2024-187. Celui qui a reçu la charge du ministère a le grave devoir de conduire ses fidèles vers le salut et de les sanctifier pour les amener à la vie éternelle, et aux fidèles incombe le grave devoir de prier pour leurs pasteurs.

4 septembre,
Octave de notre Bienheureux Père Saint Augustin (double majeur) ;
Mémoire de Sainte Rosalie de Palerme, vierge (cf. > ici) ;
Anniversaire de la mort de Mère Anne-Marie de Jésus Crucifié, calvairienne (+ 4 septembre 1653 – cf. > ici).

       A l’occasion de la fête de Saint Augustin, nous avons publié le premier des deux sermons qui nous sont parvenus prononcés à l’occasion de l’anniversaire de son sacre (sermon CCCXXXIX – cf. > ici), appelé aussi premier sermon sur la charge pastorale ; à l’occasion du jour octave de cette fête, voici l’autre, qui traite du même sujet et qui a donc reçu le nom de second sermon sur la charge pastorale.
L’un comme l’autre, sous des points de vue complémentaires, nous montrent de manière fort édifiante la conscience aiguë dont le grand Docteur de l’Occident était habité des responsabilités de son ministère de successeur des Apôtres, et à ce titre, ce qu’il exprime est tout-à-la-fois une puissante leçon et un exemple stimulant pour tous ceux qui, dans la Sainte Eglise, ont charge d’âmes, en même temps qu’il décrit l’attitude spirituelle des fidèles envers leurs pasteurs légitimes.

Carl van Loo -Saint Augustin prêchant devant Valère - Basilique ND des Victoires Paris - blogue

Charles André van Loo (1705-1765) : la prédication de Saint Augustin devant Valère (milieu XVIIIème siècle)
[Basilique de Notre-Dame des Victoires, à Paris]

vignette augustinienne

Second sermon de notre

Bienheureux Père Saint Augustin

pour le jour anniversaire de son sacre

(sermon CCCXL)

La charge pastorale

§ 1. Introduction du discours : Saint Augustin sollicite instamment la prière de ses fidèles. La charge qu’il a reçu en devenant leur pasteur est pour eux, pour leur salut : il y a donc un devoir mutuel et réciproque des pasteurs et des fidèles les uns envers les autres.

   A la vérité, depuis que ce fardeau, dont j’ai à rendre un compte si difficile, est placé sur mes épaules, la pensée de ma dignité me tient constamment en éveil : toutefois je m’en sens beaucoup plus pénétré et plus ému, quand, en me renouvelant la mémoire du passé, ce jour anniversaire de mon sacre me met si vivement en présence du fardeau dont je suis chargé, qu’il me semble arriver pour m’en charger aujourd’hui seulement. Or, qu’y a-t-il à craindre dans cette dignité, sinon qu’on n’aime plus les dangers qu’elle renferme, que l’avancement de votre salut ?

   Ah ! aidez-moi donc de vos prières, afin que le Seigneur daigne porter avec moi ce fardeau qui est le Sien.
Quand vous priez pour moi, d’ailleurs, vous priez aussi pour vous, car le fardeau dont je vous parle est-il autre chose que vous ?
Priez pour moi sincèrement, comme je demande pour vous que vous ne me pesiez pas.
Jésus Notre-Seigneur n’appellerait pas ce fardeau léger, s’Il ne le portait avec quiconque en est chargé.
Vous aussi, soutenez-moi, et conformément au précepte de l’Apôtre, nous porterons les fardeaux les uns des autres et nous accomplirons ainsi la loi du Christ (Gal. VI, 2).
Ah ! si le Christ ne les porte avec nous, nous fléchissons ; et nous succombons, s’Il ne nous porte.

§ 2. L’évêque, comme ses fidèles, sont tous des rachetés : mais l’évêque est un serviteur au service du salut des fidèles, et à ce titre il doit donner l’exemple d’un plus grand amour du divin Sauveur.

   Si je m’effraie d’être à vous, je me console d’être avec vous ; car je suis à vous comme évêque, comme chrétien je suis avec vous ; le premier titre rappelle des obligations contractées, le second, la grâce reçue ; le premier, des dangers, le second, le salut ; en accomplissant les devoirs attachés au premier, nous sommes en proie aux secousses de la tempête sur une mer immense ; mais en nous rappelant quel Sang nous a rachetés, nous trouvons dans la tranquillité que nous inspire cette pensée, comme un port paisible, et tout en travaillant au devoir qui nous est propre, nous goûtons le repos de la grâce faite à tous.
Si donc je suis plus heureux d’être racheté avec vous que de vous être préposé, je ne vous en servirai que mieux, comme l’ordonne le Seigneur, pour ne pas payer d’ingratitude Celui qui m’a obtenu d’être avec vous Son serviteur.
Ne dois-je pas aimer mon Rédempteur et ne sais-je pas qu’Il a dit à Pierre : « Pierre, m’aimes-Tu ? Pais Mes brebis » (Jean, XXI, 17), et cela, une fois, deux fois, trois fois ? En lui demandant s’il L’aimait, Il le chargeait de travailler ; c’est que plus est grand l’amour, moins pèse le travail.

§ 3. La charge pastorale doit être exercée avec un amour désintéressé : le véritable pasteur rend grâces à Dieu du don qui lui a été fait par Dieu de la vocation au ministère apostolique en ne s’attribuant aucun mérite et en s’acquittant humblement de son travail de salut et de sanctification des âmes qui lui sont confiées.

   « Que rendrai-je au Seigneur pour tous les biens qu’Il m’a rendus ? » (Ps. CXV, 12).
Si je prétends Lui rendre en paissant Ses ouailles, je ne dois pas oublier que « ce n’est pas moi, mais la grâce de Dieu avec moi » qui accomplit ce devoir (1 Cor. XV, 10).
Comment rendre à Dieu quand, pour tout, Il me prévient ?
Et pourtant, si gratuit que soit notre amour, nous cherchons une récompense en paissant le troupeau sacré. Comment cela ? — Comment pouvons-nous dire : j’aime purement afin de pouvoir paître, et je demande à être récompensé de ce que je fais ? La chose serait impossible ; jamais le pur amour n’ambitionnerait de récompense, si sa récompense n’était Celui-là même à qui il S’attache (note : on remarque ici combien cette doctrine, que l’on retrouve souvent chez Saint Augustin, est opposée à ce que soutenait Fénelon quand il fut combattu par Bossuet). Eh ! si nous Lui témoignons, en paissant Son troupeau, notre reconnaissance pour le bienfait de la Rédemption, que Lui rendrons-nous pour la grâce d’être pasteurs ?
Il est vrai, et à Dieu ne plaise que ceci s’applique à nous, c’est notre malice personnelle qui nous rend mauvais pasteurs ; mais sans Sa grâce – et puisse-t-Il nous accorder celle-là -, nous ne saurions être bons pasteurs. Aussi « vous prions-nous et vous commandons-nous », mes frères, « de ne recevoir pas en vain », non plus « la grâce de Dieu » (2 Cor. VI, 1). Rendez fructueux notre ministère : « Vous êtes le champ que Dieu cultive » (1 Cor. III, 9). Accueillez, à l’extérieur, celui qui vous plante et vous arrose ; à l’intérieur, Celui qui donne l’accroissement.

§ 4. Saint Augustin dresse un tableau saisissant de la charge pastorale et montre par là les raisons pour lesquelles il incombe aux fidèles, comme un grave devoir, de prier pour leurs pasteurs :

   Il nous faut arrêter les inquiets, consoler les pusillanimes, soutenir les faibles, réfuter les contradicteurs, nous garder des astucieux, instruire les ignorants, exciter les paresseux, repousser les contentieux, réprimer les orgueilleux, apaiser les disputeurs, aider les indigents, délivrer les opprimés, encourager les bons, tolérer les méchants, aimer tout le monde.

   Sous le poids de devoirs si importants, si nombreux et si variés, aidez-nous de vos prières et de votre soumission, obtenez que nous soyons moins flattés de vous commander que de vous rendre service.
De même, en effet, qu’il est bon pour vous que nous nous appliquions à implorer pour votre salut la divine miséricorde, ainsi faut-il que pour nous vous répandiez vos prières devant le Seigneur.
Jugerions-nous peu convenable ce qu’a fait l’Apôtre, et ce que nous savons ? Il avait un si vif désir qu’on le recommandât à Dieu dans la prière, que s’adressant à un peuple tout entier, il lui disait d’un ton suppliant : « Priez en même temps pour nous aussi …etc. » (Colos. IV, 3).

§ 5. Conclusion : Saint Augustin, appuyé sur l’exemple de Saint Paul, presse ses ouailles de ne point négliger les devoirs qui leur incombent envers leur pasteur tout donné à sa tâche de les conduire à la vie éternelle.

   Ainsi devons-nous vous dire ce qui peut nous encourager nous-mêmes et vous instruire.
S’il faut, en effet, que nous réfléchissions avec beaucoup de crainte et d’application à la manière dont nous pourrons accomplir sans reproche les fonctions de notre pontificat, vous devez également chercher à accomplir humblement et généreusement tout ce qui vous sera prescrit.

   Par conséquent, mes bien-aimés, demandons avec une égale ardeur, que mon épiscopat profite et à vous et à moi. Il me profitera, si je dis ce qu’il faut faire ; et à vous, si vous faites ce que j’aurai dit. Oui, si nous prions pour vous et si vous priez pour nous sans cesse et avec l’amour parfait de la charité, nous parviendrons heureusement, avec l’aide du Seigneur, à l’éternelle béatitude.

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