagné Poitiers, Martin courut le rejoindre et s’installa dans une étroite cellule, à Ligugé, situé à environ deux lieues de la ville.
La vie monastique était alors à ses débuts en Gaule, et Saint Martin en fut presque l’initiateur. En outre, son zèle pour les œuvres saintes et pour la prière lui permit d’acquérir rapidement la science des moines les plus expérimentés d’Orient, et d’autres aspirants à la vie angélique ne tardèrent pas à se joindre à lui pour devenir ses disciples.
Une dizaine d’années plus tard, le siège épiscopal de Tours étant vacant, le clergé et les fidèles de la ville parvinrent, à l’aide d’un stratagème, à arracher le serviteur de Dieu à sa solitude et à le faire consacrer évêque malgré lui (371).
Ce changement d’état ne lui fit en rien modifier sa manière de vivre : même humilité d’âme, même pauvreté dans les vêtements et la nourriture : « Il avait toute la dignité d’un évêque, sans abandonner le genre de vie et la vertu d’un moine », écrit son biographe, Saint Sulpice Sévère.
Saint Martin renonça même à loger dans la riche demeure épiscopale, et il s’installa dans une cellule proche de l’église, mais, comme il était constamment dérangé par les visiteurs dans ses saintes occupations, il se retira dans un ermitage situé dans un lieu désert, à deux milles de la cité : ce lieu allait devenir le célèbre monastère de Marmoutier. L’évêque habitait une cellule en bois, et les nombreux frères qui vinrent se joindre à lui établirent leurs demeures dans des grottes de la montagne qui surplombait l’endroit.
Il y avait là environ quatre-vingts moines qui vivaient dans une parfaite pauvreté évangélique. Ne possédant rien en propre, ils étaient unis par la charité fraternelle, ne travaillant que le temps qui était nécessaire pour subvenir à leurs besoins, car ils consacraient leurs jours et leurs nuits à la prière et à la méditation, sous la direction paternelle de Saint Martin.
Sacre de Saint Martin
(fresque dans l’église Saint-Martin d’Unteressendorf, Bade-Wurtemberg)
Epris de solitude, le serviteur de Dieu n’en était pas moins un évêque conscient de sa mission apostolique dans cette Gaule encore partiellement christianisée, car si l’Evangile était bien implanté en milieu urbain, les campagnes étaient encore très largement adonnées aux cultes idolâtres et aux superstitions.
Ce fut Martin qui organisa le premier des paroisses rurales dans son diocèse. Il parcourait les campagnes en proclamant le message du salut, confirmant la vérité de ses paroles par de nombreux miracles, et amenant les populations païennes à détruire d’elles-mêmes les temples des idoles pour les remplacer par des églises.
La réputation de thaumaturge de l’évêque de Tours s’étendit bien au-delà des limites de son diocèse, si bien qu’on a pu l’appeler « l’apôtre des campagnes ». Partout où il passait, en effet, les miracles abondaient, les malades guérissaient, les morts ressuscitaient, les incrédules trouvaient la foi, comme si le Christ lui-même était présent à nouveau dans la personne du saint évêque.
Saint Martin ressuscite un mort
(fresque dans l’église Saint-Martin d’Unteressendorf, Bade-Wurtemberg)
Sa réputation était si grande que son autorité s’imposait même aux plus hauts personnages.
A trois reprises, il se rendit à Trèves, résidence de l’empereur d’Occident, pour intercéder en faveur de son peuple ou pour obtenir de l’empereur Maxime – qui usurpa le pouvoir de 383 à 388 – la grâce pour certains hérétiques du parti de Priscillien, lesquels avaient été condamnés à mort.
Le saint prélat gardait à la cour la même attitude noble et assurée qui témoignait partout de sa familiarité avec Dieu, et il ne craignit pas de manifester à l’empereur la prééminence de la dignité épiscopale sur le pouvoir temporel, ce qui provoqua une telle admiration chez l’impératrice qu’elle insista pour le servir à table comme une humble servante.
Dans les campagnes auprès des paysans comme à la cour, dans la solitude de son monastère comme dans son évêché, Saint Martin faisait toujours preuve d’une humilité et d’une charité exemplaires. Persévérant toute sa vie dans le jeûne et la veille, « l’élan de son âme était sans cesse tourné vers le ciel ».
« Jamais Martin n’a laissé passer une heure, un moment sans se livrer à la prière ou sans s’absorber dans la lecture. Que ce soit en lisant ou en s’adonnant à toute autre occupation, il ne cessait de prier Dieu… Jamais personne ne le vit s’irriter, ni s’émouvoir, ni s’affliger, ni rire. Toujours un, toujours le même, le visage resplendissant d’une joie pour ainsi dire céleste, il semblait échapper aux lois de la nature humaine. Dans sa bouche, rien d’autre que le Nom du Christ ; dans son âme, rien que l’amour, la paix et la miséricorde ».
Comme Notre-Seigneur Jésus-Christ Lui-même et tous Ses fidèles disciples, le saint dut cependant subir des épreuves de la part de certains de ses collègues dans l’épiscopat, qui étaient jaloux de ses faveurs auprès des grands et parmi le peuple. Il endura calomnies, mépris, injustes accusations, même de la part de ses proches, mais jamais il ne se départit de sa sérénité et de sa charité.
Candes Saint-Martin (diocèse de Tours) :
la collégiale Saint-Martin érigée à l’emplacement de la mort de Saint Martin
S’étant rendu, malgré ses quatre-vingt-un ans, dans une de ses parois ses rurales – Candes, aujourd’hui Candes Saint-Martin – pour en réconcilier les clercs, le saint évêque tomba malade. Il rassembla alors ses disciples et leur annonça sa mort prochaine. Comme ceux-ci se lamentaient et le suppliaient de ne pas les laisser orphelins, Martin leur répondit en se tournant vers le Seigneur : « Seigneur, si je suis encore nécessaire à Votre Eglise, je ne me dérobe point à la peine. Que Votre volonté soit faite ! »
Refusant tout réconfort, il persévéra jusqu’à la fin dans la prière. Allongé sur un lit de cendres, couvert d’un cilice, il disait : « Il ne convient pas qu’un chrétien meure autrement que sur la cendre. Si je vous laissais un autre exemple, j’aurais péché ».
Comme le diable lui apparaissait pour le tenter une dernière fois, le saint le railla, en disant : « Tu ne trouveras rien en moi qui t’appartienne, maudit ! C’est le sein d’Abraham qui va me recevoir ».
C’est en prononçant ces paroles qu’il rendit son âme à Dieu. Son visage s’illumina alors comme le visage d’un ange : « Son aspect était tel qu’il semblait se montrer dans la gloire de la résurrection future et dans la nature d’une chair transfigurée ».
Mort de Saint Martin
(fresque dans l’église Saint-Martin d’Unteressendorf, Bade-Wurtemberg)
Cette très sainte mort arriva le 8 novembre 397. Son corps fut aussitôt transféré à Tours, où ses funérailles eurent lieu, en présence d’une multitude de fidèles accourus des villes et des campagnes environnantes, le 11 novembre, jour qui depuis lors est devenu celui de sa fête.
Saint Martin est le premier confesseur (non martyr) à avoir été l’objet d’un culte public en Occident.
Ses reliques attirèrent à Tours, pendant de nombreux siècles, des foules de pèlerins, et les miracles qui se produisaient à son tombeau, dont il put être le témoin oculaire, contribuèrent grandement à amener le Roi Clovis vers le christianisme.
Sa vie et l’influence qu’il exerça encore après sa mort vont donc de lui, à juste titre, « l’Apôtre des Gaules » et l’un des plus importants parmi les saints protecteurs de la France.
Voir aussi :
- Les litanies de Saint Martin > ici
- Une chronique montrant que Saint Martin n’avait pas « l’esprit du concile » > ici
Tombeau de Saint Martin
(crypte de la basilique Saint-Martin, à Tours)
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Une bien belle vie.
Bravo, cher frère, d’avoir ajouté cette brève vie de Saint Martin, bien illustrée par ces fresques.
Ce texte est un vrai guide pour ses dévots qui voudraient aller un jour dans leur vie en pèlerinage jusqu’à son tombeau.