2024-164. Philippe de Champaigne, peintre du « grand siècle des âmes ».

12 août,
Fête de Sainte Claire d’Assise, vierge et abbesse (cf. > ici & > ici) ;
Anniversaire de la mort de Philippe de Champaigne, peintre (+ 12 août 1674).

Philippe de Champaigne - autoportrait

Philippe de Champaigne (1602-1674) : autoportrait
[Harvard Art Museums, Cambridge]

       Philippe de Champaigne [et il faut le prononcer « Champagne »] est l’un de nos peintres de prédilection au Mesnil-Marie, parce que nous trouvons dans ses œuvres un accomplissement spirituel inégalé.

   Ce brabançon, fils de tailleur, est né à Bruxelles, dans les Pays-Bas espagnols, le 26 mai 1602. Sa formation artistique commença vers l’âge de douze ans dans des ateliers bruxellois : elle comportait une initiation au portrait miniature, puis au paysage, en particulier avec Jacques Fouquières (1580-1659), maître renommé que, par la suite, Louis XIII chargera de peindre les villes de France. C’est vraisemblablement ce dernier qui fera venir Philippe à Paris vers 1621, après qu’il aura refusé la proposition de Rubens à travailler dans son atelier d’Anvers.
Il rencontre alors le jeune Nicolas Poussin, de six ans son aîné, qui n’est pas encore parti pour Rome.

   C’est l’époque de la construction du palais du Luxembourg. Le peintre Nicolas Duchesne (v. 1575-1628), chargé des ouvrages de peinture, y emploie Poussin et Champaigne pour réaliser des décors paysagers sur les lambris.
Dans cette décennie 1620, Champaigne réalise plusieurs tableaux pour la Reine Mère, Marie de Médicis (1575-1642). A la mort de Nicolas Duchesne (1628), Marie de Médicis lui propose le poste de premier peintre de la Reine. Il loge au palais du Luxembourg, est naturalisé français en 1629 et reprend à Paris l’atelier florissant de Nicolas Duchesne. 
Ainsi, Philippe de Champaigne a-t-il été rapidement distingué, et, en l’absence de Nicolas Poussin, installé à Rome, devient-il le principal concurrent parisien de Simon Vouet sous le règne de Louis XIII. Sa monumentale Présentation au temple de 1628-1630 le place définitivement à ce rang.

Philippe de Champaigne - Présentation au Temple 1628-1630 musée des Beaux-Arts de Dijon

Philippe de Champaigne : Présentation au Temple (1628-1630)
[musée des Beaux-Arts de Dijon]

« Dans cet important tableau, Champaigne met sa formation flamande, sensible dans la richesse des coloris, au service d’une composition ambitieuse, qui comporte déjà toutes les prémices du classicisme français à venir.
L’équilibre entre la monumentalité de l’architecture, la composition en frise et la véracité des visages, sans doute peints d’après nature, en fait le chef-d’œuvre de la jeunesse de l’artiste.

Ce tableau a été peint pour le couvent parisien des Carmélites du Faubourg Saint-Jacques à Paris. Il faisait partie d’une série de six tableaux peints pour la nef de l’église. »
(Commentaire musée des Beaux-arts de Dijon)

   Le 30 novembre 1628, Philippe de Champaigne a épousé Charlotte Duchesne (1611-1638), fille de son prédécesseur. De cette union naîtront trois enfants : Claude (1634-1642), Catherine (1636-1686) et Françoise (1637-1655).

   Il parvint bientôt à conquérir l’estime du cardinal de Richelieu (1585-1642), élevé à la pourpre romaine en 1622 et devenu principal ministre d’Etat en 1624. Ce dernier ayant entrepris la construction d’un palais, nommé à l’époque le Palais-Cardinal (actuel Palais-Royal), il en confie la décoration à Champaigne (malheureusement, la plupart de ces créations ont été détruites). Richelieu lui confia aussi les décors du dôme de l’église de la Sorbonne et lui commanda plusieurs portraits. Champaigne fut même le seul peintre autorisé à peindre le Cardinal-ministre en habit de cardinal : il le représentera onze fois.

Philippe de Champaigne - triple portrait du cardinal de Richelieu v. 1640 - National Gallery

Philippe de Champaigne : triple portrait du Cardinal de Richelieu (1640)
[National Gallery, Londres]

Ce triple portrait a été conçu comme modèle pour une statue en pied du cardinal
et envoyé à Rome vers 1642 au sculpteur italien Francesco Mochi (1580-1654).

   Philippe de Champaigne est l’un des membres fondateurs de l’Académie royale de peinture et de sculpture en 1648.
A titre personnel, de nombreux deuils familiaux (morts de son épouse en 1638, de son fils Claude en 1642, de son cousin et collaborateur en 1650 et enfin de sa fille cadette Françoise en 1655), vont l’ancrer dans une vie religieuse profonde et fervente.
Il est proche des milieux jansénistes (qui ne sont pas encore les rebelles obstinés qu’ils deviendront sous la seconde partie du règne de Louis XIV ni le mouvement politique en lequel ils dégénèreront au XVIIIème siècle). C’est ainsi qu’il peint les portraits de plusieurs des grandes figures du mouvement qui gravite autour des abbayes de Port-Royal, à Paris et aux Champs
.
Sa fille Catherine elle-même entrée comme moniale à Port-Royal en 1656 fut atteinte d’une paralysie des jambes, dont la guérison sera considérée comme un miracle : son père peindra à cette occasion un Ex-voto très dépouillé qui peut être considéré comme un exemple abouti de la représentation de la spiritualité en peinture.

Philippe de Champaigne ex-voto de 1662 - Louvre

Philippe de Champaigne : ex-voto de 1662
Le titre original est : La mère Catherine-Agnès Arnauld et la sœur Catherine de Sainte Suzanne Champaigne, fille de l’artiste.

Le peintre a voulu représenter le moment où Mère Agnès Arnauld reçut la révélation de la guérison de Sœur Catherine.
L’inscription peut se traduire ainsi :

« Au Christ unique médecin des âmes et des corps,
la sœur Catherine Suzanne de Champaigne, après une fièvre de 14 mois qui avait effrayé les médecins par son caractère tenace et l’importance de ses symptômes, alors que même la moitié de son corps était paralysée, que la nature était déjà épuisée, que les médecins l’avaient déjà abandonnée, s’étant jointe de prière avec la Mère Catherine Agnès, en un instant de temps, ayant recouvré une parfaite santé, s’offre à nouveau,
Philippe de Champaigne, cette image d’un si grand miracle et un témoignage de sa joie, a présenté en l’année 1662 ».

   A la fin de sa vie, Philippe de Champaigne est professeur à l’Académie et donne de nombreuses conférences consacrées à la peinture et comportant des analyses des grands maîtres du passé. Aucun texte de sa main ne nous est parvenu, mais seulement des transcriptions de l’historien André Félibien (1619-1695).
Il s’est éteint à Paris, le 12 août 1674, dans sa septante-troisième année, célèbre et révéré. L’obituaire de Port-Royal le mentionne comme « bon peintre et bon chrétien ».

   Philippe de Champaigne, essentiellement peintre de scènes religieuses, se situe au sommet de la hiérarchie des genres de l’époque.
D’un point de vue stylistique, il est parvenu à concilier sa première formation, flamande, qui apparaît nettement dans sa manière de traiter les paysages, et le classicisme français, dont il est un des initiateurs avec Simon Vouet, Nicolas Poussin et Claude Lorrain, « classicisme qui se caractérise par la quiétude expressive, l’importance du dessin sous-jacent, la retenue chromatique qui ne le conduit cependant pas à la monotonie. Comme Poussin, il sait parfaitement illuminer ses compositions avec des vêtements de couleurs vives (bleu, rouge, jaune) dans un ensemble beaucoup plus sage. Le portraitiste subtil de Richelieu et des chefs de file de Port-Royal s’intéresse à la psychologie et peut faire apparaître sur un visage les incertitudes de l’intériorité » (extrait d’un commentaire non signé trouvé sur Internet).
Pour nous, très humbles amateurs, nous trouvons dans sa peinture religieuse, poignante sans théâtralité excessive, une force qui va jusqu’aux tréfonds de l’âme et exprime avec une véritable perfection la profondeur de ce « sentiment religieux » de la France du « grand siècle des âmes » (cf. Henri Brémond).

Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur.

Portrait de Philippe de Champaigne par son neveu Jean-Baptiste 1668 - Louvre

Portrait de Philippe de Champaigne par son neveu Jean-Baptiste de Champaigne (1631-1681)
[musée du Louvre] :
Il s’agit ici d’une réplique d’un autoportrait disparu, réalisée par le neveu de l’artiste ;
ce tableau avait été donnée à l’Académie royale de Peinture et de Sculpture par le graveur Rousselet en 1682.

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2 Commentaires Commenter.

  1. le 13 août 2024 à 8 h 54 min Goës écrit:

    Merci pour cette présentation.

  2. le 13 août 2024 à 5 h 28 min Abbé Jean-Louis D. écrit:

    Merci pour cette présentation de Philippe de Champaigne, très instructive.

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